Deuxième examen des modifications apportées à la Loi sur la défense nationale conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35

Observations supplémentaires de la CPPM :
Accès aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat

Par suite de notre rencontre du 29 juin 2011, la CPPM aimerait clarifier une question au sujet de l’accès aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat. Selon l’état actuel du droit, il n’est pas certain que les PM qui se fondent sur un avis juridique pour expliquer leur conduite puissent renoncer au privilège et donner à la CPPM l’accès à l’avis. Il n’est pas certain non plus que le GPFC ait le pouvoir de renoncer au privilège, même lorsqu’il se fonde sur l’avis juridique que les PM ont reçu, pour trancher une plainte pour inconduite subséquemment révisée par la CPPM. En conséquence, la CPPM soutient qu’elle devrait obtenir l’accès aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat dans ces circonstances restreintes.

Selon la position juridique des FC, le privilège rattaché à l’avis juridique que les PM reçoivent dans l’exercice de leurs fonctions de nature policière appartient au ministre de la Défense nationale et seul celui-ci peut y renoncer. Bien que des incertitudes subsistent à ce sujet, il existe des décisions judiciaires à l’appui de la position des FC sur ce point.

Dans Canada (Attorney General) v. Central Cartage Co. (1987)Note de bas de page 1, Madame la juge Reed, de la Cour fédérale, s’est prononcée comme suit :

[traduction]

Le client [dans le cas des avis juridiques donnés par les avocats du ministère de la Justice] au sens large englobe le secteur exécutif du gouvernement du Canada. Au sommet se trouve le gouverneur en conseil, y compris le ministre de l’Industrie et du Commerce. Les entités comme l’Agence d’examen de l’investissement étranger et le Comité interministériel des ponts internationaux représentent des subdivisions du client. Il n’y a pas lieu de fragmenter les différentes subdivisions ou entités gouvernementales de façon à dire que les avis juridiques donnés, par exemple, au ministère des Transports par une personne dont la fonction habituelle est de conseiller l’Agence d’examen de l’investissement étranger sont moins confidentiels parce qu’ils sont donnés au ministère des Transports plutôt qu’à l’Agence elle-mêmeNote de bas de page 2.

En conséquence, la décision rendue dans Central Cartage appuie l’idée de définir « le client » comme l’instance se trouvant au sommet de l’organisation aux fins du secret professionnel de l’avocat.

Dans R. c. Campbell (1999)Note de bas de page 3 (dont le texte figure au volume II de l’onglet 40 du recueil de textes à l’appui de la CPPM), la Cour suprême du Canada a précisé qu’en ce qui concerne la renonciation possible au privilège du secret professionnel de l’avocat rattaché aux avis juridiques fournis à un agent d’infiltration de la GRC, le client était la GRC comme entité, plutôt que le policier qui a obtenu l’avisNote de bas de page 4.

Il convient de souligner que, contrairement à d’autres forces policières, la police militaire des FC est intégrée dans la hiérarchie institutionnelle générale de l’armée. En soi, le groupe de PM des FC, qui relève du GPFC, n’a aucune personnalité juridique distincte par rapport à celle de l’ensemble des FC. De plus, selon l’article 4 de la Loi sur la défense nationale, le ministre « est responsable des Forces canadiennes ».

Cependant, les tribunaux de la Nouvelle-Écosse ont récemment adopté une approche plus souple et plus nuancée, comparativement à la position adoptée dans Central Cartage et Campbell. Ainsi, dans Peach c. Nova Scotia (Department of Transportation & Infrastructure Renewal) (2010)Note de bas de page 5, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a appliqué le concept juridique de la répartition du pouvoir gouvernemental qui a été reconnu dans Carltona Ltd c. Works Commissioners (1943)Note de bas de page 6 et rejeté le raisonnement sous-entendu dans Central Cartage, statuant que le pouvoir d’un fonctionnaire du gouvernement de renoncer au privilège du secret professionnel de l’avocat [traduction] « existait en parallèle avec le pouvoir d’obtenir l’avis au départ »Note de bas de page 7. Selon cette approche relative à l’identification du client aux fins de la renonciation au privilège, il se pourrait que des membres de la PM soient considérés comme des personnes autorisées à renoncer au privilège rattaché aux avis juridiques qu’ils reçoivent.

En tout état de cause, il est peu probable que la décision que les tribunaux de la Nouvelle‑Écosse ont rendue dans Peach incitera le Bureau du juge-avocat général à modifier sa position juridique de longue date au sujet de la renonciation. La question devra éventuellement être soumise aux tribunaux et, puisque la jurisprudence est contradictoire à ce sujet, les résultats du litige en question seraient incertains. En conséquence, il se pourrait fort bien que, dans le contexte des enquêtes qu’elle mène dans le cadre du processus prévu à la partie IV de la LDN, la CPPM n’ait toujours pas accès aux avis juridiques fournis aux PM, même lorsque ceux-ci invoquent lesdits avis pour expliquer leur conduite (et que les mêmes avis pourraient aider la cause des PM visés par les plaintes en appuyant le caractère raisonnable de leur conduite), ou lorsque le GPFC se fonde sur les avis en question dans les décisions qu’il prend au sujet des plaintes dans l’exercice de sa compétence de première instance.

En conséquence, afin d’éliminer cette iniquité possible pour les parties aux plaintes, la Commission souhaite présenter la solution de rechange suivante à la proposition no 12 qu’elle a formulée dans ses observations :

La CPPM propose que la partie IV de la LDN soit modifiée de façon à permettre à la CPPM d’avoir accès aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat lorsque l’intéressé invoque un avis juridique pour expliquer sa conduite ou que le GPFC se fonde sur un avis juridique dans la décision qu’il prend au sujet de la plainte.

Date de modification :