Rapport spécial sur l’ingérence

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Le 12 août 2014

Table des matières

Message du président

Alors que la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) entame sa 15e année d’existence, je crois qu’il convient de revenir sur le travail accompli relativement à l’un des deux piliers de son mandat : les plaintes pour ingérence. L’autre pilier, soit les plaintes pour inconduite, mérite aussi notre attention, mais ces plaintes sont très semblables à celles déposées par le public à l’encontre des policiers civils et sont donc mieux connues des Canadiens.

Le mécanisme d’examen des plaintes pour ingérence est particulier à la police militaire. Il a été créé par une loi du Parlement en 1998 afin de remédier à la difficulté d’assurer l’indépendance des enquêtes de la police militaire (PM) dans le contexte précis des Forces canadiennes (FC), une institution nécessairement axée sur la conduite et la préparation d’opérations militaires.

En 2002, la CPPM a publié son premier rapport spécial sur les plaintes pour ingérence : Rapport spécial – L’ingérence dans les enquêtes de la police militaire : De quoi s’agit-il? L’objectif était d’informer les membres des FC, et surtout ceux de la PM, qu’ils pouvaient présenter des plaintes pour ingérence à la CPPM. Comme la présidente de l’époque, Maître Louise Cobetto, l’a fait observer : « […] j’ai constaté que les membres de la police militaire et des Forces canadiennes méconnaissent ce recours et les principes qui le sous-tendent. »

En revanche, ce deuxième rapport spécial est publié près de 12 ans plus tard, alors que le mécanisme d’examen des plaintes pour ingérence est bien connu au sein des FC et, certainement, parmi les membres de la police militaire. Il diffère donc dans son objectif, qui est de fournir au public, aux FC et surtout à la police militaire, un meilleur portrait de ce qui constitue, à notre avis, de l’ingérence indue dans les enquêtes de la police militaire, d’après les décisions rendues par la CPPM au fil des ans. Évidemment, ce portrait n’est que ponctuel, car la compréhension de l’ingérence par la CPPM peut évoluer avec le temps à la suite de nouveaux scénarios factuels présentés dans les futures affaires.

Je ne saurais trop insister sur le fait que la surveillance civile des services de police ne signifie pas qu’il y a un problème, mais démontre plutôt que les membres de la police militaire sont tenus de respecter les mêmes normes que leurs homologues civils. C’est une question de responsabilité et de transparence, notamment pour assurer la confiance du public en tout temps. La CPPM est déterminée à aider la police militaire à être le meilleur service de police possible.



Ottawa, le 12 août 2014





Glenn M. Stannard, O.O.M.
Président
Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire

Introduction

C’est en 1998 que le Parlement a instauré le mécanisme de plaintes pour ingérence dans la partie IV de la Loi sur la défense nationale (LDN). L’adoption de cette mesure de recours pour les membres de la PM répondait à des préoccupations soulevées dans la foulée d’événements s’étant produits lors de la mission des FC en Somalie, au début des années 1990, et des autres enquêtes, dont les enquêtes publiques, qui ont suivi. Ces préoccupations portaient sur la nécessité d’assurer l’indépendance et l’intégrité des enquêtes de la police militaire en les protégeant de l’ingérence réelle ou possible de la chaîne de commandement militaire. Effectivement, la PM est notamment appelée, dans l’exercice de ses fonctions, à enquêter sur d’éventuelles infractions aux lois militaires et civiles. Dans un tel contexte, elle ne devrait pas recevoir de directives, ni faire l’objet d’influence indue de la part de personnes non responsables de l’application de la loi, à l’instar de ses homologues de la police civile. Les membres de la police militaire ont été jugés particulièrement susceptibles de faire l’objet d’ingérence indue, car à titre de membres des FC, ils relèvent d’une grande organisation n’ayant pas de fonctions policières.

Il y a presque 12 ans, la CPPM a publié son premier rapport spécial intitulé Rapport spécial – L’ingérence dans les enquêtes de la police militaire : De quoi s’agit-il? (décembre 2002). À cette époque, la CPPM était le seul organisme de surveillance ayant le mandat précis d’examiner les plaintes présentées par des PM estimant avoir été victimes d’ingérence indue dans le cadre de leurs enquêtes, et elle l’est encore aujourd’hui. De fait, sous le paragraphe 250.19(2) de la LDN, les enquêtes peuvent parfois être entravées par « abus d’autorité » ou « intimidation ». Par contre, la notion d’ingérence indue n’est pas définie dans la partie IV de la Loi sur la défense nationale, car il ne s’agit pas d’un concept juridique.

Ainsi, puisque la responsabilité exclusive de ce type d’enquêtes particulières incombe à la CPPM, il lui revient de donner, au cas par cas, un sens au concept d’ingérence indue, dans les limites que lui impose l’article 250.19 de la Loi sur la défense nationale. Au moment de la publication du Rapport spécial de 2002, la CPPM, qui terminait alors sa troisième année d’activité, n’avait reçu que quatre plaintes pour ingérence,Note de bas de page 1 dont seulement une a donné lieu à une décision sur le fond.

Depuis le Rapport spécial de 2002, la CPPM a reçu 22 autres plaintes pour ingérence, pour un total de 26 : quatorze se sont soldées par des décisions sur le fond dans des rapports finaux de la CPPM; une a fait l’objet d’une résolution informelle; deux ont été retirées par les plaignants; deux ne relevaient pas de la compétence de la CPPM; et sept sont en suspens devant la CPPM. Cela demeure peu élevé comparativement au nombre de plaintes pour inconduite reçues pendant la même période. La CPPM a néanmoins eu l’occasion d’améliorer sa compréhension de l’ingérence dans certains secteurs clés.

Au cours des années qui se sont écoulées, l’évolution de la police militaire et des FC en général a été marquée par des événements et des expériences clés.

Depuis le Rapport spécial de 2002, le Canada a pris part à un conflit de 12 ans en Afghanistan, ce qui représente la plus importante participation de personnel militaire canadien à une opération de combat en 50 ans. Les exigences opérationnelles d’un engagement militaire d’envergure à long terme ont mis à rude épreuve les ressources des FC. Les membres de la police militaire ont dû se plier à des demandes particulières, exerçant par moment des fonctions policières et militaires dans des environnements de combat exigeants, tandis que leurs collègues demeurés au pays composaient avec un effectif réduit pour exercer leurs responsabilités de maintien de l’ordre et de la sécurité au Canada.

Depuis la réforme du commandement et du contrôle de la police militaire en 2011, tous les PM relèvent du Grand Prévôt des FC (GPFC) en ce qui a trait à leurs fonctions de nature policière. Cette restructuration de la police militaire représente la plus importante mesure prise pour renforcer la protection de l’indépendance des enquêtes depuis la création du Service national des enquêtes des FC (SNEFC) et la mise en œuvre d’autres réformes liées à la Somalie, à la fin des années 1990.

En 2013, le Parlement a adopté le projet de loi C-15, la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada (Lois du Canada, 2013, chapitre 24), apportant ainsi les premières modifications appréciables à la partie IV de la LDN (« Plaintes concernant la police militaire »). Ces réformes législatives ont été bien accueillies, mais ont aussi engendré certaines inquiétudes quant à l’indépendance des enquêtes de la PM (comme on l’expliquera plus loin).

