Deuxième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale

Table des matières


Avant-propos

La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (la CPPM ou la Commission) est heureuse d’avoir la possibilité de participer au deuxième examen de la Loi sur la défense nationale (LDN) conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35. À titre d’organisme créé par suite des modifications apportées à la LDN en 1998 et énoncées à l’origine dans le projet de loi C-25 de la 1re session de la 36e législature du Canada, la CPPM est un intervenant important ayant une expérience directe dans l’application de la législation, notamment en ce qui concerne le régime d’examen des plaintes concernant la police militaire qui figure à la partie IV de la Loi (Recueil des sources de la CPPM, volume 1, onglet 1).

Dans les présentes observations, la CPPM s’est limitée à commenter les questions d’orientation législative et ne s’est pas attardée aux détails de la mise en oeuvre ou au texte des dispositions législatives proposées. Cependant, elle est disposée à faire part de ses commentaires et de ses conseils à ce sujet, que ce soit à la demande de l’autorité indépendante ou dans le contexte des consultations subséquentes que le gouvernement tiendra lors de la préparation des nouvelles mesures législatives qui seront déposées par suite de l’examen.

Introduction

La CPPM : Qui nous sommes et ce que nous faisons

La CPPM est officiellement entrée en fonction le 1er décembre 1999, lorsque le gouverneur en conseil a promulgué la partie IV de la LDN. Depuis sa création, la CPPM a examiné et révisé plus de 600 plaintes concernant la police militaire et préparé près de 200 rapports contenant plus de 1 500 conclusions et recommandations visant à régler les plaintes et à optimiser la qualité et l’intégrité de la police militaire.

La CPPM assure une surveillance civile indépendante des membres de la police militaire (PM) des Forces canadiennes (FC) en examinant les plaintes concernant la conduite de ceux-ci dans l’exercice « des fonctions de nature policière » (plaintes pour inconduite) et en menant des enquêtes et publiant des rapports sur les plaintes relatives à l’entrave ou à l’ingérence inappropriée dans les enquêtes de la PM (plaintes pour ingérence). Les conclusions de la CPPM ne sont pas contraignantes et ses rapports n’ont pas force exécutoire. Cependant, bien que les dirigeants de la PM et des FC ne soient pas tenus de donner suite aux conclusions ou recommandations de la CPPM, ils doivent motiver par écrit leur refus de le faire. À cet égard, les fonctions de la CPPM s’apparentent à une enquête publique, puisque son influence se fait sentir par la persuasion morale ou politique qui découle de la transparence et de la responsabilité publiques plutôt que par l’exercice d’un pouvoir exécutif ou juridictionnel.

Bien que la CPPM relève du Parlement par l’entremise du ministre de la Défense nationale, elle constitue un organisme distinct du ministère de la Défense nationale (MDN) et des FC, tant sur le plan juridique que sur le plan administratif. Tout en faisant partie du portefeuille de la Défense nationale, la Commission n’est pas assujettie aux directives du ministre en ce qui a trait à son mandat opérationnel. À ce titre, la CPPM fait partie, non pas de l’État, mais de l’administration publique fédérale et est entièrement assujettie aux règles et politiques de celle-ci, comme celles qui concernent la gestion des finances publiques, les langues officielles, l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, la dotation de la fonction publique, etc.

L’indépendance de la CPPM par rapport au MDN et à l’ensemble du gouvernement ressort du fait, par exemple, que les postes de conseiller juridique de la Commission sont pourvus sans l’intervention du ministère de la Justice. En ce qui concerne son statut juridique et ses relations avec son ministère associé (MDN), la Commission s’apparente au Comité des griefs des Forces canadiennes (créé en même temps qu’elle), à la Commission des plaintes du public contre la GRC (vis-à-vis le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile) et à la Commission canadienne des droits de la personne (vis-à-vis Justice Canada).

La Commission est dirigée par un président à temps plein et par un nombre maximal de six autres membres, qu’ils soient désignés à temps plein ou à temps partiel. À l’heure actuelle, la Commission compte un président à temps plein et un membre à temps partiel. Un membre à temps partiel a récemment pris sa retraite à la fin de son mandat et la Commission prévoit que de nouveaux membres seront nommés sous peu. Le président et les autres membres sont tous nommés par le gouverneur en conseil pour des mandats renouvelables allant jusqu’à cinq ans. Le président est le premier dirigeant de la Commission. En plus des membres nommés par le gouverneur en conseil, le personnel de la Commission peut compter jusqu’à 19 employés à temps plein (14 postes étant pourvus à l’heure actuelle). La Commission retient également les services de spécialistes de l’extérieur sur une base contractuelle. Le budget de fonctionnement annuel régulier de la Commission s’élève à 3,4 millions de dollars.

Survol du processus d’examen des plaintes

Les plaintes pour inconduite relèvent d’abord principalement de la responsabilité du grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC), plus précisément du représentant de celui‑ci, le grand prévôt adjoint – Normes professionnelles (GPA NP) (qui est depuis le 1er avril, le commandant adjoint du Groupe PM FC). La CPPM est informée de toutes les plaintes pour inconduite et en surveille le traitement par le GPA NP. Lorsqu’il le peut, le GPA NP doit envisager la possibilité de régler une plainte à l’amiable. Lorsque la procédure de règlement à l’amiable n’est pas utilisée ou qu’elle échoue, le GPA NP mène une enquête, sauf s’il estime que la plainte est « futile, vexatoire ou a été portée de mauvaise foi », qu’il est préférable de recourir à une procédure prévue par un autre régime législatif ou qu’il « est inutile ou exagérément difficile de procéder à l’enquête ». Après avoir mené son enquête, le GPA NP présente un rapport dans lequel il énonce ses conclusions et les mesures à prendre au sujet de la plainte.

Le plaignant qui est insatisfait du traitement de sa plainte par le GPA NP a le droit de demander une révision par la CPPM. Lorsqu’une demande de cette nature est présentée, la CPPM prend en main le traitement de la plainte. Elle obtient automatiquement une copie de tous les dossiers pertinents de la PM ainsi que de tous les documents fournis par le plaignant et en fait l’examen. La Commission jouit d’une très grande marge de manoeuvre quant à la mesure dans laquelle elle mènera une autre enquête dépassant l’examen sur dossier des documents pertinents fournis par la PM et le plaignant. Il arrive fréquemment que la Commission mène une enquête plus approfondie dans le cadre de laquelle elle sollicite des documents supplémentaires ou interroge elle‑même des témoins.

Après avoir passé en revue le dossier ou mené sa propre enquête, la CPPM présente un rapport intérimaire dans lequel elle énonce ses conclusions et recommandations concernant la plainte ainsi que son analyse des faits et des règles de droit, des politiques ou des « pratiques exemplaires » pertinentes en ce qui a trait à la police. Le rapport intérimaire est envoyé au GPFC ainsi qu’au ministre et au chef d’état-major de la Défense (CEMD). Le GPFC doit ensuite remettre à la CPPM un avis d’action faisant état des mesures qui ont été ou seront prises à l’égard de la plainte et des raisons pour lesquelles les conclusions ou recommandations de la Commission ne seront pas suivies, le cas échéant. Après avoir pris connaissance de l’avis d’action, la Commission prépare et présente son rapport final, lequel est remis aux mêmes destinataires que le rapport intérimaire ainsi qu’au sous‑ministre, au juge-avocat général (JAG), au plaignant et à la personne visée par la plainte.

Dans le cas des plaintes pour ingérence, la démarche est plus courte, puisque la CPPM en est directement saisie. La procédure relative aux plaintes pour ingérence est par ailleurs identique à celle des plaintes pour inconduite, sauf que c’est le CEMD ou le sous‑ministre (selon que la personne visée par la plainte est un membre des FC ou un représentant du MDN), plutôt que le GPFC, qui remet la notification en réponse au rapport intérimaire de la CPPM.

Par voie d’exception, le président de la CPPM peut décider de lancer une enquête de la Commission au sujet d’une plainte « à tout moment » lorsqu’il estime qu’il est dans l’intérêt public de le faire. Il peut également décider de convoquer une audience pour enquêter sur cette plainte. Lorsqu’une audience d’intérêt public est convoquée, la Commission peut contraindre les témoins à se présenter à l’audience, à répondre aux questions et à produire des documents et d’autres éléments dont ils ont le contrôle. Hormis ces contraintes, la collaboration lors des enquêtes de la Commission est purement volontaire. Sur les quelque 600 plaintes qu’elle a reçues depuis décembre 1999, la CPPM a lancé douze enquêtes d’intérêt public, dont trois ont donné lieu à la tenue d’audiencesNote de bas de page 1.

La procédure que suit la CPPM pour examiner les plaintes est de nature inquisitoire et non accusatoire : c’est la Commission elle-même (plutôt que les parties à la plainte) qui détermine de son propre chef comment la plainte sera traitée ainsi que l’ampleur des éléments de preuve et enquêtes nécessaires à cette fin. De plus, la CPPM est tenue par sa loi habilitante (notamment par l’article 250.14 de la LDN) de donner suite aux plaintes dont elle est saisie avec célérité et sans formalisme, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent.

Défis particuliers liés à la surveillance de la police militaire

Le régime législatif prévu à la partie IV de la LDN à l’égard des plaintes concernant la PM est fondé dans une large mesure sur celui des plaintes du public contre les membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), lequel est énoncé aux parties VI et VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC). Cependant, ce dernier régime a lui-même été examiné en profondeur au cours des dernières années et devait faire l’objet d’une réforme majeure sous la forme du projet de loi C-38 (Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et modifiant certaines lois en conséquence) présenté au cours de la session parlementaire précédente (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 4)Note de bas de page 2. Le projet de loi C-38 représente la principale réponse législative du gouvernement du Canada aux recommandations de la Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar (enquête Arar), dirigée par le juge Dennis O’Connor.

Dans le cadre de son mandat, la CPPM a naturellement été appelée à relever de nombreux défis semblables à ceux de la Commission des plaintes du public contre la GRC ainsi que d’autres organismes de surveillance de la police provinciaux. L’établissement des relations et du lien de confiance nécessaires entre l’organisme de surveillance externe et le service de police surveillé crée inévitablement des tensions.

Cependant, la surveillance indépendante d’un corps de police qui fait également partie de l’organisation militaire donne également lieu à des défis uniques pour la Commission. Ainsi, le mécanisme d’examen des plaintes pour ingérence – sur lequel la CPPM exerce une compétence exclusive – est propre à la surveillance de la police militaire seulement. De plus, étant donné que les membres de la PM jouent le double rôle de policiers et de soldats au sein des FC, la portée des questions visées par le mandat de surveillance de la CPPM a fait l’objet de certains débats.

Ces aspects et défis uniques qui caractérisent la tâche de la CPPM montrent bien la nature et les exigences particulières de la police militaire canadienne elle-même. Contrairement aux policiers militaires de bon nombre d’autres forces armées, les membres de la police militaire des FC jouissent du plein statut et des pleins pouvoirs de l’agent de la paix dans le cadre de leurs fonctions policières. Le principal mandat des policiers militaires des FC consiste en effet à faire respecter la loi et à faire régner l’ordre au sein de l’armée; c’est pourquoi ils sont investis de pouvoirs d’application de la loi à l’endroit de l’ensemble du personnel des FC partout sur la planète, qu’il s’agisse d’infractions civiles ou militaires. Cependant, ils exercent également des pouvoirs civils à l’endroit de toutes les personnes (y compris les civils) se trouvant sur une propriété du MDN.

La structure de commandement précédente de la police militaire traduisait la double nature des fonctions de ses membres à titre d’agents de la paix et d’agents d’exécution de la loi, d’une part, et de soldats, d’autre part. Avant le 1er avril 2011, la plupart des policiers militaires étaient assujettis à la chaîne de commandement opérationnelle générale des FC et seuls ceux qui étaient affectés au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC), aux casernes de détention et prison militaire des FC, au Service de sécurité de la police militaire (SSPM) (qui fournit des services de sécurité aux missions diplomatiques canadiennes à l’étranger) et à l’École de la police militaire des Forces canadiennes (EPMFC) relevaient du GPFC. Cependant, en ce qui concerne leurs fonctions d’application de la loi, tous les PM étaient assujettis à la direction technique du GPFC, qui a le pouvoir de suspendre ou de révoquer leurs attestations.

Le 1er avril 2011, la structure de commandement de la PM a été modifiée en profondeur, de sorte que tous les PM relèvent désormais du commandement du GPFC (également appelé désormais le commandant du Groupe de la police militaire des Forces canadiennes) pour ce qui est de leurs fonctions policières, mais demeurent assujettis à la chaîne de commandement opérationnelle générale en ce qui a trait à leurs fonctions opérationnelles militaires.

Du point de vue pratique, les quelque 1 245 PM certifiés du CanadaNote de bas de page 3 sont répartis un peu partout au pays et à l’étranger et se déplacent assez régulièrement. Il en est également de même, bien entendu, de l’ensemble des membres des FC à l’endroit desquels ils exercent leurs fonctions et avec lesquels ils interagissent. En raison de cette réalité, la CPPM doit se déplacer pour interroger les témoins, bien qu’elle fasse montre de souplesse et de pragmatisme à cet égard et qu’elle ait souvent recours à des solutions de rechange moins coûteuses, comme les entrevues téléphoniques et l’envoi de questions par courriel.

Nos observations

La description des questions problématiques et les propositions de la CPPM à l’égard du renouvellement des dispositions législatives relatives à la surveillance de la police militaire du Canada couvrent quatre thèmes : 1) la portée de la surveillance; 2) l’accès de la CPPM à l’information; 3) l’équité et l’efficacité des procédures; 4) l’indépendance de la PM.

La Commission ne voit pas pourquoi le processus d’examen législatif ne devrait pas être interactif et, par conséquent, elle est heureuse de recevoir de la rétroaction sur ses propositions de la part d’autres intervenants jouant un rôle dans l’application de la partie IV de la LDN ainsi que de l’autorité indépendante chargée de l’examen et de participer à un dialogue conjoint sur des sujets d’intérêt mutuel.

Nous sommes impatients de vous rencontrer et de répondre à vos questions. N’hésitez pas à nous faire part des renseignements ou éclaircissements supplémentaires que vous souhaitez obtenir et que nous sommes en mesure de vous fournir. La principale personne‑ressource de la CPPM aux fins de l’examen législatif est son avocat-conseil, M. David Goetz (téléphone : 613-947-5633; courriel : david.goetz@mpcc-cppm.gc.ca). Cependant, toute l’équipe de la Commission et moi-même sommes à votre disposition pour vous apporter toute l’aide possible dans le cadre de cette importante tâche.

 

Glenn Stannard
Président
Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire

Ottawa, le 23 juin 2011

I) La portée de la surveillance de la PM

A. La partie IV de la LDN entre-t-elle en jeu? Qui devrait trancher la question?

À l’heure actuelle, les dispositions législatives applicables ne comportent aucune précision sur la détermination de la nature des plaintes, c’est-à-dire sur l’évaluation de la mesure dans laquelle une plainte concernant un PM porte ou non sur « l’exercice des fonctions de nature policière » de celui-ci selon le paragraphe 250.18(1) de la LDN et l’article 2 du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 21).

Ce silence dans la loi est particulièrement problématique dans le contexte du régime de la partie IV de la LDN car, contrairement à d’autres modèles de surveillance civile de la police, la CPPM n’est pas le seul organisme habilité à examiner les plaintes. En effet, selon l’article 250.21 de la LDN, les plaintes pour inconduite peuvent être portées non seulement devant la CPPM, mais également auprès du JAG, du GPFC ou de tout membre de la PM. Si l’une ou l’autre de ces personnes estimait que la plainte reçue ne porte pas sur l’exercice des fonctions de nature policière de la PM, elle pourrait décider unilatéralement de ne pas enclencher la procédure prévue à la partie IV de la LDN. En pareil cas, la Commission pourrait totalement ignorer qu’une plainte a été formulée et le plaignant n’aurait pas la possibilité de soutenir devant celle-ci que la plainte est visée par la partie IV. Effectivement, c’est ce qui s’est produit à maintes reprises dans le passé.

Bien que les relations de travail entre la CPPM et le GPFC se soient améliorées au cours des sept dernières années, la Commission demeure préoccupée par la démarche suivie dans certains cas, tant par le GPA NP que par les unités de première ligne de la PM, en ce qui a trait à la notification des plaintes pour inconduite visées par la partie IV de la LDN.

Ainsi, récemment, une plainte concernant la conduite d’un policier militaire, apparemment dans l’exercice de fonctions de nature policière, a été adressée par un membre du public au ministre de la Défense nationale et subséquemment acheminée par le bureau de celui-ci au GPFC. Étant donné que la plainte ne lui avait pas expressément été adressée à lui (ou à un autre représentant autorisé à recevoir les plaintes aux termes de l’article 250.21 de la LDN), le GPFC a décidé de ne pas invoquer l’application du régime prévu à la partie IV de la LDN et de considérer la plainte comme une question interne qui touchait les normes professionnelles de la PM et n’était pas assujettie à la surveillance de la CPPM. De l’avis de la Commission, il n’est pas dans l’intérêt public de soustraire une plainte à l’application du régime de la partie IV simplement parce qu’elle n’a pas été transmise à l’un des destinataires autorisés à la recevoir en premier lieu.

De plus, au cours de la dernière année, il y a eu deux autres cas où une plainte pour inconduite portée à l’attention de détachements locaux de la PM n’a pas déclenché l’application du mécanisme prévu à la partie IV de la LDN et où la Commission n’a même pas été avisée de l’existence des plaintes en question.

Dans un cas, une jeune femme a avisé le détachement de son ex-petit ami que celui-ci avait pointé son arme à feu en sa direction. L’affaire a été renvoyée au SNEFC aux fins de la tenue d’une enquête relative à une infraction criminelle ou militaire, mais aucun dossier de plainte pour inconduite visée par la partie IV n’a été ouvert et la Commission n’a nullement été avisée de la plainte. Elle en a été informée cinq mois plus tard, lorsque le PM concerné a déposé une plainte auprès d’elle au sujet de la conduite des enquêteurs du SNEFC qui ont traité son dossier.

Dans l’autre cas, un individu a tenté de se plaindre de la conduite d’un enquêteur du SNEFC qui avait mené une enquête au sujet d’une agression sexuelle qui lui était reprochée. Lorsqu’il a d’abord cherché à présenter une plainte, il a été avisé par le détachement du SNEFC en question qu’il devait attendre l’issue de sa cause au pénal avant de déposer une plainte. En fait, cet avis était erroné. Même si le GPFC reporte généralement la tenue d’enquêtes sur les plaintes jusqu’à l’issue des procédures criminelles connexes, ce report ne saurait justifier le refus d’ouvrir un dossier de plainte pour inconduite visée par la partie IV et d’aviser la Commission de la plainte. De plus, quelques mois plus tard, lorsque le détachement a finalement accepté le dépôt de la plainte, il a renvoyé l’affaire à l’enquêteur du SNEFC en vue d’une enquête relative à une infraction criminelle ou militaire, mais n’a pas ouvert de dossier de plainte conformément à l’article 250.21 de la LDN. Huit mois plus tard, lorsque le détachement du SNEFC a avisé le plaignant qu’il ne porterait pas d’accusations contre la personne visée par la plainte, il lui a conseillé de consulter le site web de la CPPM s’il désirait déposer une plainte pour inconduite. C’est ce que le plaignant a fait et ce n’est qu’à ce moment que la CPPM a été mise au courant de l’affaire. Cependant, de l’avis de la Commission, il aurait fallu que la plainte soit jugée d’importance et déposée et que la CPPM soit avisée lorsque le plaignant a soulevé pour la première fois ses préoccupations auprès du détachement du SNEFC (il convient de souligner que les plaintes visées par la partie IV peuvent être formulées verbalement ou par écrit).

Par ailleurs, dans une autre affaire récente, une personne s’est plainte directement auprès de la Commission au sujet de la conduite d’un PM qui s’était approché de son véhicule et l’avait réprimandée parce qu’elle avait éclaboussé une jeune fille sur le trottoir d’une base en passant près d’elle en véhicule automobile. Le PM en cause portait apparemment un uniforme, mais il est difficile de savoir s’il s’agissait uniquement de la tenue militaire générale, ou si l’intéressé portait également des insignes particuliers de la PM. En tout état de cause, la plaignante connaissait le PM et était au courant du statut de celui-ci. De l’avis de la Commission, les faits allégués ne permettent pas de savoir si le policier militaire voulait, en confrontant la plaignante ou en lui reprochant sa conduite, « se mettre en service » ou invoquer par ailleurs son statut de membre de la PM, même s’il n’était pas vraiment en service à ce moment-là. Lorsque la Commission a renvoyé la plainte au GPA NP aux fins de la tenue d’une enquête de première instance, le GPA NP a unilatéralement reclassifié la plainte à titre de dossier interne sur les normes professionnelles de la PM qui n’était pas visé par le régime de la partie IV.

Les cas exposés ci-dessus illustrent ce que la Commission considère comme une tendance au sein de la PM, y compris au bureau du GPA NP, à exclure les plaintes de la portée du régime prévu à la partie IV. Pour sa part, la Commission ne peut voir en quoi le fait d’engager une procédure qui est plus transparente et qui peut faire l’objet d’une surveillance indépendante risque d’entraîner des conséquences défavorables et estime qu’il est préférable de pécher par excès de prudence et d’enclencher le mécanisme prévu à la partie IV de la LDN.

En accord avec l’esprit et l’objet de la surveillance indépendante, la seule façon appropriée de savoir, dans le cadre du régime prévu à la partie IV de la LDN, si une plainte est une plainte pour inconduite ou non est de laisser à la Commission le soin de trancher la question. Cette façon de procéder va de pair avec la procédure prévue dans d’autres lois canadiennes concernant la surveillance de la police. Dans les régimes législatifs où le rôle de l’organe de surveillance externe dépend de la nature de la plainte et où une disposition explicite prévoit la détermination de celle-ci, c’est toujours l’organe de surveillance qui se voit attribuer ce rôleNote de bas de page 4. Bien entendu, ce n’est pas étonnant, étant donné que le fait de permettre au service de police surveillé de déterminer en réalité la portée de la surveillance relative à une plainte à son endroit donne lieu à un conflit d’intérêts institutionnel, du moins en apparence. À son tour, cette perception mine la confiance du public à l’égard de la surveillance de la police militaire et, en bout de ligne, de la police militaire elle-même.

Il ne conviendrait pas non plus de prévoir un recours devant les tribunaux judiciaires chaque fois qu’une question se pose au sujet de la nature d’une plainte. Étant donné que la CPPM doit, dans le cadre du traitement des plaintes concernant la PM, fonctionner « avec célérité et sans formalisme » (article 250.14 de la LDN), il n’est pas raisonnable que les intervenants ou les parties à une plainte éventuelle saisissent régulièrement les tribunaux judiciaires des divergences d’interprétation quant à la portée du mécanisme de traitement des plaintes pour inconduite prévu au paragraphe 250.18(1) de la LDN. Cette façon de faire pourrait entraîner des coûts et délais importants pour toutes les parties concernées et amoindrir l’accessibilité du mécanisme pour les plaignants.

