Rapport final du Président concernant sur la conduite de policiers militaires du Service national d’enquête des Forces canadiennes, Région de l'Ouest (CPPM‑2005‑024)

NOTE AU LECTEUR! - Des extraits de ce document ont été supprimés conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

TABLE DES MATIÈRES

  1. INTRODUCTION ET APERÇU
    1. Introduction
    2. Participants à l'audience
    3. Le processus d'audience
    4. Structure du rapport
    5. Aperçu des conclusions et des recommandations
  2. CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS
  3. L'ENQUÊTE
    1. Introduction
    2. Préparation faite par le cpl Dyck et examen du travail d'enquête antérieur
    3. Breffages sur l'avancement de l'enquête
    4. Soin et complétude de l'enquête du SNEFC
    5. Utilisation de la preuve d'identification
    6. 6. Évaluation de la crédibilité et/ou de la fiabilité de la victime
    7. Présence d'une opinion préconçue
    8. Exactitude des rapports du SNEFC
    9. Système d'information - Sécurité et police militaire (SISEPM)
    10. Codes de rôles du SISEPM
    11. Notification à la plaignante que son fils ne serait pas accusé
    12. Conclusions et recommandations
  4. L'ENTREVUE ET L'INTERROGATOIRE
    1. Introduction
    2. Préparation de l'entrevue et de l'interrogatoire
    3. Techniques d'entrevue
      1. Le droit
      2. Organisation de l'entrevue et de l'interrogatoire
      3. Conversations préalables à l'entrevue au détachement de la GRC
      4. Exagération des éléments de preuve
      5. Conclusion concernant les techniques d'entrevue
    4. Droits et mises en garde
    5. Invocation du droit à l'assistance d'un avocat
    6. Le caporal Dyck
    7. Conclusions
    8. Conclusions et recommandations
  5. DOSSIER DE LA COURONNE
    1. Introduction
    2. Examen de la preuve à l'audience
      1. Caporal Drake Dyck
      2. Sergent Eric Niclaes
      3. Adjudant James Bergin
      4. Adjudant-maître Barry Watson
      5. Major Robert Bell
    3. Analyse
      1. Généralités
      2. Directives, politiques ou formation en matière de dossiers de la Couronne
      3. Sommaire du dossier de la Couronne
    4. Exactitude, pertinence et exhaustivité du dossier de la Couronne
    5. Conclusion et recommandations
  6. SUPERVISION ET GESTION
    1. Introduction
    2. Gestion et supervision d'ensemble de l'enquête du SNEFC
    3. Attribution de l'enquête
    4. Affectation d'un enquêteur ne possédant pas les compétences linguistiques appropriées
    5. Supervision et examen du mémoire de la Couronne
    6. L'entretien téléphonique de la plaignante avec l'adjum Watson
    7. Les directives du GPA NP et l'examen effectué par le SNEFC RC
    8. Conclusion et recommandations
  7. FORMATION
    1. Introduction
    2. Conditions générales à une affectation au SNE
    3. Cours d'enquêteur criminel de la PM
    4. Le programme de stages
    5. Les faiblesses des identifications par témoin oculaire et les procédures connexes
    6. Formation et perfectionnement professionnel continus
    7. Conclusions et recommandations
  8. CONCLUSION
  9. ANNEXE - Résumé des conclusions et des recommandations de la Commission; Annotations et observations du GPFC dans sa notification et observations finales de la Commission

I INTRODUCTION ET APERÇU

1. INTRODUCTION

1. La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (la CPPM ou la Commission) est un organisme permanent, indépendant et quasi judiciaire qui a été constitué en vertu de la Partie IV de la Loi sur la défense nationale, Lois révisées du Canada, 1985, chapitre N-5. Elle a été constituée, en partie, pour enquêter sur des plaintes relatives à la conduite du personnel de la police militaire et pour tenir s'il y a lieu des audiences d'intérêt public. Au terme du processus d'enquête, elle a pour rôle de formuler des conclusions pertinentes ainsi que des recommandations visant des personnes aussi bien que des facteurs systémiques.

2. La présente enquête avait pour but d'examiner une plainte concernant la conduite de certains membres du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC), région de l'Ouest; le SNEFC est une unité d'enquête spécialisée de la Police militaire des Forces canadiennes. La plainte concernait la procédure d'enquête utilisée dans le cadre d'une allégation d'agression sexuelle sur la personne d'un cadet qui participait à un camp à Vernon, en Colombie-Britannique, au cours de l'été 2004. C'est la mère du cadet qui a porté plainte auprès du SNEFC au nom de son fils mineur, en date du 9 octobre 2004.

2. PARTICIPANTS À L'AUDIENCE

3. La plainte visait plus particulièrement les méthodes et procédures utilisées par les membres de la police militaire qui ont mené l'enquête et interrogé le fils de la plaignante. À la suite du dépôt de la plainte, l'enquête de première instance du grand prévôt adjoint (Normes professionnelles) (GPA NP) a permis de dégager neuf allégations précises à l'encontre des deux enquêteurs, dont l'omission de communiquer avec le parent au moment de prendre des dispositions en vue d'interroger la jeune personne, la suggestion que la présence d'un avocat n'était pas nécessaire, le refus d'accéder à la demande que l'entrevue soit interrompue à des fins de consultation juridique, et le recours à des tactiques d'interrogatoire inopportunes. Dans son rapport, le GPA NP constate que quatre des neuf allégations étaient fondées. À ce chapitre, divers éléments révèlent que les enquêteurs ont omis d'interroger des témoins importants et de se procurer des preuves documentaires essentielles à l'affaire, qu'ils n'ont pas suivi les procédures adéquates au moment de prononcer les mises en garde et d'informer un mineur de ses droits, et qu'ils ont manqué d'objectivité dans la conduite de l'enquête. De plus, le GPA NP note que les membres de la police militaire faisant l'objet de la plainte détenaient d'importants éléments de preuve susceptibles d'exonérer le fils de la plaignante, des éléments disculpatoires qu'ils ont pourtant écartés et omis de transmettre à l'avocat de la Couronne lorsqu'ils ont soumis les accusations à son approbation. Au vu de ces conclusions, le GPA NP, en sa qualité de délégué du Grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC), a ordonné que les deux membres de la police militaire en cause reçoivent des conseils et une formation d'appoint. Soulignons qu'au cours de l'enquête de la Commission, il a semblé que certaines autorités du SNEFC n'acceptaient pas les conclusions et les directives du GPA NP. La mesure corrective prescrite n'a d'ailleurs été appliquée que peu après la conclusion de l'audience de la CPPM. Nous y reviendrons plus loin.

4. Le 15 juin 2005, après avoir revu le rapport du GPA NP et apprécié la gravité des allégations et des conclusions de l'affaire, la présidente par intérim de la CPPM a jugé préférable dans l'intérêt public que la Commission tienne une audience pour enquêter sur la plainte d'origine, en vertu du paragraphe 250.38 (1) de la Loi sur la défense nationale. Il a paru significatif qu'au cours de l'enquête des Normes professionnelles, les deux membres de la police militaire n'aient pas nié ou expliqué leur conduite, tous deux ayant refusé, ainsi qu'ils étaient autorisés à le faire, de rencontrer en entrevue les enquêteurs des Normes professionnelles. Cependant, devant ce refus, le GPA NP a conclu qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de formuler des conclusions sur plusieurs points importants, et notamment de déterminer si les enquêteurs avaient fait preuve de mauvaise foi. Le processus d'audience de la CPPM allait permettre d'assigner ces personnes à témoigner, en leur offrant les protections juridiques habituelles en pareil cas.

5. Le but de notre enquête étant établi, il importe maintenant de préciser ce qu'elle n'a pas couvert, vu certaines des observations finales que les avocats ont soumises au nom des parties. Plusieurs d'entre elles touchaient en effet à la nature et à la qualité de l'enquête et du rapport du GPA NP. Bien que la Commission ait eu en main, à titre d'information contextuelle, la documentation afférente au processus et au rapport d'enquête des Normes professionnelles, elle n'a reçu aucune plainte concernant la nature et la qualité de ce processus, et l'audience n'avait pas pour but d'aborder cette question. Ainsi que le soulignent certains avocats dans leurs observations, si l'audience avaient visé à passer au crible le produit du travail des Normes professionnelles ou si elle avait eu à s'appuyer sur ce travail, d'autres éléments de preuve auraient dû être exigés, tels que les témoignages du personnel participant au processus des Normes professionnelles. Or la Commission ne disposait pas de ces éléments. Répétons-le, si en toute logique il est fait référence au processus des Normes professionnelles dans le présent rapport, il reste que le but de l'enquête de la Commission était de procéder à une revue indépendante de l'enquête criminelle visée par la plainte d'origine.

6. Comme on le verra, les événements et les circonstances de cette plainte impliquent plusieurs jeunes personnes dont il n'est pas utile ni souhaitable de révéler l'identité. À ce chapitre, dès le début de l'audience, la Commission a émis une ordonnance de non-publication de leur identité. Pour les besoins du présent rapport, la plaignante sera simplement désignée « C », son fils mineur, « CS », et tout autre mineur impliqué, « Cadet » (cdt), suivi de [texte expurgé] lettre [texte expurgé].

7. Tout au long du processus d'enquête, la Commission a pu compter sur la coopération des parties et sur les judicieux conseils de leurs avocats, ce dont elle leur sait gré. Je tiens également à remercier le personnel du GPFC pour son aide précieuse, ainsi que les collaborateurs de la CPPM, en particulier les avocats de la Commission Me Guy Cournoyer (devenu juge depuis) et Me Julianne Dunbar, pour leur soutien.

8. Pour conclure, force est de reconnaître que le processus d'audience d'intérêt public faisant l'objet du présent rapport a été plus long que prévu. Outre les inévitables retards de procédure, la rédaction du rapport a souffert des ressources limitées dont dispose la Commission pour répondre à un nombre élevé de demandes. Nous regrettons tout inconvénient entraîné par ce retard.

9. Bien que la plainte initiale visait au sens strict la conduite des deux enquêteurs de première ligne, il est très vite apparu que d'autres membres du personnel de la police militaire avaient eu certaines responsabilités à l'égard de l'exécution de l'enquête de la police militaire et avaient en conséquence un intérêt direct et réel dans l'audience d'intérêt public. En définitive, outre la plaignante et son fils, les membres suivants du personnel de la police militaire ont pris part à l'audience ou y ont été représentés par un avocat, avec toute latitude de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger des témoins et de faire des observations :

10. Le GPFC a eu qualité pour agir et s'est fait représenter par un avocat tout au long de l'audience étant donné son intérêt évident à titre de chef de la Police militaire dans les grandes questions qui y étaient soulevées. Cela dit, même s'il s'est fait représenter par un avocat à l'audience, le GPFC ne faisait l'objet d'aucune plainte et n'a pas comparu comme témoin devant la Commission. Le rapport intérimaire lui fut par conséquent acheminé selon les termes du paragraphe 250.49 (1) de la Loi sur la défense nationale vue de sa révision et de la préparation de la notification prévues à l'article 250.51.

3. LE PROCESSUS D'AUDIENCE

11. Quoique les événements de cette enquête publique soient bien connus des parties, il convient de les réexposer ici aux fins du dossier.

12. Le 31 janvier 2006, on a envoyé à la plaignante, aux membres de la police militaire et aux témoins concernés ainsi qu'à certains représentants du ministère de la Défense nationale des avis écrits précisant l'heure, la date et le lieu de l'audience, conformément à l'article 250.43 de la Loi sur la défense nationale Ces avis prévoyaient que l'audience se déroulerait à Ottawa du 23 au 31 mars 2006. Ces dates ont été arrêtées après consultation de la plaignante, du cpl Dyck, du sgt Niclaes, de l'adj Bergin, de l'adjum Watson et du maj Bell.

13. Du 15 au 17 février 2006, la plaignante, le cpl Dyck, le sgt Niclaes, l'adj Bergin, l'adjum Watson et le maj Bell ont pris part à des entrevues préparatoires individuelles.

14. En date du 8 mars 2006, un mandat de comparution a été signifié à C, à CS, au cpl Dyck, au sgt Niclaes, à l'adj Bergin, à l'adjum Watson et au maj Bell, appelant ces personnes à témoigner à l'audience. Un peu plus tard le même jour, les procureurs de la Commission ont appris par le maj Bell que le cpl Dyck, le sgt Niclaes, l'adj Bergin, l'adjum Watson et lui-même avaient officiellement demandé à être représentés par un avocat.

15. Compte tenu de ces demandes de représentation juridique, il ne faisait aucun doute que ces personnes ne seraient pas en mesure d'entamer une discussion de fond sur les questions qui devaient faire l'objet de l'audience le 23 mars 2006. Voilà pourquoi le 17 mars 2006, les procureurs ont émis une ordonnance exigeant que le 23 mars 2006, C, le cpl Dyck, le sgt Niclaes, l'adj Bergin, l'adjum Watson et le maj Bell participent à l'audience au moyen d'une conférence téléphonique. L'ordonnance précisait que cette conférence téléphonique aurait pour but d'arrêter une date de début de réception de la preuve et d'entendre toute demande de qualité pour agir des personnes intéressées et d'autres sujets de nature préliminaire pouvant être soulevés.

16. Le 23 mars 2006, l'audience a débuté par une conférence téléphonique aux fins du traitement des questions susmentionnées. Sur motion des procureurs de la Commission, une ordonnance provisoire de non-publication a été rendue et signifiée par la suite à tous les parties. Elle a ultérieurement été signifiée à toutes les parties. Les cinq membres de la police militaire, toujours non représentés, ont décrit les mesures qu'ils avaient prises pour retenir les services d'un avocat. L'audience a été ajournée jusqu'au 4 mai 2006, en vue d'arrêter une date pour le début de la recevabilité de la preuve et d'entendre d'autres questions préliminaires.

17. Le 26 avril 2006, on a informé la Commission que tous les détails administratifs relatifs aux demandes de représentation juridique des membres de la police militaire étaient résolus. La Commission a également appris que le cpl Dyck, le sgt Niclaes, l'adj Bergin, l'adjum Watson et le maj Bell avaient tous retenu les services d'un avocat. Soulignons que C a pris part au processus d'enquête sans représentation aucune.

18. Le 1er mai 2006, les procureurs de la Commission ont demandé par écrit à la Commission de rendre une ordonnance d'ajournement de la procédure du 4 mai 2006, sachant que les avocats des parties, dont les services venaient d'être retenus, ne seraient pas prêts en temps voulu. La requête demandait que l'affaire soit ajournée au 18 septembre 2006, date à laquelle commencerait, à Ottawa, la réception de la preuve. Elle sollicitait également une ordonnance exigeant que toute demande d'intervention ou autre motion préliminaire soit déposée par écrit au plus tard le 1er juin 2006. La motion n'a pas été contestée.

19. Le 3 mai 2006, la Commission a émis une ordonnance portant que la procédure était ajournée du 4 mai au 18 septembre 2006, l'audience pouvant se poursuivre au besoin jusqu'au 22 septembre. L'ordonnance précisait par ailleurs de quelle façon soumettre par écrit les demandes d'intervention et toute autre motion préliminaire. (Nota : seuls C et les membres de la police militaire mis en cause disposaient d'une qualité pour agir au sens de la loi).

20. Le 5 mai 2006, par l'intermédiaire d'un avocat, le procureur général du Canada a déposé un avis de demande de qualité pour agir, entre autres au nom du GPFC. Le 12 mai, par l'intermédiaire d'un avocat, l'adjum Watson a déposé à son tour un avis similaire, suivi du maj Bell le 17 mai 2006 et de l'adj Bergin le 26 mai 2006.

21. Le 12 juin 2006, les procureurs de la Commission ont tenu une conférence préparatoire à Edmonton avec les avocats du cpl Dyck, du sgt Niclaes, de l'adj Bergin et de l'adjum Watson, puis à Ottawa, le 16 juin 2006, avec l'avocat du maj Bell, afin de passer en revue diverses questions se rapportant à l'audience. Dans une lettre datée du 5 juillet 2006, les procureurs de la Commission conviaient l'avocat du Grand prévôt des Forces canadiennes à une rencontre en vue d'aborder des questions de procédure.

22. Le 29 juin 2006, une ordonnance accordait la qualité pour agir à l'adj Bergin, à l'adjum Watson, au maj Bell ainsi qu'au GPFC, qui avaient tous un intérêt réel et direct dans l'audience.

23. Les 9 et 14 août 2006, la Commission a reçu de la part du sgt Niclaes, de l'adjum Watson et du cpl Dyck des avis de requête visant à changer le lieu de l'audience d'Ottawa à Edmonton. Le 21 août, une ordonnance refusait les trois requêtes; un énoncé écrit des motifs du refus a suivi le 28.

24. L'audience publique a commencé le lundi 18 septembre 2006 pour se clore le vendredi 22 septembre suivant.

25. Au terme de cette audience publique, les avocats de toutes les parties ont déclaré préférer déposer des observations écrites après réception de la transcription de l'audience, plutôt que de livrer sur-le-champ des observations orales. En conséquence, une ordonnance a été rendue afin d'accorder aux parties un délai de 45 jours après réception de la transcription pour déposer leurs observations écrites auprès de la Commission et des autres parties. Un délai supplémentaire de sept jours a été prévu pour le dépôt des réponses aux observations des autres parties. Ce processus s'est conclu le 20 novembre 2006.

26. TLe rapport intérimaire a été complété le 31 août 2007 et conformément à la Loi sur la défense nationale , la Commission a transmis le rapport au grand prévôt des Forces canadiennes pour la préparation de sa notification. Des copies du rapport ont également été acheminées au ministre de la Défense nationale, au chef d'état-major de la Défense et au juge-avocat général.

27. Le 29 novembre 2007, la Commission d'examen des plaintes a reçu la notification du GPFC (datée du 27 novembre 2007) en réponse au rapport intérimaire daté du 31 août 2007.

28. Conformément au paragraphe 250.51(1) de la LDN, j'ai préparé ce rapport final après examen de la notification du GPFC. Dans la notification, le GPFC doit aviser le ministre et le président de toute mesure prise ou qui le sera concernant cette plainte.

29. La notification du GPFC est énoncée dans ce rapport à la fin de chaque section. Son approbation et ses commentaires, lorsque fournis, ont été ajoutés à la suite de chaque conclusion et/ou recommandation pertinentes.

30. Ce rapport final est composé du rapport intérimaire complet avec l'ajout de la réponse et des annotations du GPFC à l'égard des conclusions et des recommandations de la Commission, ainsi que des observations finales de la Commission.

4. STRUCTURE DU RAPPORT

31. L'analyse des plaintes concernant la conduite policière par un organisme de surveillance est parfois complexe. Tout est plus simple si l'organisme confine son enquête au cadre strict de la plainte, c'est-à-dire s'il se satisfait d'aborder les seules questions soulevées par le plaignant. La simplicité de cette approche, bien qu'alléchante, réduit forcément la portée de la fonction de surveillance en mettant l'accent sur les symptômes plutôt que sur les causes profondes d'une conduite policière inadéquate. La perspective du plaignant découle habituellement d'une situation irrégulière mettant en cause le personnel policier de première ligne. Cependant, la conduite visée par la plainte est rarement attribuable aux seuls membres de la police sans l'effet ajouté des facteurs systémiques. La première étape de tout examen de vérification consiste donc à analyser et à interpréter la plainte afin de s'assurer que soient traitées, d'une part, les questions soulevées par la conduite qui a eu un impact immédiat sur le plaignant, et d'autre part, les questions liées à tout autre facteur de causalité.

32. Cette approche analytique a informé le processus d'audience d'intérêt public dont il est rendu compte ici, avec pour résultante qu'on a dépassé les préoccupations soulevées par la plainte pour en aborder les questions sous-jacentes. Tout en respectant la chronologie des faits et des événements reconstituée par la Commission, on examine ces questions d'enquête connexes mais distinctes dans les cinq prochaines parties du rapport. Chaque partie met en lumière les éléments de preuve afférents, suivis des conclusions et des recommandations qui s'imposent ainsi que la réponse du GPFC qui est incluse dans sa notification. Seules les deux premières parties ont trait aux questions expressément soulevées par C, qui concernent la qualité de l'enquête et l'interrogatoire de CS. La troisième partie porte sur la qualité du dossier de la Couronne, document dont C n'a pas eu connaissance bien qu'il ait été préparé par l'enquêteur principal. La quatrième partie traite des responsabilités à l'égard de la supervision de la gestion de l'enquête, et notamment de la préparation du dossier de la Couronne. Enfin, la dernière partie est réservée aux questions relatives à la formation, facteur dont l'incidence s'est fait sentir sur tous les sujets précédents.

5. APERÇU DES CONCLUSIONS ET DES RECOMMANDATIONS

33. Après examen de tous les éléments de preuve soumis à la Commission au cours de cette audience d'intérêt public, j'en suis venu à la conclusion que l'enquête du SNEFC, région de l'Ouest, sur les allégations d'agression sexuelle portées contre CS au camp des cadets de Vernon le 16 août 2004, ou autour de cette date, n'avait pas été menée avec diligence et avec compétence. Cette conclusion vaut également pour la préparation du dossier de la Couronne communiqué au bureau de l'avocat de la Couronne en vue de l'étude des accusations. De surcroît, j'ai également conclu que l'interrogatoire - principale cible de la plainte d'origine -, trahissaient une préparation inadéquate, une compréhension erronée et lacunaire des principes juridiques ainsi qu'une certaine « étroitesse de vues » dont il sera plus longuement question dans la Partie III, section 7.

34. Malgré ces conclusions défavorables en ce qui concerne la qualité de l'enquête, il faut souligner que la Commission n'a découvert aucune preuve lui permettant de conclure de façon raisonnable que les enquêteurs avaient eu l'intention de nuire, ou encore d'induire en erreur ou de tromper leurs supérieurs ou l'avocat de la Couronne quant aux résultats de l'enquête. Au contraire, mais la chose est tout aussi alarmante, j'en arrive à la conclusion que les défaillances associées à cette enquête et à la conduite des enquêteurs sont largement attribuables à de graves insuffisances systémiques en ce qui a trait à la dotation, à la formation, aux procédures opérationnelles et, plus particulièrement, à la supervision.

35. Fait des plus troublants, observé pour l'essentiel au cours des premières étapes du processus d'audience, certains membres du SNEFC entretenaient ce qu'on pourrait appeler une culture du refus de la responsabilité ou de la critique. Cette attitude a notamment transparu dans l'accueil dédaigneux qui a tout d'abord été réservé au rapport des Normes professionnelles. Cependant, à supposer que cet état d'esprit ait effectivement eu cours parmi les officiers supérieurs de la police militaire, je me réjouis de pouvoir conclure en définitive qu'il s'est estompé à mesure que les éléments de preuve étaient révélés durant l'audience. En sont une bonne illustration les excuses présentées à C et à CS par le commandant du SNEFC, région de l'Ouest, au cours de son témoignage; ou encore les regrets exprimés par l'avocat du procureur général du Canada au nom du GPFC dans ses observations écrites. Cette acceptation de responsabilité était digne d'éloges et ouvrait la porte à des mesures correctives plus musclées. La Commission a pris connaissance, par l'intermédiaire des témoins et des observations, des changements envisagés ou déjà apportés aux procédures et à la formation, ainsi que des recommandations fort constructives visant d'autres améliorations. Prenant appui sur ces observations, le présent rapport énonce des recommandations à l'égard de chacune des causes identifiées, soit la dotation, la formation, les procédures opérationnelles et, plus particulièrement, la supervision.

II CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

Voici la liste des principaux événements relevés par la Commission dans le cadre de son enquête. Elle pour but d'aider le lecteur à comprendre le déroulement et le contexte des événements rapportés en détails dans les chapitres du présent rapport.

III L'ENQUÊTE

1. INTRODUCTION

1. Cette partie du rapport traite des aspects plus généraux de l'enquête. On y examine notamment les questions suivantes : les enquêteurs ont-ils mené l'enquête avec soin et compétence; ont-ils rassemblé tous les éléments de preuve pertinents; le travail préparatoire et les breffages relatifs au dossier ont-ils été appropriés, et les rapports du SNEFC ont-ils été exacts et complets ? Certaines tranches de cette section donneront simplement un aperçu, en particulier dans le cas de questions qui seront traitées plus en détail dans d'autres sections.

2. De façon générale, et sous réserve des remarques plus précises faites ci-après, le ton des observations, remarques et conclusions de cette section est en grande partie négatif. C'est-à-dire que l'enquête n'a pas été effectuée avec soin, ni de façon compétente. Un examen des divers problèmes a mené à la conclusion que ce manque de soin et de compétence avait été dans une large mesure le fait de défauts systémiques aux chapitres de la formation, des procédures opérationnelles et, tout particulièrement, de la supervision.

2. PRÉPARATION FAITE PAR LE CPL DYCK ET EXAMEN DU TRAVAIL D'ENQUÊTE ANTÉRIEUR

3. À l'époque des événements en question, le cpl Dyck était un enquêteur débutant et relativement inexpérimenté qui avait le statut de « stagiaire » Note de bas de page 1. On lui avait confié une affaire présentant plusieurs questions difficiles qui étaient toutes quelque peu, sinon complètement nouvelles pour lui. Ces questions étaient l'implication de jeunes personnes, tant comme suspects que comme victimes; la nature de l'infraction présumée, soit une agression sexuelle; le problème de l'identification du suspect, et le fait qu'un certain nombre d'autres personnes, soit policiers militaires et autres, avaient participé à la réception de la plainte initiale et à l'enquête jusque-là. L'un ou l'autre, sinon la totalité de ces facteurs ou points aurait dû inciter l'enquêteur nouvellement affecté au dossier à se préparer très soigneusement, et notamment à examiner à fond tous les documents rassemblés jusque-là et à s'entretenir avec les enquêteurs précédents et, au besoin, avec leurs superviseurs. Il n'en a rien fait.

4. Le cpl Dyck a déclaré que son examen préparatoire du dossier avait seulement consisté à consulter les rapports contenus dans le Système d'information - Sécurité et police militaire (SISEPM) et à s'entretenir avec le sgt Niclaes, son formateur en milieu de travail pour l'enquête, qui avait aussi participé aux entrevues précédentes. Il s'est également entretenu brièvement avec deux des enquêteurs principaux précédemment affectés au dossier, soit le cpl Lambert et le cpl Bonneteau Note de bas de page 2. Il a déclaré ne pas avoir examiné les enregistrements ni les transcriptions des entrevues effectuées par le cpl Lambert ou le cpl Kulbisky, car, a-t-il dit, telle n'était pas la pratique normale ou courante dans l'unité Note de bas de page 3. Il a défendu cette façon de se préparer en disant qu'il avait fait confiance à son partenaire, le sgt Niclaes, lorsque celui-ci lui avait dit que ce qui était dans le SISEPM était exact Note de bas de page 4. On observe en outre que le cpl Dyck n'a jamais communiqué directement avec le cpl Kulbisky, le premier enquêteur de la PM qui avait reçu la plainte initiale, et qu'il s'est entretenu seulement brièvement avec le cpl Lambert en raison de difficultés de langue. Le cpl Dyck a affirmé qu'il s'était entretenu avec le cpl Bonneteau pour obtenir tout détail possible non inclus dans le rapport Note de bas de page 5. Implicitement, cela montre clairement que le cpl Dyck s'était rendu compte qu'il pouvait exister des « détails » ou points de vue additionnels autres que ceux contenus dans le rapport du SISEPM. Il reste qu'il n'a jamais examiné les éléments de preuve sous leur forme initiale et complète. Il convient également de noter qu'il n'a pris aucune note au sujet de ses breffages oraux avec les enquêteurs précédents, car, a-t-il signalé, [traduction] « ceux-ci confirmaient en général ce qui était [dans le rapport] et le contenu de ses notes Note de bas de page 6. »

5. 5. En abordant la préparation de cette manière, le cpl Dyck s'est à tout le moins limité à l'interprétation d'autres personnes concernant les éléments de preuve rassemblés jusque-là. Il convient en outre de noter qu'au moins certains documents, comme la note du cdt B (victime de l'agression sexuelle présumée) au capt Law, qui fournissait une description de l'agresseur, ne figuraient sous aucune forme dans le SISEPM. Cela fait ressortir le danger qu'il y avait à s'en remettre seulement à la consultation des documents contenus dans le SISEPM pour se préparer à poursuivre l'enquête. En comptant sur les autres pour le renseigner sur les éléments de preuve rassemblés jusque-là, le cpl Dyck s'est involontairement rendu incapable d'évaluer les erreurs ou omissions éventuelles pouvant infirmer la façon dont les enquêteurs principaux précédents les avaient interprétés et de se sensibiliser à leurs subtilités touchant des points extrêmement importants, comme la crédibilité et la fiabilité. Cette façon d'aborder la préparation de l'enquête était dangereuse, et l'on pourrait même aller jusqu'à dire qu'elle frisait la négligence. Le fait que, selon le témoignage du cpl Dyck, il s'agissait là d'une approche normale approuvée par les superviseurs constitue un indicateur des fautes de ces derniers, que nous examinerons plus en détail à la partie VI. Par ailleurs, même si un superviseur comme l'adj Bergin ne savait tout simplement pas que le cpl Dyck n'avait pas procédé à un examen complet, cela serait toujours un indicateur des fautes des superviseurs et remettrait en question les nombreuses affirmations de l'adj Bergin selon lesquelles il était entièrement au courant de ce qui se passait dans cette enquête. C'est-à-dire qu'un superviseur attentif aurait certainement remarqué le temps que le cpl Dyck aurait dû passer à examiner tous les enregistrements et toutes les pièces versées au dossier.

3. BREFFAGES SUR L'AVANCEMENT DE L'ENQUÊTE

6. L'ensemble des dépositions des témoins a révélé que l'on n'avait pas donné de breffages (c.-à-d. des exposés oraux des résultats de l'enquête et leur discussion) aux responsables du SNE - région de l'Ouest placés au-dessus de l'adj Bergin. Dans son témoignage, l'adjum Watson a désavoué expressément cette forme personnelle de participation au processus d'enquête. Lui-même et le maj Bell étaient manifestement axés sur les résultats finaux (et non pas sur la façon de les atteindre ou de parvenir aux conclusions) et sur la forme de présentation du produit final de l'enquête. Il convient de noter que leur témoignage concernant leur participation au processus d'enquête avait entièrement trait à l'examen des documents contenus dans le SISEPM ou, dans le cas de documents comme le mémoire de la Couronne, de l'exemplaire papier tel que présenté. Même lorsqu'ils ont été informés de la plainte de C, leur réaction a été d'examiner seulement la bande vidéo de l'entrevue. Ils n'ont pas mentionné dans leur déposition avoir reçu un breffage personnel de l'enquêteur ou avoir cherché à obtenir des renseignements de lui.

7. Alors que l'adj Bergin a affirmé qu'il savait ce qui se passait et souligné le fait qu'il travaillait dans la même pièce que les enquêteurs Note de bas de page 7, on n'a présenté aucun document et l'on n'a entendu aucun témoignage révélant qu'il avait reçu des rapports sur le dossier de la part des enquêteurs de façon régulière, qu'ils aient pu être reliés à un jour précis de la semaine ou à des stades de l'évolution de chaque enquête. Tout au plus, il a été établi que des rapports avaient été faits à l'occasion, comme lorsque les enquêteurs avaient téléphoné avant de rentrer à Edmonton après avoir achevé l'entrevue de CS. Il semble clair que les communications de cette nature ne fournissaient pas l'occasion d'examiner à fond les résultats de l'entrevue; elles avaient davantage trait aux dispositions logistiques et à l'avancement global de l'enquête.

8. Du fait de ces habitudes de participation limitée et superficielle de la part des superviseurs, un enquêteur inexpérimenté ayant le statut de stagiaire a été laissé en grande partie à lui-même, sans conseils substantiels ni sérieux. L'adj Bergin a affirmé, bien sûr, qu'il comptait sur le sgt Niclaes pour assurer au cpl Dyck la supervision courante dont il avait besoin Note de bas de page 8. Toutefois, le sgt Niclaes voyait ses responsabilités d'un oil totalement différent et extrêmement étroit, déclarant qu'il ne devait intervenir que dans des situations particulières (p. ex., la surveillance de certaines entrevues). Le fait que cela avait échappé à l'attention de l'adj Bergin fournit un autre indicateur des défauts de la supervisionNote de bas de page 9.

9. Il importe de mentionner, au crédit du maj Bell, que celui-ci avait mis en œuvres une directive au SNE RO au sujet de la transmission des dossiers, suite à des questions soulevées touchant la gestion des dossiers et la supervision. Plus précisément, lors de la transmission d'un dossier, un examen complet de tous les documents d'enquête doit être effectué et un nouveau plan d'enquête doit être établi et présenté pour approbation avant que toute autre activité ne soit entrepriseNote de bas de page 10. Si cette pratique avait été en place au moment de l'incident, les événements en question ne se seraient peut-être pas produits.

4. SOIN ET COMPLÉTUDE DE L'ENQUÊTE DU SNEFC

10. Le manque de soin déjà signalé au sujet des préparatifs du cpl Dyck s'est poursuivi à l'étape de l'exécution. De ce fait, je conclus que l'enquête du SNEFC n'a pas été effectuée avec soin et qu'elle n'était pas complète en ce qui concerne le rassemblement des éléments de preuve.

11. Toutes les personnes qui avaient eu part à la réception de la plainte du cdt B à l'origine, ainsi que celles qui l'avaient traitée et quiconque avait eu l'occasion d'observer directement les événements présumés, auraient dû être interrogées à fond (p. ex., le lt Flower au sujet du processus d'« identification »). Ici encore, le point clé est l'attention individuelle et collective accordée au produit de ces entrevues. Comme l'enquêteur principal avait changé plusieurs fois, on pourrait dire que le fait que le cpl Dyck ait préféré s'en remettre aux interprétations et aux résumés d'autres personnes, au lieu d'examiner les déclarations sous leur forme complète, a constitué le plus grave défaut de l'enquête, parce que celle-ci a ainsi été appuyée sur une base imparfaite pour la suite. De plus, le cpl Dyck a tenu compte strictement des éléments de preuve présentés par les témoins qui avaient signalé avoir observé directement les événements présumés. Cette approche a été particulièrement évidente dans l'analyse qu'il a effectuée pour déterminer que les éléments de preuve du cdt J n'étaient pas dignes d'attention Note de bas de page 11, nonobstant le fait que celui-ci avait déclaré qu'il était éveillé au moment de l'incident et que personne ne s'était approché de l'espace entourant le lit du cdt B.

12. Le cpl Dyck a effectivement interrogé le cdt H après que CS eut mentionné son nom Note de bas de page 12, mais l'examen de l'enregistrement vidéo de cette entrevue révèle clairement qu'elle a été faite sommairement, aux seules fins du dossier. Lorsqu'on compare les enregistrements de cette entrevue et de celle de CS, il est évident d'après les approches différentes utilisées par le cpl Dyck que le cdt H avait été interrogé en tant que témoin, tandis que CS était considéré comme suspect. Notons en outre que le cpl Dyck avait écarté le cdt H en tant que suspect parce qu'il ne ressemblait pas à CS, et ce, sans remettre en question l'identification initiale de CS. Ce genre de raisonnement fait sérieusement défaut, en ce sens que le cpl Dyck a alors commencé à utiliser la description de CS comme point de référence, au lieu de se servir de la description fournie par la victime présumée de l'agression.

13. Après avoir été identifié, CS a été convoqué au bureau du capt Thoms, qui lui a demandé s'il avait pris part à une agression sexuelle. CS a nié ce fait et écrit une déclaration affirmant qu'il n'avait pris part à aucune agression sexuelle; il l'a ensuite signée et datée Note de bas de page 13. Or, aucun élément de preuve présenté au cours de l'audience n'a indiqué que les enquêteurs du SNE auraient fait quelque tentative que ce soit pour recueillir cette déclaration manuscrite.

14. CS a rapporté que, après avoir été interrogé par le capt Thoms, il était retourné à sa caserne et a raconté à un ami l'entretien qu'il venait d'avoir. Ce dernier n'a jamais été identifié ni interrogé comme témoin par le cpl Dyck. Une entrevue avec cet ami aurait pu être révélatrice du point de vue de ce qui avait été dit et, à tout le moins, de l'attitude de CS, ce qui aurait peut-être été significatif de sa crédibilité.

15. On a également limité la recherche et le rassemblement d'autres éléments de preuve possibles. Fait particulièrement révélateur à ce sujet, on ne s'est pas rendu au camp des cadets pour effectuer une observation directe ou pour tenter d'obtenir plus de renseignements au sujet de la scène de l'agression présumée Note de bas de page 14; ces renseignements auraient pu être utiles pour permettre de déterminer, par exemple, la possibilité d'observer le suspect qu'avait eue le plaignant après l'agression présumée et les circonstances matérielles de l'identification de CS par le cdt B (notamment que, au moment de l'agression présumée, le cdt B avait été tiré de son sommeil dans une caserne assombrie, à 3 h 30 du matin). La seule raison pour laquelle le cpl Dyck ne s'était pas rendu au camp des cadets était qu'il y avait séjourné lui-même en tant que réserviste en 1992-1993 et qu'il ne croyait pas qu'il pouvait s'y être produit beaucoup de changement Note de bas de page 15

16. De même, le sgt Niclaes a témoigné qu'il n'avait pas jugé nécessaire de se rendre au camp, car il y était allé précédemment lui aussi et il connaissait la disposition des lits de la caserne Note de bas de page 16 Il a cependant déclaré que, s'il avait été l'enquêteur principal dans l'affaire, il aurait probablement communiqué avec le cdt J pour savoir s'il aurait pu contribuer de quelque manière à l'enquête Note de bas de page 17 Néanmoins, il n'a pas fait part de cette suggestion ou de ce conseil au cpl Dyck.

17. Le cpl Dyck n'a pas non plus récupéré la déclaration écrite dans laquelle le cdt B signalait au capt Law que l'agresseur avait les cheveux châtains et mesurait 6 pi 1 po, ce qui contredit la description qu'il avait fournie par la suite au policier militaire de la base, le cpl Kulbinsky, qui avait reçu sa première déclaration à la police. Ladite déclaration écrite a plutôt été récupérée par l'enquêteur des Normes professionnelles au cours de l'enquête menée par cette unité relativement à la plainte de C.

18. Même si le cpl Dyck savait que le cdt B avait déclaré avoir donné un coup de pied au visage à l'agresseur et avoir vu du sang sur le plancher le lendemain matin, le cpl Dyck a admis qu'il n'avait pas tenté de vérifier si quelqu'un s'était rendu à l'infirmerie, ni vérifié le dossier médical de CS, qu'il considérait comme le suspect Note de bas de page 18 . Il a également admis ne pas avoir demandé au lt Flower ni au capt Thoms, qui avaient vu CS peu après l'incident, s'ils avaient remarqué qu'il portait des blessures Note de bas de page 19.

19. Rétrospectivement, lors de son témoignage à l'audience, l'adj Bergin a signalé certaines voies d'enquête qui, selon lui, auraient dû être explorées, comme un examen sur le terrain, un croquis de la scène, et peut-être des photos des lieux Note de bas de page 20.

5. UTILISATION DE LA PREUVE D'IDENTIFICATION

20. D'après les témoignages entendus à l'audience, le cpl Dyck n'a jamais mis en doute l'identification initiale de CS recueillie par le lt Flower lors de la répétition de la fanfare des cadets, même s'il a déclaré qu'il n'aurait pas procédé à une identification de cette manière Note de bas de page 21 L'identification avait eu lieu à une certaine distance parmi quelque 1 000 cadets assis en rangées dans un endroit herbeux. CS portait les mêmes vêtements fournis par l'armée que tous les autres cadets, soit un tee-shirt gris, des shorts gris, des chaussettes de laine, des chaussures de course et un chapeau Tilley, la tenue complète étant appelée « gumbies » Note de bas de page 22. Le cpl Dyck a déclaré que cette identification avait été un facteur important pour désigner CS comme le suspect, même si le cdt H était absent à la répétition de la fanfare Note de bas de page 23.

21. Lorsque l'avocat de la Commission l'a interrogé, le cpl Dyck a admis, après avoir témoigné qu'il n'avait examiné aucune des entrevues dans leur intégralité, qu'il n'avait jamais suivi ni noté toutes les versions différentes de l'identification de l'agresseur fournies par le cdt B Note de bas de page 24. C'est-à-dire que le cpl Dyck, qui avait décrit ces différentes versions comme « légèrement différentes » et « généralement compatibles », était arrivé à cette conclusion sans avoir jamais procédé à une analyse en règle des différences Note de bas de page 25. Il a simplement soutenu que, à l'époque de l'enquête, il ne les avait pas considérées comme des différences majeures. Il a dit : [traduction] « Je le répète, même si j'estimais toujours que ces détails étaient différents, il ne me semblait pas qu'ils ne pouvaient pas être expliqués par les circonstances Note de bas de page 26. » Une simple liste des diverses descriptions, comme celle qui figure dans le tableau annexé à la fin de la présente partie, aurait établi clairement la fragilité de cette prémisse.

22. À d'autres endroits de son témoignage, le cpl Dyck a fait toutes les concessions possibles pour appuyer la validité de l'identification faite par le cdt B, sans sembler avoir envisagé de la remettre en question, comme on aurait raisonnablement pu s'y attendre de la part d'un enquêteur Note de bas de page 27. Il n'avait rien fait pour s'assurer que le cdt B et le lt Flower identifiaient la même personne, car le cdt B avait fourni les indicateurs de lieu au lt Flower pour lui permettre d'identifier son agresseur, puis s'était éloigné avant que le lt Flower s'approche du cadet pour obtenir son nom. Le cpl Dyck mentionne plutôt qu'il s'en était remis à l'entrevue téléphonique du lt Flower effectuée par l'enquêteur précédent, malgré le fait que les détails de l'identification n'avaient alors pas été discutés de façon sérieuse Note de bas de page 28.

23. Le sgt Niclaes, qui avait effectué la majeure partie de l'entrevue du cdt B, ne s'était jamais demandé non plus si celui-ci avait eu le temps ou la possibilité de confirmer au lt Flower qu'elle avait bien isolé la personne qu'il avait identifiée Note de bas de page 29. Le sgt Niclaes a déclaré qu'il n'avait aucune inquiétude quant à la façon dont CS avait été identifié au concert de la fanfare, parce qu'il s'était appuyé sur le fait que le cdt H était absent et que CS était un individu de grande taille Note de bas de page 30. Le sgt Niclaes a mentionné qu'il existe de meilleures façons d'effectuer une identification, mais qu'il ne possédait pas les compétences nécessaires pour diriger lui-même une séance convenable. Il avait administré seulement une séance d'identification par étalement de photos dans sa carrière, et il avait dû s'initier lui-même aux techniques applicables, car il n'avait reçu aucune formation en la matière Note de bas de page 31. Il a déclaré que, dans tous les cours qu'il avait suivis (QL3, QL5 et cours d'enquêteur criminel de la PM), il n'avait pas reçu suffisamment d'information pour savoir comment administrer une séance d'identification policière correcte, et que cet aspect n'avait jamais constitué une partie importante de ces cours Note de bas de page 32.

24. Le sgt Niclaes a admis qu'il n'avait pas comparé tous les traits de l'agresseur décrits par le cdt B avec ce qu'il pouvait voir du cdt H. Il avait plutôt comparé CS au cdt H Note de bas de page 33. Il a admis que, même s'il avait probablement lu que l'agresseur avait une tache de vin de la taille d'une pièce de 10 cents au-dessous d'un oil, ce détail clé lui avait échappé Note de bas de page 34.

25. L'adj Bergin avait lui aussi jugé raisonnable d'agir en se fondant sur l'identification de CS, même s'il n'avait jamais cherché à savoir si le lt Flower avait identifié correctement la personne que le cdt B lui avait désignée. Il ne s'était pas non plus inquiété du fait que CS mesurait quelques pouces de moins que précisait la description fournie Note de bas de page 35. Il a déclaré s'être inquiété du fait que l'on n'avait pas fait attention à la tache de vin dans le processus d'identification, mais le manque de formation dont le cpl Dyck et le sgt Niclaes avaient fait mention touchant les techniques d'identification et les faillibilités de ce processus ne lui avait pas causé de souci. L'adj Bergin a dit que, si ceux-ci s'étaient heurtés à des problèmes, ils auraient pu solliciter son aide. Néanmoins, même si l'adj Bergin est un PM expérimenté qui possède une formation policière considérable et qui a déclaré être bien conscient des difficultés inhérentes à l'identification par témoin oculaire, il ne se rappelle pas s'être jamais efforcé de communiquer ses connaissances à ses subalternes au SNE, ni avoir vérifié s'ils procédaient correctement Note de bas de page 36.

