Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2016‑037

Le plaignant a allégué que la Police militaire (PM) l’avait arrêté illégalement, en abusant de son pouvoir et en traumatisant ses deux enfants mineurs. Plus précisément, il a affirmé avoir été soupçonné à tort d’avoir enlevé (en anglais « kidnapping ») ses deux enfants et d’avoir été arrêté et menotté sans égard à son état de santé déclaré, bien qu’il ait coopéré avec la PM.

Le Bureau des Normes professionnelles (NP) du Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) a traité la plainte pour inconduite en première instance. Comme il y avait une préoccupation concernant la légalité de l’arrestation et la manière dont l’enquête de la PM a été enregistrée dans le dossier de la PM, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) a mené une enquête sur les actes des membres de la PM concernés, tandis que les NP ont suspendu leur enquête.

Le SNEFC a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour appuyer les accusations portées contre les membres de la PM en vertu du Code criminel ou Code de discipline militaire. Les NP ont ensuite repris leur enquête qui a consisté en un examen des dossiers de la PM et du SNEFC. Les NP ont enquêté sur deux allégations visant six membres de la PM. L’une d’elles était que le plaignant avait été traité injustement par la PM lorsqu’il a été arrêté, et l’autre était qu’il a été traité de manière agressive. Les NP ont conclu que les deux allégations n’étaient pas fondées.

Insatisfait de la décision rendue par les NP, le plaignant a soumis la plainte à la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire du Canada (CPPM ou Commission) pour examen. Ce faisant, il a noté que les NP n’ont pas consulté le système d’enregistrement vidéo mobile (SEVM) avant de conclure que le comportement de la PM était raisonnable.

Dès la réception de la plainte, la Commission a déposé une demande de divulgation de tous les documents pertinents de la PM auprès du bureau du GPFC. À la suite de l’évaluation initiale de la plainte, la Commission a procédé à un examen détaillé des documents reçus du GPFC incluant un visionnement de l’enregistrement SEVM, et a déterminé qu’une enquête plus approfondie était nécessaire. La Commission a également déterminé que l’enquête du SNEFC était une « question concernant la plainte », conformément au paragraphe 250.32(2) de la Loi sur la défense nationale (LDN).

La Commission a interprété la plainte et l’affaire connexe comme comprenant quatre allégations. Les trois premières allégations concernent les six membres de la PM visés par la plainte identifiés par les NP dans la plainte initiale. La Commission a identifié quatre enquêteurs du SNEFC et les a nommés comme personnes additionnelles visées par la quatrième allégation.

  1. La détention et l’arrestation du plaignant par la PM étaient à la fois illégales et non professionnelles.
  2. La PM n’a pas mené une enquête en bonne et due forme sur l’état et la sécurité des enfants qui auraient apparemment été enlevés par le plaignant.
  3. La PM n’a pas mené une enquête en bonne et due forme; l’affaire a été mal gérée et comportait de graves lacunes procédurales.
  4. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas mené une enquête en bonne et due forme. Ils n’ont pas interrogé les personnes clés ou examiné les éléments de preuve pertinents dans le cadre de leur enquête et ont conclu leur enquête en justifiant les mesures prises par la PM, malgré des éléments de preuve indiquant le contraire.

La Commission a procédé à des entrevues avec le plaignant, les personnes visées par la plainte et les témoins. Elle a également examiné les enregistrements SEVM et autres enregistrements pertinents et a demandé une divulgation supplémentaire de documents.

Après examen de l’ensemble des éléments de preuve, la Commission a conclu que la première, troisième et quatrième allégation étaient vérifiées, et la deuxième allégation était partiellement vérifiée.

La Commission a conclu que la première allégation concernant la détention et l’arrestation du plaignant comme vérifiée, ayant constaté que le principal membre de la PM visé par la plainte n’avait pas de motifs raisonnables et probables d’arrêter le plaignant ni de raison de le menotter; n’a pas informé le plaignant du motif de sa détention et de son arrestation; et a utilisé des jurons et fait des commentaires inappropriés en parlant au plaignant. Le principal membre de la PM visé par la plainte n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire pour évaluer la nécessité d’une adaptation médicale, et l’impact sur le plaignant et les enfants mineurs de la réponse non convenable et déraisonnable de la PM étant menée au vu et au su des voisins du plaignant.

La Commission a conclu que la deuxième allégation concernant le fait que la police militaire n’a pas mené une enquête appropriée sur l’état et la sécurité des enfants qui auraient été enlevés par le plaignant était partiellement vérifiée. Bien que le premier devoir des membres de la PM dans cette affaire était de localiser les enfants et de s’assurer de leur sécurité, des informations essentielles obtenues lors du premier appel que la PM a effectué avec le plaignant, avant toute réponse physique de la part de la PM, n’ont pas été prises en considération au cours de l’enquête en cours. Cela comprenait notamment l’identité du plaignant, de sa conjointe et de leurs enfants; le fait que le plaignant et son conjoint étaient séparés et qu’il n’y avait donc pas d’ordonnance de garde en vigueur; et le fait que le plaignant était coopératif et se conformait aux directives de la PM pendant l’enquête. Le principal membre de la PM visé par la plainte n’a eu aucune interaction que ce soit avec les enfants et les informations de base des membres de la PM qui ont interagi avec eux n’ont pas non plus été prises dans la réponse de la PM.