Compte tenu de ce qui précède, le moment semble venu de faire le point sur l’ingérence, au profit de la collectivité de la PM des FC et d’autres intervenants clés.

Nous reviendrons dans ce rapport sur l’origine des dispositions relatives aux plaintes pour ingérence figurant dans la partie IV de la LDN. Nous verrons ensuite comment la compréhension de la CPPM a évolué en ce qui a trait à ce mécanisme unique, qui vise à assurer l’indépendance de la police militaire. Enfin, nous discuterons de certains des principes liés à la nature de l’ingérence énoncés dans les décisions de la CPPM.

Origine du mandat de la CPPM en matière d’ingérence et évolution de l’indépendance des enquêtes de la PM

Questions entourant le déploiement des FC en Somalie et ses conséquences, 1992–1997

L’établissement de la CPPM et de son mandat relatif aux plaintes pour ingérence a certes été influencé par certaines études et initiatives, mais l’impulsion donnée par Le Rapport de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, publié en 1997, est indéniable. Les observations suivantes y sont d’ailleurs formulées :

La réticence des commandants à demander à la police militaire de faire enquête dans les cas de délits criminels graves était symptomatique de l’attitude méprisante des officiers supérieurs et les militaires du rang envers la police militaire. Dans le cas de trois incidents survenus au sein du 2e Commando à l’automne 1992, des adjudants ont conseillé aux soldats de ne pas coopérer avec leurs propres officiers supérieurs, ni avec les enquêteurs de la police militaire. Dans le cas de plusieurs enquêtes menées au sein du RAC [Régiment aéroporté du Canada] avant la mission, la police militaire s’est heurtée à un mur de silence qui a considérablement entravé son travail. Les membres de la police militaire qui ont fait enquête sur l’incident du 4 marsNote de bas de page 2 ont souligné s’être heurtés au même problème. Voici ce qu’indique leur rapport :

Tout au long de l’enquête, il y a eu un manque évident de coopération; la plupart du personnel était réticent à offrir son aide, à fournir des renseignements ou à participer aux enquêtes. Indépendamment du statut que croyaient avoir les personnes pressenties (suspect ou source), obtenir d’elles des renseignements a été une entreprise longue et laborieuse.
[Traduction libre]

Au moins un policier militaire enquêtant sur l’incident du 4 mars a jugé que les commandants supérieurs n’avaient pas seulement fait preuve de manque de coopération, mais qu’ils avaient véritablement contrecarré l’enquête.Note de bas de page 3

En effet, dans le rapport d’enquête rendu le 23 août 1993 par la police militaire au sujet de certains incidents s’étant produits en Somalie, on apprend que l’enquête de la police militaire a été « retardée de façon inexplicable de cinq semaines, ce qui a entraîné la perte irrémédiable de certaines preuves matérielles, estompé les souvenirs et accru les risques de collusion et d’abus d’influence de la part du commandement ».Note de bas de page 4

L’enquête sur les incidents survenus en Somalie a en outre fait ressortir les défis systémiques auxquels les membres de la police militaire se sont heurtés dans leurs efforts visant à protéger l’intégrité et l’indépendance de leurs enquêtes :

La police militaire peut de son propre chef instituer des enquêtes, du moins en théorie. Toutefois, les commandants peuvent exercer une influence très forte sur le déroulement des enquêtes, car la police militaire relève de la chaîne de commandement. Cette influence peut s’exercer de façon intentionnelle ou non, mais elle peut influer sur la portée d’une enquête, sur les ressources disponibles pour la mener et sur le choix des méthodes d’enquête.Note de bas de page 5

Pour placer ces observations dans leur contexte historique, il est important de se rappeler que lors des incidents, les PM relevaient exclusivement du commandement des unités et des formations dont les membres étaient visés par l’enquête. En outre, le SNEFC n’existait pas, sa création étant elle aussi le résultat direct des incidents survenus en Somalie. De nos jours, il relève directement du GPFC et peut indépendamment déposer des accusations en vertu du Code de discipline militaire. Auparavant, ce pouvoir était l’apanage de la chaîne de commandement du suspect, qu’importe la nature de l’infraction militaire.

À la lumière, entre autres, de ces constatations, le gouvernement et le Parlement de l’époque ont décidé qu’une telle ingérence dans les enquêtes de la PM était inacceptable et que la création d’un organisme semblable à la CPPM était nécessaire afin d’assurer l’examen indépendant des plaintes pour ingérence concernant les enquêtes de la PM.

Projet de loi C-25, modifications à la Loi sur la défense nationale, 1998

En 1998, le Parlement du Canada a procédé au plus important remaniement de la Loi sur la défense nationale depuis les années 1950 en édictant la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (Lois du Canada 1998, chapitre 35). Cette loi (projet de loi C-25 pendant la 1re session de la 36e législature) avait pour principal objectif de réformer le système de justice militaire, notamment au moyen d’importantes modifications législatives touchant la police militaire. Un grand nombre de réformes liées à la police militaire ont cependant été effectuées à l’extérieur du Parlement.

L’idée maîtresse du projet de loi C-25 était de rendre l’administration de la justice pénale militaire au titre du Code de discipline militaire plus semblable à celle du système de justice pénale civile, notamment en réduisant le rôle de la chaîne de commandement dans l’administration de la justice au sein des FC.

Un thème semblable a orienté les réformes de la police militaire, dans le cadre et au-delà de l’adoption de la partie IV de la LDN (« Plaintes concernant la police militaire »), grâce au projet de loi C-25.

Les réformes historiques de la fin des années 1990 avaient comme double objectif le renforcement du professionnalisme et de l’indépendance de la police militaire. Ces objectifs interreliés transparaissent dans la partie IV de la Loi sur la défense nationale, où sont énoncés deux processus de traitement des plainte distincts pour la police militaire : la plainte pour inconduite (article 250.18), dont le but est de promouvoir le professionnalisme de la police militaire; et la plainte pour ingérence (article 250.19), visant à promouvoir son indépendance. La CPPM, un organisme civil, distinct du ministère de la Défense nationale (MDN) et des FC (mais relevant du Parlement par l’entremise du ministre de la Défense nationale), a été chargée des deux régimes de plaintes.

Autres réformes de la police militaire à la fin des années 1990

La police militaire a connu d’autres réformes importantes outre celles adoptées aux termes de la partie IV de la Loi sur la défense nationale.

Sur le plan du professionnalisme, le changement le plus remarquable fut l’adoption par voie de règlement du Code de déontologie de la police militaire et des pouvoirs d’application connexes accordés au GPFC.

En ce qui a trait à l’indépendance, sujet central du présent rapport spécial, la plus importante réforme non législative fut la création d’une unité spécialisée de la police militaire, le SNEFC, ayant le mandat exclusif de faire enquête sur des infractions de nature grave et délicate (y compris les infractions commises par des officiers supérieurs). La pertinence du SNEFC repose sur la façon dont il est autorisé à contourner la chaîne de commandement militaire normale :

  1. il est autorisé à porter des accusations en vertu du Code de discipline militaire;Note de bas de page 6
  2. il relève du commandement du GPFC (auparavant, celui-ci occupait essentiellement un poste de conseiller auprès d’un état-major).