26. D'autres remarques s'imposent à ce stade-ci relativement à certaines différences apparentes entre la description fournie aux autorités par le cdt B concernant son agresseur présumé et les caractéristiques du seul suspect sur lequel les enquêteurs du SNE RO se sont concentrés, soit CS. Dans un cas où il existe des différences entre les traits décrits par des témoins oculaires et ceux d'un suspect, il faut tenir compte de la « règle établie dans l'arrêt Chartier » [1979] 2 S.C.R. 474, Cour suprême du Canada. La décision rendue dans cette affaire découlait d'un différend civil survenu au Québec relativement à un incident de « rage au volant ». Il y avait des différences entre la description de la couleur des cheveux du suspect et de l'ampleur de sa calvitie fournie à la police par les témoins oculaires, et les traits physiques de M. Chartier au moment de son arrestation. M. le juge Pigeon a déclaré, à la page 494 :

Pour que cette déclaration soit une identification il fallait qu'il fût établi que l'appelant avait les cheveux gris lors de l'incident, sans cela le témoin Holland n'identifiait pas l'appelant, il le disculpait. En effet, peu importe le nombre de traits de similitude, s'il y a un seul trait de dissimilitude, il n'y a pas d'identification. Ici, au dire du témoin Holland, l'appelant n'avait pas les cheveux gris de l'agresseur. Ce témoin ne l'identifiait donc pas : il ne relevait qu'une ressemblance. À la page 499 : Pour que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables et probables de croire à la culpabilité, il faut qu'il le croie en tenant compte de tous les renseignements à sa disposition. Il n'a le droit d'écarter que ce qu'il a de bonnes raisons de ne pas juger pas digne de foi. (Soulignement ajouté)

27. M. le juge Rosenberg, de la Cour d'appel de l'Ontario, a appliqué ce passage dans l'affaire Regina v. Boucher (2000), 146 C.C.C. (3d) 52, qui avait trait à un vol de banque commis à Timmins (Ontario). Il y avait une divergence entre le genre de pantalons que portait l'accusé selon les témoins qui l'avaient vu s'enfuir en courant de la scène du hold up et les pantalons décrits par un témoin oculaire à l'intérieur de la banque. La Cour a cité avec approbation les passages ci-dessus de l'arrêt Chartier et déclaré, à la page 58 :

[traduction] [...] les principes énoncés dans ces passages s'appliquent en l'espèce. Vu la caractéristique dissemblable des pantalons, on ne peut pas parler d'identification, mais simplement de ressemblance. En l'absence de quelque autre élément de preuve incriminant, une ressemblance n'est pas un élément de preuve. [...] Comme il n'y avait pas d'autre élément de preuve, la différence au pis aller fait que la ressemblance n'a aucune valeur probante et constitue peut-être un facteur disculpatoire. (Soulignement ajouté)

28. On peut s'arrêter un instant ici pour remarquer que les enquêteurs du SNE seraient présumés être au courant de la jurisprudence ci-dessus au sujet de l'identification par témoin oculaire. L'arrêt Chartier fait école à cet égard, et il a été rendu 25 ans avant l'enquête relative à CS. La décision rendue dans l'affaire Boucher iest également bien reconnue, et elle a précédé la présente enquête de quatre ans. On suggère de ne pas affecter des enquêteurs policiers à une affaire comportant identification par des témoins oculaires avant que leurs supérieurs ne déterminent d'abord qu'ils comprennent bien ce domaine important du droit. Les possibilités d'injustice sont multipliées lorsqu'on considère que, comme l'ont révélé les témoignages dans la présente enquête, les supérieurs du cpl Dyck, soit le sgt Niclaes et l'adjum Watson, étaient en grande mesure eux-mêmes peu au courant des principes de droit relatifs à l'identification par témoin oculaire. L'adj Bergin a affirmé s'y connaître en la matière, mais il n'a pas communiqué son savoir aux enquêteurs et leur a laissé le soin de s'adresser à lui s'ils avaient besoin d'aide.

29. Les cours d'appel du Canada ont été saisies de nombreuses affaires relatives à l'identification par témoin oculaire et à ses faiblesses. Citant l'arrêt Chartier et se référant au rapport de l'enquête Sophonow, la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré, dans l'affaire Regina v. Dimitrov Dimitrov (2003), 181 C.C.C. (3d) 554, relativement à une enquête sur un homicide (page 564) :

[traduction] Les faiblesses de l'identification par témoin oculaire sont bien connues. On avertit habituellement les jurés que la certitude et la conviction apportées à faire une prétendue identification ne sont pas synonymes de la fiabilité du témoignage. Cet avertissement vise à prévenir les erreurs judiciaires.

30. De même, dans l'affaire Regina Regina v. Bennett Bennett (2003), 179 C.C.C. (3d) 244, la Cour d'appel de l'Ontario s'est référée avec approbation aux décisions Chartier et Boucher relativement à des différences dans les descriptions d'un suspect faites par des témoins oculaires; elle a déclaré, aux pages 274-275 :

[traduction] Dans l'affaire R. v. Boucher , cette Cour [...] a appliqué la règle établie dans l'arrêt Chartier pour conclure qu'une différence notable dans l'identification, en l'absence de quelque autre élément de preuve incriminant, fait que la reconnaissance d'une ressemblance n'a aucune valeur probante. [...] À mon avis, le juge de première instance a erré en laissant le jury libre de conclure que l'appelant était la personne que Morningstar avait vue de l'autre côté de la rue la veille du jour où Jennifer a été tuée. [...] En conséquence, lorsque le juge de première instance a donné ses instructions au jury, il aurait dû dire que l'identification de l'appelant par Morningstar ne valait rien, et non pas qu'elle avait « très, très peu de valeur ».

31. Si l'on applique ces principes à l'enquête concernant CS, il est évident que la description de son agresseur présumé présentée par le cdt B aux enquêteurs policiers contenait certaines différences notables pour ce qui est de la taille de l'agresseur comparativement à celle de CS, de l'absence de blessure au visage de CS et de la tache de vin au visage. Ces divergences auraient dû inciter les enquêteurs à être très prudents avant de s'appuyer sur l'identification oculaire qui aurait été faite par le cdt B, et très certainement à agir avec circonspection et discernement lorsqu'ils ont soupçonné CS et l'ont convoqué à une entrevue. Si le cpl Dyck avait été bien au fait des principes juridiques susmentionnés, on espère qu'il aurait mené l'interrogatoire de CS très différemment et qu'il ne l'aurait pas accusé catégoriquement d'avoir commis l'infraction présumée sur la foi d'éléments de preuve aussi faibles, on pourrait même dire d'aucun élément de preuve, ou au moins d'aucune identification.

6. ÉVALUATION DE LA CRÉDIBILITÉ ET/OU DE LA FIABILITÉ DE LA VICTIME

32. Aucun élément de preuve présenté au cours de l'audience ou autrement mis à la disposition de la Commission n'aurait fait douter sérieusement de la « crédibilité » du cdt B, c'est-à-dire de la question de savoir s'il disait la vérité ou non au sujet de l'incident en question. Selon toutes les apparences, le cdt B croyait que ce qu'il disait était vrai au moment où il l'a dit. Mais il importe également d'évaluer sa « fiabilité » lorsqu'il a fait ses déclarations, car les différences contenues dans ses comptes rendus soulèvent clairement des questions de fiabilité. Par exemple, il a établi la durée de tout l'incident à 15 minutes au cours desquelles il a déclaré avoir été endormi pendant 13 ou 14 minutes. Et il y a encore le problème des descriptions différentes qu'il a fournies. Ces points auraient dû, à tout le moins, préoccuper le cpl Dyck, sinon l'inciter à mettre en doute la fiabilité de la déclaration du cdt B.

33. Par son manque de soin touchant l'examen du dossier et sa préparation ainsi que l'interrogation des témoins et l'examen ou le rassemblement d'autres éléments de preuve, donc, le cpl Dyck s'est sérieusement défavorisé, sinon placé dans une situation impossible, lorsqu'il s'est agi d'évaluer la fiabilité de l'allégation du cdt B. Il possédait des faits insuffisants, voire simplement les contradictions ou les modifications des seuls récits du cdt B, pour effectuer une évaluation éclairée de la fiabilité de celui-ci. Fait encore plus troublant, le cpl Dyck et le sgt Niclaes semblaient ignorer complètement qu'il était absolument nécessaire d'effectuer cette évaluation, ou ils avaient simplement choisi de ne pas la faire.

7. PRÉSENCE D'UNE OPINION PRÉCONÇUE

34. Il m'est apparu évident, tandis que j'écoutais les témoignages présentés à l'audience, que les enquêteurs du SNE avaient eu une « opinion préconçue » pendant toute la durée de leur enquête sur la plainte du cdt B. Cela ne m'a pas complètement surpris parce que, d'après mon expérience, même les enquêteurs policiers les plus chevronnés sont atteints par ce phénomène. En fait, l'opinion préconçue de la part des enquêteurs préoccupait le ministère fédéral de la Justice à tel point qu'un chapitre d'un rapport intitulé « Rapport sur la prévention des erreurs judiciaires » (2004) a été consacré à cette question. L'opinion préconçue y est définie comme suit :

Une opinion préconçue (un concept appelé aussi « vision étroite des choses ») s'entend du « fait de concentrer tous ses efforts sur une théorie d'enquête ou de poursuite particulière qu'on applique de façon excessivement restreinte, ce qui a pour effet de fausser l'évaluation de l'information reçue et sa propre conduite en réponse à cette information ». L'opinion préconçue, et son dérivé pernicieux, la « corruption pour une noble cause », sont l'antithèse des rôles convenables que doivent jouer les agents de police et les procureurs de la Couronne. Il a pourtant été dit que les opinions préconçues constituent la principale cause de condamnation injustifiée au Canada et ailleurs Note de bas de page 37.

35. Ce rapport indique ensuite que trois commissions d'enquête canadiennes sur des condamnations injustifiées ont fait des remarques sur les dangers des opinions préconçues. La Commission royale d'enquête sur la condamnation de Donald Marshall, fils a souligné la nécessité de faire une distinction entre les fonctions de la police et celles de la Couronne. Les opinions préconçues ont également été un sujet important au cours de l'enquête concernant Thomas Sophonow. Le rapport de cette enquête recommandait que tous les agents de police assistent annuellement à une conférence ou à un cours sur cette questionNote de bas de page 38. Son auteur, M. le juge Cory, déclarait à la page 37

Ce problème est insidieux. Il peut toucher les agents ou, en fait, toute personne qui est chargée de l'administration de la justice et, parfois, avoir des conséquences tragiques. L'agent qui a une vision étroite des choses concentre ses efforts sur un individu ou un incident à un point tel qu'il oublie les autres personnes ou incidents, ce qui peut entraîner l'élimination d'autres suspects qui devraient faire l'objet d'une enquête. De plus, cet agent ne pense pas à des événements qui pourraient le mener à d'autres suspects. Toute personne peut faire face à ce problème, y compris les agents de police, les avocats et les juges Note de bas de page 39.

36. De plus, la Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin avait recommandé dans son rapport un « [...] programme éducatif s'adressant à la police et aux procureurs de la Couronne [...] Note de bas de page 40 » pour leur permettre de reconnaître et d'éviter les opinions préconçues.

37. Le Rapport sur la prévention des erreurs judiciaires citait en outre avec approbation un exposé dans lequel Bruce MacFarlane, c.r., traitait du concept des opinions préconçues. Il y déclarait ceci :

[traduction] Des opinions préconçues s'installent parfois. L'équipe d'enquête concentre prématurément ses efforts, ce qui mène à l'arrestation et à la poursuite d'un suspect au sujet duquel on dispose de quelques preuves, tout en faisant abstraction d'autres indices et d'autres voies d'enquête possibles. Il est aujourd'hui manifeste que c'est exactement ce qui s'est passé dans les affaires Morin et Sophonow Note de bas de page 41.

M. MacFarlane a souligné qu'il est indispensable d'insister davantage sur l'existence de ce phénomène. Il a recommandé que l'on organise, à l'intention des agents de police et des procureurs, des séminaires où l'on discuterait franchement de ce concept, et il a ajouté que la police devrait continuer de poursuivre toutes les voies d'enquête raisonnables même lorsqu'elle a identifié un suspect possible Note de bas de page 42.

38. Dans un exposé intitulé « The Problem of Tunnel Vision in Criminal Justice », Keith Findley, codirecteur du Wisconsin Innocence Project, écrit ceci :

[traduction] Toutefois, un élément commun de presque tous les cas [de condamnation injustifiée] est qu'ils comportent une forme quelconque d'opinion préconçue. L'opinion préconçue est une tendance humaine naturelle qui a des effets particulièrement pernicieux dans le système de justice pénale. C'est le processus qui mène les enquêteurs, les procureurs, les juges et les avocats de la défense à se concentrer sur un résultat particulier, puis à considérer tous les éléments de preuve présentés dans une affaire dans l'optique étroite de ce résultat. Tous les renseignements qui appuient celui-ci prennent ainsi une importance accrue, ils sont considérés comme compatibles avec les autres éléments de preuve et jugés pertinents et probants, tandis que les éléments de preuve incompatibles avec la théorie choisie sont facilement négligés ou écartés au motif qu'ils n'ont aucun rapport avec l'affaire, qu'ils sont dénués de crédibilité ou qu'ils ne sont pas fiables.

Les opinions préconçues influent sur d'autres processus imparfaits du système de justice pénale et sont influencées par ceux-ci. Les identifications par témoin oculaire erronées, par exemple, qui sont la cause la plus fréquente des condamnations injustifiées, peuvent convaincre les enquêteurs à un stade peu avancé d'une affaire qu'un individu particulier est l'auteur du crime [...] .

Les opinions préconçues naissent habituellement aux étapes initiales des affaires criminelles, soit pendant l'enquête policière. Mais elles ne s'arrêtent pas là; elles se propagent en fait à toutes les étapes des procédures criminelles, depuis l'enquête jusqu'après la condamnation, en passant par la poursuite, le procès ou la négociation de plaidoyer, et l'appel.

Les opinions préconçues sont un phénomène bien connu dans le système de justice pénale. La plupart des enquêtes officielles sur des condamnations injustifiées particulières ont constaté le rôle qu'elles avaient joué dans ces cas d'injustice [...]

À certains égards, le système de justice pénale exige ou enseigne ouvertement l'exploitation des opinions préconçues. Par exemple, on enseigne généralement aux agents de police que, une fois qu'ils croient qu'un suspect est coupable, ils devraient l'interroger en repoussant toutes les dénégations de culpabilité et en employant des tactiques psychologiques destinées à atteindre un seul but : l'obtention d'une confession Note de bas de page 43.

39. 39. Dans un document de travail du Conseil d'excellence en matière d'enquête (Collège canadien de police) intitulé « Atteindre l'excellence en matière d'enquête », sous la rubrique « Quels sont les plus gros problèmes auxquels nous faisons face au cours des enquêtes criminelles ? Pourquoi ces problèmes se produisent-ils ? », il est dit :

Les arrestations illégales, les condamnations injustifiées et les poursuites en justice arbitraires comptent parmi les problèmes les plus graves auxquels la police est confrontée au cours de ses enquêtes au Canada. Les enquêtes publiques et le CEE ont permis de découvrir une combinaison de facteurs qui conduisent à de telles erreurs, dont notamment :

40. L'opinion préconçue qui a mené à la conclusion que CS était le seul suspect est manifeste dans la façon dont le cpl Dyck a rationalisé les différences importantes notées dans la description du suspect par rapport à CS. Par exemple, le caporal a témoigné que la victime avait pu se tromper au sujet de la tache de vin parce qu'il y avait peut-être une ombre dans la caserne sombre, ou au sujet des différences de taille, parce que la victime ne savait peut-être pas bien estimer les grandeurs. Le caporal a en outre expliqué que le cdt B pouvait mal apprécier la grandeur du fait qu'il était couché. Il a par ailleurs déclaré que la divergence relative au temps pendant lequel l'agresseur aurait frotté le pénis du cdt B pouvait s'expliquer par l'embarras ressenti par celui-ci pour avoir laissé la chose durer si longtemps ou parce que cela pouvait donner l'impression qu'il en retirait du plaisir. Le cpl Dyck avait ainsi conclu que les divergences étaient toutes explicables Note de bas de page 45.

41. La façon dont le cpl Dyck a conclu que le cdt H n'était pas l'auteur de l'agression lorsqu'il l'a rencontré, parce qu'il ne ressemblait pas à CS, est un autre fait révélateur d'une opinion préconçue. Le point de référence approprié pour comparer des personnes est la description fournie par la victime, et non pas un suspect Note de bas de page 46.

42. J'ai également relevé d'autres incidents qui, à mon avis, indiquent une tendance à avoir une opinion préconçue. Selon son témoignage, le cpl Dyck savait que CS avait fait une courte déclaration peu après l'incident présumé, mais il n'a fait aucun effort pour chercher à obtenir celle-ci. Il a déclaré qu'il n'avait pas cherché à obtenir des renseignements plus précis parce qu'il ne savait pas quelle valeur probante ils auraient et qu'il ne savait pas non plus de quelle façon il convenait de procéder pour essayer d'obtenir un document que l'un de ses supérieurs avait essentiellement fait écrire par CS. Il a poursuivi en disant qu'il savait que quelqu'un avait parlé à CS et qu'il s'attendait à ce que, si c'était à propos, le cpl Kulbisky, qui était là, ait rassemblé les documents appropriés qui étaient disponibles. Il a conclu son témoignage à ce sujet sur ces mots : [traduction] « Je ne m'en suis plus occupé après cela Note de bas de page 47 ». (Soulignement ajouté)

43. La façon dont le cpl Dyck a traité l'information et la déclaration fournies par le cdt H, dont il est question au paragraphe 12 de la présente partie, fournit un autre exemple d'opinion préconçue possible. De plus, le caporal n'a pas considéré le cdt J comme un témoin parce que celui-ci avait déclaré n'avoir rien vu pendant l'incident présumé. Il a écarté le cdt J en tant que témoin et il n'a pas inclus son nom ni sa déposition dans le mémoire de la Couronne Note de bas de page 48.

44. Malheureusement, la vision de plus en plus étroite des choses qu'affichait le cpl Dyck n'a été contenue d'aucune manière par des opinions critiques qu'auraient pu exprimer le sgt Niclaes ou l'un ou l'autre de ses autres supérieurs.

8. EXACTITUDE DES RAPPORTS DU SNEFC

45. Même si tous les rapports antérieurs versés au dossier mentionnaient que le cdt B avait donné un coup de pied à l'agresseur, le cpl Dyck a soutenu au cours de son témoignage que la question de savoir si l'agresseur avait été touché soulevait des doutes. On l'a renvoyé expressément à la note relative à l'entrevue du cdt B dans laquelle le cpl Lambert avait écrit :

[traduction] Le cadet B a réagi en frappant l'individu au visage avec son pied gauche, de sorte que celui-ci s'est trouvé à tourner le dos au cadet B et est ensuite tombé à terre [...] Le cadet B a déclaré que, après avoir donné un coup de pied à l'individu [...], il a décidé de le suivre pour voir où était sa caserne Note de bas de page 49.

46. Le cpl Dyck a admis qu'il avait trouvé la question du coup de pied assez importante pour la soulever avec CS au cours de leur entrevue, car il l'avait notée dans son plan d'entrevue. Cependant, à la page 79 du résumé de cas, il a résumé l'entrevue du cpl Lambert avec le cdt B comme suit : [traduction] « Le cdt B a déclaré que, lorsqu'il a pris conscience de ce qui se passait, il a tenté de donner un coup de pied à l'inconnu, mais il n'est pas certain de l'avoir atteint Note de bas de page 50 ».

47. Même si la note du cpl Lambert disait catégoriquement qu'il y avait eu un coup de pied, et même si l'on ne pouvait trouver aucun document indiquant que la question de savoir si un coup de pied avait été donné et avait atteint sa cible ou non soulevait des doutes, le cpl Dyck a maintenu fermement qu'il avait reçu ce renseignement en s'entretenant avec quelqu'un, bien qu'il n'ait pas pu dire qui était cette personne et n'ait pris aucune note à ce sujet.

48. Le cpl Dyck a convenu qu'il aurait lu la note figurant au rapport du cpl Lambert, selon laquelle :

[traduction] Lorsqu'on lui a demandé s'il y avait des témoins, le cdt B a indiqué que le cdt A, qui occupait le lit situé au-dessous du sien, n'avait jamais rien entendu, et que le cdt J, qui était apparemment éveillé au moment de l'incident, avait rapporté au cdt B que personne n'était allé dans son lit cette nuit-là Note de bas de page 51.

49. Cependant, le cpl Dyck a écrit dans son rapport que [traduction] « le cdt B a été incapable de désigner quelque témoin que ce soit Note de bas de page 52. » Il a défendu cette note en disant qu'elle était exacte, car ni le cdt J ni le cdt A n'avaient vu l'individu en question; il estimait donc qu'ils n'étaient pas des témoins. Je trouve que le raisonnement du cpl Dyck est boiteux à cet égard et que le cdt A aurait dû être interrogé comme témoin lors de cette enquête.

50. L'adj Bergin a déclaré dans son témoignage qu'il n'avait donné aucune instruction précise à ses subalternes concernant la prise de notes au sujet des conversations non enregistrées. Il a dit que, à son avis, à moins qu'une chose ne soit pertinente, il n'était pas nécessaire de prendre des notes. Plus particulièrement, l'adj Bergin trouvait entièrement acceptable que le cpl Dyck n'ait pas pris de notes sur la conversation qu'il avait eue avec C immédiatement après qu'elle était entrée au Détachement de Fox Creek Note de bas de page 53. Je ne suis pas d'accord. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la prise de notes par la police. Cette affaire en fournit un bon exemple. Si le cpl Dyck avait pris des notes au sujet de son entretien préliminaire avec la plaignante, elles auraient fourni, face à sa plainte, un compte rendu extrêmement utile de ce qui s'était passé. Qui plus est, si des accusations avaient été portées et que la déclaration soit devenue un point en litige lors du procès, des notes complètes au sujet des circonstances entourant la réception de la déclaration auraient été d'une importance capitale.

9. SYSTÈME D'INFORMATION - SÉCURITÉ ET POLICE MILITAIRE (SISEPM)

51. On a dit à la Commission que le SISEPM est le système électronique où sont stockées toutes les données relatives à une enquête. Ces données peuvent être entrées et modifiées par diverses personnes, dont les coenquêteurs et les superviseurs. Les témoignages ont révélé que, s'il est possible de retrouver qui a modifié l'une des données, il n'y a pas moyen de déterminer quelles modifications y ont été apportées Note de bas de page 54.

52. L'adj Bergin a signalé qu'il modifiait régulièrement les rapports finaux (p. ex., modification des cases du résumé du cas, de la plainte initiale ou de la conclusion) dans le SISEPM, sans en changer le sens, simplement pour les rendre plus présentables Note de bas de page 55. Il ne pouvait se rappeler s'il avait modifié des données stockées dans le SISEPM dans ce cas particulier, mais il a déclaré qu'il était concevable qu'il y ait apporté des modifications substantielles sans changer le sens de ce qui avait été écrit Note de bas de page 56.

53. Ce genre de pratique est certainement troublant – et problématique, c'est le moins qu'on puisse en dire, dans n'importe quelle procédure judiciaire. L'enquêteur appelé à témoigner devant un tribunal ne pourrait pas attester exactement quelles modifications auraient été apportées à un rapport dont il serait désigné comme l'auteur. Cela créerait manifestement de sérieux problèmes de fiabilité relativement à tout rapport du genre et pourrait peut-être influer sur l'issue du procès. Si l'adj Bergin ne pouvait pas voir les problèmes que pourrait occasionner cette situation Note de bas de page 57, l'adjum Watson et le maj Bell avaient compris les préoccupations soulevées. Le maj Bell était d'avis que, si une personne était appelée à témoigner en tant qu'auteur d'un document portant sa signature et que quelqu'un d'autre ait modifié ou rédigé celui-ci, il serait difficile de déterminer qui en est l'auteur. Il a même mentionné que cela avait suscité des inquiétudes lors d'actions en justice antérieures. Dans le but d'atténuer certaines des inquiétudes soulevées au cours de l'audience, le maj Bell a indiqué qu'il prendrait certaines mesures préliminaires. Il allait recommander que le document créé par l'auteur d'origine soit conservé intact. S'il devait être révisé, on allait couper et coller pour créer un document distinct qui serait sauvegardé en tant que version différente sous le nom de cette personne. Cela permettra aux lecteurs de voir quelles modifications ont été apportées au document original Note de bas de page 58.

10. CODES DE RÔLES DU SISEPM

54. CODES DE RÔLES DU SISEPM Lorsqu'elle a présenté sa plainte, C s'inquiétait principalement du fait que son fils resterait inscrit comme suspect dans le SISEPM, et de l'utilisation qui pourrait être faite de cette information à l'avenir Note de bas de page 59.

55. Comme le lcol Lander, GPA de la police militaire, l'a expliqué dans sa déclaration solennelle, l'accès au SISEPM est généralement limité aux membres de la PM qui sont employés dans une unité de la Police investie d'un mandat d'exécution de la loi. De plus, a-t-il dit, l'accès à ces renseignements est limité par la Loi sur la protection des renseignements personnels par la Loi sur l'accès à l'information, et par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents , qui protège l'identité des mineurs. Il existe divers codes de rôles dans le système, comme « jeune suspect », « jeune témoin » et « jeune sujet ». Le système et la politique régissant son utilisation exigent que les classifications et les codes relatifs aux individus soient mis à jour périodiquement à mesure que le traitement du dossier avance. Le lcol Lander a signalé que ce processus est parfois négligé. Son témoignage a indiqué qu'il cherchait à résoudre ce problème en améliorant le cours supérieur de formation au SISEPM et en communiquant plus efficacement la nouvelle politique et les raisons qui la sous-tendent (assurer une application plus uniforme des codes de rôles).

56.Comme mentionné, le lcol Lander a signalé qu'on oubliait occasionnellement de mettre à jour les codes de rôles, comme l'exige la politique. Toutefois, le maj Bell a déclaré que la pratique actuelle consiste à ne pas modifier le statut d'une personne dans le SISEPM si le suspect n'est jamais accusé Note de bas de page 60. Il a ajouté qu'aucun conseil n'est donné quant au moment de le modifier Note de bas de page 61. Cela semble confirmer l'opinion du lcol Lander touchant le besoin d'améliorer la formation et la communication de la politique. Le maj Bell a en outre déclaré qu'il s'attendait à ce qu'il soit possible d'accéder aux dossiers du SISEPM pour filtrer les personnes désireuses de s'enrôler dans les Forces canadiennes ou qui postulent d'autres emplois à l'administration fédérale Note de bas de page 62.

57. En passant en revue la façon dont la GRC procède en ce qui a trait à l'utilisation des codes de rôles et au déclassement du statut d'une personne, le surintendant Charles Walker, de la GRC, a signalé dans son affidavit que la mention « sujet de la plainte » portée par l'utilisateur n'est pas censée avoir un caractère accusatoire. Il existe d'autres codes, soit « suspect » et « suspect passible de poursuite ». Dans les cas où aucune accusation n'est portée et que l'examen du dossier au moment de le clore révèle qu'il existe des motifs insuffisants de maintenir le code de suspect, le statut est changé à « sujet de la plainte ».

58. Le fait est que, comme on n'avait pas confirmé que CS était bien la personne que le cdt B avait voulu indiquer après que le lt Flower l'eut sélectionné dans le groupe de cadets, il n'est absolument pas certain qu'il ait été même le « sujet » de la plainte.

11. NOTIFICATION TO THE COMPLAINANT THAT HER SON WOULD NOT BE CHARGED

59. Le 24 novembre 2004, lorsque le cpl Dyck a téléphoné à C, il n'était pas au courant des instructions qu'elle avait données précédemment à ses supérieurs de lui interdire de communiquer avec elle à l'avenirNote de bas de page 63. Le caporal a nié avoir dit à C qu'il n'avait pas besoin de sa permission pour communiquer directement avec son fils. Il a déclaré lui avoir dit qu'il dirigeait toujours l'enquête et qu'il avait besoin de parler à son filsNote de bas de page 64.

60. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait communiqué avec la plaignante ou avec son fils pour leur faire savoir qu'aucune accusation ne serait portée, le cpl Dyck a répondu qu'il croyait que la plaignante en avait été informée. En ce qui concerne CS, le caporal a témoigné que son entretien téléphonique du 24 novembre 2004 avec C lui avait fait comprendre clairement qu'il ne devait pas communiquer de nouveau avec lui. Il ne lui était apparemment pas venu à l'esprit d'envoyer une lettre; il avait plutôt renvoyé l'affaire à ses supérieurs et tenu pour acquis que l'un d'eux communiquerait avec C pour la mettre au courant. Le fait que celle-ci s'apprêtait à déposer une plainte avait en outre préoccupé le cpl Dyck à tel point qu'il n'avait pas voulu la contrarier davantage. Il avait donc laissé à ses supérieurs le soin de l'informer Note de bas de page 65. Il ne lui est jamais venu à l'esprit d'essayer de trouver le numéro de téléphone de l'avocat de C, et il n'a pas non plus cherché à savoir si quelqu'un d'autre avait ce numéro.

61. MWO Watson stated that the « best practice then and now » would be to notify the suspect if charges are not being laid. If the suspect was military personnel, the norm would be to advise the member through his chain of command. Note de bas de page 66.

62. À son crédit, l'adj Bergin a présenté des excuses pour ne pas avoir informé C qu'aucune accusation ne serait portée contre son fils, décrivant cette omission comme une lacune dans l'enquête Note de bas de page 67 . Le maj Bell, assumant la responsabilité finale de veiller à ce que le sujet soit informé, et reconnaissant que cela aurait dû être fait en l'occurrence, a signalé l'absence de directives dans la politique à cet égard Note de bas de page 68.

Descriptions de l'agresseur faites par le cdt B
Notes écrites du cdt B au capt Law datées du 16 août 2004 Déclaration verbale du cdt B au cpl Kulbisky le 19 août 2004 à 14 h 43 Déclaration écrite du cdt B au cpl Kulbisky le 19 août 2004 à 15 h 47 Déclaration verbale du cdt B au cpl Lambert et au sgt Niclaes (SNEFC, région de l'Ouest) faite le 8 septembre 2004 Description réelle de CS fournie par lui-même au cpl Dyck le 8 octobre 2004
A. « 6 pi 1 po » A. A. « Semblait mesurer 5 pi 6 po ou 5 pi 7 po. » A. « 5 pi 5 po, 5 pi 6 po. » A. « Environ 6 pi. »
B. « Cheveux d'un blond pâle. » B. B. B. « Cheveux courts, dans le genre de la coupe obligatoire : longs sur le dessus, mais pas trop, et très courts sur les côtés. » B. « Cheveux bruns foncés. »
C. « Portait un chandail de combat et un pantalon. » C. C. « Portait un chandail de combat avec un pantalon/shorts. » C. « Portait ses gumbies : shorts gris, chandail vert, genre de chaussures grises/noires » C.
D. D. Tache de vin de la taille de l'orbite d'un oil : elle est sous l'oil, mais en haut de l'os de la joue. D. « Semblait avoir une tache de vin sur l'oil gauche ou droit... sous l'oil mais presqu'au dessus de l'os de la joue. Cette tache était de couleur brun pâle. » D. « Tache de vin sous l'oil. Le gauche je pense » D. Note : CS n'a pas de tache de vin au visage.
E. E. E. « Était bedonnant et semblait avoir des seins. » E. « Très potelé. On dirait qu'il avait des seins » E. « 280 livres. »
F. F. F. « Avait un visage rond. » F. « Un oil bleu (droit) et l'autre vert (gauche). » F.
G. G. G. G. G. « One blue eye (right) and one green eye (left). »

12. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Conclusion n° 1 :

Le président conclut que l'enquête du SNEFC n'a pas été effectuée avec soin, et qu'elle n'a pas été complète pour ce qui est du rassemblement des éléments de preuve. Cette faute est imputée aux enquêteurs comme à leurs supérieurs lors de cette enquête.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 2 :

Le président conclut que, lorsque le dossier lui a été confié, le cpl Dyck n'a pas passé en revue à fond le travail d'enquête précédent ni obtenu de breffages sérieux sur le progrès de l'enquête. Ce défaut est atténué en partie par son niveau de formation et d'expérience et par certaines fautes de la part de ses superviseurs.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 3:

Le président conclut que certains rapports du SNEFC étaient incomplets et/ou inexacts.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « L'utilisation du terme ‹ rapports › n'est cependant pas claire. Il semble que l'intention ait été de conclure que ‹ certaines données du SNEFC figurant dans le SISEPM concernant cette enquête étaient soit incomplets, soit inexacts, soit les deux à la fois › ».
  • Il s'agit des rapports ou, si l'on veut, des mentions figurant à la section 8 de la rubrique « Exactitude des rapports du SNEFC ». Il est question plus particulièrement en page 79, du Rapport sommaire de l'affaire et d'une autre mention. En outre, je vois qu'aucune note n'a été prise des conversations non enregistrées sur bande magnétique avec C et CS, ce qui fait que la mention en est incomplète

Conclusion n° 4:

Le président conclut que le fait que l'on s'est fié à une identification imparfaite a constitué un défaut grave de cette enquête, et que celui-ci est attribuable tant aux enquêteurs qu'à leurs supérieurs.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 5:

Le président conclut que le cpl Dyck et, on pourrait dire, le sgt Niclaes ont été la proie d'une « opinion préconçue », ce qu'une supervision correcte aurait permis d'éviter.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 6:

Le président conclut que la plaignante aurait dû être informée que son fils ne serait pas accusé et que, comme enquêteur affecté au dossier, le cpl Dyck aurait dû vérifier que cela avait été fait. On attribue en outre à ses supérieurs la responsabilité de cette omission.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Recommandation n° 1:

Le président recommande que le SNE élabore une politique complète pour la transmission des enquêtes déjà en cours. Cette politique devrait prévoir clairement que l'enquêteur qui prend la relève doit effectuer un examen complet de tous les produits d'enquête accumulés jusque-là, dont les transcriptions ou les enregistrements d'entrevues, et, autant que possible, être breffé par tous les autres enquêteurs qui ont participé à quelque aspect que ce soit de l'enquête. En se fondant sur cet examen complet et détaillé, il devrait établir un nouveau plan d'enquête et le faire examiner et approuver par ses superviseurs.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « La version révisée des IPO 201 du SNEFC - Enquêtes-Général a remédié à ce problème. Puisque d'autres éléments de la police militaire mènent également des enquêtes, ce point sera également repris dans les Consignes et procédures techniques de la police militaire ».

Recommandation n° 2:

Le président recommande que l'on examine les politiques de la Police militaire (Avis du GPA de la Police militaire 09/07, chapitre 7, annexe N) et les Normes d'opération de la PM concernant l'identification par témoin oculaire pour faire en sorte que les enquêteurs soient convenablement mis en garde touchant l'utilisation des renseignements ainsi obtenus, et que les pratiques exemplaires soient clairement énoncées en ce qui concerne les séances d'identification par étalement de photos comme en personne.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « L'annexe N du chapitre 7 des CPTPM y fait référence. Elle insiste sur cette mise en garde concernant l'identification par des témoins oculaires. Des pratiques exemplaires y sont énoncées en matière d'identification au moyen de photos. Il reste du travail à faire concernant les procédures d'identifications ‹ en personne › ».

Recommandation n° 3:

Le président recommande d'insister davantage sur l'importance de la prise de notes dans la politique et dans la formation. On recommande en outre d'examiner les politiques de la PM pour s'assurer qu'elles contiennent des directives claires sur l'importance de noter avec soin et exactitude toutes les conversations non enregistrées afin de garantir l'intégrité de l'enquête.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Les IPO 203 du SNEFC et l'annexe A du chapitre 7 des CPTPM en traitent désormais ».

Recommandation n° 4:

Le président recommande d'établir des directives exigeant que les transcriptions de toutes les entrevues enregistrées sur bande audio ou vidéo soient téléchargées dans le SISEPM.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Cela est assurément souhaitable. Si cela est possible du point de vue technique et économique en termes de coûts, nous poursuivrons dans cette voie ».
  • En conclusion, je prends acte de ce que la mise en œuvres de cette recommandation est subordonnée aux contraintes techniques et budgétaires.

Recommandation n° 5:

En conclusion, je prends acte de ce que la mise en œuvres de cette recommandation est subordonnée aux contraintes techniques et budgétaires.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le logiciel n'offre pas de fonctions de signalement ou de ‹ suivi des modifications ›. Néanmoins, il est possible de conserver à la fois l'original et le document modifié, ce qui permet ainsi de voir les modifications apportées. L'identité de la personne qui effectue les modifications ne peut être obtenue au moyen du logiciel, mais la procédure de saisie des données dans le SISEPM pourrait être modifiée de façon à ce qu'il soit possible de déterminer par d'autres moyens quelle est la personne qui a procédé aux modifications. Il sera nécessaire pour cela d'apporter des modifications à la procédure prévue par les CPTPM, mais il est difficile de déterminer quelle est la meilleure façon de le faire. Ainsi, même s'il est difficile de modifier le SISEPM en lui-même, cette recommandation devrait pouvoir être mise en œuvres grâce à une procédure supplémentaire et à la manière dont il est utilisé ».
  • Je suis satisfait de la façon dont le GPFC envisage de mettre en œuvres cette recommandation.

Recommandation n° 6:

Le président recommande d'examiner les codes de rôles du SISEPM en vue de confirmer qu'il comporte un choix de codes suffisant, dont ceux qui ne sont clairement pas de nature accusatoire, pour répondre à toutes les situations. On recommande en outre d'élaborer des conseils ou de les renforcer, selon le cas, sous la forme de directives énoncées dans la politique et de formation, afin d'assurer la désignation correcte du statut d'une personne pendant toute la durée d'une enquête et à la fin de celle-ci.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le SISEPM fournit un éventail suffisant de codes caractéristiques. Une politique adéquate sera élaborée et adoptée en vue de renforcer l'exactitude des rôles qui sont délégués aux personnes et de s'assurer que les modifications apportées à ceux-ci sont effectuées en temps opportun ».
  • Je suis satisfait de l'engagement pris par le GPFC au sujet de cette recommandation.

Recommandation n° 7:

Le président recommande que la PMFC ordonne que l'on remplace en l'occurrence le code de rôle « suspect », dans le SISEPM, par un code de nature clairement non accusatoire et qui reflète le fait qu'il n'existe effectivement aucun élément de preuve à l'appui de cette accusation.

  • Recommandation acceptée par le GPFC

Recommandation n° 8:

Le président recommande de donner aux membres du personnel de la PM des directives claires portant que tous les plaignants et sujets de plaintes doivent être contactés et informés des résultats de l'enquête en temps opportun, sous réserve d'exigences opérationnelles à l'effet contraire, et que ces communications doivent être notées au dossier et corroborées par une note de leur superviseur.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Sous réserve de la clarification des termes ‹ conclusions de l'enquête › et ‹ exigences opérationnelles ›. Le ch. 7 des CPTPM traite des victimes et des plaignants, tout comme les IPO 204 du SNEFC, suivant lesquelles une notification doit être transmise aux victimes et aux plaignants toutes les deux semaines. La question de l'information des personnes visées doit cependant faire l'objet d'un examen approfondi. Toutes les communications avec les plaignants et les personnes visées devraient être documentées de la manière recommandée ».
  • Il est entendu que l'élément clé de cette recommandation consiste dans la communication des « résultats de l'enquête »à la personne qui sait qu'elle fait l'objet d'une enquête en l'informant que le dossier est classé sans suite et qu'elle ne serait pas inculpée. Il ne s'agit pas du tout de lui donner une explication en détail (par exemple par la communication des éléments de preuve). La réserve au titre des « exigences opérationnelles » (entendues dans le contexte de l'enquête policière) a été attachée à cette recommandation en prévision des cas où le dossier ne peut être classé, ou encore du cas de complot de trafic de drogue par exemple, où il ne serait pas prudent d'informer l'intéressé qu'il fait l'objet d'une enquête. Dans les cas où ces « exigences opérationnelles » imposent une mesure hors norme, l'enquêteur doit en expliquer clairement la raison dans le dossier, avec le concours de son supérieur. En conclusion, je suis satisfait de la réponse du GPFC à cette recommandation.

IV L'ENTREVUE ET L'INTERROGATOIRE

1. INTRODUCTION

1. Cette partie du rapport traitera du point central de la plainte, soit l'entrevue et l'interrogatoire de CS par le cpl Dyck, sous la surveillance du sgt Niclaes, le vendredi 8 octobre 2004, au Détachement de la GRC, à Fox Creek (Alberta). On y examine la préparation de l'entrevue, les techniques utilisées, l'état des éléments de preuve connus par les enquêteurs à l'époque, la conformité à la Charte canadienne des droits et libertés, et la méthode d'interrogation.

2. En guise de remarque préliminaire générale, notons que l'entrevue avait été organisée de manière à amener le suspect, CS, à y assister de son plein gré et à se soumettre à un interrogatoire. On a utilisé la technique de l' « exagération de la preuve » et l'entrevue a été menée d'une manière calculée pour « faire parler le suspect le plus possible ». Manifestement, certaines des techniques employées pour organiser et mener l'entrevue relevaient de la pratique d'enquête criminelle normale, qui vise à faire avancer l'enquête, par exemple, en fournissant au suspect un minimum d'information au moment d'organiser l'entrevue afin de ne pas lui faire craindre d'y assister. Si ces techniques ne sont pas nécessairement illégales, leurs effets ponctuels aussi bien que cumulatifs dans cette affaire ont à tout le moins compromis la capacité de CS d'exercer les droits que lui garantit la Charte , ce qui a possiblement nuit à l'enquête. De plus, comme on l'a déjà fait remarquer au sujet de l'enquête en général, les enquêteurs ont abordé l'entrevue avec une opinion préconçue du fait que la préparation de leur enquête avait été imparfaite et incomplète. Dans ces circonstances, l'entrevue et l'interrogatoire fondés sur les « techniques » ont été, à tout le moins, extrêmement injustes envers le suspect adolescent.

2. PRÉPARATION POUR L'ENTREVUE / INTERROGATOIRE

3. Dans la partie précédente, sous la rubrique « Préparation faite par le cpl Dyck et examen du travail d'enquête antérieur », nous avons fait mention du travail préparatoire effectué par le cpl Dyck à la veille de sa prise en charge de l'enquête. Il est évident que ce travail a été superficiel et insuffisant, et qu'il en allait de même pour son état de préparation à la tâche importante consistant à interroger CS. Le cpl Dyck considérait celui-ci comme son principal et unique suspect, et il allait lui exposer ses soupçons et porter contre lui des accusations. On pourrait penser que, vu son état d'esprit, il aurait pris plus de soin, au moment de se préparer à l'entrevue, pour s'assurer que les éléments de preuve rassemblés jusque-là accusaient en fait seulement CS. Comme on le verra, tel n'a pas été le cas, et les possibilités d'injustice grave étaient présentes tant pendant l'entrevue que par la suite.

4. Comme mentionné précédemment, le cpl Dyck a été interrogé à l'audience au sujet des documents qu'il avait examinés préalablement à l'entrevue avec CS, le 8 octobre 2004. Il a répondu que le sgt Niclaes lui avait fourni de l'information; il n'avait cependant rien noté. Les breffages étaient oraux, et ils se sont poursuivis dans le temps. Il ne s'est pas agi d'une seule réunion, c'est-à-dire qu'il a consulté le sgt Niclaes pendant toute l'enquêteNote de bas de page 69. Son plan d'entrevue a été déposé à l'audienceNote de bas de page 70. Il a déclaré qu'il l'avait dactylographié lui-même, mais qu'il en avait discuté le contenu avec d'autres enquêteurs de son bureauNote de bas de page 71. Il a déclaré qu'il l'avait dactylographié lui-même, mais qu'il en avait discuté le contenu avec d'autres enquêteurs de son bureauNote de bas de page 72. Il a déclaré qu'il avait consulté son plan d'entrevue et vérifié le dossier dans le SISEPM pour voir si quelqu'un y avait ajouté quoi que ce soit, mais qu'il n'y avait aucun élément d'information nouveau à examinerNote de bas de page 73.

5. La liste des documents que le cpl Dyck n'a pas examinés ou recherchés en prévision de l'entrevue du 8 octobre 2004 est plus longue. Il a informé la Commission qu'il n'avait pas regardé les enregistrements des entrevues précédentes du plaignant ni des autres témoinsNote de bas de page 74. Il n'a pas suivi ni analysé les différentes descriptions fournies par le cdt B. Il a indiqué qu'il les avait lues, mais qu'il n'avait dressé aucune liste détaillée des différences. Il a ajouté qu'il savait que le cdt B avait donné plusieurs descriptions de l'agresseur, mais qu'il n'était au courant d'aucune différence majeure et qu'il avait alors l'impression que les écarts pouvaient s'expliquer par les circonstancesNote de bas de page 75. On a suggéré à l'audience qu'il n'avait pas prêté beaucoup d'attention aux différentes descriptions données par le cdt B, ce à quoi il a répondu qu'il ne les avait pas considérées comme de grandes différences. Il n'y avait pas prêté beaucoup d'attention, mais il a convenu que l'« identité » est un point important parce que, si l'on n'a pas l'identité, on n'a pas son suspectNote de bas de page 76

6. Le cpl Dyck était au courant du fait que CS avait écrit une note pour le capt Thoms, au camp des cadets, mais il n'avait fait aucun effort pour la retrouver, disant qu'il n'y avait pas accèsNote de bas de page 77. S'il avait cherché à obtenir cette note, il aurait appris que CS avait, à la première occasion, nié être au courant de l'agression sexuelle. Il aurait dû savoir que cette déclaration de disculpation existait et faire un effort pour la retrouver. De plus le caporal a déclaré dans son témoignage que CS était le principal suspect. Il n'y en avait pas d'autreNote de bas de page 78. Le cdt B mis à part, aucune autre personne n'avait été témoin de l'agression présumée, et il n'y avait aucune autre déclaration de témoin incriminanteNote de bas de page 79.

7. On a demandé au cpl Dyck à l'audience s'il jugeait que la méthode d'identification, selon laquelle le cdt B aurait identifié CS, était appropriée; il a répondu que non et qu'elle n'était pas conforme aux procédures normales. Nonobstant cette opinion, il n'a pas discuté officiellement avec le sgt Niclaes de la possibilité de chercher à identifier plus précisément le suspect avec le plaignant préalablement à l'entrevueNote de bas de page 80. Il savait que les observations de l'agresseur par le cdt B avaient été faites dans l'obscurité et que celui-ci avait indiqué dans une déclaration que le suspect avait une tache de vin au visageNote de bas de page 81. Ces faits n'avaient pas incité le caporal à chercher à vérifier la capacité d'observation du cdt B Note de bas de page 82. Ils auraient dû le pousser à le faire.