La troisième allégation concernant l’inadéquation de l’enquête de la PM a été vérifiée. La Commission a constaté que pendant la réponse de la PM, le principal membre de la PM visé par la plainte était confus relativement à l’infraction présumée qui fait l’objet de l’enquête; a mal informé le plaignant de l’infraction qui aurait été commise; et a mal informé le superviseur qui était sur place des faits. En outre, les informations saisies dans le dossier d’événement général (EG) de la PM étaient factuellement incorrectes, incomplètes et non opportunes, et les notes des membres de la PM étaient soit insuffisantes, soit absentes.

La quatrième allégation concernant l’inadéquation de l’enquête du SNEFC a été vérifiée. La Commission a constaté que le SNEFC n’a pas interrogé les personnes clés ni examiné tous les éléments de preuve pertinents dans le cadre de leur enquête, et a conclu son enquête en fournissant une justification de l’action de la PM qui était contraire aux preuves.

La Commission a formulé huit recommandations. Une formation devrait être fournie à trois des membres de la PM visés par la plainte sur les évaluations de situation et sur l’identification des éléments essentiels des infractions de l’article 279 (l’enlèvement, en anglais « kidnapping »), de l’article 282 (l’enlèvement en contravention avec une ordonnance parentale ou de garde) et de l’article 283 (l’enlèvement, en anglais « abduction ») du Code criminel. Quatre des membres de la PM visés par la plainte devraient revoir les Ordres de la Police militaire des Forces canadiennes (Ordres PM CF) concernant la prise de notes et recevoir une formation complémentaire pour corriger leurs pratiques de prise de notes. Le principal membre de la PM visé par la plainte devrait également recevoir une formation pour s’assurer de sa compréhension du besoin d’un arrêt de véhicule à haut risque et comment l’exécuter. Il devrait aussi recevoir la formation pour s’assurer de la bonne approche lors de l’évaluation d’une « mise en garde V » (violence) du Centre d'information de la police canadienne (CIPC) et sur l’importance d’évaluer la demande de soins médicaux d’une personne et l’exécution de mesures d’adaptation appropriées en réponse aux besoins. Ce même membre de la PM devrait également recevoir la formation sur l’exécution d’une arrestation légale et les meilleures pratiques en matière d’enquêtes et d’arrestations dans le cadre des infractions prévues aux articles 279, 282 et 283 du Code criminel. De plus, il devrait être jumelé à un membre entraineur de la PM pour s’assurer qu’il fait l’objet d’une supervision adéquate pendant une période prolongée en mettant particulièrement l’accent sur les fonctions de nature policières comme les techniques appropriées de désamorçage, la façon d’interagir de façon professionnelle et courtoise avec les suspects et les personnes arrêtées, les techniques d’arrestation appropriées, le recours approprié à la force et l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la police. Compte tenu de la gravité des fautes d’inconduite commises par ce membre de la PM visé par la plainte, et étant donné qu’il a été promu deux fois depuis l’incident à l’origine de cette plainte et qu’il progresse donc dans la chaîne de commandement (C de C), augmentant en grade et en responsabilités, la Commission a également recommandé que d’autres mesures correctives significatives, en plus de celles mentionnées ci-dessus, soient déterminées par le GPFC. La Commission a également recommandé que les Ordres PM CF soient mis à jour pour détailler les procédures appropriées pour le menottage, car une documentation écrite claire complétera toute formation dispensée aux membres de la PM et les aidera à mieux s’acquitter de ces fonctions de nature policière en cas de besoin. Enfin, compte tenu des graves erreurs commises par le principal membre de la PM visé par la plainte, la Commission a recommandé que le GPFC présente des excuses écrites au plaignant dans cette affaire.

La Commission a observé que les NP n’ont pas mené d’enquête indépendante sur les fautes professionnelles présumées de la PM, mais a plutôt examiné l’enquête criminelle du SNEFC. Les NP ont fondé leurs conclusions concernant la mauvaise conduite de la PM sur la conclusion du SNEFC de ne pas porter d’accusations pour des infractions au Code criminel et au Code de discipline militaire. Rien n’indique non plus que les NP aient répondu aux préoccupations soulevées par la C de C concernant la confiance dans les capacités du principal membre de la PM visé par la plainte et l’éventuelle nécessité de prendre des mesures correctives.

En réponse au rapport provisoire de la Commission, le GPFC a accepté les conclusions, les recommandations et l’observation de la CPPM dans cette affaire.

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