Le GPFC a en outre retenu certains pouvoirs sur l’ensemble de la police militaire (notamment sur les membres ne faisant pas partie du SNEFC) en ce qui a trait aux fonctions policières. Une « chaîne technique » distincte pour la police militaire a été autorisée. En vertu de celle-ci, les PM supérieurs, jusqu’au niveau du GPFC, peuvent contourner les canaux de communication habituels fondés sur la chaîne de commandement et fournir directement aux membres de la police militaire des directives techniques et professionnelles sur les questions de nature policière. En définitive, le GPFC peut imposer des directives techniques aux PM grâce au contrôle qu’il exerce sur leurs attestations. Celles-ci permettent aux PM d’exercer leurs pouvoirs d’applications de la loi, conformément à l’article 156 de la Loi sur la défense nationale (« Pouvoirs des PM »), qui leur confère automatiquement la qualité d’agents de la paix en vertu du Code criminel.

Compte tenu de ce nouveau cadre de gouvernance de la police militaire, et particulièrement du mandat spécial, des pouvoirs du SNEFC et du rôle de commandement du GPFC à cet égard, il a fallu adopter une approche particulière quant à la place du GPFC dans la chaîne de commandement. Cela s’est fait de deux façons.

Premièrement, le GPFC a été placé sous le commandement direct du vice-chef d’état-major de la défense (VCEMD), le second officier en importance des FC. L’objectif était de veiller à ce que toute orientation ne provenant pas de la police militaire et pouvant avoir une incidence sur les activités du SNEFC émane des échelons les plus élevés des FC.

Deuxièmement, dans l’intention de mieux protéger les enquêtes de l’influence possible de la chaîne de commandement, le rapport de commandement entre le VCEMD et le GPFC a été ajusté au moyen d’un Cadre de reddition de comptes. Bien que le VCEMD soit autorisé à « donner des ordres et une orientation générale au GPFC afin que les services de police soient fournis avec professionnalisme et efficacité », son rôle est considérablement restreint en ce qui a trait aux enquêtes de la police militaire :

Le VCEMD ne doit pas donner de directives au GPFC en ce qui a trait aux décisions opérationnelles de la police militaire qui se rapportent à des enquêtes. […]

Le VCEMD ne doit pas participer directement aux enquêtes individuelles en cours, mais il recevra de l’information du GPFC de façon à pouvoir prendre les décisions de gestion qui s’imposent. […]

Il [le GPFC] est tenu d’informer le VCEMD sur les questions nouvelles et les urgences pour lesquelles des décisions de gestion doivent être prises. Mais c’est au GPFC de décider à quel point l’information fournie au sujet des enquêtes courantes sera détaillée […]

Restructuration du commandement et du contrôle de la police militaire, 2011

L’indépendance de la police militaire a également été renforcée lorsque, sur ordre du chef d’état-major de la défense, le groupe de la police militaire des FC a été créé le 1er avril 2011 à titre de nouvelle formation des FC relevant du GPFC. Selon les nouvelles modalités, tous les membres de la police militaire relèvent du GPFC pour ce qui a trait à leurs tâches policières, et tous les membres qui ne s’assignent pas particulièrement aux tâches opérationnelles militaires (c.-à-d. fonctions des FC de nature non policière) relèvent complètement du GPFC. Ainsi, le rapport de commandement unique entre le GPFC et le SNEFC a été élargi pour inclure tous les PM dans l’exercer des fonctions policières.

Projet de loi C-15, modifications à la Loi sur la défense nationale, 2013

Les plus récentes modifications à la LDN ont été adoptées par le Parlement et ont reçu la sanction royale en 2013.

Sur le plan de l’indépendance de la police militaire, les plus importantes nouvelles dispositions ont enchâssé dans la loi pour la première fois le poste de GPFC, ainsi que ses rôles et ses responsabilités (nouveaux articles 18.3 à 18.5 de la Loi sur la défense nationale). Elles établissent le rapport hiérarchique entre le GPFC et le VCEMD, ainsi qu’une procédure officielle et transparente pour la destitution du GPFC avant la fin de son mandat.

Autre ajout bien accueilli à la Loi sur la défense nationale : des dispositions interdisant expressément les représailles à l’égard des personnes qui déposent de bonne foi des plaintes pour inconduite ou ingérence (nouveaux paragraphes 250.18(3) et 250.19(3)).

Cependant, la nouvelle disposition conférant au VCEMD le pouvoir exprès de donner des instructions au GPFC sur la conduite d’enquêtes de la police militaire (nouveau paragraphe 18.5(3)) est source de préoccupation, puisqu’elle abroge pour ainsi dire le Cadre de reddition de comptes VCEMD–GPFC de 1998. Ce cadre, spécialement conçu pour écarter de telles interventions de la part du VCEMD, était l’une des pierres angulaires des initiatives mises en œuvre pour protéger l’indépendance des enquêtes de la police militaire dans la foulée des incidents survenus en Somalie. À la connaissance de la CPPM, aucun incident, étude ou consultation n’a précédé ou précipité cette dérogation à la tendance générale, qui consistait à encourager l’indépendance des enquêtes de la police militaire.Note de bas de page 7

La CPPM ne s’attend pas à ce que le VCEMD se prévale de ce nouveau pouvoir fréquemment. Elle s’inquiète plutôt des implications conceptuelles de cette nouvelle restriction de l’indépendance des enquêtes de la PM et de la manière dont l’indépendance de la PM sera définie et comprise à l’avenir par les intervenants pertinents.

Pourquoi les enquêtes de la police militaire doivent-elles être indépendantes?

À ce stade-ci, il est utile de rappeler au lecteur les principes qui sont à la base des inquiétudes et des efforts susmentionnés ayant trait à l’indépendance des enquêtes de la police militaire.

Dans la décision unanime R. c. CampbellNote de bas de page 8 rendue en 1999, la Cour suprême du Canada soutient que les agents de police – en l’espèce, des membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) – faisant enquête sur des infractions sont redevables devant la loi et ne sont pas assujettis aux directives du gouvernement en général. Pour exprimer son point de vue, la Cour a repris les mots du grand juriste anglais lord Denning utilisés dans une décision de la Cour d’appel d’Angleterre. Le juge Binnie écrit ce qui suit au paragraphe 33 de l’arrêt Campbell :

Bien qu’à certaines fins, le Commissaire de la GRC rende compte au Solliciteur général, il ne faut pas le considérer comme un préposé ou un mandataire du gouvernement lorsqu’il effectue des enquêtes criminelles. Le Commissaire n’est soumis à aucune directive politique. Comme tout autre agent de police dans la même situation, il est redevable devant la loi et, sans aucun doute, devant sa conscience. Comme lord Denning l’a dit en ce qui concerne le commissaire de police dans R. c. Metropolitan Police Comr., Ex parte Blackburn, [1968] 1 All E.R. 763 (C.A.), à la p. 769 :

[TRADUCTION] Je n’ai toutefois aucune hésitation à conclure que, comme tous les policiers du pays, il [le commissaire de police] devrait être indépendant de l’exécutif, et qu’il l’est effectivement. Il n’est pas soumis aux ordres du Secrétaire d’État, à l’exception du fait que, en vertu de la Police Act 1964, ce dernier peut lui demander de produire un rapport et de quitter ses fonctions dans l’intérêt de la bonne administration. Je considère qu’il est du devoir du commissaire de police, et de tout chef de police, de faire respecter les lois du pays. Il doit affecter ses hommes de manière à résoudre les crimes pour que les honnêtes citoyens puissent vaquer à leurs occupations en paix. Il doit décider si des suspects seront poursuivis ou non; et, s’il le faut, porter des accusations ou faire en sorte qu’elles soient portées; mais, dans tout cela, il n’est le serviteur de personne, sauf de la loi elle-même. Aucun ministre de la Couronne ne peut lui ordonner de surveiller ou non tel endroit, ou lui ordonner de poursuivre ou non une personne. Aucune autorité policière ne peut non plus lui donner de tels ordres. C’est à lui qu’il incombe de faire respecter la loi. Il est redevable envers la loi, et seulement envers elle.