8. Comme mentionné ci-dessus, nombre des remarques faites dans la partie précédente au sujet de l'enquête en général s'appliquent à la préparation du caporal en vue de l'entrevue de CS. Qu'il suffise de dire que l'interrogatoire du principal suspect lors d'une enquête criminelle est habituellement l'une des dernières étapes de celle-ci et qu'elle peut souvent déterminer l'issue d'une poursuite criminelle. Autant que possible, on ne devrait pas la tenir avant que la majeure partie du reste du travail d'enquête soit achevée, afin que l'enquêteur ait en main le gros des éléments de preuve pour pouvoir interroger le suspect sur ceux-ci. On s'attend normalement à ce qu'une somme importante de préparation soit faite avant que les enquêteurs entreprennent cette dernière étape cruciale. Cependant, la préparation de l'entrevue de CS a été beaucoup moins que suffisante.

3. TECHNIQUES D'ENTREVUE

9. Cette section traite de techniques d'entrevue que connaissaient bien le cpl Dyck et le sgt Niclaes, et de la façon dont elles ont été utilisées au cours de l'entrevue de CS. Il importe en outre de comprendre dans quel état d'esprit les enquêteurs ont abordé l'entrevue et jugé des techniques permises par la loi. Nous examinons en particulier dans ce rapport si les enquêteurs ont utilisé des techniques d'entrevue ou d'interrogation inopportunes à l'endroit du fils de la plaignante lorsqu'ils ont exagéré les éléments de preuve incriminants dont disposaient les autorités.

3.1 LE DROIT

10. Les tribunaux canadiens examinent régulièrement les techniques utilisées par les enquêteurs lorsqu'ils recueillent les déclarations de suspects, et de nombreux avis judiciaires ont été publiés sur le recours par la police à des stratagèmes, trucs et mensonges, à l'exagération de la qualité de la preuve et à l'allusion à des éléments de preuve inadmissibles.

11. Nous jugeons qu'il vaut la peine de faire référence à certaines des principales décisions qui ont fait jurisprudence sur le sujet avant d'examiner les éléments de preuve présentés à l'audience de septembre 2006. Dans l'arrêt R. c. Oickle, (2000) 147 C.C.C. (3d) 321, C.S.C., le juge Iaccobucci a déclaré :

[Par. 40, page 343] Le troisième type de fausses confessions est la fausse confession induite par persuasion sans coercition. Dans ce scénario, les tactiques policières utilisées ont pour effet d'amener la personne innocente à [traduction] « devenir confuse, à douter de sa mémoire, à être temporairement persuadée de sa culpabilité et à confesser un crime qu'elle n'a pas commis. » [...] L'utilisation de preuve fabriquée peut également contribuer à convaincre un suspect innocent de sa culpabilité.

[Par. 43, page 344] Un autre thème est le danger que pose l'utilisation d'éléments de preuve qui n'existent pas. Présenter au suspect une preuve fabriquée de toutes pièces pourra le persuader, s'il est impressionnable, qu'il a effectivement commis le crime, ou à tout le moins que toute protestation d'innocence est futile.

[Par. 61, page 351] Une dernière source possible de conditions oppressives est l'utilisation, par les policiers, d'éléments de preuve inexistants. Comme il est ressorti de l'analyse qui a été faite des fausses confessions plus tôt, ce stratagème est très dangereux. [...] L'utilisation de faux éléments de preuve est souvent un moyen crucial de convaincre le suspect que ses protestations d'innocence, même si elles sont vraies, sont futiles. Je ne veux d'aucune façon laisser entendre que le seul fait de mettre le suspect en présence d'éléments de preuve inadmissibles, ou même fabriqués, constitue nécessairement une raison d'écarter une déclaration. Cependant, lorsqu'elle s'ajoute à d'autres facteurs, cette considération est certes pertinente pour déterminer, dans le cadre d'un voir-dire, si la confession était volontaire.

[Par. 67, page 353] Il peut survenir des situations où, quoique la ruse utilisée par les policiers ne porte pas atteinte au droit au silence ni ne mine le caractère volontaire de la confession comme tel, elle soit si odieuse qu'elle choque la collectivité.

[Par. 90, page 361] [...] Comme l'a souligné le juge Hill, au par. 159 des motifs limpides qu'il a exposés dans cette affaire : [traduction] « [...] mettre un suspect en présence des résultats d'un test polygraphique dans de telles circonstances n'est pas, sur le plan qualitatif, différent de techniques de persuasion acceptables utilisées par les policiers, tel le fait de montrer au suspect une confession faite par un coaccusé mais inadmissible en preuve contre le suspect, ou encore de ruses policières, par exemple celle qui consiste à dire au suspect qu'on a trouvé ses empreintes digitales au lieu du crime. Suivant ce point de vue, les ruses policières ou l'utilisation d'éléments de preuve inadmissibles ne constituent pas nécessairement des motifs d'exclusion. »

[Par. 91, page 361] [...] l'utilisation du subterfuge est un facteur pertinent dans l'analyse globale du caractère volontaire. À ce stade ci, la démarche est similaire à celle applicable à l'égard de la preuve fabriquée [...], quoique, évidemment, l'utilisation d'une preuve inadmissible soit intrinsèquement moins problématique que l'utilisation d'une preuve fabriquée [...]

[Par. 100, page 365] [...] Le simple fait de mettre le suspect en présence d'un élément de preuve qui lui est défavorable, comme les résultats d'un test polygraphique, ne constitue pas un motif d'exclusion [...] Cette constatation vaut même dans le cas d'un élément de preuve inadmissible. [...] En outre, le fait que les policiers exagèrent la fiabilité ou l'importance d'une preuve ne rend pas nécessairement une confession inadmissible. Les déclarations de témoins oculaires ne sont nullement infaillibles [...] Bref, le simple fait de mettre un suspect en présence d'un élément de preuve défavorable - même en exagérant l'exactitude et la fiabilité de cet élément - ne rend pas à lui seul la confession involontaire.

12. Dans Youth Criminal Justice Law , Nicholas Bala examine l'affaire Oickle au chapitre 4, intitulé « Arrest, Police Questioning, and Pre-trial Detention » (arrestation, interrogatoire par la police et détention préalable au procès:

[traduction] La Cour suprême ne dit pas clairement quel genre de conduite de la part de la police est inacceptable, mais l'arrêt Oickle indique que la possibilité d'amener un suspect adulte à faire une déclaration par des moyens psychologiques sans rendre la déclaration inadmissible est considérable [...] La Cour a cependant indiqué que le recours à des ruses par la police pourrait rendre une déclaration inadmissible. Le juge Iacobucci a signalé que la question du recours à la ruse par les policiers avait un rapport avec les préoccupations concernant le « caractère volontaire » d'une déclaration faite à la police, mais qu'elle s'en distinguait, et il a conclu qu'« il peut survenir des situations où, quoique la ruse utilisée par les policiers ne porte pas atteinte au droit au silence ni ne mine le caractère volontaire de la confession comme tel, elle soit si odieuse qu'elle choque la collectivité. »

La conclusion qui se dégage des déclarations faites par le juge Lamer dans l'arrêt RothmanNote de bas de page 83 [qui a fait remarquer que, lorsque les autorités ont affaire à des criminels raffinés, elles doivent parfois recourir à des trucs et d'autres formes de subterfuge] et par le juge Iacobucci dans l'arrêt Oickle est que, lorsque des policiers interrogent des jeunes naïfs et non raffinés qui peuvent facilement être induits en erreur, la tolérance des juges à l'égard de toute forme de ruse ou de subterfuge utilisée par les policiers devrait être moindre que lors de l'interrogatoire d'adultes plus mûrs et plus raffinés. L'immaturité relative et le manque de connaissances de la plupart des adolescents semblent indiquer que les tribunaux devraient examiner plus minutieusement les incitations ou la ruse grâce auxquelles les policiers pourraient avoir obtenu une confession. (Soulignement ajouté)

13. Lorsqu'ils appliquent le critère consistant à déterminer si une technique d'interrogation utilisée par la police « choque la collectivité », les juges évaluent objectivement les actes de la police à l'aide des normes de comportement convenable ou de justice de la collectivité. Ainsi, une déclaration jugée avoir été faite volontairement pourra néanmoins être exclue si, en conséquence de ce qui a été dit ou fait par la police pour l'obtenir, elle jetterait le discrédit sur l'administration de la justiceNote de bas de page 84.

14. Dans l'examen de la technique ReidNote de bas de page 85 qui est un processus d'interrogation destiné à aider l'enquêteur à obtenir une confession, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a déclaré, dans l'affaire R. v. F.(L.) :Note de bas de page 86

[traduction] La technique d'interrogation Reid n'est pas inacceptable en soi. Les policiers doivent se voir accorder la latitude nécessaire pour s'acquitter de leurs responsabilités envers la société. Il ne faut pas permettre que des règles rigides paralysent leurs activités légitimes. L'interrogation de suspects et de témoins d'un crime est un outil d'enquête essentiel, et souvent le plus efficace que possède la police. Toutefois, il faut protéger assidûment les droits à un traitement juste pendant les enquêtes garantis aux accusés par la Charte , y compris, par exemple, le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, et le droit à ce que seules les confessions faites volontairement à la police soient utilisées contre eux, et nombre d'autres droits. La fonction du tribunal consiste à trouver l'équilibre juste et approprié entre ces intérêts concurrents.

15. Dans l'arrêt Regina v. J.T.J., (1991) 59 C.C.C. (3d) 1, la Cour suprême du Canada a statué que l'article 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants contrevenants (maintenant l'article 146 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents)vise à protéger tous les adolescents et qu'il faut en respecter les exigences indépendamment de la mesure dans laquelle un jeune peut paraître futé ou avoir l'expérience du monde. Lorsque ces exigences n'ont pas été respectées, la déclaration est inadmissible. Le juge Cory a déclaré, à la page 25 :

[...] il faut rappeler que l'article (art. 56 de la LJC) vise à protéger tous les adolescents de 17 ans ou moins. Un adolescent est habituellement beaucoup plus facile à impressionner et à influencer par des personnes en situation d'autorité. Peu importe l'attitude de bravade et d'arrogance que peuvent afficher les jeunes, ils n'évalueront vraisemblablement pas leurs garanties juridiques, dans un sens général, ni les conséquences de déclarations verbales faites à des personnes en situation d'autorité; ils n'apprécieront certainement pas la nature de leurs droits dans la même mesure que le feraient la plupart des adultes. Les adolescents peuvent également être plus sensibles à des menaces subtiles provenant de leur entourage et de la présence de personnes en situation d'autorité. Un adolescent peut être plus porté à faire une déclaration, même si elle est fausse, pour plaire à une personne en situation d'autorité. [...]

16. Dans un article intitulé The Admissibility of Young People's Statements Under the Proposed Loi sur les jeunes contrevenants, (2002) 39 Alta. L.Rev. 771-87, Anand and Robb, paragraphe 2, il est dit ceci :

[traduction] [...] des preuves abondantes indiquent en outre que les jeunes ont besoin d'une protection accrue lorsqu'ils sont interrogés par la police. Les recherches actuelles révèlent que les adolescents délinquants sont plus susceptibles de s'inculper (parfois à tort) et de renoncer aux droits que leur garantit l'application régulière de la loi lorsqu'on leur donne le même genre de mises en garde et d'aide qu'à des accusés adultes [...]

17. Le paragraphe 12 du même article se lit comme suit :

[traduction] On oublie parfois que, même avant l'adoption de la LJC, la common law comportait l'idée d'une protection procédurale accrue relativement à l'admissibilité des déclarations de jeunes contrevenants [...] De plus, s'il existe une prétendue renonciation, l'agent doit être en mesure de prouver que l'enfant avait compris la mise en garde « par suite d'une explication soigneuse », et il faut souligner à l'enfant « les conséquences possibles de sa décision de faire la déclaration ».

18. Ledit article (cité au paragraphe 16) faisait également mention de l'affaire R.(A)(Re), [1990] Y. J. no 97 (Youth Court), où la Cour avait souligné la nécessité d'être prudent lorsqu'on a affaire à des jeunes. Après [traduction] « avoir fait référence aux affaires relatives au caractère volontaire et aux jeunes contrevenants, la Cour avait énoncé d'autres raisons pour exiger que la Couronne soit rigoureusement tenue d'établir le caractère volontaire [de leurs déclarations], dont 1) la capacité réduite des jeunes de comprendre leurs droits; 2) la capacité réduite des jeunes de se protéger dans le monde des adultes; 3) la disposition accrue des jeunes à répondre à toutes les questions posées par des personnes en situation d'autorité. »

19. La jurisprudence précitée et les articles en question soulignent le besoin pour les policiers de faire preuve d'une extrême prudence lorsqu'ils interrogent des jeunes, et notamment lorsqu'il s'agit de recourir à des techniques d'entrevue spécialisées.

3.2. ORGANISATION DE L'ENTREVUE ET DE L'INTERROGATOIRE

20. Le 4 octobre 2004, le cpl Dyck a communiqué avec CS pour lui demander s'il consentirait à subir une entrevue. Il s'est par la suite entretenu par téléphone avec C. Il y a des divergences considérables entre le témoignage du caporal et celui de C et de son fils quant à la nature et à la qualité de l'information fournie au cours de ces communications et autrement avant le début de l'enregistrement de l'entrevue. Pour les raisons exposées ci-dessous, en cas de conflit, la Commission a choisi d'accepter le témoignage de C et de CS. Somme toute, la totalité des témoignages a révélé que la méthode utilisée pour persuader CS de se soumettre à l'entrevue avait été trompeuse et insensible. Sachant que le SNE avait un argument très faible et que CS était le seul suspect, le but des enquêteurs était d'obtenir une confession. Ils n'ont pas suffisamment informé CS et sa mère du danger dans lequel CS se trouvait avant son entrevue, le 8 octobre 2004.

21. La crédibilité et la fiabilité sont de la plus haute importance dans cette partie du rapport, en particulier du fait que, comme on l'a dit, les témoignages relatifs aux entretiens entre les enquêteurs et C et CS avant le début de l'entrevue divergent considérablement. À ce double égard, la rédaction de notes ou de rapports par les parties aux entretiens sur la substance des communications préalables à l'entrevue pendant que celles-ci sont encore présentes à leur esprit est fondamentale. La Commission s'est fait dire par le cpl Dyck qu'il n'avait pris absolument aucune note concernant la substance de ses entretiens avec C ni avec CS. Par conséquent, lorsqu'il a été appelé à témoigner, il a essayé de se rappeler des entretiens qui avaient eu lieu près de deux ans auparavant, sans l'aide de notes. Il a admis à plusieurs reprises au cours de son témoignage qu'il ne savait pas ce qu'il avait dit exactement à C ou à CS. De son côté, peu après l'interrogatoire du 8 octobre, C avait rédigé une longue note de ce qui s'était produit et de ce qui avait été dit par les parties. Son témoignage à l'audience concordait avec ses notes et avec sa plainte écrite, et il était compatible avec celles-ci.

22. CS, qui avait 19 ans et détenait un diplôme d'études secondaires au moment de l'audience, a déclaré sous serment qu'il était rentré de l'école lorsqu'il a reçu un appel téléphonique d'un policier militaire qui lui demandait s'il pouvait se rendre à Fox Creek pour répondre à certaines questions au sujet d'un incident survenu au camp Vernon. Il a déclaré : [traduction] « J'ai cru tout d'abord qu'il s'agissait d'une affaire de harcèlement concernant l'un des cadets de mon peloton. »

23. Il a dit qu'aucun autre incident ne lui était venu à l'espritNote de bas de page 87. CS croit avoir demandé au PM s'il pouvait lui dire de quoi il s'agissait, mais celui-ci lui a répondu que non. Il s'est fait dire qu'il pouvait se faire accompagner d'un parent, ce à quoi il a répondu qu'il aimerait que sa mère vienne avec lui, mais qu'il devrait d'abord lui en parler. CS n'a pas pu se rappeler si le PM avait mentionné qu'il pouvait se faire accompagner d'un avocat. Lorsqu'il a parlé à sa mère, il lui a dit penser que le PM voulait le rencontrer au sujet d'une affaire de harcèlement concernant l'un des cadets du campNote de bas de page 88.

24. Le cpl Dyck a témoigné qu'il avait téléphoné à CS chez lui, mais qu'il ne se rappelait pas à quelle date. Il a déclaré :

[traduction] [...] Je pense lui avoir donné (à CS) une date approximative (de l'infraction présumée) dans laquelle il était impliqué, la fin d'août, et lui avoir dit qu'elle était de nature sexuelle, et je lui ai demandé s'il savait à quoi je faisais allusion [...] Donc, comme il a dit oui, qu'il comprenait cela, ou comprenait à quoi je faisais allusion, je m'en suis tenu à ça [...] Je l'ai ensuite informé qu'il allait être interrogé à ce sujet et qu'il serait mis au courant de tous ses droits. Il pouvait se faire accompagner d'un avocat, d'un parent, de sa mère s'il le souhaitait. J'ai mentionné celle-ci expressément parce qu'il avait lui-même mentionné qu'il voulait qu'elle assiste à l'entrevue [...] je lui ai donné mon numéro de téléphoneNote de bas de page 89

25.C a témoigné devant la Commission et déclaré que, le 4 octobre 2004, son fils lui avait téléphoné pendant son heure de déjeuner.

[traduction] Il m'a dit avoir reçu un appel téléphonique de la PM, qui voulait le rencontrer à Fox Creek le mercredi 6 octobre. Je lui ai demandé s'il savait de quoi il s'agissait, et il a répondu que non, mais qu'il se demandait si c'était au sujet du cdt H, le cadet dont il savait qu'il avait été harcelé au camp [...] Il a déclaré qu'il aimerait que j'assiste à la rencontre, et je lui avais dit essentiellement qu'il n'y irait pas sans moiNote de bas de page 90.

26. Le 5 octobre 2004, C a parlé avec un PM, et la date de la rencontre a été reportée au 8 octobre 2004, à 11 h. Elle ne savait pas qui était ce PM. Elle a déclaré sous serment que, le 5 octobre 2004, le PM ne lui a fourni aucune information supplémentaire quant à l'objet de l'entrevue, à part le fait que la PM voulait lui poser certaines questions au sujet du campNote de bas de page 91. L'idée de demander à un avocat d'assister à l'entrevue ne lui est jamais venue à l'espritNote de bas de page 92.

27. Le cpl Dyck a donné le témoignage suivant d'après son souvenir de son entretien téléphonique du 5 octobre 2004 avec C :

[traduction] [...] nous avons examiné quand (son fils) serait libre pour assister à une entrevue. Je lui ai dit, je crois, que c'était au sujet d'un incident de nature sexuelle à propos duquel on enquêtait à son sujet, et que nous aimerions lui parler. Là encore, j'aurais dit qu'il pouvait se faire accompagner de qui il voulait, un adulte, elle-même ou son avocat [...] Pour un incident de nature sexuelle [...], je ne me souviens pas de mes paroles exactes. Je ne pense pas avoir dit carrément qu'il était le suspect, mais j'ai déclaré que l'on faisait enquête à son sujet en rapport avec l'incident et qu'il aurait la possibilité de communiquer avec son avocat, de se faire accompagner par elle ou par quelqu'un d'autre, et que je pourrais leur fournir d'autres détails s'ils voulaient venirNote de bas de page 93.

28. On l'a interrogé plus à fond à ce sujet :

[traduction] Q. : Vous dites que vous avez informé (C) que son fils faisait l'objet d'une enquête relativement à un incident de nature sexuelle? R. : C'est ça [...] Oui. Je ne voulais pas en dire plus parce que [...] cela devrait suffire pour que, s'ils sont qui ils disent, ils comprennent; ils pourront en parler entre eux, on l'espère, mais ils sauront quelle est la situation. Et, lorsqu'ils viendront, je m'assurerai de nouveau de leur exposer tous leurs droits et qu'ils sachent avant que nous commencions, comme je l'ai fait ici... qu'ils sachent de quoi il s'agit exactement avant que nous commencions. Q. : Mais, vous témoignez que (CS) et sa mère savaient tous les deux qu'il y avait une enquête [sur un incident] de nature sexuelle impliquant (CS)? R. : Oui. Q. : Vous êtes certain d'avoir fourni cette information? R. : Dans le cas de CS, parfaitement. Dans le cas de sa mère, je ne me rappelle pas mes paroles exactes, mais c'est exactement ce que je voulais lui faire entendre, et j'espère qu'elle l'a compris. Comme je l'ai dit, je ne sais pas exactement quels termes j'ai employés avec elle. [...] Je ne suis pas absolument certain. Je sais que c'est ce que je voulais lui faire comprendre. Mais, dans son cas à lui, je n'ai aucun doute : ces choses lui ont été ditesNote de bas de page 94.

29. Enfin, on a demandé au cpl Dyck s'il avait noté l'information qu'il avait fournie à CS au téléphone. Il a répondu :

[traduction] Les détails de l'information, j'en doute. Je note généralement les choses comme le moment où j'appelle une personne pour organiser une entrevue, mais je ne note pas exactement tout ce que je disNote de bas de page 95.

30. Lorsqu'il a témoigné à l'audience, le sgt Niclaes a confirmé l'existence de la technique consistant à dire à une personne avec qui on veut s'entretenir que la police souhaite avoir avec elle une « entrevue » plutôt que de procéder à un interrogatoire. On utilise cette terminologie en partie pour éviter d'effrayer la personne, qu'il s'agisse d'un témoin ou d'un accusé. Une fois que les enquêteurs sont en présence de la personne, ils peuvent se concentrer davantage sur l'objet de l'entretienNote de bas de page 96. Pour ce qui est de la convocation de CS à une « entrevue »le sgt Niclaes a déclaré qu'il n'était présent à aucun des moments où le cpl Dyck s'est entretenu au téléphone avec lui. Il n'a pas discuté avec le caporal de la façon dont il devait communiquer avec celui-ci pour organiser une entrevue, et le caporal ne l'a pas informé de la manière dont il avait fait celaNote de bas de page 97.

31. L'adj Bergin a renchéri sur le recours à la technique consistant à ne donner aucun renseignement à la personne qui doit être interrogée quant à la nature réelle de l'« entrevue ». Il a déclaré que, lors de la convocation téléphonique à une entrevue, il n'en disait pas très long au sujet de l'enquête. On lui a demandé si, dans ce genre d'affaire, il avait l'habitude de révéler qu'il s'agissait d'une agression sexuelle survenue au camp des cadets. Il a répondu que non et poursuivi :

[traduction] J'ai pour règle de ne pas faire mention de l'agression sexuelle ni des détails de l'enquête avant que nous soyons dans la salle d'entrevueNote de bas de page 98.

32. Le cpl Dyck a appliqué cette règle lorsqu'il a communiqué avec CS et avec C pour organiser l'entrevue. Je ne peux pas accepter son témoignage, fondé uniquement sur sa mémoire, selon lequel il aurait informé C et CS qu'il enquêtait sur une affaire de nature sexuelle. L'information insuffisante qu'il leur a fournie les a endormis dans une fausse sécurité, de sorte qu'ils n'ont pas réalisé que CS était en très mauvaise posture, car il allait se voir accusé d'agression sexuelle contre une personne du sexe masculin. En raison de ce défaut d'information quant au but réel de l'entrevue, CS n'a rien fait pour obtenir des conseils juridiques avant celle-ci et, au moment où l'interrogatoire allait débuter, il était trop tard pour qu'un avocat soit présent.

33. De l'avis de la Commission, la tactique consistant à ne fournir que peu d'information à une personne que la police souhaite interroger peut convenir lorsqu'on a affaire à un criminel qui connaît bien le système de justice pénale. Mais elle est contestable lorsqu'il s'agit de traiter avec un étudiant du secondaire âgé de 17 ans et avec sa mère, qui ne savaient rien des motifs de l'entrevue. En n'informant pas clairement CS et sa mère du vrai motif de l'entrevue et des risques que courait le cadet, le cpl Dyck a mis en péril l'admissibilité de toute confession que les enquêteurs pourraient obtenir parce que CS et sa mère ont été incités à croire qu'il s'agissait seulement d'une enquête de routine et que CS n'était pas un suspect. Ils n'ont pas envisagé de solliciter les conseils d'un avocat avant de se rendre au Détachement de Fox Creek, le 8 octobre 2004, ce qu'ils auraient très certainement fait s'ils avaient su que CS était un suspect dans une affaire d'agression sexuelle présumée. On reconnaît que la plupart des enquêteurs policiers ne fournissent que le minimum d'information nécessaire lorsqu'ils organisent une entrevue avec un suspect ou un témoin, mais, ayant adopté cette approche, le cpl Dyck et le sgt Niclaes auraient dû informer C des motifs de l'entrevue de son fils lors de leur arrivée au Détachement de Fox Creek, le 8 octobre 2004.

3.3. CONVERSATIONS PRÉALABLES À L'ENTREVUE AU DÉTACHEMENT DE LA GRC

34.CS a témoigné que, le vendredi 8 octobre 2004, jour de l'entrevue, il était allé à l'école dans la matinée et que sa mère et lui s'étaient ensuite rendus au Détachement de la GRC, à Fox Creek, pour tenir leur rendez-vous avec les enquêteurs du SNE, à 11 h. CS avait revêtu son uniforme de cadet. Sa mère et lui ont été admis au Détachement, puis le cpl Dyck et le sgt Niclaes sont venus s'entretenir un instant avec C. Celle-ci a laissé CS et est allée parler avec le caporal pendant quelques minutes de l'autre côté du bâtiment. CS est resté debout seul et n'a parlé à personne pendant ce temps-là. Il n'a pas pu entendre ce que le cpl Dyck et sa mère disaient. Le cpl Dyck l'a ensuite emmené dans la salle d'entrevue, et sa mère s'est rendue dans la salle d'observation par vidéo avec le sgt NiclaesNote de bas de page 99.

35. CS does not think that cpl Dyck asked him any questions prior to entering the interrogation room, nor does he think that he had any discussion with his mother before heading into the room. He thinks that the Corporal did ask him if he wanted his mother present in the interrogation room and he replied in the negative. This was asked just before they entered the room.Note de bas de page 100

36. Lors de l'audience, C a donné un témoignage qui concordait largement avec celui de son fils. Elle a déclaré que, lorsqu'elle était arrivée au Détachement de la GRC, à Fox Creek, elle avait été accueillie par le commandant, le sgt Topham, qui était là, debout, avec deux messieurs. « Ils nous ont simplement fait entrer. Ils n'ont pas beaucoup parlé, mais ils étaient aimables, et ils nous ont fait passer dans le secteur suivant du Détachement. » Les deux messieurs se sont présentés à C et à CS. Le cpl Dyck a pris C à part; celle-ci a précisé :

[traduction] [...] et il a seulement expliqué qu'ils allaient en premier lieu demander (à mon fils) s'il voudrait que je l'accompagne dans la salle d'entrevue et que, si j'y allais, je ne devrais pas lui souffler de réponses, ni répondre pour lui (CS). Mais, si (CS) disait qu'il ne voulait pas que je sois présente dans la salle d'entrevue, il a alors pointé du doigt une petite salle dans un coin, où, a-t-il dit, ils allaient faire un enregistrement audio et vidéo de l'entrevue, et où je m'assoirais en compagnie du sgt Niclaes.

Il a ensuite parlé pendant quelques minutes d'un avocat, mais c'était... j'ai pensé que c'était très anodin. Je n'ai pas eu l'impression que je devais me dépêcher de trouver un avocat sur-le-champ parce que, à ce moment-là, je ne savais toujours pas pourquoi j'étais là. Je ne pensais donc pas que nous avions besoin d'un avocatNote de bas de page 101.

Deuxièmement, il n'y a pas d'avocats à Fox Creek, de sorte ce n'est pas comme si l'on pouvait simplement courir en ville et en trouver un... Il y a peut-être un avocat à Whitecourt, mais c'est à une heure de route, et il faut s'organiser pour cela. [...] Donc, il a dit que, si nous voulions avoir un avocat, c'était possible, mais que cela ralentirait les choses. L'enquête se poursuivrait avec ou sans avocat. Donc, j'avais pour ainsi dire l'impression que ce n'était pas vraiment nécessaire à ce moment-là, et je ne voulais pas ralentir les choses. Si nous étions là pour parler du cdt H et de cette affaire de harcèlement, faisons-le tout simplement et finissons-en .Note de bas de page 102.

Toute cette conversation n'a pas été très longue. Je veux dire, c'était surtout le cpl Dyck qui me donnait des instructions [...] Puis, nous étions encore là et ça a été tout. Ensuite, il a simplement fait signe à (CS) et au sgt Niclaes. Ils se sont donc approchés sur ma gauche et, comme ils me dépassaient, (CS) m'a arrêtée et m'a demandé à voix basse si je savais pourquoi nous étions là, parce qu'il supposait que c'était ce que le cpl Dyck m'avait expliqué. Je lui ai dit : « Non, je ne sais pas pourquoi nous sommes ici », ce à quoi il a répondu « OK »Note de bas de page 103.

Donc, je crois comprendre que le cpl Dyck ne vous a pas exposé le but, le sujet de l'entrevue? R. : Non. Q. : Lui avez-vous demandé expressément quel était le sujet de l'entrevue? R. : Non. Q. : Au cours de votre entretien avec le cpl Dyck au sujet d'un avocat, lui avez-vous demandé pourquoi vous auriez besoin d'un avocat ou pourquoi [votre fils] aurait besoin d'un avocat? R. : Non... je ne croyais pas en avoir besoin, parce que je pensais à ce dont il s'agissait dans l'esprit de (CS) et à ce que j'avais été amenée à croire d'après la supposition (de CS) [...]Note de bas de page 104.

37. Le cpl Dyck a témoigné avoir rencontré C et CS à leur arrivée au Détachement, quoique son témoignage ait varié à de nombreux égards. Il a déclaré avoir pris C à part pour lui expliquer en privé ce qui se passerait parce que [traduction] « [...] je voulais la tenir au courant afin qu'elle ne soit pas étonnée de ce qui allait arriver à son fils [...]Note de bas de page 105. » On lui a demandé pourquoi il n'avait pas exposé à CS ses droits en présence de C. Il a répondu : [traduction] « Je parlais à son fils en tant qu'accusé disposé à être interrogé, et je m'assurais qu'il savait toutNote de bas de page 106. » Le cpl Dyck ne voulait pas que l'un interrompe l'autre; il ne voulait pas de confusion ni de discussion entre eux, et il ne voulait pas qu'ils s'influencent mutuellement. L'avocat lui ayant fait remarquer qu'il avait utilisé le terme « accusé » pour désigner CS, il a avisé la Commission qu'il avait mal employé ce terme.

[traduction] Il était le sujet de l'enquête. [...] Q. : Il était le principal suspect. [...] Le seul? R. : À ce moment-là, oui. Q. : Il n'y en avait pas d'autre? R. : Non, pas à ce moment-làNote de bas de page 107.

38. Il se rappelle avoir dit à C que l'enquête avait trait à une agression sexuelle.

[traduction] [...] nous allions le mener dans l'autre salle, lui faire lecture de ses droits, lui offrir la possibilité d'avoir à ses côtés un avocat, elle-même ou un autre adulte de son choix, que je lui donnerais la possibilité d'être présente dans la salle s'il le souhaitait [...] Elle a indiqué que c'était parfait. J'ai dit essentiellement la même chose (à CS)Note de bas de page 108.

[...] Tandis que nous retournions vers la [...] salle d'entrevue, je lui ai dit (à CS) que nous allions l'interroger au sujet des allégations d'agression sexuelle. (Cela se passait dans le corridor) [...] je ne voulais pas qu'il soit surpris en entrant parce que, s'il allait me dire qu'il avait changé d'avis, je préférais que ce soit avant que je lui donne lecture de ses droits [...] et y mettre fin à ce moment-là. Je préférais que cela ait lieu dès le débutNote de bas de page 109.

39. On a demandé au cpl Dyck ce qu'il aurait fait si, tandis qu'ils étaient dans le corridor, CS avait refusé d'être interrogé. Le caporal a répondu qu'il aurait demandé à CS d'exprimer son refus sur une bande sonore et que cela se serait terminé làNote de bas de page 110. On l'a par ailleurs pressé de préciser ce qu'il avait dit à CS dans le corridor avant l'entrevue, ce à quoi il a répondu qu'il s'agissait :

[traduction] d'une agression sexuelle ou de nature sexuelle, et je lui ai dit que je lui donnerais lecture de tous ses droits, que nous allions examiner tous les points et que je répondrais à toutes ses questions. Je lui ai ensuite dit que je lui exposerais ses droits une fois que nous serions dans la salle, et que sa mère, un autre parent ou un avocat pourraient être présents. Je voulais simplement savoir ce qu'il voulait faire avant que nous entrions dans la salleNote de bas de page 111.

40. cours de l'audience, on a demandé au cpl Dyck :

[traduction] Avez-vous eu à quelque moment que ce soit l'impression que (C) ne comprenait pas le sujet ou le motif de l'entrevue? Avez-vous eu à un moment donné le sentiment qu'elle était perplexe à propos de quelque chose? Le caporal a répondu : « Je pense qu'elle se posait des questions lorsqu'elle est arrivée au poste de la GRC, et c'est alors que je le lui ai expliqué plus complètement. Je ne sais pas si elle avait compris ce qui avait été discuté auparavant, mais c'est à ce moment-là que je lui ai donné un peu plus d'information, à savoir qu'il s'agissait d'une agression sexuelle. Je me suis assuré qu'elle l'avait compris. Je pense qu'avant cela, elle était peut-être perplexeNote de bas de page 112 ».

41. Le cpl Dyck a convenu que ni lui ni le sgt Niclaes n'avaient noté ce qu'il avait dit à C ou à CS à quelque moment que ce soitNote de bas de page 113.

42. En ce qui concerne l'assertion de C selon laquelle le cpl Dyck lui avait dit que l'intervention d'un avocat ralentirait le processus, il a déclaré sous serment :

[traduction] Je n'ai pas abordé la question de savoir si c'était une bonne idée ou non. Je l'ai informée (avant l'entrevue) que c'était une option (la présence d'un avocat). Je les ai informés tous les deux. [...] Je ne crois pas avoir vraiment dit que cela (l'obtention d'un avocat) ralentirait (l'enquête). Ce que j'ai dit, je crois, c'était que l'enquête se poursuivrait qu'ils aient un avocat ou non.

43.On lui a ensuite demandé :

[traduction] Avez-vous discuté de quelque manière si le fait d'avoir un avocat aurait pour effet de ralentir l'interrogatoire, ou quelque chose du genre? R. : NonNote de bas de page 114.

44. Au cours de l'audience, on a interrogé le sgt Niclaes au sujet des conversations qui avaient eu lieu avant que CS soit mené dans la salle d'entrevue. On lui a demandé s'il se rappelait quoi que ce soit qui aurait été dit par le cpl Dyck à C et à son fils, ce à quoi il a répondu :

[traduction] Non. [...] Je suis resté à proximité de Drake, simplement parce que nous sommes partenaires. [...] Q. : Le cpl Dyck a-t-il expliqué, en votre présence, le but de la rencontre à C ou à CS? R. : Je suis certain que oui. [...] Je suis certain qu'il a expliqué le processus de l'entrevue. Mot pour mot, je ne peux... Q. : Y a-t-il eu quelque discussion devant vous au sujet de la nature du crime qui était à l'origine de l'entrevue? R. : Non. Je dis non seulement en raison de ce qui s'est produit plus tard dans la salle d'observationNote de bas de page 115.

45. Le sgt Niclaes faisait allusion au « choc » ressenti par C, dont il a déclaré avoir été témoin, lorsqu'elle a entendu les mots « agression sexuelle » pendant qu'elle était avec lui dans la salle d'observation. Selon le sgt Niclaes, il était clair qu'elle entendait cela pour la première foisNote de bas de page 116. Cela semble démentir le témoignage du cpl Dyck selon lequel il avait fourni une explication complète à C et à CS.

46. Lors de l'audience, on a interrogé l'adj Bergin au sujet de la prise de notes au SNE, en insistant sur ses habitudes ou ses instructions concernant la prise de notes, par les enquêteurs, sur les « conversations non enregistrées » entre eux, ou entre eux et un témoin, par exemple les conversations dans un couloir. Chose surprenante, l'adjudant a déclaré qu'il n'existe pas d'instructions particulières et ajouté que [traduction] « les enquêteurs savent très bien que, si quelque chose a un rapport avec l'affaire, ils doivent s'assurer de le noter, ou quelque chose du genre. »

47. On lui a demandé si, dans ce cas particulier, il se serait attendu à ce que les deux enquêteurs notent les conversations qu'ils avaient eues dans le couloir avec C, par exemple. Il a répondu :

[traduction] Si c'est pertinent... À vrai dire, cela ne m'étonnerait pas d'une manière ou de l'autre. Personnellement, j'ai fait la même chose que le cpl Dyck dans mes propres enquêtes. Je ne me rappelle pas avoir consigné ces faits dans mon carnet.

48. On a alors demandé à l'adjudant si, selon lui, il était acceptable qu'il n'ait pas noté cette conversation, ce à quoi il a répondu : « c'est juste. » Il a concédé qu'il semble raisonnable de s'attendre à ce que des notes aient été prises concernant les remarques faites aux enquêteurs pendant les périodes où l'entrevue était interrompueNote de bas de page 117.

49. Je conclus que les conversations tenues dans le couloir avant que CS ne soit mené dans la salle d'entrevue, au Détachement de la GRC, étaient très importantes. Nous avons mentionné plus haut que, lorsqu'il existe une divergence entre la version de la plaignante et celle des enquêteurs du SNE, je considère le témoignage et le souvenir de la plaignante et de son fils comme étant plus exacts. En conséquence, je conclus que C et CS n'étaient pas au courant du motif de l'entrevue de CS avant que le cpl Dyck annonce, dans le cadre de l'entrevue enregistrée le 8 octobre 2004, que l'enquête avait trait à une agression sexuelle. Cette conclusion est en outre étayée par le témoignage relatif aux événements qui se sont produits dans la salle d'entrevue et par la surprise et le choc qu'ont manifestés C et CS lorsqu'ils ont finalement été mis au courant de la nature et du but de l'entrevue ainsi que de la gravité de l'accusation qui était portée contre CS. L'entrevue du 8 octobre, au cours de laquelle il était clair que CS pensait d'abord que l'allégation d'agression sexuelle avait trait à une cadette, et non pas à un cadet, l'a prouvé de surcroîtNote de bas de page 118. L'opinion de CS à cet égard a été confirmée dans son témoignage lors de l'audienceNote de bas de page 119 De plus, la remarque du cpl Dyck à CS, au début de l'entrevue, à savoir : [traduction] « Je vais te dire exactement ce qui se passe ici. Je ne sais pas ce que tu sais vraiment de la raison de ta présence ici [...]Note de bas de page 120. », impliquait également que le motif de l'entrevue n'avait pas été expliqué auparavant.

50. Les enquêteurs n'ont pas jugé particulièrement important de consigner ces communications « de couloir » avec précision, comme en témoigne leur manque de notes sur les discussions. Si la Couronne avait approuvé les accusations et que l'affaire ait fait l'objet d'un procès, les enquêteurs auraient réalisé de façon on ne peut plus claire, en cas de voir-dire sur la question du caractère volontaire relativement à l'admissibilité de l'interrogatoire enregistré, le besoin de noter complètement et exactement toutes les communications préalables à la déclaration qui avaient eu lieu avec le jeune et sa mère. En outre, je conclus que les enquêteurs auraient dû, à tout le moins, informer C et CS du motif de l'entrevue dès leur arrivée au Détachement de Fox Creek, le 8 octobre 2004. Comme ils ne l'ont pas fait, C et CS n'ont pas pu décider en toute connaissance de cause s'ils souhaitaient consulter un avocat avant que l'entrevue ne débute.

3.4 EXAGÉRATION DES ÉLÉMENTS DE PREUVE

51. La Commission a étudié, à la lumière des citations de droit reproduites à la section 3.1, les éléments de preuve selon lesquels le cpl Dyck avait informé CS, au cours de l'entrevue du 8 octobre 2004, que plusieurs témoins l'avaient désigné comme suspect. De plus, on a laissé entendre à CS que la police avait effectué une enquête approfondie et exclu tous les autres suspects. CS n'était pas au courant des faiblesses de la preuve fondée sur l'identification visuelle, non plus que du fait qu'il n'existait aucune preuve médico-légale ni espoir d'en obtenir. Au contraire, le cpl Dyck a laissé entendre que l'on recherchait des preuves à caractère génétique et autres éléments de preuve semblables. Comme on le verra, ce ne sont là que quelques exemples des techniques employées au cours de l'entrevue et de l'interrogatoire qui seront examinées plus en détail ci-après.

52. Lors de l'audience, on a interrogé le cpl Dyck au sujet d'une question qu'il avait posée à CS au cours de son entrevueNote de bas de page 121.

[traduction] Mais je veux vraiment savoir ce qui s'est passé ici, pour obtenir tous les faits, parce que, d'après les autres renseignements que nous avons, il ne fait aucun doute que tu étais dans la pièce et que tu as touché cette personne – cet autre cadet.

53. On lui a en outre demandé quels autres renseignements il détenait en plus de la déclaration du cdt B. Il a répondu :

[traduction] Nous avions le fait que (le cdt B) l'avait identifié [...] C'était notre principal atout. Pour le reste, je voulais tous les faits, parce que l'autre information (le cdt B), nous l'avions, et rien n'indiquait quoi que ce soit qui permette de penser différemment. Q. : Ne donniez-vous pas à entendre (à CS) que vous aviez d'autres renseignements en plus de la déclaration du plaignant? R. : Cela était probablement implicite, mais ça n'a jamais été dit. Je ne lui ai pas dit que nous avions d'autres... Q. : C'était quelque chose de sous-entendu, mais ce n'était pas vrai? R. : Il y avait d'autres renseignements. La déclaration était l'autre information. S'il veut sous-entendre, croire plus que cela lui-même... Q. : Vous étiez satisfait de cela? R. : CertainementNote de bas de page 122.

54. On a interrogé le cpl Dyck au sujet de sa remarque à CS, aux pages 43 et 44 de la transcription de la déclaration, à savoir [traduction] « [...] j'ai entendu toute une série de choses [...] » Plus loin, à la page 46, le cpl Dyck dit encore à CS : [traduction] « Compte tenu de tous les autres éléments de preuve et déclarations, il n'y a pas de raison pour que je croie que tu ne l'as pas faitNote de bas de page 123. »

55. Le caporal a convenu que les seuls éléments de preuve dont il disposait – aussi contestables qu'ils pussent être – étaient le fait que CS avait été désigné par le cdt B pendant la répétition de la fanfare, et l'emplacement de son lit dans la caserne par rapport à ce qui avait été décrit. Il a admis dans son témoignage qu'il faisait délibérément des allusions générales et vagues selon la technique consistant à amener un suspect à penser qu'il existe plus d'éléments de preuve contre lui afin d'obtenir une confession. Il a convenu qu'il avait peut-être mal formulé cette remarque à CS, qu'il avait alors employé le mot « déclarations » dans un contexte inexact et que, ici encore, il avait peut-être exagéré les éléments de preuveNote de bas de page 124

56. On a ensuite interrogé le cpl Dyck au sujet de ce qui avait été dit à CS à la page 49, ligne 23 de la transcription de l'entrevue, à savoir : [traduction] « Et nous avons recueilli les déclarations d'un certain nombre de personnes, et ce que nous avons découvert, c'est que tu as été vu en personne – tu as été identifié. » Il a admis qu'une seule personne, soit le cdt B, avait reconnu visuellement CS comme l'agresseur, mais, en même temps, cela ne le dérangeait pas de donner à CS l'impression que d'autres personnes l'avaient identifié. Il s'est déclaré en désaccord avec l'expression « exagérer la preuve », mais il a convenu qu'il avait [traduction] « laissé entendre que l'on a[vait] des possibilités et plus [d'information] que ce dont il [était] au courantNote de bas de page 125. »

57. Au cours du contre-interrogatoire, on a interrogé le cpl Dyck au sujet des questions posées à CS de façon répétée, ce à quoi il a répondu qu'il cherchait les contradictions dans les réponses de ce dernier. Il croyait que, s'il n'interrogeait pas CS de cette manière, il n'accomplirait pas bien son travail. [traduction] « Je ne pense pas que l'on peut poser une question à une personne une fois et accepter la première réponse telle quelle, sans autre corroborationNote de bas de page 126. » On a alors avancé ceci :

[traduction] Q. : Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, dans l'exercice de vos fonctions policières, lorsque vous interrogez des gens, vous les induisez aussi parfois en erreur? R. : Oui. Q. : Vous mentez aussi parfois? R. : Oui. Q. : Et tout cela est acceptable? R. : Oui. R. : Et l'on vous a enseigné tous ces choses? R. : Oui. Q. : Et elles ont toutes été acceptées et approuvées par vos superviseurs? R. : OuiNote de bas de page 127.

58. Pour sa part, le sgt Niclaes a témoigné devant la Commission qu'il savait que le cpl Dyck était au courant des neuf étapes d'entrevue de la méthode Reid, de sorte qu'il [Niclaes] [traduction] « [...] ne voulait pas mettre en question sa connaissance de cette méthode [...] et [...] n'avait pas examiné sa stratégie. » Il s'était simplement assuré que le cpl Dyck était prêt pour l'entrevueNote de bas de page 128.

