Décision sur la compétence (CPPM-2024-051)

Décision sur la compétence de la CPPM dans l’affaire CPPM 2024-051

Aperçu

Le 21 novembre 2024, le plaignant a déposé une plainte pour inconduite auprès de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM). Cette plainte concerne la conduite de membres inconnus de la police militaire qui ont participé à un exercice de tireurs actifs sur une base des Forces canadiennes en novembre 2024, au cours duquel un employé civil non participant à l’exercice aurait été détenu violemment par des membres de la police militaire en marge de l’exercice. Le plaignant est le représentant de l’employé et a déposé la plainte en son nom.

À la suite d’une correspondance infructueuse visant à obtenir des informations supplémentaires auprès du bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) sur l’exercice et l’incident allégué en novembre et décembre 2024, j’ai décidé de rendre la présente décision sur la compétence de la CPPM à l’égard de la plainte en me fondant sur les informations disponibles, à savoir la plainte et les informations supplémentaires que le plaignant a fournies à la CPPM en novembre 2024.

Pour les raisons suivantes, je considère que la plainte relève à première vue de la compétence de la CPPM, étant donné qu’elle concerne la conduite de membres potentiels de la police militaire dans l’exercice de leurs fonctions de nature policière.

Contexte

Le 21 novembre 2024, le plaignant a déposé une plainte auprès de la CPPM au nom d’un employé civil. Selon la plainte, l’employé aurait été « affecté et brutalisé » par les événements qui se sont produits au cours d’un exercice de tireurs actifs en novembre 2024 sur une base des Forces canadiennes, alors qu’il était sur les lieux pour peinturer. La plainte contient le témoignage de l’employé victime.

Selon son témoignage, 3 ou 4 policiers auraient pointé leurs armes sur lui alors qu’il quittait la salle de peinture le matin de l’exercice. Il avait été informé de l’exercice, mais ne savait à quelle heure il aurait lieu et n’y participait pas. L’un des policiers lui aurait demandé de lever les bras, puis lui aurait ordonné de s’allonger sur le sol et l’aurait traîné en tirant sur l’habit de peintre qu’il portait et sur son chandail. La force utilisée par le policier aurait déchiré ses vêtements. Ce même policier lui aurait ensuite demandé de se coucher sur le ventre, puis sur le dos, et aurait fouillé ses poches, retirant son portefeuille et quelques papiers personnels, qu’il aurait jetés par terre. Il l’aurait interrogé, lui demandant s’il était au courant de la tenue de l’exercice et ce qu’il faisait sur la base. Il lui aurait également ordonné d’enlever ses bottes.

L’employé affirme que tout s’est passé si rapidement qu’il a commencé à penser qu’il ne s’agissait pas d’un simple exercice, mais d’un incident grave sur la base, et qu’il était le principal suspect. Le policier aurait utilisé un langage « très agressif » à son égard, bien qu’il n’ait jamais tenté de résister à la fouille ou à la détention. Avant de lui ordonner de quitter les lieux, ce même policier aurait contacté d’autres policiers à l’extérieur, leur disant qu’un « employé noir » s’en allait, qu’il ne représentait aucun danger et qu’il venait d’être fouillé. Il affirme avoir passé le reste de l’exercice à l’extérieur, alors que la température avoisinait les 1°C. Il ne portait que son habit de peintre et son chandail, déchirés par le policier.

L’employé se dit choqué d’avoir été humilié et maltraité, et aujourd’hui encore, il a envie de pleurer lorsqu’il pense à cet incident. Il a même honte d’en parler à sa famille et ses amis. L’incident a eu un impact négatif sur lui. Ce dernier fait partie d’un groupe vulnérable et a été à nouveau traumatisé par l’incident.

Le 26 novembre 2024, le plaignant a fourni des informations supplémentaires concernant sa plainte, précisant qu’il est le représentant syndical de l’employé et que ce dernier souhaitait être accompagné dans ce processus, et qu’il est en arrêt de travail depuis l’incident. L’exercice impliquait à la fois des membres de la police militaire et des policiers du service de police local.