La déclaration de la Cour selon laquelle le principe de l’indépendance de la police dans la conduite des enquêtes est « à la base de la primauté du droit » est importante en soi, mais elle l’est encore plus à la lumière de la décision rendue quelques mois plus tôt dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec,Note de bas de page 9 où la même Cour soutenait que « la primauté du droit » était elle-même un principe constitutionnel non écrit.

Ainsi, l’exigence selon laquelle les agents de police doivent dans certains cas faire preuve de jugement indépendant et généralement prendre des décisions d’enquête sans ingérence ou influence externe est clairement établie en droit commun, voire même dans le droit constitutionnel du Canada.

Ingérence : De quoi s’agit-il? – Ce que nous apprennent les décisions rendues par la CPPM

Introduction

Comme il a été mentionné précédemment, la compréhension, par la CPPM, de ce qui constitue une ingérence indue continuera à évoluer, en fonction notamment des faits particuliers des futures affaires.

Néanmoins, il peut être judicieux pour les intervenants de la PM de tenir compte de la « jurisprudence » entourant les plaintes pour ingérence examinées par la CPPM. La CPPM a maintenant 14 années d’expérience en matière d’ingérence, et certains thèmes et principes semblent ressortir de son approche à ces dossiers.

Ingérence et intention

Comme la CPPM le soulignait dans son rapport spécial sur l’ingérence de 2002, il existe des similitudes et des différences importantes entre l’entrave (ingérence indue) dont il est question à l’article 250.19 de la Loi sur la défense nationale et l’infraction criminelle qui consiste à entraver le travail d’un agent de la paix aux termes de l’article 129 du Code criminel.Note de bas de page 10 Il y a sans contredit un certain chevauchement entre les deux concepts. Toute conduite équivalent à de l’obstruction criminelle constitue certainement de l’ingérence indue, pourvu que la personne en question puisse faire l’objet d’une plainte pour ingérence (c.-à-d. les membres de FC et les cadres supérieurs du MDN). Toutefois, l’ingérence ne peut pas toujours être assimilée à de l’obstruction criminelle.

La principale distinction entre l’obstruction criminelle et l’ingérence est que la première ne s’applique qu’à une personne qui « volontairement entrave le travail d’un fonctionnaire public ou d’un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions […] » [italique ajouté]Note de bas de page 11. Ainsi, pour qu’il y ait obstruction, l’accusé doit savoir qu’un fonctionnaire public ou agent de la paix exerce ses fonctions et doit, de façon intentionnelle, agir d’une manière qui entrave l’exercice de ces fonctions par le fonctionnaire ou agent de la paix. Cependant, la CPPM reconnaît depuis longtemps que le concept d’ingérence indue prévu à l’article 250.19 de la Loi sur la défense nationale n’exige pas le même niveau d’intention.Note de bas de page 12

Cela ne veut pas dire qu’il y a eu ingérence indue lorsque la personne ne savait pas, et ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à savoir, qu’une enquête de la police militaire était en cours ou sur le point de commencer, ou qu’elle aurait un intérêt en ce sens. Il faut être en mesure d’inférer que la personne savait ou aurait dû savoir qu’une enquête de la police militaire était en cours ou sur le point de commencer, ou encore qu’il existait un intérêt en ce sens, ou du moins que des faits auraient dû l’inciter à poser des questions.

Une autre distinction s’impose encore. Si la personne visée par la plainte savait que la police militaire avait l’intention de faire enquête, la CPPM pourrait conclure qu’il y a eu ingérence sans nécessairement établir que cette dernière a prévu comment ses actions allaient nuire à l’enquête en cours ou imminente. Dans de telles circonstances, il sera généralement nécessaire de consulter les membres de la police militaire responsables de l’enquête.

Exemple 1

CPPM 2002-042 – Ingérence alléguée sans connaissance de l’existence de l’enquête (aucune ingérence)

Un caporal de la police militaire était visé par une enquête de la GRC en raison d’une présumée agression sexuelle. Le SNEFC a ouvert un « dossier parallèle », selon les exigences des FC dans de telles circonstances.

Au cours de l’enquête, l’enquêteur de la GRC a reçu une note anonyme contenant des allégations de harcèlement sexuel à l’encontre de la personne visée par l’enquête. Il a fourni une copie de la note à l’enquêteur du SNEFC responsable du « dossier parallèle », à la demande de ce dernier. L’enquêteur du SNEFC a porté l’existence de la note à l’attention du commandant du détachement de la police militaire dont relevait la personne visée par l’enquête. Cependant, il ne l’a pas averti qu’il avait élargi le « dossier parallèle » pour ouvrir une enquête active sur l’auteur de la note, qui aurait selon lui commis un méfait public en fournissant de faux renseignements à la police.

Le commandant du détachement a déduit que la note anonyme avait été envoyée par un autre membre de son unité. Il a envoyé un courriel à tous les PM sous son commandement, demandant que l’auteur de la note sorte de l’ombre. En raison de ce courriel, l’enquêteur du SNEFC a déposé une plainte pour ingérence à l’encontre du commandant.

Les commandants ont habituellement le droit de savoir si un membre de leur personnel fait l’objet d’une enquête de la police militaire. Il serait irresponsable de la part d’un commandant qui a été mis au courant d’une telle situation de dévoiler de l’information à la personne visée et aux témoins éventuels. Ce comportement pourrait très bien constituer de l’ingérence. En l’espèce, il a été déterminé par la CPPM que le commandant du détachement de la police militaire n’a jamais été informé par l’enquêteur du SNEFC que l’auteur de la note anonyme faisait l’objet d’une enquête distincte. Ainsi, la CPPM a conclu qu’il n’y a pas eu d’ingérence inappropriée, puisque le commandant n’était pas au courant de la tenue de l’enquête.

Exemple 2

CPPM-2006-013 – Ingérence d’un commandant, qui a redonné les effets personnels d’un soldat décédé à la famille de ce dernier, avant la conclusion de l’enquête de la police militaire sur le décès (ingérence constatée)

Dans ce cas, un commandant a donné l’ordre à un officier subalterne de récupérer les effets personnels d’un soldat décédé. Ce faisant, l’officier subalterne a dû couper le ruban de bouclage et trancher le cadenas que la PM avait posé pour sceller les quartiers et les biens du soldat. Le commandant a éprouvé un sentiment de compassion pour les membres de la famille du soldat, qui s’étaient rendus sur la base pour accompagner leur fils mourant et qui voulaient rapporter ses effets avec eux.