59. Le sergent a en outre fait mention d'une autre technique utilisée par les enquêteurs du SNE, soit employer des termes vagues grâce auxquels le suspect pourrait croire à l'existence d'éléments de preuve plus nombreux qu'en réalité. Il a déclaré considérer cela comme une technique appropriéeNote de bas de page 129. Dans le même esprit, le sgt Niclaes a déclaré que les enquêteurs du SNE utilisent une technique consistant à affirmer à la personne interrogée/soupçonnée qu'ils savent qu'elle a commis le crime; ils emploient cette technique surtout lorsqu'ils passent de l'entrevue à l'interrogatoire. Il a ajouté :

[traduction] Nous commencerions probablement notre interrogatoire lorsque je dirais [au suspect] que je ne doute absolument pas qu'il a commis l'infraction. Notre processus d'interrogation changerait à ce moment-là et nous utiliserions des techniques pour cela.

60. On aurait également recours à ce procédé dans les cas où la formule de l'entrevue, par opposition à l'interrogatoire, serait inefficaceNote de bas de page 130.

61. Lors de l'audience, on a interrogé le sergent au sujet de la technique consistant à faire mention des empreintes génétiques pendant une entrevue avec un suspect. Il a signalé ceci :

[traduction] Les empreintes génétiques. Nous aborderions certainement la personne pour envahir son espace en lui disant, vous savez, « ça va, je sais que tu l'as fait, je comprends, mais dis-moi pourquoi. Je n'ai pas besoin de savoir comment, cela, nous le savons, mais dis-moi pourquoi tu l'as fait. » Ce sont donc là des techniques pour le sonder.

62. Il a ajouté que toutes ces techniques lui ont été inculquées par la formation qu'il a reçue, par les cours qu'il a suivis et par l'expérience. C'est la pratique policière normale, selon le sgt NiclaesNote de bas de page 131.

3.5 CONCLUSION CONCERNANT LES TECHNIQUES D'ENTREVUE

63. Pour conclure, en me fondant sur la jurisprudence pertinente et les ouvrages cités à la section 3.1, je suis d'avis que, si le recours à des techniques de ce genre peut avoir sa place dans certains interrogatoires, les tactiques consistant à exagérer les éléments de preuve, à ne pas fournir trop d'information au sujet de l'enquête et à faire allusion aux preuves à caractère génétique, que le cpl Dyck avait choisi d'utiliser au cours de son entrevue avec CS, avec l'appui du sgt Niclaes, étaient peu judicieuses et inappropriées dans les circonstances en raison du manque d'éléments de preuve (plus particulièrement les faiblesses relatives à l'identification par témoin oculaire, les descriptions contradictoires faites de l'agresseur, et le manque global d'éléments de preuve). C'est la totalité des circonstances de cette affaire qui rend inapproprié le recours à ces techniques. Par conséquent, si ce recours n'est pas incorrect en soi, à mon avis, l'application de ces techniques dans cette affaire va à l'encontre du concept même de justice, et elle était inopportune à l'endroit d'un jeune de 17 ans qui n'avait aucune expérience antérieure du système de justice pénaleNote de bas de page 132.

4. DROITS ET MISES EN GARDE

64. Les tribunaux canadiens ont souligné à quel point il importe qu'un jeune qui est sur le point d'être interrogé par les autorités soit informé clairement de ce qu'il risque s'il décide de faire une déclaration. À titre d'exemple, dans l'arrêt Regina c. T.(E), (1994) 86 C.C.C. (3d) 289, à la page 299, le juge Sopinka a déclaré :

Le droit de l'accusé de connaître l'ampleur du risque qu'il court dans le contexte du droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) a été analysé par notre Cour dans l'arrêt R. c. Smith, (1991) 63 C.C.C. 3d 313 [...] Dans cette affaire, la police avait omis d'aviser l'accusé que la personne sur laquelle il avait fait feu était décédée. Le juge McLachlin résume ainsi [...] le droit applicable dans ce domaine, à la page 322 : [...] Nous sommes d'avis que la compréhension par l'accusé de sa situation est pertinente pour déterminer s'il a fait une renonciation valide et éclairée[...] [Cette position] est illustrée par trois concepts connexes : 1) l'invalidité d'un avertissement relatif au droit à l'assistance d'un avocat tenant au manque de renseignements; 2) l'idée qu'une personne a le droit de connaître « l'ampleur du risque qu'elle court »; et 3) le concept de la « connaissance des conséquences » élaboré dans le contexte de la renonciation [...] [L'accusé] possédait donc suffisamment de renseignements pour décider validement s'il devait ou non exercer son droit à l'assistance d'un avocat.

65. Dans l'affaire Regina c. M. (S) et al, (1996) 106 C.C.C. (3d) 289, (Ont. C.A.), le juge d'appel Brooke, citant les affaires d'E.T. et de Smith, a déclaré :

[traduction] À mon avis, en raison des exigences de la Charte et des articles 3 et 56 de la LJC, la compréhension par la jeune personne du risque pouvant découler de ses actes est une condition essentielle d'une renonciation valide et volontaire pour déterminer l'admissibilité de déclarations faites par une jeune personne à des personnes en situation d'autorité [...] Je ne pense pas non plus que l'on devrait prescrire généralement une formule pour assurer la conformité à l'art. 56 (maintenant l'art. 146 de la LSJPA). Chaque affaire dépend plutôt des circonstances qui lui sont propres et, comme le juge Sopinka, citant le juge McLachlin, l'a dit, le facteur important est non pas ce que la personne en situation d'autorité dit au jeune contrevenant, mais la conscience qu'a celui-ci des conséquences de son acte [...] Ce qui est nécessaire dépendra de toutes les circonstances, dont l'âge du jeune contrevenant, son niveau de compréhension et son degré de connaissances. [...] Je suis d'avis que la juge de première instance s'était assurée de la justice de la conduite de la police, ce qu'elle a montré en partie en citant le jugement rendu par le juge en chef dans l'arrêt R. c. D.A.Z. (1992), 76 C.C.C. (3d) 97.

De plus, il a été dit que la jeune personne doit être avisée qu'elle peut consulter un avocat et un parent et a le droit d'avoir une possibilité raisonnable de le faire, et qu'elle peut avoir l'assistance d'un avocat, ainsi que d'un parent ou non, lorsqu'elle fait la déclaration. Regina c. C.M.D. (1996) 113 C.C.C. 3d 56 (B.C.C.A.) (Soulignement ajouté)

66. CS a témoigné que le cpl Dyck l'avait amené dans la salle d'entrevue. La seule chose que celui-ci lui a dite avant le début de l'entrevue a été de lui demander s'il voulait enlever la tunique de son uniforme de cadet. Le caporal a par ailleurs informé CS que la porte n'était pas verrouillée et qu'il pourrait s'en aller n'importe quand. Il pourrait interrompre l'entrevue n'importe quand, et CS pourrait tout simplement se lever et partir. Il a dit cela plus d'une foisNote de bas de page 133. Lors de l'audience, on a interrogé CS au sujet de la période préalable à la mise en marche de la bande : [traduction] « [...] A-t-il été question, ou vous a-t-on demandé de quelque manière si vous aimeriez avoir l'assistance d'un avocat? » Sa réponse a été : « Je pense que non. » CS n'a pas demandé pourquoi il était là. Il a déclaré : [traduction] « Non, j'ai simplement attendu que l'entrevue débute. [...] Je me sentais seulement détendu. Je n'étais pas très certain de ce qui se passait. Je pensais qu'il s'agissait encore de l'affaire de harcèlement au campNote de bas de page 134. » CS a déclaré ce qui suit au sujet de ce qui s'est passé après que le caporal eut fait ses remarques préliminaires, qui sont enregistrées sur la bande vidéo :

[traduction] Il m'a alors dit pourquoi j'étais là [...] Il m'a dit que j'étais un suspect dans une affaire d'agression sexuelle et qu'il allait me donner lecture de mes droits. Q. : À ce moment-là, à quoi pensiez-vous? R. : Secoué de nouveau [...] J'y pensais (la plainte du cdt B), mais pas au point où je savais que c'était à cela qu'il faisait allusion [...] Ça m'était resté à l'esprit parce que quelque chose de semblable était arrivé au camp, mais je ne connaissais aucun des détails, de sorte que je n'étais pas certain s'il s'agissait de la même chose ou nonNote de bas de page 135.

67. CS faisait allusion à la conversation qu'il avait eue au camp avec le capt Thoms et à l'occasion de laquelle il avait nié toute implication dans l'infraction présumée. CS a convenu que le caporal l'avait informé de ses droits et qu'il avait compris ce que l'enquêteur lui disait :

[traduction] R. : J'avais compris [...] Q. : Lorsqu'il (le cpl Dyck) vous a dit au début de l'entrevue que vous étiez un suspect dans un incident d'agression sexuelle, avez-vous souhaité interrompre l'entrevue à ce moment-là? R. : Non, parce que j'étais un suspect et que ce n'était pas comme si j'étais accusé, mais ça aurait pu être deux autres personnes, et [...] ils essayaient simplement d'éliminer quelqu'un [...] Donc, à ce moment-là, je ne voulais pas interrompre l'entrevue parce qu'il allait seulement me poser des questionsNote de bas de page 136.

68. Jusque là, il ne pensait pas être le seul suspect. C'est à ce stade de l'entrevue que CS a commencé à s'inquiéter. Il a déclaré qu'il [traduction] « [...] n'était pas aussi détendu qu'avant. Je me crispais et j'essayais seulement de penser à quelque chose qui pourrait aider l'enquêteNote de bas de page 137. »

69. De plus, on remarque que, au début de l'entrevue, à la page 2 de la transcription de celle-ci, le cpl Dyck a fait mention des dispositions de la Charte des droits et de la common law touchant l'admissibilité des déclarations de la manière suivante : [traduction] « Je vais commencer par les formalités d'usage. » Le mépris pour les droits et l'application régulière de la loi manifesté dans ces paroles a clairement coloré toute l'affaire.

70. Un peu plus tard au cours de l'entrevue, le caporal a employé une autre expression malencontreuse : [traduction] « Maintenant, je vais te lire une ou deux choses pour voir si tu comprends tout », ce qui pourrait bien être interprété comme une tentative de minimiser l'importance des droits garantis par la Charte et de la mise en garde.

71. Il est également regrettable que la mise en garde supplémentaire prescrite par les Consignes et procédures techniques de la police militaire,Note de bas de page 138, chapitre 7, annexe E, appendice 6, paragraphe 4, n'ait pas été donnée à CS parce qu'il avait déjà été interrogé par une personne en situation d'autorité concernant l'infraction présumée lorsqu'il était au camp des cadets.

72. Cependant, le cpl Dyck a ensuite exposé correctement à CS son droit de consulter un avocat, mais, comme mentionné plus haut, il était un peu tard pour qu'il puisse l'exercer, car, au début de l'entrevue, il ne connaissait manifestement pas l'ampleur du risque qu'il courait, et l'avocat le plus proche se trouvait peut-être à une heure de route de là.

73. C a témoigné dans le détail au sujet des événements qui se sont déroulés dans la salle d'entrevue après que le matériel d'enregistrement vidéo a été mis en marche. Elle a déclaré :

[traduction] À mesure que nous avancions dans cette affaire, elle apparaissait davantage comme un mystère presque... je commençais à me demander quand vais-je savoir pourquoi nous sommes ici? [...] Mais je ne sais pas encore vraiment pourquoi je suis ici. Donc, je commençais à devenir plus inquiète que lorsque j'étais arrivée. [...] Lui m'apparaissait encore assez détendu sur la bande vidéo [...] (Mon fils) n'est pas bavard. [...] Je ne m'attendais pas à ce qu'il parle beaucoup. Il répondait aux questions directes. [...] À mon avis, il était coopératif et il écoutait. Je pense qu'il écoutait, mais je ne suis pas sûre qu'il comprenaitNote de bas de page 139

[...] Lorsqu'il (Dyck) lisait ce qui, je le sais maintenant, sont ses droits, je n'ai pas compris qu'il s'agissait de cela. S'il avait dit : « Maintenant, CS, je vais te donner lecture de tes droits », j'aurais su ce que cela voulait dire, et cela aurait probablement été aussitôt la fin des interventions pour la journée. Mais je ne l'ai pas compris... j'ai seulement pensé qu'il s'agissait d'une formalité qu'ils devaient remplir avant de poser toutes ces questions (à mon fils). [...]

J'étais assise et je pensais : « Qu'est-ce qui se passe là? » Mais je n'étais pas trop inquiète parce que, je le répète, je ne savais pas tout à fait de quoi nous allions parler. Mais, dès l'instant où il a prononcé les mots « agression sexuelle », cela a changé le ton de toute l'affaire. Je comprenais évidemment cela, et ça m'a immédiatement mise en éveil. Je veux dire, j'ai saisi ça très vite. Je ne comprenais toujours pas qu'on était en train de l'informer de ses droits. Même après que j'ai entendu pourquoi nous étions là, je n'ai pas fait le lien. Cela s'est produit probablement bien plus tard, parce que je devais en quelque sorte digérer cela. [...]

(Mon fils) n'a jamais eu affaire à la justice. Je n'ai eu affaire à la justice avec [texte rédigée] de mes enfants. Pour moi, tout cela était complètement étranger; [...] je ne comprenais pas de quoi nous allions parler. J'ai seulement compris le terme « agression sexuelle ». Lorsque j'ai entendu cela, j'ai su qu'il ne s'agissait pas du harcèlement du cdt H. Ça n'avait rien à voir avec cela. À ce moment-là, je me suis demandé pourquoi je n'avais pas su cela avant. Je ne me serais certainement pas présentée là seule, ou pas (mon fils) et moi seuls. Dans un cas comme celui-là, on veut certainement être accompagné d'un avocat, je penseNote de bas de page 140

Q. : À quel moment avez-vous compris qu'il était là comme suspect? R. : Quand le cpl Dyck a dit que... quand il a employé ces mots : « Tu es un suspect dans l'agression sexuelle qui a été commise au camp Vernon », ou quelque chose du genre. [...] Je veux dire, sa façon de s'exprimer indiquait clairement que (mon fils) était celui qu'ils soupçonnaient d'avoir fait celaNote de bas de page 141. (Soulignement ajouté)

74. Les éléments de preuve montrent que le cpl Dyck considérait CS comme un suspect, sinon comme le principal et le seul suspect dans son enquête sur la plainte du cdt B. Il faut absolument se demander si CS savait qu'il était un suspect et quand il a réalisé pour la première fois qu'il l'était. On a interrogé le cpl Dyck à ce sujet au cours de l'audience.

[traduction] Dans mon esprit, (CS) savait cela d'après notre discussion antérieure... Q. : Qu'est-ce qui vous a incité à croire qu'il savait qu'il était un suspect? R. : D'après ma discussion avec lui la veille, et du fait que quelqu'un du camp des cadets lui avait déjà parlé et qu'il avait écrit une déclaration concernant une agression sexuelleNote de bas de page 142.

75.Toutefois, à la lumière de la transcription de l'enregistrement vidéo de l'entrevue de CSNote de bas de page 143, au cours de laquelle le cpl Dyck dit à ce dernier : [traduction] « Je vais te dire exactement ce qui se passe ici. Je ne sais pas exactement combien tu en sais sur la raison de ta présence ici », l'avocat de la Commission a demandé au caporal :

Q. : Pouvez-vous concilier cela avec ce que vous venez de dire au président? Pourquoi vous demandez-vous le 8 octobre dans quelle mesure (CS) connaît la raison de sa présence ici si vous lui avez déjà dit que l'on fait enquête à son sujet concernant un incident de nature sexuelle? R. : Parce que c'est un jeune. Je lui donne toutes les chances de s'assurer qu'il le comprend, non pas que nous en avons parlé une fois au téléphone, mais qu'il est absolument clair qu'il ne pense pas à un autre incident, qu'il s'agit de cet incident. J'essaie de m'assurer qu'il comprend de quel incident il s'agit au cas où il y aurait quelque confusion dans son esprit.

Q. : Quelle confusion pourrait-il y avoir? R. : Personnellement, je ne sais pas s'il s'agit du seul incident dans lequel il pourrait avoir été impliqué. Je ne sais pas s'il a fait cela auparavant ou depuis, mais je veux le ramener à cet incident en particulier. Donc, lorsque j'ai dit au téléphone « un incident », je voulais essayer de le circonscrire un peu plus pour qu'il n'y ait aucun doute quant à l'incident dont il s'agissait.

[...] En fait, l'entrevue lui fournit la possibilité de m'en parler. Il pourrait ne rien savoir s'il est vraiment innocent. Par conséquent, cela paraîtrait pendant l'entrevue, et il serait dérouté. Donc, je ne sais pas dans quelle mesure il est au courant avant que nous ayons tenu l'entrevue. [...] mais, s'il est vraiment innocent, ce que nous disons, c'est que je présume qu'il est coupable, et ce n'est pas ce que je fais. Je suis ici pour l'interroger afin de le déterminer de façon certaine. J'ai un témoin qui dit que c'est lui. Je crois ce témoin. Mais je suis ouvert à la possibilité qu'il existe une autre option qu'il ignore parce qu'il n'était pas impliqué, et j'espère que l'entrevue éclaircira cela d'une manière ou d'une autreNote de bas de page 144.

76. L'avocat de la Commission est revenu à la charge :

Q. : Par conséquent, vous n'êtes pas d'accord avec l'interprétation possible de ce passage, qui expliquerait le fait que, si vous vous demandez le 8 octobre dans quelle mesure il est au courant, c'est parce que vous ne lui avez pas dit auparavant pourquoi il avait été convoqué? R. : Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Je commence souvent une entrevue en disant quelque chose comme « je ne suis pas certain de ce que vous savez, je ne sais pas combien de choses vous vous rappelez. » Lorsque j'interroge des gens, je fais souvent cela, pour les mettre doucement dans la situation pour ainsi dire, afin d'établir officiellement qu'il sait exactement de quoi nous parlons et que nous ne le présumons pas simplement au départ [...] je veux savoir qu'il sait pourquoi nous sommes làNote de bas de page 145.

77. Le sgt Niclaes a également témoigné au sujet du début de l'entrevue avec CS, mais du point de vue de la salle d'observation, où il en suivait le déroulement sur vidéo en compagnie de C. Il a déclaré :

[traduction] Une fois que Drake a informé CS du risque qu'il courait, C a fait une remarque, ou je l'ai entendue, parce qu'elle était derrière moi, exprimer sa commotion et sa surprise à l'égard des allégations que Drake avait mentionnées. [...] Elle avait fait des remarques... elle était secouée et elle avait fait des remarques. Je n'ai pas pris de notes. [...] Je sais qu'elle était secouée et je pense qu'elle est allée interrompre l'entrevueNote de bas de page 146. (Soulignement ajouté)

78. On a présenté au sgt Niclaes le passage de la transcription de l'entrevue de CS, mentionné plus hautNote de bas de page 147, et il a répondu :

[traduction] C'est un risque, oui. Q. : Donc C était surprise? R. : Oui. Elle était secouée, et je ne peux me rappeler les mots qu'elle a employés. [...] Ce qu'elle a pu dire derrière moi, son visage, son expression, je ne sais pas. [...] Je ne prêtais pas attention à cela. Nous lui avions permis de suivre l'entrevue et c'est tout. Q. : D'après vos observations, avez-vous conclu qu'elle réagissait comme une personne qui entendait cela pour la première fois? R. : Oui .
Note de bas de page 148

Vous avez dit au président qu'il était évident, lorsqu'il a été fait mention de l'agression sexuelle, qu'elle ne savait pas que l'entrevue avait été organisée relativement à un incident d'agression sexuelle? R. C'est juste. Q. : Vous êtes certain de cela? R. : Oh oui. Q. : Il n'y a aucun doute dans votre esprit? R. : Non, c'est seulement la façon dont elle a réagi derrière moi. Q. : Et c'était votre impression à ce moment-là? R. : Oui. Q. : Dès qu'elle a réagi, vous avez compris qu'elle n'était pas au courant de la vraie nature de l'entrevue? R. : C'est çaNote de bas de page 149.

Q. : N'est-ce pas une pratique policière que de ne pas révéler trop de choses au sujet d'une enquête afin de ne pas effrayer... R. : C'est une pratique policière de ne pas aller dans un sens plus large lorsque nous voulons interroger quelqu'un, oui. Q. : Donc, en un sens, c'est pourquoi je vous suggérais qu'il n'est pas surprenant qu'elle n'ait pas été au courant de la nature de l'entrevue, étant donné cette pratique à laquelle nous avons fait allusion. R. : C'est juste. Q. : Elle a eu la réaction. Qu'est-ce qui est arrivé? R. : Je pense qu'après, elle a voulu aller parler à son filsNote de bas de page 150. (Soulignement ajouté)

79. C a aussi témoigné longuement au sujet du sentiment qui l'avait poussée à intervenir pendant l'entrevue, en particulier avant le début du véritable interrogatoire. On lui a demandé, comme on l'a vu plus haut, à quel moment elle avait compris que son fils était là en tant que suspect. Elle a répondu :

[traduction] Quand le cpl Dyck a dit que... quand il a employé ces mots : « Tu es un suspect dans l'agression sexuelle qui a été commise au camp Vernon », ou quelque chose du genre. [...] Je veux dire, sa façon de s'exprimer indiquait clairement que (mon fils) était celui qu'ils soupçonnaient d'avoir fait cela. Q. : Avez-vous fait une remarque quelconque au sgt Niclaes à ce moment-là? R. : Non. Non, je ne pense pas. Ça a été quelques minutes après cela - je n'ai vraiment pas beaucoup bavardé avec le sgt Niclaes. Seulement lorsque j'ai voulu demander moi-même (à mon fils) s'il avait commis cette agression sexuelle ou s'il savait quelque chose au sujet de cette agression sexuelle, j'ai demandé au sgt Niclaes, je lui ai simplement dit que je voulais parler (à mon fils). Il était en train d'écrire dans un autre carnet, et je pense qu'il m'a dit qu'il devrait tout arrêter, mais qu'il irait d'abord dire au cpl Dyck que je voulais parler (à mon fils)Note de bas de page 151.

Je n'étais pas en colère. Je pense que j'étais plutôt secouée. [...] Ça a été simplement : « Je veux parler à mon fils », et c'était tout. [...] J'étais assise, mais j'étais au bord de mon siège [...] (Niclaes) [...] a fermé son carnet et descendu le corridor, et je pense qu'il a frappé bruyamment à la porteNote de bas de page 152.

80. C a parlé à son fils dans la salle d'entrevue; il l'a mise au courant de l'entretien qu'il avait eu avec le capt Thoms au camp, et il lui a dit qu'il avait écrit une déclaration pour celui-ci. Poursuivant son témoignage, elle a dit avoir demandé à son fils :

[traduction] « As-tu fait cela? » Il a dit : « Non, jamais. Je n'ai jamais quitté ma caserne. Je ne sais pas de quoi ils parlent. Je n'ai rien eu à voir avec ça. » Il avait un peu les larmes aux yeux à ce moment-là. [...] J'ai dit (dans la salle d'entrevue) « ...eh bien, écoute, ce n'est pas une mince affaire. C'est en fait une chose énorme qui peut te suivre jusqu'à la fin de ta vie, et nous devons être très prudents quant à la façon dont nous allons y faire face. Donc, penses-tu que [...] nous devrions communiquer avec un avocat maintenant, ou que devrions-nous faire, à ton avis? » Nous avons discuté de cela pendant une ou deux minutes. Il a dit qu'il voulait seulement répondre aux questions. Il estimait n'avoir rien à cacher..., il n'estimait pas avoir besoin d'un avocat à ce moment-là. [...] Donc, il allait simplement voir comment ça irait...

À ce moment-là, j'étais plus inquiète de le voir reprendre contenance et de savoir s'il pensait pouvoir poursuivre [...] Je voulais m'assurer personnellement [...] qu'il reconnaissait de quoi il s'agissait et que j'avais besoin de savoir s'il y avait été mêlé. Il a été très direct et m'a dit que non. [...] Il a dit de nouveau : « Je n'ai rien eu à voir avec ça. Je n'en sais absolument rien. Nous allons seulement répondre à quelques autres questions, voir comment ça va, et peut-être que ça se terminera là. » Ça a été tout.

Q. : Étiez-vous rassurée à ce moment-là, ou convaincue qu'il pourrait continuer de se soumettre à l'entrevue? R. : Oui, parce que les vraies questions n'avaient même pas commencé à ce moment-là. Le cpl Dyck venait à peine de lui dire pourquoi il était là. Je pensais donc que (mon fils) pourrait répondre aux questions. Il avait été au camp. Il saurait ce qui s'y était passé et nous verrions. [...] Je n'avais pas l'impression qu'ils allaient lui mettre les menottes et l'emmener cet après-midi-là. Cela m'aurait effrayée à tel point que j'aurais agi différemment. Mais je pensais encore à ce moment-là que nous allions simplement répondre à des questionsNote de bas de page 153.

Q. : [...] à ce stade-là, il était clair pour vous que votre fils était considéré comme un suspect dans l'agression sexuelle? R. : Bien, un suspect, mais le ton a changé par la suite. À ce moment-là, c'était simplement : « Nous avons des questions. » C'était très modéré, à mon sens. Mais, plus tard, après cette intervention, lorsque l'entrevue a recommencé et qu'on est passé de « tu es un suspect » à « nous savons que tu l'as fait ! », ça a changé du tout au toutNote de bas de page 154.

81. Lorsqu'il a repris l'entrevue après la première intervention de C et après avoir obtenu quelques renseignements préliminaires, le cpl Dyck a commencé à interroger CS à propos de son séjour au camp des cadetsNote de bas de page 155. Lorsqu'il aborde le sujet de l'agression sexuelle contre le cdt B, CS lui oppose une série de dénégations catégoriquesNote de bas de page 156. Sans se laisser démonter, le caporal poursuit l'interrogatoire jusqu'à ce que l'on frappe de nouveau à la porte et que C intervienne pour la deuxième foisNote de bas de page 157.

82. C explained why she intervened for the second time when the tone and ligne of questioning changed:

[traduction] Donc, le temps passait, puis le ton a changé, comme je l'ai mentionné. Ce n'était plus « tu es un suspect », ce qui, pour moi, peut vouloir dire, eh bien, il y a peut-être trois autres personnes qui sont des suspects. Je veux dire, à ce stade peu avancé, je ne sais pas combien de personnes sont impliquées dans l'affaire. Je ne sais rien au sujet de la victime, je ne sais rien au sujet du lieu où ça s'est passé, quelque part à la base ou au camp. Mais je n'ai vraiment pas de détails, et (mon fils) a demandé des renseignements à mesure que nous avancions, et on ne lui en a fourni aucun.

Donc, lorsqu'on est passé de « tu es un suspect » à « nous savons que tu l'as fait, et nous avons un témoin qui t'a vu, et nous avons la preuve que c'est toi qui l'as fait », cela a changé toute l'entrevue. J'ai pensé à ce moment-là que nous étions complètement dépassés et que nous avions certainement besoin d'un avocat. Le moment est certainement venu d'avoir un avocat.

J'ai donc dit au sgt Niclaes que je voulais parler de nouveau (à mon fils). Lors de la deuxième intervention, j'ai eu l'impression qu'il réagissait beaucoup plus lentement. C'était peut-être ma propre anxiété, mais il m'a semblé qu'il mettait une éternité à fermer son carnet, poser son stylo, se lever et ranger sa chaise. J'observais tous les moindres détails, je le voyais descendre le corridor, frapper à la porte et parler avec le cpl Dyck. Je ne peux pas entendre ce qu'ils disent là où je me trouve. Puis, il remonte le corridor et me dit qu'il va tout éteindre; il tourne lentement le bouton et une autre choseNote de bas de page 158.

À ce point-là, j'étais debout parce que je ne pouvais plus attendre assise. Donc, j'étais debout. Le cpl Dyck est sorti, et il se tenait debout près d'un comptoir. Je suis allée vers lui en premier et je lui ai dit : « Le ton de l'entrevue a changé, et je suis mécontente parce que nous sommes venus ici librement pour répondre à des questions. Nous ne savions pas pourquoi nous étions ici, mais nous l'avons appris après coup, et vous dites maintenant avoir la preuve que (mon fils) est non plus un suspect, mais le coupable. Mais vous ne nous donnez aucun renseignement, vous ne cessez de répéter cela, donc le ton a absolument changé. Nous allons maintenant engager un avocat. ».

Il (le cpl Dyck) a dit : « (CS) devra dire qu'il veut un avocat. » J'ai répondu : « très bien. » Je suis donc allée dans la salle et (mon fils) était toujours assis sur la même chaise. Je lui ai simplement dit : « Tu sais, (CS), les choses ont changé. L'as-tu remarqué? » Il a dit que oui. J'ai ajouté : « Tu étais d'abord un suspect, mais ils disent maintenant avoir la preuve que tu es le coupable; cela devient sérieux, et je pense vraiment que nous devrions avoir un avocat. Qu'est-ce que tu en penses? » Il a répondu qu'il était d'accord et qu'il vaudrait mieux que nous ayons un avocatNote de bas de page 159.

83. Lorsqu'elle est sortie de la salle d'entrevue après avoir parlé à son fils, C s'est entretenue avec les deux enquêteurs du SNE et les a informés de leur désir d'engager un avocat. Le caporal a répondu qu'il confirmerait cela auprès de CS. C a donné plus de détails sur sa conversation avec le cpl Dyck au cours de sa deuxième intervention.

[traduction] J'ai dit carrément (au cpl Dyck) que le ton avait changé, que l'interrogation avait changé, que le but de notre présence là avait changé, que (CS) était manifestement passé de « suspect » à « coupable » et que, de ce fait, nous avions besoin d'un avocat et que nous étions prêts à aller jusque-là.Note de bas de page 160

84. Le cpl Dyck a ensuite informé C qu'il ferait confirmer par CS sur la bande vidéo son désir de consulter un avocat.

85. Lors de l'audience, le cpl Dyck a témoigné au sujet du motif de la deuxième intervention de C : [traduction] « Elle a dit qu'elle était mécontente de l'entrevue, ou quelque chose du genre, et qu'elle pensait que (son fils) devrait consulter son avocat, ou qu'il voulait son avocat ». On a demandé au caporal pourquoi il n'avait pas mis fin à l'entrevue à ce moment-là, ce à quoi il a répondu qu'il voulait aller dans la salle d'entrevue pour confirmer que c'était bien ce que CS voulaitNote de bas de page 161.

86. IEn conclusion, l'examen des témoignages révèle très clairement que, lorsque CS a été amené dans la salle d'entrevue par le cpl Dyck et que sa mère a été conduite dans la salle d'observation, ni l'un ni l'autre n'étaient au courant du but véritable de l'entrevue ni de la nature véritable de l'allégation et de l'accusation que le caporal allait porter contre CS. Le témoignage de C et celui de son fils concordent tout à fait à cet égard et sont très crédibles. Celui du cpl Dyck, lorsqu'il a essayé d'expliquer la confusion apparente de CS et de sa mère concernant le motif de l'entrevue, était ambigu et clairement improvisé de mémoire sans le secours de notes. Comme on l'a dit précédemment, la tactique ou, euphémiquement, la « technique » employée par le caporal pour amener CS à assister à l'entrevue a eu pour effet juridique de minimiser le risque que le jeune courait durant l'interrogatoire, de lui donner, ainsi qu'à sa mère, un faux sentiment de sécurité, et de les persuader de ne pas consulter un avocat avant de se rendre au Détachement de la GRC. De ce fait, ni C ni CS n'étaient clairement conscients du risque que courait CS avant que l'entrevue ne débute. Le vrai motif de celle-ci aurait dû leur être expliqué clairement, à tout le moins dès leur arrivée au Détachement de Fox Creek, le 8 octobre 2004. Cette conduite a été délibérée et extrêmement peu judicieuse, et l'on pourrait soutenir qu'elle a peut-être eu pour effet de porter atteinte aux droits garantis à CS par la Charte. Elle était en outre susceptible de compromettre l'admissibilité de toute déclaration qui aurait pu être utile à la poursuite.

5. INVOCATION DU DROIT À L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT

87. Le droit canadien concernant les suspects interrogés par les autorités qui déclarent vouloir exercer leur droit de consulter un avocat, est clair depuis vingt ans. Dans l'arrêt Regina c. Manninen, (1987) 34 C.C.C. (3d) 385, (C.S.C.), le juge Lamer a déclaré, aux pages 391 à 393 :

À mon avis, l'al. 10b) impose au moins deux obligations aux policiers, en plus de celle d'informer le détenu de ses droits. D'abord, le policier doit donner au détenu une possibilité raisonnable d'exercer son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. [...] De plus, l'al. 10b) impose aux policiers l'obligation de cesser d'interroger ou de tenter autrement de soutirer des éléments de preuve du détenu tant qu'il ne se sera pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat. [...] Immédiatement après que l'intimé eut clairement affirmé son droit de garder le silence et sa volonté de consulter son avocat, l'agent de police a commencé à l'interroger tout comme si l'intimé n'avait rien dit. [...] S'il est vrai qu'on peut implicitement renoncer aux droits conférés par l'al. 10b), la norme pour ce faire est très exigeante.

88. Dans l'arrêt Regina c. Hebert, (1990) 57 C.C.C. (3d) 1 (C.S.C.), le juge McLachlin a déclaré, à la page 36 :

Le droit à l'assistance d'un avocat garanti dans la Charte signifie que le suspect doit avoir le droit de choisir de parler ou non aux policiers, mais il signifie également que le critère permettant de déterminer si on a contrevenu à ce choix est essentiellement objectif. A t on accordé au suspect le droit à l'assistance d'un avocat? Par extension, y a t il eu une autre conduite policière qui a effectivement privé le suspect du droit de choisir de garder le silence et qui a donc éclipsé l'objet du droit à l'assistance d'un avocat?

89. Le juge McLachlin a poursuivi, à la page 37 :

L'État a le pouvoir de porter atteinte à la liberté physique d'un individu en le détenant. L'individu ne peut s'esquiver. Cette atteinte physique à la liberté psychologique de l'individu peut à son tour permettre à l'État de porter atteinte à cette liberté de l'individu par des méthodes auxquelles il peut recourir grâce à ses ressources et à son pouvoir supérieurs. (Soulignement ajouté)

90. And at page 38:

Le droit de garder le silence conféré par l'art. 7 reflète ces valeurs. Bien qu'assujetti au pouvoir supérieur de l'État au moment de la détention, le suspect conserve le droit de choisir de faire ou non une déclaration aux policiers. À cette fin, la Charte exige que le suspect soit avisé de son droit à l'assistance d'un avocat et qu'il puisse y avoir recours sans délai. Si le suspect choisit de faire une déclaration, il peut le faire. Mais si le suspect choisit de ne pas en faire, l'État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix. (Soulignement ajouté)

91. Il est par ailleurs dit, à la page 39 : (une fois qu'il est établi que le suspect possède un état d'esprit conscient) :

[...] il faut, en vertu de la Charte, se concentrer sur la conduite des autorités vis à vis du suspect. A t on accordé au suspect le droit à l'assistance d'un avocat? La conduite des policiers a t elle effectivement et inéquitablement privé le suspect du droit de choisir de parler ou non aux autorités? (Soulignement ajouté)

92. Enfin, on peut lire, à la page 41 :

Lorsque les policiers font usage d'artifices pour interroger un accusé après que celui ci leur a dit qu'il ne voulait pas leur parler, ils tentent alors d'obtenir de façon irrégulière des renseignements qu'ils ne pouvaient obtenir en respectant le droit constitutionnel du suspect de garder le silence : les droits du suspect sont violés parce qu'il a été privé de son choix.

93. Comme les jeunes possèdent moins de connaissances et de perspicacité que les adultes, ils sont moins susceptibles de comprendre les conséquences d'une déclaration faite à la police. L'article 146 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescentsNote de bas de page 162 régit l'interrogation de jeunes personnes par la police et assujettit la renonciation à leurs droits à des critères très élevés.

94. L'enregistrement vidéo et la transcription de l'entrevue du 8 octobre 2004 ont révélé que le cpl Dyck avait fait mention de la possibilité que CS avait eue de parler à sa mère pendant la deuxième intervention de celle-ci, et qu'il avait ajouté :

[traduction] Je sais qu'elle n'est pas très contente de la façon dont vont les choses. Nous essayons d'obtenir autant d'information que possible ici, dans l'enquête. Je veux maintenant que tu me dises si nous pouvons continuer ceci, si tu voudrais voir un avocat. [...] CS : Je voudrais voir un avocat. Le cpl Dyck : Si tu veux parler à un avocat, tu peux le faire. Je veux simplement que tu saches que nous allons poursuivre notre enquête. Ça va? On ne sait pas encore à quoi elle aboutira. Que tu fournisses une déclaration par l'entremise de ton avocat ou non, cela ne changera pas le fait que l'enquête va continuer jusqu'à ce que nous déterminions s'il vaut la peine de poursuivre ou de porter des accusations. CS : OK, d'accord. Le cpl Dyck : Ça va? Veux-tu ajouter quelque chose? CS : Ouais. Ceci n'est pas juste. Vous m'accusez. Le cpl Dyck : OK. J'essaie de découvrir ce qui se passe. CS : Je vous ai dit tout ce que je saisNote de bas de page 163. (Soulignement ajouté)

95. C a ensuite informé la Commission de ce qui s'était passé après que CS eut dit qu'il voulait voir un avocat, tandis que le cpl Dyck enregistrait sa réponse :

[traduction] J'ai ensuite pensé, OK, ça va s'arrêter là. Mais non. Il s'est assis sur ses talons pour l'après-midi, et même le sgt Niclaes semblait être assez à l'aise. Il s'était rassis, avec son carnet ouvert devant lui, comme s'ils allaient continuer.

J'ai pensé, bon, vous savez, cela m'a prise au dépourvu. Et j'ai pensé, OK, bon, où allons-nous nous ramasser avec cette affaire? Je regarde ça et j'attends, j'attends et j'attends que ça finisse, mais il dit quelque chose et (mon fils) répond, et il dit quelque chose et pose une question, et (mon fils) répond, et ils continuent, et la balle va de l'un à l'autre. C'était comme si, oui, tu m'as confirmé que tu veux un avocat, et après? Je ne vais pas arrêter, je vais simplement continuer de faire ce que je veux faireNote de bas de page 164. (Soulignement ajouté)

96. C a expliqué à la Commission comment elle avait alors mis fin brusquement à l'interrogatoire :

[traduction] Je me suis simplement levée, et j'ai descendu le corridor et ouvert la porte. Comme le montre l'enregistrement vidéo, cette porte était défectueuse. Elle frottait contre son cadre et avait toutes sortes de défauts, et j'ai dû pousser dessus pour l'ouvrir. Le cpl Dyck a probablement pensé que j'allais l'attaquer ou quelque chose du genre, mais j'ai dû pousser dessus pour l'ouvrir, et j'ai simplement dit : « (Mon fils), tu viens avec moi, nous avons fini, nous avons répondu à toutes les questions, c'est tout pour aujourd'hui, allons-nous-en. » (Mon fils) est sorti avec moiNote de bas de page 165.

Le sgt Niclaes était encore assis devant l'écran parce que ça avait été rapide. Une fois que j'ai eu déterminé que ça ne finissait pas, je n'ai pas mis beaucoup de temps à descendre le corridor pour aller chercher mon fils et sortir. Ça n'a probablement même pas pris une minute en tout. Il était donc encore là. Il pensait peut-être que j'étais encore assise là, je ne sais pas. Lorsque je suis entrée là, j'ai dit : « Nous ne vivons pas dans un régime nazi. » Je ne suis pas fière de dire cela, mais c'est ce que j'ai dit. Puis j'ai pris mes lunettes et mes clés de voiture et je suis partieNote de bas de page 166.

97. CS a expliqué dans son témoignage pourquoi il était resté dans la salle d'entrevue après avoir demandé de consulter un avocat :

[traduction] Il (le cpl Dyck) m'a alors demandé si j'avais autre chose à ajouter... J'ai alors dit que ce n'était pas juste parce qu'il m'accusait de quelque chose que je n'avais pas fait. Et ça n'a fait que continuerNote de bas de page 167. (Soulignement ajouté)

98. CS a expliqué qu'il était en colère à ce moment-là. On lui a demandé s'il voulait répondre aux questions du cpl Dyck, ce à quoi il a répondu :

[traduction] [...] il m'avait demandé si j'avais autre chose à ajouter, et après cela je lui expliquais pourquoi je pensais que ce n'était pas juste. Donc, en un sens, oui, je l'étais, parce que j'expliquais pourquoi je pensais que l'entrevue n'était pas juste parce qu'il m'accusaitNote de bas de page 168

99. Entre le moment où CS a informé le cpl Dyck qu'il voulait consulter un avocat et la fin de l'interrogatoire, il s'est écoulé environ 18 minutes et on a posé à peu près 40 questions à CS. Au cours de ces 18 dernières minutes, CS pensait qu'il voulait seulement rentrer chez lui. Il savait que la porte n'était pas verrouillée,

[traduction] [...] mais, en un sens, il me semblait que je ne pouvais pas m'en aller parce que je voulais encore me défendre et, quand le cpl Dyck disait qu'ils savaient que c'était moi et qu'ils en avaient la preuve, [...] il me semblait que je devais me défendre. Q. : Vous sentiez-vous obligé de répondre aux questions? R. : Afin de me défendre, oui. [...] Il (Dyck) ne cessait de répéter qu'il savait que je l'avais fait. J'avais l'impression qu'il cherchait à m'amener à céder et dire finalement que je l'avais fait, ou quelque chose du genre. Q. : Vous sentiez-vous intimidé par le cpl Dyck? R. : Pas vraimentNote de bas de page 169 (Soulignement ajouté)

100. Il a conclu en disant qu'il avait décidé lui-même de se lever et de partir. On lui a demandé pourquoi il n'avait pas fait cela plus tôt, et il a répondu :

[traduction] Parce que, avant cela, je me défendais. C'est ce que je fais. Lorsque des gens commencent à m'accuser de quelque chose, je me mets sur la défensive et je reste. Q. : [...] Voulez-vous dire que vous estimiez qu'il y avait quelque chose qui vous obligeait à rester? R. : Dans une certaine mesure, ouiNote de bas de page 170.

101. On a demandé à CS comment il avait réagi aux paroles du cpl Dyck enregistrées sur la bande vidéo de l'interrogatoire, à savoir [traduction] « Je n'ai pas de raison de croire que tu n'as pas [commis l'infraction]. Et c'est ce que je cherche à savoir ici en ce moment ». CS a répondu : « Il m'a semblé que tout ce que je lui avais dit lui était entré par une oreille et sorti par l'autre »Note de bas de page 171. (Soulignement ajouté)

102. Lors du contre-interrogatoire, CS a confirmé que le cpl Dyck ne l'avait pas forcé à rester dans la salle d'entrevue, mais que, en raison de la nature des questions que le caporal lui posait, il se sentait obligé de répondre. Il a expliqué :

[traduction] Il ne m'a pas forcé. Il ne me retenait pas, ni rien, mais lorsqu'on m'accuse de quelque chose, je deviens très combatif à cause du sentiment que cela m'inspire. Donc, s'il continuait à poser des questions, je me sentais obligé de rester dans la salle et d'y répondre parce que c'est comme cela que je suis quand je me mets sur la défensiveNote de bas de page 172.

103. Au cours de l'audience, on a demandé au cpl Dyck pourquoi il n'avait pas mis fin à l'interrogatoire dès que CS avait invoqué son droit à l'assistance d'un avocat.

Q. : Mais, lorsqu'il vous a répondu, à la ligne 22, « je voudrais voir un avocat », pourquoi avez-vous continué? R. : Parce que je voulais m'assurer que c'était ce qu'il avait à dire, et non pas ce que sa mère lui avait dit de dire, que c'était vraiment ce qu'il voulait. [...] Je crois qu'à ce moment-là je me suis arrêté pour voir s'il allait partir, mais il n'est pas parti. Donc, j'ai continué de parler. Et il est resté pour écouter et il a continué. Q. : Et c'est là une technique que l'on enseigne aux enquêteurs de la police? R. : C'est juste. Q. : Quel est le but de cette attitude, ou le thème qui la sous-tend pendant l'interrogatoire? R. : Cela lui fournit la possibilité de s'en aller, mais ça lui permet aussi de rester et de parler s'il n'est pas certain de vouloir partir. Q. : Était-il incertain lorsqu'il a dit « je voudrais voir un avocat »? Combien clair cela peut-il être? R. : Il est resté et il a continué de parler. Donc, à mon avis, il n'était apparemment pas certain de vouloir un avocat. On lui a offert une occasion. Je n'ai rien fait pour l'empêcherNote de bas de page 173.

104. L'avocat de la Commission a pressé le cpl Dyck d'expliquer ce qu'il essayait d'accomplir en continuant d'interroger CS après qu'il eut si clairement exprimé le désir de consulter un avocat. Il a suggéré que le caporal tentait de retarder la fin inévitable de l'entrevue. Le caporal a répondu :

[traduction] J'essayais de découvrir tous les détails de l'incident, oui. Q. : Malgré le fait qu'il vous avait indiqué qu'il voulait voir un avocat? R. : C'est ça. Il a dit qu'il voulait voir un avocat. Et, lorsque je lui ai dit de nouveau qu'il pouvait aller voir un avocat, il n'est pas parti. Q. : Le fait qu'il n'avait que 17 ans a-t-il influé, de votre point de vue, sur la façon dont vous alliez traiter cette situation? R. : Il semblait très bien informé et très bien comprendre. Je crois qu'il a même déclaré avoir suivi des cours de droit. [...] il me paraissait très intelligent. [...] Je ne m'inquiétais pas du fait qu'il ne savait pas qu'il pouvait aller voir son avocat. En fait, j'ai répété qu'il le pouvait. [...] Cela faisait partie de ma formation lorsque j'ai suivi mon cours de PMNote de bas de page 174 (Soulignement ajouté)

105. Le cpl Dyck avait manifestement choisi de ne pas tenir compte du fait qu'il traitait avec un étudiant du secondaire âgé de 17 ans, et il n'a pas apporté une attention particulière aux mises en garde nécessaires lorsqu'on a affaire à des jeunes personnes.

