Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2014‑051

La plainte en l’espèce découle des interactions entre des membres de la police militaire (PM) et le plaignant, un membre des Forces armées canadiennes qui a été accusé d’avoir abandonné un enfant et omis de fournir les choses nécessaires à l’existence, après qu’il eut laissé sa fille de 19 mois dans son véhicule pendant une période d’environ 3 heures.

Le matin de l’incident, l’épouse du plaignant lui a demandé de déposer sa fille à la garderie. À ce moment-là, le plaignant était exposé à un stress important, autant au travail qu’à la maison. Son épouse était atteinte d’un handicap et les arrangements relatifs à la garde de leur fille étaient difficiles. La nuit précédente, son épouse avait pris la décision de retourner dans une autre région du pays avec leur fille pour la dernière année de l’affectation du plaignant. Il n’avait pas beaucoup dormi et il s’était réveillé tôt pour s’occuper de sa fille. Il discutait de la situation avec son épouse lorsqu’il a remarqué qu’il était en retard pour le travail; elle lui a demandé d’aller reconduire leur fille à la garderie. Le siège d’auto avait récemment été placé à un autre endroit, immédiatement derrière le siège du conducteur, et ce n’est pas le plaignant qui allait porter sa fille à la garderie habituellement. Il l’a installée dans le siège d’auto, puis il a vu un message à propos d’une réunion au travail sur son appareil BlackBerry et il a quitté son domicile en voiture. Au moment où il est arrivé au travail, il avait oublié que sa fille était dans l’auto. Elle dormait et ne faisait aucun bruit. Lorsque l’épouse du plaignant s’est présentée à la garderie peu avant l’heure du dîner, elle a appris que sa fille n’avait pas été déposée. On a communiqué avec l’adjoint du plaignant et on a retrouvé sa fille dans l’auto, endormie. On a demandé au plaignant de sortir d’une réunion et on lui a parlé de la situation. Il est arrivé à son véhicule au même moment où son adjoint sortait l’enfant du siège d’auto et où son épouse arrivait dans le stationnement. La température était fraîche, mais l’enfant ne semblait pas affectée par son séjour prolongé dans le véhicule.

L’épouse du plaignant était fâchée et elle a décidé de se rendre à la maison à pied, avec sa fille. Cependant, lorsqu’elle s’est rendu compte que la distance à parcourir était trop importante pour faire le trajet à pied, elle s’est dirigée au détachement de la PM pour demander qu’on les reconduise à leur domicile. La PM, après avoir appris ce qui s’était passé, a lancé une enquête. L’épouse du plaignant a été interrogée, et un membre de la PM a eu une conversation avec l’adjoint du plaignant et a obtenu les lectures de température pour la journée. On a aussi communiqué avec le plaignant et ce dernier a accepté de se présenter au détachement la journée suivante pour y être interrogé. Lorsqu’il s’est présenté, et après qu’on l’eut informé de ses droits, il a décidé de communiquer avec un avocat, puis il a indiqué qu’il ne participerait pas à l’interrogatoire. Le lendemain, la PM a reçu l’épouse du plaignant pour un interrogatoire et elle a obtenu une déclaration écrite. La PM a subséquemment communiqué avec un membre du personnel de la garderie, qui a refusé de fournir une déclaration, ainsi qu’avec l’adjoint du plaignant, qui a fait de même. La PM a ensuite rédigé une dénonciation afin d’accuser le plaignant, et s’est présenté à sa résidence pour lui signifier une assignation. En septembre 2014, lors de la deuxième comparution à la cour, l’avocat du plaignant a discuté avec le procureur de la Couronne, qui a pris la décision de retirer les accusations.

En novembre 2014, le plaignant a transmis une plainte à la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM). Il est allégué dans la plainte que les membres de la PM ont porté à tort des accusations contre lui et qu’ils ont omis d’appliquer les critères juridiques pertinents. Il est aussi allégué dans la plainte que les membres de la PM ont omis d’interroger des témoins qui auraient pu s’exprimer pour le compte du plaignant, qu’ils ont omis de consulter la Couronne ou de demander l’autorisation à leur chaîne de commandement (C d C) avant de présenter des accusations, que la C d C de la PM n’a pas supervisé l’enquête de manière adéquate, que les membres de la PM lui ont remis une assignation à un endroit public inapproprié, soit sur son perron alors que ses voisins tenaient une fête extérieure, et que les membres de la PM ayant participé à l’enquête n’avaient ni la compétence ni l’expérience pour faire enquête sur cette affaire. Dans la plainte, le plaignant a expliqué les événements et le stress qui l’affligeait à ce moment-là, et il a décrit les incidences que les accusations ont eues sur lui et sur sa famille.