Selon la politique des FC en vigueur au moment des faits, tous les décès de cette nature, sur des propriétés militaires, devaient faire l’objet d’une enquête au même titre qu’un homicide, jusqu’à ce que les hypothèses d’actes criminels soient écartées. Dans ce cas, un jeune soldat a eu une crise médicale soudaine et inexpliquée. D’abord, la police militaire locale a lancé une enquête pour examiner la possibilité que des drogues illégales aient été utilisées. Quand le soldat est décédé, le mandat du SNEFC d’enquêter les morts suspectes s’est donc mis en branle.

Le commandant savait bien que la police militaire locale menait une enquête. D’ailleurs, en tant que commandant, il était attendu qu’il soit au courant de la tenue d’une enquête distincte pour une mort subite survenu plus tôt. La CPPM a déterminé que l’information à la disposition du commandant aurait dû l’inciter à se fier à l’expertise technique des PM responsables de l’enquête plutôt que d’aller unilatéralement à l’encontre du jugement des policiers. Par conséquent, la CPPM a conclu que ce commandant s’était ingéré de façon inappropriée dans une enquête de la police militaire.

Le rôle des superviseurs de la police militaire

Il est raisonnable de croire que le Parlement n’a pas créé le mécanisme de plainte pour ingérence, en 1998, dans le but de créer un forum pour régler les différends entre les PM et leurs propres superviseurs de la police militaire. Dans les faits cependant, les plaintes pour ingérence déposées par des PM contre leurs propres superviseurs comptent pour la moitié de toutes les plaintes pour ingérence déposées à ce jour (treize sur vingt-six).

Ces données ne signifient pas nécessairement que le nombre de plaintes pour ingérence déposées contre les superviseurs de la police militaire est anormalement élevé. Elles peuvent également signifier que le nombre de plaintes pour ingérence est peu élevé dans l’ensemble. Ou encore, elles pourraient signifier que ces deux tendances hypothétiques se combinent. Il est toutefois difficile de dégager un sens à ces statistiques sans avoir de données sur les cas d’ingérence possibles qui n’ont pas été signalés.

Il pourrait être plus utile de comparer les deux catégories de plaintes pour ingérence – celles contre les superviseurs de la police militaire et celles contre les autres – en fonction du nombre de plaintes que la CPPM a jugées fondées.

Sur les treize plaintes pour ingérence pour lesquelles les sujets n’étaient pas les superviseurs des plaignants, cinq se sont rendues jusqu’à l’étape de la décision finale et ont été évaluées sur le fond de l’affaire. Sur ces cinq plaintes, la CPPM a déterminé que trois étaient fondées. Par comparaison, des neuf plaintes déposées contre des superviseurs de la police militaire pour lesquelles une décision finale a été rendue, aucune n’a été jugée fondée à ce jour.

Ces tendances pourraient suggérer qu’il faut éduquer la PM sur les limites de l’indépendance de ses enquêtes, et en particulier sur les pouvoirs légitimes et les prérogatives qui existent dans la chaîne de commandement. La CPPM a toujours reconnu, depuis sa création, que les interventions légitimes des superviseurs dans les enquêtes de leurs subordonnés n’étaient pas des ingérences. C’est un point qui a expressément été souligné dans le Rapport spécial de 2002,Note de bas de page 13 et qui a été réitéré à plusieurs reprises depuis dans des décisions rendues à la suite de plaintes. L’exercice indépendant du pouvoir discrétionnaire par les enquêteurs de police, libre de directives et d’influence de l’extérieur du milieu policier, a été soutenu par les tribunaux dans des cas comme Campbell,Note de bas de page 14 tout comme l’a été le pouvoir et le devoir des policiers supérieurs de diriger et de superviser les enquêteurs dans leur travail d’enquête.Note de bas de page 15

En 2006, lorsqu’elle a rendu sa décision dans le premier dossier de plainte pour ingérence déposée par un PM contre un superviseur, la CPPM a établi certains principes de base qui ont été utilisés, par la suite, dans ses décisions sur des cas du même type. Dans le rapport final du dossier CPPM 2006-008 (les faits sont résumés dans l’exemple 3 plus bas), la CPPM a noté ce qui suit :

Toute discussion à propos de l’autorité de supervision au sein de la police militaire doit commencer par la prémisse voulant que les policiers militaires, à titre d’agents de la paix, jouissent d’une certaine discrétion dans l’exercice de leurs fonctions, en particulier en ce qui concerne les enquêtes sur des délits et les mises en accusation qui relèvent de leur autorité. Le droit commun reconnaît depuis longtemps la nécessité de laisser aux agents de la paix le pouvoir de déterminer ce qui est requis pour prendre des mesures telles que les recherches, les arrestations ou le dépôt d’accusations. On ne peut demander à des agents de la paix, qu’ils soient civils ou militaires, de prendre de telles mesures s’ils ne sont pas de l’avis que les motifs requis sont valables. En effet, un tel ordre serait illégal et l’agent de la paix aurait le droit de l’ignorer.

Cependant, les agents de la paix n’ont pas carte blanche, car il est possible de leur ordonner de renoncer à leur pouvoir discrétionnaire dans certaines circonstances. En plus d’établir de façon indépendante les motifs requis sur le plan légal pour, par exemple, déposer des accusations, on s’attend également à ce qu’un agent de la paix exerce ses pouvoirs discrétionnaires dans ses fonctions policières. Ce pouvoir discrétionnaire est habituellement exercé par un agent sur le site ou dans la conduite d’une enquête, mais, selon les cas, cet exercice du pouvoir discrétionnaire peut faire l’objet d’une politique exécutoire ou être soumis à un examen, remis en question et même retiré par un supérieur hiérarchique.

La CPPM a résumé ainsi sa compréhension de la loi : « même si les agents de la paix ne sont pas soumis aux directives de leurs supérieurs pour déterminer la présence des motifs juridiques qui appuient des accusations, ils sont soumis à des directives quant à l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire pour décider si des accusations devraient être portées. » On peut ajouter que les enquêteurs de police sont également soumis à des directives de leurs supérieurs sur la poursuite ou non d’une enquête.Note de bas de page 16

Dans ce même cas (CPPM 2006-008), la CPPM a également reconnu que la légitimité de telles interventions par des superviseurs, qu’ils soient civils ou militaires, était soumise à certaines conditions : entre autres, le superviseur doit agir de bonne foi et non dans un but inapproprié (intérêt personnel, discrimination injustifiée contre ou favoritisme envers une personne ou une catégorie de personnes, etc.).

Dans certains des cas résumés ci-dessous, la mauvaise foi ou les motivations inappropriées ont pu être écartées immédiatement, mais dans d’autres cas, il a fallu une enquête pour le faire.

En bref, les enquêteurs de la police militaire doivent garder à l’esprit que leurs superviseurs ont l’autorité pour intervenir dans leurs enquêtes d’une façon qui serait considérée comme inappropriée si cette intervention était faite par quelqu’un qui n’est pas de la police militaire. En même temps, les plaintes pour ingérence déposées contre des superviseurs ne peuvent toutes être écartées, et doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas.