106. Le sgt Niclaes a également témoigné au sujet de la période de l'interrogatoire après laquelle CS eut exprimé le désir de consulter un avocat et s'était finalement levé pour partir. On lui a demandé :

[traduction] Q. : [...] mais vous rappelez-vous qu'à un moment donné, le cpl Dyck utilisait des termes vagues qui auraient peut-être pu porter CS à croire qu'il existait plus d'éléments de preuve que vous n'en aviez en réalité? R. : Oui. Q. : Avez-vous jugé cela approprié ou non? R. : Oui, approprié... C'est une autre technique destinée au moins à faire parler le suspect, seulement pour attirer son attention. Il va falloir regarder la vidéo pour déterminer si CS s'était déjà levé pour quitter la salle ou s'il était assis, mais, lorsqu'on a dit cela, il s'est arrêté à la porte pour écouter. Manifestement, ce que Drake avait dit avait attiré son attention. C'est une autre technique destinée à ramener le suspect à la table pour pouvoir lui parler et poursuivre l'entrevueNote de bas de page 175

107. Le sergent a été encore plus franc lorsqu'il a décrit ce qu'on lui a enseigné à faire lorsqu'un suspect demande à consulter un avocat au cours d'un interrogatoire :

[traduction] Q. : Vous avez déclaré que, lorsqu'une personne veut partir ou indique qu'elle veut partir, ou dit vouloir voir un avocat, l'une des techniques d'enquête que l'on vous enseigne consiste à continuer de parler? R. : C'est ça. Q. : Si j'ai bien compris, si la personne dit qu'elle veut un avocat et continue de parler, vous comprenez que ce qu'elle dit peut ne pas être admissible devant un tribunal? R. : Non, dans mon esprit, si je veux parler et qu'elle veut continuer de parler, c'est qu'elle a quelque chose à me dire. Q. : Comprenez-vous que, à partir de ce moment, ce qu'elle dit peut ne pas être utilisable dans une cour de justice? R. : Peut-être, oui. On peut ne pas l'utiliser à la cour, mais, à mon sens, si la personne veut parler à un avocat, elle n'a qu'à se lever et partir. Q. : Ce que la personne dit à partir de ce moment-là peut être utile à votre enquête, même si vous ne pouvez pas l'utiliser à la cour? R. : Oui. Q. : Et c'est cela qui vous a été enseigné? R. : Oui. Si la personne veut continuer de me parler, ce serait de l'information que je peux obtenir d'elle. (Soulignement ajouté)

108. Le sgt Niclaes ne faisait aucune distinction entre une personne qui invoque son droit à l'assistance d'un avocat après en avoir consulté un et une autre qui ne l'a pas fait, et il a également été franc à ce sujet :

[traduction] Q. : Lorsque vous arrivez à un point où ils disent vouloir parler à leur avocat, vous a-t-on déjà dit qu'il existe une distinction entre une personne qui a déjà consulté un avocat et une autre qui ne l'a pas fait? R. : Pour moi, la distinction serait que je continuerais quand même de lui parler. Q. : Donc, il n'y a pas de distinction? R. : Non. La seule distinction, pour moi, serait que je saurais dans le cas de A qu'il a parlé à son avocat et, dans le cas de B, qu'il n'a pas parlé à son avocat, mais qu'il est libre d'y aller. Q. : Vous avez suivi des cours sur la Charte? R. : Oui. Cela nous a été enseigné dans le cadre de nos cours, oui.

Q. : Avez-vous déjà entendu la phrase suivante : « l'obligation de surseoir à toute mesure destinée à soutirer de l'information à une personne lorsqu'elle dit vouloir consulter son avocat », l'obligation de la police d'attendre? R. : J'ai déjà entendu cette phrase, oui. Q. : Dans quel contexte? Qu'est-ce que cela signifie pour vous, ou qu'est-ce que cela signifiait pour vous à l'époque? R. : Cela signifie que je dois m'arrêter et la laisser faire son appel téléphonique et la laisser communiquer avec son avocat.

Q. : Vous compreniez cette idée que vous venez de nous décrire à l'époque où vous avez interrogé CS? R. : Oui, je comprenais cette idée. Comme je l'ai dit plus tôt, il continuait de parler et, pour moi, c'était seulement une tactique pour... nous lui avons donné l'occasion de parler à son avocat et après cela, il a commencé à se défendre. Pour moi, il était donc acceptable que Drake continue de lui parler. Je pense que CS était assez vieux pour dire qu'il ne voulait plus nous parler et qu'il allait se lever et partir. Q. : Il était assez vieux. Que voulez-vous dire par là? R. : Dix-sept ans. Je pense qu'il est capable de comprendre Note de bas de page 176. (Soulignement ajouté)

109. L'adj Bergin, supérieur du cpl Dyck et du sgt Niclaes, avait la même mentalité. Lorsqu'on a insisté, il a déclaré ne voir aucun problème dans le déroulement des événements concernant CS après qu'il eut demandé à consulter un avocat puisque, à son avis, CS était resté dans la salle d'entrevue de lui-mêmeNote de bas de page 177.

110. Toutefois, l'adjum Watson semblait mieux connaître la loi et les exigences applicables lorsqu'une personne invoque le droit de consulter un avocat. On l'a interrogé au sujet de la politique énoncée dans les Consignes et procédures techniques de la police militaire, chapitre 7, annexe E, appendice 2 – Outils d'enquête : Mises en garde et Charte canadienne des droits et libertés, paragraphe 6 (pièce p-35), qui se lit comme suit :

TRADUCTION] Le membre de la police militaire doit respecter immédiatement le droit d'une personne arrêtée, détenue ou soupçonnée de consulter un avocat. On ne doit pas interroger cette personne après qu'elle a déclaré ne pas vouloir parlerNote de bas de page 178 (Soulignement ajouté)

111. Dans son témoignage, l'adjum Watson a déclaré qu'il ne voyait pas de conflit entre cette politique et ce qu'il avait vu de l'entrevue de CS lorsqu'il avait examiné l'enregistrement la première fois. Avec du recul, il a signalé que la pratique exemplaire aurait consisté à interrompre l'entrevue. Il a mentionné ce qu'il considérait comme une certaine ambiguïté touchant l'application de la politique à l'entrevue de CS, du fait que ce dernier n'a jamais dit qu'il ne voulait pas s'entretenir avec le cpl DyckNote de bas de page 179.

Le maj Bell, officier commandant du SNE RO, a eu le dernier mot sur la question de l'invocation, par un suspect, de son droit de consulter un avocat. Il a déclaré :

[traduction] La substance de la plainte particulière selon laquelle il n'avait pas interrompu l'entrevue lorsque le jeune a demandé à communiquer avec un avocat, était aussi – j'ai observé cela également... Q. : Êtes-vous d'avis qu'elle aurait dû [être interrompue]? R. : C'était et c'est mon avis. Q. : Ça l'était à l'époque? R. : Oui, monsieur. Q. : Lorsque vous dites être d'avis qu'elle aurait dû être interrompue, c'est au moment où CS a déclaré qu'il voulait voir un avocat? R. : Oui, monsieur. [...] Q. : Avez-vous pensé que des choses que vous aviez vues dans cette entrevue compromettaient son utilisation possible par la poursuite? R. : Absolument. J'ai pensé que toute information obtenue après que le jeune eut demandé un avocat serait rendue moins volontaire et ne pourrait tout probablement pas être utilisée dans une poursuiteNote de bas de page 180

113. Pour ce qui est de savoir si CS avait été détenu au sens de l'al. 10b) de la Charte, la Cour a statué, dans les arrêts Regina c. Moran (1987), 36 C.C.C. (3d) 225 (Ont. C.A.) et Regina c. Voss (1989), 50 C.C.C. (3d) 58 (Ont. C.A.), que les facteurs suivants sont pertinents pour déterminer si une personne accusée par la suite avait été détenue au moment où elle était interrogée par la police au poste de police :

  1. Les termes exacts employés par l'agent pour demander à la personne de se présenter au poste, et si on lui a offert de tenir l'entrevue au poste, plutôt que chez elle, ou si elle a exprimé une préférence à cet égard.
  2. Si l'accusé a été accompagné jusqu'au poste par un agent ou s'y est rendu de lui-même en réponse à une demande dans ce sens.
  3. Si l'accusé est parti à la fin de l'entrevue ou s'il a été mis en état d'arrestation.
  4. L'étape de l'enquête, à savoir si l'interrogatoire faisait partie de l'enquête générale sur le crime, ou si la police avait déjà conclu qu'un crime avait été commis et que l'accusé en était l'auteur ou le complice, et qu'elle procédait à l'interrogatoire afin d'obtenir une déclaration incriminante.
  5. Si la police avait des motifs raisonnables et probables de croire que l'accusé avait commis l'infraction.
  6. La nature des questions : s'il s'agissait de questions de nature générale destinées à obtenir des renseignements, ou si l'accusé était confronté à des éléments de preuve indiquant sa culpabilité.
  7. La croyance subjective de l'accusé qu'il était détenu, facteur pertinent mais non décisif, parce qu'il s'agit de déterminer s'il croyait raisonnablement qu'il était détenu. À cette fin, il faut tenir compte des circonstances particulières propres à l'accusé, comme la faible intelligence, les troubles émotifs, la jeunesse, et le manque de connaissances. (Soulignement ajouté)

114. La jurisprudence indique que cette liste n'est pas exhaustive et que l'absence d'un facteur quelconque n'est pas déterminante dans un cas particulier.

115. Dans le cas de CS, on pourrait affirmer qu'il était détenu du fait de ses circonstances personnelles (cadet mineur âgé de 17 ans qui n'avait aucun antécédent criminel ni expérience de comparution devant un tribunal; il était à un poste de la GRC pour être interrogé par des policiers militaires, qui sont des personnes en situation d'autorité dans l'armée, et il s'était présenté à l'entrevue vêtu de son uniforme de cadet, indice important de soumission de sa partNote de bas de page 181), de la nature des questions qu'on lui posait et de l'étape de l'enquête, à savoir que les enquêteurs étaient convaincus qu'il était l'auteur du crime au moment de son interrogatoire. Si, en fait, il était détenu, le droit que lui garantit l'alinéa 10b) de la Charte entrerait manifestement en jeu. Toutefois, aux fins de la présente enquête, je ne juge pas nécessaire d'exprimer une conclusion décisive à cet égard. Le simple fait que l'on aurait pu soutenir cet argument avec succès si l'affaire était allée à procès devrait suffire à mettre en garde contre une conduite semblable.

116. On pourrait également soutenir, en se fondant sur la décision rendue par le juge Wilson, de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Hebert , que le droit de garder le silence peut bien précéder la détention et s'étendre à l'interrogatoire d'un simple suspect, ce qui fait intervenir le droit garanti à CS par l'article 7 de la Charte , qui englobe le droit de ne pas s'inculper soi-même. Ici encore, je ne juge pas nécessaire d'exprimer, aux fins de la présente enquête, une conclusion décisive sur la question de savoir si les droits garantis à CS par la Charte Charte avaient été enfreints, mais il importe de faire remarquer que la conduite de la police dans cette affaire aurait pu constituer une infraction à la Charte.

117. J'affirmerai avec certitude que le cpl Dyck, en continuant d'interroger CS au point de lui poser quelque 40 questions en l'espace d'environ 18 minutes après qu'il eut demandé à consulter un avocat, a été fondamentalement injuste et a clairement enfreint les Consignes et procédures techniques de la Police militaireNote de bas de page 182, qui obligent les policiers militaires à cesser l'interrogatoire après qu'une personne arrêtée, détenue ou soupçonnée exerce son droit de consulter un avocat. (Soulignement ajouté) Ce document expose les politiques et les normes établies que doivent suivre les membres de la police militaire. Ces normes visent à satisfaire aux exigences juridiques actuelles ou à aller au delà de celles-ci, et elles doivent être considérées comme des obligations ainsi qu'on l'affirme dans les mémoires finaux établis par l'avocat pour le compte du procureur général au nom du GPFC. Qu'il suffise de dire que, si cette affaire était allée à procès, l'admissibilité de la déclaration de CS aurait certainement été remise en question.

6. LE CAPORAL DYCK

118. J'ai écouté très attentivement le témoignage du cpl Dyck au cours de l'audience, et j'ai observé de près son comportement et son attitude pendant sa déposition. J'ai prêté une attention étroite à son témoignage en raison, notamment, de son rôle central en tant que principal enquêteur ainsi que des allégations et des questions particulières qui ont surgi au cours de cette enquête et qui lui ont été attribuées directement, comme :

119. Je savais par ailleurs que le cpl Dyck avait été envoyé suivre le cours d'enquêteur de la PM peu après avoir achevé l'enquête, que son stage avait été prolongé au delà de la durée normale, qu'il avait finalement reçu des conseils relativement à cette enquête et que, au moment de l'audience, il était détaché depuis près d'un an auprès d'une unité d'enquête de la GRC. J'ai été particulièrement intéressé par sa réaction à certaines des questions qui lui ont été posées par l'avocat de la Commission et à certaines des suggestions qui lui ont été faites au sujet des défauts de son enquête et de son interrogatoire de CS. Je m'attendais à ce qu'il me dise qu'il était désormais beaucoup plus familiarisé avec les procédures d'enquête correctes et le droit de la preuve.

120 Malheureusement, mes observations pendant son témoignage et à la fin, lorsqu'il a quitté la barre des témoins, ont été qu'il semblait encore totalement inconscient de l'effet de ses actes ou omissions au cours de l'enquête. Il m'est apparu que les remarques ou les suggestions négatives faites concernant tous les problèmes décrits dans le paragraphe précédent semblaient avoir peu d'effet sur lui. Pour employer un langage familier, je pouvais seulement conclure que le cpl Dyck « n'avait rien compris », même à la fin de son long témoignage. Parmi tous les témoins de la PM, il avait défendu avec une fermeté singulière la correction de tous ses actes, en ayant recours dans nombre de cas à des rationalisations qui défiaient la logique et le bon sens. Son attitude du début à la fin avait manifesté une absence totale de réflexion sérieuse et de souci. Il ne semblait pas se rendre compte ni se soucier de la mesure dans laquelle ses erreurs ou ses omissions avaient failli causer une injustice grave à CS et à sa famille. Il paraissait encore indifférent à l'inquiétude et au souci qu'il avait causés à CS et à sa mère et au fait qu'ils avaient été soumis à cette épreuve sur la foi d'une preuve très faible, sinon inexistante, pourrait-on dire.

121. Je fais ces remarques sans préjudice de mes conclusions, à savoir que, au moment de l'enquête, le cpl Dyck n'était pas bien soutenu sous les rapports de la formation et de la supervision et que, à mon sens, ses erreurs ou omissions d'alors sont quelque peu atténuées par ce fait. Certains les trouveront peut-être trop dures, mais force m'est de les exprimer, car je m'inquiète du fait que la formation reçue par le cpl Dyck et l'expérience qu'il a acquise depuis les événements en question, et même l'expérience de la présente enquête, ne semblent pas avoir eu beaucoup d'effet réparateur sur lui. Je n'ai pas, au bout du compte, l'assurance durable qu'il ne commettra peut-être pas certaines des mêmes erreurs fondamentales, sinon toutes, lors d'enquêtes futures. Cela me préoccupe énormément. Le cpl Dyck aurait grand intérêt à lire attentivement les recommandations contenues dans le présent rapport et à en tenir compte.

7. CONCLUSIONS

122. Outre les droits garantis par la Charte, les principes de la common law et les pratiques policières exemplaires, la jurisprudence fait mention d'une exigence générale de « justice » à l'égard, notamment, des suspects dans le système de justice pénale. Dans ce sens, il faut envisager la conduite des membres du SNE à la lumière de ce concept, à savoir : a-t-on traité CS et C avec justice dans toutes les circonstances? À mon avis, il est incontestable qu'on n'a pas satisfait aux exigences de la justice à leur égard.

123. Ce qui est encore plus troublant, c'est l'acceptation globale de la façon dont le cpl Dyck a mené l'entrevue et l'interrogatoire de CS. On a interrogé tous les témoins qui ont fait une déposition au cours de l'audience sur la qualité de l'entrevue et sur l'existence éventuelle de défauts, en particulier le fait que le cpl Dyck avait poursuivi l'interrogation d'un jeune après qu'il eut demandé à consulter un avocat. On a demandé au caporal lui-même :

[traduction] Q. : [...] Y a-t-il des choses que vous feriez aujourd'hui d'une manière différente de celle dont vous les avez faites au cours des deux dernières années et demie? R. : « Je conserverais soigneusement les dossiers de tout ce que j'ai fait. Je sais que, dans un certain nombre de cas, on m'a demandé des détails dont je ne pouvais me rappeler. J'essaierais de trouver plus de détails, mais je ne peux indiquer aucune chose que j'aurais faite différemment ».Note de bas de page 183. (Soulignement ajouté)

124. On a demandé l'avis du sgt Niclaes au sujet de l'entrevue de CS :

[traduction] Que pensez-vous de la façon dont elle avait été menée du point de vue du respect ou du non-respect des pratiques appropriées concernant le droit à l'assistance d'un avocat et tout cela? R. : Je pense que tous les droits et mises en garde avaient été lus correctement. Il avait les bons documents. S'il avait dérogé aux pratiques de quelque manière, je serais intervenu, mais j'ai eu l'impression pendant toute l'entrevue qu'il restait concentré sur celle-ci, qu'il ne dérogeait jamais aux pratiques, et son comportement ne m'a posé aucun problème ni donné aucun motif d'intervenir pour prendre la relève ou pour lui dire de changer d'attitude ou quoi que ce soit. Q. : Somme toute, donc, tout ce qui s'est passé pendant cette entrevue était approprié, à votre avis? R. : Oui. Q. : C'était votre opinion à ce moment-là. Est-ce que ça l'est encore? R. : OuiNote de bas de page 184

125. L'adj Bergin avait visionné l'enregistrement vidéo de l'entrevue de CS effectuée par le cpl Dyck et il a déclaré ceci :

[traduction] [...] elle était un peu agitée, mais, dans l'ensemble, non, je n'avais aucun souci majeur. Il était convaincu que le genre de questions posées et les tactiques d'interrogation utilisées étaient appropriés. Il a ajouté qu'il avait visionné la bande avec l'adjum Watson et déclaré : « [...] Je pense que nous étions tous les deux d'avis que l'entrevue avait été quelque peu agitée, mais, dans l'ensemble, il n'y avait rien qui clochait dans l'entrevue »Note de bas de page 185 (Soulignement ajouté)

126. Lorsque est venu son tour de commenter la qualité de l'entrevue de CS par le cpl Dyck, l'adjum Watson a déclaré que, au moment où il avait visionné l'enregistrement de l'interrogatoire, à part sa conclusion selon laquelle l'entrevue était gauche :

[traduction] [...] [il] n'avait rien trouvé qui n'allait pas précédemment dans ce qui s'était passé. Je ne me rappelle pas avoir pensé voir des zones grises, et je ne me rappelle pas avoir vu quoi que ce soit qui m'aurait incité à retirer la recommandation faite à la CouronneNote de bas de page 186

127. Rétrospectivement, bien sûr, l'adjum Watson admet que l'interrogatoire aurait dû se terminer dès que CS a demandé à consulter un avocat.

128. Le dernier témoin qui a commenté la qualité de l'entrevue de CS a été le maj Bell. Il a observé que l'on aurait pu faire mieux à peu près à tous les égards, et il a ajouté :

I thought the interview was awkward. It was, in my estimation, an inexperienced investigator in over his head. Even little things like how he introduced the Charte issues and the young offender cautions and things like that, while within the scope of our policy I thought it was just not pretty to watch. It was awkward.Note de bas de page 187

129. Comme mentionné précédemment, le maj Bell a également déclaré que le cpl Dyck aurait dû mettre fin à l'entrevue lorsque CS a demandé à consulter un avocat.

130. Ayant constaté des erreurs et des omissions graves de la part des membres de la police militaire en cause, je conclus qu'il est nécessaire d'aborder la question de la compensation.

131. En conséquence de ce qui a été un incident inquiétant et affligeant pour C et pour CS, à la suite de l'entrevue et de l'interrogatoire de ce dernier, le 8 octobre 2004, C a retenu les services d'un avocat pour son fils. Cela l'a obligée à se rendre de chez elle à Edmonton, ce qui a représenté un trajet de trois heures dans les deux sens. C a en outre témoigné avoir établi pour son fils un « plan de sûreté » selon lequel elle a insisté pour qu'il ne se rende pas à son travail à temps partiel pendant cette période afin d'assurer qu'il aurait à ses côtés un adulte responsable lorsque des accusations criminelles allaient être portées contre luiNote de bas de page 188 En conséquence, CS a manqué entre six et huit postes de travail pendant les deux semaines au cours desquelles sa mère a été absente de son foyer en raison de son travail [texte rédigée]. De plus, C a signalé qu'elle avait annulé un contrat d'une durée de trois semaines pour se libérer en vue de l'audience, dont les dates avaient été fixées à l'origine au mois de mars 2006; ce contrat n'a pu être rétabli lorsque l'audience a été reportée à la demande des autres parties. Les dates retenues pour celle-ci en septembre ont de nouveau obligé C à renoncer à une affectation par contrat de quatre semaines. De son côté, CS a dû prendre sept jours de congé de son travail, sans salaire, en prévision des dates d'audience de mars et de septembre.

132. Il est évident que ces événements ont entraîné des répercussions financières pour C et pour CS, plus particulièrement parce qu'ils ont dû retenir les services d'un avocat et qu'ils ont perdu des revenus d'emploi. Comme le montre le présent rapport et comme l'a constaté la Commission, il ne s'agit pas ici de simples erreurs mineures dans l'application de la procédure policière correcte, ni de l'exercice légitime du pouvoir discrétionnaire de la police avec lequel, en fin de compte, un tribunal se trouve en désaccord dans sa façon de voir les éléments de preuve. Or, si l'on n'a constaté aucune malice que ce soit, les erreurs et les omissions des membres de la police militaire en cause ont été énormes et, comme l'ont admis plusieurs des témoins supérieurs de la police militaire, n'eut été la vérification préalable à la mise en accusation, CS aurait été accusé. Heureusement, comme l'a constaté le procureur de la Couronne, il n'existait pas d'éléments de preuve pour appuyer un tel processus devant mener à une déclaration de culpabilité. Toutefois, lorsqu'il y a déclaration, certaines conséquences sont inévitables et irréversibles, particulièrement dans le cas d'une accusation qui marque une personne comme une agression sexuelle. C et CS avaient toutes les raisons d'être inquiets et de réagir comme ils l'ont fait, et notamment de retenir les services d'un avocat. Vu toutes ces circonstances, la Commission est d'avis qu'il est entièrement raisonnable et approprié de les compenser pour la perte de leurs salaires et pour leurs frais, à défaut de quoi on continuerait de nier leur statut de victimes. De plus, en raison particulièrement de la réticence du système à accepter les conclusions de l'enquête de première instance sur la plainte de C et à y donner suite, cette compensation devrait inclure les dépenses encourues par C et CS pour l'enquête de la présente Commission.

8. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Conclusion n° 7:

Le président conclut que la plaignante et son fils n'avaient pas été suffisamment informés du motif de l'entrevue du SNEFC et que, de ce fait, le fils de la plaignante a été incorrectement incité à ne pas consulter un avocat avant son interrogatoire. Les enquêteurs du SNE n'ont pas informé la plaignante ni son fils du véritable motif de l'entrevue, ni du fait qu'il était un suspect, ce qui leur a donné un faux sentiment de sécurité et les a portés à croire qu'un avis juridique était inutile. Au minimum, le motif de l'entrevue aurait dû être expliqué soigneusement à C et à CS à leur arrivée au Détachement de Fox Creek, le 8 octobre 2004.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 8:

The Chair finds that Cpl Dyck used inappropriate techniques in CS' interview/interrogation. The tactics or techniques that were used, while possibly acceptable for an experienced adult offender, were inappropriate for a seventeen year old high school student with no previous experience with the police or criminal justice system and in a case where the evidence was extremely weak. These techniques were highly « unfair » and would have potentially led to the exclusion of the statement in a court proceeding.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 9:

Le président conclut que l'on n'a pas réagi convenablement à la demande de la plaignante de mettre fin à l'entrevue de son fils. C'est là le défaut le plus grave du processus de l'entrevue. Lorsque CS a demandé à consulter un avocat, les enquêteurs auraient dû cesser immédiatement de l'interroger et mettre fin à toute tentative de lui soutirer d'autres renseignements jusqu'à ce qu'il ait pu consulter un avocat. En ne cessant pas l'interrogatoire, ils contrevenaient clairement aux Consignes et procédures techniques de la police militaire ainsi que, on peut le soutenir, à l'article 7 et à l'alinéa 10b) de la Charte, et aux principes applicables de la common law.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 10:

Le président conclut, en se fondant sur son témoignage lors de l'audience, que le cpl Dyck est toujours inconscient de l'importance et des conséquences de ses actes ou omissions au cours de l'enquête.

  • Le GPFC a fait observer en réponse : « À la suite de séances de counselling organisées en septembre 2006, le commandant de détachement a fait savoir que le cpl Dyck semblait avoir le sentiment (1) d'avoir commis un certain nombre d'erreurs, (2) de ne pas avoir bien étudié le dossier avant de procéder aux entrevues (surtout en ce qui concerne la description) et (3) que les droits et les garanties accordés aux adolescents par la LSJPA doivent être clairement respectés. Il est probable que l'attitude défensive dont il a fait preuve au cours de l'audience d'intérêt public était due en partie à son inexpérience et à sa perception erronée suivant laquelle il était mis en doute ».
  • Cette conclusion était fondée sur ce que j'ai observé à l'audience. La GPFC a déclaré que, après avoir reçu du counselling peu de temps suivant la conclusion de l'audience en septembre 2006, le cpl Dyck avait démontré à son commandant de détachement qu'il saisissait la nature de ses erreurs. J'accepte cette déclaration.

Recommandation n° 9:

Le président recommande de fournir au cpl Dyck des conseils ainsi qu'une formation d'appoint relativement aux techniques d'entrevue ou d'interrogatoire, aux droits reconnus par la Charte et aux précautions particulières qui s'imposent lors de l'interrogation de jeunes personnes.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a indiqué qu'il y a déjà donné suite : « Tel qu'indiqué dans la réponse à la dixième conclusion, le cpl Dyck a suivi des séances de counselling. En outre, il a suivi le cours de techniques générales d'enquêtes et une FCE avec la Division K de la GRC, qui ont couvert les domaines recommandés ».

Recommandation n° 10:

À la lumière de la confusion apparente concernant l'interprétation et l'application de la politique relative à la conduite de l'entrevue d'un témoin lorsque celui-ci a invoqué le droit à l'assistance d'un avocat énoncé au chapitre 7, appendice 2, annexe E, paragraphe 6 des Consignes et procédures techniques de la police militaire, le président recommande que l'on donne d'autres instructions à tous les membres de la police militaire pour bien leur faire comprendre les limites de l'application des techniques d'entrevue lorsqu'un témoin demande à consulter un avocat. La distinction entre un suspect qui a déjà consulté un avocat préalablement à l'entrevue et un autre qui ne l'a pas fait doit être soulignée davantage.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Il sera nécessaire d'accorder une très grande attention à la rédaction des ajouts aux CPTPM qui sont requis, afin qu'ils soient clairs et complets, sans être toutefois trop longs ou trop techniques ».

Recommandation n° 11:

Le président recommande d'envisager, à tout le moins, de dédommager la plaignante et son fils pour le salaire perdu et les frais encourus afin qu'ils ne soient pas financièrement pénalisés par suite des erreurs et omissions de la police militaire dans cette affaire.

  • Dans sa notification, le GPFC indique ce qui suit : « Le GPFC, le VCEMD et le CEMD n'ont pas la capacité de régler des réclamations, que ce soit sur une base légale ou à titre gracieux. Le recours à la voix passive dans la recommandation n'indique pas qui doit étudier cette possibilité. Le directeur - Réclamations et contentieux des affaires civiles du CJFC/MDN serait en mesure de recevoir une telle réclamation de la plaignante et de son fils, ainsi que les renseignements concernant le manque à gagner et les frais encourus. Subsidiairement, l'assistant du juge-avocat général de la garnison Edmonton (le plus proche de la résidence habituelle de la plaignante) serait en mesure de recevoir et de trancher les réclamations d'ordre juridique jusqu'à une limite de 25 000 $ sur le fondement de la responsabilité juridique, et de 2 000 $ à titre gracieux. Conformément aux DOAD 7004-1, nous informons le CJFC/MDN des réclamations éventuelles contre la Couronne ».
  • Sans doute le GPFC, le VCEMD et le CEMD ne sont pas investis du pouvoir de régler les plaintes à l'amiable, mais ils ont certainement la faculté de donner leur appui pour une plaine potentielle pour faire un geste dans les circonstances de la cause. La Commission espère ainsi que le GPFC et la hiérarchie donneront leur appui au cas où le plaignant dépose une plainte.

V DOSSIER DE LA COURONNE

1. INTRODUCTION

1. La présente section du rapport est consacrée à la qualité du dossier de la Couronne. Il s'agira plus particulièrement d'établir si ce dossier est pertinent, complet et exact, si les éléments de preuve disculpatoires y ont été suffisamment documentés, et si les enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) ont omis de communiquer à la Couronne des éléments de preuve disculpatoires par le biais du dossier de la Couronne.

2. Gardant ces objectifs à l'esprit, on doit se poser la question suivante : quels sont les éléments à inclure dans un dossier de la Couronne professionnel et complet? Cette question a été examinée par la Commission Martin, présidée par le juge Arthur Martin, en 1993. Le rapport de cette Commission s'intitule Rapport du Comité consultatif du procureur général sur le contrôle des accusations, la divulgation de la preuve et les discussions en vue d'un règlement. Il fait autorité sur le sujet et bien que son contexte immédiat soit la province de l'Ontario, où l'on effectue le contrôle après la mise en accusation, ses principes s'appliquent aussi dans une province où ce contrôle s'effectue avant, comme la Colombie-Britannique. Sous la rubrique sur l'information dont la Couronne a besoin pour effectuer le contrôle des accusations, à la page 131, on peut lire ce qui suit :

[traduction] La question de savoir quels renseignements les enquêteurs devraient fournir à l'avocat de la Couronne aux fins de contrôle des accusations est, évidemment, très étroitement liée à la question de savoir quelle information que devrait contenir le dossier de la Couronne. Le Comité a examiné et rejeté la possibilité d'adopter un règlement provincial dans lequel serait défini le contenu obligatoire du dossier de la Couronne. [...] Selon lui, un règlement sur la préparation des dossiers ne pourrait jamais couvrir efficacement tous les éléments nécessaires dans chaque genre d'affaire, pour diverses raisons. [...] En fin de compte, les membres du Comité estiment que le contenu pertinent du dossier de la Couronne ne constitue pas un sujet de règlement écrit. C'est plutôt une question d'éducation, de jugement et d'expérience. La recommandation du Comité sur les renseignements dont l'avocat de la Couronne devrait disposer pour effectuer le contrôle des accusations correspond à cette conclusion : la Couronne n'a pas besoin d'une liste d'éléments définis, mais plutôt de toute l'information nécessaire pour réaliser les objectifs du contrôle, qui, naturellement, varie d'une affaire à l'autre Note de bas de page 189. (Soulignement ajouté)

Dans la plupart des cas, l'information nécessaire pour évaluer le bien-fondé d'une poursuite se trouvera au dossier de la police. Le contrôle consistera donc simplement à examiner les déclarations des témoins pertinentes, les constats [...], etc. Note de bas de page 190

L'obligation de l'avocat de la Couronne de faire montre de diligence raisonnable quant à l'obtention des renseignements nécessaires au contrôle des accusations doit être établie en fonction de la nature actuelle de la relation entre la Couronne et la police. L'avocat de la Couronne est donc [...] tenu au début du processus de prendre connaissance des documents qui lui ont été fournis par les enquêteurs. Il n'a aucun devoir initial d'aller au delà du contenu de ces documents. L'avocat de la Couronne a le droit de se fier aux compétences et au jugement des enquêteurs de police et de supposer ainsi que tous les documents pertinents lui ont été présentés Note de bas de page 191 . (Soulignement ajouté)

S'il a effectué les enquêtes considérées nécessaires selon un examen approfondi des documents et a été informé par la police que tous les documents pertinents lui ont été fournis, l'avocat de la Couronne s'est acquitté de ses responsabilités. Ne pas porter un document pertinent à l'attention de l'avocat de la Couronne après [une demande d'autres documents] représente un manquement de la part de la police. [...] Essentiellement, l'avocat de la Couronne doit examiner les documents minutieusement, plutôt qu'attester leur exhaustivité et l'exhaustivité de l'enquête. La vérification qu'il existe suffisamment d'information pour le contrôle efficace d'une affaire et la communication de l'information en bonne et due forme constituent donc une question de soin et d'attention raisonnables dans le contexte de la relation de travail qui existe actuellement entre la Couronne et la police. [...] De plus, en exprimant les responsabilités en ces termes, on reconnaît les obligations parallèles [...] imposées à la police en matière de divulgation complète des renseignements à l'avocat de la Couronne Note de bas de page 192 (Soulignement ajouté)

3. L'approche proposée dans le rapport, qui attribue à la police la responsabilité de la divulgation complète, est appuyée par un principe simple selon lequel le procureur de la Couronne n'est pas en mesure de savoir de quels éléments d'information dispose la police en rapport avec un dossier donné.

2. EXAMEN DE LA PREUVE À L'AUDIENCE

4. Voici un examen sommaire de la preuve présentée à l'audience de la Commission qui est pertinente par rapport à la question du dossier de la Couronne soumis au procureur de la Couronne de la Colombie-Britannique de sorte que celui-ci puisse s'acquitter de sa fonction de contrôle avant la mise en accusation.

2.1 CAPORAL DRAKE DYCK

5. La première personne à témoigner au sujet de la question du dossier de la Couronne a été l'auteur du dossier et l'enquêteur chef, le cpl Dyck. Au cours de son interrogatoire par l'avocat de la Commission, le caporal a identifié une copie du dossier figurant à la pièce P 30 (qui contient le dossier complet du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC), tel qu'il se trouve dans le Système d'information - Sécurité et police militaire (SISEPIM)) et débutant à la page 58. Il a ensuite ajouté ce qui suit :

[traduction] Il s'agit du premier dossier de la Couronne que j'ai préparé pour la Colombie-Britannique. C'était le premier... depuis que j'étais au SNE... J'avais rédigé différentes versions de dossiers de la Couronne [dans le passé]. En guise de préparation, j'avais la possibilité de revoir le dossier, d'en discuter, pas dans les détails, mais de façon générale, sur le plan des éléments à inclure, avec le caporal Bonneteau, qui était à ce moment là le caporal principal de notre section et qui connaissait très bien ce domaine, de sorte que je comprenne la nature des documents que je devais y inclure Note de bas de page 193.

6. On a ensuite renvoyé le caporal à la pièce P-30; il a déclaré que le dossier qu'il avait envoyé à la Couronne se trouvait aux pages 58 à 62. Le modèle du dossier est particulier à la Couronne de la Colombie Britannique, qui en exige l'utilisation. Ce n'est toutefois pas le seul document qui ait été envoyé. Le cpl Dyck s'est entretenu avec une procureure non désignée nommément en Colombie Britannique qui a défini les documents exigés. Il a déclaré avoir [traduction] « [...] inclus tous les éléments que la Couronne avait demandés expressément dans ce dossier Note de bas de page 194 . » On a posé la question suivante au caporal :

[traduction] Q. Serait-il exact d'affirmer que vous n'êtes pas en mesure de nous dire aujourd'hui ce qui a été transmis à la Colombie Britannique en plus des pages que nous avons dans le SISEPIM? R. Bien. Je ne me rappelle pas exactement. J'ai préparé les documents immédiatement après ma conversation téléphonique avec elle et les ai rassemblés. Ils correspondaient aux renseignements demandés par la Couronne, quels qu'ils soient. Q. Et le contenu de ces documents... [envoyés à la Couronne] n'est documenté nulle part? R. Je n'en avais pas de copie. Je pense que le dossier, une fois monté, a par la suite été envoyé par notre responsable des pièces à conviction. Je ne sais pas quel genre de documents il avait précisément Note de bas de page 195 . (Soulignement ajouté)

7. Par conséquent, ce qui complique la question du dossier de la Couronne, c'est l'ambiguïté entourant la nature des documents, s'il y a lieu, qui ont été envoyés à la Couronne avec le dossier de la Couronne de cinq pages. Il n'existe au dossier aucun élément de preuve clair, comme un fichier ou une copie du registraire, qui indiquerait avec certitude quels documents exactement ont été envoyés au bureau de la Couronne.

8. Lorsqu'on a demandé au cpl Dyck comment le dossier de la Couronne avait été « soumis pour envoi » au bureau du procureur de la Couronne de la Colombie Britannique le 30 novembre 2004, comme indiqué à la page 113 de la pièce P 30, voici ce qu'il a répondu :

[traduction] C'est exact. Normalement, tout est examiné et soumis à l'adjudant [adj Bergin]. Donc, je suppose que c'est ce qui s'est passé dans ce cas. L'adjudant l'aurait examiné et je ne sais pas s'il me l'aurait retourné pour que je le remette à... un membre de l'état major. ... C'est à ce moment que je l'aurais soumis pour m'assurer qu'il avait été examiné en profondeur et qu'il était complet et que je l'aurais pris. Vous voyez, je ne sais pas moi même si c'est l'adjudant ou moi qui l'avons déposé à l'avant pour qu'il soit envoyé par la poste Note de bas de page 196 .

9. Le cpl Dyck a admis être l'auteur du synopsis qui a été inclus dans le dossier de la Couronne, mais il a aussi déclaré que lors de la préparation du document, il avait consulté le cpl Bonneteau et le sgt Niclaes, et que l'adj Bergin avait participé à l'examen Note de bas de page 197 .

10. Pour ce qui est de la question du contenu du dossier envoyé à la Couronne de la Colombie Britannique et des documents joints à ce dossier, le caporal a bénéficié de l'appui de la pièce P 30, à la page 61, où certaines cases correspondant à certains documents ont été cochées.

TRADUCTION] Q. Certains renseignements qui se trouvent là pourraient vous aider [Dyck] à établir le genre de documents qui auraient pu être joints au dossier. Il s'agit des cases carrées que nous voyons là. R. Oui, Certains des éléments qui ont été inclus sont indiqués ici et ces renseignements sont exacts. J'ai effectivement inclus les déclarations faites par tous les témoins, des copies de celles ci... et elles ont été jointes au dossier aussi et ont été envoyées avec celui ci... J'ai inclus toutes les déclarations écrites que j'avais. Note de bas de page 198

11. Le cpl Dyck pense avoir envoyé une copie des déclarations des commandants B et H, mais il n'est pas certain d'y avoir joint une copie de la déclaration vidéo de CS. Il n'est pas certain non plus d'avoir envoyé une copie des bandes vidéo des entrevues au procureur de la Couronne. [traduction] « ... C'était en les consultant [la Couronne] au sujet de ce qu'ils s'attendaient à voir [dans le dossier]. Je leur ai donc donné exactement ce qu'ils demandaient Note de bas de page 199 . »

12. L'avocat de la Commission a poursuivi en demandant au cpl Dyck s'il avait fait mention dans son dossier de la Couronne des divers écarts quant aux descriptions de l'auteur de l'infraction fournies aux enquêteurs du SNE par le cdt B. À l'audience, on a renvoyé le caporal à la liste des pièces jointes au dossier qui avaient été cochées à la page 61 de la pièce P 30 et on lui a demandé plus particulièrement si l'exposé de l'affaire qu'il avait fourni à la Couronne contenait les diverses observations sur la taille de l'agresseur formulées par le cdt B. Le cpl Dyck a dû convenir qu'il n'y avait rien dans l'exposé ou le synopsis du dossier en rapport avec le descripteur de la taille, mais il a ajouté que les écarts auraient été apparents si l'avocat de la Couronne avait lu les déclarations du témoin qui faisaient mention de la taille de l'agresseur Note de bas de page 200 .

[traduction] Q. Mais ce que je veux souligner, c'est qu'il n'y a rien dans les documents que nous voyons là qui fournirait des indications à la Couronne quant aux différences au sujet de la taille? R. À la page 62, non, il n'y a rien à ce sujet que je puisse me rappeler. ... Les cases ont été cochées pour indiquer que j'ai inclus les déclarations; lorsque j'inclus des déclarations, je joins la première page qui contient tous les renseignements à leur sujet. R. Mais cela ne nous indique pas si une page de ce genre a été fournie pour CS. R. Je l'aurais incluse sous la catégorie générale des déclarations des témoins... toutes les copies des déclarations écrites des témoins. Je devrais avoir joint la sienne... Note de bas de page 201

13. L'une des pièces les plus importantes a été mentionnée à ce stade ci de l'audience, nommément la pièce P-31, « une liste de vérification d'entrevue vidéo/audio ». Le cpl Dyck a reconnu avoir rempli ce formulaire au début de l'interrogatoire de CS; on lui a alors posé la question suivante :

[traduction] Q. L'information que l'on voit à la page 61 aurait été fournie sous la catégorie générale se trouvant dans la colonne de droite ou au côté droit des cases du dossier de la Couronne correspondant aux documents fournis? R. C'est exact. Je pense que cette information a été fournie. ... Je suis certain d'avoir joint ce document Note de bas de page 202 .

14. Quant au synopsis qui figure dans le dossier de la Couronne, pièce P-30, page 62, le caporal a convenu qu'il n'avait pas inclus dans son exposé l'élément descriptif fourni par le cdt B, soit le fait que l'auteur de l'infraction avait une tache de vin dans le visage Note de bas de page 203 . Voici ce que l'avocat de la Commission lui a demandé :

[traduction] Q. Selon vous, le dossier de la Couronne que vous avez fourni avertissait il la Couronne du problème d'identification que posait l'affaire qui nous intéresse? R. Je ne sais pas si l'avocat en aurait été averti par ce seul moyen. Encore une fois, avec les autres renseignements qui avaient été inclus, les copies des déclarations de la victime et à la lecture de ces documents, si on les avait lus en entier, je pense que l'on aurait été capable de saisir une partie de la question. R. N'avez vous pas estimé qu'il vous appartenait... de prendre d'autres mesures et avertir la Couronne qu'il s'agissait d'un problème réel, que les circonstances de l'indentification n'étaient pas satisfaisantes? R. ... à ma connaissance, ce qui figurait au dossier était suffisant, les renseignements demandés accompagnés des autres notes jointes Note de bas de page 204 .

15.Dans une autre tentative pour éclaircir la question nébuleuse de la nature des renseignements inclus dans le dossier de la Couronne par le cpl Dyck, on a posé les questions suivantes à ce dernier plus tard, au cours de l'audience :

[Au sujet du dossier de la Couronne, pièce P 2, onglet 47 -il avait auparavant fourni ces documents à l'enquêteur de la Commission] [traduction] Q. Vous rappelez vous si ces documents constituaient selon vous le dossier de la Couronne réellement envoyé au bureau de la Couronne? R. Il s'agit des documents que j'ai pu trouver qui s'y rattachaient. Je pense leur avoir indiqué [aux enquêteurs de la Commission] à ce moment là que je n'étais pas certain de ce que la Couronne désirait exactement, que je m'étais entretenu par téléphone avec l'avocat de la Couronne et que j'avais appris ce qu'il voulait exactement, mais je n'étais pas capable de me le rappeler et qu'il s'agissait là des documents que j'étais en mesure de leur fournir à ce moment là, que j'étais certain qu'au moins ces documents avaient été transmis. Je savais que d'autres documents avaient être transmis [à la Couronne dans le dossier], mais je ne pouvais établir leur nature sans demander à l'avocat de la Couronne de me confirmer ce qu'il m'avait demandé Note de bas de page 205 . (Soulignement ajouté)

16. Pendant l'audience, au cours du contre interrogatoire, le cpl Dyck a encore une fois été interrogé au sujet de l'information fournie à la Couronne dans le dossier, dans la pièce P 2, onglet 47, copie fournie à l'enquêteur de la Commission. Il a été renvoyé à la page cinq de la pièce, page où figurent des cases à cocher. Il a répondu que lorsqu'il a coché les cases correspondant aux déclarations écrites des témoins, cela signifiait que [traduction] « ... toutes les copies des déclarations écrites faites par les témoins avaient été jointes ». Il a aussi coché la case servant à indiquer « si l'accusé a fait une déclaration (audio/vidéo seulement) ». Le cpl Dyck a déclaré avoir tapé ces derniers mots [traduction] « ... informant ainsi le procureur de l'existence de cette preuve Note de bas de page 206 . » L'audience s'est poursuivie :

[traduction] Q. Vous avez donc certainement fourni dans ce rapport au procureur de la Colombie Britannique l'information que CS avait été interviewé, que l'entrevue avait été enregistrée sur vidéo et qu'il avait nié avoir commis l'agression sexuelle? R. Oui, c'est exact. [Au sujet de la pièce P-31 - la liste de vérification d'entrevue vidéo/audio que le cpl Dyck a remplie pour l'entrevue de CS] « Je ne pense pas que j'aurais envoyé la page de couverture de la liste de vérification de l'entrevue audio [au procureur de la C. B.]. Cependant, toutes les pages à partir de la page de la déclaration écrite où il est question de sa description et de ses droits, ces pages devraient toutes avoir été envoyées. ». Q. Pour ce qui est encore de la pièce P-2, onglet 47, soit le dossier de la Couronne, il s'agit bien de ce qui a été envoyé à la Couronne de la Colombie Britannique? R. Oui, ce document et tout autre renseignement additionnel qui a été demandé. Q. Vous rappelez vous la date à laquelle l'information a été envoyée? R. Non Note de bas de page 207 .

