Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2012‑006

Un soir de février 2012, deux membres de la police militaire (PM) effectuaient une opération R.I.D.E. (Reduce Impaired Driving Everywhere) dans une base des Forces canadiennes lorsqu’un véhicule a contourné le point de contrôle de la police en coupant par un terrain de stationnement adjacent. Le premier membre de la PM s’est immédiatement lancé à la poursuite du véhicule et a procédé à un contrôle routier. Le conducteur du véhicule est le plaignant dans le présent dossier.

Le premier membre de la PM a indiqué au plaignant le motif du contrôle routier. Tout au long de cette rencontre, le plaignant a parlé uniquement français et n’a pas obtempéré à l’ordre du membre de la PM de lui remettre son permis de conduire et a refusé de l’accompagner pour fournir un échantillon d’haleine au moyen d’un appareil de détection approuvé (ADA). Puisque le plaignant n’obtempérait pas à ses ordres, le premier membre de la PM a appelé le second membre de la PM pour obtenir de l’aide. Le plaignant a aussi refusé de remettre son permis de conduire au second membre de la PM.

Les membres de la PM savaient que le répartiteur de la PM de service au détachement de PM était bilingue. Ils ont utilisé leurs radios portatives et lui ont demandé de traduire leurs ordres au plaignant par radio. Comme le plaignant refusait toujours d’obtempérer à l’ordre donné en français, on l’a informé qu’il était mis en état d’arrestation pour entrave au travail des policiers. Lorsque le plaignant a résisté à la tentative des membres de la PM de lui mettre les menottes, le second membre de la PM l’a placé au sol. Le répartiteur de la PM s’est rendu sur les lieux à la demande des membres de la PM pour aider à faire en sorte que le plaignant comprenne les ordres. Lorsque le premier membre de la PM a fouillé le porte‑monnaie du plaignant pour l’identifier, le plaignant s’est fâché, affirmant que le membre de la PM n’avait pas le droit de le faire. Les membres de la PM ont estimé que les actes du plaignant ressemblaient à ceux d’une personne qui avait les facultés affaiblies et lui ont demandé de fournir un échantillon au moyen d’un ADA. Le plaignant a obtenu un résultat de zéro.

Le plaignant a ensuite été transporté au détachement de la PM où il a reçu une mise en garde en français et s’est vu offrir la possibilité de s’entretenir avec l’avocat de service qui parlait français. Peu de temps après, la conjointe de fait du plaignant s’est présentée au détachement de la PM et a été autorisée à déplacer le véhicule du plaignant.

Un troisième membre de la PM, le commandant de quart qui n’était pas en service à ce moment‑là, s’est rendu au détachement de la PM à la demande des deux autres membres de la PM. Le troisième membre de la PM a indiqué de façon très directe au plaignant ce qu’il pensait de son utilisation de la [traduction] « carte française » et était agressif lorsqu’il lui parlait et lui posait des questions.

Le plaignant a été confié à la garde de l’officier réviseur de son unité le soir même. Le dossier d’événement général (EG) de la PM a été fermé et l’affaire a été renvoyée à la chaîne de commandement du plaignant pour qu’elle prenne des mesures supplémentaires à l’égard des accusations portées en vertu de la Loi sur la défense nationale (LDN).

En août 2012, la PM a été informée que le plaignant était accusé par son unité et qu’il avait choisi d’être jugé par une cour martiale. En juin 2013, une cour martiale permanente a déclaré le plaignant coupable de deux chefs d’accusation déposés en vertu de l’article 130 de la LDN, soit d’entrave au travail d’un agent de la paix contrairement à l’alinéa 129a) du Code criminel, et il a été condamné à une réprimande et à une amende de 600 $. Le plaignant a interjeté appel de cette décision. En juin 2014, la Cour d’appel de la cour martiale a fait droit à l’appel, infirmé les verdicts de culpabilité à l’égard des deux chefs d’accusation et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Le plaignant a subi un nouveau procès relativement aux mêmes accusations, et en septembre 2015, il a plaidé coupable à l’égard de deux chefs d’accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline déposés en vertu de l’article 129 of the LDN et a été condamné à une réprimande et à une amende de 600 $.

En février 2012, le plaignant a déposé une plainte auprès de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM ou Commission) relativement à son interaction avec les trois membres de la PM. La Commission a renvoyé la plainte au Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) pour qu’il procède à un examen initial et prenne la décision appropriée conformément à l’article 250.26 de la LDN. Le délégué du GPFC en ce qui concerne les normes professionnelles (NP) de la PM est le commandant adjoint du Groupe de la police militaire des Forces canadiennes (Gp PM FC). La plainte a été suspendue en attendant l’issue de l’affaire en cour martiale et la conclusion de l’enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) menée à la suite des nouvelles allégations que le plaignant a présentées au SNEFC contre les membres de la PM désignés comme étant visés par la plainte.