Les tribunaux judiciaires demeureraient les arbitres appelés à déterminer en dernier ressort l’interprétation à donner au mécanisme de traitement des plaintes, mais le régime de la partie IV de la LDN devrait comporter une procédure permettant de décider de manière simple et efficace si une plainte apparente concernant la conduite d’un PM est une « plainte pour inconduite » au sens du paragraphe 250.18(1) de la LDN. Le fait qu’aucune procédure de cette nature ne soit prévue affaiblit l’efficacité et la simplicité qui sont prônées à l’article 250.14 de la LDN et compromet l’équité du processus d’examen des plaintes, notamment pour les plaignants, qui ne savent peut-être même pas qu’il existe un organisme indépendant qui pourrait avoir une opinion différente de celle des autorités de la police militaire quant à l’applicabilité de la partie IV de la LDN à leur plainte.

Bien que la CPPM souhaite avoir le dernier mot, sous réserve du contrôle judiciaire, relativement à l’application de la partie IV de la LDN à une plainte donnée, elle ne propose pas de modèle dans le cadre duquel elle seule serait saisie des plaintes. Elle appuie l’idée de conserver la liste actuelle de personnes autorisées à recevoir une plainte pour inconduite aux termes de l’article 250.21 de la LDN. Même si certains plaignants préfèrent sans doute porter leurs plaintes directement à l’attention de la Commission, la culture militaire est telle que bon nombre de membres des FC seraient mal à l’aise de le faire. À cet égard, les Or(ORFC) comportent un certain nombre de restrictions touchant les communications des membres des FC et, bien que ces restrictions soient assujetties au droit des membres de porter plainte, elles pourraient néanmoins dissuader certains publics de le faire, notamment ceux dont la formation juridique est limitée (mais qui sont néanmoins tenus de prendre connaissance desdits règlements et de se familiariser avec les dispositions de ceux-ci) ou ceux qui ignorent par ailleurs l’existence des dispositions de la LDN autorisant le dépôt de plaintes pour inconduiteNote de bas de page 5. En conséquence, la CPPM demande que les destinataires autorisés soient tenus de lui renvoyer les plaintes concernant la conduite d’un membre de la PM (ou les communications qui pourraient être considérées comme des plaintes de cette nature) afin qu’elle décide si la question constitue une plainte pour inconduite visée par la partie IV de la LDN.

Étant donné que les plaintes pour ingérence peuvent également être adressées aux entités internes des FC, c’est-à-dire au JAG et au GPFC, ainsi qu’à la Commission elle-même, il serait utile, pour des raisons similaires, que la Commission soit habilitée à décider (encore là, sous réserve du contrôle judiciaire) si une plainte devrait être considérée comme une « plainte pour ingérence » aux termes de l’article 250 et du paragraphe 250.19(1) de la LDN.

Le pouvoir de la Commission de déterminer la nature des plaintes à l’étape de leur réception ne devrait pas l’empêcher de réévaluer la question à la lumière de renseignements supplémentaires. Il arrive souvent qu’une décision initiale concernant l’application de la partie IV de la LDN doive être prise à l’aide de renseignements limités et que des renseignements plus étoffés et parfois différents soient dévoilés au cours de l’enquête relative à la plainte en question.

Y a-t-il une « plainte »?

Au-delà de l’interprétation du contenu et de la classification d’une plainte, il faut aussi décider si une communication donnée devrait être considérée comme une « plainte ».

Le maintien de la transparence et la surveillance de l’évaluation et du traitement des plaintes pour inconduite pourraient fort bien devenir illusoires (même si des éclaircissements sont apportés à la définition de « fonctions de nature policière » et que la CPPM est habilitée à jouer un rôle accru dans l’application de cette définition) s’il y a trop d’incertitude et d’incohérence entourant les décisions relatives à la question de savoir si une communication concernant la conduite d’un PM devrait être considérée comme une plainte.

Il est indéniable que le législateur voulait englober un large bassin de personnes pouvant déposer une plainte au sujet de la conduite des PM. La Loi couvre explicitement à ce titre des personnes qui ne sont pas touchées par la conduite en question ainsi que des civils et des collègues des FC (y compris des policiers militaires). De plus, elle permet expressément que des plaintes verbales soient formulées et énonce une liste de personnes habilitées à recevoir une plainte, y compris les membres de la PM, les conseillers juridiques du JAG ainsi que les organisations du GPFC et de la CPPM. De toute évidence, le législateur souhaitait mettre sur pied un mécanisme d’examen des plaintes pour inconduite qui serait largement accessible et qui pourrait aisément être mis en branle.

La situation des PM représente un défi particulier, étant donné que la police militaire exerce ses fonctions au sein d’une organisation hiérarchique plus grande dont elle fait partie. Lorsqu’un membre du public fait part de ses préoccupations concernant la conduite d’un policier civil à un supérieur de celui-ci ou à un autre représentant du service de police concerné, il sera probablement évident aux yeux des personnes concernées que le processus d’examen des plaintes a été enclenché ou, à tout le moins, qu’il est sur le point de l’être (sous réserve des formalités exigées pour le dépôt d’une plainte dans cette juridiction). Cependant, il n’en sera peut-être pas toujours ainsi lorsque les préoccupations relatives à la conduite d’un membre de la police militaire émanent d’autres membres du personnel militaire. Dans le contexte militaire, où des liens organisationnels et, souvent, personnels existent déjà entre les policiers militaires et les personnes auxquelles ceux-ci fournissent des services de police, de nombreux mécanismes formels et informels permettent de soulever des préoccupations au sujet de la conduite d’un PM, en plus de la formulation explicite et délibérée d’une plainte.

Bien entendu, les communications visant à critiquer la conduite d’un PM ne devraient pas nécessairement constituer dans tous les cas une plainte pour inconduite visée par la partie IV de la LDN. Ainsi, il est bien certain que les évaluations du rendement des PM par leurs supérieurs ne devraient pas être assimilées à des plaintes. Il faut accorder une certaine latitude dans le cas des rapports internes des FC dont la préparation est exigée, qui comportent des critiques ou des préoccupations concernant la conduite des policiers militaires dans l’exercice « des fonctions de nature policière » et qui sont adressés ou acheminés aux destinataires mentionnés à l’article 250.21 de la LDN.

Au même moment, il importe de ne pas resserrer indûment les exigences relatives au déclenchement du mécanisme prévu à la partie IV de la LDN. Après tout, en plus d’assurer une surveillance indépendante par la CPPM, ce mécanisme permet la surveillance interne par celle-ci de la conduite des membres de la PM et de la mesure dans laquelle ils respectent les normes professionnelles qui s’appliquent à eux. Il convient également de rappeler que la partie IV de la LDN prévoit le règlement informel des plaintes, mécanisme dont un plus grand usage devrait être fait, de l’avis de la Commission, pourvu que la transparence et la surveillance n’en souffrent pas (voir les propositions 14 et 15 de la CPPM).

Il appert de la jurisprudence pertinente qu’il ne convient pas d’adopter une interprétation restrictive pour déterminer ce qui constitue une plainte dans le contexte des régimes de surveillance visant des professionnels comme celui de la partie IV de la LDN. Une revue de cette jurisprudence fait ressortir les principes suivants :

Bref, lorsqu’ils ont interprété des dispositions législatives dont l’objet est semblable à celui de la partie IV de la LDN, les tribunaux judiciaires ont décidé qu’une personne peut être réputée avoir fait une « plainte », même si elle ne semble pas se « plaindre » dans le sens ordinaire du mot.

De plus, dans le contexte de ces dispositions législatives, il faut interpréter le mot « plainte » de façon à promouvoir l’objet des dispositions en cause (New Brunswick School District No. 15 c. New Brunswick (Human Rights Board of Inquiry) (1989), 62 D.L.R. (4th) 512, 100 N.B.R. (2d) 181 (C.A.) (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 36)). Pour leur part, les dispositions de la partie IV de la LDN visent à rehausser le professionnalisme de la police militaire au moyen de la responsabilisation et de la surveillance indépendante.

  1. La CPPM propose :
    1. que les personnes autorisées à recevoir une plainte aux termes de l’article 250.21 de la LDN soient tenues de renvoyer à la CPPM les communications qu’elles reçoivent directement ou indirectement et dans lesquelles une préoccupation est exprimée au sujet de la conduite d’un membre de la police militaire ou de l’ingérence possible dans les activités de celle-ci;
    2. qu’elle soit investie du pouvoir exclusif, sous réserve du contrôle judiciaire de la Cour fédérale, de décider si une communication qu’elle a reçue ou que lui a renvoyée l’une des autres entités autorisées à recevoir des plaintes aux termes de l’article 250.21 de la LDN constitue une plainte pour inconduite ou une plainte pour ingérence aux fins de la partie IV de la LDN, y compris le pouvoir de revoir cette décision sur la foi de renseignements nouveaux.

B. Personnes pouvant faire l’objet d’une plainte pour inconduite

Lue de concert avec l’article 156 de la LDN et les dispositions pertinentes des Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) (à l’article 22.02) (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 18), la définition actuelle de l’expression « police militaire » figurant à l’article 250 de la LDN couvre les membres des FC qui sont affectés à un poste au sein de la police militaire et qui possèdent un insigne et une carte d’identité de policier militaire (appelés ensemble les attestations de la police militaire). Bien que cette définition puisse convenir aux fins générales de la LDN, elle peut être source de confusion et d’apparence d’iniquité dans le contexte de la surveillance de la police militaire aux termes de la partie IV de la LDN.

La définition actuelle a pour effet d’exclure de la surveillance prévue à la partie IV de la LDN au moins deux catégories de personnes pouvant occuper un poste au sein de la PM :

  1. les policiers militaires faisant partie de la Force de réserve, qui ne sont généralement pas certifiés;
  2. les personnes affectées à un poste de la PM depuis l’extérieur des FC, qui ne sont pas considérées comme des officiers ou des membres de celles-ci.

Cette exclusion peut être problématique, pour deux raisons.

Un risque de confusion existe entre les autres membres des FC et les civils quant à la question de savoir si une personne qui occupe un poste au sein de la PM et qui peut même passer pour un policier militaire (en raison d’insignes et d’autres marques qu’elle porte) est susceptible d’être visée par une plainte pour inconduite fondée sur l’article 250.18 de la LDN. Il n’est pas équitable de présenter publiquement des personnes à titre de membres de la police militaire tout en refusant au public l’accès, pour des raisons techniques, à un mécanisme clé aux fins de la responsabilité et la surveillance de la PM.

Il y a également iniquité lorsqu’une plainte découle d’un incident qui concerne plusieurs personnes occupant un poste au sein de la PM, dans les cas où certaines de ces personnes dont la conduite est en cause ne peuvent, pour des raisons techniques, faire l’objet de la plainte. En pareil cas, il peut y avoir iniquité à l’endroit des autres membres de la PM qui sont assujettis à la plainte en question. De plus, un risque d’iniquité existe à l’endroit des personnes qui n’ont pas le statut d’intéressés et qui sont donc privées des mêmes droits de participation au processus d’examen de la plainte, ce qui peut donner lieu à des conclusions défavorables au sujet de la conduite de la PM dans laquelle elles ont été impliquées.

La CPPM souligne que, lors du premier examen indépendant mené par le défunt juge Antonio Lamer en 2003 (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 44), il a été recommandé (recommandation no 71) que la définition de l’expression « police militaire » aux fins de la partie IV de la LDN s’applique aux « personnes détachées auprès de la police militaire ou travaillant pour la police militaire ». Cependant, le gouvernement de l’époque n’a pas accepté cette recommandation, estimant qu’elle nécessitait une étude plus approfondie. Jusqu’à maintenant, la Commission n’a pas été informée des résultats d’une étude de cette nature qu’auraient menée le MDN ou les FC à ce sujet.

La Commission croit comprendre que deux objections sont soulevées quant à l’élargissement de la portée des plaintes pour inconduite :

  1. l’existence d’un chevauchement/conflit avec les régimes de surveillance applicables au membre détaché vis-à-vis le service de police auquel il appartient;
  2. le fait que le GPFC n’exerce qu’une surveillance technique – dans le cadre de l’application du Code de déontologie de la police militaireNote de bas de page 6 (Code de déontologie de la PM) (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 20) ainsi que de la procédure régissant l’octroi, la suspension et la révocation des « attestations » de la PM à l’endroit des personnes qui détiennent celles-ci.

Quelques arguments peuvent être formulés en réponse aux préoccupations susmentionnées.

En ce qui a trait à la première objection, la Commission souligne d’abord que, dans certains cas, des membres à la retraite de la police ou de la police militaire sont affectés à des postes de la PM et qu’aucun autre régime de surveillance de la police ne s’applique dans ces situations. En deuxième lieu, étant donné que les conclusions et recommandations de la CPPM ne sont pas contraignantes, aucun chevauchement avec un autre régime de surveillance de la police ne donnerait lieu à des obligations juridiques contradictoires. En troisième lieu, il convient de se demander jusqu’à quel point il serait équitable à l’endroit des plaignants de s’attendre implicitement, lorsqu’ils sont mis au courant du statut de détaché de l’éventuel intéressé, à ce qu’ils engagent une procédure auprès d’un autre organisme de surveillance, peut-être dans une juridiction différente.

En ce qui concerne la deuxième objection, la Commission souligne que cette position suppose que le processus d’examen des plaintes pour inconduite prévu à la partie IV de la LDN coïncide ou devrait coïncider avec l’exercice des pouvoirs techniques du GPFC, ce qui n’est pas nécessairement le cas. De plus, depuis la restructuration qui est entrée en vigueur le 1er avril 2011, le pouvoir du GPFC à l’endroit des personnes affectées à des postes au sein de la PM ne se limite plus à la chaîne technique et au commandement de quelques unités et bureaux nationaux de celle-ci. En conséquence, le GPFC peut désormais réagir directement à toute mesure disciplinaire ou administrative ou autre mesure correctrice prise à l’égard de la conduite d’un PM, que le policier en question détienne ses attestations du GPFC ou non.

  1. La CPPM propose que la définition de « police militaire » figurant à la partie IV de la LDN soit élargie de manière à couvrir toutes les personnes affectées à un poste au sein de la PM.

C. La conduite de la PM pouvant faire l’objet d’une plainte

1) La question

Une des questions qui a longtemps suscité une controverse entre les principaux intervenants concernés par la surveillance de la PM, soit la CPPM, le GPFC et l’ensemble des FC et du MDN, a trait à la portée du mécanisme d’examen des plaintes pour inconduite aux termes du paragraphe 250.18(1) de la LDN et des règlements connexes. Ainsi, ces organisations ne s’entendent pas toujours sur la question de savoir si les policiers militaires sont assujettis à une surveillance indépendante par la CPPM conformément à la partie IV de la LDN lorsqu’ils mènent des enquêtes visant leurs collègues pour le compte de la section du GPA NP du GPFC. Plus récemment, cette question a été soulevée publiquement dans le contexte du traitement par les PM des personnes détenues par suite d’opérations militaires en Afghanistan et de l’omission de la part des policiers d’enquêter sur les décisions des commandants quant au transfert des détenus en question aux autorités afghanes; cette question a donné lieu à un litige devant la Cour fédérale dont le résultat est commenté ci-dessous dans la partie I.C.4) des présentes observations.

Le paragraphe 250.18(1) de la LDN énonce que la plainte pour inconduite concernant un policier militaire doit porter sur la conduite de celui-ci « dans l’exercice des fonctions de nature policière », lesquelles « sont déterminées par règlement du gouverneur en conseil » pour l’application de cet article de la Loi. Le gouverneur en conseil a adopté le règlement en question le 18 novembre 1999 (C.P. 1999–2065, en vigueur depuis le 1er décembre 1999) et la disposition concernant l’exercice des fonctions de nature policière figure à l’article 2 du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 21), dont voici le texte :

2. (1) Pour l’application du paragraphe 250.18(1) de la Loi, « fonctions de nature policière » s’entend des fonctions ci-après lorsqu’elles sont accomplies par un policier militaire :

  1. enquêter;
  2. prêter assistance au public;
  3. exécuter les mandats ou autres actes de procédure judiciaire;
  4. gérer les éléments de preuve;
  5. porter des accusations;
  6. participer à l’instance;
  7. faire respecter la loi;
  8. donner suite aux plaintes; et
  9. arrêter ou détenir des personnes.

(2) Il est entendu que les fonctions exercées par le policier militaire qui se rapportent à l’administration ou à la formation, ou aux opérations d’ordre militaire qui découlent de coutumes ou pratiques militaires établies ne sont pas comprises parmi les fonctions de nature policière.

Cette définition vise à circonscrire les activités à l’égard desquelles les membres de la PM sont assujettis au régime de surveillance spécial établi à la partie IV de la LDN. Tel qu’il est mentionné plus haut, contrairement aux membres de la police civile, les policiers militaires jouent à la fois le rôle de soldat et de policier. La CPPM convient que les activités poursuivies par les PM ne devraient pas toutes être assujetties au régime de surveillance prévu à la partie IV de la LDN. Il faut toutefois savoir où le législateur a tiré la ligne entre les activités de la PM qui sont visées par la surveillance spéciale et celles qui ne le sont pas.

2) La position du GPFC et du JAG : condition implicite liée au contexte de l’exécution des fonctions

Le GPFC et le JAG ont traditionnellement soutenu que ce n’est que lorsque les tâches ou fonctions énumérées plus haut sont accomplies aux fins de l’application de la loi qu’elles peuvent valablement faire l’objet d’une plainte pour inconduite conformément aux termes du paragraphe 250.18(1). À leur avis, ce point de vue est appuyé par l’historique législatif ayant mené à l’adoption de la partie IV de la LDN et par le fait que le régime de traitement des plaintes ainsi que d’autres initiatives plus ou moins contemporaines (législatives et autres) ont été motivés par le désir d’assurer le professionnalisme et l’indépendance des membres de la police militaire dans le contexte des fonctions liées à l’application de la loi qu’ils exercent en qualité d’agents de la paix.

3) La position du MJ : autres restrictions implicites

Plus récemment, dans le contexte d’un litige découlant des enquêtes d’intérêt public que la Commission a menées au sujet des plaintes d’Amnistie internationale – section canadienne et de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique à l’égard du transfert de détenus afghans aux forces de sécurité afghanes, le ministère de la Justice a proposé une interprétation plus restrictive des mots « exercice des fonctions de nature policière » figurant au paragraphe 250.18(1) de la LDN. Dans ce contexte, Justice a soutenu que l’article 2 du Règlement devrait être interprété de façon à exclure les fonctions :

  1. qui ne sont pas propres aux membres de la PM comparativement aux autres membres des FC;
  2. qui ne sont pas liées au statut d’« agent de la paix » des PM;
  3. qui ne sont pas liées à l’application du Code de discipline militaire (argument du « lien avec la discipline militaire »).

Il convient de souligner que les propositions 2 et 3 sont contradictoires, étant donné que le rôle que les policiers militaires jouent lors de l’application du Code de discipline militaire n’a rien à voir avec leur statut d’agents de la paix aux termes du Code criminel, laquelle question est commentée plus loin. De plus, ces propositions n’ont pas ressorti lors du traitement des dossiers de plainte par le GPFC. Le GPFC/GPA NP et la CPPM continuent à examiner les plaintes pour inconduite concernant la conduite des PM dans le cadre de l’application tant du droit pénal civil que du Code de discipline militaire.

4) La décision que la Cour fédérale a rendue dans Le procureur général du Canada c. Amnesty International Canada et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique

Le 16 septembre 2009, le juge Harrington, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a rendu la première et, jusqu’à maintenant, la seule décision judiciaire sur le sens des mots « fonctions de nature policière » et, par le fait même, sur la portée du mécanisme d’examen des plaintes pour inconduite de la partie IV de la LDN (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 26)Note de bas de page 7. Cette décision découlait d’une demande de contrôle judiciaire dans laquelle le procureur général du Canada contestait la compétence de la CPPM à l’égard des plaintes pour inconduite déposées par les plaignantes défenderesses en 2007 et 2008.

Les plaintes concernaient le transfert aux forces de sécurité afghanes de personnes détenues par les FC dans le cadre d’opérations militaires qui se déroulaient en Afghanistan, malgré la connaissance présumée de l’existence d’un risque important que ces détenus soient subséquemment exposés à la torture. Deux des plaintes portaient sur la participation directe des PM affectés à la force opérationnelle en Afghanistan au processus de transfert des détenus (les « plaintes relatives au transfert »). Dans une troisième plainte, les PM étaient accusés d’avoir omis d’enquêter sur les crimes et sur les infractions militaires pouvant avoir été commis par les commandants des FC qui avaient ordonné les transferts des détenus (la « plainte relative au défaut d’enquêter »). La Commission avait lancé ses propres enquêtes et avait finalement tenu des audiences sur les plaintes en question conformément au pouvoir qu’elle détient en vertu de l’article 250.38 de la LDN.

Dans cette affaire, la Cour a décidé que la plainte relative au défaut d’enquêter relevait de la compétence de la CPPM, mais non les plaintes relatives au transfert. De l’avis de la Cour, la tenue d’une enquête constitue une fonction de nature policière et le mandat de la CPPM englobe la surveillance à l’égard de l’omission d’enquêter reprochée aux PM.

En ce qui a trait aux plaintes relatives au transfert, la Cour a conclu que, même si la participation des PM à la détention et au transfert de détenus afghans pouvait être considérée comme une fonction se rapportant au fait de « détenir des personnes » selon l’alinéa 2(1)i) du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires, elle ne constituait pas une « fonction de nature policière », parce qu’elle découlait « de coutumes ou pratiques militaires établies » au sens du paragraphe 2(2) de ce même RèglementNote de bas de page 8. Le juge Harrington a semblé adopter une interprétation stricte de cette dernière disposition, c’est-à-dire une interprétation selon laquelle la disposition en question constitue une importante dérogation au paragraphe 2(1) pouvant donner lieu à l’exclusion de certaines fonctions qui auraient par ailleurs été visées par la portée du régime de surveillance de la partie IV. Il a conclu que les paragraphes 2(1) et 2(2) constituaient des « compartiments étanches » en ce qui a trait aux fonctions qu’ils couvraient, mais qu’il pouvait néanmoins y avoir chevauchement entre les deux dispositionsNote de bas de page 9.

5) La nécessité de clarifier la portée des fonctions de nature policière

La décision de la Cour fédérale au sujet de l’interprétation du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires se limitait explicitement aux faits visés par les plaintes en cause. Le juge Harrington a souligné que, étant donné qu’il rendait la première décision concernant la compétence de la CPPM, il lui semblait préférable « d’en dire le moins possible à l’égard des observations qui n’ont pas influencé ma décision »Note de bas de page 10.

En conséquence, il demeure nécessaire de clarifier la portée des fonctions de nature policière assujetties à une surveillance indépendante. Plus précisément, certaines des propositions du GPFC/JAG et du MJ ainsi que des incidences que pourrait avoir la décision de la Cour fédérale, si elle était appliquée dans d’autres contextes, soulèvent des questions de fond et des questions d’ordre pratique pour la Commission dans le cadre de l’interprétation et de l’exécution de son mandat. Ces questions créent de l’incertitude quant à la portée du régime de surveillance mis en place à l’égard de la police militaire.

a) Les restrictions implicites proposées par le MJ

Les propositions que le MJ a présentées dans le contexte de sa demande de contrôle judiciaire soulèvent d’importantes questions et pourraient, séparément ou de concert avec d’autres arguments, donner lieu à l’exclusion de la plupart des activités de la PM de la portée du régime de surveillance indépendante prévu à la partie IV de la LDN, y compris celles que le législateur entendait manifestement englober, d’après l’historique du projet de loi C-25.

