Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2000‑038

Faits pertinents et plainte

Le plaignant, qui s'apprêtait à faire une livraison dans le cadre de son emploi civil, a été intercepté à bord de son véhicule par la Police militaire qui souhaitait discuter de l'implication possible du véhicule dans une infraction criminelle. De plus, une vérification avait révélé un problème d'immatriculation. Le policier militaire a alors déclaré au plaignant que son véhicule serait saisi. Il a ensuite été escorté jusqu'à ce qu'il ait terminé sa livraison, après quoi les policiers l'ont emmené au détachement pour l'interroger.

Le plaignant affirme 1) qu'il a été arrêté ou détenu illégalement et qu'il a été obligé de demander qu'on lui explique l'infraction commise, 2) qu'on lui a dit à tort qu'il était accusé d'avoir commis une infraction criminelle, et 3) qu'il a été accusé d'avoir commis plusieurs infractions au Code de la route parce qu'il a refusé d'admettre qu'il avait commis une infraction criminelle.

Décision du Grand prévôt des Forces canadiennes

Le Grand prévôt des Forces canadiennes a ordonné la tenue d'une enquête des Normes professionnelles.

En ce qui a trait à l'allégation selon laquelle le plaignant a été arrêté illégalement, l'enquête a déterminé qu'une personne raisonnable n'appuierait pas une telle allégation. Le plaignant avait accepté de monter dans la voiture de patrouille parce qu'il pleuvait et qu'il n'avait pas été arrêté.

Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le policier militaire lui a menti, l'enquête a permis de déterminer qu'il y a eu malentendu entre le policier militaire et le plaignant. Le policier militaire lui a transmis des informations erronées, mais il ne lui a pas menti.

En ce qui concerne l'allégation selon laquelle un nombre excessif de contraventions au Code de la route aurait été remises au plaignant, il a été déterminé qu'une personne tiendrait compte de cette allégation et que le policier militaire aurait pu utiliser sa discrétion de façon plus judicieuse. Il a également été établi que le comportement du policier était discutable et que cette question serait soumise à son supérieur pour qu'il prenne les mesures correctives nécessaires.

Le plaignant a demandé à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (« la Commission ») de réviser le dossier.

Conclusions et recommandations de la présidente de la Commission

A - Instructions pour l'enquêteur

Les problèmes et les allégations soulevés par le plaignant ont été mal interprétés et n'ont été que partiellement adressés dans les instructions pour l'enquêteur. Ainsi, le résumé contenu dans le rapport d'enquête et dans la lettre de disposition est inexact et ne traite pas des préoccupations du plaignant.

Malgré l'imprécision des instructions pour l'enquêteur, certaines des questions soulevées par le plaignant absentes des instructions, par exemple, la détention du plaignant et le nombre exagéré de contraventions parce qu'il n'avait pas voulu avouer une infraction criminelle, ont quand même fait l'objet de l'enquête. Malheureusement, les observations et les recommandations formulées dans le rapport d'enquête n'ont pas été rapportées dans la lettre de disposition.

Recommandations

Les problèmes soulevés par un plaignant doivent être abordés adéquatement dans les instructions pour l'enquêteur et on devrait communiquer avec le plaignant pour clarifier toute incertitude. Si, après vérification, la plainte doit être modifiée, les changements apportés doivent être documentés et ensuite acceptés par le plaignant, par écrit si possible. Les plaignants doivent être assistés lorsqu'ils formulent leur plainte.

B - Mesures prises après l'enquête menée par le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles)

Le résumé des mesures projetées à l'égard du policier militaire visé par la plainte était vague, ne respectait pas le sens et l'esprit de la loi et ne répondait pas au besoin du plaignant de voir à ce que justice soit rendue.

Recommandation

Le plaignant devrait être informé de toute mesure prise ou projetée à l'égard du policier militaire faisant l'objet de la plainte.

De plus, le plaignant devrait être informé de tous les correctifs apportés suite à la révision de la Commission. Dans le présent cas, les superviseurs du policier visé par la plainte devraient tenir compte du fait que ce dernier a illégalement placé le plaignant en détention et qu'il lui a remis des contraventions parce qu'il a été incapable d'obtenir un aveu.

C- Allégation 1 - Arrestation et détention illégales et absence de détails sur l'infraction reprochée jusqu'à ce que le plaignant en fasse la demande

  1. Volonté de monter dans la voiture de patrouille et de répondre à des questions

    L'enquête des Normes professionnelles a permis d'établir que le plaignant avait été détenu, mais qu'il n'avait pas été arrêté. Toutefois, l'enquête ne traite pas de la légalité de la détention et l'allégation demeure donc litigieuse. De plus, le policier militaire n'a pris aucune note de la conversation qu'il a eue avec le plaignant relativement au choix de ce dernier de monter ou non dans la voiture de patrouille et s'il avait été question de recourir aux menottes pour refus d'obtempérer.

