Résumé du dossier d'ingérence CPPM‑2021‑058

Le plaignant a déposé une plainte pour ingérence auprès de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) en décembre 2021. Il allègue que la personne visée par la plainte lui a ordonné de recommander le dépôt d’accusations, de modifier les remarques finales d’un dossier d’événement général (EG) et d’émettre des assignations à comparaitre, ce qui allait à l’encontre de son opinion et de son pouvoir discrétionnaire. Au moment de l’incident, le plaignant était une nouvelle recrue avec six mois d’expérience et la personne visée par la plainte était le chef de relève avec une responsabilité de supervision pour le détachement de l’unité de police militaire.

La CPPM estime que l’allégation d’ingérence est non fondée. Un superviseur/supérieur de la PM a le pouvoir de diriger le traitement ou l’interruption d’une enquête, y compris sa décision finale, et peut renverser la décision d’un enquêteur d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Dans cette affaire, les actions de la personne visée par la plainte au cours de l’enquête représentaient des interventions de supervision conformes aux ordres de la police militaire des Forces canadiennes (ordres de la PM des FC) applicables. Le pouvoir discrétionnaire du plaignant en matière d’enquête est resté intact puisque les décisions finales des deux enquêtes étaient conformes à ses conclusions. La CPPM a constaté que le manque de communication entre la personne visée par la plainte et le plaignant, au sein de l’unité de police militaire et entre l’unité de police militaire et le commandement de la base, l’absence de personnel de supervision de la base et l’absence d’un processus efficace de gestion des problèmes de rendement des membres de la PM ont également compliqué la situation.

L’incident sous-jacent s’est produit en décembre 2021 sur une base des Forces canadiennes (BFC). Après avoir trouvé le véhicule d’un ami dans la rue, non verrouillé et le moteur en marche, un individu a monté à bord et s'est enfuit, pour faire une blague à son ami (le farceur) a sauté à bord et est parti. Cet incident a été rapporté comme un vol au plaignant, un policier militaire qui dirigeait la circulation dans le secteur. Le plaignant a signalé le vol au répartiteur et est parti, gyrophares et sirènes allumés, en direction du véhicule. La personne visée par la plainte a entendu l’appel au répartiteur sur les ondes radio et s’est rendue, gyrophares et sirènes allumés, sur les lieux de l'appel. Alors que l’intervention de la police militaire se déroulait, le véhicule a été retrouvé à proximité et la farce a été découverte. Le propriétaire du véhicule a appelé le répartiteur pour lui expliquer ce qui s’était passé et lui a demandé d’annuler la poursuite du véhicule par la police militaire, ce qu’il a fait.

Le plaignant et la personne visée par la plainte ont interrogé le farceur, qui a assumé l’entière responsabilité de ses actes. La personne visée par la plainte a dit au plaignant d’informer le farceur que « des poursuites seraient recommandées », ce qu’il a fait. Cette information a été consignée dans le dossier EG de la police. Le plaignant a par la suite modifié les remarques finales du dossier EG pour indiquer que des poursuites ne seraient pas recommandées à l’encontre du farceur, mais la personne visée par la plainte a demandé au plaignant de rétablir la première conclusion.

La CPPM a conclu que lorsque la personne visée par la plainte a dit au plaignant qu’ils recommanderaient des accusations, elle faisait référence à la recommandation d’accusations en vertu de la Loi sur la défense nationale (LDN) à la chaîne de commandement de l’unité du farceur pour des violations du Code de discipline militaire (CDM). Au moment de l’incident, la police militaire n’avait pas le pouvoir discrétionnaire ou l’autorité de décider de l’affaire. En outre, lorsqu’elle a dit au plaignant de mettre cette recommandation dans le dossier EG, dans un premier temps, puis à nouveau après que le plaignant a dit qu’il avait édité les remarques finales, la personne visée par la plainte suivait les exigences des ordres de la PM des FC applicables. Cependant, le plaignant a interprété erronément ces interventions comme étant un ordre de porter des accusations criminelles contre le farceur et de documenter cela dans le dossier EG, ce qu’il ne voulait pas faire. Le plaignant n’a pas compris la distinction entre le dépôt d’accusations en vertu du Code criminel et le dépôt d’accusations en vertu de la LDN, et il a interprété à tort les interventions de supervision de la personne visée par la plainte comme de l’ingérence.

