Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2015‑009

La présente plainte découle d’interactions entre un membre de la police militaire (PM) et la plaignante, une civile qui souhaitait déposer une plainte pour agression sexuelle, à la suite d’un consentement obtenu par fraude.

En janvier, la plaignante a rencontré un membre des Forces armées canadiennes (FAC) dans un bar et a amorcé une relation intime avec celui-ci. Dans les semaines qui ont suivi, le membre des FAC a visité la plaignante et a communiqué régulièrement avec elle. La plaignante a appris par la suite que le membre des FAC utilisait un nom de famille différent de celui qu’il lui avait donné quand ils se sont rencontrés, et qu’il n’était pas séparé de sa conjointe de fait comme il le prétendait. Après ces événements, la plaignante a cru que le membre des FAC l’avait dupée, et qu’elle n’aurait pas donné son consentement pour des relations intimes si elle avait su la vérité. En mai, elle a communiqué avec le juge-avocat général adjoint (JAGA) à la base où le membre suivait un cours, afin de signaler la situation. Lors de son appel, la plaignante a aussi mentionné au JAGA que le membre des FAC avait fait des déclarations pendant leur relation qui laissent croire qu’il entretenait des liens avec des individus dangereux, et qu’il avait proféré des propos menaçants quand elle lui a dit qu’elle voulait signaler la situation.

La plaignante a accepté à contrecœur de signaler la situation à la police militaire. Un enquêteur de la PM a contacté la plaignante et lui a donné rendez-vous le lendemain pour l’interroger. La rencontre a été interrompue par un appel de priorité élevé lié à une alerte à la bombe sur la base. Quand l’enquêteur de la PM a téléphoné à la plaignante dans la même soirée pour fixer un nouveau rendez-vous, elle lui a dit qu’elle avait discuté de la situation avec sa famille et qu’elle ne désirait plus que l’enquête aille de l’avant. Elle a demandé que l’information qu’elle avait déjà fournie soit conservée au dossier, mais que le membre des FAC ne soit pas informé qu’elle avait communiqué avec la PM.

À la fin de juin, la plaignante a communiqué de nouveau avec l’enquêteur de la PM et elle lui a dit qu’elle voulait maintenant faire une déclaration. Une deuxième rencontre a eu lieu peu de temps après. Pendant l’interrogatoire, la plaignante a expliqué qu’elle avait choisi précédemment de ne pas aller de l’avant parce qu’elle avait été effrayée, mais qu’elle avait depuis fait des recherches pour en apprendre davantage sur le membre des FAC et sur les lois. La plaignante a indiqué qu’elle voulait maintenant porter plainte pour agression sexuelle à la suite d’un consentement obtenu par fraude. Elle a informé l’enquêteur de la PM qu’elle avait aussi communiqué avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC), mais que le représentant de la GRC lui avait d’abord dit qu’il ne s’agissait pas d’une affaire criminelle. Toutefois, après que la plaignante l’eut eu informé de ses recherches, le représentant de la GRC a consulté les procureurs de la Couronne provinciaux, et a été avisé d’obtenir la déposition de la plaignante afin que le dossier puisse être examiné. La plaignante devait fournir sa déposition à la GRC dans les semaines à venir. L’enquêteur de la PM l’a informée que la PM n’avait pas la compétence d’enquêter ou de déposer des accusations en lien avec des infractions criminelles qui ont eu lieu à l’extérieur de la base et qui n’étaient pas liées aux fonctions du membre des FAC. Toutefois le policier militaire a consigné l’information de la plaignante et l’a avisé qu’un rapport serait envoyé au commandant du membre des FAC, afin que le commandant puisse déterminer si le dépôt d’accusation dans le système de justice militaire ou la prise de mesures administratives est justifié.

En septembre, la plaignante a communiqué avec le détachement de la PM pour se plaindre qu’aucune démarche n’avait été entreprise dans le dossier. Pendant les jours et les semaines qui ont suivis, le policier militaire à qui elle a parlé a fait des vérifications et l’a informé que le dossier serait bientôt envoyé à l’unité du membre des FAC. La plaignante a eu plusieurs conversations avec ce policier militaire et lui a envoyé des messages électroniques dans lesquelles elle citait des cas de jurisprudence, des articles du Code criminel et des extraits du Code de valeurs et d’éthique du personnel militaire, qu’elle croyait pertinents. Comme elle l’avait déclaré dans sa deuxième entrevue avec l’enquêteur de la PM, elle estimait que la conduite du membre des FAC violait le code d’éthique des FAC et qu’il aurait dû être tenu de respecter une norme de conduite plus élevée. En octobre, l’enquêteur de la PM a communiqué avec la GRC pour s’informer de l’état de l’enquête. On lui a répondu que le dossier avait été acheminé aux procureurs provinciaux pour examen. La chaîne de commandement du détachement de la PM a avisé la plaignante que la PM attendait les résultats de l’enquête de la GRC, pour voir si des accusations allaient être déposées dans le système de justice civile, avant d’envoyer le dossier au commandant du membre des FAC. La plaignante a exprimé sa frustration à l’égard du processus, mais dans un appel subséquent, elle a demandé à la PM d’attendre la décision concernant le dépôt d’une accusation avant d’envoyer le dossier.