En octobre 2014, le commandant adjoint du Gp PM FC a fait rapport sur le règlement de la plainte quant aux quatre allégations suivantes soulevées contre les trois membres de la PM :

  1. que les membres de la PM ont violé l’alinéa 4c) du Code de déontologie de la police militaire (Code de déontologie de la PM), qui prévoit qu’aucun policier militaire ne doit « sciemment faire, permettre ou ordonner un usage excessif de la force à l’endroit d’une personne », en agissant violemment à l’endroit du plaignant lors de son arrestation;
  2. que les membres de la PM ont violé l’alinéa 4d) du Code de déontologie de la PM, qui prévoit qu’aucun policier militaire ne doit « agir de façon discriminatoire ou manquer de courtoisie à l’endroit d’une personne pendant l’exercice de ses fonctions », en manquant de courtoisie à l’endroit du plaignant, plus particulièrement en ne tenant pas compte de ses problèmes de santé, en ne respectant pas son choix de communiquer en français et en faisant des remarques déplacées à son sujet;
  3. que les membres de la PM ont violé l’alinéa 4h) du Code de déontologie de la PM, qui prévoit qu’aucun policier militaire ne doit « sciemment supprimer, représenter faussement ou falsifier l’information contenue dans un rapport ou une déclaration », en lui mentant lors de son arrestation;
  4. que les membres de la PM ont violé l’alinéa 4l) du Code de déontologie de la PM, qui prévoit qu’aucun policier militaire ne doit « adopter une conduite susceptible de jeter le discrédit sur la police militaire ou de mettre en doute sa propre capacité de s’acquitter de ses fonctions avec loyauté et impartialité », en ne faisant pas droit à ses diverses demandes et en ne respectant pas ses droits, sa vie privée et ses biens lors de son arrestation.

Le commandant adjoint du Gp PM FC a conclu que les allégations 1 et 3 n’étaient pas fondées. L’allégation 2 était partiellement fondée parce que le troisième membre de la PM n’avait pas respecté le droit du plaignant de parler français au cours d’une entrevue avec la PM, et que les second et troisième membres de la PM avaient employé un langage déplacé à l’endroit du plaignant. L’allégation 4 était partiellement fondée contre les premier et second membres de la PM parce que le véhicule du plaignant avait été laissé sans protection pendant environ 30 minutes malgré le fait que les membres en avaient obtenu les clés.

En novembre 2014, le plaignant a présenté une demande d’examen à la CPPM, qui a toutefois suspendu son examen jusqu’en novembre 2015, en attendant la fin d’une enquête du SNEFC liée au même incident et des enquêtes en matière de NP se rapportant à des plaintes connexes. La CPPM a reçu les documents fournis dans le cadre de la communication initiale en mars 2016.

La Commission a énoncé la plainte comme se rapportant à six allégations :

  1. l’emploi d’une force excessive;
  2. le manque de courtoisie et de professionnalisme;
  3. l’omission de tenir compte des problèmes de santé allégués du plaignant;
  4. l’omission de respecter le choix du plaignant de communiquer en français;
  5. l’omission de respecter les droits, la vie privée et les biens du plaignant lors de son arrestation; et
  6. l’accusation sans motif valable.

La CPPM a jugé non vérifiées les allégations du plaignant selon lesquelles les membres de la PM ont employé une force excessive, ont omis de tenir compte de ses problèmes de santé allégués et l’ont accusé sans motif valable. Cependant, la CPPM a jugée vérifiée l’allégation du plaignant selon laquelle les membres de la PM ont manqué de courtoisie et de professionnalisme en ce qui concerne la conduite des second et troisième membres de la PM. La CPPM a aussi jugée vérifiée l’allégation selon laquelle les membres de la PM ont omis de respecter le choix du plaignant de communiquer en français en ce qui concerne la conduite du troisième membre de la PM dans la salle d’entrevue. Enfin, la CPPM a jugé que l’allégation selon laquelle les membres de la PM ont omis de respecter les droits, la vie privée et les biens du plaignant lors de l’arrestation était partiellement vérifiée en ce qui concerne la conduite des premier et second membres de la PM, en ce qu’ils ont omis de bien sécuriser le véhicule du plaignant.

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