Propositions de réforme législative visant à améliorer la surveillance civile de la police militaire

August 1, 2023

L’honorable Bill Blair, C.P., C.O.M., député
Ministre de la Défense nationale
101, promenade Colonel By
Ottawa (Ontario)
K1A 0K2

Monsieur le Ministre,

Je vous écris pour vous recommander d’améliorer la surveillance civile indépendante de la police militaire en modifiant la Loi sur la défense nationale (la Loi) afin de mettre en œuvre les recommandations relatives à la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) découlant du troisième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale. De plus, j’aimerais vous présenter quelques considérations supplémentaires pour renforcer davantage le régime de surveillance civile.

Une version antérieure de la présente lettre et de la matrice en pièce jointe ont été envoyées à votre prédécesseure, juste avant votre nomination à titre de ministre de la Défense nationale.

Contexte

Comme vous le savez, le rapport du juge Fish a été publié en avril 2021 et comprend plusieurs recommandations clés pour renforcer le mandat de la CPPM. En juin de la même année — il y a maintenant plus de deux ans —, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont accepté en principe les recommandations du juge Fish et ont indiqué leur intention de les mettre en œuvre le plus rapidement et efficacement possible.

Depuis la création de la CPPM en 1998, il n’y a pas eu de changements importants pour améliorer la surveillance civile indépendante de la police militaire, bien que la Loi ait fait l’objet de deux examens indépendants. Par conséquent, la CPPM accuse maintenant un important retard sur les autres mécanismes de surveillance de la police au Canada, et en particulier l’organisme de surveillance de la police fédérale sur lequel elle a été modelée à l’origine, la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (Commission de la GRC). Les écarts entre les deux régimes de surveillance civile fédéraux sont particulièrement troublants en ce qui concerne le manque de pouvoirs de la CPPM pour accéder à l’information nécessaire pour enquêter sur les plaintes.

Le régime de surveillance de la Commission de la GRC a été considérablement renforcé en 2013 et sera de nouveau modernisé une fois que le projet de loi C-20 sera adopté par le Parlement. Étant donné que la CPPM et la Commission de la GRC ont des mandats similaires, avec des processus de plainte similaires, il n’y a pas de raison liée aux mécanismes gouvernementaux ou d’autre raison d’avoir des cadres de responsabilité différents pour les deux services de police fédéraux.

Propositions législatives

Afin d’aider ce processus et pour faciliter la synthèse des recommandations, j’ai joint une matrice qui présente le contexte et la justification de chacune des recommandations du juge Fish et des modifications législatives que nous proposons.

Recommandations du juge Fish

Bien que la CPPM n’ait pas encore été officiellement informée des modifications possibles à la Loi, nous comprenons qu’il y a des discussions pour mettre en œuvre les recommandations du juge Fish concernant l’indépendance du Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC). Donner plus d’indépendance au GPFC, y compris de vous rendre compte directement, est un petit changement qui a d’importantes répercussions. À mon avis, davantage de pouvoirs et d’indépendance pour la police militaire devraient s’accompagner d’un niveau équivalent de responsabilité civile indépendante. Fournir plus d’indépendance au GPFC sans la responsabilité corollaire affaiblira davantage la surveillance civile indépendante de la police militaire.

Il est essentiel que la Loi soit modifiée maintenant pour renforcer le mandat de la CPPM, et en particulier pour s’assurer que la CPPM ait accès à l’information nécessaire pour enquêter sur les plaintes.

La surveillance de l’application de la Loi est essentielle à la légitimité et à l’efficacité de la police. Toutefois, cette légitimité et cette efficacité sont érodées lorsque l’organisme civil de surveillance de la police ne peut pas facilement accéder à l’information nécessaire pour exécuter ses rôles d’examen et de surveillance. Par exemple, il n’y a pas de disposition légale explicite permettant à la CPPM d’obtenir de l’information concernant une plainte d’ingérence ou lorsqu’elle décide de tenir une enquête d’intérêt public. Par conséquent, la police militaire croit qu’elle n’a pas d’obligation légale de divulguer de l’information à la CPPM dans ces cas.

Ainsi, la CPPM a dû s’en remettre à la bonne volonté de la police militaire pour la divulgation dans ces types de procédures, ce qui prend du temps et n’est pas toujours fructueux. Comme l’a indiqué la Cour fédérale dans Garrick c. Amnistie internationale Canada : « Si la Commission n’a pas pleinement accès aux documents pertinents, qui sont essentiels à une enquête, il ne peut y avoir d’enquête complète et indépendante. » (2011 CF 1099, para 96)

Propositions additionnelles

En plus de la mise en œuvre des recommandations du rapport Fish concernant la police militaire et la CPPM, je souhaite présenter quelques propositions supplémentaires. Certaines font suite aux recommandations du juge Fish, alors que d’autres découlent de développements récents. L’une de ces propositions consiste à préciser dans la Loi que le GPFC doit suspendre ou ne pas commencer une enquête lorsque la CPPM déclare qu’une enquête est d’intérêt public, afin d’éviter les chevauchements d’enquêtes. Ces améliorations aux pouvoirs de surveillance de la CPPM sont conformes à l’une des priorités énoncées dans le discours du Trône de 2020 afin d’améliorer la surveillance civile des organismes d’application de la loi et l’engagement de moderniser le système de justice militaire inclus dans votre lettre de mandat.

À un moment où la confiance du public envers les services de police est au premier plan du discours public, des mécanismes d’imputabilité rigoureux sont essentiels pour maintenir la confiance du public envers les services de police. La mise en œuvre des recommandations du juge Fish et de nos propositions supplémentaires renforcera le cadre de responsabilisation de la police militaire. Il démontrera également aux Canadiens que tous les agents fédéraux responsables de l’application de la loi dans notre pays, y compris ceux qui portent un uniforme militaire, sont tenus de rendre compte de leur conduite par un mécanisme de surveillance qui a les moyens législatifs pour le faire de façon efficace.

Merci de votre considération. Au plaisir de discuter plus en détail de cette question avec vous.

Sincères salutations,

Document original signé par :

Me Tammy Tremblay, MSM, CD, LL.M
Présidente

c.c. Ministre de la Justice, l’honorable Arif Virani, C.P., C.R., député

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