Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2000‑029, CPPM‑2000‑030, CPPM‑2000‑031, CPPM‑2000‑032, CPPM‑2000‑052, CPPM‑2000‑062

Faits pertinents et plainte

Le plaignant allègue que plusieurs policiers militaires :

  1. ont fait de fausses déclarations concernant une affaire criminelle. Plus particulièrement, ils ne se sont pas acquittés de leur devoir, ont commis une entrave à la justice et ont abusé de leur autorité;
  2. ont procédé à une enquête sans l'autorisation des autorités compétentes, se rendant ainsi coupables d'abus d'autorité, d'entrave à la justice et de désobéissance à un ordre légitime;
  3. ont procédé à une enquête sur des allégations de destruction illégale de documents confidentiels et n'ont pas interviewé tous les témoins pertinents, se rendant ainsi coupables d'entrave à la justice, de dissimulation et de comportement non professionnel;
  4. savaient qu'il y avait eu un incident inapproprié et ne l'ont pas rapporté, ont menti au représentant du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, ont indûment retardé une enquête, se rendant ainsi coupables d'abus d'autorité, d'entrave à la justice et de complicité à un crime;
  5. ont rejeté deux de ses plaintes et en ont mis deux en suspens, se rendant ainsi coupables d'abus d'autorité, d'entrave à la justice et de fausse déclaration;
  6. ont retardé l'enquête sur les allégations selon lesquelles la Police militaire ait utilisé abusivement les équipements pendant les inspections officielles et ont contribué à dissimuler certains éléments afin de minimiser l'enquête du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, se rendant ainsi coupables de complot en vue de dissimuler certains éléments, d'abus d'autorité et de manquement au devoir;
  7. ont procédé, de manière inappropriée, à l'enquête sur les allégations d'utilisation abusive des équipements pendant les inspections officielles.

Décision du Grand prévôt des Forces canadiennes

Dans cette affaire, les sept plaintes ont été déposées auprès du Grand prévôt des Forces canadiennes. En ce qui concerne les plaintes 1 et 2, le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) a décidé de ne pas procéder à une enquête et a informé le plaignant de son droit de demander au Grand prévôt des Forces canadiennes de réviser cette décision s'il n'était pas satisfait. Une enquête des Normes professionnelles, relativement aux plaintes 3, 4 et 6, a révélé que les policiers militaires avaient agi professionnellement, raisonnablement et conformément aux politiques de la Police militaire. En ce qui a trait à la plainte 5, le plaignant a été prévenu que l'enquête était mise en suspens jusqu'à la conclusion de l'enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Aucune enquête n'a été demandée pour la plainte 7 étant donné qu'il a été établi que le policier militaire en question accomplissait une tâche administrative et qu'il ne s'agissait pas d'une fonction de nature policière.

Le plaignant a demandé à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (« la Commission ») de réviser son dossier.

Conclusions et recommandations de la présidente de la Commission

A - Plaintes 1 et 2

La Commission ne peut examiner les deux premières plaintes puisque les événements se sont produits avant sa création, soit avant le 1er décembre 1999. C'est le Grand prévôt des Forces canadiennes qui a la responsabilité d'appliquer les procédures qui existaient avant le 1er décembre 1999.

B - Plainte 3

Un examen de la documentation a révélé que les faits ne soutenaient pas la troisième allégation du plaignant, à savoir que la Police militaire avait décidé d'enquêter sur les allégations de destruction illégale de documents confidentiels contenant des renseignements personnels seulement après que l'affaire ait été rapportée au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

Le policier militaire qui a enquêté sur l'allégation de destruction illégale a conclu qu'elle n'était pas prouvée. Toutefois, son superviseur aurait dû revoir l'enquête et ordonner une enquête plus détaillée, s'il estimait que certains aspects avaient été négligés. Il aurait dû informer le plaignant des conclusions de l'enquête. De plus, le superviseur n'a pas remarqué que l'enquêteur n'avait pas interviewé plusieurs témoins importants, ce qui n'est pas conforme aux politiques et aux meilleures pratiques policières.

Pour sa part, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a conclu que l'allégation de destruction illégale de documents contenant des renseignements personnels était bien fondée. Il n'a toutefois pas la compétence pour décider si un délit a été commis ou non, et sa loi constitutive lui interdit de divulguer des renseignements relatifs à une enquête. La présidente a estimé qu'il était troublant que l'enquête sur cette allégation ait donné lieu à des conclusions différentes.

Le plaignant a précisé que certaines preuves (documents confidentiels) avaient été enterrées dans une décharge municipale. La présidente a conclu qu'étant donné que ces documents étaient irrécupérables, on pouvait comprendre pourquoi ils n'avaient pas été considérés comme élément de preuve lors de l'enquête.