17. Contre interrogé au sujet de la nature de l'information portée à l'attention de la Couronne de la Colombie Britannique et faisant référence à la pièce P 2, onglet 47, page cinq, où il est mentionné que [traduction] « CS a continué à parler et a déclaré qu'il pensait qu'un autre cadet, le cdt H, aurait pu être confondu avec lui et être en fait la personne qui a agressé sexuellement le cdt B », le caporal a déclaré qu'il avait porté le contenu de ce passage à l'attention de la Couronne Note de bas de page 208 .

18. Le caporal a aussi déclaré avoir considéré qu'aucune valeur probante ne se rattachait à l'information fournie par le cdt J selon laquelle personne ne s'était trouvé au chevet du cdt B la nuit de l'agression présumée contre ce dernier; par conséquent, il n'a pas fait mention du cdt J dans le dossier de la Couronne à titre de témoin Note de bas de page 209 . Voici ce qu'il a répondu lorsqu'on lui a demandé ce qui suit :

[traduction] Q. ...Si je vous comprends bien, si une personne est placée de sorte qu'on pourrait s'attendre à ce qu'elle ait vu ou entendu certains événements et qu'elle ne les a pas vus ou entendus, alors simplement en raison de ce fait, elle ne constitue pas un témoin? R. C'est exact... Ce n'était pas lui qui était directement à côté de moi [lit de camp du cdt B]. Il était situé à un autre endroit dans la pièce. Il a dit être éveillé à ce moment là, mais je ne pense pas qu'il ait été éveillé toute la nuit et à cette heure là du matin, on ne peut être certain qu'il l'était. Je n'ai donc pas accordé plus d'importance que cela à ses propos; il l'avait probablement manqué. Je veux dire, d'après ce que je comprends du dossier de la Couronne de la Colombie Britannique, tous les documents que nous fournissons sont examinés... et si on avait estimé qu'il y avait d'autres éléments comme celui ci, nous en aurions été informés...

Q. Je remarque cependant que le nom du cdt J ne figure pas dans le sommaire que vous avez fourni à la Couronne. R. Non. Q. Donc, la Couronne n'était pas au courant... R. Sur cette question, non, à moins qu'elle ne possède le rapport intégral. Au moment où j'ai préparé le dossier de la Couronne, j'avais oublié le cdt J. J'ai simplement supposé plus tôt que nous enverrions le rapport intégral, mais lorsqu'il s'est avéré que ce n'était pas ce que l'avocat de la Couronne me demandait, j'ai complètement oublié cette information et cela m'est sorti de l'esprit.

Q. Simplement pour m'assurer que je comprends bien, en raison de cette chaîne d'événements, la Couronne ne connaissait pas, que vous croyiez le cdt J ou non, l'existence d'un témoin potentiel qui aurait pu venir et affirmer qu'il était éveillé. R. C'est exact... Je pensais initialement envoyer le rapport intégral et je ne savais pas, jusqu'à ce que je me sois entretenu avec l'avocat de la Couronne, que je ne le ferais pas; à ce stade là, je l'avais déjà mis de côté et l'idée d'ajouter son nom [le nom du cdt J] était sortie de mon esprit Note de bas de page 210 .

2.2 SERGENT ERIC NICLAES

19. Le sgt Niclaes, pour sa part, a nié toute participation à la préparation du dossier de la Couronne; il affirme ne l'avoir jamais vu ni, malgré le témoignage du cpl Dyck, avoir été consulté au sujet de son contenu Note de bas de page 211.

2.3 ADJUDANT JAMES BERGIN

20. On a demandé à l'adj Bergin au cours de l'audience quel rôle il avait joué dans la préparation du dossier de la Couronne; on l'a renvoyé à la pièce P-30, pages 58 et plus. Voici ce qu'il a répondu :

[traduction] Mon rôle dans la préparation du dossier consistait à l'examiner, à vérifier s'il était complet, puis à l'envoyer à l'adjum Watson. ... Selon la page couverture du rapport, l'agent qui a approuvé le rapport était moi même, donc je suppose que j'ai effectué ces tâches Note de bas de page 212.

21. On l'a ensuite interrogé au sujet des documents qui accompagnent le dossier de la Couronne :

On l'a ensuite interrogé au sujet des documents qui accompagnent le dossier de la Couronne : [traduction] Q. Quels documents envoie t on normalement, selon votre expérience? Joint on les déclarations ou... R. Nous envoyons habituellement le rapport ou le rapport sur le dossier de la Couronne. Nous joignons des copies des déclarations écrites des personnes qui ont eu affaire avec le procureur et, si le procureur le désire, certains procureurs en font la demande, des transcriptions; certains d'entre eux demandent différentes bandes et ainsi de suite. La plupart du temps, la plupart des procureurs civils que j'ai rencontrés ne demandent que les copies papier. Ils ne demandent pas les bandes vidéo ou audios.

Q. Vous avez mentionné que vous ne vous rappelez pas précisément avoir examiné le dossier de la Couronne. Vous ai je bien compris? R. C'est exact. Q. Si vous aviez décelé des problèmes dans ce dossier, si vous y aviez constaté un point qui vous préoccupait, auriez vous transmis cette information vers le haut de la chaîne, au bureau de la Couronne? R. Absolument pas. R. Il est donc exact de dire qu'il n'y avait rien à ce moment là qui vous préoccupait? R. C'est exact. Q. Après avoir pris connaissance des informations divulguées dans cette affaire et après avoir... tout au long de la présente audience, y a t il un élément de ce dossier de la Couronne qui vous préoccupe aujourd'hui? R. Rien ne me vient à l'esprit, mais si vous me posez une question en particulier, je pourrai peut être être plus précis.

Q. Trouvez vous acceptable que les écarts dans la description fournie par le cdt B, au sujet de la description de CS, comme la tache de vin, n'aient pas été consignés? R. C'est juste. Q. Convenez vous qu'il s'agissait d'un renseignement important qui aurait dû être inclus dans le dossier de la Couronne? R. Oui. Q. Convenez vous que l'omission dans le sommaire, dans le synopsis de la Couronne que nous regardons ici à la page 62, estimez vous donc que la tache de vin constitue un élément d'information qui aurait dû être inclus dans le présent synopsis? R. Oui, je le considérerais pertinent . Note de bas de page 213

22. Lorsqu'on lui a demandé de quelle façon il avait examiné le dossier, il a fourni la réponse suivante :

[traduction] J'ai examiné le dossier de la Couronne, Monsieur, pour me rendre compte que c'était écrit; je pense donc que le procureur comprendra ce à quoi nous voulons en venir. Je l'ai examiné pour m'assurer que les éléments de l'infraction étaient présents. Ces éléments ne sont peut être pas solides, mais au moins, j'ai vérifié qu'ils avaient été couverts et qu'ils étaient bien présentés. ... Q. Sinon, le dossier s'avérait complet; il est donc probable que l'information a été omise? R. Oui, Monsieur, c'est absolument exact Note de bas de page 214 .

23. Des questions précises ont ensuite été posées à l'adj Bergin au sujet de l'identification de CS par le cdt B et de l'existence de mentions dans le dossier de la Couronne pour informer celle ci de cet important volet de la preuve.

[traduction] Q. Revenons à la page 62 du synopsis. Estimeriez vous aujourd'hui qu'il est important de faire mention des écarts quant à la taille dans le document? Conviendriez vous que ce genre de renseignement aurait dû être noté dans le synopsis également? R. Oui, j'en conviens. Q. Et si on avait fourni plus de renseignements sur la façon précise dont le processus d'identification initial a été mené? ... R. Je reconnais que le synopsis aurait pu être plus détaillé. Cependant, selon mon expérience, si un procureur a des questions, il communiquera avec l'enquêteur et les lui posera avant de prendre sa décision finale. Je ne pense pas que cela a été le cas dans l'affaire qui nous intéresse Note de bas de page 215. (Soulignement ajouté)

Q. Donc, êtes vous satisfait du niveau de détail qui a été utilisé dans ce synopsis en rapport avec la tenue par la Lieutenant Flower du processus d'identification? R. Oui. Q. Et de la façon dont l'identification a été effectuée? R. Oui, je le suis. Q. Sachant ce que vous savez au sujet des procédures à suivre? R. Oui. Lisant cela, je pense qu'il est très clair pour le procureur que nous n'avons pas élaboré la séance d'identification, qu'elle a été effectuée par la Lieutenant Flower. Nous sommes donc catégoriques sur la façon dont l'identification a été effectuée; je crois que oui, je conviens que les choses auraient pu être exposées en détail et lui être expliquées, mais l'objectif de l'exercice, comme vous le savez probablement, consiste simplement à informer le procureur que la Lieutenant Flower, dans cette affaire, a établi sa propre séance d'identification, à proprement parler Note de bas de page 216. (Soulignement ajouté)

Q. Et le fait que le cdt B ait quitté les lieux avant de confirmer à la Lieutenant Flower qu'elle avait approché la bonne personne, celle qu'il pointait, ne constitue pas un renseignement qui devrait selon vous être inclus ici? R. Oh, je conviens que... je conviens encore une fois qu'il aurait dû y avoir plus de détails dans ce volet du dossier. Q. Conviendriez vous qu'il s'agit presque d'un facteur clé de l'identification? R. Je dirais que c'est important, oui Note de bas de page 217 . (Soulignement ajouté.)

24. Étant donné la préoccupation quant à la question de savoir si les enquêteurs étaient au courant que des témoins étaient présents près du lit de camp du cdt B pendant la présumée agression sexuelle, on a demandé à l'adj Bergin si la Couronne de la Colombie Britannique avait été informée de la présence de ces autres cadets au moment des événements en question.

[traduction] LE PRÉSIDENT : L'existence d'un témoin comme le cdt J qui semblait être prêt à déclarer qu'il était éveillé et que personne ne s'était approché du lit du plaignant constitue t elle un élément d'information qui aurait dû, selon votre opinion, avoir été explicitement porté à l'attention de la Couronne dans le sommaire? R. Oui, Monsieur, je pense que oui Note de bas de page 218.

2.4 ADJUDANT MAÎTRE BARRY WATSON

25. L'adjum Watson a déclaré à l'audience avoir participé à la rédaction du dossier de la Couronne qui lui a été envoyé par l'adj Bergin pour examen. Il a, à son tour, envoyé le dossier au maj Bell, afin que celui ci puisse apposer sa signature sur la lettre d'accompagnement du dossier à transmettre à la Couronne de la Colombie Britannique Note de bas de page 219. L'avocat de la Commission lui a demandé de décrire la nature de l'examen qu'on attendait de lui à ce stade de la préparation du dossier.

[traduction] Quelle est la nature de l'examen que l'on attend de vous à ce stade? R. Lorsque j'examine un dossier de la Couronne ou du procureur régional militaire (PRM), je m'assure qu'il est bien écrit, que tous les éléments de la réponse à la demande sont présents et que je ne puis déceler aucune erreur ni aucune omission flagrante. Je le transmets ensuite au major Bell pour signature. Q. Vous ne seriez pas tenu d'effectuer un examen approfondi et de vérifier le dossier de la Couronne en fonction des renseignements contenus dans le SISEPM ou de vérifier s'il est cohérent avec toute autre déclaration qui y serait jointe? R. Non, je ne le fais pas. Je ne suis pas tenu de le faire. Je lis les documents qui me sont présentés ou qui me sont transmis pour examen, mais je ne vérifie pas les données du SISEPM, chaque zone de texte du SISEPM pour vérifier que tous les renseignements sont exacts dans le dossier de la Couronne. Ce sont l'enquêteur en chef et le chargé de dossier qui exercent cette fonction.

LE PRÉSIDENT : Il s'agit donc d'un examen de la forme, et non du fond? R. De la forme, oui, mais il faut également regarder le fond, vérifier ce qui est écrit là pour la Couronne et s'assurer que les éléments de l'infraction au moins y figurent Note de bas de page 220.

26. L'adjudant maître a été renvoyé au synopsis, à la page 62 du dossier, pièce P 30 et on lui a demandé s'il avait souvenir d'avoir eu des préoccupations au sujet de l'exposé de l'affaire. Il a répondu ne pas se rappeler avoir remarqué des éléments qui l'auraient préoccupé à sa lecture du dossier. Il a toutefois avoué ne pas avoir une connaissance intime de tous les rouages du dossier, ni de ce qu'on attendait de lui Note de bas de page 221.

27. Of further concern is the fact that MWO Watson testified that he was not able to advise what was provided to him with the Brief. In other words, apart from the Narrative/Synopsis whether there was any other documentation given to him along with the Brief. He stated in evidence:

[traduction] Je ne peux vous dire exactement quels documents m'ont été fournis, mais ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai jamais reçu de dossier de la Couronne sous cette seule forme [le synopsis et la liste de vérification]. Si on regarde le dossier de la Couronne, on constate que des crochets dans les cases à cocher indiquent que des déclarations des témoins y ont été jointes. Je devrai donc vous dire que des déclarations des témoins avaient été jointes à ce dossier, sinon le dossier ne serait jamais allé plus loin que dans les mains du major Bell, si j'avais envoyé cela, un document sans déclarations des témoins. Q. Vous devez donc supposer que des déclarations des témoins y ont été jointes? R. Oui, Monsieur. Q. Êtes vous en mesure de nous dire aujourd'hui quelles déclarations ont été jointes à ce dossier de la Couronne? R. Non. Je ne peux me rappeler quelles déclarations y avaient été jointes. Tout ce que je peux supposer, c'est que toutes les déclarations des membres du personnel mentionnés dans le sommaire ont été jointes, dans la mesure où elles existaientNote de bas de page 222.

28.L'adjum Watson a convenu qu'il était au courant des importants efforts déployés en prévision de l'audience de la Commission pour établir quels documents accompagnaient le synopsis lorsqu'il a été envoyé au procureur de la Couronne. Il a convenu qu'il s'agissait [traduction] « d'une entreprise difficile » Note de bas de page 223. Il a avoué avoir essayé d'éclaircir ce point [mais n'a pas réussi à le faire] en consultant le SISEPM, espérant découvrir que [traduction] « ... l'ensemble du document avait été balayé, y compris exactement ce qui avait été envoyé à la Couronne. Ce n'était pas le casNote de bas de page 224 » Voici ce qu'on a demandé à l'adjudant maître à l'audience :

[traduction] Aujourd'hui, au moment où vous témoignez devant la Commission, vous n'êtes pas en mesure de nous dire quelles pièces jointes vous avez vues lorsque le dossier de la Couronne vous a été présenté? R. Je ne peux vous dire à 100 p. 100 quelles pièces étaient jointes, nonNote de bas de page 225.

29. L'adjum Watson a décrit certaines des procédures d'ordre administratif relatives aux dossiers de la Couronne qui sont sur le point d'être envoyés au bureau du procureur. Il a expliqué qu'après avoir examiné un dossier de la Couronne, il le transmet au maj Bell, peut être la journée avant que celui ci signe la lettre d'accompagnement. Dans la présente affaire, la lettre à la Couronne a été signée le 30 novembre 2004. L'adjum Watson a déclaré lors de l'audience qu'il n'avait jamais pensé entrer le contenu du dossier de la Couronne dans le SISEPM. La raison pour laquelle le dossier passe entre de si nombreuses mains avant d'être transmis à la Couronne est qu'il doit faire l'objet [traduction] « d'un contrôle de la qualité, d'une assurance de la qualité pour que l'on s'assure que c'est le bon produit qui est envoyéNote de bas de page 226 ». Il a conclu ce volet de son témoignage au sujet de la transmission du dossier en ajoutant que [traduction] « normalement, les documents qui sortent d'un établissement ou d'une unité du ministère de la Défense nationale sont signés par le commandantNote de bas de page 227 ».

30. Un volet de l'examen de l'adjum Watson a porté sur l'absence d'information dans le dossier envoyé à la Couronne au sujet des conversations avant interrogatoire entre les enquêteurs du SNE, C et CS. Il a été mentionné à l'adjum Watson que ces importantes conversations, qui auraient bien pu nuire à l'admissibilité de n'importe quelle déclaration de CS, auraient dû être incluses dans le dossier de la Couronne, car leur existence n'a pu être établie au moyen de la bande vidéo de l'interrogatoireNote de bas de page 228. L'examen s'est poursuivi :

Q. Le fait que vous n'ayez pris aucune mesure dépassant le simple examen de la bande vidéo avait il à voir avec vos responsabilités respectives, à l'adjudant Bergin et à vous? En d'autres mots, cette lettre ne vous est pas adressée. Si vous aviez trouvé des choses qui vous préoccupaient, aurait il été à propos d'intervenir? R. Si un élément avait été exposé en détail ou si j'avais reçu des renseignements qui m'auraient préoccupé quant à l'enquête et aux observations à présenter à la Couronne et qui auraient pu compromettre notre professionnalisme à titre d'unité ou le processus proprement dit, le processus juridique proprement dit, en rapport avec CS, il aurait fallu que je prenne des mesures, absolument. Q. Donc, il ne s'agit pas d'un cas où vous auriez pu dire que non, non, la situation relevait exclusivement de l'adjudant Bergin? R. Non, absolument pas Note de bas de page 229. (Soulignement ajouté)

2.5 MAJOR ROBERT BELL

31. Le témoignage du maj Bell, commandant du SNEFC, région de l'Ouest, fournit une importante preuve au sujet du dossier de la Couronne et des documents à l'appui qui ont été envoyés au procureur de la Couronne. Le maj Bell a été longuement interrogé par l'avocat de la Commission et par le président à ce sujet; il a commencé à informer l'audience de sa responsabilité en matière d'examen de dossiers destinés aux procureurs de la Couronne :

[traduction] Je pense qu'en matière de pratiques et de traditions, les documents qui sortent de mon bureau et qui sont envoyés dans un organisme de l'extérieur relèvent de moi; ils sont donc transmis avec une lettre d'accompagnement signée par moi. C'est la raison d'être de cette lettre d'accompagnement. Q. Donc, tous les dossiers de la Couronne qui sont envoyés portent votre signature? R. Oui. ... Je suis chargé de vérifier que l'ensemble de documents [dossier de la Couronne] correspond à un dossier type auquel j'apposerai ma signature. Je dois donc examiner ces documents, vérifier qu'ils forment un ensemble de documents complet, que leur contexte est le bon et si je suis satisfait du dossier, j'y appose ma signature et je l'envoieNote de bas de page 230. (Soulignement ajouté)

32. La difficile question d'établir quels documents et quelle information ont pu être joints au dossier transmis à la Couronne a été abordée avec le maj Bell. Celui ci n'est pas capable de dire avec exactitude quels documents accompagnaient le dossier sur la présumée infraction commise contre CS. Il a par contre été en mesure d'informer l'audience de la pratique courante en matière de pièces jointes destinées à la Couronne :

[traduction] [Je peux] ... faire état de mon expérience courante en matière d'examen de ces ensembles de documents et du fait que je ne recevrais jamais un document comme celui ci seul. Il se trouverait dans un cahier à anneaux ou dans un ensemble de documents avec des pièces jointes identifiées par des onglets, avec toutes les déclarations, les entrées du SISEPM et les photocopies de carnets; ce genre de documents se trouveraient réunis, la lettre d'accompagnement figurant au début. Ces documents se trouvent habituellement dans un petit cahier à anneaux comportant des onglets. Q. Est il raisonnable de dire qu'encore aujourd'hui, vous n'êtes pas en mesure de préciser avec certitude quels documents ont été joints au dossier de la Couronne? R. Non, je ne peux dire précisément quels documents y ont été joints; je peux seulement affirmer que des documents accompagnaient le dossier de la Couronne. Q. Êtes vous d'accord avec le témoignage des autres personnes qui déclarent que nous pourrions obtenir certaines indications potentielles grâce aux cases cochées à la page 61 (pièce P 30), mais qu'il ne s'agit pas d'une description complète des pièces qui ont été jointes. Êtes vous d'accord avec cet énoncé? R. C'est exact, oui, je suis d'accord avec cet énoncéNote de bas de page 231.

33. L'interrogatoire du major se poursuit sur l'absence de consignation des documents envoyés au bureau de la Couronne et de l'endroit où l'information aurait dû être consignée. On lui a demande ce qui suit :

[traduction] Q. D'un point de vue général, où cette information... où cette information aurait elle dû être consignée? Je veux dire, normalement, on s'attendrait à ce que l'information de ce genre soit assez importante pour que l'on désire savoir où elle a été envoyée. Où devrait elle avoir été consignée? R. En règle générale, il y a un sous système dans le SNEFC qui enregistre le dossier juridique intégral, y compris toute l'information du procureur et toutes les écritures qui s'y rattachent. C'est la raison pour laquelle tous les renseignements devraient être conservés dans notre système de gestion des dossiers. Cependant, depuis, j'ai également donné certaines directives selon lesquelles il faut conserver des copies pour archives de tout dossier de la Couronne sortant du bureau. Q. Selon vous, aucune copie n'aurait été faite à ce moment là? R. Généralement, il y a une indication sur la lettre d'accompagnement lorsqu'il existe une copie d'archivesNote de bas de page 232.

34. L'attention s'est ensuite dirigée vers la question de savoir quels documents relatifs au dossier de la Couronne on a balayés dans le SNEFC afin de conserver un enregistrement des documents transmis au bureau du procureur :

[traduction] Q. ...Nous savons qu'il a été balayé à un certain moment, mais le seul document qui semble avoir été balayé est le dossier de la Couronne proprement dit, et non les documents à l'appui. R. En règle générale, les documents à l'appui, les documents produits par le SISEPM n'ont pas besoin d'être balayés. Donc, dans le sous système des poursuites, on choisit le texte, les cases qui correspondent aux documents à inclure dans le fichier et le système les importe automatiquement. Les seuls documents qui seront balayés seront par exemple les déclarations, les carnets et les documents créés à l'extérieur du SISEPMNote de bas de page 233.

35. On a posé au major les questions suivantes au sujet de la consignation au dossier des documents envoyés au procureur de la Couronne :

[traduction] Q. Maintenant, on s'attendrait à l'existence d'une case dans laquelle seraient décrits en détail tous les documents joints au dossier; on s'attendrait à ce que cette information ait été consignée? R. Oui. Q. En plus, à une copie matérielle des documents réellement envoyés? R. Oui, c'est exact. Q. Où aurait été classée cette copie matérielle? R. Elle devrait être conservée dans les dossiers au niveau du détachementNote de bas de page 234.

36. Le président a demandé au maj Bell s'il y avait une différence entre, d'une part, le dossier de la Couronne envoyé au procureur pour le contrôle préinculpation et, d'autre part, l'approbation des chefs d'accusation et l'ensemble de documents présentés à la Couronne après la dénonciation sous serment et la mise en accusation.

[traduction] Q. Je pense que nous avons entendu hier qu'il y a une différence entre le dossier de la Couronne qui est envoyé dans le cas d'un contrôle préinculpation et celui qui est envoyé après dénonciation sous serment, qui est en fait un ensemble de documents à communiquer destiné à la Couronne. Cet énoncé est il exact selon vous? R. L'ensemble de documents à communiquer est un dossier complet. Il s'agit de tous les documents accumulés dans le dossier. Il contient toutes les bandes, les entrevues et l'information relative aux dispositions législatives pertinentes, particulièrement dans le cas d'une infraction à la Loi sur la défense nationale. Cet ensemble de document est donc beaucoup plus détaillé. Q. Dans un ensemble de documents destiné au contrôle des accusations, la Couronne ne reçoit pas certaines déclarations, certaines déclarations que l'enquêteur a considérées non pertinentes dans le contexte de l'affaire? R. Cela dépend réellement de la province, Monsieur. Parce que nous exerçons nos activités de l'Ontario à la Colombie Britannique, nous entretenons de nombreuses communications pour établir quels documents un procureur donné d'une province désire voir pour un dossier précis. Je pense qu'il s'agit probablement d'une pratique exemplaire, sinon nous serions constamment en conflit avec les services des poursuites que nous utilisonsNote de bas de page 235. (Soulignement ajouté)

37. La question finale à examiner au sujet du dossier et de l'ensemble de documents destinés à la Couronne était celle de savoir si des copies de ces documents avaient été conservées. On a donc demandé au major de quelle façon il avait donné des directives pour que des copies matérielles du dossier transmis soient conservées? Voici sa réponse :

[traduction] Je pense que j'ai dit à l'adjum Watson de veiller à ce que ce soit fait. Selon moi, le mécanisme consistait en l'envoi par l'adj Bergin d'un courriel dans lequel il mentionnait que nous allions conserver une [copie]...Note de bas de page 236.

38. Le maj Bell a été contre interrogé lors de l'audience au sujet de l'ensemble de documents envoyé au procureur de la Couronne dans les régimes de contrôle préinculpation. Le major a informé la Commission que, selon la pratique courante, on n'envoie pas à la Couronne une copie des bandes des entrevues vidéo ou audios dans le premier ensemble de documents.

39. Le maj Bell a aussi été questionné, en contre interrogatoire, au sujet des normes quant aux degrés de conviction.

[traduction] Q. Lorsque vous remettez un ensemble de documents à la Couronne en Colombie Britannique, ce que je dois comprendre au fond, c'est que l'inspecteur y dit ce qu'il a des motifs raisonnables de croire? R. Oui. Q. Vous comprenez que la Couronne applique, comme mentionné dans sa lettre, le principe de la possibilité raisonnable d'une déclaration de culpabilité? R. Oui. Q. Vous comprenez la différence entre ces deux principes en termes de degré de conviction? R. Oui je comprends. R. Au nom de l'intégralité de l'explication, au cas où cela ne serait pas évident pour toutes les personnes présentes dans la salle, quelle est la norme la moins élevée? R. Ce sont les motifs raisonnablesNote de bas de page 237.

40. À la fin du contre interrogatoire, l'avocat a obtenu l'affirmation du major selon laquelle les enquêteurs du SNE n'ont pas commis de manquement à l'éthique. De plus, le major a déclaré que ceux ci n'avaient pas [traduction] « ... agi de manière à tromper intentionnellement la Couronne ni aucun autre élément de l'appareil Note de bas de page 238. »

41. Le maj Bell a fait remarquer que le contenu du dossier de la Couronne varie parfois d'une province à l'autre; il dépend en grande partie des désirs du procureur. Il a également fait remarquer qu'un ensemble complet des documents accumulés au dossier est préparé lorsque l'affaire est rendue au stade suivant la dénonciation sous serment.

42. Le maj Bell a déclaré que certaines modifications ont été apportées à la suite de ce dossier. Selon l'une d'entre elles, les agents de police militaire joignent maintenant au dossier de la Couronne la transcription de toutes les entrevues importantes dans les provinces qui effectuent un filtrage, comme la Colombie Britannique. Il ne s'agissait pas d'une pratique courante au moment de l'enquête en question Note de bas de page 239. De plus, on a demandé qu'une copie de tout le dossier envoyé au procureur de la Couronne soit conservéeNote de bas de page 240.

3. ANALYSE

3.1 GÉNÉRALITÉS

43. Le fait qu'il n'existe aucun enregistrement clair ni aucune liste des documents fournis à la Couronne constitue un empêchement ou un obstacle important à l'examen des questions se rattachant au dossier de la Couronne. Même le formulaire du dossier de la Couronne n'est pas pleinement utile. À la page quatre du formulaire, pièce P 30, les cases de gauche indiqueraient que l'accusé, CS, a effectivement fait une déclaration, mais qu'il s'agit uniquement d'une déclaration audio/vidéo. Le fait que l'on ait répondu « non » à la question de savoir si toutes les déclarations orales mentionnées et les copies de toutes les déclarations écrites ont été jointes donnerait à penser que la déclaration vidéo de CS, qui est la seule déclaration qu'il a faite à la police militaire, n'a pas été envoyée au bureau de la Couronne. Par contre, selon les réponses indiquées dans les cases de droite, qui incluent deux ensembles de cases à cocher pour une question, toutes les déclarations écrites faites par les témoins ont été jointes. Il est de plus mentionné que la déclaration du cdt B du 19 août 2004 et la déclaration du cdt H du 23 novembre 2004 ont été jointes à une copie du dossier de la Couronne fournie par le cpl Dyck à un enquêteur de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CEPPM) le 15 février 2006.

44. Malheureusement, comme on peut le voir dans le sommaire des témoignages reçus à l'audience déjà mentionné, les témoins n'ont pas précisé quels documents avaient été envoyés au bureau de la Couronne avec les cinq (5) pages du dossier de la Couronne. Le cpl Dyck a déclaré qu'il avait bien préparé l'ensemble de documents conformément aux directives reçues par téléphone de l'avocat de la Couronne, mais qu'il ne se rappelait pas avec exactitude quels documents avaient été envoyés Note de bas de page 241 . Le sgt Niclaes a déclaré qu'il n'avait participé d'aucune façon à la préparation du dossier de la Couronne. L'adj Bergin a déclaré n'avoir aucun souvenir précis; en effet, il ne se rappelait même pas que ce dossier avait été envoyé au procureur de la Couronne et a seulement pu décrire la pratique courante en matière d'envoi de déclarations écrites comme pièces jointes. Il a ajouté que l'on ne joignait les transcriptions ou les bandes vidéo et audios que si le procureur en faisait la demande Note de bas de page 242 . De même, l'adjum Watson ne se rappelait pas l'affaire de façon précise et il n'a pu qu'affirmer que selon la pratique normale, les déclarations des témoins étaient généralement jointes au dossier Note de bas de page 243 . Le maj Bell n'a pu lui aussi que décrire la pratique courante, mais il était catégorique quant au fait qu'il n'avait jamais reçu de dossier de la Couronne séparément, et que dans la pratique il recevait un ensemble de dossiers [traduction] « dans un cartable à anneaux ou sous forme de groupes de documents comportant des onglets ou des pièces jointes et toutes les déclarations, les entrées dans le SISEPM, les photocopies de carnets et ce genre de choses... Note de bas de page 244 ». Étant donné qu'aucun des autres témoins n'a fait mention d'un cartable à anneaux ou de classement par onglets des documents, je conclus que le maj Bell a probablement fait erreur à ce sujet; il a probablement confondu avec le processus de divulgation après la mise en accusation.

45. La question de savoir quels documents ont été envoyés à la Couronne est clairement importante pour l'exhaustivité de l'enquête du SNEFC, car elle a des conséquences sur le plan de l'obligation de la Couronne d'examiner en détail tous les documents soumis. C'est sur le dossier préparé pour la Couronne que le procureur se fonde pour prendre la décision de porter ou non des accusations. Par conséquent, comme l'exactitude et le niveau de détail élevé de l'ensemble des documents utilisés pour le travail de l'enquêteur sont importants, ces qualités sont d'une importance première dans la tâche de la préparation du dossier de la Couronne.

46. Selon tous les éléments de preuve reçus, je conclus, selon le principe de la prépondérance des probabilités, que la Couronne a reçu un dossier constitué des documents transmis par le cpl Dyck à l'enquêteur de la CEPPM, nommément le formulaire de dossier de la Couronne de cinq (5) pages accompagné de la déclaration écrite de quatre (4) pages du cdt B et de la page de couverture datée du 19 août 2004, ainsi que la déclaration écrite de trois (3) pages du cdt H datée du 23 novembre 2004, y compris le formulaire d'entrée en matière de l'entrevue vidéo Note de bas de page 245 .

47. Conformément au Rapport Martin , il ne fait aucun doute dans l'esprit de la Commission que le procureur de la Couronne a la responsabilité d'examiner en détail tous les documents soumis par la police et que s'il semble manquer des documents, la Couronne a aussi l'obligation de demander l'information additionnelle à la police. Toutefois, bien que je convienne que la Couronne n'est pas tenue d'examiner tous les documents soumis, j'estime aussi que cela ne réduit en rien la responsabilité parallèle de la police de vérifier l'exhaustivité et l'exactitude de chaque volet individuel du dossier de la Couronne, plus particulièrement le sommaire, qui constitue le point central du dossier de la Couronne. Ces questions ont été traitées de façon évidente et convaincante par la Commission présidée par le juge Martin mentionnée précédemment.

3.2 DIRECTIVES, POLITIQUES OU FORMATION EN MATIÈRE DE DOSSIERS DE LA COURONNE

48. Comme mentionné par le maj Bell, le SNE de la région de l'Ouest exerce ses activités de l'Ontario à la Colombie Britannique : les régimes varient d'une province à l'autre. Le maj Bell a expliqué que l'on entretient de nombreuses communications avec le procureur provincial pour établir quels documents celui ci désirerait examiner dans le dossier de la Couronne. Selon lui, cette communication doit faire partie des pratiques exemplaires, sinon on serait en perpétuel conflit avec la section des poursuites Note de bas de page 246 . Le maj Bell a peut être raison quant à la nécessité de s'adapter aux façons de faire de celle-ci, mais il conviendrait certainement aussi de tenir compte de l'obligation de consigner les communications et les directives du bureau de la Couronne, pour fins de référence ultérieure par les enquêteurs et les superviseurs, et de celle de conserver un dossier complet des photocopies des documents envoyés au bureau de la Couronne pour examen; aucune de ces obligations n'a été respectée dans l'affaire qui nous intéresse. De plus, malgré les exigences relatives au dossier de la Couronne qui sont propres à chaque province sur les plans de la forme et de la substance, si l'on se fonde sur la preuve, il ne semble y avoir aucune orientation réelle ailleurs que dans les politiquesNote de bas de page 247, lesquelles ne fournissent que des directives très générales quant au contenu minimum d'un dossier préparé pour la Couronne, surtout quant à l'inclusion des éléments de preuve pertinents (disculpatoires et inculpatoires) et du signalement de tout point pouvant poser problème pour la poursuite.

49. Comme l'a déclaré le cpl Dyck, les enquêteurs semblent être plus ou moins laissés à leurs propres moyens Note de bas de page 248 , situation selon moi particulièrement dangereuse puisque, comme on le verra dans la section sur la supervision, il est clair que dans ce régime d'examen, les superviseurs se sont attachés presque entièrement à des questions de forme plutôt que de fond.

3.3 SOMMAIRE DU DOSSIER DE LA COURONNE

50. Comme mentionné précédemment, il est raisonnable de s'attendre que l'avocat de la Couronne examine tous les documents en détail, plutôt que se fier entièrement à un synopsis qu'on lui aura fourni. Cela dit, il importe de souligner que le formulaire du dossier de la Couronne de la Colombie Britannique ne prévoit que les déclarations écrites comme pièces jointes. Selon l'adj Bergin, la plupart des procureurs civils qu'il a rencontrés ne demandent que les copies papier. Ils ne demandent pas les bandes audios et vidéosNote de bas de page 249.

51. Une telle pratique irait à l'encontre de l'utilisation de plus en plus répandue des déclarations vidéo et audios que prévoit l'appareil judiciaire par rapport aux déclarations manuscrites privilégiées par le passé. De plus, selon le témoignage de tous les témoins superviseurs (l'adj Bergin, l'adjum Watson et le maj Bell), il s'avère que l'examen qu'ils ont fait du dossier de la Couronne s'est limité au formulaire et aux documents l'accompagnant. Ce dernier fait soulève la question de savoir pour quelle raison on s'attendrait à ce que la Couronne pousse l'examen plus loin et par conséquent minimise l'importance du sommaire préparé par l'enquêteur. Selon moi, toutes les considérations qui précèdent contribuent à souligner l'importance que le sommaire soit complet, exact et objectif.

4. EXACTITUDE, PERTINENCE ET EXHAUSTIVITÉ DU DOSSIER DE LA COURONNE

52. Je conclus que le dossier de la Couronne dans lequel était proposée l'accusation d'agression sexuelle contre CS n'était ni pertinent, ni complet ni exact, en partie parce que certains éléments de preuve disculpatoires n'étaient pas documentés dans le formulaire et n'avaient pas été autrement divulgués à la Couronne par le biais d'une pièce jointe. Je mentionne les exemples suivants selon un ordre qui ne suit aucune logique particulière : les écarts dans les éléments descripteurs fournis par le cdt B au sujet de son agresseur (tache de vin et taille); la faiblesse de l'identification par le témoin oculaire, dans l'ensemble; l'absence de toute procédure d'étalement des photos ou de toute séance d'identification; le défaut d'inclure les déclarations des commandants J et A; la déclaration disculpatoire fournie par CS au capt Thoms peu après l'incident dans des circonstances de nature à rendre nulle la possibilité de la fabrication et le défaut de signaler à la Couronne le fait que la déclaration vidéo de CS était de nature disculpatoire et remplie de dénégations catégoriques.

53. Le cdt B a été interviewé deux fois par la police militaire : la première fois, le 19 août 2004, par le cpl Kulbisky et la deuxième fois, le 8 septembre 2004, par le cpl Lambert et le sgt Niclaes. Les deux entrevues ont été enregistrées sur bandes vidéo et audio; on n'a toutefois recueilli une déclaration écrite que dans le premier cas. Par conséquent, d'après ce que nous pouvons établir, seule cette déclaration écrite a été transmise au procureur; la Couronne a donc dû se fier uniquement au résumé des entrevues que lui a fourni le cpl Dyck.

54. Nous remarquons que dans aucun des sommaires il n'a été fait mention que le plaignant a constamment décrit son agresseur comme ayant une [traduction] « tache de vin de la taille d'un dix cents » sous l'oil. Cette marque a été mentionnée dans la déclaration écrite soumise à la Couronne, mais il ne figure dans le synopsis, y compris dans le sommaire de l'entrevue avec CS, aucune mention du fait que CS ne porte au visage aucune tache de vin, ni aucune explication quant aux motifs pour lesquels l'enquêteur n'a pas tenu compte de cet important élément de description Note de bas de page 250 .

55. 55. De plus, comme indiqué à la page cinq de cinq du dossier de la Couronne, le cpl Dyck, résumant l'entrevue avec le cdt B du 19 août 2004, souligne que celui ci a décrit son agresseur comme portant [traduction] « un short ou un pantalon Gumby ». Il est par la suite mentionné dans le sommaire que le cadet agresseur portait les mêmes vêtements lorsqu'il a été identifié que ceux qu'il portait lorsqu'il a commis l'agression. Ces deux affirmations ont clairement pour objectif de confirmer l'identification ou de lui donner de l'importance. En fait, les vêtements que le cadet portait au moment de l'agression alléguée ont seulement été décrits dans la déclaration écrite du cdt B du 19 août 2004; il a été mentionné dans cette déclaration que l'agresseur [traduction] « portait une chemise de combat et un pantalon ou un short gumby ». Outre le fait qu'il y a clairement eu erreur dans la description du pantalon, il n'a jamais été signalé au procureur de la Couronne civil que ces vêtements formaient un genre d'uniforme de cadet, lequel était porté par tous les cadets du camp.

56.Mentionnons également que, suivant une approche déclaration par déclaration pour résumer la preuve, l'enquêteur a tout simplement omis de mentionner dans le synopsis les efforts que le cdt B a déclaré avoir déployés pour signaler immédiatement l'agression à la police militaire; il est à souligner que le défaut de déposer une plainte sans délai a constitué l'un des points faibles dans l'affaire définis par la Couronne.

57. Enfin, dans sa deuxième déclaration au SNE, le cdt B a indiqué qu'un cadet (le cdt J), dont le lit était situé de l'autre côté du sien dans la caserne, lui avait mentionné qu'il était éveillé et qu'il n'y avait eu personne dans la caserne près du lit du plaignant. Il semble que l'enquêteur ait accepté l'affirmation du plaignant selon laquelle le cdt J n'était pas très digne de foi, car il n'a pas interviewé ce dernier, ni n'en a fait mention dans le sommaire du dossier de la Couronne.

5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Conclusion n° 11:

Le président constate que l'auteur du dossier de la Couronne, le cpl Dyck, a omis de produire un dossier exact, complet et pertinent et il a plus particulièrement omis d'y indiquer un élément de preuve disculpatoire. Toutefois, malgré ces lacunes, je constate qu'il n'existe aucune preuve appuyant la conclusion que le dossier de la Couronne aurait été monté dans l'intention de tromper le procureur ou de l'induire en erreur. Je conclus plutôt que les omissions ou les erreurs relevées sont le résultat d'une absence de supervision et de lacunes systémiques en matière de formation et d'orientation des politiques.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Je suis d'accord sur le fait que les détails concernant la préparation du dossier de la Couronne montrent que celui-ci aurait comporté des inexactitudes et qu'il aurait été incomplet (en particulier en raison de l'absence d'informations disculpatoires). Il semble que la principale lacune ait été de considérer que cette affaire justifiait la présentation du dossier de la Couronne ».

Recommandation n° 12:

Le président recommande que l'on donne au cpl Dyck des conseils au sujet de l'importance de fournir à la Couronne un dossier exact, objectif et complet.

  • En exprimant son acceptation de cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Voir la réponse à la recommandation n° 9 ». À la recommandation neuf, le GPFC a indiqué que le cpl Dyck a suivi des séances de counselling, donc qu'il avait donné suite à cette affaire.

Recommandation n° 13:

Le président recommande que la politique actuelle en matière de préparation des dossiers de la Couronne Note de bas de page 251 soit modifiée sur le plan de la convenance, de sorte que soient établies des directives et procédures additionnelles pour la création de ces dossiers, y compris l'établissement d'une exigence de documenter les communications avec le bureau de la Couronne et de conserver un dossier de photocopies des documents transmis à l'avocat de la Couronne pour examenNote de bas de page 252.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Voir la réponse à la recommandation n° 10 », dans laquelle il a indiqué : « Il sera nécessaire d'accorder une très grande attention à la rédaction des ajouts aux CPTPM qui sont requis, afin qu'ils soient clairs et complets, sans être toutefois trop longs ou trop techniques ».

VI SUPERVISION ET GESTION

1. INTRODUCTION

1. Cette partie du rapport traite des problèmes relatifs à la supervision et à la gestion de l'enquête. On y examine plus précisément si la gestion et la supervision d'ensemble de l'enquête du SNEFC ont été opportunes, si l'attribution du dossier, y compris l'affectation à celui-ci d'un enquêteur dont les compétences en langue seconde étaient limitées, était convenable, et si la supervision et l'examen du mémoire de la Couronne pour en assurer la complétude et l'exactitude ont été appropriés.

2. GESTION ET SUPERVISION D'ENSEMBLE DE L'ENQUÊTE DU SNEFC

2. Les témoignages recueillis par la Commission lors des audiences publiques ont révélé qu'il n'y avait eu un manque véritable de gestion, de supervision ou d'encadrement au cours de cette enquête. Plus particulièrement, le maj Bell et l'adjum Watson se sont apparemment reposés complètement sur une démarche de type « ascendante » qui les a amenés à examiner seulement les documents et autres pièces qui leur étaient présentés. Les témoignages ont en outre fait ressortir que cet examen portait principalement sur des points de forme plutôt que de fond. L'adjum Watson a été particulièrement franc à cet égard lorsqu'il a carrément déclaré n'avoir aucune responsabilité en « gestion » des dossiers. Il a plutôt défini son rôle de « supervision » comme l'obligeant à être au courant du nombre des dossiers, de leur genre et de leur état d'avancement en tout temps. Il a aussi déclaré qu'il avait un rôle en matière d'« assurance de la qualité Note de bas de page 253 » ; toutefois, il est difficile de concevoir comment il pouvait s'en acquitter vu la part minimale qu'il avait déclaré prendre à l'établissement des dossiers. Pour sa part, le maj Bell assumait pleinement la responsabilité des documents qu'il signait. Toutefois, s'il a déclaré avoir reconnu par la suite que les éléments de preuve relatifs à l'identité de l'accusé n'étaient pas solides, il a par ailleurs dit :

[traduction] En règle générale, cependant, j'hésiterais à réviser la décision de l'enquêteur de porter une accusation et ses motifs de le faire. Donc, à moins que l'on ne me présente une raison précise pour laquelle cette accusation ou cette recommandation de porter une accusation ne devrait pas être retenue, je n'hésiterais alors probablement pas à la transmettre à la Couronne Note de bas de page 254.

3. Cette déclaration est difficile à concilier avec le fait que le maj Bell possédait une formation et une expérience poussées en matière d'enquêtes, alors que l'enquêteur dans cette affaire était un stagiaire qui n'avait même pas suivi le cours d'enquêteur criminel de la PM. Il est en outre malheureux de constater que la participation la plus importante du maj Bell et de l'adjum Watson à cette enquête a consisté à examiner l'enregistrement de l'entrevue à la suite de la plainte de C. Même après cet examen, ils n'ont pas reconnu l'infraction aux directives de la PM touchant l'interruption de l'entrevue une fois que la demande de consulter un avocat eut été faite. Compte tenu de leur façon apparente de travailler, il est difficile de voir comment l'un ou l'autre auraient apporté quelque contribution de fond que ce soit au processus d'enquête.

4. Semblablement, et nonobstant le rôle de gestionnaire du dossier ou de l'affaire qu'il avait admis jouer, l'adj Bergin avait également été prompt à s'en remettre au sgt Niclaes pour l'orientation de fond de l'enquête. À cet égard, je note en particulier le témoignage dans lequel l'adjudant dit en partie ceci :

[traduction] [...] je suis toujours convaincu que le Sergent Niclaes a assuré la continuité de cette enquête. Il a fait un travail admirable, à mon avis, pour maintenir la crédibilité de cette enquêteNote de bas de page 255.