Exemple 3

CPPM 2006-008 – Légitimité de l’intervention d’un supérieur de la PM dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de mise en accusation (aucune ingérence constatée)

Un PM a décidé de déposer des accusations de profération de menaces contre une personne après avoir répondu à un appel pour trouble de la paix sur une base des FC. Cependant, le PM a décidé de compléter les documents administratifs à son quart de travail suivant. Alors qu’il n’était pas en devoir, son superviseur a recherché la possibilité d’aborder l’affaire au moyen d’une ordonnance de bonne conduite et lui a envoyé un courriel pour l’informer des mesures prises pendant son absence. Le PM responsable de l’enquête a eu l’impression que son superviseur avait renversé unilatéralement sa décision de porter des accusations et a déposé une plainte pour ingérence devant la CPPM.

La CPPM n’a pas trouvé de preuves indiquant que le superviseur avait cherché à renverser la décision du PM de porter des accusations, et a jugé que les allégations d’ingérence n’étaient pas justifiées. Cependant, la CPPM a saisi cette occasion pour clarifier la légitimité d’une intervention par un supérieur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un PM. Elle a conclu que les interventions devaient :

Exemple 4

CPPM-2009-033 – Légitimité de l’intervention d’un supérieur de la PM dans l’affectation d’un enquêteur et la décision de déposer des accusations (aucune ingérence constatée)

L’épouse du chef d’une base des FC a été impliquée dans une collision mineure entre véhicules motorisés. C’est elle qui était responsable de l’accident. Le Prévôt de la base (PB) a décidé de retirer le dossier au PM qui avait commencé l’enquête et l’a transféré à un PM moins expérimenté. Il aurait également ordonné de ne déposer aucune accusation. Le PM qui était responsable du dossier à l’origine a déposé une plainte pour ingérence devant la CPPM.

La CPPM a déterminé que le PB avait des motifs valables de transférer le dossier, car le plaignant devait quitter pour une formation de cinq jours. Le PB a cru que cette affaire serait un bon exercice d’apprentissage pour le PM moins expérimenté. La CPPM a déterminé par la suite que les preuves concernant l’intervention du PB dans le dépôt des accusations étaient contradictoires, ce dernier ayant probablement exprimé une hypothèse personnelle plutôt qu’une directive. Même si la CPPM a conclu que la plainte n’était pas fondée, la possibilité que les actions du PB fussent motivées par le favoritisme ou un conflit d’intérêts a forcé la conduite d’une enquête.

Exemple 5

CPPM-2011-011/CPPM-2011-013/CPPM-2011-018/CPPM-2011-021 – Légitimité de l’intervention d’un supérieur de la PM dans diverses enquêtes (aucune ingérence constatée)

Le plaignant a déclaré que différents membres de sa chaîne de commandement de la PM s’étaient ingérés de façon inappropriée dans quatre de ses enquêtes (deux cas de violence familiale sur la base et deux cas de conduite avec facultés affaiblies en dehors de la base). Les superviseurs de la PM ont remis en question le jugement du plaignant dans son travail d’enquête, l’accusant de violer les droits des suspects en dépassant les compétences territoriales de la PM et en commettant d’autres irrégularités.

Dans les deux cas de conduite avec facultés affaiblies, les véhicules étaient à l’extérieur du territoire de la base des FC ,et les superviseurs ont été d’avis qu’il aurait fallu signaler avec les autorités policières civiles. Des changements apportés au rapport initial du PM étaient également jugés préoccupants. Ces changements, apportés plus tard, venaient justifier davantage l’arrestation du conducteur du véhicule en fonction des règlements de sécurité des FC. Dans les deux cas de violence familiale, les superviseurs étaient préoccupés par les motifs qui ont mené aux arrestations.

La CPPM a conclu qu’en l’absence de mauvaise foi ou de motivation inappropriée, l’intervention des supérieurs ne constituait pas une ingérence. Les normes applicables aux mesures de supervision des PM se fondent sur le caractère raisonnable de ces mesures, et non sur leur justesse. Même si le plaignant avait raison d’affirmer que son supérieur avait une connaissance imparfaite des lois et les politiques applicables, cela ne constitue pas un motif suffisant pour conclure à l’ingérence. Les superviseurs du PM étaient en droit de donner, en toute bonne foi, des directives sur l’exercice des pouvoirs policiers. La CPPM a déterminé que les supérieurs du plaignant n’avaient pas agi de mauvaise foi ou pour de mauvaises raisons, et a donc conclu qu’il n’y avait pas d’ingérence dans ces affaires.

Exemple 6

CPPM 2011-033 – Allégation d’ingérence par une supérieure de la PM dans le dépôt d’accusations (aucune ingérence constatée)

Dans cette plainte, on remet en question la disposition d’un avis d’infraction provinciale émis par le PM plaignant à un conducteur de camion à benne qui avait omis de couvrir sa cargaison. Après que le contremaître de l’entreprise du camion à benne eut rencontré la commandante de section de patrouille de la police militaire, cette dernière a accepté d’examiner les faits et a demandé à l’agent de liaison de la cour de suspendre l’avis d’infraction jusqu’à ce qu’elle puisse vérifier les faits de l’incident auprès du plaignant.

Le plaignant a informé sa superviseure qu’il souhaitait procéder avec une mise en accusation. Cependant, l’agent de liaison aux tribunaux a indiqué que l’avis d’infraction n’était pas dans son bureau et que les services d’administration des infractions de cours provinciales ne l’avaient pas reçu. Lorsque le plaignant a voulu émettre l’avis d’infraction de nouveau, le conducteur de camion lui a dit que la commandante avait le billet d’infraction et qu’il n’avait pas à s’en faire à ce sujet. Le plaignant a conclu que sa supérieure avait annulé l’avis d’infraction et a déposé une plainte pour ingérence.

L’enquête de la CPPM a révélé que l’hypothèse du plaignant était erronée et que l’avis d’infraction avait bel et bien été déposé à la cour. De plus, la CPPM a déterminé que même si la supérieure visée par la plainte avait accepté de se pencher sur la mise en accusation, elle avait finalement soutenu le plaignant en exerçant son propre pouvoir discrétionnaire. La CPPM a conclu que la plainte était attribuable à un manque de connaissance de la part du plaignant sur l’étendue des pouvoirs de supervision au sein de la PM, ainsi qu’à une rupture des liens de confiance entre le plaignant et la supérieure visée par la plainte.

Exemple 7

CPPM-2011-038 – Intervention d’une superviseure de la PM dans une enquête sur une entrée par effraction (aucune ingérence constatée)

Le plaignant a allégué que sa superviseure avait ingérer dans son enquête sur un cas d’entrée par effraction. Il s’est rendu dans une résidence sur la base après que le personnel d’entretien eut observé des traces d’entrée par effraction. Avec son partenaire, le plaignant a commencé son enquête. Il a demandé l’aide du personnel d’entretien pour dresser une liste des biens qui semblaient manquer ou avoir été déplacés dans la résidence.

Lorsque la superviseure visée par la plainte est arrivée sur la scène pour vérifier les progrès de l’enquêteur, elle a observé que les employés d’entretien étaient toujours à l’intérieur de la résidence. Elle a interrogé le plaignant à ce sujet. S’est ensuivi un échange animé entre les deux à propos du bien-fondé de la présence du personnel d’entretien sur la scène de crime. Elle a demandé aux employés d’entretien d’attendre à l’extérieur, puis a demandé au plaignant de prendre leurs noms et de les renvoyer.

