Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2001‑014

Faits pertinents et plainte

Le plaignant, un membre des Forces canadiennes, a fait l'objet de deux évaluations de rendement de la part de son superviseur; la première était négative, la seconde était plus favorable. La plainte de ce membre des Forces canadiennes a entraîné une enquête pour harcèlement. À la suite de l'intervention d'un député et de celle du ministre de la Défense nationale, le plaignant a été avisé que l'évaluation négative serait retirée de son dossier et remplacée par celle qui était positive. Son superviseur s'est vu imposé des mesures disciplinaires et l'affaire devait être réglée. Cependant, l'année suivante, le plaignant a déposé une autre plainte concernant le même sujet. Il a été conclu, à la suite de la seconde enquête, qu'un inconnu avait, malencontreusement, mal informé le plaignant quant à la suppression de l'évaluation négative dans son dossier.

Le plaignant prétend que la personne chargée de mener la deuxième enquête a manqué de professionnalisme et de rigueur. Il prétend qu'elle n'a pas vérifié certains faits, qu'elle n'a pas identifié la source de l'information erronée et qu'elle a formulé des conclusions erronées. Le plaignant soutient, en outre, que l'enquêteur n'a pas suffisamment cherché à savoir pourquoi son dossier n'avait pas été consulté lors de la demande du ministère, ni si la transmission de l'information erronée était intentionnelle. Finalement, il allègue que l'enquêteur n'a pas communiqué avec lui et ne lui a demandé aucun renseignement supplémentaire avant de mettre un terme à son enquête.

Décision du Grand prévôt des Forces canadiennes

Le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) a indiqué au plaignant que, selon l'alinéa 250.28(2)c) de la Loi sur la défense nationale et compte tenu des circonstances, il était inutile ou exagérément difficile de procéder à l'enquête de sa plainte. Il a été déterminé que les questions ne justifiaient pas la tenue d'une enquête, ni ne s'inscrivaient dans le mandat du Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles). L'enquête avait déjà permis de déterminer que l'allégation était justifiée et l'identité de la personne ayant fourni l'information erronée n'était pas pertinente. De plus, l'enquêteur s'était acquittée de ses fonctions de façon satisfaisante selon le ministre de la Défense nationale et ses conclusions étaient favorables au plaignant.

Le plaignant a demandé à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (« la Commission ») de réviser son dossier.

Conclusions et recommandations de la présidente de la Commission

A- Enquête menée par un membre de la Police militaire

La présidente a remarqué que le rapport du policier militaire présentait certaines incohérences. Elle a également remis en question la décision de laisser des membres des Forces canadiennes effectuer une enquête sur l'information erronée, et s'est demandée si le policier militaire avait eu raison de ne pas donner suite à l'affaire.

Le policier militaire a conclu qu'aucune preuve ne permettait d'affirmer que quelqu'un avait sciemment induit en erreur le ministre de la Défense nationale ou le plaignant. La présidente ne comprend pas comment on avait pu arriver à une telle conclusion sans connaître la source véritable de l'information erronée. L'identification de cette personne servirait à déterminer s'il y a eu faute et, le cas échéant, de faire en sorte que les mesures appropriées soient prises pour réduire les probabilités qu'un tel incident ne se reproduise.

Le policier militaire a aussi indiqué qu'il y a eu des tables rondes pour tenter de trouver la source, mais que personne n'avait examiné le dossier. De telles méthodes d'enquête ne sont pas recommandées, et l'on comprend facilement que le plaignant en ait déduit que l'affaire avait été étouffée. Il était important d'identifier la source afin de déterminer si ses motifs étaient répréhensibles.

Recommandation

En raison de la façon discutable dont l'enquête a été menée, la présidente a conclu qu'une enquête des Normes professionnelles devait être entreprise sans tarder. Elle a donc renvoyé l'affaire devant le Grand prévôt des Forces canadiennes.

B- Décision prise par le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) de ne pas tenir une enquête

La présidente s'est montrée en désaccord avec les raisons du Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) de ne pas procéder à une enquête, (la conclusion de l'enquête était favorable au plaignant et que le ministre était satisfait du résultat). Même si le ministre était une partie intéressée dans l'affaire, le plaignant demeurait néanmoins le principal client; le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) devait donc éviter de sous-estimer le statut du plaignant. Les membres de la Police militaire doivent être en mesure d'exécuter leurs fonctions en toute autonomie.