Le juge Harrington n’a commenté aucune des positions du MJ qui sont commentées dans le présent document, se contentant simplement de souligner au début de ses motifs que « la position du procureur général [peut] paraître quelque peu exagérée »Note de bas de page 11. Par conséquent, la Cour n’a pas rejeté les interprétations en question, mais ne les a pas acceptées non plus. Bien que les propositions n’aient pas été formulées par le GPFC et qu’elles ne ressortent pas non plus de la façon dont il a traité les dossiers de plainte, la Commission est préoccupée par le fait que les dispositions législatives en question suscitent de telles interprétations. Elle estime donc que le législateur doit apporter des éclaircissements.

i) L’argument du « caractère unique des fonctions »

Selon cet argument proposé, les fonctions qui ne sont pas propres aux PM comparativement aux autres membres des Forces canadiennes devraient être considérées comme des fonctions exclues de la portée du régime de surveillance prévu à la partie IV. En pratique, cette interprétation soustrairait à la surveillance indépendante d’importants volets des fonctions centrales des policiers militaires. Eu égard aux grandes responsabilités dont la chaîne de commandement générale des FC est investie en matière d’application de la loi, si les « fonctions de nature policière » prescrites devaient être interprétées de manière restrictive de façon à exclure celles qui ne concernent pas exclusivement la police militaire, la surveillance relative aux interactions entre les membres de la PM et ceux des FC serait extrêmement limitée, voire éliminée.

Contrairement à l’application des lois civiles, l’application des mesures disciplinaires au sein des FC relève de la chaîne de commandement, laquelle exerce donc à l’endroit des membres des FC des pouvoirs d’exécution de la loi qui, dans le milieu civil, sont associés principalement à la police. Ainsi, tous les membres des FC ont le droit, sans mandat, d’effectuer ou d’ordonner l’arrestation d’autres membres des FC de grade inférieur lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de croire que ceux-ci ont commis une infraction militaire (articles 154 et 155 de la LDN). De plus, les officiers des FC peuvent exercer leurs pouvoirs d’arrestation énoncés aux articles 154 et 155 de la LDN à l’encontre des personnes de grade égal (alinéa 155(1)b) de la LDN)Note de bas de page 12. Les mandats d’arrestation relatifs aux infractions militaires – également décernés par la chaîne de commandement – sont adressés à « toute personne » (paragraphe 157(1) de la LDN) et non seulement aux agents de la paix (comme c’est le cas pour les mandats d’arrestation décernés en application du Code criminel) ou aux PM. Ce sont également les membres de la chaîne de commandement, et non les PM, qui exercent plusieurs importantes fonctions consécutives à l’arrestation dans le cadre du système de justice militaire, comme le fait d’assortir de conditions la mise en liberté conditionnelle (article 158.6 de la LDN) et de réviser en première instance la décision de maintenir l’accusé sous garde après l’arrestation (article 158.2 de la LDN).

De plus, contrairement à la situation qui prévaut dans le milieu civil, c’est principalement la chaîne de commandement qui porte des accusations en cas de manquement au Code de discipline militaire au sein des FC. Exception faite des membres de la PM affectés au SNEFC (et des commandants d’unités de la PM à l’endroit de leurs propres subalternes), les policiers militaires ne portent pas d’accusations à l’égard des infractions militaires (article 107 des ORFC) (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 19), bien qu’ils le fassent, en qualité d’agents de la paix aux termes du Code criminel (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 2), relativement aux infractions civiles (du moins celles qui sont prévues dans la législation fédérale).

Pourtant, la tenue d’enquêtes au sujet des infractions militaires représente une partie importante des fonctions policières de la PM. Les enquêtes relatives au Code de discipline militaire couvrent généralement la majorité des interactions entre les membres de la PM et ceux des Forces canadiennes qu’ils sont chargés de surveiller. En conséquence, le fait d’exclure de la portée du régime prévu à la partie IV les PM qui exercent ces fonctions diminuerait sensiblement, voire éliminerait, l’accès à un mécanisme de surveillance indépendante pour les membres des FC qui souhaitent se plaindre au sujet de leurs interactions avec des membres de la police militaire.

Qui plus est, les premiers mots du paragraphe 2(1) du Règlement donnent à penser que le législateur savait que les fonctions énumérées n’étaient pas exercées exclusivement par les PM au sein des FC, mais qu’il a décidé de lier la surveillance et la responsabilité des PM à ces fonctions. Voici le texte des premiers mots du paragraphe 2(1) : « Pour l’application du paragraphe 250.18(1) de la Loi, « fonctions de nature policière » s’entend des fonctions ci-après lorsqu’elles sont accomplies par un policier militaire : [...] » [non souligné dans l’original]. Étant donné que, selon le paragraphe 250.18(1) de la LDN, la plainte pour inconduite peut porter uniquement sur la conduite des membres de la police militaire, la stipulation ajoutée peut, à prime abord, sembler redondante et inutile. Cependant, le législateur voulait peut-être aussi reconnaître que des officiers autres que des policiers militaires exécutent bon nombre des fonctions énumérées à l’égard desquelles seuls les PM sont assujettis à un examen et à une surveillance spéciaux. Aux yeux de la Commission, ces mots sous-entendent que, même si des personnes autres que des PM peuvent accomplir les tâches ou fonctions énumérées, leur exécution par un membre de la police militaire peut déclencher l’application du régime de responsabilité et de surveillance prévu à la partie IV de la LDN, non pas parce que la tâche est spéciale ou unique de par sa nature au sein des FC, mais parce que c’est un membre de la PM qui l’exécute.

En tout état de cause, de l’avis de la Commission, le fait de soustraire à la surveillance indépendante la majorité des interactions des PM avec les membres des FC qu’ils sont chargés de surveiller risque d’aller à l’encontre de l’objet inhérent à la création du régime de surveillance prévu à la partie IV.

ii) Interprétation fondée sur l’existence d’un lien avec le « statut d’agent de la paix »

L’interprétation de l’article 2 du Règlement qui a pour effet de rattacher les fonctions énumérées à l’existence d’un lien avec le statut d’agent de la paix des PM est également problématique et risque d’exclure de la portée de la surveillance indépendante bon nombre des tâches essentielles des PM.

À l’instar de la chaîne de commandement générale des FC, les PM n’invoquent pas leur statut d’agent de la paix pour appliquer le Code de discipline militaire. Tel qu’il est mentionné plus haut, les pouvoirs d’application relatifs au Code de discipline militaire sont accordés à certains membres clés du personnel de la chaîne de commandement (commandants d’unités et commandants et officiers supérieurs qui commandent des sous‑unités et auxquels des pouvoirs disciplinaires ont été délégués). Les PM (et les autres membres des FC, lorsqu’il y a lieu), invoquent leur statut d’agent de la paix pour appliquer le droit civil, et non le droit militaire.

Si les PM sont habilités à appliquer les lois civiles, c’est principalement pour être en mesure d’exercer leurs pouvoirs de maintien de l’ordre à l’endroit des personnes qui ne sont pas assujetties au Code de discipline militaire (c’est-à-dire les civils), notamment les civils qui travaillent, habitent ou se rendent sur les propriétés du MDN où les PM exercent leurs pouvoirs généraux. Dans le cas des membres des FC, le Code de discipline militaire couvre la majeure partie des comportements qui pourraient aussi constituer des infractions civiles (infractions de nature criminelle ou infractions créées par une loi), de sorte que, à strictement parler, les PM devront rarement invoquer leur statut d’agent de la paix lorsqu’ils accomplissent leurs tâches à l’endroit des membres des FC.

En conséquence, si les fonctions de nature policière énumérées à l’article 2 du Règlement se limitaient à celles qui sont liées au statut d’agent de la paix des PM, le régime de surveillance indépendante s’appliquerait presque exclusivement à la conduite des PM à l’endroit des civilsNote de bas de page 13. Si cette interprétation de l’expression « fonctions de nature policière » devait être retenue, les membres des FC ne pourraient formuler de plaintes pour inconduite au sujet de la façon dont les PM les ont traités dans le cadre de l’application du Code de discipline militaire. Tel qu’il est mentionné plus haut, l’application du droit militaire représente une partie importante des fonctions militaires exercées par les PM et des interactions entre ceux-ci et les membres des FC à l’endroit desquels ils exercent leurs fonctions policières. C’est pourquoi le fait d’exclure l’application du droit militaire de la portée de la surveillance indépendante affaiblirait sensiblement la valeur et le sens du régime de surveillance prévu à la partie IV de la LDN et semblerait aller à l’encontre de l’objet que visait le législateur lorsqu’il a créé celui-ci.

La Commission a décelé plusieurs indices montrant que le législateur avait l’intention d’englober dans son régime de surveillance l’application des règles de droit militaire par les PM. Au paragraphe 250.18(1) de la LDN, il a souligné expressément que tant les civils que les militaires pouvaient formuler des plaintesNote de bas de page 14. Selon la Commission, si une interprétation reliant la surveillance indépendante à l’exercice des pouvoirs de l’agent de la paix était retenue, une contradiction serait créée, car il y aurait très peu de cas où les militaires pourraient effectivement formuler une plainte.

De plus, il faut se rappeler que les incidents concernant les membres du Régiment aéroporté du Canada en Somalie en 1993 (ainsi que le rapport Dickson (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 45) et le rapport de la Commission d’enquête sur la Somalie (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglets 41 à 43) sont reconnus comme les principales sources des réformes sous examen qui ont été apportées à la LDN en 1998, y compris la création du régime d’examen des plaintes à la partie IV. Étant donné que les événements en question sont survenus à l’extérieur du Canada, ils ont nécessairement donné lieu à des mesures policières et à des poursuites fondées sur le Code de discipline militaire plutôt que sur le Code criminel en soi. Même si la responsabilité relative à bon nombre des infractions plus graves dépendait de la responsabilité prévue au Code criminel pour les infractions pertinentes, celle-ci n’était déclenchée que par l’intermédiaire de l’article 130 de la LDN, qui fait de la commission d’une infraction prévue au Code criminel ou dans une autre loi fédérale une infraction militaire aux termes du Code de discipline militaire. En conséquence, les personnes impliquées étaient exposées à une enquête de la PM et à des procédures devant les cours martiales. Pourtant, ce sont les préoccupations entourant le professionnalisme et l’indépendance des PM dans le contexte de ces événements survenus en Somalie qui ont mené à la promulgation de la partie IV de la LDN. Il serait très ironique que l’intervention de la PM dans le cadre de l’application du Code de discipline militaire – laquelle intervention peut donner lieu à des infractions criminelles très graves, comme cela s’est produit lors des événements survenus en Somalie, ne soit pas assujettie au régime de la partie IV de la LDN. De plus, cette exclusion nuirait à la responsabilisation de la PM.

Qui plus est, la Commission estime que le législateur souhaitait créer un organisme unique de surveillance de la PM qui serait spécialisé et sensibilisé aux aspects militaires des fonctions de la police militaire, y compris les questions entourant l’application du Code de discipline militaire. Si l’adoption de la partie IV de la LDN visait simplement à prévoir la surveillance indépendante des activités policières civiles des PM, les raisons inhérentes à la création d’un nouvel organisme de surveillance de la police strictement pour les PM deviennent moins évidentes et la Commission s’interroge sur son rôle comme organisme spécialisé.

En dernier lieu, il n’est pas facile de concilier l’interprétation consistant à rattacher la surveillance au statut d’agent de la paix avec celle selon laquelle seules les fonctions propres aux policiers militaires devraient être assujetties au régime de la partie IV, étant donné que le statut d’agent de la paix lui-même n’est pas accordé uniquement aux PM au sein des FCNote de bas de page 15. Il est également impossible de concilier cette interprétation avec celle qui est axée sur le lien avec la discipline militaire, dont il est question ci-dessous, car chacune exclurait de la surveillance une partie différente des tâches des PM, de sorte qu’aucune surveillance indépendante ne serait exercée en bout de ligne.

iii) Interprétation axée sur le lien avec la discipline militaire

L’interprétation axée sur le lien avec la discipline militaire crée le problème inverse de celui des deux approches examinées plus haut. Selon cette interprétation, les « fonctions de nature policière » couvriraient uniquement les activités liées à l’application du Code de discipline militaire. En d’autres termes, tous les PM traitant avec des civils ou même avec des militaires en service dans le cadre de l’application des lois civiles seraient exclus.

Cette interprétation créerait de graves problèmes, car elle priverait les civils ayant des plaintes à formuler au sujet de la conduite des policiers militaires de tout recours à la surveillance indépendante. N’étant pas membres des Forces canadiennes, les civils n’ont pas accès aux mécanismes internes de règlement des griefs des FC. L’absence de recours pour le civil qui se sent lésé par la conduite d’un policier militaire serait troublante.

De plus, cette interprétation proposée des dispositions législatives semble aller à l’encontre des intentions sous-jacentes à la promulgation de la partie IV et au texte des dispositions en cause. Si le législateur avait voulu restreindre la surveillance indépendante à la discipline militaire, il aurait pu désigner de façon plus précise, au paragraphe 250.18(1), les membres des FC à titre de plaignants possibles plutôt que prévoir que « quiconque » peut déposer une plainte portant sur la conduite d’un policier militaire.

Par ailleurs, si seules les interactions avec d’autres membres du personnel militaire devaient être couvertes, le libellé du deuxième élément de la liste des « fonctions de nature policière » prescrites à l’alinéa 2(1)b) du Règlement – « prêter assistance au public » - serait trop large sans raison.

Il aurait été simple de restreindre, au paragraphe 250.18(1) de la LDN ou à l’article 2 du Règlement, la portée du mécanisme de traitement des plaintes pour inconduite aux activités des PM liées à l’application du Code de discipline militaire. Or, à l’exception d’un renvoi, à l’article 156 de la LDN, à la définition de « police militaire » énoncée à l’article 250, il n’est nullement question de la partie III de la LDN dans la partie IV de cette même Loi ou dans le Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires.

Enfin, le texte du Code de déontologie de la police militaire (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 20), qui faisait partie du même ensemble de réformes législatives que la partie IV de la LDN et le Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 21), ne donne nullement à penser qu’il s’applique uniquement à la conduite des PM dans le cadre de l’application du Code de discipline militaire. Dans le Code de déontologie en question, la cible éventuelle d’une faute commise par la PM est désignée simplement par le mot « personne » : il ne s’agit pas nécessairement d’un membre des FC.

b) La restriction implicite proposée par le GPFC et le JAG : l’exigence liée au contexte de l’application de la loi

Le GPFC et le JAG estiment que les fonctions de nature policière énumérées dans le Règlement ne peuvent être assujetties à la surveillance prévue à la partie IV que si elles sont exécutées aux fins de l’application de la loi. La Cour fédérale n’a pas encore commenté cette approche proposée, laquelle demeure une source d’incertitude et de désaccord entre le GPFC et la CPPM.

De l’avis de la CPPM, il est difficile de concilier l’interprétation que proposent le GPFC et le JAG avec le mandat dont le législateur a investi la Commission et avec l’objet qui sous-tend le texte législatif, soit assurer la responsabilité et la surveillance indépendante de la police militaire.

La CPPM reconnaît que ce sont les tâches particulières que les PM sont appelés à accomplir en matière d’application de la loi qui justifient un régime de surveillance spéciale plus poussée comparativement à la surveillance exercée à l’endroit des autres soldats. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que ce régime de surveillance porterait uniquement sur la conduite des policiers militaires dans ce contexte précis. Après tout, la conduite des PM dans d’autres contextes peut très bien faire ressortir leur compétence et leur aptitude à agir en qualité de spécialistes de l’exécution des lois. Il en va de même d’autres agents de police, voire d’autres professionnels réglementés. Les avocats ne sont certainement pas tenus, par les organismes qui régissent l’exercice de leur profession, de respecter une norme de conduite plus élevée uniquement dans les limites de leur pratique du droit. L’avocat qui se rend coupable de fraude ou de parjure, même en dehors de ses fonctions d’avocat, préoccuperait à juste titre l’association d’avocats à laquelle il appartient.

Il est bien reconnu dans le domaine général de la réglementation des professions et des mesures disciplinaires connexes que la portée de la surveillance – en ce qui a trait aux catégories d’activités du professionnel qui sont susceptibles de surveillance – peut largement dépasser les principaux rôles et responsabilités qui ont d’abord fait l’objet d’un règlement en raison de l’importance qu’ils revêtent pour l’ensemble de la société. Tel étant le cas, la Commission comprend mal pourquoi les principes de responsabilité professionnelle ne devraient pas s’appliquer lorsque, par exemple, le policier militaire manipule sans précaution ou falsifie des éléments de preuve pour une commission d’enquête des FC, se montre impoli ou hostile lorsqu’il répond à une personne qui tente de déposer une plainte pour inconduite à l’encontre d’un PM, ou encore maltraite physiquement une personne détenue dans le cadre d’opérations militaires ou permet par négligence que cette personne s’évade. Il est difficile de concilier l’approche qui exclut ce type de comportement de la portée du régime de la partie IV avec le mandat de la CPPM en matière de surveillance indépendante, du moins lorsque les activités en cause relèvent par ailleurs clairement des fonctions énumérées dans le Règlement. Les activités mentionnées au paragraphe 2(1) du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires regroupent la quintessence des compétences de la police et une faute ou un mauvais rendement dans ces domaines, que ce soit ou non dans le contexte de l’application d’une loi, constituent une préoccupation légitime pour les personnes chargées de surveiller les PM et d’assurer leur professionnalisme.

Même le Code de déontologie de la PM (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 20), qui faisait partie du même ensemble de réformes législatives que le régime d’examen des plaintes de la partie IVNote de bas de page 16 et au moyen duquel la section du GPA NP du GPFC évalue toutes les plaintes pour inconduiteNote de bas de page 17, couvre la conduite des PM tant dans le cadre de l’application de la loi qu’à l’extérieur de ce contexte. Ainsi, selon l’alinéa 4e) du Code de déontologie de la PM, il est interdit aux policiers militaires de recourir à l’intimidation ou d’exercer des représailles « contre une personne qui dépose un rapport ou une plainte au sujet de la conduite d’un policier militaire »; cette disposition concerne, du moins en partie, la conduite des PM relativement à ce qui pourrait être décrit comme un processus débordant le cadre de l’application de la loi (le processus d’examen des plaintes de la partie IV de la LDN). Les alinéas 4f) et g) du Code ciblent le fait de tirer avec une arme illégalement ou d’utiliser une arme de façon dangereuse ou négligente. Étant donné que les PM sont tout autant des soldats que des professionnels de la police, ils sont appelés à porter et à utiliser des armes à des fins autres que l’exécution des lois, mais les dispositions susmentionnées ne renferment aucune restriction au sujet des circonstances dans lesquelles elles s’appliquent. Dans la même veine, l’interdiction de supprimer, de représenter faussement ou de falsifier l’information contenue dans un rapport ou une déclaration selon l’alinéa 4h) du Code est suffisamment large pour couvrir tout rapport ou déclaration officiel exigé dans le cadre des fonctions militaires des PM et non seulement dans le cadre de l’application de la loi.

L’alinéa 4l) du Code de déontologie permet également le dépôt de plaintes à l’égard d’un large éventail d’activités qui pourraient dépasser le cadre non seulement des fonctions d’application de la loi, mais aussi des fonctions générales des FC, lorsque la conduite en question est « susceptible de jeter le discrédit sur la police militaire ou de mettre en doute [la] capacité [du membre] de s’acquitter de ses fonctions avec loyauté et impartialité ». Il existe indéniablement des normes autres que celles qui découlent de la profession de policier et dont la violation par un PM serait considérée comme une conduite qui jette le discrédit sur la police militaire au sens de l’alinéa 4l). Effectivement, le texte de l’article 5 du Code (« présomption de discrédit »), selon lequel le policier militaire qui a été déclaré coupable d’une infraction à une loi fédérale ou provinciale d’une certaine gravité est réputé avoir jeté le discrédit sur la police militaire, donne fortement à penser que le Code ne couvre pas seulement la conduite des PM dans le cadre de leur rôle de policiers; il montre que le Code touche même la conduite personnelle des PM.

Bien entendu, l’organisme de surveillance professionnelle, qu’il soit interne (GPFC) ou externe (CPPM), doit savoir qu’il peut être nécessaire de juger la conduite des PM conformément à des paradigmes ou ensembles de valeurs qui peuvent varier selon le contexte. En fait, tant le GPFC que la CPPM possèdent les compétences spécialisées nécessaires pour appliquer les normes et critères qui conviennent, eu égard au contexte, lors de l’évaluation des plaintes. Effectivement, c’est peut-être la reconnaissance de la nécessité de tenir compte de ce contexte unique et de l’éventail des fonctions de la PM qui a incité le législateur à créer un organisme de surveillance civile distinct et spécialisé à l’endroit de la police militaire. De l’avis de la Commission, le texte simple des dispositions législatives cadre également davantage avec une interprétation plus large des mots « surveillance des fonctions policières » et avec une conception plus globale et plus intégrale de la responsabilité professionnelle des PM.

Le paragraphe 2(1) ne précise nullement que les activités énumérées ne constituent des fonctions de nature policière que lorsqu’elles sont poursuivies aux fins de l’application de la loi. Une bonne partie des tâches énumérées sont susceptibles d’être accomplies par les PM dans différents contextes autres que l’application de la loi, notamment « a) enquêter; b) prêter assistance au public; f) participer à l’instance et h) donner suite aux plaintes ». Effectivement, les PM doivent accomplir une partie de ces tâches dans le contexte de l’examen des plaintes aux termes de la partie IV de la LDN, soit le contexte dans lequel le Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires a été adopté. La Commission a donc du mal à accepter une interprétation du Règlement selon laquelle le législateur n’aurait pas reconnu que les PM exercent quelques-unes des fonctions énumérées au paragraphe 2(1) dans des contextes autres que l’application de la loi. Dans les circonstances, l’absence d’avertissement ou de mise en garde restreignant le sens de l’expression « fonctions de nature policière » au contexte de l’application de la loi incite la Commission à penser qu’aucune restriction de cette nature n’était envisagée.

En réalité, à moins qu’ils ne soient pas affectés à un poste de PM, les policiers militaires certifiés conservent constamment leur statut d’agents de la paix (sous réserve des restrictions inhérentes à leur juridiction) ainsi que leurs pouvoirs et leur mandat particuliers en ce qui a trait à l’application des sanctions militaires. Ces responsabilités policières ne sont pas suspendues simplement parce que le PM a été affecté à une tâche non policière à un moment donné. Ainsi, il se peut que le PM affecté à des fonctions non policières sur une base soit témoin d’infractions militaires ou criminelles. Naturellement, le PM ne ferme pas les yeux devant les fautes et les violations de la loi simplement parce qu’il exécute alors une fonction non policière.

Cette réalité nous incite à nous demander dans quelle mesure il est possible de déterminer avec précision si un PM exerce une fonction liée à l’application de la loi. Toute distinction entre les contextes policier et non policier devient spécialement illusoire lorsque la plainte en est une d’omission, par exemple, lorsque l’on reproche au PM de ne pas avoir exercé ses pouvoirs ou de ne pas s’être acquitté de ses responsabilités de nature policière.

La CPPM soutient que l’exigence implicitement proposée quant au contexte de l’application de la loi n’est pas réaliste et est incompatible avec le degré de responsabilité et de surveillance indépendante qui est nécessaire pour la police militaire et que le législateur entendait mettre en place au moyen de la partie IV de la LDN.

c) Le paragraphe 2(2) du Règlement et les incidences possibles de la décision de la Cour fédérale

Une autre question qui a été soulevée dans l’exercice du mandat de surveillance de la Commission concerne le paragraphe 2(2) du Règlement, plus précisément la mesure dans laquelle la CPPM peut soustraire au régime de traitement des plaintes de la partie IV des activités qui pourraient par ailleurs être considérées comme des activités faisant partie des fonctions policières énumérées. À cet égard, la Cour fédérale a conclu que le paragraphe 2(2) peut s’appliquer de façon à exclure même les fonctions qui font partie des tâches de la police (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 26). Selon la façon dont cette décision sera subséquemment interprétée et appliquée et l’ampleur du chevauchement imputé entre les fonctions énumérées au paragraphe 2(1) et les « exclusions » mentionnées au paragraphe 2(2), la CPPM soutient que, si la décision de la Cour fédérale est appliquée dans d’autres contextes, elle pourrait entraîner l’exclusion de la surveillance de nombreuses fonctions importantes de la police militaire, ce qui risque de diminuer le degré de responsabilisation nécessaire des PM.