À la fin de novembre, la PM a appris qu’aucune accusation ne serait déposée à la suite de l’enquête de la GRC. Au début décembre, l’enquêteur de la PM a ajouté une conclusion au dossier et a informé la plaignante que le dossier serait envoyé au commandant du membre des FAC. Le dossier a été envoyé à l’unité du membre, puis retourné avec une note manuscrite indiquant que l’unité avait entrepris des mesures. Au début de janvier, l’année suivante, la plaignante a communiqué avec l’enquêteur de la PM pour avoir des nouvelles. L’enquêteur a confirmé que le dossier avait été envoyé à l’unité du membre, mais ne savait pas si des mesures avaient été prises ou quelles étaient ces mesures.

À la fin de mars, la plaignante a transmis une plainte à la Commission des plaintes concernant la police militaire (CPPM ou la Commission). La plaignante allègue que le détachement de la PM, et en particulier l’enquêteur de la PM qui est désigné comme le sujet de la plainte, a omis de suivre les directives et protocoles applicables concernant le signalement d’une agression sexuelle, et a enfreint le Code de valeurs et d’éthique et des Lois du Parlement. En avril, la plaignante a répondu à une demande d’information supplémentaire concernant sa plainte. Dans sa réponse, elle allègue que dans la deuxième entrevue avec la PM, le policier militaire visé par la plainte a tenté de la dissuader de fournir de l’information supplémentaire, lui disant que cette information n’aboutirait à rien de bon et n’aurait pas d’effet. Il a accepté à contrecœur de la laisser terminer sa déclaration parce qu’elle a insisté sur la nécessité de consigner l’information.

La plainte a été transmise au le Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) pour qu’elle fasse l’objet d’une décision en première instance, conformément à la Loi sur la défense nationale (LDN). La Section des normes professionnelles (NP) du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes (Gp PM FC) a mené un examen préliminaire de la plainte. Après cet examen, le commandant adjoint du Gp PM FC a déterminé que le policier militaire visé par la plainte avait pris les mesures appropriées pendant tout le déroulement de l’enquête; et que ces mesures avaient été bien consignées et qu’elles n’appuyaient pas l’allégation selon laquelle les directives et protocoles applicables n’avaient pas été respectés; et que les mesures prises par le policier militaire visé par la plainte ne concordaient pas avec les actions d’une personne qui essaie de dissuader la plaignante de présenter ses allégations. Conséquemment, le commandant adjoint a ordonné qu’aucune enquête des NP ne soit menée.

La plaignante n’était pas satisfaite de la manière dont la Section des NP a réglé sa plainte, et a demandé à la Commission d’examiner le dossier. La Commission a mené un examen détaillé et une analyse du dossier de la PM et des enregistrements des interrogatoires. De plus, la Commission a interrogé le policier militaire visé par la plainte pour obtenir des éclaircissements supplémentaires et a mené une enquête supplémentaire pour découvrir les mesures que l’unité du membre des FAC avait prises concernant cette affaire. Grâce à cette enquête, la Commission a appris que des mesures administratives avaient été prises par l’unité à l’égard de la conduite du membre.

La Commission a conclu que les deux allégations dans la plainte n’étaient pas vérifiées. La Commission a notamment constaté que l’enquêteur de la PM a pris toutes les mesures nécessaires pour consigner les allégations de la plaignante et en faire rapport. Comme l’enquêteur de la PM l’a correctement expliqué à la plaignante, la PM n’avait pas la compétence pour enquêter ou pour déposer des accusations en lien avec les infractions criminelles alléguées qui avaient été commises à l’extérieur de sa juridiction. L’enquêteur de la PM a correctement informé la plaignante que ces allégations devaient être présentées à la GRC. L’enquêteur a tout de même consigné les allégations de la plaignante, et a inclus l’information dans le rapport de la PM. Ainsi qu’il a été expliqué à la plaignante, un sommaire de ce rapport a été envoyé à l’unité du membre des FAC. Il incombait au commandant du militaire de déterminer si des accusations devaient être déposées en vertu du système de justice militaire ou si d’autres mesures étaient justifiées. Dans ce cas, l’unité a imposé des mesures administratives au militaire. On ne peut pas reprocher au policier militaire visé par la plainte de ne pas avoir transmis le rapport de la PM à l’unité du membre avant la conclusion de l’enquête de la GRC, et la décision concernant le dépôt ou non d’accusation en vertu du Code criminel, puisque cette information importante devait figurer au rapport. Par ailleurs, on ne peut reprocher au policier militaire visé par la plainte de ne pas avoir inclus tous les détails des allégations de la plaignante dans le résumé qu’il a envoyé à l’unité du militaire. Les documents envoyés cernaient bien l’essence des allégations faites par la plaignante. D’autres allégations, notamment celles concernant les menaces qu’aurait proféré le membre des FAC, ont été consignées correctement dans le dossier de la PM, et le policier militaire visé par la plainte a informé la plaignante que ces aspects devaient être présentés à la GRC et qu’elle devrait communiquer avec la GRC si elle se sentait menacée.

La Commission a aussi conclu que le policier militaire visé par la plainte n’a pas tenté de dissuader la plaignante de fournir de l’information supplémentaire. Les enregistrements des interrogatoires qu’a mené le policier militaire visé par la plainte montrent qu’il a écouté toute l’information que la plaignante a fournie et lui a demandé si elle avait d’autre information à fournir. Le policier militaire visé par la plainte a expliqué correctement à la plaignante les limites de la compétence de la PM dans ce dossier, mais il ne lui a pas dit que l’information supplémentaire n’aurait aucun effet. Il l’a informée que l’information serait ajoutée au dossier de la PM, et qu’un rapport serait envoyé à l’unité du membre des FAC. Il a enregistré l’information et envoyé le dossier dès que le résultat de l’enquête de la GRC a été connu.

En réponse au rapport de la Commission, le GPFC a accepté toutes les conclusions de la Commission.

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