Résumé du dossier d'inconduite CPPM‑2018‑035

Cette plainte pour inconduite de la police militaire (PM) découle de l'enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) sur une plainte d'agression sexuelle et de séquestration survenue sur une base militaire. La plaignante/la victime et l'agresseur étaient tous deux membres de la même unité et suivaient un cours de formation au moment de l'incident. L'allégation criminelle était que le suspect a tiré la plaignante (également la plaignante aux fins du présent rapport) dans un placard à balais et l'a agressée sexuellement. La plaignante a fourni une déclaration enregistrée aux enquêteurs du SNEFC – les personnes visées par la plainte. La plaignante a été emmenée à l'hôpital où un protocole de trousse médico-légale a été effectué et des échantillons de fluides corporels ont été prélevés.

Le lendemain, le suspect a été arrêté et a fait une déclaration aux enquêteurs du SNEFC. Dans cette déclaration, le suspect a admis avoir eu des relations sexuelles avec la plaignante et a semblé concéder, à tout le moins, qu'il avait peut-être été imprudent quant à l'existence ou non d'un consentement. Le 13 juin 2018, les enquêteurs ont prélevé un échantillon d'acide désoxyribonucléique (ADN) sur le suspect. Cependant, étant donné que le suspect avait concédé qu'il avait eu des relations sexuelles avec la plaignante, l'échantillon d'ADN du suspect n'a pas été soumis à des tests de comparaison avec les échantillons prélevés sur la plaignante à l'hôpital.

Les tests de routine effectués sur la plaignante au moment de son examen médico-légal sont revenus du laboratoire indiquant qu'elle avait une infection transmissible sexuellement (ITS). La plaignante croit avoir contracté cette ITS auprès du suspect. Les enquêteurs du SNEFC ont conseillé au suspect de se faire tester pour une ITS. Le suspect a indiqué qu’il n’était pas atteint de cette infection mais a accepté de consulter un médecin. Il a également signé une décharge de renseignements médicaux qui aurait permis aux enquêteurs de confirmer les renseignements figurant dans son dossier directement auprès de son médecin traitant. Cependant, les enquêteurs n'ont pas donné suite à cette demande.

Après avoir vu une infirmière-praticienne à la clinique médicale de la base, le suspect a dit aux enquêteurs qu'elle lui avait dit qu'ils ne pouvaient pas diagnostiquer l'ITS uniquement par un test sanguin, qu'il fallait également la présence de lésions. Le suspect a affirmé qu'il n'avait pas de telles lésions, mais aucun examen n’a été fait pour confirmer cette affirmation. L’infirmière-praticienne l'a plutôt invité à revenir pour se faire examiner. Or, le suspect ne l'a pas fait.

Estimant avoir un dossier solide, à la lumière des entretiens respectifs de la plaignante et du suspect, les enquêteurs du SNEFC ont transmis l'affaire au procureur militaire régional (PMR) pour un examen préalable à la mise en accusation. Deux mois plus tard, le PMR a recommandé de ne pas porter d'accusations. Cet avis était apparemment fondé sur une déclaration faite par la plaignante lors de son entretien avec les SNEFC, qui a amené le PMR à penser qu'il ne serait pas en mesure de prouver l'absence de consentement de la part de la plaignante au-delà de tout doute raisonnable.

L'enquêteur principal du SNEFC a par la suite informé la plaignante des résultats, et à ce moment-là, il aurait fait des remarques inappropriées.

Cette plainte pour inconduite a été soumise par un avocat au nom du plaignant et soulève diverses préoccupations concernant le déroulement de l'enquête du SNEFC et les remarques finales faites au plaignant par l'enquêteur principal.

Le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes a partiellement corroboré l'allégation de la plaignante concernant les remarques inappropriées de l'enquêteur principal, mais les autres allégations ont été jugées non vérifiées.