Recommandations

L'alinéa 250.28c) de la Loi sur la défense nationale invoqué par le Grand prévôt des Forces canadiennes doit être appliqué avec prudence et dans les situations les plus manifestes. Lorsque d'importantes questions demeurent sans réponses, une enquête doit être menée pour qu'une décision éclairée soit prise. Avant de recourir à cet alinéa, il faut faire preuve d'une plus grande rigueur que celle qui a pu être observée dans ce cas afin d'éviter qu'une personne soit privée de son droit de porter plainte contre un membre de la Police militaire.

En outre, lorsque le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) avise un plaignant que certains aspects de sa plainte ne relèvent pas de son mandat ou de sa juridiction, il est aussi tenu de l'aider et de le diriger vers l'organisme approprié.

Quant aux nouvelles allégations apparaissant dans la demande de révision, la présidente a recommandé que le Grand prévôt des Forces canadiennes rencontre le plaignant afin de les préciser et de pouvoir les traiter.

Réponse de la présidente à la suite de la notification du Grand prévôt des Forces canadiennes

Le Grand prévôt des Forces canadiennes n'a pas accepté toutes les conclusions et les recommandations de la présidente.

En ce qui concerne la décision du Grand prévôt des Forces canadiennes voulant qu'il ait été raisonnable dans les circonstances, de ne pas enquêter la plainte, la présidente a fourni des exemples concrets de diverses questions qui auraient pu être approfondies dont l'identification de la source d'information erronée.

La position de la présidente diffère de celle du Grand prévôt des Forces canadiennes, à l'effet que la décision du policier militaire de ne pas examiner le dossier constituait une erreur administrative et ne justifiait pas, en soi, une enquête plus poussée. Essentiellement, le Grand prévôt des Forces canadiennes soutient que l'enquête du policier militaire avait pour but non pas de vérifier si une infraction d'ordre criminel ou militaire avait été commise, mais plutôt de corroborer l'allégation voulant que le ministre ait été mal informé. Cependant, le plaignant savait déjà que l'information était fausse; il voulait savoir qui en était l'auteur et pourquoi on avait agi de la sorte. Par conséquent, selon la présidente, le policier militaire chargé du dossier n'a pas répondu aux allégations du plaignant.

La présidente a maintenu ses recommandations initiales, espérant que le Grand prévôt des Forces canadiennes reconsidère sa décision et souscrive à sa position.

La présidente souhaitait aussi que le Grand prévôt des Forces canadiennes revienne sur sa décision de ne pas appuyer sa recommandation de faire tenir une enquête par les Normes professionnelles en raison des questions restées sans réponse et des préoccupations soulevées dans l'affaire.

La présidente a également affirmé que le Grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) devait aider tous les plaignants, même si la plainte n'est pas de son ressort. Le cas échéant, les plaignants doivent être diriger vers le ministère ou l'organisme approprié. Le Grand prévôt des Forces canadiennes a répondu que le plaignant connaissait les procédures à suivre et que, sauf à titre de courtoisie, il n'était aucunement tenu par la loi de lui porter assistance.

La présidente estime que le Grand prévôt des Forces canadiennes ne peut tenir pour acquis que certains plaignants connaissent les processus et les recours disponibles. Ces derniers doivent, au contraire, recevoir la même assistance et être traités de façon professionnelle, en conformité avec les attentes du public. En outre, l'alinéa 250.21(2)b) de la Loi sur la défense nationale n'exige pas simplement que le plaignant reçoive un accusé de réception, mais on doit lui prêter l'assistance nécessaire, par exemple en lui expliquant les étapes du processus.

Le devoir de prêter assistance au public est énoncé également à l'alinéa 2(1)b) du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires. Des plaintes peuvent être portées contre tout membre de la Police militaire qui n'a pas fourni d'aide au public. Il s'agit donc d'une obligation légale et pas simplement d'une question de courtoisie professionnelle.

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