Le plaignant a également prétendu que son affidavit n'avait pas été pris en considération pendant l'enquête. Cependant, un examen de la documentation démontre que son affidavit a été pris en considération et une partie a même été incluse aux rapports d'enquête.

Les allégations du plaignant relatives à l'entrave à la justice et au complot pour dissimuler la destruction illégale n'étaient pas corroborées. Pour prouver une entrave à la justice, il faut établir que le but de l'action était de sciemment entraver, de détourner ou de faire obstacle à la justice. De plus, pour prouver un complot, il faut qu'il y ait l'intention et un accord entre deux personnes ou plus pour agir légalement avec des moyens illégaux ou pour agir illégalement. Une fois que les parties se sont entendues pour faire quelque chose, il s'agit d'un complot, même si elles ne mettent pas leur projet à exécution.

Le manque de coopération du plaignant avec l'enquête des Normes professionnelles était regrettable. Toutefois, cela ne libère pas le policier militaire de sa responsabilité de procéder à une enquête en interrogeant, entre autres, tous les témoins pertinents, selon les Politiques de la police militaire, A‑SJ‑100‑004/AG‑000, chapitre 9 Enquêtes de la police militaire - généralités.

Il incombait au superviseur de réviser l'enquête et de répondre à la plainte. Il assumait une fonction de nature policière au sens des alinéas 2b), 2h) et 2g) du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires. Il n'accomplissait pas une tâche administrative au sens où l'entend le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles). Une enquête devrait être menée sur les allégations du plaignant concernant le superviseur. En outre, en qualifiant l'action du superviseur de tâche administrative, le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) a référé à la Loi sur la défense nationale de façon incorrecte en ne précisant pas les articles pertinents.

Recommandations

Étant donné les conclusions divergentes du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, et le fait que tous les témoins pertinents n'ont pas été interviewés, l'enquête sur la destruction des documents contenant des renseignements personnels devrait être reprise par le Grand prévôt des Forces canadiennes.

Le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) a interprété de façon erronée les alinéas 2b), 2h) et 2g) du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires. Il devrait donc réexaminer les allégations du plaignant relativement au superviseur du policier militaire.

Enfin, lorsqu'on fait référence à une loi dans un rapport d'enquête, il faut citer les articles en question car c'est le devoir du Grand prévôt des Forces canadiennes d'informer de façon claire et d'assister les plaignants lorsqu'ils portent plainte.

C - Plainte 4

L'allégation du plaignant relativement au fait qu'on lui aurait menti sur l'incident porté à l'attention de la Police militaire n'était pas fondée puisque le policier militaire avait en réalité informé les membres de son détachement.

De plus, l'allégation du plaignant comme quoi le policier militaire aurait menti au représentant du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'était pas fondée, car les deux personnes ne s'étaient jamais parlé. Néanmoins, l'allégation du plaignant est en partie bien fondée puisqu'il avait été effectivement induit en erreur à propos de la date d'achèvement de l'enquête. Cette conduite n'était pas malveillante et résultait seulement de la situation personnelle du policier militaire. L'allégation d'abus de pouvoir n'était pas corroborée, vu qu'elle ne correspondait pas à la définition d'un « exercice illégal ou inutile de l'autorité ». En outre, même si le policier militaire avait manqué de diligence dans son travail à cause de sa situation personnelle, ses actions n'ont pas entravé la justice comme le prétend le plaignant et elles ne constituaient pas un acte criminel ni n'impliquaient la participation à un crime, dans la mesure où il n'a pas agi délibérément avec une intention spécifique. Toutefois, le retard aurait dû être porté plutôt à l'attention du superviseur du policier militaire. Cette omission a également contribué au retard déraisonnable de l'enquête. La présidente était satisfaite d'apprendre qu'une séance d'information hebdomadaire avec tous les enquêteurs avait été mise en place pour prévenir de tels retards à l'avenir.

Enfin, l'allégation du plaignant selon laquelle le retard qu'avait provoqué le policier militaire constituait un crime parce que le délai de prescription pouvait ainsi courir et cela permettait d'accorder l'immunité à certains policiers concernés, n'était pas corroborée. Même si une enquête s'est déroulée en retard et en dehors du délai de prescription, cela ne constituerait pas, en soi, un acte criminel ou la participation à un crime. Dans le cas présent, pour qu'il y ait responsabilité criminelle, il aurait fallu que le policier en question agisse délibérément avec l'intention d'entraver ou de participer à une entrave à la justice ou, agisse sous un motif répréhensible.