5. L'adj Bergin a dit cela en dépit du fait qu'il avait également signalé expressément que le « coach », ou second enquêteur, était en fait affecté non pas au dossier, mais seulement à certaines tâches, comme la surveillance d'entrevues particulières. De plus, il n'a indiqué nulle part dans son témoignage qu'il aurait examiné ou discuté dans le détail les documents versés au dossier. L'adjudant a témoigné qu'il était tenu d'effectuer des vérifications périodiques de divers dossiers, mais que cela ne supposait pas examiner tous les enregistrements d'entrevues. Essentiellement, il se fiait à un examen hebdomadaire des données stockées dans le SISEPM pour suivre le dossierNote de bas de page 256.

6. Il y a lieu de signaler que, dans son témoignage, le sgt Niclaes a décrit d'un point de vue quelque peu différent et beaucoup plus restrictif ses responsabilités de supervision. Ce point de vue était en fait beaucoup plus compatible avec ce que semblait croire le cpl Dyck, c'est-à-dire que le sgt Niclaes devait seulement intervenir dans des situations particulières pour prévenir des bévues majeures. Face aux témoignages contradictoires sur le rôle du sgt Niclaes dans cette enquête sur une agression sexuelle, je conclus selon toute vraisemblance que le témoignage du sgt Niclaes est plus crédible, en ce sens que son rôle se limitait principalement aux entrevues du sujet et de la victime.

7. De plus, le cpl Dyck, comme le sgt Niclaes, a maintenu que tous les enquêteurs sont égaux, le grade de sergent ne semblant pas avoir pour lui une importance particulière. Ce disant, le sgt Niclaes n'a pas reconnu qu'il était l'enquêteur supérieur et que, selon toute attente, il était en position de donner des conseils au cpl Dyck en sa qualité de stagiaire.

8. D'une façon générale, il y a eu, bien sûr, le facteur cité par tous les témoins du SNE, à savoir le roulement et la pénurie de personnel, notamment d'enquêteurs formés et expérimentés, au cours de l'été et de l'automne pendant lesquels l'enquête s'est déroulée. L'adj Bergin a dit de la période en cause de 2004 qu'elle était représentative du [traduction] « plus important afflux ou roulement de personnel que j'ai connu au cours de mes sept années au SNE Note de bas de page 257 . »Cette situation tenait à divers facteurs, comme des promotions et des déploiements, qui expliquaient le nombre élevé des stagiaires en place au SNE au cours de cette période, et elle avait manifestement eu une incidence importante sur le SNE, région de l'Ouest. Mais, à mon avis, loin de justifier ou d'atténuer les fautes des superviseurs, cela en accroît l'énormité. Autrement dit, tous les superviseurs avaient reconnu le problème, mais aucun d'eux n'avait pris quelque mesure que ce soit pour le résoudre, dont s'intéresser plus personnellement au processus d'enquête pour veiller à en maintenir la qualité ou, au moins, prévenir les événements comme ceux dont il est question dans cette affaire à un moment où le risque qu'ils se produisent était le plus élevé.

9. Tout cela est ressorti on ne saurait plus clairement lorsque l'adjum Watson a témoigné que, à part avoir visionné l'enregistrement vidéo en recevant la plainte de C, il n'avait rien fait d'autre que de transmettre le dossier au GPA NP. L'adjudant-maître a affirmé que telle était la pratique normale lors de la réception d'une plainteNote de bas de page 258. Son évaluation, dont il avait fait part au major Bell après avoir visionné l'entrevue de CS, était que cette entrevue était maladroite et ne coulait pas bien, mais qu'aucune erreur importante n'avait été commise. L'adj Bergin a exprimé la même opinion. Le major Bell et l'adjum Watson ont convenu à l'époque que le cpl Dyck irait bientôt suivre le cours d'enquêteur criminel de la PM et que certains de ces défauts seraient alors corrigés Note de bas de page 259. In addition to this, MWO Watson spoke of the NIS policy with respect to sexual assault investigation training for all NIS personnel, but he did not relate this policy to Cpl Dyck either before or as a result of the events in question.Note de bas de page 260. En outre, l'adjum Watson a parlé de la politique du SNE touchant la formation aux enquêtes sur les plaintes pour agression sexuelle pour tout le personnel du SNE, mais il n'a jamais fait part de cette politique au cpl Dyck, ni avant ni après les événements en question. Et l'enquête s'est poursuivie sous la direction du cpl Dyck, qui a rempli son rôle en grande partie sans aide.

10. L'adj Bergin a déclaré dans son témoignage que, rétrospectivement, il aurait veillé à ce que les membres de son équipe se rendent sur les lieux du crime, dressent un croquis des lieux, en prennent des mesures convenables, récupèrent tous les dossiers médicaux éventuels et vérifient si quelqu'un avait subi des blessuresNote de bas de page 261 . Malgré la reconnaissance de ces fautes, l'adj Bergin a défendu catégoriquement sa décision d'affecter des stagiaires, et même un qui avait des problèmes de langue Despite these identified shortcomings, WO Bergin adamantly stood by his decision to assign interns, even one with linguistic challengesNote de bas de page 262, à un dossier relatif à une agression sexuelle impliquant des jeunes. De même, il a continué de dire que, à son avis, le sgt Niclaes avait maintenu la crédibilité de l'enquête.

11. Rétrospectivement, l'adjum Watson a exprimé l'avis que l'on aurait pu faire plus au niveau de l'identification du suspect dans cette affaire. Il a signalé que la pratique exemplaire aurait consisté à se rendre sur les lieux, à vérifier la description physique et à s'assurer que le Lt Flower avait identifié la bonne personne. Il était cependant d'avis qu'une séance d'identification ou un étalement de photos après le fait, une fois que la victime avait eu indiqué quelqu'un, n'aurait pas été un outil efficaceNote de bas de page 263.

12. Tout en admettant que l'on aurait pu faire quelque effort pour atténuer les effets de la mauvaise identification, comme examiner les lieux et procéder à un étalement de photos, le maj Bell était d'avis que cela n'était pas réaliste à ce moment-là, car le mal avait été faitNote de bas de page 264. Il se rappelle avoir été informé de la plainte de C par l'adjum Watson, qui lui avait confié que l'entrevue de CS lui paraissait rudimentaire et laissait à désirer. Le maj Bell avait alors examiné la vidéo de l'entrevue lui-même et conclu qu'elle laissait à désirer en ce sens qu'elle était « maladroite » et qu'elle montrait « un enquêteur inexpérimenté et complètement dépassé ». Il était également d'avis à ce moment-là, et il le pense toujours, que l'entrevue aurait dû cesser lorsque CS a déclaré vouloir communiquer avec un avocat. Il a émis l'opinion que tout renseignement obtenu après que CS eut demandé l'assistance d'un avocat ne serait probablement pas admissible dans une procédure judiciaire Note de bas de page 265.

13. Le maj Bell se rappelle avoir dit à l'adjum Watson qu'il voulait que le cpl Dyck assiste au premier cours d'enquêteur criminel de la PM qui serait offert, parce que sa compréhension globale de l'entrevue de CS par le caporal était qu'il s'agissait d'une tentative par une personne inexpérimentée de mener une entrevue prudente Note de bas de page 266.

14. Le maj Bell ne se rappelle pas avoir discuté de l'entrevue avec l'adj Bergin, et il n'en a pas parlé non plus avec le cpl Dyck ni avec le sgt Niclaes. Son examen de la vidéo de l'entrevue mis à part, il n'a rien fait d'autre pour se renseigner davantage sur l'enquête après que C eut déposé sa plainteNote de bas de page 267.

15. Le maj Bell se rappelle avoir reçu, à la mi-décembre 2004, un appel de son supérieur à Ottawa qui lui demandait comment l'identification du suspect dans cette affaire avait été faite. Cet appel l'avait incité à examiner les rapports contenus dans le SISEPM, et c'est à ce moment-là qu'il était arrivé à la conclusion que les éléments de preuve menant à l'identification de l'accusé étaient contestables.

16. Le maj Bell a témoigné que, par suite de cette affaire, il avait donné des directives précises selon lesquelles, en cas de transmission d'un dossier, un examen complet de tous les documents d'enquête doit être effectué et un nouveau plan d'enquête doit être établi et présenté pour approbation avant que toute autre activité d'enquête soit entrepriseNote de bas de page 268.

17. Fait également notable - et louable -, le maj Bell et l'adjum Watson sont intervenus de manière proactive relativement aux cas d'agression sexuelle survenus aux camps de cadets. En premier lieu, ils ont effectué une étude et mis en train des séances d'information dans l'espoir de réduire ces incidents. Ces initiatives ont ensuite été imitées par d'autres unités régionales du SNENote de bas de page 269.

18. Cela dit, il est révélateur que, à plusieurs moments au cours de leurs témoignages, divers superviseurs ont déclaré qu'ils ne faisaient pas telle ou telle choses ou ne prenaient pas telle ou telle mesures afin de ne pas « microgérer », terme qu'ils utilisaient avec une répugnance manifeste. Malheureusement, ce désir apparent de ne pas donner l'impression de « microgérer » les a empêchés d'assurer une gestion efficace à un niveau qui était en fait nécessaire et opportun dans toutes les circonstances.

19. La pratique exemplaire touchant la supervision des enquêtes exigerait logiquement que les superviseurs aient une connaissance raisonnablement profonde des faits, souvent obtenue grâce à des breffages, afin de remplir les tâches de supervision fondamentales consistant à communiquer leur savoir et leur expérience et à exercer une fonction de remise en question. À la lumière des faits de cette affaire, on peut que se demander ce que les superviseurs entendaient au juste par l'expression « contrôle de la qualité », utilisée à plusieurs reprises par l'adjum Watson, à moins qu'elle ne soit limitée entièrement à des points de forme et non de fond. Cette situation est regrettable en ce sens que les superviseurs en question possèdent manifestement des connaissances et une expérience qui auraient profité au cpl Dyck s'ils s'étaient intéressés à l'enquête.

20. En outre, si l'on admet que le bureau du GPA NP est l'organe auquel il convient d'acheminer les plaintes au sujet de la conduite du personnel de la PM, cela ne supprime pas la responsabilité des gestionnaires d'évaluer une plainte, en particulier dans une situation où le travail de la police, en l'occurrence une enquête, est en cours. À tout le moins, les gestionnaires auraient dû examiner le dossier suffisamment dans le détail pour s'assurer qu'il était à propos de le laisser entre les mains du ou des enquêteurs à qui il avait été confié et/ou déterminer si le bien-fondé éventuel de la plainte était de nature à influer sur l'intégrité du processus d'enquête.

3. ATTRIBUTION DE L'ENQUÊTE

21. Le 23 août 2004, l'adj Bergin a confié cette enquête au cpl Lambert, puis il y a réaffecté le cpl Bonneteau le 10 septembre 2004. Dix-neuf jours plus tard, soit le 29 septembre 2004, il y a réaffecté encore une fois le cpl Kemplay. Finalement, le 30 septembre 2004, le cpl Dyck s'est vu confier le dossier. En reconnaissant que quatre enquêteurs principaux avaient été affectés à ce dossier en l'espace de cinq semaines, l'adj Bergin a précisé qu'en réalité il y en avait eu trois, car le cpl Kemplay n'en a jamais assumé la charge.

22. Le cpl Dyck a expliqué qu'un stagiaire peut se voir confier un dossier à titre d'enquêteur principal et qu'un second enquêteur serait alors affecté pour le seconder, lui donner des conseils et s'assurer qu'il est dans la bonne voie dans la conduite et le déroulement de l'enquêteNote de bas de page 270.

23. En le réaffectant au dossier le 30 septembre 2004, on a dit au cpl Dyck qu'il serait l'enquêteur principal, qu'il travaillerait avec le sgt Niclaes, et qu'il y avait déjà dans le SISEPM un dossier qu'il pouvait examinerNote de bas de page 271. Il se rappelle qu'on lui avait dit d'examiner ce dossierNote de bas de page 272. Lorsqu'on lui a demandé quelle information on lui avait donnée au sujet du rôle du sgt Niclaes, il a déclaré que, lorsqu'il était arrivé au SNE, on avait dit à tous les stagiaires qu'ils seraient jumelés à des enquêteurs d'expérience qui avaient réussi leur stage et qu'ils (les stagiaires) devraient solliciter leurs conseilsNote de bas de page 273. L'adj Bergin a confirmé qu'au moment de confier le dossier au cpl Dyck, il lui avait dit de passer l'enquête en revue et de mettre à jour le dossier et le plan d'enquête Note de bas de page 274.

24. L'adj Bergin a en outre précisé qu'il s'attendait à ce qu'un enquêteur qui prenait la relève d'une enquête soit parfaitement au courant du dossier de telle sorte que, si on lui posait une question de détail au sujet de l'enquête, il pourrait y répondre. Il a mentionné que, à certains moments, l'enquêteur n'aurait pas besoin de passer en revue les déclarations enregistrées sur bande vidéo ou audio. Lorsqu'on lui a demandé s'il ordonnerait habituellement à ses enquêteurs d'examiner tous les enregistrements d'entrevues, il a répondu qu'il avait tendance à « ne pas microgérerNote de bas de page 275 ». En fait, il a déclaré que, s'il avait été l'enquêteur réaffecté au dossier, il n'aurait pas nécessairement passé en revue les cassettes audio et vidéo des entrevues qui avaient déjà été versées à ce dossieressarily reviewed the audio and video cassettes that were already completed on this file. Note de bas de page 276.

25. Le cpl Dyck a admis qu'il n'avait pas beaucoup d'expérience touchant la conduite d'entrevues à son arrivée au SNE, à Edmonton. Il a mentionné qu'il avait seulement effectué un « petit nombre » d'entrevuesNote de bas de page 277. Il a expliqué que son expérience antérieure avait consisté à travailler à des dossiers officieux, ce qui supposait rassembler des renseignements d'autres sources, mais non participer activement aux entrevues. Il a en outre signalé que, dans le cadre de son expérience antérieure, il avait pris des notes au cours d'entrevues et d'interrogatoires dans un nombre relativement petit de casNote de bas de page 278. Plus particulièrement, il a déclaré qu'il ne pouvait se rappeler avoir effectué quelque interrogatoire ou entrevue mettant en cause une jeune personne avant son entrevue du 8 octobre 2004 avec CSNote de bas de page 279. En ce qui concerne son expérience et/ou sa formation relatives aux affaires d'agression sexuelle, le caporal a signalé que l'enquête en cours d'examen était la première affaire de ce genre dans laquelle il était l'enquêteur principal. Sur la question de la formation aux enquêtes relatives à des agressions sexuelles, le cpl Dyck, qui n'avait pas encore suivi le cours d'enquêteur criminel de la PM à l'époque de l'entrevue de CS, a dit qu'il avait été « fait mention brièvement » de l'agression sexuelle dans le cadre des cours QL3 et QL5Note de bas de page 280.

26. Lorsqu'on lui a demandé comment l'affectation de plusieurs enquêteurs au dossier s'était répercutée sur la gestion de l'enquête, l'adj Bergin a déclaré de nouveau qu'il était convaincu que la continuité de l'enquête avait été assurée par le sgt Niclaes. Comme on l'a signalé précédemment, l'adjudant a témoigné que [traduction] « le sergent Niclaes a fait un travail admirable, à mon avis, pour maintenir la crédibilité de cette enquêteNote de bas de page 281. »

27. Je considère cette dernière déclaration comme remarquable, étant donné que le rôle du sgt Niclaes se limitait à surveiller des entrevues particulières et compte tenu du témoignage de celui-ci concernant son interprétation et son exécution de ce rôle limité, témoignage dont l'adj Bergin était pleinement au courant.

28. Il convient de noter que l'adjum Watson a finalement convenu que le dossier était passé entre trop de mains, et que son attribution initiale au cpl Lambert était inopportune vu ses compétences linguistiques Note de bas de page 282.

29.Je pense qu'il est entièrement raisonnable de conclure que la réattribution multiple de l'enquête sans une définition soigneuse des responsabilités des nouveaux enquêteurs ou en l'absence de protocoles relatifs au transfert des dossiers, représente un autre défaut systémique de gestion qui a inévitablement contribué à la piètre qualité de l'enquête.

4. AFFECTATION D’UN ENQUÊTEUR NE POSSÉDANT PAS LES COMPÉTENCES LINGUISTIQUES APPROPRIÉES

30. Les témoignages recueillis dans le cadre de cette audience publique ont révélé clairement qu’un enquêteur ne possédant pas les compétences linguistiques nécessaires avait été affecté à cette enquête, ce qui était à la fois injuste pour l’enquêteur et préjudiciable à l’enquête.

31. On a dit diverses choses au sujet du cpl Lambert, notamment qu’il « avait de la difficulté avec certains mots », qu’il avait un fort accent et qu’il se débattait avec la langue anglaiseNote de bas de page 283. Le sgt Niclaes a signalé qu’il éprouvait des difficultés énormes en anglais et que, lorsqu’il rédigeait des questions d’entrevue, il consultait des affaires passées dans le SISEPM pour y trouver les termes appropriés et devait se servir constamment d’un dictionnaire pour élaborer ses questions. Il a déclaré que le cpl Lambert avait vite interrompu l’entrevue avec le cdt B parce que la mener en anglais était trop pour lui. Le sgt  Niclaes avait alors pris la relève. Il a en outre déclaré que c’était lui qui avait rédigé le résumé de l’entrevue du cdt B et qu’il l’avait ensuite remis au cpl Lambert pour l’enregistrer à son nom dans le SISEPM.

32. Il y a manifestement eu un défaut systémique dans l'établissement du profil linguistique du poste du cpl Lambert ou dans son affectation à un poste au profil duquel il ne semblait pas satisfaire, mais c'est là un point secondaire. Autrement dit, la véritable question qu'il convient de nous poser ici est la suivante : les gestionnaires ont-ils commis une faute en affectant à l'enquête un enquêteur qui ne possédait pas les compétences linguistiques nécessaires? À cet égard, la responsabilité retombe en grande partie sur l'adj Bergin, et la situation ressort clairement de son témoignage. Dans le cadre de ses réponses, l'adjudant Bergin a d'abord admis que le cpl Lambert [traduction] « [...] avait de la difficulté à parler l'anglaisNote de bas de page 284 », mais qu'il s'était fié là encore au sgt Niclaes, malgré le fait que celui-ci avait exprimé ses propres préoccupations au sujet de ce problème et signalé que cela lui occasionnerait deux fois plus de travailNote de bas de page 285. L'adj Bergin a fait la déclaration suivante après que je lui eus demandé s'il avait ou non eu l'impression que, à certains moments, le cpl Lambert ne comprenait pas les communications orales en anglais :

[traduction] Je m'appliquais à parler plus clairement au caporal Lambert. Par exemple, je n'employais pas d'argot anglais ni rien du genre. Je me mettais au niveau de sa compréhension. C'est ainsi que je fonctionnais avec lui. Il y avait des moments, oui, Monsieur, où je pouvais me rendre compte simplement d'après ses gestes qu'il n'avait pas compris. À ces moments-là, je répétais ce que j'avais dit dans d'autres termes, et il comprenait alors visiblementNote de bas de page 286

33. Néanmoins, l'adj Bergin défend sa décision d'affecter le cpl Lambert à l'enquête et à la conduite de l'entrevue avec le cdt B en déclarant qu'il lui fallait évaluer le caporal, déterminer ses aptitudes. Mais il a affirmé qu'il n'aurait pas permis à celui-ci de diriger l'entrevue d'un sujet avant d'être pleinement convaincu de ses compétences linguistiquesNote de bas de page 287. Ici encore, l'adj Bergin s'est fié au fait qu'il avait affecté, en même temps que le cpl Lambert, le sgt Niclaes, qu'il a décrit comme un [traduction] « sergent d'expérience à qui je faisais et fais encore confiance »Note de bas de page 288, pour aider le caporal. Lorsqu'il a confié le dossier à ce dernier à l'origine, l'adj Bergin s'attendait à ce qu'il ait assez de temps pour mener l'enquête à bien avant de quitter l'unité pour aller poursuivre sa formation; vraisemblablement, cela n'aurait pas compris l'entrevue du « sujet », c'est-à-dire de CSNote de bas de page 289.

34. Le major Bell a déclaré dans son témoignage que le profil linguistique du poste du cpl Lambert était ABANote de bas de page 290. Il était peu disposé à commenter la politique relative à l'attribution des profils, mais il a admis que ABA était « assez faible » et qu'il aimerait voir [traduction] « une compétence linguistique beaucoup plus solide pour fonctionner dans un milieu unilingue anglais ». Il a également déclaré qu'après avoir visionné l'entrevue effectuée par le cpl Lambert, il avait été d'avis que l'on avait eu tort d'en confier la charge à celui-ciNote de bas de page 291.

35. À mon sens, il est impossible de trouver une explication logique au fait que, malgré ses compétences visiblement limitées en anglais, telles que l'adj Bergin les avait décrites lui-même, le cpl Lambert ait été chargé de tenir quelque entrevue que ce soit en anglais, sans parler de l'entrevue d'un plaignant adolescent dans une affaire d'agression sexuelle délicate. Cette affirmation n'implique aucune critique que ce soit à l'endroit du cpl Lambert; comme les témoignages l'ont révélé, les efforts faits par celui-ci pour se tirer d'affaire étaient admirables.

5. SUPERVISION ET EXAMEN DU MÉMOIRE DE LA COURONNE

36. Les problèmes de gestion systémiques qui ont influé sur l'enquête en général ont eu une incidence semblable sur la qualité du mémoire de la Couronne. Comme on l'a signalé précédemment, d'après les témoignages, le travail de supervision de l'adj Bergin, de l'adjum Watson et du maj Bell s'est limité en grande partie à un examen de la forme et n'a pas porté sur le fond d'une manière sérieuse. De son côté, le sgt Niclaes n'a aucunement participé à la supervision, car le mémoire de la Couronne n'était pas compris dans la tâche qui lui avait été assignée. En conséquence, cette situation souligne le fait que les superviseurs dans la chaîne de commandement ne peuvent absolument remplir aucune de leurs responsabilités reconnues, qu'on appelle celles-ci gestion, supervision ou assurance de la qualité, s'il ne sont pas prêts à travailler personnellement avec les enquêteurs de première ligne et à participer au processus d'enquête.

37. L'adj Bergin a déclaré que, s'il avait relevé quelque point inquiétant dans le mémoire de la Couronne, il ne l'aurait pas transmis par la voie de sa chaîne de commandement. Toutefois, même après avoir pris le temps de réexaminer ce mémoire pendant qu'il témoignait, il n'a pu y relever quoi que ce soit qui le préoccupait. C'est seulement après qu'on lui eut demandé directement si les faits relatifs à la tache de vin et les divergences touchant la taille du coupable telle que décrite par le plaignant, ainsi que l'existence du cdt J en tant que témoin, auraient dû être signalées dans la synopsis adressée à la Couronne, qu'il a concédé qu'il aurait dû en être fait mention. De plus, il a déclaré franchement que, lorsqu'il examinait des documents comme un mémoire de la Couronne, il avait pour règle de se fier uniquement aux documents qui lui étaient présentés, et admis que, si un mémoire paraissait complet à première vue, il ne saurait pas s'il y avait dans le dossier quelque chose qui avait simplement été oublié dans le mémoire Note de bas de page 292 .

38. Même si l'enquêteur des Normes professionnelles avait soulevé la question de la tache de vin au cours d'une rencontre avec l'adjum Watson, celui-ci ne se rappelle pas avoir communiqué ce renseignement au maj Bell, ni avoir examiné ce point plus à fond Note de bas de page 293 .

39. Le maj Bell a présenté le témoignage suivant au sujet du mémoire de la Couronne :

TRADUCTION] Ma responsabilité consiste à m'assurer que le dossier est d'un niveau de qualité tel que je suis prêt à le signer. Donc, il m'incombe d'examiner le dossier et de m'assurer qu'il est détaillé et complet, et exact en contexte, et, si j'en suis satisfait, je le signe et je l'expédie Note de bas de page 294 .

40. Comme mentionné précédemment, le maj Bell a témoigné que, lorsqu'il avait examiné la lettre de la Couronne indiquant qu'aucune accusation ne serait portée, il n'avait pas été surpris car, à son sens, les éléments de preuve à l'appui de l'identification étaient faibles. Comme nous l'avons signalé plus haut également, même s'il a admis qu'il aurait pu intervenir en choisissant de ne pas envoyer le mémoire de la Couronne, le major a déclaré qu'il hésite généralement à réviser la décision de l'enquêteur de porter une accusation et ses motifs de le faire. Cependant, il a fait remarquer qu'il est rassurant de savoir que la Couronne reverra le dossier et le soumettra à un examen plus rigoureux. Il a convenu que, comme supérieur policier, il possède la prérogative d'ordonner, pour une raison sérieuse, qu'aucune accusation ne soit portée. Il a également concédé que, si l'incident avait eu lieu en Alberta, une accusation aurait probablement été portée Note de bas de page 295 .

6. L'ENTRETIEN TÉLÉPHONIQUE DE LA PLAIGNANTE AVEC L'ADJUM WATSON

41. Immédiatement après l'entrevue du 8 octobre 2004, C est rentrée chez elle et a téléphoné à l'adj Bergin pour se plaindre de la façon dont son fils avait été traité. Lorsqu'ils se sont entretenus plus tard ce jour-là, l'adj Bergin a assuré C qu'il examinerait l'enregistrement vidéo de l'entrevue et qu'il la rappellerait le mardi. Il a expliqué à C qu'un rapport serait rédigé et envoyé à l'avocat de la Couronne, à Vernon, et que l'on déciderait si une accusation devait être portée, auquel cas, lui a-t-il dit, elle serait avisée Note de bas de page 296. C a témoigné que l'adj Bergin ne l'avait jamais rappelée et qu'elle n'avait pas poursuivi l'affaire elle-même, sauf pour confirmer sa plainte dans une lettre datée du 9 octobre 2004 Note de bas de page 297. La plaignante a dit de l'adj Bergin qu'il avait eu une attitude professionnelle et polie dans ses rapports avec elle.

42. Lorsque C a reçu un appel téléphonique du cpl Dyck, le 24 novembre 2004, elle a été contrariée par le fait que celui-ci a déclaré qu'il pouvait communiquer avec son fils n'importe quand. C a dit au caporal qu'elle avait précisé dans sa lettre du 9 octobre 2004 à l'adj Bergin que les gens de la PM ne devaient pas communiquer directement avec son fils, mais qu'ils devaient plutôt prendre contact avec elle d'abordNote de bas de page 298 . Le cpl Dyck a déclaré dans son témoignage qu'il n'était pas au courant de cette instruction lorsqu'il a fait cet appel téléphonique. D'après les témoignages recueillis au cours de l'audience, il semble que les gestionnaires auraient omis de communiquer cette instruction au cpl Dyck.

43. Immédiatement après cette conversation avec le cpl Dyck, C a communiqué par téléphone avec l'adjum Watson. Elle a témoigné que celui-ci [traduction] « a[vait] dit très rapidement et très brusquement : ‹ Nous allons porter des accusations. › Je n'étais pas préparée à cela Note de bas de page 299 » C avait bien sûr été bouleversée et fâchée par le ton et la teneur de l'entretien. L'adjum Watson lui avait dit que [traduction] « des accusations seraient portées contre CS dans les dix prochains jours Note de bas de page 300 » Selon C, il l'avait en outre informée qu'il prendrait cette décision Note de bas de page 301 . Comme elle devait se rendre en dehors de la ville pour son travail, elle avait mis en place un genre de plan de sécurité pour son fils afin qu'il ne soit pas seul lorsque les PM viendraient l'arrêter. Elle avait pris des dispositions pour qu'il reste avec des amis de la famille et avait informé l'école et la GRC en conséquence Note de bas de page 302 .

44. L'adjum Watson a admis avoir informé C que la PM porterait des accusations. Il a déclaré qu'il avait l'intention de lui dire qu'un mémoire serait rédigé et envoyé à la Couronne pour décision. À la suite de cet entretien, il était inquiet de n'avoir peut-être pas été clair, ou de ce que C n'avait peut-être pas compris ce qu'il avait voulu dire Note de bas de page 303 . Il est allé jusqu'à dire qu'il n'y avait probablement aucun doute qu'elle pensait que la PM allait porter des accusations contre son fils. Si tel était le cas, il n'est pas clair pourquoi il n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour s'assurer que C avait bien compris, soit en ayant une autre conversation avec elle, soit en lui écrivant pour clarifier la situation. Il a admis que c'était là une erreur de jugement de sa part Note de bas de page 304 . Je ne peux qu'en convenir.

45. Il ne fait pas de doute qu'il peut être pénible de traiter avec le public, en particulier dans des circonstances chargées d'émotion. Cela dit, il était entièrement raisonnable, à mon avis, de s'attendre à ce qu'un policier professionnel corrige immédiatement une mauvaise communication de cette nature, qui allait sûrement causer un bouleversement considérable.

7. LES DIRECTIVES DU GPA NP ET L'EXAMEN EFFECTUÉ PAR LE SNEFC RC

46. Les témoignages ont révélé que, à la suite de l'enquête des Normes professionnelles sur la plainte de C, le GPA NP avait transmis son rapport sur les conclusions et les mesures prises au GPA SNE, le col Dixon. Ayant décidé de ne pas transmettre ce rapport immédiatement, celui-ci avait chargé deux enquêteurs du SNE, région du Centre, d'examiner la situation, dont les problèmes de gestion. Il avait été incité à agir ainsi par une lettre datée du 25 avril 2005 dans laquelle le GPA NP lui exposait ses préoccupations découlant de l'enquête des Normes professionnelles et relativement à la supervision du dossier, qui débordait la portée établie de l'enquête des Normes professionnelles. Dans cette lettre, le GPA NP ordonnait au GPA-SNE de [traduction] « faire examiner toute l'affaire et prendre les mesures qui conviennent relativement à toutes les divergences, fautes et/ou infractions qui pourront être découvertes. » Après avoir fait effectuer cet examen par le SNEFC RC, le col Dixon a transmis le rapport du GPA NP sur les conclusions et les mesures prises, le 7 octobre 2005, et il a ordonné au maj Bell de donner du counselling officiel et une formation correctrice au cpl Dyck et au sgt Niclaes Note de bas de page 305.

47. Au lieu d'agir sur l'ordre du col Dixon, le maj Bell a adressé à celui-ci, le 1er novembre 2005, une lettre dans laquelle il exprimait des préoccupations au sujet du rapport du GPA NP sur les conclusions et les mesures prises et demandait que la Direction des normes professionnelles réexamine son dossier et les conclusions de son enquête. Le maj Bell a déclaré dans son témoignage qu'il [traduction] « [.] espérait que la lettre des Normes professionnelles pourrait être rédigée à nouveau d'une manière plus constructive Note de bas de page 306. » Il n'a reçu aucune réponse à cette demande.

48. Le maj Bell a aussi expliqué que, lorsqu'il avait reçu la lettre de règlement final du GPA NP, il n'en avait pas remis de copies au cpl Dyck ni au sgt Niclaes parce qu'il avait exprimé des préoccupations au sujet du rapport du GPA NP et qu'il attendait une réponse. Même s'il considérait cette lettre comme un ordre du col Dixon à mettre à exécution, il était d'avis qu'il lui était encore loisible de demander des éclaircissements et une discussion plus poussée. Il a en outre expliqué qu'il n'avait pas ordonné la prise des mesures correctrices parce qu'il avait cru comprendre que le cpl Dyck avait reçu une formation appropriée qui couvrait tous ces points fondamentaux très peu de temps après l'incident qui avait précipité le besoin de formation. Son raisonnement concernant le sgt Niclaes était qu'il avait été muté à un poste où il n'effectuait plus d'enquêtes, de sorte que la question ne se posait plusNote de bas de page 307 . Il a ajouté que, une fois que la tenue de cette audience d'intérêt public eut été annoncée, en juin 2005, aucune autre mesure n'avait été jugée à propos à la lumière de l'enquête en cours de la CPPM. Note de bas de page 308.

49. L'adjum Watson a également reconnu que lui-même et le maj Bell avaient la responsabilité de mettre en oeuvres les mesures correctrices conformément aux directives du GPA NP et, par la suite, à celles de l'OC SNEFC, après l'examen effectué par le SNEFC RC. Il a mentionné que ces directives devaient être observées, mais il croyait aussi qu'il existait une certaine souplesse permettant d'exprimer des préoccupations au sujet des recommandations. Il a par ailleurs confirmé qu'il n'avait jamais examiné avec le cpl Dyck ni avec le sgt Niclaes les fautes possibles ou perçues dans l'enquête ou dans l'entrevue et l'interrogatoire de CS Note de bas de page 309 .

50. TLa Commission a été informée par lettre datée du 29 septembre 2006 que le cpl Dyck avait reçu du counselling et suivi une formation d'enquêteur depuis l'incident. Par la suite, la Commission a reçu du lcol Bud Garrick, officier commandant du SNEFC, une déclaration solennelle datée du 1er novembre 2006 établissant que, le 25 septembre 2006 (jour ouvrable suivant la conclusion des dépositions à l'audience), il avait ordonné à l'officier commandant du SNEFC RO, le maj Jim MacEachern, de donner du counselling au cpl Dyck touchant ses actes au cours de cette enquête. Cela a été fait le 27 septembre 2006.

51. La série d'événements résumés brièvement ci-dessus, en commençant par le retard du maj Bell à donner suite aux directives en attendant une réponse à ses préoccupations, traduit une fâcheuse habitude de résistance à la critique professionnelle et un dédain regrettable pour le travail de la Direction des normes professionnelles en sa qualité de mécanisme de surveillance interne de la police militaire. Si le fait de « défendre » ses subalternes lorsque c'est à propos est propre au bon leadership et très souvent louable, cette affaire montre clairement que les leaders qui se mettent sur la défensive sans avoir examiné de près les actes de leurs subalternes cherchent en fait à défendre l'indéfendable. Ce genre d'attitude ne présage rien de bon pour le maintien et le développement de normes professionnelles élevées.

52. De plus, on reconnaît que, lorsque qu'une plainte relative à la conduite d'un membre de la police militaire est reçue, elle doit être acheminée au GPA NP ou à la CPPM pour être traitée conformément à la partie IV de la Loi sur la défense nationale. Le mécanisme de transmission de la plainte aux Normes professionnelles ne décharge pas les supérieurs de toute autre responsabilité à l'égard du policier militaire en cause. Ceux-ci doivent plutôt examiner l'incident en vue de déterminer si une mesure immédiate est requise, comme la réattribution du dossier (lorsque les supérieurs déterminent que l'enquêteur n'est plus à même d'effectuer l'enquête de façon impartiale), ou qu'il faut conseiller et superviser immédiatement l'enquêteur touchant l'enquête particulière et peut-être les autres enquêtes qu'il mène.

8. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

53. En somme, les défauts observés touchant le comportement de la haute direction dans la gestion et la supervision de cette enquête ont clairement contribué, on pourrait même dire mené, au dérapage final. Signalons de nouveau qu'un aspect particulièrement troublant de cette affaire est le fait que, si ces événements avaient eu lieu en Alberta ou dans toute autre province où l'on vérifie les accusations après coup, plutôt qu'en Colombie-Britannique, où la vérification est faite avant la mise en accusation, CS aurait tout probablement été accuséNote de bas de page 310 . Heureusement, tel n'a pas été le cas.

54. S'il est vrai que l'avocat de la Couronne aurait très bien pu retirer l'accusation avant que l'affaire aille à procès, cela n'aurait pas diminué l'embarras et le traumatisme inutiles qu'auraient éprouvé le jeune CS et sa mère du fait d'avoir été accusé et de devoir comparaître devant un tribunal pénal et, ce qui est encore plus préjudiciable, de se retrouver avec un dossier de personne accusée. Cela devrait faire prendre sérieusement conscience à la haute direction de la police militaire de l'importance d'une supervision et d'une gestion sérieuses des enquêtes.

Conclusion n° 12:

Le président conclut que la gestion de l'enquête du SNEFC et l'encadrement fourni par l'adj Bergin, l'adjum Watson et le maj Bell n'ont été dans l'ensemble ni suffisants ni efficaces. Témoignent de ce défaut d'attention de la part des supérieurs :

  1. les multiples réattributions du rôle d'enquêteur principal sans que soient données des directives claires expliquant comment aborder la reprise ou le traitement d'une affaire en cours;
  2. l'attribution du dossier à un enquêteur principal ne possédant pas la connaissance requise de la langue anglaise;
  3. l'attribution du dossier à un enquêteur principal ne possédant ni la formation ni l'expérience requises pour exercer ses fonctions, sans qu'il ait accès à une forme de mentorat adéquate - prévoyant un degré de participation suffisant de la part du mentor et une définition claire du rôle de ce dernier;
  4. l'absence d'un mécanisme permanent visant à soumettre les dossiers à l'examen approfondi des superviseurs afin que ceux-ci soient à même d'assurer un encadrement et une orientation efficaces tout au long de l'enquête;
  5. l'approbation d'un dossier de la Couronne qui n'était ni complet ni en tous points exact;
  6. l'approbation d'un dossier de la Couronne qui recommandait une mise en accusation faiblement étayée, sans plus ample enquête concernant la nature exacte et la qualité de la preuve;
  7. le défaut d'agir de façon proactive et de répondre avec efficacité à une plainte concernant une enquête en cours;
  8. le défaut de traiter de manière professionnelle avec un membre du public, particulièrement en ce qui a trait à la correction des renseignements erronés et à l'envoi d'un avis établissant la conclusion définitive de l'enquête;
  9. le défaut de veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises pour mettre à jour le code de rôle affecté à CS dans le SISEPM;
  10. le défaut de revoir le dossier de fond en comble et de faire le point sur les leçons apprises après réception d'un avis de la Couronne indiquant le rejet de l'accusation;
  11. le défaut de prendre en compte les directives et les critiques constructives de l'état-major supérieur.
  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Cette défaillance est davantage attribuable à la politique de la PM concernant l'utilisation du SISEPM qui était en vigueur à l'époque, une politique à laquelle étaient soumis les trois membres ».
  • L'observation ci-dessus vaut à mon avis adhésion à cette conclusion et, vu l'engagement du GPFC à formuler une politique concrète pour renforcer la précision des affectations, et pour assurer le cas échéant les changements en temps voulu dans ces affectations, je suis satisfait de la résolution de cette question.

Recommandation n° 14:

Le président recommande, selon le cas, de renforcer ou de mettre en place la formation et les politiques pertinentes de façon à exiger que les superviseurs participent en toute connaissance de cause aux enquêtes, en précisant qu'il ne s'agit pas de faire de la « micro-gestion », mais de doter le processus d'enquête d'un mécanisme de vérification ou de contrôle de la qualité qui s'avère indispensable.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Acceptée dans la mesure où les politiques existantesNote de bas de page 311semblent régler la question de manière adéquate, tandis qu'il est nécessaire de mettre davantage l'accent sur ces politiques et de renforcer la formation relative à celles-ci ».
  • Je suis satisfait de la façon dont le GPFC entend mettre en oeuvres cette recommandation.

Recommandation n° 15:

Le président recommande de passer en revue le profil linguistique de tous les postes d'enquêteur du SNE afin de confirmer que ce profil convient bien aux tâches à exécuter; il recommande également de rappeler aux superviseurs qu'en dernière analyse, c'est à eux qu'incombe la responsabilité de veiller à ce que l'attribution des tâches se fasse conformément à la capacité linguistique.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Il est nécessaire que le SNEFC et le gestionnaire des carrières de la PM et du BPM coopèrent davantage à cet égard, en consultation avec le GPA GR et à la lumière des modifications en cours à la politique des FC sur les langues officielles ».

Recommandation n° 16:

Le président recommande que le SNEFC applique une politique en vertu de laquelle toutes les enquêtes débouchant sur la recommandation d'accusations (dans les administrations qui disposent d'un programme de filtrage préinculpation) ou sur le dépôt d'accusations qui ne font pas ensuite l'objet d'une poursuite, soient soumises à un examen complet afin d'en tirer les leçons.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « La recommandation s'applique non seulement au SNEFC, mais également aux autres composantes qui portent des accusations. Dans le même temps, le processus de ‹ leçon apprise › prend du temps et requiert du personnel. Cela peut être compensé en tout ou partie si les enseignements tirés sont utiles. Les décisions du ministère public de ne pas intenter des poursuites judiciaires ou de ne pas approuver les accusations ne sont cependant pas toutes attribuables à des défauts imputables aux policiers. Il peut y avoir un certain nombre de situations dans lesquelles les policiers ont constitué un dossier présentant une probabilité raisonnable de condamnation, mais dans lesquelles le ministère public décide, après mûre réflexion, que le déclenchement de poursuites ne serait pas dans l'intérêt du public. À chaque fois que le ministère public rejette les accusations qui ont été déposées ou recommandées par la police, il faudrait vérifier si une analyse approfondie est justifiée du point de vue des normes professionnelles. Cette affaire, à titre d'exemple, subirait avec succès une telle vérification ».
  • Je suis satisfait de cette approche qui est en fait une amélioration de la recommandation.

Recommandation n° 17:

Le président recommande de rappeler au personnel d'encadrement de la police militaire que les exigences en matière de dépôt des plaintes prévues à l'article 250.21 de la Loi sur la défense nationale ne les exemptent pas de la responsabilité d'examiner la plainte et de prendre les mesures nécessaires, s'il y a lieu, à l'égard de situations courantes auxquelles la plainte est susceptible de se rapporter.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le rappel prendra la forme d'un avis en matière de politiques de la police ».

VII FORMATION

1. INTRODUCTION

1. Dans la présente section, on aborde des questions de nature systémique qui échappent au contrôle des membres des différentes parties à ce processus d'enquête, à l'exception peut-être du GPFC qui n'était toutefois pas celui en poste au moment des événements en question. Ces problèmes systémiques de formation sont étroitement liés aux grandes questions de la disponibilité et de la gestion des ressources humaines qui échappent elles aussi au contrôle des parties. Il convient en fait de souligner que certaines des questions examinées dans la présente section, individuellement aussi bien que collectivement, atténuent d'une certaine façon ce qui pourrait être considéré autrement comme des manquements de la part de certaines parties.

2. Dans l'analyse de ces questions de formation et/ou de gestion des ressources humaines, il faut expressément noter, à l'instar de plusieurs témoins, [traduction] « qu'on ne vit pas dans un monde parfait ». Ce truisme justifiera logiquement une certaine dérogation au principe de la perfection, mais il ne peut non plus offrir une défense totale face aux manquements systémiques qui doivent, en conséquence, faire l'objet de commentaires défavorables. C'est particulièrement le cas, nonobstant le manque de pouvoir des parties de corriger les manquements systémiques, quand de meilleures pratiques de gestion auraient pu atténuer l'effet de certaines faiblesses observées.

2. CONDITIONS GÉNÉRALES À UNE AFFECTATION AU SNE

3. 3. D'après les témoignages entendus par la Commission, pour travailler au SNE, il fallait et il faut toujours remplir les conditions de base, c'est à dire avoir suivi le cours d'enquêteur criminel donné par l'école de police militaire ainsi que le « programme de stages » d'environ un an du SNE. Ces exigences s'appliquent à tous ses membres sans exception. Les témoignages révèlent également qu'au moment des événements en question (l'été et l'automne 2004), plusieurs membres du personnel du bureau d'Edmonton du SNE, région de l'Ouest, n'avaient pas suivi la formation exigée, entre autres l'adjudant-maître, l'un des deux adjudants et plus de la moitié des enquêteurs en poste ayant le grade de caporal ou de caporal-chef. Cette situation a été attribuée à un taux anormalement élevé d'affectations au cours de 2004. Ainsi que l'a indiqué l'adjum Watson, le taux de roulement du personnel durant cette période était de 60 % Note de bas de page 312.

4. Quelle qu'ait été la raison de l'état de la formation du personnel du bureau d'Edmonton du SNE, région de l'Ouest, sur le plan du rendement professionnel, elle aurait manifestement mis n'importe quelle organisation d'enquête dans une situation intenable. On ne peut s'empêcher de penser si quelque autre direction des Forces canadiennes risque de s'engager dans des opérations aussi mal préparée; on peut seulement espérer que non.

5. La situation relativement aux enquêteurs de première ligne était exacerbée par l'état de formation du personnel de supervision, plus particulièrement l'adjudant-maître qui était chargé, ainsi qu'on l'indique plus tôt, de la surveillance et de l'assurance de la qualité. On se demande ensuite forcément comment cette personne devait assumer ces responsabilités avant même d'avoir suivi la formation requise, ou si l'on s'attendait qu'il n'y aurait tout simplement ni surveillance ni assurance de la qualité.

3. COURS D'ENQUÊTEUR CRIMINEL DE LA PM

6. L'objet de la présente enquête publique n'était pas d'examiner des questions comme la teneur de ce qu'on appelle le cours d'enquêteur criminel donné par l'école de la police militaire. Toutefois, au vu des témoignages entendus concernant l'importance de ce cours sur le plan professionnel pour travailler au SNE et des conclusions tirées ici quant aux manquements systémiques au chapitre de la formation, il convient de jeter au moins un coup d'oil au contenu du cours. On se bornera à dire que, peu importe ce que celui ci apporte ou ajoute vraiment aux compétences des enquêteurs de la PM, les témoins ont catégoriquement indiqué l'un après l'autre que le cours ne fait rien pour éclairer les enquêteurs sur les bonnes procédures d'identification, par exemple les étapes à suivre pour tenir une séance d'identification des suspects, et qu'ils n'ont pas reçu de formation du genre dans quelque autre cours normal de la PM. Et plus élémentaire encore, plusieurs témoins enquêteurs n'avaient pour ainsi dire aucune idée des raisons pour lesquelles il faut suivre les bonnes procédures d'identification, soit à cause des grandes faiblesses que présentent les identifications par témoin oculaire.