Le plaignant a déposé une plainte pour ingérence devant la CPPM pour les actions suivantes de sa superviseure : 1) avoir retardé son enquête en renvoyant les employés d’entretien, ce qui a retardé ses efforts pour dresser la liste des biens manquants ou déplacés; 2) lui avoir adressé des réprimandes devant les personnel d’entretien.

Après enquête, la CPPM a conclu que la plainte n’était pas fondée. Il n’y avait pas de preuve que la superviseure avait agi de mauvaise foi ou pour de mauvais motifs. En fait, ses actions correspondaient davantage aux pratiques policières établies de gestion des scènes de crime.

Quant à la plainte concernant la réprimande, l’enquête de la CPPM a révélé qu’un échange animé avait bien eu lieu entre la superviseure et le plaignant – ce que les policiers professionnels tentent d’éviter en présence du public – et les faits tendaient à démontrer que les deux étaient bien campés sur leurs positions. Selon l’avis de la CPPM, il s’agissait davantage d’une question de relations interpersonnelles que d’ingérence dans une enquête.

Exemple 8

CPPM-2011-047 – PM chargé d’une enquête concernant la chaîne de commandement de sa propre unité de PM (aucune ingérence constatée)

Deux PM ont été affectés à une enquête sur un incident qui a eu lieu sur une base, au cours duquel un véhicule a heurté les membres d’une unité de police militaire en marche d’entraînement, blessant trois d’entre eux. Les deux PM responsables de l’enquête ont déterminé que le conducteur était responsable et ont porté contre lui des accusations en vertu du code routier. Leur enquête a également révélé qu’aucun membre de l’unité ne portait de gilets à bande réflectrice et qu’aucun n’avait été désigné comme pointeur pour alerter les véhicules s’approchant, ce qui est contraire aux ordres permanents de la base.

Même si la CPPM a déterminé que la plainte pour ingérence n’était pas fondée, elle y a trouvé que les inquiétudes du plaignant était compréhensible car il avait été placé dans une position difficile où il devait enquêter sur un incident impliquant les supérieurs de son propre détachement, alors que des ordres permanents de la base n’avaient pas été respectés. La situation a été aggravée par une mauvaise communication en provenance de la chaîne de commandement du plaignant. La CPPM a recommandé que les PM aient le pouvoir discrétionnaire d’ouvrir plus d’une enquête. Dans ce cas-ci, l’unité de PM locale aurait pu s’occuper des infractions du conducteur et le SNEFC aurait pu prendre en charge la question de violation des ordres de la base.

Autres exemples de cas à noter

Exemple 9

CPPM-2000-11 – Pouvoir du commandant d’ordonner une fouille, par voie administrative, sans tenir compte de l’enquête en cours de la PM (résolu de façon informelle)

Le plaignant a allégué qu’un officier supérieur s’était ingéré dans la conduite de son enquête sur la présence de narcotiques dans la chambre d’un membre des FC. Les preuves ont été trouvées lors d’une inspection sanitaire. Plus précisément, le PM a allégué que l’officier supérieur pourrait avoir compromis l’enquête en ordonnant à des membres de son unité de fouiller la chambre sans avoir de mandat, plutôt que d’attendre l’obtention d’un mandat par la PM. Les PM ont averti le commandant que sa démarche administrative pouvait compromettre une enquête en cours.

Ce cas a finalement été résolu par l’entremise d’un processus de conciliation et de règlement informel entre les parties, et la CPPM a choisi de ne pas tirer de conclusions sur le fond de la plainte. Elle a cependant fait plusieurs observations qui, idéalement, pourront diminuer les risques de mauvaise compréhension dans de telles situations à l’avenir. En général, la CPPM estime qu’il n’est pas du meilleur intérêt des commandants d’unités d’intervenir dans des enquêtes policières. La CPPM a également déterminé que même si un commandant jouit d’un grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer quand faire appel aux services de la PM, il doit faire preuve de prudence et d’un bon jugement lorsqu’il utilise les services de la police dans les situations douteuses.

Exemple 10

CPPM 2001-061 – Un officier supérieur s’ingère dans une enquête sur la circulation en remettant en question les actions des PM et en les accusant d’insubordination (ingérence constatée)

Alors que des PM procédaient à un contrôle routier, un officier supérieur non-PM leur a ordonné de venir dans son bureau pour qu’il leur pose des questions sur les circonstances de l’enquête. Il a accusé un PM d’insubordination lorsque ce dernier n’avait pas expliqué suffisamment ses actions, et l’autre PM, qui était resté dans le véhicule de patrouille, a dû téléphoner à son superviseur pour signaler l’incident.

La CPPM a déterminé que les membres des FC non-PM n’ont pas les pouvoirs discrétionnaires d’intervenir auprès des membres de la PM lorsque ces derniers sont dans l’exercice de leurs fonctions policières. Si un membre de la PM informe un autre membre des FC (ou un cadre supérieur du ministère de la Défense nationale) qu’il ne peut obéir aux ordres en raison de ses fonctions policières, cette décision doit être respectée, car les membres de la PM doivent pouvoir agir de façon indépendante, sans subir d’influence injustifiée de la chaîne de commandement. À l’extérieur de leurs fonctions policières, les membres de la PM sont en mesure de répondre aux obligations qui leur sont imposées à titre de soldats des FC.

Exemple 11

CPPM 2004-042 – Un officier supérieur mène sa propre enquête sur la culpabilité de soldats, malgré que le SNEFC mène déjà enquête (ingérence constatée)

Trois membres des FC ont été arrêtés à la frontière canado-américaine en possession de petites quantités de marijuana. La GRC a décidé de ne pas porter d’accusations en raison de la quantité et du type de drogue, et a transféré le dossier à la PM. Le SNEFC a entrepris d’autres enquêtes sur l’implication de ces soldats dans des affaires de drogues. En même temps, comme ces soldats devaient être incessamment déployés à l’étranger, l’adjudant de leur unité a entamé une enquête administrative parallèle afin de déterminer rapidement lequel était responsable de la possession de drogue et d’être en mesure d’envoyer les autres en mission.

Un membre de la PM du SNEFC a déposé une plainte à la CPPM après avoir appris que l’adjudant avait entrepris indépendamment certaines démarches d’investigation comme, par exemple, communiquer avec un organisme étranger d’application de la loi pour obtenir des informations, alors que l’enquête du SNEFC était en cours. La CPPM a déterminé qu’en général, les enquêtes criminelles ou relatives à une infraction d’ordre militaire devaient avoir préséance sur les enquêtes administratives, et que les enquêtes administratives devaient être suspendues en attendant les résultats des enquêtes criminelles. La CPPM a toutefois reconnu que certaines situations opérationnelles urgentes pouvaient dicter une autre conduite.

La CPPM a conclu qu’en général, les communications avec les organismes étrangers d’application de la loi devaient être laissées à la PM. De plus, dans ce cas, l’adjudant est allé jusqu’à déclarer « innocents » deux des membres arrêtés par suite de son enquête. Selon la CPPM, cela aurait pu retarder la SNEFC dans l’atteinte de ses propres conclusions. Par conséquent, la CPPM a jugé qu’il y avait eu ingérence dans cette affaire.