De l’avis de la Commission, le paragraphe 2(2) du Règlement ne permet pas de dire que le législateur entendait restreindre sensiblement les domaines d’activité des PM qui sont par ailleurs visés par le paragraphe 2(1). Étant donné que celui-ci ne renferme aucune formule de concordance, comme « sous réserve du paragraphe 2(2) », et que les mots « il est entendu » sont utilisés au paragraphe 2(2), plutôt que le mot « malgré », la Commission est d’avis que le paragraphe 2(2) sert généralement à confirmer que les activités non mentionnées au paragraphe 2(1) – qui sont jugées se rapporter « à l’administration ou à la formation, ou aux opérations d’ordre militaire qui découlent de coutumes ou pratiques militaires établies » – ne sont pas comprises parmi les « fonctions de nature policière ».

S’il est jugé que la récente décision de la Cour fédérale ouvre la voie à une interprétation plus large de la portée du paragraphe 2(2), l’ampleur des activités susceptibles d’être exclues de la surveillance indépendante pourrait mener à une baisse radicale du degré de responsabilisation de la police militaire ainsi qu’à des problèmes d’ordre pratique touchant l’application du régime d’examen des plaintes de la partie IV.

Le paragraphe 2(2) exclut de la portée de la partie IV de la LDN non seulement la conduite des PM dans les domaines de « l’administration ou de la formation, ou des opérations d’ordre militaire qui découlent de coutumes ou pratiques militaires établies », mais également les fonctions exercées « qui se rapportent » à l’un ou l’autre de ces domaines. Interprétés de façon large, le mot « administration » et l’expression « opérations militaires » pourraient englober un vaste éventail d’activités et de fonctions. Effectivement, étant donné que la raison d’être de la police militaire réside dans le soutien des opérations militaires, presque toutes les activités qu’elle poursuit pourraient, d’une façon ou d’une autre, être considérées comme des activités « qui se rapportent » à « l’administration ou à la formation, ou aux opérations d’ordre militaire qui découlent de coutumes ou pratiques militaires établies ». La possibilité que des exclusions aussi larges soient reconnues menace la mise en oeuvre du régime de surveillance indépendante qui était envisagé lorsque la Commission a été créée et pourrait restreindre de façon inacceptable la responsabilité de la police militaire.

De plus, si une interprétation large était donnée au paragraphe 2(2), un débat et un désaccord importants pourraient surgir entre les intervenants concernés par la partie IV de la LDN quant à la question de savoir si une plainte pour inconduite valable a été formulée. Les plaignants pourraient donc avoir du mal à déterminer la conduite susceptible de faire l’objet d’une plainte, ce qui risque d’accroître les litiges et d’entraîner des coûts et délais supplémentaires pour les plaignants et pour tous les autres intervenants du système.

S’il est nécessaire d’appliquer et d’interpréter, pour chaque plainte reçue, des mots et expressions très généraux (voire « cryptiques »), comme « administration », « formation » ou « opérations d’ordre militaire qui découlent de coutumes et pratiques militaires établies » avant que la plainte puisse être acceptée, l’application pratique du régime de la partie IV sera beaucoup plus complexe et plus difficile.

Enfin, tel qu’il est mentionné plus haut, dans bon nombre de situations portant sur les fonctions des policiers militaires, il risque d’y avoir une grande fluidité entre les rôles et responsabilités de nature « policière » et « purement militaire » et les attentes connexes, parce que le mandat des PM et les pouvoirs qu’ils détiennent en matière de discipline militaire et d’application des lois fédérales et provinciales ne seront généralement pas suspendus pendant qu’ils accomplissent d’autres tâches. En conséquence, une interprétation large du paragraphe 2(2) du Règlement qui permettrait d’exclure de la surveillance toutes les fonctions « qui se rapportent » aux opérations militaires, que celles-ci soient énumérées ou non dans les « fonctions de nature policière » mentionnées au paragraphe 2(1), ne cadrerait pas avec la réalité de la police militaire.

Dans la mesure où la récente décision de la Cour fédérale peut être considérée comme une décision qui appuie cette interprétation large du paragraphe 2(2) du Règlement, l’application de la décision à d’autres contextes risque de restreindre indûment la responsabilité de la PM, de créer d’autres litiges et de nuire à l’accessibilité et à la convivialité du régime d’examen des plaintes pour les plaignants.

6) Conclusion

Dans cette partie de ses observations, la Commission a tenté d’exposer les questions soulevées par quelques-unes des interprétations proposées au sujet de la portée des activités des PM qui seront assujetties à une surveillance indépendante, ainsi que par les incidences qui pourraient découler de la décision de la Cour fédérale à cet égard.

La Commission ne souhaite nullement étendre la portée de son mandat de surveillance au‑delà de ce qu’elle perçoit être la mission que le législateur entendait lui confier. Cependant, elle craint que, si le texte actuel du Règlement n’est pas clarifié, il risque d’être interprété de façon à nuire au maintien du type de régime de surveillance indépendante et de responsabilité qui était envisagé lorsque la partie IV de la LDN a été promulguée. La CPPM estime donc qu’il est impératif que le législateur précise la portée des « fonctions de nature policière » qui sont assujetties à une surveillance indépendante.

En plus de guider les plaignants, cette clarification contribuerait à éviter les différends coûteux en temps et les litiges éventuels au sujet de la portée du processus d’examen des plaintes pour inconduite de la partie IV de la LDN.

De plus, de l’avis de la Commission, la définition des « fonctions de nature policière » devrait faire partie de la Loi elle-même et non du Règlement. En effet, cette définition a une importance vitale pour la portée du régime de surveillance de la PM prévu à la partie IV de la LDN et devrait donc figurer dans la Loi et être déterminée par l’ensemble du Parlement.

Les règlements et autres mesures législatives subordonnées constituent un mécanisme utile et bien établi qui permet de légiférer sur des questions complexes, précises et techniques, surtout lorsque des révisions relativement fréquentes ou urgentes peuvent être nécessaires. Or, il est loin d’en être ainsi en ce qui a trait à la définition des « fonctions de nature policière ». Le maintien de cette définition dans le Règlement a peut-être permis d’accélérer la rédaction et la présentation au Parlement du projet de loi C-25 en 1997, mais la Commission ne voit aucune raison aujourd’hui de continuer à déléguer le pouvoir législatif à cet égard. Le maintien de la forme réglementaire pour régir l’étendue du mandat de surveillance de la Commission, que le gouvernement en place peut ainsi modifier unilatéralement sans l’intervention du Parlement, semble aller à l’encontre tant des principes de surveillance indépendante de la police que des autres mesures mises en oeuvre pour assurer l’indépendance opérationnelle de la CPPM par rapport à l’exécutif. Effectivement, à cet égard, le statut délégué de la portée des « fonctions de nature policière » assujetties au processus de la partie IV de la LDN, y compris la surveillance externe par la CPPM, semble aller à l’encontre des nouvelles normes internationales relatives à la surveillance de l’application de la loiNote de bas de page 18.

Il convient également de souligner que le transfert de cette définition cruciale dans la Loi elle-même permettrait d’en améliorer l’accessibilité pour les membres du public, qui connaissent davantage les lois que les mesures législatives subordonnées et peuvent plus facilement les consulterNote de bas de page 19.

  1. La CPPM propose que la définition de l’expression « fonctions de nature policière » figurant au paragraphe 250.18(1) de la LDN soit énoncée dans la LDN elle-même et clarifiée. Afin d’assurer un degré suffisant de responsabilisation de la PM, la CPPM soutient que les clarifications suivantes sont nécessaires :
    1. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV comprennent, notamment, l’application du Code de discipline militaire;
    2. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV comprennent, notamment, les fonctions liées au statut d’agent de la paix des policiers militaires;
    3. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV ne se limitent pas à celles qui caractérisent uniquement les membres de la PM;
    4. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV ne se limitent pas à celles qui sont exercées aux fins de l’application de la loi;
    5. Une disposition énonçant clairement que les fonctions ne peuvent être exclues de la portée de la surveillance que lorsqu’elles constituent strictement et exclusivement des fonctions d’administration ou de formation ou des opérations militaires qui découlent de coutumes et pratiques militaires établies;
    6. Une disposition énonçant clairement qu’aux fins de l’interprétation de la définition de « fonctions de nature policière », la liste des fonctions incluses l’emporte sur celle des fonctions exclues en cas de chevauchement.

D. Le pouvoir d’explorer les problèmes systémiques et de faire rapport à leur sujet

La CPPM a toujours estimé que son mandat d’enquêter sur les plaintes pour inconduite et les plaintes pour ingérence et de faire rapport à leur sujet englobait les questions systémiques connexes qui pourraient être à l’origine de l’inconduite ou de l’ingérence reprochée ou qui y sont reliées. La possibilité d’explorer les problèmes systémiques et de faire rapport à leur sujet ajoute une grande valeur aux travaux de la CPPM et représente peut-être le résultat le plus important du traitement d’une plainte.

De l’avis de la Commission, la partie IV de la LDN l’habilite clairement à étudier les questions qui sont au coeur de la conduite examinée par suite des plaintes dont elle est saisie. Dès qu’il est jugé qu’une plainte relève de la compétence de la Commission en raison de la nature de la conduite reprochée, le texte législatif ne fixe aucune restriction quant à la façon dont la Commission peut mener son enquête sur la plainte et quant aux questions qu’elle peut alors examiner.

Le texte législatif prévoit expressément que la CPPM formulera des recommandations et des conclusions par suite de son examen des plaintes et de son enquête connexe et que, du moins dans le cas des plaintes pour inconduite, la plupart de ses recommandations seront acheminées au GPFC. Jusqu’à récemment, le GPFC n’avait que des rapports de commandement avec certains PM et était donc moins habilité à examiner les problèmes individuels soulevés par la plainte, puisqu’il ne pouvait prendre de mesures disciplinaires ou administratives directes contre les personnes visées par celle-ciNote de bas de page 20. Pourtant, étant donné qu’il est autorisé à conseiller et à diriger les PM sur les procédures et politiques à suivre par l’entremise de la chaîne de commandement technique, le GPFC a toujours été très bien placé pour examiner tout problème systémique relevé dans un rapport de la CPPM. Compte tenu de ces facteurs, il est peu probable que le législateur souhaitait que la Commission se limite à formuler des recommandations concernant uniquement les membres de la PM visés par une plainte, lorsque ces recommandations sont adressées à la personne autorisée à solutionner les problèmes plus vastes touchant les politiques, les procédures et la formation, mais pas forcément à corriger la conduite individuelle des PM.

Le GPFC est le gardien des Consignes et procédures techniques de la Police militaire (Consignes de la PM). Depuis sa création, la CPPM a formulé à maintes reprises des recommandations visant à modifier les Consignes de la PM et le GPFC a généralement bien reçu ces recommandations. Effectivement, il n’y a pas eu de controverse, en pratique, entre le GPFC et la CPPM en ce qui a trait au mandat de celle-ci lié à l’examen des problèmes systémiques. La question a été soulevée par l’avocat du procureur général du Canada dans le contexte d’un litige concernant la portée et le contenu des audiences d’intérêt public de la CPPM au sujet de la plainte pour inconduite relative à l’omission d’enquêter sur des violations qu’auraient commises des membres des FC lorsqu’ils ont autorisé et effectué le transfert de détenus afghans aux autorités afghanes. Dans ce contexte, il a été soutenu, par exemple, que même lorsque la Commission a compétence pour enquêter sur une plainte, elle ne peut interroger des témoins qui pourraient fournir des renseignements au sujet de la formation reçue par les PM sur l’exécution des tâches en cause dans la plainte, ni enquêter par ailleurs sur la question de la formation, parce que les fonctions liées à « la formation » sont exclues de la définition des fonctions de nature policière par le paragraphe 2(2) du Règlement.

Nier à la CPPM le pouvoir d’explorer les problèmes systémiques liés aux plaintes, c’est l’empêcher d’enquêter sur les facteurs pouvant être à l’origine des lacunes constatées et de formuler des recommandations éclairées pour corriger ces problèmes.

Même si la Commission estime que son pouvoir d’enquêter et de formuler des recommandations sur les problèmes systémiques découle implicitement de ses pouvoirs d’origine législative actuels, il est néanmoins important que son mandat soit clair à cet égard : cette précision permettrait non seulement d’éviter les différends inutiles au sujet de la compétence de la Commission, mais de clarifier la portée des pouvoirs de celle‑ci en matière d’information. De plus, elle lui permettrait aussi d’avoir accès aux renseignements considérés comme des « renseignements personnels » selon la Loi sur la protection des renseignements personnels (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 6), contexte dans lequel les tribunaux ont tendance à interpréter de manière restrictive les dispositions législatives qui visent à autoriser ou à exiger la communication de « renseignements personnels ».

Il convient de souligner que, lorsqu’elle a récemment révisé en profondeur son régime de traitement des plaintes concernant la police, la province de l’Ontario a jugé à propos d’accorder expressément à l’organisme de surveillance externe, dans un texte législatif, le pouvoir d’explorer les problèmes systémiquesNote de bas de page 21.

Du point de vue stratégique, il est tout simplement logique que la CPPM examine tout problème systémique de la PM qui est lié à une plainte lors du traitement de celle-ci. Dans la mesure où le régime de traitement des plaintes vise, en partie, à empêcher la répétition d’une faute ou encore d’un comportement ou d’une ingérence inapproprié de la part de la PM, il est essentiel que la CPPM puisse examiner les facteurs systémiques se rapportant à une plainte.

Bref, la Commission estime que, bien qu’elle soit déjà autorisée à examiner les problèmes systémiques en vertu de la législation actuellement en vigueur, d’autres éclaircissements à ce sujet seraient utiles.

  1. La CPPM propose que le législateur l’autorise expressément à enquêter sur les problèmes systémiques liés aux plaintes en vertu de la partie IV de la LDN et à faire rapport à leur sujet.

E. Qui peut déposer une plainte pour ingérence?

Contrairement à la règle applicable aux plaintes pour inconduite concernant la PM, la catégorie de personnes pouvant formuler une plainte sur l’ingérence inappropriée dans une enquête touchant la PM est extrêmement restrictive. Seuls les membres de la PM qui mènent ou supervisent cette enquête peuvent déposer une plainte pour ingérence en vertu du paragraphe 250.19(1) de la LDN.

Depuis sa création, la CPPM a reçu très peu de plaintes pour ingérence et quelques-uns des plaignants en question ont visiblement été très réticents à se manifester. Il est indéniable qu’il faut beaucoup de courage pour formuler des allégations de cette nature contre les membres de la chaîne de commandement. Il n’est peut-être pas réaliste de se fonder simplement sur les enquêteurs de la PM et sur leurs superviseurs pour renvoyer ces questions à la Commission. Effectivement, si l’ingérence inappropriée provient d’un échelon suffisamment élevé, les PM qui mènent l’enquête et leurs superviseurs ne seront pas nécessairement tout à fait au courant de l’ingérence ou de sa véritable source.

Dans ce contexte, il y aurait lieu d’élargir la catégorie de plaignants de façon qu’elle englobe les membres de la PM et des FC qui sont au courant des événements pertinents. La définition de « membre de la police militaire » aux fins du paragraphe 250.19(1) de la LDN devrait être élargie pour englober les personnes détachées auprès de la PM au sein des FC, de façon que les policiers civils détachés à la PM, qui occupent souvent des postes clés au SNEFC, soient admissibles à déposer des plaintes pour ingérence. Ce changement découlerait automatiquement de l’adoption de la proposition no 2 de la CPPM formulée plus haut au sujet de l’élargissement de la définition de « police militaire » à l’article 250 de la LDN. De plus, il serait utile d’inclure dans les plaignants tout membre de la PM ou des FC (lors de l’ingérence reprochée) qui est au courant des événements pertinents.

L’exigence actuellement énoncée au paragraphe 250.19(1) de la LDN, selon laquelle le policier doit être fondé à croire, pour des motifs raisonnables, que l’intéressé a entravé l’enquête, et le pouvoir dont le président de la Commission dispose en vertu de l’alinéa 250.35(2)a) de la LDN, soit le pouvoir de refuser d’enquêter sur les plaintes futiles ou vexatoires, devraient suffire à empêcher les actes de nuisance ou les plaintes futiles. Effectivement, ces conditions préalables constituent des mesures de protection adéquates en cas d’élargissement de la catégorie de personnes autorisées à déposer des plaintes pour ingérence.

  1. La CPPM propose que la catégorie de personnes pouvant déposer une plainte pour ingérence en vertu du paragraphe 250.19(1) de la LDN soit élargie de façon à couvrir les personnes détachées auprès de la PM au sein des FC ainsi que tout membre de la PM ou des FC (lors des événements donnant lieu à la plainte) qui est au courant des événements en question.

F. Tâches ou fonctions de la PM visées par les plaintes pour ingérence

À l’heure actuelle, les plaintes pour ingérence ne peuvent être formulées qu’à l’égard de l’entrave inappropriée lors d’une « enquête de la police militaire ». Bien que le mot « enquête » puisse être interprété de façon large, il est important que la disposition législative ne donne pas l’impression que l’ingérence dans d’autres fonctions de la police est acceptable ou ne peut justifier le dépôt d’une plainte auprès de la CPPM. L’ingérence dans le traitement des éléments de preuve et les tentatives visant à entraver indûment les décisions de la PM concernant le dépôt d’accusations ou le témoignage des PM au cours des instances judiciaires pourraient miner sérieusement la capacité de ceux-ci d’exercer leurs fonctions. Il devrait être possible d’invoquer le régime de traitement des plaintes de la partie IV pour corriger ces situations, eu égard à la nécessité de protéger l’indépendance et l’intégrité du pouvoir discrétionnaire et du jugement des PM à toutes les étapes du processus.

La CPPM propose que la définition actuelle de l’expression « plainte pour ingérence » énoncée au paragraphe 250.19(1) soit modifiée de façon à permettre le dépôt de plaintes concernant l’entrave inappropriée dans l’exercice de toutes les fonctions policières des PM.

  1. La CPPM propose que le paragraphe 250.19(1) de la LDN soit clarifié et élargi de façon à permettre le dépôt d’une plainte pour ingérence à l’égard de l’entrave inappropriée dans l’exercice de toutes les fonctions policières des PM.

II) Accès à l’information pour la CPPM

A. Exigences relatives à la communication de documents

À l’heure actuelle, la CPPM a le droit d’obtenir des renseignements à l’appui de ses responsabilités en matière d’enquête et de surveillance uniquement lorsque la révision d’une plainte pour inconduite est sollicitée (alinéa 250.31(2)c) de la LDN) ou lorsqu’elle exerce son pouvoir d’assignation dans le contexte d’une audience publique (article 250.41 de la LDN). Dans le cas de la révision des plaintes pour inconduite, les droits d’origine législative dont dispose la CPPM se limitent à celui d’obtenir des renseignements pertinents du GPFC, et n’inclue pas le droit à l’obtention de documents se trouvant en la possession des FC ou du MDN.

En pratique, le GPFC et les unités de PM sur le terrain ont collaboré lors des enquêtes relatives aux plaintes pour ingérence et des enquêtes d’intérêt public de la CPPM en fournissant à celle-ci des copies des documents pertinents et nécessaires se trouvant dans les dossiers de la PM. Néanmoins, il serait utile de clarifier les obligations en matière de communication du GPFC et d’autres personnes en autorité concernées des FC et du MDN. Bien que ce partage des renseignements soit considéré comme un « usage compatible » des renseignements personnels connexes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 6), la clarification des obligations pertinentes en matière de communication contribuerait à éviter les différends au sujet des objections pouvant ultérieurement être formulées.

De plus, la crédibilité du processus de surveillance est affaiblie lorsque l’organisme de surveillance dépend ou semble dépendre de la collaboration volontaire de l’institution surveillée en ce qui concerne l’obtention de renseignements fondamentaux et nécessaires.

Qui plus est, cette collaboration volontaire pourrait prendre fin, que ce soit de manière générale ou au sujet d’une affaire donnée. En pareil cas, il n’est pas judicieux que la CPPM invoque son pouvoir d’assignation en convoquant une audience d’intérêt public (et qu’elle engage les coûts connexes en temps, en argent et formalisme), simplement pour obtenir l’accès aux documents fondamentaux concernant une plainte visée par le mandat d’enquête que le législateur lui a confié. Dans une affaire concernant l’accès à des renseignements de la GRC pour la Commission des plaintes du public contre la GRC, la Cour d’appel fédérale a adopté un point de vue similaire, soulignant que la Commission en question devrait utiliser son pouvoir discrétionnaire en matière d’audience de façon modérée et non simplement dans le but d’obtenir l’accès à des renseignements dans les cas où ceux-ci auraient dû être accessibles pour elle (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 30)Note de bas de page 22.

Il convient de souligner que l’article 7 du projet de loi C-38 (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 4) (nouveau paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la GRC) accorderait à la Commission des plaintes du public contre la GRC le pouvoir de demander à celle-ci l’accès « aux renseignements qui relèvent de la Gendarmerie ou qui sont en sa possession et qu’elle considère comme pertinents à l’égard de l’exercice des pouvoirs et fonctions [de la Commission] que lui attribue la présente loi ».

  1. La CPPM propose que le GPFC, les FC et le MDN soient tenus de communiquer à la Commission tous les documents qui se trouvent en leur possession et qui peuvent être pertinents (de l’avis de la Commission) à l’égard de ses enquêtes (plaintes pour inconduite, plaintes pour ingérence ou enquêtes d’intérêt public).

B. Pouvoir général de la CPPM de demander des documents au GPFC

L’article 250.25 de la LDN oblige le GPFC à conserver un dossier de toutes les plaintes reçues en application de la partie IV de la Loi et à fournir à la CPPM, à la demande de celle-ci, tout renseignement contenu dans le dossier. Des désaccords ont surgi dans le passé entre la CPPM et le GPFC en ce qui a trait à la question de savoir si cette disposition autorise la Commission à obtenir l’accès aux dossiers du GPFC concernant les plaintes, ou si cet accès se limite à une liste des plaintes reçues. Indépendamment de l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 250.25 de la LDN, la CPPM estime que l’accès sélectif aux dossiers du GPFC et de la PM qui concernent l’exercice des fonctions d’origine législative de la Commission permettrait de rehausser l’efficacité de la surveillance qu’elle mène.

En ayant accès aux dossiers du GPFC et de la PM avant de recevoir une demande de révision d’une plainte pour inconduite en application de l’article 250.31 de la LDN, la CPPM pourrait mieux surveiller le traitement des plaintes pour inconduite par le GPFC et prendre des décisions plus rapides et plus éclairées sur l’exercice de son mandat d’intérêt public aux termes de l’article 250.38 de la LDN. De plus, elle serait davantage en mesure de vérifier jusqu’à quel point le GPFC respecte les procédures relatives à la réception et à la notification des plaintes.