Lors de l’enquête sur le vol du véhicule, il a été découvert que le véhicule n’était pas immatriculé. Le plaignant et la personne visée par la plainte ont discuté de cet enjeu avec le propriétaire du véhicule, qui a accepté de laisser la voiture stationnée jusqu’à ce qu’il l’immatricule. Le propriétaire a refusé de remettre les clés du véhicule, mais à la demande de la personne visée par la plainte, le plaignant les a obtenues du propriétaire. Peu après cette discussion, le propriétaire a ramené le véhicule à son domicile sans en informer la police militaire, violant ainsi l’accord qu’il avait conclu avec la personne visée par la plainte et le plaignant, soit de laisser le véhicule garé là où il était jusqu’à ce qu’il soit immatriculé. En conséquence, le policier militaire a ouvert une deuxième enquête et émis une citation à comparaitre à l’encontre du propriétaire pour conduite d’un véhicule non immatriculé. Plus tard dans la soirée, la personne visée par la plainte a identifié un autre chef d’accusation à l’encontre du propriétaire, concernant l’affichage d’une plaque d’immatriculation non autorisée. Le lendemain matin la personne visée par la plainte a conseillé au plaignant de réécrire l’assignation à comparaitre et d’y ajouter la deuxième infraction. Le plaignant s’est exécuté, mais a déclaré que même si l’accusation était fondée, il n’était pas d’accord avec l’émission d’une deuxième citation à comparaitre.

La CPPM a conclu que la personne visée par la plainte et le plaignant étaient d’accord pour dire qu’il y avait des raisons de porter des accusations contre le propriétaire pour l’enregistrement expiré du véhicule et pour l’affichage non autorisé d’une plaque d’immatriculation. Toutefois, étant donné qu’une citation à comparaitre avait déjà été délivrée pour la première accusation, le fait d’en délivrer une seconde pour l’accusation supplémentaire le lendemain matin, sur la base des mêmes faits et preuves, relevait d’un zèle excessif. Ce n’était cependant pas illégal et la CPPM n’a trouvé aucune preuve indiquant que la personne visée par la plainte était vindicative ou agissait de mauvaise foi. Il ne s’agit pas d’une ingérence.

La CPPM a observé que l’incident n’impliquait pas de risque pour la vie humaine et que, conformément à l’ordre pertinent de la PM des FC, il ne méritait pas une intervention de priorité 3. De plus, le système d’enregistrement vidéo mobile (SEVM) ne fonctionnait pas et les communications du répartiteur à la base n’étaient pas enregistrées, ce qui est exigé par les ordres de la PM des FC.

La CPPM a recommandé au Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) d’instaurer le plus tôt possible le programme d’agent d’encadrement de la police militaire ou son équivalent, comme la formation niveau de qualification 5 ou, dans l’intervalle, de faire du Réseau canadien du savoir policier (RCSP) une formation obligatoire dans toutes les bases des FC ; que tous les membres de la police militaire de cette BFC reçoivent une formation sur les interventions appropriées en vertu des priorités 1, 2 et 3 ; que toutes les mesures nécessaires soient prises pour s’assurer que tous les véhicules marqués et non marqués de la police militaire de cette BFC sont équipés d’un SEVM fonctionnel et que les communications avec le répartiteur de cette BFC soient enregistrées et conservées à titre d’éléments de preuve.

En juin 2023, le chef d’état-major de la défense a reconnu les conclusions du rapport final et a déclaré que le GPFC lui avait écrit pour reconnaitre les quatre recommandations. Cependant, dans des communications entre mars et septembre 2023, le GPFC a informé la CPPM que le bureau du GPFC n’a aucune responsabilité législative en vertu de la LDN pour répondre aux conclusions ou aux recommandations d’un rapport concernant une plainte pour ingérence. Il a toutefois reconnu « la possibilité de leur validité et, par conséquent, les examinera et prendra les mesures appropriées si nécessaire » (traduction).

La CPPM n’a pas été informée des mesures qui ont été ou seront prises, ni des raisons pour lesquelles aucune mesure n’a été prise en ce qui concerne les quatre recommandations. En août 2023, la présidente de la CPPM a écrit au ministre de la Défense nationale pour l’aider à résoudre la question et pour obtenir une réponse qui tienne compte de manière substantielle des recommandations de la CPPM au GPFC.

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