Exemple 12

CPPM 2005-035 – Conflit entre un enquêteur du SNEFC qui entre directement en communication avec des PM témoins et des PM qui demandent que la chaîne de commandement soit respectée (aucune ingérence constatée)

Un enquêteur du SNEFC a déposé une plainte à la CPPM en alléguant qu’un sergent de la PM s’était ingéré dans son enquête. Le membre de la SNEFC menait une enquête au cours de laquelle il devait interroger les membres de l’unité du sergent. Il s’est plaint que le sergent avait avisé les témoins potentiels de ne pas accepter d’être interrogés alors qu’ils n’étaient pas en devoir – le sergent s’objectait à ce que l’enquêteur du SNEFC tente d’organiser les entrevues directement avec les témoins, plutôt que de passer par la chaîne de commandement de l’unité. La CPPM a déterminé que le PM visé par la plainte n’avait pas nui à la conduite de l’enquête et n’avait pas tenté d’influencer les témoins pour modifier la preuve ou tenter de les dissuader de parler avec l’enquêteur du SNEFC. Ses échanges avec les témoins se sont limités au choix du moment des entrevues. La CPPM a déterminé que les allégations d’ingérence n’étaient pas fondées et a noté un écart « culturel » entre les PM, qui sont très axés sur le respect de la chaîne de commandement, et les membres du SNEFC, qui préfèrent travailler en dehors de la chaîne de commandement pour mener leurs enquêtes. La CPPM a conclu qu’il n’y avait pas d’ingérence dans ces circonstances.

Observations et conclusion

Dans la période de presque 12 ans qui s’est écoulée depuis le dernier Rapport spécial sur l’ingérence, le CPPM a acquis une expérience importante en gestion des ingérences inappropriées. Bien entendu, une grande partie de cette expérience a été acquise par la conduite d’enquêtes et la prise de décisions concernant les plaintes pour ingérence.

Cependant, la CPPM a également eu l’occasion de discuter de la question des ingérences lors de ses visites régulières de sensibilisation sur les différentes bases militaires du Canada. Ces discussions ont principalement eu lieu avec des PM, mais des efforts ont été faits pour rencontrer les représentants de la chaîne de commandement de chaque base. À l’occasion, la CPPM s’entretient également de façon informelle avec les PM à propos de situations particulières, soit en personne lors des visites faites sur les bases, ou par téléphone. Certaines de ces discussions informelles aboutissent par le dépôt de plaintes officielles pour ingérence, qui font ensuite l’objet d’enquêtes et de rapports de la CPPM et qui viennent s’ajouter à notre « jurisprudence ». Dans certains cas, les PM décident de ne pas déposer de plainte (la CPPM est toujours ouverte aux discussions informelles avec les PM ou les commandants opérationnels au sujet de préoccupations relatives à des ingérences possibles).

C’est ainsi que la CPPM a pu améliorer ses connaissances sur des questions d’ingérence qui ne sont pas toujours visibles dans les rapports de plaintes. La CPPM croit qu’il serait utile de partager certaines de ces observations dans ce Rapport spécial, en particulier avec la collectivité des PM.

Notre première observation est que la CPPM apprécie le courage dont il faut faire preuve pour déposer une plainte pour ingérence. La CPPM apprécie qu’il va à l’encontre de la culture militaire de porter des problèmes internes directement à l’attention d’un organisme extérieur. La CPPM n’a aucunement l’intention d’encourager une culture de plainte au sein des FC, mais il est important de soutenir le caractère indépendant des enquêtes des PM, la règle de droit et l’équité qui existent au sein du système judiciaire militaire. C’est pourquoi la CPPM prend toutes les plaintes pour ingérence très au sérieux.

Deuxièmement, il est bon de reconnaître les progrès qui ont été faits en matière d’indépendance des enquêtes depuis la Somalie. En plus des réformes institutionnelles qui ont été examinées précédemment dans ce rapport, la CPPM a noté qu’il y avait une grande sensibilisation au sein de la PM, sans nul doute, mais également à la grandeur de la chaîne de commandement, sur les questions d’indépendance de la PM et d’ingérence.

Ce progrès s’observe particulièrement lorsque l’on compare le soutien opérationnel actuellement fourni par la PM avec celui qui existait au moment du déploiement en Somalie, en 1992–1993. En Somalie, seul un petit nombre de PM étaient déployés, et ils relevaient entièrement du commandant du groupement tactique. En revanche, au cours des douze années où le Canada a contribué à la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, en plus des PM leur étant assignés, les groupements tactiques et les forces opérationnelles des FC ont été déployés avec des membres du SNEFC qui relevaient directement de la chaîne de commandement de la PM à Ottawa, plutôt que du commandant du théâtre des opérations.

Malgré les progrès accomplis, la CPPM est également consciente des problèmes auxquels sont confrontés quotidiennement les PM alors qu’ils doivent faire la mesure entre les nécessités opérationnelles des FC dans leur ensemble et les impératifs de l’application de la loi et de la primauté du droit. C’est un équilibre qu’ils doivent chercher à atteindre. Même si la police militaire a des tâches et des obligations spéciales qui sont associées à l’application de la loi, il n’en demeure pas moins qu’elle est là pour appuyer les opérations militaires.

Bien entendu, cela ne signifie pas que l’application de la loi doit nécessairement céder le pas aux priorités opérationnelles. En fait, cela devrait être l’exception plutôt que la règle. Cependant, cela signifie que la police militaire doit être consciente des besoins légitimes et des priorités de la chaîne de commandement opérationnel. Il sera parfois bon de s’attendre à ce que les PM s’adaptent aux besoins opérationnels légitimes en exerçant leurs activités policières différemment de leurs homologues civils. Un bon exemple de cet état de fait est la nécessité pour les PM d’informer les commandants lorsque leur personnel est sous enquête. Sur d'autres questions d'application de la loi, ou dans des contextes factuels particuliers, il ne peut pas être approprié de s'écarter des normes et des pratiques générales de police.

Parmi les adaptations que les forces policières doivent faire dans un contexte militaire, on note la nécessité pour les PM de communiquer efficacement à la chaîne de commandement les exigences de l’application de la loi et de l’indépendance des PM dans les enquêtes. Même si, comme nous l’avons noté plus haut, les questions d’indépendance de la PM et d’ingérence sont maintenant bien connues au sein des FC, on ne peut s’attendre à ce que les commandants opérationnels aient la même expertise que les PM sur les mesures à prendre dans les circonstances spécifiques de chaque cas pour respecter l’indépendance des enquêtes de la PM.

De notre point de vue, cette capacité de communiquer avec les commandants opérationnels à propos des activités policières et de l’indépendance des PM présuppose qu’il faut savoir quand remettre en question, de façon respectueuse et appropriée, les directives opérationnelles qui ne sont pas conformes aux impératifs d’application de la loi. Dans cette situation, un PM ferait bien de consulter préalablement ses propres supérieurs de la chaîne de commandement de la PM. Dans la plupart des cas, les recours informels qui peuvent être pris pour répondre aux directives douteuses données aux PM devraient être privilégiés avant de considérer le dépôt d’une plainte pour ingérence.

Après tout, l’objectif réel du mécanisme de plainte pour ingérence devrait être de prévenir l’ingérence avant qu’elle ne se produise, plutôt que de susciter une enquête après les faits. Pour atteindre cet objectif louable, les policiers militaires eux-mêmes ont un rôle important à jouer.

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