  1. La CPPM propose que le GPFC soit tenu de fournir, sur demande, tous les renseignements ou documents dont il a la garde ou la possession et que la Commission juge pertinents quant à l’exercice de ses attributions aux termes de la Loi.

C. Accès aux témoins : pouvoir d’assignation élargi et devoir de collaboration

En plus d’obtenir un accès élargi et plus clair aux documents pertinents, la Commission estime qu’afin d’accroître son efficacité, il serait utile qu’elle ait le pouvoir d’exiger la collaboration des témoins concernés, du moins ceux qui sont membres de la police militaire ou des Forces canadiennes, dans le contexte de toutes les enquêtes qu’elle mène en application de la Loi, et non seulement dans le contexte des audiences d’intérêt public.

Les PM et les membres des FC participent de leur plein gré à une activité réglementée. En conséquence, il serait raisonnable de les obliger à fournir des renseignements à la Commission, qui joue un rôle vital dans l’application de la réglementation régissant leurs activités. Étant donné que la CPPM ne peut imposer de sanctions, il n’y aurait aucune raison de soustraire les personnes visées par les plaintes à l’obligation de fournir des renseignements à la Commission. En fait, même lorsque des sanctions peuvent être imposées, bon nombre d’organismes régissant l’exercice d’une profession sont habilités à contraindre les professionnels à collaborer.

Tel qu’il est mentionné plus haut, la Cour d’appel fédérale a souligné que les pouvoirs discrétionnaires en matière d’audience, qui ont pour effet de rehausser le coût et le formalisme des procédures, ne devraient pas être utilisés dans l’unique but de contraindre les personnes concernées à collaborer (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 30)Note de bas de page 23. Ce recours au mécanisme d’audience publique va également à l’encontre de l’obligation pour la Commission de s’acquitter de ses responsabilités avec célérité et sans formalisme, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, conformément à l’article 250.14 de la LDN.

Bien que les pouvoirs d’assignation actuellement conférés à la Commission des plaintes du public contre la GRC soient semblables à ceux de la CPPM, il convient de préciser que le projet de loi C-38 du Parlement précédent visait à étendre les pouvoirs d’assignation de la nouvelle Commission d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC à toutes les plaintes dont elle est saisie (article 7 du projet de loi, nouvel article 45.63) (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 4).

  1. La CPPM propose que le pouvoir d’assignation dont elle dispose actuellement dans le contexte des audiences d’intérêt public soit élargi de façon à lui permettre d’assigner tout membre de la police militaire ou des Forces canadiennes qui, à son avis, possède des renseignements pertinents à l’égard de ses enquêtes, qu’une audience publique soit tenue ou non. Le pouvoir général d’assigner tout témoin concerné lors de la tenue d’audiences publiques devrait demeurer inchangé.

En plus d’élargir le pouvoir d’assignation, il serait également utile d’obliger tous les membres des FC et du MDN à collaborer lors des enquêtes que la CPPM mène au sujet des plaintes pour inconduite et des plaintes pour ingérence.

Selon le Code de déontologie de la PM (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 20), les policiers militaires autres que l’intéressé sont tenus de collaborer lors des enquêtes que le GPFC mène au sujet des plaintes. En conséquence, le GPFC peut avoir accès à davantage de renseignements des témoins lors des enquêtes qu’il mène en première instance au sujet d’une plainte pour inconduite que la CPPM lors de la révision de la même plainte.

Qui plus est, les Directives et ordonnances administratives de la Défense exigent que tous les membres du personnel des FC et du MDN collaborent lors des enquêtes menées par l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, dont le mandat n’est pas d’origine législative.

  1. La CPPM propose que tous les membres du personnel des FC et du MDN soient tenus de collaborer lors des enquêtes qu’elle mène au sujet des plaintes.

D. L’accès aux renseignements sensibles selon la Loi sur la preuve au Canada

Les articles 38 à 38.16 de la Loi sur la preuve au Canada (LPC) (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 5) énoncent un régime spécial de mesures visant à contrôler strictement l’accès aux renseignements « susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales ». Tout en reconnaissant que ces mesures de contrôle sont nécessaires, la CPPM estime également que l’absence d’accès efficace aux renseignements de cette nature qui sont pertinents quant aux plaintes dont elle est saisie affaiblit sa capacité de mener une surveillance indépendante de la police militaire qui soit crédible.

Lorsque la CPPM a été créée en 1998, les mesures de contrôle actuelles énoncées dans la LPC à l’égard de la communication de renseignements sensibles et de renseignements susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales n’existaient pas. Ces dispositions figuraient à l’origine dans la partie III de la Loi antiterroriste, qui a été présentée et adoptée à l’automne de l’année 2001 par suite des événements du 11 septembre 2001. Le régime mis en place interdit la communication, dans le cadre d’une « instance », de renseignements potentiellement préjudiciables sans l’autorisation du procureur général ou de la Cour fédérale. L’alinéa 38.01(6)d) de la LPC prévoit toutefois une exception à l’égard des entités désignées à l’Annexe de cette même Loi (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 5), de sorte que ces entités peuvent obtenir la communication de renseignements potentiellement préjudiciables sans devoir solliciter l’autorisation du procureur général ou de la Cour fédérale. À l’heure actuelle, la Commission ne figure pas sur la liste des entités désignées à l’Annexe de la LPC.

Cependant, lors de l’élaboration des dispositions législatives énonçant la mise sur pied de la Commission et du régime de traitement des plaintes à la partie IV de la LDN, le législateur a prévu, eu égard au rôle particulier de la police militaire et au contexte dans lequel elle exerce ses fonctions, qu’il serait nécessaire pour la Commission d’avoir accès à des renseignements de nature très délicate au sujet de la défense et de la sécurité nationale. Selon l’alinéa 250.42a) de la LDN, dans les cas où la Commission a convoqué une audience au sujet d’une plainte qu’elle a accepté d’examiner dans l’intérêt public en application de l’article 250.38 de cette même Loi, elle peut ordonner le huis clos lorsqu’il est probable qu’au cours de l’audience seront révélés des renseignements « dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives ».

Ce texte est assez semblable à la définition de l’expression « renseignements potentiellement préjudiciables » de la LPC (article 38), soit « les renseignements qui, s’ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales ». Même s’il est vrai que les règles applicables à la CPPM en ce qui a trait à l’accès à l’information dans le contexte des audiences qu’elle tient aux termes de l’article 250.38 de la LDN ont été modifiées par suite de l’adoption des articles 38 à 38.16 de la LPC, il convient de rappeler que, dans les dispositions prévoyant la création de la Commission, le législateur semble avoir envisagé pour celle-ci l’accès à des renseignements au moins aussi délicats que ceux qui sont visés par l’article 38 de la LPC.

À cet égard, la Commission se trouve dans la même position que la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP), dont la loi habilitante a servi de modèle lors de l’élaboration de la partie IV de la LDN (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 3). Bien que la CPP ne figure pas non plus à l’heure actuelle dans l’Annexe de la LPC, cet accès a effectivement été recommandé lors de l’enquête Arar. En effet, dans ses recommandations relatives à la mise en place d’un nouvel organisme de surveillance de la GRC (voir, notamment, la note explicative concernant la recommandation 4a)), le juge Dennis O’Connor a affirmé que l’organisme de surveillance « doit avoir accès à toute l’information pertinente et [qu’]on ne devrait pas refuser de lui fournir au motif qu’elle est secrète ou sensible. » (voir les extraits du Rapport de la Commission Arar : recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 47).

Plus précisément, le juge O’Connor a évoqué « l’accès complet à toute l’information » dont jouissaient le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le commissaire du Centre de sécurité des télécommunications et sa propre commission d’enquête à titre d’exemple de degré d’accès à l’information qu’il proposait pour le nouvel organisme de surveillance de la GRC. Dans chacun de ces cas, l’organisme en question avait été ajouté à l’Annexe de la LPC. Fait intéressant à souligner, le juge O’Connor a mentionné en toutes lettres qu’il ne voyait pas pourquoi ce type d’accès ne s’appliquerait pas à la surveillance tant des responsabilités traditionnelles de la GRC en matière d’application de la loi que des activités de celle-ci qui sont liées à la sécurité nationale.

Tel qu’il est mentionné ailleurs dans les présentes observations, le gouvernement a appuyé les recommandations de la Commission Arar dans le projet de loi C-38 du Parlement précédent. Plus précisément, l’article 16 du projet de loi aurait pour effet d’ajouter la nouvelle Commission à la liste d’entités (Annexe de la LPC) non assujetties aux restrictions touchant la réception de « renseignements potentiellement préjudiciables ».

En plus de ce que le législateur avait anticipé, la Commission estime, d’après son expérience, qu’elle doit avoir accès à des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables aux fins de ses enquêtes. D’ailleurs, elle a eu accès à des renseignements de cette nature dans le passé. Son personnel possède les attestations de sécurité nécessairesNote de bas de page 24 et la Commission est en mesure de stocker en lieu sûr et de protéger les renseignements sensibles à l’intérieur de ses installations.

Si la Commission n’est pas ajoutée à l’Annexe de la LPC, cela signifiera que, dans bien des cas, le pouvoir d’origine législative qui lui permet de tenir des audiences au sujet des plaintes qu’elle accepte d’examiner dans l’intérêt public deviendra inopérant en raison des restrictions énoncées aux articles 38.01 et 38.02 de la LPC en ce qui a trait au partage de l’information. Dans ces cas, la capacité pour la Commission d’exercer sa fonction de surveillance de manière crédible et équitable dépendra de la décision discrétionnaire du gouvernement quant à la communication de l’information ou de la volonté de la CPPM d’engager de longs litiges devant la Cour fédérale afin de contester la position du gouvernement à cet égard, le cas échéant. De l’avis de la Commission, aucune de ces solutions ne sert l’intérêt des parties aux plaintes ou celui du public ni ne facilite la tâche de la CPPM en ce qui a trait au traitement avec célérité et sans formalisme des affaires dont elle est saisie, dans la mesure où les circonstances le permettent, conformément au mandat dont le législateur l’a investie.

Eu égard au contexte pratique des opérations de la police militaire et, par conséquent, à la portée des responsabilités de la Commission en matière de surveillance, il est probable que les ententes discrétionnaires et ponctuelles que prévoient les articles 38.03 et 38.031 en matière de divulgation ne répondraient pas aux besoins de la Commission de façon à lui permettre de s’acquitter de son mandat d’origine législative de manière efficace et crédible.

Étant donné que la police militaire canadienne peut exécuter ses différentes tâches, notamment ses « fonctions de nature policière » aux termes de l’article 250.18 de la LDN, aux quatre coins du globe, y compris les théâtres d’opérations militaires actives, il n’est pas difficile d’imaginer des scénarios où l’enquête relative à une plainte pour inconduite ou à une plainte pour ingérence visée à la partie IV de la LDN concernerait des renseignements « susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales » au sens de l’article 38 de la LPC. Effectivement, tel qu’il est mentionné plus haut, le législateur a clairement reconnu cette possibilité lorsqu’il a adopté le processus de traitement des plaintes de la partie IV de la LDN, puisque, à l’alinéa 250.42a) de cette même Loi, il a expressément autorisé la Commission à tenir des audiences à huis clos dans les cas où il est probable que seront révélés des renseignements « dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives ».

Cette question de l’accès de la CPPM aux renseignements visés par l’article 38 de la LPC s’est posée de façon très concrète dans le contexte des récentes audiences d’intérêt public sur les plaintes d’Amnestie Internationale – section canadienne et de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique au sujet du transfert de détenus afghans, où il a fallu de longues négociations avec le gouvernement et un long litige pour obtenir l’accès à certains documents. Dans cette affaire, le gouvernement a soutenu que la Commission ne pouvait recevoir les documents qu’une fois que celui-ci aurait fait les expurgations qu’il aurait jugé nécessaires, sans que la CPPM puisse connaître la nature des renseignements expurgés. En pratique, cela signifiait des retards importants en ce qui a trait à l’obtention de documents dont la Commission avait besoin pour la tenue de ses audiences; de plus, la CPPM pouvait difficilement évaluer la mesure dans laquelle les expurgations faites par le gouvernement étaient raisonnables (et prendre des décisions éclairées quant à la contestation éventuelle des expurgations en question), puisqu’elle n’était pas autorisée à examiner les renseignements expurgés. Il a donc été beaucoup plus difficile pour la Commission de mener une enquête approfondie sur les questions soulevées par la plainte et de s’assurer que tous les renseignements qu’il était possible de communiquer aux plaignants et au public sans risquer de porter préjudice à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales avaient effectivement été fournis.

Il convient également de souligner que les incidences pratiques découlant du fait que la Commission ne figure pas à l’Annexe de la LPC vont bien au-delà de la tenue d’audiences d’intérêt public et même au-delà de l’accès pour la CPPM aux renseignements « potentiellement préjudiciables » au sens de la LPC.

Dans le cadre de ses rapports avec la Commission au sujet des plaintes d’Amnestie Internationale – section canadienne et de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique à l’égard du transfert de détenus afghans, le gouvernement a fait valoir que les restrictions énoncées à l’article 38 de la LPC devraient s’appliquer à la CPPM, que celle-ci ait convoqué ou non une audience d’intérêt public relativement à une plainte donnée, en d’autres termes, indépendamment de la question de savoir si la procédure en cause de la Commission constitue effectivement une « instance » au sens de l’article 38 de la LPC à laquelle l’application desdites restrictions est limitée au plan technique. Si cette interprétation était appliquée de façon générale, elle aurait pour effet d’exiger l’approbation des documents et renseignements fournis à la Commission dans toutes les affaires de celle-ci, indépendamment du type de procédure. De l’avis de la Commission, cette solution ne serait nullement viable en pratique et irait à l’encontre de la réalisation des objectifs pour lesquels la Commission a été mise sur pied.

Qui plus est, le régime de l’article 38 de la LPC restreint la divulgation non seulement de « renseignements potentiellement préjudiciables », mais également d’une catégorie plus large de « renseignements sensibles ». Ensemble, les articles 38.01 et 38.02 de la LPC pourraient avoir pour effet de bloquer ou, du moins, de retarder sensiblement, l’accès pour la Commission aux renseignements jugés « sensibles » au sens de l’article 38 de la LPC, c’est-à-dire des renseignements « qui concernent les affaires internationales ou la défense ou la sécurité nationales [...] et qui sont du type des renseignements à l’égard desquels [le Canada] prend des mesures de protection ». Cette catégorie plus large de renseignements semblerait couvrir, du moins à première vue, presque tous les renseignements qui émanent des FC ou concernent celles-ci et qui sont visés par une cote de sécurité ou une mesure de protection de la vie privée. Cela signifierait que l’accès pour la Commission même aux dossiers de la PM qu’elle reçoit actuellement de manière routinière dans le cadre de ses enquêtes sur les plaintes pourrait être nié ou retardé.

  1. La CPPM propose qu’elle soit ajoutée à l’Annexe de la Loi sur la preuve au Canada, soit la liste des entités qui échappent aux restrictions pertinentes quant à la réception de « renseignements sensibles » ou de « renseignements potentiellement préjudiciables » au sens de l’article 38 de cette Loi.

E. Accès aux renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat

Bien que la CPPM reconnaisse l’importance de protéger le privilège du secret professionnel de l’avocat, il n’en demeure pas moins que les avis juridiques sollicités et fournis aux PM peuvent, selon la nature des allégations formulées dans les plaintes, être essentiels aux fins de l’évaluation de la conduite de la PM. Il convient de rappeler que la CPPM évalue la conduite des PM mettant en cause l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire au regard de la norme de la décision raisonnable, et non de la décision correcte.

Bien que l’accès pour la CPPM aux renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat ne soit pas interdit à l’heure actuelle (sauf dans le contexte d’une audience), en droit, on estime que cet accès dépend du consentement spécial du ministère de la Défense nationale et qu’il est accordé uniquement de façon ponctuelle. Afin d’assurer une surveillance crédible et véritablement indépendante, la Commission doit avoir accès de droit aux renseignements pertinents. De plus, en raison de l’état actuel du droit sur la question, l’accès aux renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat ne sera pas déduit automatiquement, mais ne sera plutôt reconnu que lorsque le texte législatif à ce sujet est très clair.

Lorsque la CPPM n’a pas accès aux avis juridiques pertinents que les PM concernés ont obtenus dans l’exercice contesté de leurs pouvoirs discrétionnaires, elle est privée de renseignements importants dans sa quête de la vérité, ce qui rend la procédure inéquitable, souvent au détriment des PM visés. Qui plus est, en révision, la CPPM n’a pas forcément accès aux mêmes renseignements que ceux qu’a pu obtenir le GPFC lors de l’enquête initiale (soit, en principe, tous les renseignements concernant tout avis juridique obtenu par les PM), ce qui introduit un autre élément d’iniquité pour les parties à la plainte.

La position de la Commission quant à l’importance de pouvoir obtenir l’accès à ces renseignements dans les cas pertinents n’est pas fondée sur des suppositions, mais bien sur sa propre expérience. En effet, dans certains dossiers, l’accès à des renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat a été essentiel au règlement approprié de la plainte.

De plus, la communication à la CPPM de renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat aux fins des enquêtes qu’elle tient ne compromettrait pas le privilège en question à l’endroit des autres parties. La doctrine de la « renonciation limitée » au privilège est bien reconnue dans la jurisprudence canadienne et britanniqueNote de bas de page 25. En tout état de cause, il serait facile d’adopter une disposition législative appropriée pour régler toute préoccupation concernant la perte possible du privilège en raison de cette communication de l’information.

Enfin, il y a lieu de rappeler que le projet de loi C-38 du Parlement précédent autoriserait expressément la Commission d’examen et de traitement des plaintes contre la GRC à solliciter des renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat lorsque ces renseignements sont [traduction] « pertinents et nécessaires pour l’examen visé [...] » (voir l’article 7 du projet de loi, nouveaux articles 45.38 à 45.46 de la Loi sur la GRC : recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 4).

  1. La CPPM propose que son pouvoir de demander, d’exiger, de recevoir et d’accepter des renseignements et éléments de preuve englobe expressément les renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat lorsque ces renseignements sont pertinents quant à l’examen de la plainte, sous réserve des mesures de protection appropriées et nécessaires relativement au traitement des renseignements en question.

F. Assouplissement des restrictions relatives à la preuve dans le cas des audiences d’intérêt public

Dans le contexte des audiences d’intérêt public, la CPPM est autorisée, en vertu de l’alinéa 250.41(1)c) dela LDN, à « recevoir et accepter les éléments de preuve et renseignements qu’elle estime indiqués, qu’ils soient ou non recevables devant un tribunal ». Cet assouplissement des règles traditionnelles relatives à la preuve est observé surtout chez les tribunaux administratifs, notamment ceux qui sont investis d’un mandat d’enquête plutôt que d’un mandat juridictionnel, comme la CPPM. Cependant, la disposition suivante de la LDN, le paragraphe 250.41(2), énumère d’importantes exceptions à la norme assouplie prévue au paragraphe (1). En conséquence, à l’heure actuelle, la CPPM ne peut recevoir ou accepter, même sur consentement, les catégories suivantes d’éléments de preuve :

250.41(2) : …

  1. des éléments de preuve ou autres renseignements non recevables devant un tribunal du fait qu’ils sont protégés par le droit de la preuve;
  2. les réponses ou déclarations faites devant une commission d’enquête ou dans le cadre d’une enquête sommaire;
  3. les réponses ou déclarations d’un témoin faites au cours de toute audience tenue en vertu de la présente section pour enquêter sur une autre plainte qui peuvent l’incriminer ou l’exposer à des poursuites ou à une peine;
  4. les réponses ou déclarations faites devant un tribunal;
  5. les réponses ou déclarations faites dans le cadre d’une tentative de règlement amiable en vertu du paragraphe 250.27(1).

La CPPM ne s’oppose pas aux restrictions énoncées aux alinéas c) et e) qui précèdent et ses objections concernant la restriction prévue à l’alinéa 250.41a) précité sont exposées dans les sections II) D et E (ci-dessus) des présentes observations.

Cependant, de l’avis de la Commission, les restrictions énoncées aux alinéas 250.41(2)b) et d) sont trop larges et ne sont pas nécessaires. Elles sont trop larges en ce qu’elles ne se limitent pas aux renseignements incriminants au sujet du témoin. De plus, elles ne sont pas nécessaires parce que, en tout état de cause, eu égard à la nature non juridictionnelle des procédures de la CPPM, personne ne peut vraiment être incriminé dans le cadre de celles-ci. Dans la mesure où la protection à l’encontre de l’auto‑incrimination est vraiment pertinente dans le cas des procédures de la CPPM, toute protection dont les témoins ont véritablement besoin est déjà prévue à l’article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés.

De plus, les interdictions s’appliquent autant aux questions de fait non contestées qu’aux questions contestées. Lorsqu’elles empêchent même le contre-interrogatoire à l’égard de ces éléments de preuve, ces interdictions ont pour effet de réduire les outils permettant d’évaluer la fiabilité des témoins, ce qui nuit à la capacité de la Commission – ainsi que des autres parties aux audiences – de découvrir la vérité. L’obligation d’avoir recours à la déposition originale du témoin plutôt qu’au témoignage déjà donné, même pour les questions non contestées, va également à l’encontre de la règle exigeant que la CPPM donne suite aux plaintes avec célérité et sans formalisme, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent.

Aucune autre loi fédérale, même la partie VII de la Loi sur la GRC, sur laquelle la partie IV de la LDN a été calquée, ne renferme de restrictions relatives à la preuve semblables aux alinéas 250.41(2)b) et d) de la LDN. La disposition de la Loi sur la GRC qui correspond un tant soit peu à l’alinéa 250.41(2)b) de la LDN, soit l’alinéa 45.45(8)b), couvre uniquement les renseignements incriminants, et la Loi sur la GRC ne comporte aucune disposition pouvant être considérée comme l’équivalent de l’alinéa 250.41(2)d) de la LDN. Qui plus est, le projet de loi C-38 n’apportera aucun changement susceptible de modifier cette comparaison.

La CPPM a demandé à Mark J. Freiman, expert en droit administratif du cabinet Lerners LLP, de Toronto, un avis juridique sur la portée des restrictions relatives à la preuve qui sont énoncées au paragraphe 250.41(2) de la LDN. M. Freiman a conclu que les restrictions prévues aux alinéas 250.41(2)b) et d) ne sont ni appropriées, ni nécessaires dans le contexte des audiences d’intérêt public de la CPPM (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 52).

  1. La CPPM propose que soient abrogées les restrictions relatives à la preuve qui sont énoncées aux alinéas 250.41(2)b) et d) de la LDN et qui touchent la réception ou l’acceptation par la Commission des réponses données devant des commissions d’enquête ou lors d’enquêtes sommaires et de procédures antérieures portées devant des tribunaux.

III) Procédures équitables et efficaces

A. Élargir l’accès au règlement à l’amiable des plaintes

La CPPM appuie un plus grand usage de la procédure de règlement à l’amiable aux fins de l’examen des plaintes en application de la partie IV de la LDN. De l’avis de la Commission, les restrictions touchant l’utilisation de la procédure de règlement à l’amiable à l’égard des plaintes pour inconduite, lesquelles restrictions sont énoncées à l’article 3 du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 21), sont démesurées et devraient être révisées.

Bon nombre de plaintes pour inconduite concernent les orientations de la PM (alinéa 3d) et les exceptions au règlement à l’amiable dans le cas des plaintes relatives à « l’excès de force » et à « l’arrestation d’une personne », qui ne sont pas toutes graves au point de justifier cette interdiction, semblent excessives. De plus, les plaintes concernant « l’abus d’autorité » pourraient couvrir des plaintes relativement mineures au sujet de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la police, notamment lors de la délivrance de contraventions pour des infractions en matière de stationnement ou de circulation routière.

