Rapport final remis aux plaignants, sujets, et aux bénéficiaires statutaires du MDN

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TABLE DES MATIÈRES

  1. Résumé de la plainte
  2. Conclusions
  3. Processus d’enquête d’intérêt public de la CPPM
  4. La plainte pour ingérence
  5. Contexte factuel de la plainte
  6. Preuves, analyse et conclusions
    1. 6.1 Allégation no 1 : Modification inappropriée du dossier d’événement général (EG)
    2. 6.2 Allégation no 2 : Pressions inappropriées exercées sur l’enquêteur afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations
    3. 6.3 Allégation no 3 : Omission de renvoyer l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC)
    4. 6.4 Allégation no 4 : Omission d’informer le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident impliquant X
    5. 6.5 Allégation no 5 : Pressions exercées sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X.
    6. 6.6 Allégation no 6 : Défaut du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) d’enquêter sur l’incident
  7. Glossaire des termes et abréviations utilisés dans ce rapport

I Résumé de la plainte

1. La présente plainte pour ingérence concerne le traitement d’une enquête de la police militaire sur la conduite de XFootnote 1, une officière de la police militaire. Une plainte pour ingérence peut être déposée par un policier militaire ou une policière militaire lorsqu’il ou elle a des raisons de penser qu’un membre de l’armée ou un haut fonctionnaire du ministère de la Défense nationale « a entravé » une enquête de la police militaire.

2. Cette plainte fait suite à un incident d’ivresse de la part de X qui s’est produit en dehors de la base, quand des passants ont empêché X de rentrer chez elle en voiture avec ses trois jeunes enfants à la sortie d’un restaurant. La police civile locale et la police militaire (un subordonné de X appartenant à son propre détachement de la police militaire) se sont rendues sur les lieux. Le traitement de l’affaire a été confié au détachement de la police militaire.

3. Les membres de la police militaire chargés de l’enquête sur l’incident impliquant X allèguent que des dirigeants du détachement de la police militaire ont entravé l’enquête en exerçant sur eux des pressions afin qu’ils ne recommandent pas le dépôt d’accusations contre X. Ils allèguent également que les dirigeants du détachement ont cherché à dissimuler l’incident impliquant X en n’informant pas le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) et le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident, et en essayant d’empêcher les membres du détachement d’informer le SNEFC et le Bureau des Normes professionnelles. Ils ont également allégué que les membres du détachement local du SNEFC ont contribué à cette dissimulation en ne prenant pas la responsabilité de l’enquête sur l’incident.

4. Au cours de son enquête, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM ou Commission) a déterminé que les dirigeants du détachement de la police militaire n’avaient pas exercé de pressions sur le caporal de la police militaire à l’origine de la plainte afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations. Elle a par ailleurs déterminé que les dirigeants du détachement de la police militaire avaient informé le SNEFC et le Bureau des Normes professionnelles de l’incident impliquant X en temps opportun. En outre, les plaignants se sont trompés sur les exigences relatives au renvoi au SNEFC des cas d’infractions éventuelles commises par des policiers militaires. Bien que de tels cas doivent lui être renvoyés pour évaluation, le SNEFC peut renoncer à exercer sa compétence en faveur de l’unité de la police militaire d’origine, comme cela a été le cas dans la présente affaire.

5. La CPPM a également déterminé qu’il était légitime pour les dirigeants du détachement de la police militaire de chercher à empêcher les membres du détachement de diffuser des renseignements sur l’incident à l’extérieur de l’unité et de protéger ainsi le droit à la vie privée de X en plus de veiller à ce que les canaux de communication externes appropriés soient utilisés. La CPPM a également noté que ces efforts, ainsi que ceux visant à déterminer qui avait divulgué l’incident au SNEFC sans autorisation, ont eu lieu après la conclusion de l’enquête menée par la police militaire; on ne saurait donc dire que les dirigeants ont entravé l’enquête.

6. En réponse au rapport provisoire de la CPPM dans ce dossier, le chef d’état‑major de la défense (CEMD) a noté qu’étant donné que ce rapport ne contenait aucune recommandation, aucune autre mesure n’était requise dans cette affaire.

II Conclusions

Conclusion no 1 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle l’Adj Eves a entravé une enquête de la police militaire en modifiant de manière inappropriée le dossier d’enquête est NON FONDÉE.

Conclusion no 2 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en exerçant des pressions sur le Cpl Bain afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations pour une infraction d’ordre militaire est NON FONDÉE.

Conclusions no 3 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en ne renvoyant pas l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes est NON FONDÉE.

Conclusion no 4 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en n’informant pas de l’incident le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes est NON FONDÉE.