Après un examen approfondi des documents du dossier de la PM et sa propre enquête, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) a tiré les conclusions suivantes :

  1. Les membres du SNEFC visés par la plainte n'étaient pas en faute pour ne pas avoir immédiatement accusé le suspect d'agression sexuelle et de séquestration, plutôt que de le libérer sous conditions. Dans le cadre du système de justice militaire, les accusations ne peuvent être portées qu'après avis d'un procureur, et le système de libération provisoire est régi par des règles différentes de celles du système civil de justice pénale.
  2. Rien n'indique que les enquêteurs du SNEFC aient caché des preuves pertinentes au procureur. Cette allégation semble être le résultat d'une mauvaise interprétation de la preuve documentaire basée sur des dossiers expurgés obtenus par le plaignant en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
  3. Les enquêteurs du SNEFC n'ont pas commis de faute pour avoir omis d'envoyer les résultats du test médico-légal au PMR. Les résultats n'ont été reçus qu'après l'envoi du dossier d'examen préalable à l'inculpation au PMR. De plus, à ce stade de l'enquête, le consentement était la seule question en suspens dans le dossier.
  4. Les enquêteurs du SNEFC n'ont pas conclu qu'il n'y avait pas de « preuves suffisantes » pour appuyer les accusations contre le suspect. Les accusations n'ont pas été portées en raison de l'avis du PMR qui a estimé qu’il y avait aucune perspective raisonnable de condamnation du suspect.
  5. Les enquêteurs du SNEFC n'ont pas commis de faute en ne poussant pas plus loin l'enquête sur la transmission d’une ITS du suspect à la plaignante. Étant donné qu'une grande partie de la population adulte est porteuse de cette ITS en question, la transmission par le suspect aurait été difficile à établir hors de tout doute raisonnable. Même si la transmission pouvait être prouvée, il aurait fallu prouver hors de tout doute raisonnable que le suspect savait qu'il avait le virus au moment de l'agression sexuelle. Enfin, il aurait fallu que le suspect se soumette volontairement à un examen médical afin de diagnostiquer la maladie – la police n'a pas le pouvoir d'obliger un tel test.
  6. Les enquêteurs du SNEFC n'ont pas commis de faute en n'inculpant pas le suspect de violation de ses conditions de libération pour avoir tenté de communiquer avec la plaignante par l'intermédiaire des médias sociaux. L'incident de violation des conditions a été traité par les membres de la police militaire de la base locale, et non par les enquêteurs du SNEFC. De plus, il est inhabituel de porter des accusations de violation des conditions lorsque la poursuite pour l'infraction substantielle sous-jacente ne se poursuit pas.
  7. Les enquêteurs du SNEFC n'ont pas commis de faute en omettant de faire comparer l'échantillon d'ADN du suspect à l'échantillon médico-légal de la plaignante. À ce stade de l'enquête, la seule question en litige était le consentement de la plaignante – le fait de l'acte sexuel ayant été admis par le suspect.
  8. L'enquêteur principal du SNEFC a fait des remarques inappropriées à la plaignante. Ces remarques semblent avoir été le résultat d'un effort malencontreux d'offrir un soutien émotionnel à la plaignante.
  9. Les enquêteurs du SNEFC n'ont pas manqué de tenir compte de l'état d'esprit de la plaignante en tant que survivante d'une agression sexuelle dans l'interprétation de sa déclaration.

La CPPM a formulé quatre recommandations. La première s'adresse au ministre de la Défense nationale. Les trois autres recommandations ont été adressées au grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC) :

  1. Que le ministre
    1. appuie et facilite les discussions de bonne foi avec les intervenants concernés en vue de résoudre la question de l'accès de la CPPM aux renseignements privilégiés du secret professionnel de l'avocat aux fins du règlement des plaintes, comme le recommande le rapport de la troisième autorité d'examen indépendante au ministre de la Défense nationale ; et
    2. dans l'intervalle, ordonner que les dossiers de la poursuite ou de la Couronne soient considérés comme exempts du secret professionnel de l'avocat aux fins du règlement des plaintes en vertu de la partie IV de la Loi sur la défense nationale.
  2. Que le GPFC émette des directives afin que les membres de la PM soient tenus de faire preuve de transparence dans la communication des raisons pour lesquelles ils ne portent pas d'accusations.
  3. Que le GPFC mette en place une politique pour s'assurer que le détachement du SNEFC concerné soit informé de toute violation des conditions de libération traitée par un autre détachement de la PM. Et
  4. Que le GPFC envisage d'exiger que tous les échantillons d'ADN prélevés sur des suspects soient comparés aux échantillons de la trousse médico-légale pour agression sexuelle.

Dans sa notification, le GPFC a accepté toutes les conclusions et recommandations de la CPPM, mais a reporté la réponse à la recommandation no 1 au ministre de la Défense nationale. Il convient de noter qu'au moment de la publication du rapport final, la CPPM n'avait pas obtenu de réponse du ministre de la Défense nationale concernant la recommandation no 1. Une fois la réponse du ministre obtenue, la CPPM révisera et publiera à nouveau le rapport final en conséquence.

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