7. Le cpl Dyck, qui a obtenu son diplôme d'enquêteur criminel de la PM le 10 novembre 2004, a déclaré que dans ce cours d'environ trois semaines, on enseignait entre autres les techniques d'entrevue et d'interrogatoire de base semblables à celles qu'il avait apprises dans les cours QL3 et QL5Note de bas de page 313. Selon son témoignage, toute sa formation sur ces techniques tient aux trois cours en question (QL3, QL5 et le cours d'enquêteur criminel de la PM). C'est sur le tas, ou en travaillant avec d'autres enquêteurs et en les observant, qu'il a acquis les seules autres connaissances qu'il possèdeNote de bas de page 314. Il a ajouté que lorsque des changements sont apportés à la loi, par exemple à la loi sur les jeunes contrevenants, aucun cours obligatoire de mise à niveau ou de perfectionnement ne leur

8. Les sgt Niclaes a affirmé qu'on ne lui avait jamais enseigné les techniques d'interrogatoire Reid, bien qu'il ait lu sur le sujet Note de bas de page 315. À part le cours d'enquêteur criminel de la PM, il n'a pas suivi d'autres cours sur les techniques d'entrevue et d'interrogatoire

4. LE PROGRAMME DE STAGES

9. Le Programme de stagesNote de bas de page 316 appliqué par le SNE afin de donner une expérience pratique supervisée à des enquêteurs ayant suivi en principe le cours exigé semble, du moins à prime abord, être un modèle ou une méthode efficace de perfectionnement professionnel. Toutefois, beaucoup de choses laissaient à désirer dans l'exécution de ce programme par rapport à la présente affaire.

10. Premièrement, les témoignages font clairement comprendre que les vues entre des superviseurs comme l'adj Bergin et des participants comme le sgt Niclaes et le cpl Dyck divergeaient quant au rôle des « enquêteurs encadreurs et/ou mentors », voire même quant à la portée du soutien et de l'orientation qui devaient être offerts aux nouveaux enquêteurs dans le cadre du Programme de stages.

11. Le cpl Dyck a précisé que bien qu'on ne lui ait pas assigné un mentor pour toute l'année, il a toujours travaillé dans chaque enquête de concert en compagnie d'un encadreur qualifié (c'est à dire une personne qui avait suivi et le cours d'enquêteur criminel de la PM et le Programme de stages d'un an). Le cpl Dyck a souligné que, finalement, l'adj Bergin était chargé de superviser son stageNote de bas de page 317. Il a prolongé le stage du cpl Dyck au delà de la période d'un an prévue. D'après ce dernier, l'adj Bergin n'a pas précisé les raisons pour lesquelles son stage était prolongé, sinon qu'il avait besoin d'un peu plus de temps pour terminer le tout. Le cpl Dyck a indiqué [traduction] « qu'à la fin du stage, on lui avait dit qu'il avait fait du bon boulot et qu'il avait terminéNote de bas de page 318 ». D'après lui, il devrait y avoir davantage de supervision durant cette année de stageNote de bas de page 319.

12. L'adj Bergin a souligné que le stage du cpl Dyck avait été prolongé au delà de la période normale d'un an pour des raisons de motivation, comme l'empressement à participer à un déploiement ou fournir des efforts supplémentaires, et non pour quelque raison liées à la présente enquête ou à ses compétences d'enquêteurNote de bas de page 320.

13. Ainsi qu'il est mentionné plus tôt, contrairement aux vues de l'adj Bergin, le sgt Niclaes a déclaré qu'on ne l'avait jamais spécifiquement affecté à l'enquête sur l'agression sexuelle en question; on lui avait plutôt demandé de suivre l'entrevue avec la victime menée par le cpl Lambert et l'entrevue avec le sujet menée par le cpl Dyck. Le sgt Niclaes a signalé qu'il n'avait pas été affecté à l'enquête en qualité de partenaire et qu'il ne considérait pas que son rôle consistait à gérer l'affaire. À son avis, son rôle se bornait à participer à certaines entrevues et à répondre aux questions des enquêteurs affectés à l'affaireNote de bas de page 321. Le sgt Niclaes a indiqué qu'en plus de lire les questions que le cpl Dyck avait préparées, il avait passé en revue les étapes d'une entrevue avec ce dernier au cours du trajet en voiture pour aller interviewer le sujet. Comme il savait que le cpl Dyck connaissait les « neuf étapes » Reid, il ne les a pas récapitulées avec luiNote de bas de page 322.

14. L'adj Bergin a décrit le Programme de stages de diverses façons, tantôt comme étant un processus où [traduction] « l'encadreur doit essentiellement prendre le nouvel enquêteur par la main, façon de parler, et lui faire passer en revue nos procédures, les exigences administratives du SNE, et tout Note de bas de page 323 » , tantôt comme un processus où l'encadreur n'est pas du tout affecté à l'affaire et ne participe qu'à certaines activités, comme une entrevue Note de bas de page 324 . En fait, l'adj Bergin nous a carrément déclaré : [traduction] « Dans un monde parfait, ce serait bien, oui, de prendre en charge une nouvelle recrue et de la jumeler à un enquêteur chevronné qui l'encadrerait toute l'année durant, mais malheureusement, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Nous devons nous arranger avec ce que nous avonsNote de bas de page 325 ».

15. Tous ces témoignages signalent l'absence d'une approche systématique dans la conduite du Programme de stages où les rôles aussi bien que les objectifs de rendement sont clairement définis. Cela a donné pour résultat un enquêteur qui, bien que n'ayant aucune des deux formations requises (le cours d'enquêteur criminel de la PM et le stage d'un an), a dû se débrouiller avec une supervision ou des indications sporadiques dans une enquête qui présentait un certain nombre de difficultés (une affaire d'agression sexuelle où il fallait, par exemple, rencontrer des jeunes gens et assembler des éléments de preuve en vue d'identifier le ou les suspects) et qui risquait d'affecter les parties concernées toute leur vie. Tout en reconnaissant encore une fois que rien n'est parfait dans ce bas monde et qu'il faut souvent composer avec les circonstances, il est difficile de comprendre comment cela peut justifier l'adoption d'un modèle qui prévoit l'affectation d'enquêteurs non formés et jouissant d'une aide strictement minimale à des affaires complexes et délicates. Le gros bon sens veut que la pratique ou le modèle exemplaire en soit un où les enquêteurs peu expérimentés n'ont jamais à remplir un rôle de direction tant qu'ils ne sont pas dûment formés (ce qui implique généralement le jumelage d'un stagiaire avec un enquêteur d'expérience), et même là, ils ne devraient remplir un rôle de direction que dans des affaires correspondant à leur capacité et à leur expérience reconnues. À un moment où la responsabilité civile de la police dans « enquête bâclée » est scrutée à la loupe par les tribunaux, ce semblerait être là la stratégie de gestion du risque à adopter.

5. LES FAIBLESSES DES IDENTIFICATIONS PAR TÉMOIN OCULAIRE ET LES PROCÉDURES CONNEXES

16. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, le cpl Dyck a avoué ne rien savoir des procédures d'identification ou des faiblesses des identifications par témoin oculaire, et n'avoir jamais reçu de formation à cet égard Note de bas de page 326. Il ne pouvait non plus se rappeler d'avoir reçu de la formation quant aux leçons tirées de recommandations comme celles formulées dans le cadre de l'enquête Sophonow, dont le danger de faire preuve d'étroitesse d'esprit Note de bas de page 327. Tout cela est extrêmement préoccupant.

17. De même, le sgt Niclaes a reconnu sans détour qu'il ne possédait pas les compétences requises pour tenir une séance d'identification des suspects, et que quand il avait eu besoin de présenter une série de photographies d'identification dans l'une de ses autres enquêtes, il avait dû apprendre par lui-même la façon de faire. Certes, durant les cours donnée par la PM, on a pu mentionner les procédures d'identification, mais il n'a jamais reçu de formation sur le sujet Note de bas de page 328.

18. L'adj Bergin a déposé qu'il n'avait jamais assisté à des colloques internes sur les procédures d'identification ni reçu de véritable formation à ce chapitre, comme faire une série de photographies d'identification Note de bas de page 329.

19. C'est seulement dans son cours général d'enquêteur criminel de la PM que l'adjum Watson se rappelle avoir reçu une quelconque formation sur les faiblesses des identifications par témoin oculaire Note de bas de page 330. Curieusement, le cpl Dyck a suivi le même cours.

20. Même la lettre de la Couronne, dans laquelle l'enquête Sophonow était mentionnée, n'a pas suscité de discussion ou fait germer l'idée d'une formation additionnelle chez les membres de la direction ou les enquêteurs du SNE, région de l'Ouest, concernant l'identification par témoin oculaire Note de bas de page 331

21. Le Maj Bell a indiqué qu'il était au courant de l'enquête Sophonow, que sa connaissance des questions entourant l'identification par témoin oculaire reposait sur son expérience de policier et sur l'enquête en question. Il croyait d'ailleurs se souvenir que durant l'un de ses cours, il avait eu une étude de cas sur l'affaire Sophonow. Le Maj Bell a déclaré qu'il avait été surpris d'entendre ses subordonnés affirmer qu'ils ne possédaient pas une connaissance suffisante de la question. Il a aussi fait allusion à la décision de retirer le « protocole d'identification » du manuel de la PM, une décision qui l'avait préoccupé et qui devrait, selon lui, être reconsidérée Note de bas de page 332.

22. Tout ce qui a été dit quant au manque de formation, de connaissances et de protocoles sur la preuve d'identification a étonné la Commission, l'identification constituant élément de chaque infraction et, potentiellement, une question pointue dans chaque enquête et/ou procédure qui doit être traitée avec une extrême prudence. Manifestement, les enquêteurs dans la présente affaire n'étaient pas en mesure de le faire.

6. FORMATION ET PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL CONTINUS

23. Il va sans dire que l'évolution de la loi aussi bien que d'autres éléments, comme les pratiques d'enquête exemplaires conformes à la loi, est continue, voire rapide. Les enquêteurs doivent en prendre connaissance dès que possible, cela ne saurait attendre le prochain cours de perfectionnement. En ce qui concerne encore une fois les procédures d'identification par témoin oculaire, les témoignages reçus révèlent que les enquêteurs du SNE n'ont bénéficié ni des connaissances et de l'expérience de leurs prédécesseurs, ni des récentes leçons tirées. Par exemple, un seul enquêteur s'est rappelé avoir entendu parler du rapport d'enquête Sophonow qui, soit dit en passant, a été rendu public en 2001. Quand on lui a demandé si dans l'un de ses cours il y avait eu discussion ou formation au chapitre des fausses accusations, le cpl Dyck a répondu qu'on en avait simplement fait mention, mais sans jamais donner de formation Note de bas de page 333.

24. L'adj Bergin a déposé qu'à peu près quatre fois l'an, des séances de formation étaient organisées afin de discuter de diverses questions de droit avec le procureur militaire Note de bas de page 334. À part ces séances, il devenait clair qu'il n'existait aucun mécanisme régulier, continu et autorisé au sein du SNE, et sans doute dans le métier de policier militaire en général, qui permette de garder à niveau, sur une base continue et opportune, la formation et le perfectionnement professionnels. C'est malheureux pour toutes les parties concernées – d'une part, pour la police, question d'appliquer des normes professionnelles rigoureuses et d'éviter de s'exposer à des poursuites –, d'autre part, pour le public, à cause des conséquences possibles, comme dans la présente affaire.

7. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Conclusion n° 13:

Le président conclut qu'au cours de l'été et l'automne 2004 une défaillance organisationnelle a réduit le niveau de formation dans les rangs ainsi que le leadership du SNE, région de l'Ouest, ce qui a contribué aux erreurs commises dans le cadre de cette enquête.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Il s'agit d'un problème courant au sein des FC que l'on rencontre au cours de la période active des affectations (PAA) ».

Conclusion n° 14:

Le président conclut que le niveau de formation réduit du personnel au cours de l'été et l'automne de l'année 2004 a également entravé le bon déroulement du « programme de stages ».

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 15:

Le président conclut à une défaillance systémique particulièrement grave dans la formation du personnel de la police militaire sur les questions relatives à la preuve d'identification par témoin oculaire, tant au plan des procédures d'enquête à suivre qu'à celui des faiblesses inhérentes à ce type de preuve, surtout lorsqu'elle est incorrectement obtenue.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Ce problème est en voie d'être réglé grâce à une formation améliorée ».

Recommandation n° 18:

Le président recommande que le Grand prévôt des Forces canadiennes et, si besoin est, d'autres autorités des Forces canadiennes, réexaminent la recommandation n° 12 Note de bas de page 335 du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et sur les services d'enquête de la police militaire (le rapport Dixon) en vue de conférer au SNEFC les moyens de recruter, de former et de garder à son service un contingent adéquat de personnel de police militaire et d'ainsi appliquer cette recommandation essentielle. L'une des façons d'y parvenir, dont la Commission a eu connaissance et qui mérite selon elle réflexion, consisterait à définir le SNEFC comme une division militaire chargée d'assurer un nombre suffisant d'effectifs selon les niveaux (grades) requis et un ensemble de compétences avancées ou spécialisées dûment formés.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Des améliorations importantes ont été apportées aux politiques de gestion du personnel afin de régler un certain nombre de questions qui entourent l'affectation des membres du SNEFC. Ceci étant dit, il est nécessaire de procéder à un examen approfondi et un tel examen est en cours ».

Recommandation n° 19:

Le président recommande de prendre des mesures de précaution permettant d'éviter que ne se reproduise la forte disproportion entre personnel militaire non formé et formé qui prévalait au SNE, région de l'Ouest, en 2004.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Un essai est en cours avec la Branche des services de police militaire qui prend directement part à la gestion des postes au sein du SNEFC. La difficulté réside toutefois dans la gestion des postes lorsque des promotions surviennent et qu'il n'y a pas suffisamment de postes de ce rang afin d'accommoder la personne pour faire en sorte qu'elle reste au sein du SNEFC. Il est nécessaire de procéder à un examen approfondi et un tel examen est en cours ».

Recommandation n° 20:

Le président recommande que le personnel de la police militaire, et tout particulièrement les enquêteurs du SNEFC, reçoivent une formation plus approfondie sur la preuve d'identification par témoin oculaire, y compris ses faiblesses, les procédures connexes et les pratiques exemplaires.

  • Recommandation acceptée par le GPFC.

Recommandation n° 21:

Le président recommande que la formation dispensée aux enquêteurs de la police militaire comporte une éducation à la pensée critique et présente les dangers découlant d'une « étroitesse de vues » ainsi que les autres leçons tirées de l'enquête Sophonow et de rapports analogues.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Ces thèmes font désormais partie des cours de familiarisation du SNEFC. Ils ont également fait l'objet de discussions au sein de la direction de la Branche des services de police militaire lors du symposium 2007 du GPFC. Le SNEFC a également tenu des cours sur ces thèmes destinés aux détachements du SNEFC lors de leurs journées d'instruction. Il ne reste plus qu'à faire en sorte que ces sujets soient traités de manière rigoureuse et claire à l'EPMFC ». (École de la Police militaire des Forces canadiennes)

Recommandation n° 22:

Le président recommande que le Grand prévôt des Forces canadiennes fasse du Cours d'enquête criminelle de la police militaire une condition préalable à l'obtention du poste d'enquêteur principal au SNE.

  • Recommandation acceptée par le GPFC.

Recommandation n° 23:

Le président recommande de modifier le Programme de stages de telle façon que les nouveaux enquêteurs aient plus facilement accès au mentorat et à l'apprentissage expérientiel en servant d'assistants à des enquêteurs chevronnés; il recommande au surplus de ne pas confier un rôle de premier plan à ces nouveaux enquêteurs jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment formés.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Les IPO 111 du SNEFC - stages ont récemment été réécrites afin de tenir compte de cette recommandation ».

Recommandation n° 24:

Le président recommande que le Grand prévôt des Forces canadiennes établisse à l'intention du personnel de la police militaire un système d'éducation permanente, ou renforce le système actuel, grâce notamment à un bulletin électronique, pour faire le point sur des questions de droit et divers événements affectant les opérations policières.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le site Web du GPFC a récemment été mis à jour et comprend à présent un bulletin d'information électronique. En outre, le recours aux avis en matière de politiques de la police sous forme électronique sera renforcé ».

VIII CONCLUSION

L'audience d'intérêt public tenue en l'espèce a donné lieu à des conclusions et des recommandations concernant la conduite de certains policiers militaires, visée par la plainte soumise à la Commission. Ces conclusions sur la responsabilité individuelle étaient importantes et nécessaires pour la résolution des chefs de plainte. Cependant, ce qui était bien plus important encore, c'étaient les défaillances systémiques mises au jour au cours de l'enquête, et qui imprégnaient les défaillances individuelles. La Commission prend favorablement note de la réaction très positive et constructive du grand prévôt des Forces canadiennes à toutes les conclusions et recommandations portées à son attention, et a par conséquent confiance qu'il en résultera des changements et des améliorations durables et de grande portée. Elle espère que la plaignante et son fils sont eux aussi satisfaits, en particulier en raison des excuses présentées par le grand prévôt au cours de l'audience.

Enfin, il convient de souligner que cette audience d'intérêt public, y compris la phase préparatoire et la rédaction du rapport provisoire, s'est étendue sur une longue période et qu'il ne faut pas sous-estimer les tensions et l'anxiété subies par les participants tout au long. La Commission tient à les remercier tous pour leur patience et leur coopération.

ANNEXE - SOMMAIRE DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION; ANNOTATIONS ET OBSERVATIONS DU GPFC DANS SA NOTIFICATION ET OBSERVATIONS FINALES DE LA COMMISSION

L'ENQUÊTE

Le président conclut que l'enquête du SNEFC n'a pas été menée avec diligence et qu'elle présentait des lacunes au chapitre de la collecte des éléments de preuve. Cette conclusion quant à la faute s'applique en l'occurrence aussi bien aux enquêteurs qu'à leurs supérieurs.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 2:

Le président conclut qu'au moment de l'attribution du dossier, le cpl Dyck a omis de passer en revue avec soin le travail d'enquête effectué au préalable et d'obtenir des renseignements pertinents sur la manière dont l'enquête avait progressé en l'espèce. Ce manquement est quelque peu atténué par son niveau de formation et d'expérience ainsi que par les défaillances observées dans la supervision.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 3:

Le président conclut que certains des rapports du SNEFC étaient incomplets ou inexacts.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « L'utilisation du terme ‹ rapports › n'est cependant pas claire. Il semble que l'intention ait été de conclure que ‹ certaines données du SNEFC figurant dans le SISEPM concernant cette enquête étaient soit incomplets, soit inexacts, soit les deux à la fois › ».
  • Il s'agit des rapports ou, si l'on veut, des mentions figurant à la section 8 de la rubrique « Exactitude des rapports du SNEFC ». Il est question plus particulièrement en page 79, du Rapport sommaire de l'affaire et d'une autre mention. En outre, je vois qu'aucune note n'a été prise des conversations non enregistrées sur bande magnétique avec C et CS, ce qui fait que la mention en est incomplète.

Conclusion n° 4:

Le président conclut que le fait d'avoir procédé sur la foi d'une identification erronée constituait un manquement grave dans le cadre de cette enquête, manquement dont la responsabilité échoit aux enquêteurs comme à leurs supérieurs.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 5:

The Chair finds that Cpl Dyck and, arguably, Sgt Niclaes fell prey to « tunnel vision » which could have been avoided with proper supervision

.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 6:

The Chair finds the complainant ought to have been notified that her son would not be charged and as the investigator assigned to the file, Cpl Dyck should have verified that this had been done. The responsibility for the failure to notify is also attributed to the superiors.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Recommandation n° 1:

Le président recommande que le SNE se dote d'une politique globale applicable à la passation des enquêtes en cours. Une telle politique devrait exiger de l'enquêteur prenant le relais de l'enquête qu'il procède à un examen complet de tous les documents de l'enquête réunis jusqu'alors, dont les transcriptions d'entrevues ou les bandes elles-mêmes, et dans la mesure du possible qu'il obtienne des renseignements auprès de tous les enquêteurs ayant participé à un aspect ou l'autre de l'enquête. À partir de ce bilan complet et détaillé, l'enquêteur établira un nouveau plan d'enquête qui sera soumis à l'examen et à l'approbation d'un superviseur.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « La version révisée des IPO 201 du SNEFC - Enquêtes-Général a remédié à ce problème. Puisque d'autres éléments de la police militaire mènent également des enquêtes, ce point sera également repris dans les Consignes et procédures techniques de la police militaire ».

Recommandation n° 2:

Le président recommande la révision des politiques de la police militaire (Avis du Grand prévôt adjoint - Police, 09/07, chapitre 7, Annexe N) ou des instructions permanentes d'opération en ce qui concerne l'identification par témoin oculaire, en vue d'enjoindre les enquêteurs à redoubler de prudence face à ce type d'identification et de décrire les meilleures pratiques lorsqu'il s'agit de procéder à des identifications sur photos ou en personne.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « L'annexe N du chapitre 7 des CPTPM y fait référence. Elle insiste sur cette mise en garde concernant l'identification par des témoins oculaires. Des pratiques exemplaires y sont énoncées en matière d'identification au moyen de photos. Il reste du travail à faire concernant les procédures d'identifications ‹ en personne › ».

Recommandation n° 3:

Le président recommande d'insister davantage, tant dans l'énoncé des politiques que lors des formations, sur l'importance de la prise de notes. Il recommande en outre de revoir les politiques de la police militaire afin d'assurer qu'elles comportent une directive claire quant à l'importance, aux fins de l'intégrité de l'enquête, de prendre en note avec exactitude et diligence toute conversation non enregistrée.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Les IPO 203 du SNEFC et l'annexe A du chapitre 7 des CPTPM en traitent désormais ».

Recommandation n° 4:

Le président recommande d'établir des directives exigeant que les transcriptions de toutes les entrevues audio ou vidéo soient téléchargées vers le SISEPM.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Cela est assurément souhaitable. Si cela est possible du point de vue technique et économique en termes de coûts, nous poursuivrons dans cette voie ».
  • En conclusion, je prends acte de ce que la mise en œuvres de cette recommandation est subordonnée aux contraintes techniques et budgétaires.

Recommandation n° 5:

Le président recommande de modifier le SISEPM de telle façon que soient consignées à la fois l'identité de quiconque modifie un document et les modifications elles-mêmes.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le logiciel n'offre pas de fonctions de signalement ou de ‹ suivi des modifications ›. Néanmoins, il est possible de conserver à la fois l'original et le document modifié, ce qui permet ainsi de voir les modifications apportées. L'identité de la personne qui effectue les modifications ne peut être obtenue au moyen du logiciel, mais la procédure de saisie des données dans le SISEPM pourrait être modifiée de façon à ce qu'il soit possible de déterminer par d'autres moyens quelle est la personne qui a procédé aux modifications. Il sera nécessaire pour cela d'apporter des modifications à la procédure prévue par les CPTPM, mais il est difficile de déterminer quelle est la meilleure façon de le faire. Ainsi, même s'il est difficile de modifier le SISEPM en lui-même, cette recommandation devrait pouvoir être mise en œuvres grâce à une procédure supplémentaire et à la manière dont il est utilisé ».
  • Je suis satisfait de la façon dont le GPFC envisage de mettre en œuvres cette recommandation.

Recommandation n° 6:

Le président recommande de revoir les codes de rôle du SISEPM à dessein de confirmer que l'éventail de codes, notamment les choix qui excluent toute notion d'accusation, est suffisamment vaste pour couvrir tous les cas de figure. De surcroît, il serait utile, selon le cas, d'apporter un encadrement sous la forme de directives et de formation, ou encore de renforcer l'encadrement déjà en place afin d'assurer que le statut d'un individu soit correctement identifié tout au long de l'enquête ainsi qu'à son terme.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le SISEPM fournit un éventail suffisant de codes caractéristiques. Une politique adéquate sera élaborée et adoptée en vue de renforcer l'exactitude des rôles qui sont délégués aux personnes et de s'assurer que les modifications apportées à ceux-ci sont effectuées en temps opportun ».
  • Je suis satisfait de l'engagement pris par le GPFC au sujet de cette recommandation.

Recommandation n° 7:

Le président recommande que le GPFC ordonne de remplacer le code de rôle « suspect » utilisé en l'espèce dans le SISEPM par un code de nature manifestement non accusatoire et traduisant le fait qu'il n'existe aucune preuve à l'appui d'une quelconque accusation.

  • Recommandation acceptée par le GPFC

Recommandation n° 8:

Le président recommande d'émettre une directive claire à l'intention du personnel de la police militaire sur la nécessité de communiquer en temps utile avec les plaignants et les personnes intéressées pour les informer des résultats de l'enquête, à moins que ne l'interdisent les exigences opérationnelles, et d'inscrire ces démarches au dossier accompagnées de l'approbation écrite du superviseur.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Sous réserve de la clarification des termes ‹ conclusions de l'enquête › et ‹ exigences opérationnelles ›. Le ch. 7 des CPTPM traite des victimes et des plaignants, tout comme les IPO 204 du SNEFC, suivant lesquelles une notification doit être transmise aux victimes et aux plaignants toutes les deux semaines. La question de l'information des personnes visées doit cependant faire l'objet d'un examen approfondi. Toutes les communications avec les plaignants et les personnes visées devraient être documentées de la manière recommandée ».
  • Il est entendu que l'élément clé de cette recommandation consiste dans la communication des « résultats de l'enquête » à la personne qui sait qu'elle fait l'objet d'une enquête en l'informant que le dossier est classé sans suite et qu'elle ne serait pas inculpée. Il ne s'agit pas du tout de lui donner une explication en détail (par exemple par la communication des éléments de preuve). La réserve au titre des « exigences opérationnelles » (entendues dans le contexte de l'enquête policière) a été attachée à cette recommandation en prévision des cas où le dossier ne peut être classé, ou encore du cas de complot de trafic de drogue par exemple, où il ne serait pas prudent d'informer l'intéressé qu'il fait l'objet d'une enquête. Dans les cas où ces « exigences opérationnelles » imposent une mesure hors norme, l'enquêteur doit en expliquer clairement la raison dans le dossier, avec le concours de son supérieur. En conclusion, je suis satisfait de la réponse du GPFC à cette recommandation.

L'ENTREVUE ET L'INTERROGATOIRE

Conclusion n° 7:

Le président conclut que la plaignante et son fils n'avaient pas été suffisamment informés du motif de l'entrevue du SNEFC et que, de ce fait, le fils de la plaignante a été incorrectement incité à ne pas consulter un avocat avant son interrogatoire. Les enquêteurs du SNE n'ont pas informé la plaignante ni son fils du véritable motif de l'entrevue, ni du fait qu'il était un suspect, ce qui leur a donné un faux sentiment de sécurité et les a portés à croire qu'un avis juridique était inutile. Au minimum, le motif de l'entrevue aurait dû être expliqué soigneusement à C et à CS à leur arrivée au Détachement de Fox Creek, le 8 octobre 2004.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 8:

Le président conclut que le cpl Dyck a employé des techniques inappropriées lors de l'entrevue et de l'interrogatoire de CS. Les tactiques ou techniques utilisées, qui sont peut-être acceptables dans le cas d'un contrevenant adulte expérimenté, étaient inappropriées dans le cas d'un étudiant du secondaire âgé de 17 ans qui n'avait jamais eu affaire à la police ni au système de justice pénale auparavant, et dans une affaire où les éléments de preuve étaient extrêmement faibles. Ces techniques étaient extrêmement « injustes » et auraient peut-être mené à l'exclusion de la déclaration dans une procédure judiciaire.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 9:

Le président conclut que l'on n'a pas réagi convenablement à la demande de la plaignante de mettre fin à l'entrevue de son fils. C'est là le défaut le plus grave du processus de l'entrevue. Lorsque CS a demandé à consulter un avocat, les enquêteurs auraient dû cesser immédiatement de l'interroger et mettre fin à toute tentative de lui soutirer d'autres renseignements jusqu'à ce qu'il ait pu consulter un avocat. En ne cessant pas l'interrogatoire, ils contrevenaient clairement aux Consignes et procédures techniques de la police militaire ainsi que, on peut le soutenir, à l'article 7 et à l'alinéa 10b) de la Charte, et aux principes applicables de la common law.

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 10:

Le président conclut, en se fondant sur son témoignage lors de l'audience, que le cpl Dyck est toujours inconscient de l'importance et des conséquences de ses actes ou omissions au cours de l'enquête.

  • Le GPFC a fait observer en réponse : « À la suite de séances de counselling organisées en septembre 2006, le commandant de détachement a fait savoir que le cpl Dyck semblait avoir le sentiment (1) d'avoir commis un certain nombre d'erreurs, (2) de ne pas avoir bien étudié le dossier avant de procéder aux entrevues (surtout en ce qui concerne la description) et (3) que les droits et les garanties accordés aux adolescents par la LSJPA doivent être clairement respectés. Il est probable que l'attitude défensive dont il a fait preuve au cours de l'audience d'intérêt public était due en partie à son inexpérience et à sa perception erronée suivant laquelle il était mis en doute ».
  • Cette conclusion était fondée sur ce que j'ai observé à l'audience. La GPFC a déclaré que, après avoir reçu du counselling peu de temps suivant la conclusion de l'audience en septembre 2006, le cpl Dyck avait démontré à son commandant de détachement qu'il saisissait la nature de ses erreurs. J'accepte cette déclaration.

Recommandation n° 9:

TLe président recommande de fournir au cpl Dyck des conseils ainsi qu'une formation d'appoint relativement aux techniques d'entrevue ou d'interrogatoire, aux droits reconnus par la Charte et aux précautions particulières qui s'imposent lors de l'interrogation de jeunes personnes.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a indiqué qu'il y a déjà donné suite : « Tel qu'indiqué dans la réponse à la dixième conclusion, le cpl Dyck a suivi des séances de counselling. En outre, il a suivi le cours de techniques générales d'enquêtes et une FCE avec la Division K de la GRC, qui ont couvert les domaines recommandés ».

Recommandation n° 10:

À la lumière de la confusion apparente concernant l'interprétation et l'application de la politique relative à la conduite de l'entrevue d'un témoin lorsque celui-ci a invoqué le droit à l'assistance d'un avocat énoncé au chapitre 7, appendice 2, annexe E, paragraphe 6 des Consignes et procédures techniques de la police militaire, le président recommande que l'on donne d'autres instructions à tous les membres de la police militaire pour bien leur faire comprendre les limites de l'application des techniques d'entrevue lorsqu'un témoin demande à consulter un avocat. La distinction entre un suspect qui a déjà consulté un avocat préalablement à l'entrevue et un autre qui ne l'a pas fait doit être soulignée davantage.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Il sera nécessaire d'accorder une très grande attention à la rédaction des ajouts aux CPTPM qui sont requis, afin qu'ils soient clairs et complets, sans être toutefois trop longs ou trop techniques ».

Recommandation n° 11:

Le président recommande d'envisager, à tout le moins, de dédommager la plaignante et son fils pour le salaire perdu et les frais encourus afin qu'ils ne soient pas financièrement pénalisés par suite des erreurs et omissions de la police militaire dans cette affaire.

  • Dans sa notification, le GPFC indique ce qui suit : « Le GPFC, le VCEMD et le CEMD n'ont pas la capacité de régler des réclamations, que ce soit sur une base légale ou à titre gracieux. Le recours à la voix passive dans la recommandation n'indique pas qui doit étudier cette possibilité. Le directeur - Réclamations et contentieux des affaires civiles du CJFC/MDN serait en mesure de recevoir une telle réclamation de la plaignante et de son fils, ainsi que les renseignements concernant le manque à gagner et les frais encourus. Subsidiairement, l'assistant du juge-avocat général de la garnison Edmonton (le plus proche de la résidence habituelle de la plaignante) serait en mesure de recevoir et de trancher les réclamations d'ordre juridique jusqu'à une limite de 25 000 $ sur le fondement de la responsabilité juridique, et de 2 000 $ à titre gracieux. Conformément aux DOAD 7004-1, nous informons le CJFC/MDN des réclamations éventuelles contre la Couronne ».
  • Sans doute le GPFC, le VCEMD et le CEMD ne sont pas investis du pouvoir de régler les plaintes à l'amiable, mais ils ont certainement la faculté de donner leur appui pour une plaine potentielle pour faire un geste dans les circonstances de la cause. La Commission espère ainsi que le GPFC et la hiérarchie donneront leur appui au cas où le plaignant dépose une plainte.

LE DOSSIER DE LA COURONNE

Conclusion n° 11:

Le président conclut que l'auteur du dossier de la Couronne, le cpl Dyck, a failli à la préparation d'un dossier exact, complet et convenable, et plus précisément qu'il a omis de révéler à la Couronne certains éléments de preuve disculpatoires. Mis à part les lacunes du dossier de la Couronne, je reconnais qu'aucun élément de preuve ne permet de conclure que le cpl Dyck a préparé le dossier de la Couronne avec l'intention de tromper l'avocat de la Couronne ou de l'induire en erreur lors du processus de révision. J'en viens plutôt à la conclusion que les omissions ou les erreurs que comporte ce dossier résultent d'un manque de supervision et de défaillances systémiques en matière de formation et d'orientation stratégique.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Je suis d'accord sur le fait que les détails concernant la préparation du dossier de la Couronne montrent que celui-ci aurait comporté des inexactitudes et qu'il aurait été incomplet (en particulier en raison de l'absence d'informations disculpatoires). Il semble que la principale lacune ait été de considérer que cette affaire justifiait la présentation du dossier de la Couronne ».

Recommandation n° 12:

Le président recommande que le cpl Dyck reçoive des conseils lui rappelant l'importance de monter un dossier de la Couronne qui soit exact, objectif et complet.

  • En exprimant son acceptation de cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Voir la réponse à la recommandation n° 9 ». À la recommandation neuf, le GPFC a indiqué que le cpl Dyck a suivi des séances de counselling, donc qu'il avait donné suite à cette affaire.

Recommandation n° 13:

Le président recommande de revoir la politique actuelle à l'égard de la préparation des dossiers de la CouronneNote de bas de page 336 pour déterminer si elle est suffisante et, le cas échéant, pour l'étoffer au moyen de directives et de procédures relatives à l'élaboration de ces dossiers - notamment l'exigence de consigner toute communication avec le bureau de la Couronne et de conserver un double des documents et des pièces soumis à l'examen de l'avocat de la Couronne Note de bas de page 337

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Voir la réponse à la recommandation no 10 », dans laquelle il a indiqué : « Il sera nécessaire d'accorder une très grande attention à la rédaction des ajouts aux CPTPM qui sont requis, afin qu'ils soient clairs et complets, sans être toutefois trop longs ou trop techniques ».

SUPERVISION ET GESTION

Conclusion n° 12:

Le président conclut que la gestion de l'enquête du SNEFC et l'encadrement fourni par l'adj Bergin, l'adjum Watson et le maj Bell n'ont été dans l'ensemble ni suffisants ni efficaces. Témoignent de ce défaut d'attention de la part des supérieurs :

  1. les multiples réattributions du rôle d'enquêteur principal sans que soient données des directives claires expliquant comment aborder la reprise ou le traitement d'une affaire en cours;
  2. l'attribution du dossier à un enquêteur principal ne possédant pas la connaissance requise de la langue anglaise;
  3. l'attribution du dossier à un enquêteur principal ne possédant ni la formation ni l'expérience requises pour exercer ses fonctions, sans qu'il ait accès à une forme de mentorat adéquate - prévoyant un degré de participation suffisant de la part du mentor et une définition claire du rôle de ce dernier;
  4. l'absence d'un mécanisme permanent visant à soumettre les dossiers à l'examen approfondi des superviseurs afin que ceux-ci soient à même d'assurer un encadrement et une orientation efficaces tout au long de l'enquête;
  5. l'approbation d'un dossier de la Couronne qui n'était ni complet ni en tous points exact;
  6. l'approbation d'un dossier de la Couronne qui recommandait une mise en accusation faiblement étayée, sans plus ample enquête concernant la nature exacte et la qualité de la preuve;
  7. le défaut d'agir de façon proactive et de répondre avec efficacité à une plainte concernant une enquête en cours;
  8. le défaut de traiter de manière professionnelle avec un membre du public, particulièrement en ce qui a trait à la correction des renseignements erronés et à l'envoi d'un avis établissant la conclusion définitive de l'enquête;
  9. le défaut de veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises pour mettre à jour le code de rôle affecté à CS dans le SISEPM;
  10. le défaut de revoir le dossier de fond en comble et de faire le point sur les leçons apprises après réception d'un avis de la Couronne indiquant le rejet de l'accusation;
  11. le défaut de prendre en compte les directives et les critiques constructives de l'état-major supérieur.
  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Cette défaillance est davantage attribuable à la politique de la PM concernant l'utilisation du SISEPM qui était en vigueur à l'époque, une politique à laquelle étaient soumis les trois membres ».
  • L'observation ci-dessus vaut à mon avis adhésion à cette conclusion et, vu l'engagement du GPFC à formuler une politique concrète pour renforcer la précision des affectations, et pour assurer le cas échéant les changements en temps voulu dans ces affectations, je suis satisfait de la résolution de cette question.

Recommandation n° 14:

Le président recommande, selon le cas, de renforcer ou de mettre en place la formation et les politiques pertinentes de façon à exiger que les superviseurs participent en toute connaissance de cause aux enquêtes, en précisant qu'il ne s'agit pas de faire de la « micro-gestion », mais de doter le processus d'enquête d'un mécanisme de vérification ou de contrôle de la qualité qui s'avère indispensable.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Acceptée dans la mesure où les politiques existantes 3 semblent régler la question de manière adéquate, tandis qu'il est nécessaire de mettre davantage l'accent sur ces politiques et de renforcer la formation relative à celles-ci ».
  • Je suis satisfait de la façon dont le GPFC entend mettre en œuvres cette recommandation.

Recommandation n° 15:

Le président recommande de passer en revue le profil linguistique de tous les postes d'enquêteur du SNE afin de confirmer que ce profil convient bien aux tâches à exécuter; il recommande également de rappeler aux superviseurs qu'en dernière analyse, c'est à eux qu'incombe la responsabilité de veiller à ce que l'attribution des tâches se fasse conformément à la capacité linguistique.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Il est nécessaire que le SNEFC et le gestionnaire des carrières de la PM et du BPM coopèrent davantage à cet égard, en consultation avec le GPA GR et à la lumière des modifications en cours à la politique des FC sur les langues officielles ».

Recommandation n° 16:

Le président recommande que le SNEFC applique une politique en vertu de laquelle toutes les enquêtes débouchant sur la recommandation d'accusations (dans les administrations qui disposent d'un programme de filtrage préinculpation) ou sur le dépôt d'accusations qui ne font pas ensuite l'objet d'une poursuite, soient soumises à un examen complet afin d'en tirer les leçons.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « La recommandation s'applique non seulement au SNEFC, mais également aux autres composantes qui portent des accusations. Dans le même temps, le processus de ‹ leçon apprise › prend du temps et requiert du personnel. Cela peut être compensé en tout ou partie si les enseignements tirés sont utiles. Les décisions du ministère public de ne pas intenter des poursuites judiciaires ou de ne pas approuver les accusations ne sont cependant pas toutes attribuables à des défauts imputables aux policiers. Il peut y avoir un certain nombre de situations dans lesquelles les policiers ont constitué un dossier présentant une probabilité raisonnable de condamnation, mais dans lesquelles le ministère public décide, après mûre réflexion, que le déclenchement de poursuites ne serait pas dans l'intérêt du public. À chaque fois que le ministère public rejette les accusations qui ont été déposées ou recommandées par la police, il faudrait vérifier si une analyse approfondie est justifiée du point de vue des normes professionnelles. Cette affaire, à titre d'exemple, subirait avec succès une telle vérification. »
  • Je suis satisfait de cette approche qui est en fait une amélioration de la recommandation.

Recommandation n° 17:

Le président recommande de rappeler au personnel d'encadrement de la police militaire que les exigences en matière de dépôt des plaintes prévues à l'article 250.21 de la Loi sur la défense nationale ne les exemptent pas de la responsabilité d'examiner la plainte et de prendre les mesures nécessaires, s'il y a lieu, à l'égard de situations courantes auxquelles la plainte est susceptible de se rapporter.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le rappel prendra la forme d'un avis en matière de politiques de la police ».

FORMATION

Conclusion n° 13:

Le président conclut qu'au cours de l'été et l'automne 2004 une défaillance organisationnelle a réduit le niveau de formation dans les rangs ainsi que le leadership du SNE, région de l'Ouest, ce qui a contribué aux erreurs commises dans le cadre de cette enquête.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Il s'agit d'un problème courant au sein des FC que l'on rencontre au cours de la période active des affectations (PAA) ».

Conclusion n° 14:

Le président conclut que le niveau de formation réduit du personnel au cours de l'été et l'automne de l'année 2004 a également entravé le bon déroulement du « programme de stages ».

  • Le GPFC s'est rangé à cette conclusion.

Conclusion n° 15:

Le président conclut à une défaillance systémique particulièrement grave dans la formation du personnel de la police militaire sur les questions relatives à la preuve d'identification par témoin oculaire, tant au plan des procédures d'enquête à suivre qu'à celui des faiblesses inhérentes à ce type de preuve, surtout lorsqu'elle est incorrectement obtenue.

  • En exprimant son adhésion à cette conclusion, le GPFC a fait l'observation suivante : « Ce problème est en voie d'être réglé grâce à une formation améliorée ».

Recommandation n° 18:

Le président recommande que le Grand prévôt des Forces canadiennes et, si besoin est, d'autres autorités des Forces canadiennes, réexaminent la recommandation n° 12Note de bas de page 338 du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et sur les services d'enquête de la police militaire (le rapport Dixon) en vue de conférer au SNEFC les moyens de recruter, de former et de garder à son service un contingent adéquat de personnel de police militaire et d'ainsi appliquer cette recommandation essentielle. L'une des façons d'y parvenir, dont la Commission a eu connaissance et qui mérite selon elle réflexion, consisterait à définir le SNEFC comme une division militaire chargée d'assurer un nombre suffisant d'effectifs selon les niveaux (grades) requis et un ensemble de compétences avancées ou spécialisées dûment formés.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Des améliorations importantes ont été apportées aux politiques de gestion du personnel afin de régler un certain nombre de questions qui entourent l'affectation des membres du SNEFC. Ceci étant dit, il est nécessaire de procéder à un examen approfondi et un tel examen est en cours ».

Recommandation n° 19:

Le président recommande de prendre des mesures de précaution permettant d'éviter que ne se reproduise la forte disproportion entre personnel militaire non formé et formé qui prévalait au SNE, région de l'Ouest, en 2004.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Un essai est en cours avec la Branche des services de police militaire qui prend directement part à la gestion des postes au sein du SNEFC. La difficulté réside toutefois dans la gestion des postes lorsque des promotions surviennent et qu'il n'y a pas suffisamment de postes de ce rang afin d'accommoder la personne pour faire en sorte qu'elle reste au sein du SNEFC. Il est nécessaire de procéder à un examen approfondi et un tel examen est en cours ».

Recommandation n° 20:

Le président recommande que le personnel de la police militaire, et tout particulièrement les enquêteurs du SNEFC, reçoivent une formation plus approfondie sur la preuve d'identification par témoin oculaire, y compris ses faiblesses, les procédures connexes et les pratiques exemplaires.

  • Recommandation acceptée par le GPFC.

Recommandation n° 21:

Le président recommande que la formation dispensée aux enquêteurs de la police militaire comporte une éducation à la pensée critique et présente les dangers découlant d'une « étroitesse de vues » ainsi que les autres leçons tirées de l'enquête Sophonow et de rapports analogues.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Ces thèmes font désormais partie des cours de familiarisation du SNEFC. Ils ont également fait l'objet de discussions au sein de la direction de la Branche des services de police militaire lors du symposium 2007 du GPFC. Le SNEFC a également tenu des cours sur ces thèmes destinés aux détachements du SNEFC lors de leurs journées d'instruction. Il ne reste plus qu'à faire en sorte que ces sujets soient traités de manière rigoureuse et claire à l'EPMFC ». (École de la Police militaire des Forces canadiennes)

Recommandation n° 22:

Le président recommande que le Grand prévôt des Forces canadiennes fasse du Cours d'enquête criminelle de la police militaire une condition préalable à l'obtention du poste d'enquêteur principal au SNE.

  • Recommandation acceptée par le GPFC.

Recommandation n° 23:

Le président recommande de modifier le Programme de stages de telle façon que les nouveaux enquêteurs aient plus facilement accès au mentorat et à l'apprentissage expérientiel en servant d'assistants à des enquêteurs chevronnés; il recommande au surplus de ne pas confier un rôle de premier plan à ces nouveaux enquêteurs jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment formés.

  • Dans son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Les IPO 111 du SNEFC - stages ont récemment été réécrites afin de tenir compte de cette recommandation ».

Recommandation n° 24:

Le président recommande que le Grand prévôt des Forces canadiennes établisse à l'intention du personnel de la police militaire un système d'éducation permanente, ou renforce le système actuel, grâce notamment à un bulletin électronique, pour faire le point sur des questions de droit et divers événements affectant les opérations policières.

  • En exprimant son acceptation de cette recommandation, le GPFC a fait l'observation suivante : « Le site Web du GPFC a récemment été mis à jour et comprend à présent un bulletin d'information électronique. En outre, le recours aux avis sous forme électronique sera renforcé en ce qui a trait aux politiques de la police ».

Ottawa, December 19, 2007


Peter A. Tinsley
Chairperson

Date de modification :