La plainte a été transmise au Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) pour qu’elle fasse l’objet d’une décision en premier lieu, conformément à la Loi sur la défense nationale (LDN). La Section des normes professionnelles (NP) du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes (Gp PM FC) a effectué un examen préliminaire de la plainte. À la suite de cet examen, le commandant adjoint du Gp PM FC a conclu qu’il n’y avait eu aucune violation des politiques, ordres ou codes de conduite de la PM, puisque les PM avaient agi conformément à la loi dans le cadre de leurs fonctions, et que la décision de porter des accusations était raisonnable dans les circonstances et qu’elle ne témoigne pas d’une inconduite de la part des membres de la PM. Par conséquent, le commandant adjoint a donné à la Section des NP la directive de ne lancer aucune enquête.

Le plaignant n’était pas satisfait de la manière avec laquelle les NP avaient réglé sa plainte, et il a demandé à la CPPM d’examiner l’affaire. La CPPM a effectué une enquête et interrogé plusieurs témoins, y compris le plaignant, son épouse et trois des membres de la PM visés par la plainte.

La CPPM a conclu que les allégations contenues dans la plainte n’étaient pas vérifiées. Plus particulièrement, elle a conclu que la décision du membre enquêteur de porter des accusations contre le plaignant constitue un exercice de son pouvoir discrétionnaire à titre de policier. Comme l’a confirmé le procureur de la Couronne concerné, il y avait un fondement juridique suffisant pour déposer des accusations. La décision de l’enquêteur d’aller de l’avant n’était pas déraisonnable. En outre, selon la preuve recueillie, la PM a consulté un procureur militaire avant de déposer des accusations, et la C d C avait connaissance de l’affaire et elle a appuyé la décision du membre enquêteur. Bien que l’approbation officielle de la C d C n’était pas nécessaire au titre des politiques applicables à ce moment-là, il y avait des mécanismes en place pour veiller à ce que la C d C soit tenue au courant de la situation et puisse intervenir au besoin. La CPPM a aussi conclu qu’on ne peut reprocher à la PM de ne pas avoir interrogé de témoins, puisque ses agents ont interrogé ou tenté d’interroger les témoins les plus importants. Les autres témoins appelés par le plaignant étaient des témoins de moralité qui n’avaient aucune connaissance directe des faits.

En outre, la CPPM a conclu que la C d C de la PM a offert une supervision adéquate et que les membres ayant participé à l’enquête avaient démontré un degré de compétence et d’expérience adéquat. Même si le membre enquêteur de la PM n’avait qu’une expérience limitée en matière d’enquête, puisqu’il occupait ses fonctions depuis peu, les infractions et les faits de la présente affaire étaient inhabituels et, par conséquent, peu de membres de la police auraient eu l’expérience pour régler de telles affaires. En outre, la CPPM a conclu que la signification de l’assignation au plaignant avait été effectuée de manière appropriée. Bien que le membre enquêteur de la PM ait amorcé le processus à l’extérieur de la résidence du plaignant, son superviseur a immédiatement suggéré qu’ils se dirigent vers l’intérieur. Les membres de la PM croyaient que le plaignant était seul à son domicile à ce moment-là et ils ne voulaient pas l’embarrasser ou l’humilier de quelque manière que ce soit.

Bien que la CPPM ait conclu que les allégations n’étaient pas vérifiées, elle a néanmoins formulé des recommandations pour corriger certaines lacunes qui ont été relevées relativement au caractère insuffisant des notes et des dossiers consignés dans le cadre de l’examen en ce qui concerne les directives que les superviseurs donnent et reçoivent ainsi que le défaut de consulter le procureur civil de la Couronne. La CPPM a recommandé que des instructions soient fournies aux membres et aux superviseurs de la PM afin de s’assurer que les dossiers relatifs aux directives fournies et reçues soient conservés. La CPPM a aussi recommandé de rappeler aux membres de la PM l’existence des Ordres de la PM à propos de la demande d’avis juridiques et de les encourager à consulter le procureur de la Couronne concerné avant de déposer des accusations ayant trait à des infractions ou à des faits inhabituels.

En réponse au rapport de la CPPM, le GPFC a accepté toutes les conclusions formulées par la CPPM, ainsi que sa recommandation concernant la conservation des dossiers relatifs aux directives fournies par les superviseurs. Le GPFC n’a pas accepté la recommandation concernant les avis juridiques. Le GPFC a reconnu que le fait de demander des avis juridiques avant de déposer des accusations relativement à des infractions ou à des faits inhabituels constitue une bonne pratique, mais il ne croit pas qu’il soit nécessaire de réitérer les directives qui se trouvent déjà dans les politiques, et il a aussi fait remarquer que la CPPM a conclu que la directive avait été respectée en l’espèce.

La CPPM, après avoir tenu compte de cette réponse, a fait remarquer que les membres de la PM concernés dans la présente affaire n’avaient pas consulté le procureur civil avant de déposer des accusations devant le système civil de justice. Bien que cela ne constitue pas une violation des politiques existantes, la CPPM a conclu qu’il serait utile de rappeler aux membres de la PM l’importance de demander conseil auprès du procureur concerné, qu’il soit militaire ou civil, avant de déposer des accusations, surtout dans les cas se rapportant à des infractions ou à des faits inhabituels, pour s’assurer que les directives actuelles soient bel et bien mises en œuvre autant du point de vue de la lettre que de l’esprit.

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