    La conclusion selon laquelle le plaignant a accepté de son plein gré de monter dans la voiture de patrouille et de se soumettre à un interrogatoire est sans fondement. Il semble que le plaignant n'a pas eu d'autre choix que de monter dans la voiture et qu'on ne lui a jamais dit qu'il n'était pas tenu de répondre aux questions. Cet argument s'appuie également sur le fait que le plaignant a été escorté jusqu'à l'endroit de sa livraison et qu'il y a eu altercation dans l'auto-patrouille avec le policier militaire. Cela ne ressemble pas au comportement d'une personne agissant de son plein gré.

  2. Arrestation

    En ce qui a trait à l'allégation concernant l'arrestation illégale, si l'on examine objectivement toutes les circonstances entourant l'affaire, il ne semble pas que le plaignant ait été arrêté ou qu'on le lui ait dit. Selon l'arrêt de la Cour suprême R. c. Whitfield, [1970] R.C.S. 46, une arrestation consiste à saisir une personne physique ou d'y toucher dans le but de la détenir ou lorsque sont prononcés les mots nécessaires à l'arrestation, la personne s'y soumette.

    La Cour suprême a également déterminé que le policier devait avoir des motifs raisonnables et probables pour procéder à l'arrestation (R. c. Storrey, [1990] 1 R.C.S. 241 à 257). L'allégation selon laquelle le plaignant avait participé à une infraction criminelle n'était pas justifiable objectivement, et si ce dernier avait été arrêté, son arrestation aurait été illégale.

  3. Détention

    Le plaignant a, dans les faits, été détenu par le policier militaire qui a contrôlé ses mouvements en lui demandant de monter dans l'auto-patrouille pour lui remettre des contraventions au Code de la route. En escortant le plaignant pendant qu'il effectuait sa livraison, le policier militaire a prolongé inutilement sa détention. Il aurait pu également interroger le plaignant relativement à l'autre infraction à un moment plus propice. Le plaignant n'a jamais été informé du fait qu'il n'était pas tenu de répondre aux questions à ce moment précis. Les agents de police ne peuvent détenir des citoyens et les obliger à collaborer à une enquête criminelle.

    La question de savoir si le plaignant est monté dans l'auto-patrouille de son plein gré est également importante. Il a été établi que ce dernier n'avait pas l'impression d'avoir le choix. De plus, la seule mention des menottes illustre l'inégalité de pouvoir entre les parties. En outre, lorsque le plaignant a été emmené dans la salle d'interrogatoire du détachement et qu'on lui a lu ses droits, il était toujours en détention. La détention de citoyens sur une courte période, à des fins d'enquête, a été jugée raisonnable. Dans le cas présent, le plaignant a été détenu pendant une période prolongée, et donc illégalement. Le rapport d'enquête et la lettre de disposition auraient dû traiter de cette question.

D - Allégation 2 - Le plaignant est informé à tort qu'il fait l'objet d'une accusation

Le policier militaire n'a pas déposé d'accusation contre le plaignant, même s'il en a eu l'intention. Il est impossible de porter des accusations sans motifs suffisants. Le plaignant s'est trompé en croyant qu'il avait été accusé. Le policier militaire a commis une erreur, mais il n'a pas menti au plaignant lorsqu'il lui a dit qu'il serait accusé avant la fin de l'enquête.

E - Allégation 3 - Le plaignant s'est vu remettre plusieurs contraventions parce qu'il a refusé d'admettre avoir commis une infraction plus importante

Le plaignant a reçu un nombre excessif de contraventions et il semble que ce soit à cause qu'il a refusé d'avouer qu'il avait commis une infraction criminelle. Ce fait a été confirmé après avoir constaté que la plupart des contraventions ont été ultérieurement annulées lorsque le policier militaire a appris que le plaignant n'était pas responsable de cette autre infraction.

Le policier militaire n'a pas menacé de porter des accusations pour intimider le plaignant et le pousser à faire des aveux. La décision du policier militaire de remettre des contraventions est discrétionnaire. Par contre, lorsque ces contraventions sont officiellement établies, le processus judiciaire doit suivre son cours.

Recommandation

Des politiques claires devraient être établies en ce qui a trait à la remise et l'annulation de contraventions par la Police militaire, et elles devraient mettre en relief le fait que leur annulation doit passer par le processus judiciaire.

Réponse de la présidente à la suite de la notification du Grand prévôt des Forces canadiennes

Le Grand prévôt des Forces canadiennes a accepté en principe toutes les conclusions et recommandations formulées par la présidente.

La présidente est heureuse de constater qu'à la suite de sa recommandation, le Grand prévôt des Forces canadiennes a demandé au Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) de fournir aux plaignants un sommaire plus détaillé des mesures prises relativement aux plaintes.

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