Le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) a conclu, après son enquête, que le policier militaire avait agi avec professionnalisme et que son superviseur avait examiné sa conduite. Cependant, selon l'alinéa 250.29c) de la Loi sur la défense nationale et à la suite de la décision de la Cour de l'Ontario dans l'affaire Southam c. le Procureur général du Canada [1997] R.O.J. (3e) 721, le plaignant aurait dû recevoir un résumé des mesures prises ou projetées pour régler sa plainte. Si les allégations d'inconduite professionnelle étaient fondées, le plaignant aurait dû être informé des mesures prises pour traiter l'inconduite ou des mesures qui devraient être prises pour empêcher d'autres situations similaires de se présenter. Si le plaignant ne reçoit pas un tel rapport, il peut avoir du mal à croire que justice a été rendue. Informer le plaignant que les actions du policier militaire seraient traitées par sa chaîne de commandement ne répondait pas à cette exigence. Le résumé des mesures prises est important pour que le public considère le processus transparent, ouvert et pour qu'il ait confiance dans le système de justice militaire en général.

Recommandation

Un programme assurant le suivi des enquêtes de la Police militaire devrait être mis en place par le Grand prévôt des Forces canadiennes pour empêcher des retards indus dans les enquêtes futures.

Les plaignants devraient être avisés dès que possible de toute mesure prise ou projetée pour régler les plaintes y compris toute action entreprise relativement au policier militaire en question.

D - Plainte 5

Le plaignant a été informé que la Commission n'avait pas compétence pour examiner deux de ses plaintes. On l'a informé de son droit de saisir le Grand prévôt des Forces canadiennes. Il n'y a pas eu d'abus d'autorité, d'entrave à la justice ou de fausse déclaration de la part du policier militaire qui a respecté les procédures.

De plus, le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) a eu raison de mettre l'affaire en suspens pendant que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes l'examinait. Cette action n'équivalait pas à un abus de pouvoir ni à une entrave à la justice ou une fausse déclaration de la part de la Police militaire.

E - Plaintes 6 et 7

L'allégation du plaignant relativement à une dissimulation des activités de la Police militaire n'était pas fondée. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'a pas divulgué les documents d'enquête ni le rapport final parce que la loi l'interdit, et non pas parce que la Police militaire l'aurait influencé.

De plus, l'allégation d'abus de pouvoir pendant l'enquête sur l'utilisation abusive des équipements n'était pas corroborée. Le comportement du policier militaire relativement à l'allégation du plaignant était approprié.

Toutefois, la présidente n'était pas d'accord avec la conclusion du Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles)selon laquelle le policier qui répondait à la plainte par écrit, mais qui ne menait pas l'enquête, accomplissait une tâche administrative. Le superviseur qui examine le travail accompli par l'un de ses enquêteurs et qui répond au plaignant assume une fonction de nature policière. Le superviseur devrait être tenu responsable du contrôle de la qualité de l'enquête.

Recommandation

Le policier militaire qui a répondu au plaignant assumait une fonction de nature policière, il n'accomplissait pas une tâche administrative. Ainsi, la plainte déposée contre lui devrait être traitée par le Grand prévôt des Forces canadiennes.

Réponse de la présidente à la suite de la notification du Grand prévôt des Forces canadiennes

Le Grand prévôt des Forces canadiennes a accepté toutes les conclusions et recommandations de la présidente.

La présidente a noté avec satisfaction que le Grand prévôt des Forces canadiennes procédait à la mise en œuvres du Système d'information - Sécurité et police militaire afin d'aider les responsables à assurer le suivi des enquêtes.

En outre, le Grand prévôt des Forces canadiennes a informé la présidente que les plaignants seraient tenus au courant des résultats de l'enquête, ainsi que des mesures prises ou projetées relativement au traitement des plaintes. Cela concorde avec l'article 250.29 de la Loi sur la défense nationale qui exige la divulgation de cette information.

En ce qui concerne le devoir du Grand prévôt des Forces canadiennes d'assister le plaignant, la présidente a noté que l'alinéa 250.21(2)b) de la Loi sur la défense nationale ne se limite pas à l'envoi au plaignant d'un accusé de réception. On doit prêter assistance au plaignant et lui expliquer les étapes subséquentes du processus. La Police militaire doit également orienter les plaignants vers les organismes adéquats lorsque la plainte ne relève pas de sa compétence. On retrouve la définition du devoir d'assistance à l'alinéa 2(1)b) du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires qui établit les fonctions policières en vertu de la Partie IV de la Loi sur la défense nationale.

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