Cependant, l’usage élargi du règlement à l’amiable des plaintes pour inconduite visant la PM ne doit pas se faire au détriment de la surveillance relative au traitement des plaintes en question. À l’interne, le GPFC doit continuer à intervenir dans tous les cas, même lorsque le règlement à l’amiable de la plainte est délégué aux autorités locales de la PM. Il faut également que la CPPM demeure informée de toutes les plaintes, même de celles qui sont réglées à l’amiable, ainsi que des conditions des règlements en question. Après tout, même lorsque les plaignants concernés sont satisfaits du règlement, des préoccupations systémiques plus larges peuvent nécessiter d’autres mesures et le mandat de la CPPM en ce qui a trait à l’intérêt public n’est pas assujetti à la condition que le plaignant continue à participer à la procédure (paragraphe 250.38(2) de la LDN). Selon le projet de loi C-38 du Parlement précédent, la nouvelle Commission d’examen et de traitement des plaintes contre la GRC devait être avisée des conditions de tout règlement à l’amiable d’une plainte (nouveau paragraphe 45.54(3) proposé de la Loi sur la GRC : recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 4). Des exigences semblables s’appliquent au sujet des plaintes visant la police provinciale en OntarioNote de bas de page 26 et en Colombie-BritanniqueNote de bas de page 27.

De plus, comme c’est le cas pour la définition de l’expression « fonctions de nature policière », et pour des raisons similaires, la CPPM estime que les catégories de plaintes dont le règlement à l’amiable est interdit pourraient facilement être énoncées dans la Loi elle-même, plutôt que dans un règlement.

La Commission est également d’avis qu’elle devrait disposer d’un pouvoir similaire d’utiliser le processus de règlement à l’amiable à l’égard des plaintes pour ingérence. Dans plusieurs cas où des plaintes pour ingérence ont donné lieu à des enquêtes formelles de la CPPM et à des rapports, le dépôt de la plainte était manifestement imputable, du moins en partie, au manque de communication entre les parties concernées ainsi qu’à une compréhension erronée des motivations et intentions des instances supérieures et des fonctions et responsabilités de la PM. La possibilité, dans les cas opportuns, de proposer une discussion informelle entre les parties en cause pourrait favoriser une meilleure compréhension des rôles, responsabilités et intentions de chacune d’elles et permettrait peut-être d’éviter la tenue d’enquêtes formelles et la formulation de conclusions officielles (qui sont, après tout, signalées à des personnes occupant des postes très élevés au sein des FC et du MDN).

  1. La CPPM propose que les catégories de plaintes pour inconduite dont le règlement à l’amiable est interdit aux termes de l’article 3 du Règlement des plaintes portant sur la conduite des PM soient plus restreintes et que ces exclusions soient énoncées dans la Loi elle-même.
  2. La CPPM propose qu’il soit obligatoire d’aviser la Commission des conditions des règlements à l’amiable des plaintes pour inconduite.
  3. La CPPM propose qu’elle soit autorisée à avoir recours au règlement à l’amiable dans le cas des plaintes pour ingérence.

B. Étendre le droit de révision aux personnes visées par les plaintes pour inconduite

Lorsqu’elle a visité différentes bases des FC et unités de la PM dans le cadre de son programme de sensibilisation, une des critiques que la CPPM a le plus souvent entendue au sujet du régime actuel de traitement des plaintes pour inconduite est le fait qu’à l’heure actuelle, seul un plaignant insatisfait peut demander la révision d’une plainte par la CPPM après la décision initiale rendue par le GPFC à ce sujet. Bon nombre de PM perçoivent cette situation comme un problème d’équité.

La CPPM comprend pourquoi le législateur a décidé d’accorder uniquement aux plaignants le droit de solliciter une révision. Lorsqu’un PM fait l’objet d’une mesure disciplinaire par suite d’une plainte pour inconduite que le GPFC juge fondée, il peut contester cette mesure dans le cadre d’un recours interne, notamment auprès du Conseil de révision des attestations de police militaire, au moyen du processus de grief des FC, et ainsi de suite; cependant, les FC n’offrent aucun mécanisme comparable permettant au plaignant de contester la décision rendue par le GPFC au sujet d’une plainte.

D’autre part, même s’il existe peut-être des mécanismes internes permettant aux PM de contester les sanctions qui leur sont infligées, ces mécanismes ne s’appliquent pas nécessairement aux conclusions du GPFC qui comportent simplement un avis défavorable au sujet de la conduite de l’intéressé, mais qui ne mènent pas à d’autres mesures. Le droit de révision permettrait aux intéressés de contester les conclusions défavorables concernant leur conduite, indépendamment des objections relatives aux mesures correctrices prises contre eux. De plus, les plaignants peuvent s’exprimer lors de la révision de leurs plaintes par la CPPM, possibilité que n’offrent pas les mécanismes de contestation interne des FC auxquels les PM visés par les plaintes peuvent recourir.

À l’heure actuelle, lorsqu’un PM visé par une plainte pour inconduite estime qu’il a été traité de manière inéquitable au cours de l’enquête initiale qu’a menée le GPFC au sujet de la plainte, le seul recours dont il dispose en vertu de la partie IV de la LDN se limite à déposer sa propre plainte pour inconduite contre l’enquêteur du service du GPA NP du GPFC. Cependant, cette nouvelle plainte pour inconduite doit d’abord être examinée par le GPFC avant de pouvoir être révisée par la CPPM. Il s’agit là d’une procédure plutôt inefficace en laquelle l’intéressé n’aura probablement pas confiance, puisque le GPFC sera appelé à évaluer sa propre procédure d’enquête. La démarche serait plus efficace si l’intéressé insatisfait pouvait renvoyer la question directement à la CPPM en vue d’une révision, surtout lorsque celle-ci est déjà appelée à réviser la plainte sous-jacente à la demande du plaignant initial.

  1. La CPPM propose que le droit de demander la révision d’une plainte pour inconduite par la CPPM soit également accordé au PM visé par la plainte.

C. Délai relatif à la demande de révision

Selon l’article 250.2 de la LDN, les plaintes pour inconduite ou pour ingérence se prescrivent par un an (à compter de la survenance du fait qui en est à l’origine); le président peut toutefois proroger ce délai lorsqu’il estime qu’il est raisonnable de le faire dans les circonstances. La LDN ne prévoit actuellement aucun délai pour demander la révision d’une plainte pour inconduite une fois que le GPFC a mené son enquête à l’égard de celle-ci. De l’avis de la CPPM, il y aurait lieu de prévoir un délai par défaut pour demander la révision d’une plainte pour inconduite aux termes de l’article 250.31 de la LDN, sous réserve du pouvoir discrétionnaire du président de la Commission de proroger ce délai, comme c’est le cas pour la réception initiale des plaintes.

La Commission souligne toutefois que, eu égard à la mobilité des plaignants et intéressés possibles au sein des FC et à la possibilité qu’ils soient déployés aux quatre coins du globe pour des affectations d’une durée de plusieurs mois (à l’heure actuelle, les affectations outremer à des postes de combat, notamment en Afghanistan, couvrent une période de six mois), dans des environnements difficiles et dangereux, un long délai par défaut devrait être prévu.

  1. La CPPM propose qu’un délai relatif à la demande de révision des plaintes pour inconduite soit adopté, sous réserve de la prorogation de ce délai par le président de la Commission. De l’avis de la CPPM, un délai par défaut allant de 120 à 180 jours serait raisonnable dans les circonstances.

D. Autoriser la conclusion de PE avec le GPFC au sujet de la tenue d’enquêtes parallèles

Dans bien des cas, il est plus que souhaitable de suspendre les enquêtes administratives, comme les enquêtes de la CPPM sur les plaintes, jusqu’à l’issue des enquêtes de la police au sujet des mêmes événements. Cependant, dans d’autres cas, il n’est pas nécessaire de suspendre complètement ces enquêtes administratives jusqu’à l’issue des enquêtes connexes liées à l’application de la loi, du moins lorsqu’il est possible d’assurer une coordination satisfaisante des procédures d’enquête.

Bien entendu, il est impératif que les enquêtes administratives, comme celles que mène la CPPM, ne compromettent pas l’intégrité des enquêtes de la police ou des poursuites qui s’ensuivent. Au même moment, il est important de ne pas écarter à la légère l’intérêt de la société relativement à la tenue d’enquêtes administratives opportunes qui sont susceptibles de favoriser le rétablissement de la confiance du public à l’endroit d’une institution (autant dans l’intérêt du public que dans celui des membres de l’institution concernée) et la formulation de recommandations prospectives afin d’éviter des problèmes ultérieurs. De plus, les enquêtes de la police demandent beaucoup de temps, surtout dans les affaires complexes, et ce problème est exacerbé dans le cas des enquêtes visant la police militaire, qui peuvent fréquemment nécessiter l’accès à des milieux opérationnels dangereux et créer de ce fait des défis logistiques de taille.

La CPPM a réussi dans le passé à mettre en oeuvre une entente de coordination qui lui a permis de faire des progrès significatifs dans une importante enquête d’intérêt public pendant que le SNEFC menait une enquête parallèle (voir le PE joint en annexe aux présentes observations). De façon générale, le PE conclu entre la CPPM et le SNEFC dans ce dossier-là prévoyait la communication en temps opportun de renseignements à la CPPM par le SNEFC, pourvu que le secret desdits renseignements soit préservé jusqu’à la fin de l’enquête de celui-ci. De plus, selon ce même PE, la CPPM ne devait interroger les témoins qu’une fois que le SNEFC aurait terminé son propre interrogatoire.

Même si la CPPM ne croit pas que la conclusion de PE de cette nature nécessite une autorisation législative explicite, il serait néanmoins utile que ce pouvoir soit prévu clairement. En effet, cette précision rappellerait aux intervenants concernés la possibilité que la CPPM mène une enquête parallèle et rehausserait la légitimité et la force des mesures convenues par la Commission en application de ces ententes.

  1. La CPPM propose qu’elle soit expressément autorisée à conclure des procoles d’entente avec les entités d’application de la loi concernées afin de faciliter la tenue d’enquêtes parallèles dans les cas pertinents.

E. Prévoir expressément une qualité pour agir restreinte aux audiences de la CPPM

Dans le contexte des audiences d’intérêt public, l’article 250.44 de la LDN exige actuellement que la CPPM accorde des droits de participation entiers - c’est-à-dire « toute latitude de présenter des éléments de preuve à l’audience, d’y contre-interroger les témoins et d’y faire des observations, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat » - aux parties à la plainte ainsi qu’à « toute autre personne qui convainc la Commission qu’elle a un intérêt direct et réel dans la plainte dont celle-ci est saisie ».

Il est parfois arrivé qu’une personne ou entité démontre un « intérêt direct et réel » à l’égard d’un aspect donné d’une audience, mais qu’elle ne possède pas cet intérêt pour d’autres aspects de celle-ci. Cependant, le texte actuel de l’article 250.44 de la LDN n’autorise pas explicitement la Commission à ajuster les droits de participation des parties en fonction des témoins et enjeux visés par leur intérêt. En raison de ce manque de précision, la Commission doit, soit accorder à une partie le droit de contre-interroger des témoins et de formuler des observations verbales même sur des questions qui dépassent la portée de son intérêt, et risquer ainsi de rallonger indûment l’audience, soit s’abstenir d’accorder le moindre droit de participation. L’octroi de droits restreints, qui n’est pas prévu dans le texte législatif, pourrait mener à une contestation dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Il convient de souligner que la question soulevée ici est différente de celle qui concerne l’octroi de droits de participation semblables à ceux des intervenants aux personnes et entités qui sont peut-être concernées par une audience d’intérêt public et possèdent des connaissances spécialisées à son sujet, mais qui n’ont pas un « intérêt direct et réel » dans l’affaire. La Commission estime que son pouvoir législatif implicite lui permet de trancher ces types de demandes de reconnaissance d’une qualité pour agir.

  1. La CPPM propose qu’elle soit expressément autorisée à accorder des droits de participation plus limités, et à reconnaître une qualité pour agir plus restreinte à des parties qui démontrent un intérêt direct et réel à l’égard de certains aspects seulement des audiences d’intérêt public.

F. Accessibilité et statut de défendeur lors du contrôle judiciaire

Bien qu’elles ne puissent faire l’objet d’un appel, les décisions de la CPPM – qui comprennent probablement les conclusions et recommandations qu’elle formule dans ses rapports sur les plaintes – sont susceptibles de révision devant la Cour fédérale au moyen d’une demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Selon l’article 303 des Règles des Cours fédérales, à l’instar des autres « offices », la CPPM est actuellement réputée ne pas être partie défenderesse à cette demande. Les décisions de la CPPM doivent plutôt être contestées par le procureur général du Canada. Ce n’est que lorsque la Cour est convaincue, sur présentation d’une requête du procureur général du Canada, que celui-ci « est incapable d’agir à titre de défendeur ou n’est pas disposé à le faire » qu’elle peut désigner en remplacement « l’office fédéral visé par la plainte » (c.‑à‑d. la Commission) à titre de partie défenderesse.

Voici le texte de l’article 303 des Règles des Cours fédérales :

Défendeurs

303. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le demandeur désigne à titre de défendeur :

  1. toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée, autre que l’office fédéral visé par la demande;
  2. toute autre personne qui doit être désignée à titre de partie aux termes de la loi fédérale ou de ses textes d’application qui prévoient ou autorisent la présentation de la demande.

Défendeurs – demande de contrôle judiciaire

  1. Dans une demande de contrôle judiciaire, si aucun défendeur n’est désigné en application du paragraphe (1), le demandeur désigne le procureur général du Canada à ce titre.

Remplaçant du procureur général

  1. La Cour peut, sur requête du procureur général du Canada, si elle est convaincue que celui-ci est incapable d’agir à titre de défendeur ou n’est pas disposé à le faire après avoir été ainsi désigné conformément au paragraphe (2), désigner en remplacement une autre personne ou entité, y compris l’office fédéral visé par la demande.

Bien qu’aux fins du régime de contrôle judiciaire établi en application de la Loi sur les Cours fédérales, la Commission soit traitée comme tout autre tribunal administratif (« office »), elle est assez différente des organismes quasi judiciaires classiques regroupant les organismes administratifs qui peuvent tenir des audiences. En plus de fonctionner dans le cadre d’une démarche inquisitoire, non contradictoire et non juridictionnelle, le plus souvent sans tenir d’audience, la Commission est expressément tenue, en vertu de l’article 250.14 de la LDN, de donner suite aux plaintes dont elle est saisie avec célérité et sans formalisme, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent.

De l’avis de la Commission, il est plutôt anormal que les parties aux plaintes dans ce type d’enquête informelle soient exposées au risque de défendre les décisions de la CPPM devant la Cour fédérale. Pourtant, certains plaignants ont dû le faire assez récemment dans le cadre du contrôle judiciaire des décisions de la CPPM. Ce risque crée des problèmes majeurs en ce qui a trait à l’accès au processus de traitement des plaintes pour les plaignants, dont la plupart n’ont pas les compétences ou les ressources nécessaires pour participer de façon significative à la procédure de contrôle judiciaire, laquelle sera souvent engagée au début du traitement de la plainte par la Commission, dans le cas des contestations portant sur la compétence de celle-ci.

Jusqu’à maintenant, les demandeurs qui étaient des particuliers dans les demandes de contrôle judiciaire, ce qui était le cas de tous les plaignants jusqu’à maintenant – ont désigné la Commission elle-même ou le procureur général à titre de défendeur. Dans les cas où la Commission a été désignée, le procureur général a soutenu (à juste titre, de l’avis de la CPPM) qu’il aurait dû être substitué à titre de défendeur conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales.

Cependant, le procureur général avait un point de vue différent lorsqu’il était l’auteur de la demande de contrôle judiciaire ou représentait celui-ci. Dans ces cas-là, le procureur général a désigné le plaignant à titre de seul défendeur dans sa demande visant à contester la légalité des décisions de la Commission au sujet des plaintes. En d’autres termes, contrairement à la position qu’il défendait lorsqu’il n’était pas engagé par ailleurs dans une instance de la CPPM, le procureur général a eu tendance à considérer au moins les plaignants devant celle-ci comme des parties désignées à juste titre comme des défendeurs conformément au paragraphe 303(1) des Règles lorsque c’est lui qui contestait les mesures de la Commission.

Il convient de souligner que, dans les cas où c’est lui qui contestait les décisions de la Commission, si le procureur général s’en était tenu à la position exprimée dans les autres cas, selon laquelle les parties aux plaintes portées devant la CPPM n’étaient pas « directement touchées » par l’instance et ne pouvaient donc pas être désignées comme défendeurs selon le paragraphe 303(1) des Règles, il n’aurait eu d’autre choix que d’invoquer le paragraphe 303(3) des Règles et de demander l’autorisation de désigner la CPPM en remplacement à titre de défenderesse. Après tout, l’article 303 des Règles ne peut être interprété de façon à permettre au procureur général d’agir à la fois comme demandeur et défendeur dans une demande de contrôle judiciaireNote de bas de page 28.

Selon la Commission, les variations touchant la pratique du procureur général à cet égard ne sont pas fondées en droit. En effet, de deux choses l’une : soit les auteurs des plaintes portées devant la CPPM et les personnes visées par celles-ci sont désignés correctement à titre de défendeurs dans les contestations judiciaires des décisions de celle-ci, soit ils ne le sont pas. La Commission estime qu’ils ne le sont pas ou que, à tout le moins, ils ne devraient pas être tenus d’accomplir cette tâche de leur propre chef. Le rôle de « surveillant » que l’article 303 des Règles semble confier au procureur général relativement à la participation des offices aux demandes de contrôle judiciaire portant sur leurs décisions est problématique lorsque le procureur général est l’auteur de la demande de contrôle judiciaire. La CPPM ne croit pas que l’article 303 des Règles visait à accorder au procureur général, comme partie à un litige, le droit spécial de choisir son adversaire lorsqu’il conteste la décision d’un office.

Bien qu’elle comprenne le principe juridique qui sous-tend la réticence à accorder aux offices le droit de défendre leurs propres décisions lors des demandes de contrôle judiciaire, la Commission estime que ce principe et ses fondements jurisprudentiels concernent les organismes qui s’acquittent de fonctions juridictionnelles s’apparentant davantage à celles des tribunaux judiciaires et qui fonctionnent davantage dans le cadre d’un système accusatoireNote de bas de page 29.

Pour sa part, la CPPM joue un rôle semblable à celui d’une commission d’enquête publique : elle mène des enquêtes sur des incidents et prépare des rapports dans lesquels elle formule des conclusions et recommandations non exécutoires. Bien que ces activités d’enquête soient déclenchées par une plainte et concernent la conduite d’une autre personne, l’intéressé, il n’y a aucun litige ou différend juridique entre ces parties à la plainte; de plus, la Commission détermine elle-même, de son propre chef, la procédure qu’elle entend suivre et la portée de son enquête et prend sa propre décision sur le règlement de la plainte. La Commission ne peut accorder aucune réparation au plaignant ni infliger une sanction à l’intéressé.

La nature non juridictionnelle des enquêtes et, par le fait même, des organismes qui les mènent, comme la CPPM, ressort clairement du jugement que la Cour suprême du Canada a rendu en 1997 dans Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d’enquête sur le système d’approvisionnement en sang au Canada) (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 27)Note de bas de page 30, où le juge Cory, qui a rendu le jugement unanime de la Cour, a fait remarquer ce qui suit (au paragraphe 34) :

Une commission d’enquête ne constitue ni un procès pénal, ni une action civile pour l’appréciation de la responsabilité. Elle ne peut établir ni la culpabilité criminelle, ni la responsabilité civile à l’égard de dommages. Il s’agit plutôt d’une enquête sur un point, un événement ou une série d’événements. Les conclusions tirées par un commissaire dans le cadre d’une enquête sont tout simplement des conclusions de fait et des opinions que le commissaire adopte à la fin de l’enquête. Elles n’ont aucun lien avec des critères judiciaires normaux. Elles tirent leur source et leur fondement d’une procédure qui n’est pas assujettie aux règles de preuve ou de procédure d’une cour de justice. Les conclusions d’un commissaire n’entraînent aucune conséquence légale. Elles ne sont pas exécutoires et elles ne lient pas les tribunaux appelés à examiner le même objet.

Étant donné que les parties à la plainte n’obtiennent rien en termes d’intérêt légalement reconnu (sauf en ce qui a trait aux effets sur la réputation) par suite de l’enquête et du rapport de la Commission, elles n’ont pas le même intérêt à défendre les décisions de la Commission, comparativement aux parties aux procédures juridictionnelles.

Dans la même veine, en raison de la nature inquisitoire des procédures de la Commission, les parties à la plainte ne participent généralement pas à ces décisions, ni n’en sont responsables. Il n’est donc pas équitable de s’attendre à ce qu’elles défendent les décisions de la CPPM.

C’est en effet la conclusion à laquelle la Cour fédérale en est arrivée dans le contexte d’une requête visant à ajouter certaines parties ayant qualité pour agir devant la Commission d’enquête Krever sur le système d’approvisionnement en sang au Canada – y compris des parties ayant reçu signification d’un avis de conclusion défavorable – à titre de parties défenderesses dans une demande de contrôle judiciaire portant sur les décisions de la Commission d’enquête (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 28). Lorsqu’il a interprété et appliqué le paragraphe 1602(3) des anciennes Règles des Cours fédérales, (la disposition qu’a remplacé l’article 303 des Règles actuelles), le juge Richard s’est exprimé comme suit :

[traduction]
La Commission est un organisme d’enquête et, à mon avis, cela signifie qu’elle n’a pas été appelée à diriger une procédure semblable à celle que prévoit le paragraphe 1602(3) des Règles des Cours fédérales, c’est‑à‑dire une procédure qui donne lieu à une décision touchant des parties opposéesNote de bas de page 31.

En conséquence, les parties ayant qualité pour agir devant la Commission d’enquête, y compris celles dont la conduite faisait l’objet de l’enquête et du rapport, ne pouvaient être désignées à titre de parties à cette demande de contrôle judiciaire.

Il y a de nombreuses raisons de principe et d’ordre pratique pour lesquelles les parties à une instance de la CPPM ne devraient pas être considérées comme les seules parties pouvant être désignées comme parties défenderesses dans les demandes de contrôle judiciaire visant à contester la compétence ou les décisions de la Commission. Le régime de la partie IV visait à offrir aux plaignants l’accès à une démarche qui limiterait le formalisme et les frais non nécessaires. Contraindre les plaignants à participer à des procédures judiciaires complètes et coûteuses portant sur les limites de la compétence de la Commission ou sur des décisions de celle-ci restreindrait sensiblement l’accessibilité du régime de traitement des plaintes pour eux. En effet, de nombreux plaignants n’ont pas les connaissances ou les ressources financières voulues pour participer de manière significative à ces instances et, s’ils étaient contraints de le faire pour obtenir le règlement de leurs plaintes, ils seraient à toute fin utile exclus du système. De plus, bon nombre de plaignants n’ont pas d’intérêt en ce qui concerne l’examen des questions plus larges pouvant être soulevées dans le cadre des recours judiciaires portant sur la compétence et les pouvoirs généraux de la Commission. En conséquence, ils ne seront pas en mesure de présenter à la Cour tous les renseignements et arguments nécessaires au sujet des répercussions des décisions consécutives aux demandes de contrôle judiciaire sur les travaux en cours de la CPPM.

