Deuxième examen des modifications apportées à la Loi sur la défense nationale conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35

Observations supplémentaires de la CPPM :
Accès aux renseignements sensibles conformément à la Loi sur la preuve au Canada

Suite à notre rencontre du 29 juin 2011, la CPPM désire clarifier un point important au sujet de sa proposition d’être ajoutée à l’Annexe des entités désignées de la Loi sur la preuve au Canada (LPC), laquelle proposition se trouve à la fin de l’onglet 5 du recueil de textes à l’appui de la CPPM (volume I). Au moyen de cette proposition, la CPPM ne sollicite pas le pouvoir de déterminer le bien-fondé des allégations de privilège qui reposent sur l’article 38 de la LPC, mais uniquement l’accès à la version non expurgée des documents afin de mener ses enquêtes ou de préparer ses audiences. Toute publication subséquente des renseignements - que ce soit à titre de pièces pendant les audiences ou comme éléments d’un rapport de la CPPM - devrait encore être autorisée par le procureur général du Canada, sous réserve du contrôle possible de la décision par la Cour fédérale, comme c’est le cas selon la procédure actuellement en vigueur. À cet égard, la situation de la CPPM est différente de celle que vivent les cours supérieures dans le cadre de procès criminels au cours desquels la production ou la communication de renseignements « sensibles » ou « potentiellement préjudiciables » est sollicitée, et la réparation demandée par la CPPM est également bien différente de celle qui a été recommandée pour les cours supérieures.

Lorsqu’une allégation de privilège fondée sur l’article 38 est formulée dans le cadre d’un procès criminel, non seulement les cours supérieures ne peuvent pas voir les renseignements en cause, mais elles ne peuvent non plus décider si ceux-ci devraient être communiqués, ce qui entraîne des conséquences majeures, à la fois sur le plan du fond et de la procédure. D’abord, il est nécessaire de soumettre à la Cour fédérale les questions relatives au privilège (y compris les appels), ce qui donne lieu à un retard important. En deuxième lieu, cette procédure oblige la Cour fédérale à se prononcer sur certaines questions que les juges du procès pourraient probablement trancher plus rapidement; ils seraient d’ailleurs sans doute mieux placés pour le faire. Pour décider si une ordonnance d’interdiction de divulgation sera rendue, la Cour fédérale doit se demander non seulement si la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou la sécurité nationales (par. 38.06(1)), mais aussi, et en premier lieu, si les renseignements sont pertinents quant au procès selon le critère de l’arrêt StinchcombeNote de bas de page 1, puis si les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non-divulgation (paragraphe 38.06(2)). Pour trancher ces deux dernières questions, la Cour fédérale doit examiner les répercussions des renseignements sur l’équité du procès et sur la capacité éventuelle pour l’accusé d’établir son innocence à l’aide de ceux-ciNote de bas de page 2. Enfin, en vertu de l’article 38.14, le juge du procès conserve la responsabilité de déterminer les réparations disponibles lorsqu’une ordonnance d’interdiction de divulgation de la Cour fédérale porte atteinte au droit à un procès équitable, mais il ne peut voir les renseignements dont la communication a été refusée ni prendre quelque décision que ce soit au sujet de la nécessité de divulguer une partie des renseignements en question. En raison de ces lacunes fondamentales que comporte le régime, il a été recommandé que les cours supérieures soient habilitées à décider si des renseignements peuvent être divulgués en application de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, du moins lorsque des décisions de cette nature doivent être prises au cours d’un procès criminel tenu devant ellesNote de bas de page 3.

Pour sa part, la CPPM fait face à un problème de nature différente. À l’heure actuelle, la CPPM n’a pas la possibilité d’examiner les versions non expurgées des documents qu’elle demande parce qu’ils pourraient être pertinents quant à ses enquêtes ou audiences. En conséquence, les travaux sont sensiblement retardés pendant que le gouvernement retranche une documentation parfois abondante qui pourrait concerner de près les subpoenas ou demandes de documents de la Commission. Lorsqu’elle reçoit finalement les renseignements, la CPPM n’a pas la possibilité de prendre connaissance des éléments retranchés et n’est donc pas en mesure de prendre des décisions éclairées au sujet de la mesure dans laquelle les retraits en question devraient être contestés devant la Cour fédérale. Si la Commission devenait une entité désignée à l’Annexe de la LPC (comme le sera bientôt la nouvelle Commission d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada), elle pourrait recevoir beaucoup plus rapidement des documents susceptibles d’être pertinents. Elle serait peut-être alors en mesure de déterminer les documents qui sont vraiment pertinents quant à ses travaux et pourrait demander que les retraits visent uniquement ces documents. Cette façon de procéder conduirait à une utilisation beaucoup plus efficace des ressources du gouvernement et de la Commission. Une fois que les renseignements visés par les allégations seraient supprimés des documents pertinents, la Commission serait en mesure de décider s’il y a lieu de contester les retraits en question afin de s’assurer que le plus de renseignements possibles sont publiés sans que cette divulgation porte atteinte à la sécurité nationale, aux relations internationales ou à la défense nationale. La Commission ne serait à aucun moment autorisée à publier des renseignements visés par les allégations de privilège fondées sur l’article 8 sans le consentement du procureur général ou l’autorisation de la Cour fédérale.

Selon l’alinéa 38.01(6)d) de la LPC, l’inscription d’une entité à l’Annexe des entités désignées a simplement pour effet de l’autoriser à recevoir les renseignements sans que soit immédiatement déclenché le processus de l’article 38 (délivrance de l’avis et détermination de la question de la divulgation par la Cour fédérale). L’entité doit encore traiter les renseignements conformément à la classification de ceux-ci et, à cette fin, la CPPM dispose à la fois d’installations sûres et d’employés titulaires d’une attestation de sécurité. Toute intention de communiquer les renseignements à d’autres personnes, que ce soit au grand public ou à une entité non inscrite à l’Annexe, déclenchera encore automatiquement la procédure prévue à l’article 38 et la Cour fédérale conservera le pouvoir de prendre la décision définitive au sujet de la divulgation.

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