Le 27 novembre 2024, j’ai envoyé une lettre au GPFC pour l’aviser de la plainte et lui demander des renseignements supplémentaires concernant l’exercice et l’incident allégué, car la CPPM examinait sa compétence et la possibilité de lancer une enquête d’intérêt public sur l’affaire qui contient des allégations graves à l’encontre de la police militaire.

Ma correspondance du 27 novembre et du 3 décembre 2024 avec le bureau du GPFC pour obtenir des renseignements supplémentaires sur l’exercice et l’incident allégué a été infructueuse. Le GPFC n’a pas répondu à ma demande d’information, mais a demandé une copie de la plainte, en invoquant l’alinéa 250.21 (2) c) (i) de la Loi sur la défense nationaleNote de bas de page 1. Je note que cette disposition exige seulement que le GPFC soit « avisé » de la plainte, ce qui a déjà été fait dans ma lettre du 27 novembre 2024.

Par conséquent, la présente décision sur la compétence de la CPPM dans cette affaire est basée sur les informations disponibles que le plaignant a fournies.

Analyse

La compétence de la CPPM se limite aux plaintes concernant la conduite d’un membre de la police militaire dans l’exercice des « fonctions de nature policière », comme prescrit dans le Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militairesNote de bas de page 2 (le Règlement). L’article 2 du Règlement stipule comme suit :

2. (1) Pour l’application du paragraphe 250.18 (1) de la Loi, « fonctions de nature policière » s’entend des fonctions ci-après lorsqu’elles sont accomplies par un policier militaire :

(2) Il est entendu que les fonctions exercées par le policier militaire qui se rapportent à l’administration ou à la formation, ou aux opérations d’ordre militaire qui découlent de coutumes ou pratiques militaires établies ne sont pas comprises parmi les fonctions de nature policière.

Dans cette affaire, les membres de la police militaire potentiellement impliqués dans la plainte participaient à un exercice. Bien que l’exercice fasse partie d’un programme de formation, l’employé victime n’y participait pas. Il se trouvait sur la base et effectuait un travail sans rapport à l’exercice. Il affirme avoir été maltraité lorsqu’il a été détenu par des policiers, et que leur comportement lui a fait croire qu’il ne s’agissait pas d’un simple exercice, mais qu’il était le principal suspect d’un crime grave sur la base. Selon la plainte, il semble qu’on lui ait donné peu de détails sur l’exercice et qu’il n’ait jamais donné son consentement pour y participer.

Compte tenu du manque d’informations sur l’exercice et sur ce qui a conduit à l’incident, ainsi que le manque de coopération de la part du bureau du GPFC pour fournir les informations demandées, je ne peux pas, à l’heure actuelle, statuer sur la question de savoir s’il est dans l’intérêt public de lancer une enquête d’intérêt public sur cette affaire.

En considérant l’exclusion liée à la formation dans le Règlement, je ne crois pas que l’intention du législateur était d’exclure du processus de traitement des plaintes pour inconduite les personnes qui ne participent pas à un exercice et qui sont prétendument maltraitées par des membres de la police militaire, simplement parce qu’un exercice était en cours au moment de l’incident. Dans le cas présent, l’employé civil ne participait pas à l’exercice et il aurait été violemment détenu par des policiers. Je considère que leur conduite est liée à l’exercice des fonctions de nature policière, plus précisément la détention d’une personne. Ainsi, à mon avis, la plainte relève à première vue de la compétence de la CPPM. En prenant cette décision, je ne fais aucune conclusion sur le bien-fondé de la plainte.

Je transfère la plainte au bureau du GPFC pour qu’elle soit traitée en première instance conformément au paragraphe 250.26 (1) de la LDN. Je note toutefois que je peux, à tout moment au cours d’examen d’une plainte pour inconduite, faire tenir une enquête par la CPPM s’il est préférable dans l’intérêt public, conformément au paragraphe 250.38 (1) de la LDN.

SIGNÉE à Ottawa (Ontario), ce 24e jour de décembre 2024.

Document original signé par :

Me Tammy Tremblay, MSM, CD, LL.M.
Présidente

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