Ainsi, dans la récente demande de contrôle judiciaire concernant les plaintes relatives aux transferts de détenus afghans, les plaignants étaient défendeurs, tandis que la participation de la CPPM se limitait à celle d’un intervenant (ce qui restreignait la portée des questions qu’elle pouvait aborder). Dans cette affaire-là, les plaignantes, Amnistie Internationale – section canadienne – et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, étaient des plaignantes institutionnelles qui ont pu se faire représenter par un conseiller juridique et opposer une réponse significative à la demande de contrôle judiciaire. Cependant, les intérêts des plaignantes se limitaient aux faits entourant leurs propres plaintes et n’englobaient pas les répercussions que l’affaire pourrait avoir sur le mandat et les travaux de la CPPM dans d’autres causes. Étant donné qu’elle agissait uniquement en qualité d’intervenante, la Commission n’a pas eu la possibilité de donner des explications complètes sur les difficultés pratiques pouvant découler, quant à son mandat et à la surveillance civile de la police militaire, des différentes solutions proposées par le procureur général relativement à la définition des fonctions de nature policière assujetties à la surveillance. La Commission n’a pu porter à l’attention de la Cour, dans le contexte de la demande, les incidences que pourrait avoir la décision de la Cour fédérale pour d’autres affaires de la CPPM et dont il est fait mention plus haut. De plus, lorsque la CPPM a tenté de porter la décision en appel afin de préciser quelques-uns de ces aspects, la Cour d’appel fédérale a refusé la demande d’autorisation, en partie parce qu’aucune des parties à l’instance n’avait décidé d’interjeter appel.

En revanche, bien qu’elle estime qu’il est sans doute préférable que le procureur général soit défendeur dans les demandes de contrôle judiciaire relatives à ses décisions, plutôt que partie à la plainte, cette approche comporte elle aussi des problèmes.

Étant donné que le procureur général est aussi le conseiller juridique par défaut (de même que le JAG) des personnes qui sont visées par les plaintes portées devant la CPPM, le fait qu’il soit également chargé de défendre les décisions de celle‑ci pourrait créer une apparence de conflit d’intérêts, du moins dans certains cas. Ce risque explique également pourquoi les postes de conseiller juridique au sein de la Commission sont pourvus, par voie d’exception, par des avocats qui ne font pas partie du ministère de la Justice. S’il en était autrement, l’indépendance de la CPPM vis-à-vis des FC et du MDN serait compromise, du moins en apparence.

Bien que les règles actuellement en vigueur n’empêchent pas la CPPM de participer au contrôle judiciaire de ses décisions en qualité d’intervenante, les décisions de la Cour fédérale concernant les moments où la Commission est autorisée à participer à ces procédures (y compris les appels) et la mesure dans laquelle elle est ainsi autorisée sont très discrétionnaires et parfois un tant soit peu restrictives.

La Commission ne veut pas empêcher les plaignants et les personnes visées par une plainte assujettie au régime de la partie IV de la LDN de participer au contrôle judiciaire des décisions qu’elle rend ou d’être nommés défendeurs dans ces litiges. Elle soutient plutôt que, étant donné que ses procédures s’apparentent davantage à des enquêtes qu’à des procédures juridictionnelles ou contradictoires, ces parties ne devraient pas être tenues de supporter le fardeau lié à ces litiges. La Commission estime donc que la LDN devrait exiger que son organisation soit désignée à titre de défenderesse dans les demandes de contrôle judiciaire relatives à ses décisions, mais qu’elle ne devrait comporter aucune précision sur le statut de défendeur des parties aux plaintes dans lesdites demandes.

Il convient de souligner que la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoient actuellement que le commissaire à l’information et le commissaire à la protection de la vie privée peuvent avoir qualité pour agir lors de la révision des décisions des ministères et organismes fédéraux interdisant la communication de renseignements sollicités aux termes de ces lois (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglets 7 et 6)Note de bas de page 32.

  1. La CPPM propose qu’elle soit obligatoirement désignée à titre de partie défenderesse dans les demandes de contrôle judiciaire portant sur ses décisions

G. Prolongation automatique du mandat des membres lorsque les affaires se poursuivent

De l’avis de la CPPM, il n’est ni efficace, ni équitable pour les parties aux plaintes qu’un autre membre de la Commission soit affecté à la plainte alors que les procédures sont déjà en cours ou que certaines étapes doivent être recommencées lorsque le mandat du membre saisi de l’affaire expire avant la fin de celle-ci dans un dossier donné. Selon la Commission, il serait souhaitable et équitable que le mandat du membre soit automatiquement prolongé dans le cas des dossiers en cours qui lui sont confiés avant la notification du non‑renouvellement de son mandat.

Ce problème est particulièrement préoccupant dans le contexte des audiences d’intérêt public et des autres enquêtes complexes qui sont déjà à un stade avancé lorsque le mandat du membre prend fin. Cette disposition rehausserait également l’intégrité des procédures de la CPPM en faisant obstacle à toute perception possible d’ingérence politique.

Une disposition législative fédérale de cette nature figure au paragraphe 8(3) de la Loi sur les transports au Canada, qui autorise le président de l’Office des transports du Canada à permettre à un membre qui cesse d’exercer ses fonctions de continuer, après la date d’expiration de son mandat, à entendre toute question dont il se trouve saisi à cette date (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 8).

  1. La CPPM propose que le mandat des membres de la Commission soit automatiquement prolongé dans le cas des dossiers de plainte qui leur sont confiés avant la notification du non-renouvellement de leur mandat, jusqu’à ce que le traitement de ces dossiers soit terminé.

IV) L’indépendance de la police militaire

A. Lien hiérarchique entre le GPFC et le VCEMD

Depuis le 1er avril 2011, date d’entrée en vigueur de la nouvelle structure de commandement et de contrôle de la PM, tous les membres de la police militaire relèvent du commandement du GPFC. Cependant, lorsqu’ils exercent des fonctions opérationnelles militaires qui ne sont pas de nature policière, les PM continueront à relever des commandants opérationnels. C’est sans doute là une mesure importante et souhaitable en ce qui a trait à l’indépendance de la police militaire. Toutefois, de l’avis de la Commission, des mesures législatives plus poussées sont nécessaires pour soutenir et assurer comme il se doit cette indépendance.

Bien que la portée et la qualité de l’indépendance de la PM ne touchent pas directement le fonctionnement du régime de traitement des plaintes prévu à la partie IV de la LDN, ni la capacité de la CPPM de s’acquitter de son mandat en découlant, il s’agit néanmoins d’une question qui revêt une importance et un intérêt évidents aux yeux de la Commission.

Après tout, la Commission a reçu le mandat exclusif d’examiner les plaintes concernant l’ingérence inappropriée dans les enquêtes de la PM. La mise sur pied du nouveau mécanisme de traitement des plaintes pour ingérence dans le projet de loi C-25 et la création d’un organisme civil indépendant chargé d’enquêter sur ces plaintes (CPPM) ont constitué des éléments clés de l’ensemble des réformes effectuées après l’enquête sur la Somalie pour rehausser l’indépendance et l’intégrité de la police militaire, tandis que d’autres éléments portaient sur le professionnalisme de la PM de manière plus générale (le Code de déontologie de la police militaire, le processus de traitement des plaintes pour inconduite, etc.). Parmi les autres mesures non législatives pertinentes qui ont été prises au cours de cette période, il convient de souligner la création du SNEFC et l’établissement du Cadre de reddition de comptes du VCEMD/GPFC (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 22).

L’établissement d’une unité de la PM dont les membres se consacreraient à temps plein à la tenue d’enquêtes et auraient pour mandat unique d’enquêter sur les infractions militaires et les infractions criminelles de nature « grave et délicate » (le SNEFC) visait manifestement à rehausser la compétence professionnelle de la PM. Cependant, cette mesure avait aussi pour but d’appuyer l’indépendance de la police militaire dans les cas cruciaux. Cette conclusion ressort du fait que le SNEFC a été exclu de la chaîne de commandement opérationnelle normale et placé sous le commandement direct du GPFC ainsi que du fait que les membres de l’organisme ont été autorisés à porter des accusations relatives à des infractions militaires, pouvoir accordé jusqu’ici uniquement à la chaîne de commandement de l’intéressé (recueil de sources de la CPPM, volume I, onglet 19).

Bien entendu, il a été reconnu que, du moins jusqu’à un certain point, l’indépendance du SNEFC (et, par voie de conséquence, des enquêtes de nature « grave et délicate » qu’il mène) vis‑à‑vis la chaîne de commandement militaire opérationnelle n’existait en bout de ligne que dans la mesure de celle de son commandant, le GPFC. Afin de corriger cette lacune, deux mesures ont été prises : d’abord, l’exercice de l’autorité à l’endroit du GPFC a été placé à un niveau très élevé de la hiérarchie des FC : le VCEMD. Il y a probablement très peu de cas dans les FC où un officier relève directement d’une personne qui la dépasse d’au moins trois échelons dans la chaîne de commandement. En deuxième lieu, étant donné qu’il semblait souhaitable de formaliser davantage la structure de commandement habituelle, un protocole spécial visant à régir les liens hiérarchiques entre le GPFC et le VCEMD a été élaboré : le Cadre de reddition de comptes de 1998.

Le Cadre de reddition de comptes du VCEMD/GPFC a été signé le 2 mars 1998 par le VCEMD et le GPFC du temps. L’objectif avoué du Cadre de reddition de comptes était de garantir « la prestation de services de police militaire professionnels et efficaces », de reconnaître la « prépondérance des opérations » dans le cadre de la réalisation de « ces objectifs subsidiaires » et la « nécessité de mener les enquêtes [de la police militaire] de façon indépendante ». À ces fins, tout en confirmant que le VCEMD avait le pouvoir de « donner des ordres et une orientation générale au GPFC afin que les services de police soient fournis avec professionnalisme et efficacité... », le Cadre interdisait au VCEMD de « donner des directives au GPFC en ce qui a trait aux décisions opérationnelles de la police militaire qui se rapportent à des enquêtes... » et de « participer directement aux enquêtes individuelles en cours », mais l’autorisait à recevoir de l’information du GPFC de façon à pouvoir prendre les décisions de gestion qui s’imposent ». Le Cadre comportait d’autres explications sur ces principes : « Il [le GPFC] est tenu d’informer le VCEMD sur les questions nouvelles et urgentes pour lesquelles des décisions de gestion doivent être prises. Mais c’est au GPFC de décider à quel point l’information fournie au sujet des enquêtes courantes sera détaillée »; de plus, « le GPFC surveillera les enquêtes individuelles et fournira un aperçu général de celles-ci au VCEMD. Il faut éviter les discussions avec le VCEMD au sujet de détails précis liés aux enquêtes, à moins que des circonstances particulières ne justifient l’intervention de la haute direction ».

Le Cadre de reddition de comptes a été révisé et approuvé par le Groupe d’examen des services de la police militaire, dirigé par le lieutenant-général (à la retraite) Charles Belzile, dans le rapport daté du 11 décembre 1998 que celui-ci a remis au VCEMD (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 54).

Lors du premier examen indépendant des modifications apportées à la LDN par le projet de loi C-25, l’ancien juge en chef Lamer a déploré le « vide législatif » « surprenant » découlant de l’omission du législateur de définir dans la LDN le poste et le rôle du GPFC, laquelle absence est « contraire à l’objectif du projet de loi C-25 de mettre les principaux acteurs du système de justice militaire à l’abri de toute influence ou ingérence »Note de bas de page 33 (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 44). En conséquence, le juge Lamer a recommandé au législateur de corriger cette situation en définissant dans la LDN les différents rôles et rapports du GPFCNote de bas de page 34. Le juge Lamer a manifestement tenu compte du Cadre de reddition de comptes. Il n’en a pas explicitement approuvé le contenu, mais il n’a soulevé aucune objection majeure à son sujet non plus. Sa principale préoccupation concernant le Cadre de reddition de comptes portait plutôt sur l’absence de disposition législative visant à protéger l’indépendance du GPFCNote de bas de page 35.

Depuis 2006, trois différents projets de loi visant à définir le rôle du GPFC et ses liens hiérarchiques avec le VCEMD ont été présentés. Les projets de loi C-7 (39e législature, 1re session), C-45 (39e législature, 2e session) et C-41 (40e législature, 3e session) sont tous morts au feuilleton à la fin de leurs sessions parlementaires respectives. La Commission n’a aucune raison de douter qu’un projet de loi similaire sera déposé au cours de la présente session parlementaire.

La Commission appuie certainement l’idée de définir par voie législative le poste du GPFC ainsi que son rôle, ses fonctions, ses titres et qualités et ses liens hiérarchiques. Cependant, elle souligne qu’en plus de prévoir cette reconnaissance et cette protection nécessaires du poste du GPFC, comme le souhaitait le juge Lamer, les projets de loi proposés jusqu’à maintenant comportaient une disposition autorisant expressément le VCEMD à donner des directives au GPFC à l’égard d’une enquête en particulierNote de bas de page 36.

Ce pouvoir du VCEMD à l’endroit du GPFC dans le cadre des enquêtes de la PM n’était nullement recommandé ni même envisagé par le juge Lamer. Il ne va pas de pair non plus avec les propositions figurant dans les études menées en 1998 et 1997 par le lieutenant-général Belzile (à la retraite) et l’ancien juge en chef Brian Dickson au sujet de la justice militaire et de la police militaire (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglets 45 et 54). Effectivement, le pouvoir en question irait carrément à l’encontre des conditions du Cadre de reddition de comptes du VCEMD/GPFC de 1998. La Commission ne connaît aucun rapport ou étude donnant à penser que les conditions du Cadre autorisant une surveillance appropriée et légitime de la police militaire par la chaîne de commandement se sont révélées problématiques. Étant donné que le Cadre de reddition de comptes prévoit une révision annuelle, il aurait probablement été modifié ou annulé si des problèmes majeurs avaient été constatés à son égard. Or, la Commission n’est au courant d’aucun problème de cette nature.

Surtout, le pouvoir en question va à l’encontre du droit et de la pratique canadiens concernant l’indépendance des enquêtes de la police de manière générale. Dans le jugement qu’elle a rendu en 1999 dans R. c. Campbell, 1999 CanLII 676 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 565 (recueil de sources de la CPPM, volume II, onglet 40), la Cour suprême du Canada a affirmé que, lorsqu’ils mènent une enquête sur des infractions, les policiers ne sont redevables que devant la loi et n’agissent pas au nom de l’ensemble du gouvernement. Voici les extraits pertinents du jugement unanime de la Cour (au paragraphe 29) :

Il est donc possible que, dans l’exercice de l’un ou de l’autre de ses rôles, la GRC agisse en tant que mandataire de l’État. Le présent pourvoi ne soulève toutefois que la question du statut d’un agent de la GRC agissant dans le cadre d’une enquête criminelle, et, à cet égard, la police n’est pas sous le contrôle de la branche exécutive du gouvernement. L’importance de ce principe, qui est lui‑même à la base de la primauté du droit, a été reconnue par notre Cour relativement aux forces policières municipales dans un arrêt aussi ancien que McCleave c. City of Moncton (1902), 32 R.C.S. 106. Il s’agissait d’une affaire civile portant sur la responsabilité municipale éventuelle pour cause de négligence policière, mais, dans le cadre de ses motifs, le juge en chef Strong a approuvé la proposition suivante, aux pp. 108 et 109 :
[traduction] Les policiers ne peuvent aucunement être considérés comme des mandataires ou des fonctionnaires de la ville. Leurs fonctions sont publiques par nature. Le pouvoir de les nommer est transféré par la législature aux cités et villes car il s’agit d’un moyen pratique d’exercer une fonction gouvernementale, mais cela ne les rend pas responsables des actes illégaux ou négligents qu’ils commettent. Le dépistage et l’arrestation des auteurs d’infractions, le maintien de la paix publique, l’exécution des lois ainsi que les autres fonctions similaires conférées aux policiers découlent de la loi, et ne proviennent pas de la cité ou de la ville qui les a nommés.

Plus loin dans le jugement, la Cour suprême s’est exprimée comme suit (au paragraphe 33) :

Bien qu’à certaines fins, le Commissaire de la GRC rende compte au Solliciteur général, il ne faut pas le considérer comme un préposé ou un mandataire du gouvernement lorsqu’il effectue des enquêtes criminelles. Le Commissaire n’est soumis à aucune directive politique. Comme tout autre agent de police dans la même situation, il est redevable devant la loi et, sans aucun doute, devant sa conscience. Comme lord Denning l’a dit relativement au commissaire de police dans R. c. Metropolitan Police Comr., Ex parte Blackburn, [1968] 1 All E.R. 763 (C.A.), à la p. 769 :
[traduction] Je n’ai toutefois aucune hésitation à conclure que, comme tous les policiers du pays, il [le commissaire de police] devrait être indépendant de l’exécutif, et qu’il l’est effectivement. Il n’est pas soumis aux ordres du Secrétaire d’État, à l’exception du fait que, en vertu de la Police Act 1964, ce dernier peut lui demander de produire un rapport et de quitter ses fonctions dans l’intérêt de la bonne administration. Je considère qu’il est du devoir du commissaire de police, et de tout chef de police, de faire respecter les lois du pays. Il doit affecter ses hommes de manière à résoudre les crimes pour que les honnêtes citoyens puissent vaquer à leurs occupations en paix. Il doit décider si des suspects seront poursuivis ou non; et, s’il le faut, porter des accusations ou faire en sorte qu’elles soient portées; mais, dans tout cela, il n’est le serviteur de personne, sauf de la loi elle‑même. Aucun ministre de la Couronne ne peut lui ordonner de surveiller ou de ne pas surveiller tel endroit, ou lui ordonner de poursuivre ou de ne pas poursuivre une personne. Aucune autorité policière ne peut non plus lui donner un tel ordre. C’est à lui qu’il incombe de faire respecter la loi. Il est redevable envers la loi, et seulement envers elle. [Je souligne.]

Bien qu’elle soit importante en soi, la déclaration de la Cour selon laquelle le principe de l’indépendance de la police au cours des enquêtes « est à la base de la primauté du droit » l’est encore davantage à la lumière du fait que, dans la décision qu’elle avait rendue quelques mois plus tôt dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la même Cour avait souligné que le principe de la primauté du droit était lui-même un principe constitutionnel non écrit ayant un caractère impératif.

Dans un avis indépendant demandé par la CPPM (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 53), l’éminent chercheur en droit criminel et public, le professeur Kent Roach, de la faculté de droit de l’Université de Toronto, a conclu que le pouvoir proposé à l’article 4 du projet de loi C-41 (paragraphe 18.5(3)), « va à l’encontre des concepts fondamentaux de l’indépendance de la police » et que, compte tenu des jugements de la Cour suprême, le pouvoir d’ingérence proposé, notamment à l’égard de certaines enquêtes de la police militaire, pourrait bien aller à l’encontre de la Constitution, plus précisément du principe constitutionnel non écrit de la primauté du droit.

La Commission sait pertinemment que des différences majeures existent entre la police militaire et la police civile. Ainsi, la police militaire accomplit d’autres tâches militaires de nature non policière. Cependant, de l’avis de la CPPM, ce fait n’atténue pas l’applicabilité du principe de l’indépendance de la police à l’endroit de la police militaire lorsqu’elle mène des enquêtes liées à l’application de la loi. Effectivement, si le concept de l’indépendance des enquêtes de la police ne devait pas s’appliquer à la police militaire, il faudrait se demander pourquoi le législateur a créé le mécanisme de traitement des plaintes pour ingérence au paragraphe 250.19(1) de la LDN.

Au cours des délibérations relatives au dernier projet de loi portant sur cette question, le projet de loi C-41, les représentants du ministère ont tenté de justifier le pouvoir proposé du VCEMD en soutenant qu’il était nécessaire pour lui permettre d’agir dans des circonstances exceptionnelles lorsque les impératifs liés aux opérations militaires doivent l’emporter sur l’application de la loi et les pratiques et procédures optimales en matière d’enquête. Pour sa part, la Commission estime que le pouvoir proposé, du moins sous sa forme actuelle, n’est pas nécessaire et est trop large à l’égard de ce scénario, pour les raisons suivantes :

  1. Même si le GPFC insistait, malgré la volonté contraire de la chaîne de commandement opérationnelle, sur la nécessité de mener une enquête dans une zone de combat particulièrement dangereuse, c’est la chaîne de commandement, et non le GPFC, qui contrôle les ressources militaires et le soutien logistique qui seraient nécessaires aux fins de cette enquête. Le GPFC n’est tout simplement pas en mesure de forcer la tenue d’une enquête de la PM à l’encontre de la volonté de la chaîne de commandement dans un environnement opérationnel intensif.
  2. Même s’il n’est pas investi d’un pouvoir d’origine législative explicite, le VCEMD conserve, à titre de supérieur du GPFC, un pouvoir de commandement à l’endroit de celui‑ci et est donc déjà habilité à lui donner toute directive légitime.
  3. Le pouvoir proposé au paragraphe 18.5(3) est illimité et ne comporte aucune disposition qui en restreint l’utilisation à des circonstances exceptionnelles, suivant la description qui figure plus haut.

Ces mêmes représentants ont également fait valoir que les effets défavorables pouvant découler du pouvoir proposé du VCEMD à l’égard de certaines enquêtes sont atténués par l’obligation du GPFC, selon le paragraphe 18.5(4), de « rendre accessibles au public » ces directives et par la possibilité qu’il a de déposer une plainte pour ingérence contre le VCEMD auprès de la CPPM.

Pour les raisons exposées ci-après, la Commission n’est pas d’accord avec cette évaluation :

  1. L’idée de « rendre accessibles au public » les directives « publiquement accessibles » n’est pas très précise. À vrai dire, il serait possible de respecter cette exigence simplement en permettant aux membres du public qui sont au courant de l’existence de ces directives de les consulter au QGDN.
  2. Rien n’indique que le GPFC ne serait pas tenu de se conformer aux ordres du VCEMD quant au choix de la méthode à suivre pour rendre les instructions accessibles au public ou quant au moment de le faire.
  3. L’exception à l’obligation de publication énoncée au paragraphe 18.5(5) proposé - « dont le Grand Prévôt estime qu’il n’est pas dans l’intérêt de la bonne administration de la justice de la rendre accessible » - est très subjective et imprécise.
  4. En tout état de cause, la publication de cette instruction après le fait ne corrige pas l’atteinte d’abord faite à l’intégrité et à l’indépendance d’une enquête de la police militaire.
  5. Il est probable que le pouvoir proposé au paragraphe 18.5(3) pour le VECMD l’emporterait, en tout ou en partie, sur la disposition relative aux plaintes pour ingérence figurant dans l’actuel paragraphe 250.19(1) de la LDN. Le GPFC pourrait toujours formuler une plainte, mais il est difficile de voir comment la Commission pourrait conclure qu’une instruction donnée conformément au pouvoir d’origine législative constituerait une « ingérence inappropriée ». Le droit de la responsabilité délictuelle ou, au Québec, le droit des délits ou des obligations extra‑contractuelles, reconnaît une doctrine de l’abus du pouvoir d’origine législative, également appelé faute dans l’exercice d’une charge publique, selon laquelle les fonctionnaires peuvent être responsables en cas d’exercice abusif d’un pouvoir d’origine législative qui dépasse l’objet envisagé par la disposition législative en question. Cependant, même en supposant que cette doctrine de la responsabilité civile a pour effet d’atténuer la portée ou le sens de la disposition législative en question, ce qui est loin d’être clair, il est probable qu’elle couvrirait uniquement les abus les plus flagrants du pouvoir proposé. Pourtant, la Commission a toujours estimé que le concept d’« entrave » du paragraphe 250.19(1) de la LDN couvre davantage que la faute délibérée. Si tel n’était pas le cas, le mécanisme de traitement des plaintes pour ingérence ne ferait guère plus que la procédure relative à l’infraction d’entrave à la justice en termes de protection de l’indépendance et de l’intégrité des enquêtes de la police militaire.

Le pouvoir proposé du VECMD à l’endroit du GPFC semble être inspiré de l’article 165.17 de la LDN actuellement en vigueur, qui concerne le lien hiérarchique entre le juge-avocat général et le directeur des poursuites militaires. Comme c’est le cas en matière civile, l’équité et l’intégrité du système de justice reposent sur le jugement et le pouvoir discrétionnaire indépendants tant des procureurs militaires que des PM.

Même s’il est vrai que le paragraphe 165.17(3) de la Loi actuellement en vigueur autorise le JAG à donner des instructions au directeur des poursuites militaires en ce qui concerne une poursuite en particulier, les rapports entre le JAG et le DPM sont bien différents des rapports entre le VECMD et le GPFC. Bien que le JAG et le DPM soient tous deux des avocats militaires, le VECMD (contrairement au GPFC) n’est pas un agent de la paix. La loi reconnaît la légitimité des interventions, dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, des agents de la paix supérieurs et autorités supérieures chargées des poursuites à l’endroit des agents de police ou avocats de la poursuite subalternes. Cependant, ce pouvoir ne couvre pas les personnes exerçant en dehors de ces professions dont les membres sont assujettis au devoir spécial de faire observer la loi. De plus, contrairement au GPFC, le JAG est isolé de la chaîne de commandement, étant donné qu’il est nommé par le gouverneur en conseil et relève directement du ministre de la Défense nationale plutôt que du CEMD ou du VCEMD.

Selon les recherches que nous avons menées jusqu’à maintenant à ce sujet, le pouvoir sollicité pour le VCEMD à l’égard d’enquêtes en particulier est sans précédent dans le contexte des relations entre la police et l’exécutif ou entre la police et le gouvernement, tant au Canada que dans les autres pays de common law où le principe juridique de l’indépendance de la police est reconnu. Effectivement, le paragraphe 31(4) de la Loi sur les services de police de l’Ontario interdit explicitement aux commissions de police locales de donner des directives aux chefs de police « au sujet de décisions opérationnelles particulières ni des opérations quotidiennes du corps de police ». Des interdictions similaires figurent dans les lois correspondantes de la Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 37, du Nouveau-BrunswickNote de bas de page 38, du ManitobaNote de bas de page 39 et de la Nouvelle-ZélandeNote de bas de page 40.

De plus, dans le contexte particulier d’autres services de la police militaire, nous n’avons trouvé aucune autorisation explicite équivalente relative à la communication de directives par la chaîne de commandement dans des enquêtes en particulier, que ce soit dans le cas de la Royal Military Police du Royaume-Uni ou du CID de l’armée des États-Unis.

  1. La CPPM propose que le rapport hiérarchique entre le GPFC et le VCEMD soit défini dans la loi d’une façon compatible avec les conditions du Cadre de reddition de comptes du VCEMD/GPFC de 1998 et, plus précisément, de manière à éviter d’autoriser le GPFC à donner des directives externes au sujet d’enquêtes en particulier de la PM

B. Accès de la PM à des conseillers juridiques indépendants

À l’instar des autres membres des FC, les PM obtiennent habituellement des conseils sur les questions opérationnelles, y compris leurs activités liées à l’application de la loi, des avocats militaires du Cabinet du juge-avocat général (CJAG). Cependant, les avocats du CJAG conseillent également les principales personnes visées par les activités policières des PM, soit les membres des FC, ce qui peut créer des problèmes du point de vue de l’indépendance de la police. Bien que d’autres services de police de différents ordres de gouvernement aient eux aussi recours aux conseillers juridiques consultés par les fonctionnaires gouvernementaux à l’égard desquels ils exercent leurs fonctions d’application de la loi, le degré de chevauchement entre la portée de la compétence des PM dans ce domaine et la base de clients du CJAG semble représenter un défi propre à la police militaire.

Étant donné que les modifications découlant du projet de loi C-25 ont donné lieu à des divisions séparées au sein du CJAG entre les services d’avocats de la poursuite et ceux de la défense, les membres des FC qui font l’objet d’une enquête de la part de la PM parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir commis une faute auront accès à un bassin de conseillers juridiques du CJAG qui est distinct de celui des conseillers auxquels les PM chargés de l’enquête auraient habituellement recours. Néanmoins, il est facile d’envisager des scénarios où, notamment dans le cas des membres occupant un poste ou détenant un grade supérieur, le CJAG a déjà commencé à conseiller le membre au sujet d’une question qui intéresse subséquemment la police militaire, voire qui fait l’objet d’une enquête proprement dite. À cette première étape, le membre des FC concerné, qui ne sera pas encore identifié à titre de suspect, sera conseillé par un avocat provenant de l’ensemble des services juridiques du CJAG et non seulement de la Direction du service d’avocats de la défense. Bref, les PM pourraient être appelés à enquêter sur des questions au sujet desquelles le CJAG a déjà donné un avis juridique ou sur des questions connexes.

Un problème particulier se pose dans les cas du mandat d’enquête du SNEFC, qui englobe les cas de nature grave et délicate (lesquels couvrent automatiquement les affaires où des allégations de faute ont été formulées contre des personnes ayant le grade de major ou un grade supérieur) ainsi que toutes les enquêtes sur un décès soudain au sein de l’armée. On s’attend à ce que les membres du SNEFC mènent leur enquête sans crainte et sans favoritisme et à ce qu’ils suivent la preuve quel que soit l’endroit où elle se trouve. Pourtant, à l’heure actuelle, ils doivent demander des conseils juridiques uniquement à la même organisation d’avocats militaires qui, eu égard à l’appui qu’ils donnent à leur principal client institutionnel (la chaîne de commandement des FC), sont sans doute particulièrement réticents à soutenir toute mesure qui menace de ternir l’image des FC ou du MDN, qui pourrait faire mal paraître les politiques ou décisions de ceux‑ci (notamment celles qui sont prises aux échelons supérieurs, au sujet desquelles ils auront peut-être donné des conseils) ou qui risque de donner lieu à des allégations de responsabilité à l’encontre de l’institution.

Non seulement la Commission, mais les PM eux-mêmes ont exprimé des préoccupations de cette nature.

Ainsi, la Commission a souligné ce problème dans son rapport final concernant l’enquête d’intérêt public qu’elle a tenue dans son dossier CPPM 2007-003 (recueil de sources de la CPPM, volume III, onglet 55). Cette affaire concernait une plainte pour inconduite au sujet du traitement des trois détenus afghans qui ont passé quelque temps sous la garde des FC à Kandahar, en Afghanistan, en avril 2006. La plainte concernait les blessures apparemment causées aux détenus et le caractère adéquat du traitement de celles-ci dans les circonstances.

Lorsque cette plainte a été déposée auprès de la Commission en janvier 2007, elle a également déclenché une enquête du SNEFC sur le traitement des détenus aux mains des membres des FC, y compris les PM en service à la base de la force opérationnelle interarmées en Afghanistan située à l’aérodrome de Kandahar. L’équipe d’enquête du SNEFC était dirigée par un gestionnaire de cas, qui était un enquêteur expérimenté en matière criminelle que la GRC avait prêté aux FC. Le rapport que le gestionnaire de cas du SNEFC a remis en mai 2008 à la chaîne de commandement du SNEFC comprenait une section consacrée aux défis liés à l’enquête. La Commission a relevé et commenté ces défis dans son rapport final d’avril 2009 sur la plainte (aux paragraphes 201 à 217). Les problèmes soulevés par le gestionnaire de cas du SNEFC comprenaient différentes lacunes au plan des ressources et certaines difficultés liées au manque de collaboration de la part des commandants d’unités concernés du théâtre d’opérations. Un des problèmes soulevés était l’impossibilité pour le SNEFC d’avoir accès à des services de consultation juridique indépendants. Comme la Commission l’a écrit dans son rapport final (au paragraphe 211) :

… de l’avis du gestionnaire de cas de l’enquête du SNEFC, l’absence de conseillers juridiques spécialisés, indépendants du reste des FC et réceptifs aux besoins particuliers du SNEFC peut avoir pour effet de miner l’indépendance du SNEFC en matière d’enquête. La Commission fait remarquer que les services de consultation juridique « internes » sont désormais la norme au Canada, en tout cas au sein des services de police civile importants.

Bien que le gestionnaire de cas du SNEFC ait souligné qu’il était nécessaire d’avoir accès à des services de consultation juridique indépendants du reste des FC, la Commission n’est pas certaine à ce moment-ci du degré précis d’indépendance nécessaire ou souhaitable pour les avocats qui conseillent le SNEFC. De plus, elle n’est pas certaine de l’ampleur des services juridiques spécialisés nécessaires pour les différents groupes de policiers militaires des FC.

Cependant, la Commission est convaincue qu’à tout le moins, la police militaire devrait avoir accès à un service de conseillers juridiques spécialisés et partiellement autonomes au sein de la structure du CJAG. De l’avis de la Commission, les postes de ces conseillers pourraient s’apparenter à ceux de l’actuel directeur des poursuites militaires et de l’actuel directeur du service d’avocats de la défense au sein du CJAG, qui ont été créés dans le cadre des modifications apportées à la LDN par le projet de loi C-25 en 1998. Plus précisément, la Commission estime que le lien hiérarchique entre le directeur du service d’avocats de la défense et le JAG, qui est décrit à l’article 249.2 de la LDN et selon lequel le JAG n’est pas autorisé à établir des lignes directrices ou à donner des instructions concernant des cas particuliers – serait le modèle qui conviendrait le mieux pour un directeur des services consultatifs de la police militaire au CJAG. Cette restriction ferait adéquatement obstacle à la possibilité ou à la perception d’entrave en provenance ou de la part du Cabinet du JAG dans le cadre des enquêtes de la PM.

  1. La CPPM propose que soit envisagée la nécessité pour tous les PM d’avoir accès à des services de consultation juridique indépendants pour leurs enquêtes. À cette fin, il y aurait lieu de créer, au sein du Cabinet du juge‑avocat général, un poste de directeur des services consultatifs de la police militaire qui serait calqué sur le poste de directeur du service d’avocats de la défense et dont le titulaire fournirait un soutien juridique indépendant et spécialisé à la PM.

V) Liste des propositions

  1. La CPPM propose :
    1. que les personnes autorisées à recevoir une plainte aux termes de l’article 250.21 de la LDN soient tenues de renvoyer à la CPPM les communications qu’elles reçoivent directement ou indirectement et dans lesquelles une préoccupation est exprimée au sujet de la conduite d’un membre de la police militaire ou de l’ingérence possible dans les activités de celle-ci;
    2. que la CPPM soit investie du pouvoir exclusif, sous réserve du contrôle judiciaire de la Cour fédérale, de décider si une communication qu’elle a reçue ou que lui a renvoyée l’une des autres entités autorisées à recevoir des plaintes aux termes de l’article 250.21 de la LDN constitue une plainte pour inconduite ou une plainte pour ingérence aux fins de la partie IV de la LDN, y compris le pouvoir de revoir cette décision sur la foi de renseignements nouveaux.
  2. La CPPM propose que la définition de « police militaire » figurant à la partie IV de la LDN soit élargie de manière à couvrir toutes les personnes affectées à un poste au sein de la PM.
  3. La CPPM propose que la définition de l’expression « fonctions de nature policière » figurant au paragraphe 250.18(1) de la LDN soit énoncée dans la LDN elle-même et clarifiée. Afin d’assurer un degré suffisant de responsabilisation de la PM, la CPPM soutient que les clarifications suivantes sont nécessaires :
    1. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV comprennent, notamment, l’application du Code de discipline militaire;
    2. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV comprennent, notamment, les fonctions liées au statut d’agent de la paix des policiers militaires;
    3. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV ne se limitent pas à celles qui caractérisent uniquement les membres de la PM;
    4. Une disposition énonçant clairement que les fonctions de nature policière assujetties au régime de surveillance de la partie IV ne se limitent pas à celles qui sont exercées aux fins de l’application de la loi;
    5. Une disposition énonçant clairement que les fonctions ne peuvent être exclues de la portée de la surveillance que lorsqu’elles constituent strictement et exclusivement des fonctions d’administration ou de formation ou des opérations militaires qui découlent de coutumes et pratiques militaires établies;
    6. Une disposition énonçant clairement qu’aux fins de l’interprétation de la définition de « fonctions de nature policière », la liste des fonctions incluses l’emporte sur celle des fonctions exclues en cas de chevauchement.
  4. La CPPM propose que le législateur l’autorise expressément à enquêter sur les problèmes systémiques liés aux plaintes en vertu de la partie IV de la LDN et à faire rapport à leur sujet.
  5. La CPPM propose que la catégorie de personnes pouvant déposer une plainte pour ingérence en vertu du paragraphe 250.19(1) de la LDN soit élargie de façon à couvrir les personnes détachées auprès de la PM au sein des FC ainsi que tout membre de la PM ou des FC (lors des événements donnant lieu à la plainte) qui est au courant des événements en question.
  6. La CPPM propose que le paragraphe 250.19(1) de la LDN soit clarifié et élargi de façon à permettre le dépôt d’une plainte pour ingérence à l’égard de l’entrave inappropriée dans l’exercice de toutes les fonctions policières des PM.
  7. La CPPM propose que le GPFC, les FC et le MDN soient tenus de communiquer à la Commission tous les documents qui se trouvent en leur possession et qui peuvent être pertinents (de l’avis de la Commission) à l’égard de ses enquêtes (plaintes pour inconduite, plaintes pour ingérence ou enquêtes d’intérêt public).
  8. La CPPM propose que le GPFC soit tenu de fournir, sur demande, tous les renseignements ou documents dont il a la garde ou la possession et que la Commission juge pertinents quant à l’exercice de ses attributions aux termes de la Loi.
  9. La CPPM propose que le pouvoir d’assignation dont elle dispose actuellement dans le contexte des audiences d’intérêt public soit élargi de façon à lui permettre d’assigner tout membre de la police militaire ou des Forces canadiennes qui, à son avis, possède des renseignements pertinents à l’égard de ses enquêtes, qu’une audience publique soit tenue ou non. Le pouvoir général d’assigner tout témoin concerné lors de la tenue d’audiences publiques devrait demeurer inchangé.
  10. La CPPM propose que tous les membres du personnel des FC et du MDN soient tenus de collaborer lors des enquêtes qu’elle mène au sujet des plaintes.
  11. La CPPM propose qu’elle soit ajoutée à l’Annexe de la Loi sur la preuve au Canada, soit la liste des entités qui échappent aux restrictions pertinentes quant à la réception de « renseignements sensibles » ou de « renseignements potentiellement préjudiciables » au sens de l’article 38 de cette Loi.
  12. La CPPM propose que son organisation soit ajoutée à l’Annexe de la Loi sur la preuve au Canada, qui est une liste d’entités qui sont exclues des restrictions pertinentes quant à la réception de « renseignements délicats » ou de « renseignements potentiellement préjudiciables » au sens de l’article 38 de cette Loi.
  13. La CPPM propose que soient abrogées les restrictions relatives à la preuve qui sont énoncées aux alinéas 250.41(2)b) et d) de la LDN et qui touchent la réception ou l’acceptation par la Commission des réponses données devant des commissions d’enquête ou lors d’enquêtes sommaires et de procédures antérieures portées devant des tribunaux.
  14. La CPPM propose que les catégories de plaintes pour inconduite dont le règlement à l’amiable est interdit aux termes de l’article 3 du Règlement des plaintes portant sur la conduite des PM soient plus restreintes et que ces exclusions soient énoncées dans la Loi elle-même.
  15. La CPPM propose qu’il soit obligatoire d’aviser la Commission des conditions des règlements à l’amiable des plaintes pour inconduite.
  16. La CPPM propose qu’elle soit autorisée à avoir recours au règlement à l’amiable dans le cas des plaintes pour ingérence.
  17. La CPPM propose que le droit de demander la révision d’une plainte pour inconduite par la CPPM soit également accordé au PM visé par la plainte.
  18. La CPPM propose qu’un délai relatif à la demande de révision des plaintes pour inconduite soit adopté, sous réserve de la prorogation de ce délai par le président de la Commission. De l’avis de la CPPM, un délai par défaut allant de 120 à 180 jours serait raisonnable dans les circonstances.
  19. La CPPM propose qu’elle soit expressément autorisée à conclure des procoles d’entente avec les entités d’application de la loi concernées afin de faciliter la tenue d’enquêtes parallèles dans les cas pertinents.
  20. La CPPM propose qu’elle soit expressément autorisée à accorder des droits de participation plus limités, et à reconnaître une qualité pour agir plus restreinte à des parties qui démontrent un intérêt direct et réel à l’égard de certains aspects seulement des audiences d’intérêt public.
  21. La CPPM propose qu’elle soit obligatoirement désignée à titre de partie défenderesse dans les demandes de contrôle judiciaire portant sur ses décisions.
  22. La CPPM propose que le mandat des membres de la Commission soit automatiquement prolongé dans le cas des dossiers de plainte qui leur sont confiés avant la notification du non-renouvellement de leur mandat, jusqu’à ce que le traitement de ces dossiers soit terminé.
  23. La CPPM propose que le rapport hiérarchique entre le GPFC et le VCEMD soit défini dans la loi d’une façon compatible avec les conditions du Cadre de reddition de comptes du VCEMD/GPFC de 1998 et, plus précisément, de manière à éviter d’autoriser le GPFC à donner des directives externes au sujet d’enquêtes en particulier de la PM.
  24. La CPPM propose que soit envisagée la nécessité pour tous les PM d’avoir accès à des services de consultation juridique indépendants pour leurs enquêtes. À cette fin, il y aurait lieu de créer, au sein du Cabinet du juge‑avocat général, un poste de directeur des services consultatifs de la police militaire qui serait calqué sur le poste de directeur du service d’avocats de la défense et dont le titulaire fournirait un soutien juridique indépendant et spécialisé à la PM.

Annexe

Protocole entre la commission d’examen des plaintes concernant la police militaire et le service national des enquêtes des Forces Canadiennes concernant la conduite d’enquêtes parallèles sur des allégations de mauvais traitements infligés à des détenues afghans

1. Objet

1.1 Ce protocole constitue un cadre permettant de coordonner efficacement l’enquête d’intérêt public menée par la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) et l’enquête criminelle/disciplinaire menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) concernant les allégations de mauvais traitements infligés à des détenus formulés dans une plainte soumise à la CPPM le 29 janvier 2007 (no de dossier CPPM 2007-003).

1.2 Plus précisément, l’objectif est de veiller à ce que l’enquête d’intérêt public de la CPPM se déroule bien, et ce, sans compromettre ou nuire à l’enquête du SNEFC.

1.3  Ce protocole n’autorise aucunement la CPPM à donner des directives ou des conseils concernant l’enquête criminelle/disciplinaire du SNEFC, ni à influer sur le processus.

2. Contexte

2.1  Le SNEFC, qui fait partie intégrante de la police militaire, est chargé d’appliquer le Code de discipline militaire (ci-après le Code) conformément à la Loi sur la défense nationale (LDN), ainsi que de mener des enquêtes et de recueillir des informations pouvant être liées à une infraction alléguée au Code. Le SNEFC doit agir rapidement et efficacement.

2.2 La CPPM est une entité indépendante chargée, en vertu de la partie IV de la LDN, de surveiller la conduite de la police militaire des Forces canadiennes. À cet égard, elle doit, de son propre chef, mener des enquêtes dans l’intérêt public.

2.3 Étant donné qu’une poursuite contre un contrevenant potentiel peut être compromise si des mesures prises dans le cadre d’une enquête administrative parallèle portent accidentellement atteinte à l’intégrité des témoins et/ou des preuves tangibles, la CPPM et le SNEFC reconnaissent l’importance de communiquer entre eux.

3. Échange de l’information

3.1  Afin de permettre à la CPPM de mener son enquête d’intérêt public rapidement et efficacement, le SNEFC doit, sous réserve des paragraphes 3.2, 3.4, 3.5 et 3.6, fournir à la CPPM des copies de tous les documents et ressources (y compris les photographies et les enregistrements vidéo ou audiovisuels) obtenus dans le cadre de l’enquête, ainsi que les enregistrements de toutes les entrevues effectuées durant l’enquête. Ces documents seront acheminés à la CPPM dès que possible après que le SNEFP en aura pris possession.

3.2  Lorsque le SNEFC estime qu’un document visé au paragraphe 3.1 ne devrait pas être fourni à la CPPM, le SNEFC communiquera à la CPPM la nature du document en question et les deux parties discuteront aux fins de déterminer si le document doit faire l’objet d’une exemption du paragraphe 3.1.

3.3 Dans le seul but d’aider la CPPM dans sa planification interne de la CPPM et de faciliter l’analyse des documents fournis en vertu du paragraphe 3.1, la SNEFC s’engage à informer régulièrement la CPPM des progrès de l’enquête. Le SNEFC confirme son intention de continuer à mener son enquête comme dossier prioritaire.

3.4 La CPPM ne doit divulguer aucune information contenue dans les documents fournis par le SNEFC en vertu des paragraphes 3.1 et 3.3, et ce, jusqu’à ce que le SNEFC l’y autorise (dans la mesure où cette divulgation est légitime), ou jusqu’à ce que l’enquête prenne fin, selon la première de ces éventualités.

3.5  La CPPM devra gérer et conserver tous les documents fournis par le SNEFC en vertu des paragraphes 3.1 et 3.3 conformément aux exigences applicables en matière de sécurité de l’information.

3.6  La CPPM s’engage, en vertu de l’article 8 de la Loi sur l’accès à l’information, à transférer toute demande d’information reçue en vertu de cette loi relativement à des documents visés aux paragraphes 3.1 ou 3.3 du présent protocole. Concernant les demandes d’accès à des renseignements personnels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la CPPM s’engage à remettre la décision entre les mains du SNEFC en ce qui a trait à l’application d’un pouvoir discrétionnaire.

4. Entrevue des témoins

4.1  La CPPM ne doit interroger aucun témoin avant que l’enquête du SNEFC ne soit terminée ou que ce dernier ne l’y autorise, selon la première de ces deux éventualités.

4.2  Si la CPPM découvre des informations qui semblent contredire celles fournies par un témoin au SNEFC ou qu’un témoin lui a fourni des informations pertinentes dont le SNEFC n’est pas au courant, la CPPM avisera le SNEFC dès que possible.

5. Ressources principales et résolution des différends

5.1 Les personnes-ressources concernant l’enquête de la CPPM sont M. William Lenton, enquêteur, et, en cas de besoin, M. David Goetz, conseiller juridique.

5.2 La personne-ressources au SNEFC est le lcol W.H. Garrick, le commandant du SNEFC.

5.3 Tout différend entre les ressources principales concernant l’interprétation ou l’application de ce protocole sera référé au président de la CPPM et au grand prévôt des Forces canadiennes.

6. Signatures

Chaque organisation doit notifier son consentement à ce protocole en le ratifiant et en apposant la date aux endroits prévus à cet effet.

Au nom de la CPPM :

[Copie originale signée par]
________________________
Julianne C. Dunbar,
pour le président de la CPPM

Au nom de la CPPM :

[Copie originale signée par]
________________________
lcol W.H. Garrick,
pour le GPFC

Date : le 23 février 2007

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