Conclusion no 5 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en exerçant des pressions sur les membres de la police militaire afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X à des personnes extérieures à l’unité et en essayant de découvrir qui avait signalé l’incident au Service national des enquêtes des Forces canadiennes sans autorisation est NON FONDÉE.

Conclusion no 6 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Capt Foster et l’Adj Evershed ont entravé une enquête de la police militaire en n’enquêtant pas sur l’incident impliquant X est NON FONDÉE.

III Processus d’enquête d’intérêt public de la CPPM

7. Une plainte conjointe pour inconduite et ingérence a été reçue par la Commission le 30 avril 2021. Un dossier distinct (CPPM 2021‑017) a été ouvert pour traiter la plainte pour inconduite; celle-ci fera l’objet d’un rapport distinct.

8. Contrairement à la plainte pour inconduite, plus générale et plus vaste, la plainte pour ingérence, propre au processus de plaintes contre la police militaire, porte spécifiquement sur l’intégrité des enquêtes menées par la police militaire.

9. La CPPM est seule habilitée à statuer sur les plaintes pour ingérence déposées en vertu de la partie IV de la Loi sur la défense nationale. Hormis stipuler qu’une « entrave » à une enquête de la police militaire comprend l’intimidation et l’abus d’autorité, la Loi ne fournit aucune définition ou orientation quant à ce qui constitue une entrave. Le terme « entrave » ne constitue pas non plus un terme juridique que d’autres législations ou la common law pourraient aider à interpréter. Il appartient plutôt à la CPPM de déterminer au cas par cas ce qui constitue une entrave.

10. Pour qu’il y ait entrave à une enquête de la police militaire, il n’est pas nécessaire que la personne en question ait eu l’intention expresse d’entraver l’enquête. Il suffit que l’individu ait eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’existence d’une enquête en cours ou potentielle de la police militaire, et qu’il ait ensuite agi ou omis d’agir en conséquence pour que l’enquête soit entravée ou compromise. En l’espèce, la connaissance par les membres de la police militaire visés par la plainte de l’enquête dont il est allégué qu’elle a été la cible ou l’objet de l’entrave n’est pas mise en doute.

11. Un autre principe clé qui a été établi et appliqué de manière systématique par la CPPM est que les conseils ou les directives fournis aux enquêteurs de la police militaire par leurs supérieurs ne sont généralement pas considérés comme une entrave. Comme indiqué ci-dessus, trois des cinq policiers militaires faisant l’objet de la présente plainte (le Maj RussellFootnote 2, le PM 2 MacKinnon et l’Adj Eves) se trouvaient dans la chaîne de commandement des plaignants au moment des événements dont il est question dans cette plainte.

12. Cela ne veut pas dire, cependant, que les membres supérieurs de la police militaire ne peuvent jamais être reconnus coupables d’entrave. Les superviseurs et les autres membres supérieurs de la police militaire doivent agir de bonne foi et à des fins légitimes lorsqu’ils donnent des directives ou des conseils concernant les enquêtes menées par leurs subalternes. Le favoritisme personnel, tel qu’allégué dans cette plainte, ne constituerait pas un objectif ou une base approprié pour des conseils, des directives ou d’autres interventions dans le cadre d’une enquête de la police militaire, d’où la nécessité de cette enquête de la CPPM.

13. Les documents de la divulgation initiale du bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes ont été reçus et étudiés. Le 3 août 2021, la présidente de la Commission a ouvert une enquête d’intérêt public sur cette plainte et sur la plainte pour inconduite connexe, CPPM 2021‑017. La plainte soulevait des préoccupations quant à une éventuelle tentative flagrante de la part des dirigeants de l’unité de la police militaire de faire preuve de favoritisme à l’égard d’un membre haut gradé de la police militaire et de dissimuler ce fait. L’ouverture d’une enquête d’intérêt public a également permis à la Commission d’examiner ces deux plaintes en même temps.

14. Vingt‑cinq entrevues de témoins ont été réalisées entre le 20 janvier 2022 et le 25 mars 2022. Une entrevue supplémentaire avec l’un des témoins a eu lieu le 6 septembre 2022.

IV La plainte pour ingérence

15. La CPPM a établi les allégations suivantes aux fins de la présente plainte pour ingérence et de la plainte pour inconduite connexe :

Allégation no 1 : Modification inappropriée du dossier sur un événement général (EG)

Allégation no 2 : Pressions inappropriées exercées sur l’enquêteur afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations

Allégation no 3 : Omission de renvoyer l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC)

Allégation no 4 : Omission d’informer le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident impliquant X

Allégation no 5 : Pressions exercées sur les membres de la police militaire afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X

Allégation no 6 : Défaut du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) d’enquêter sur l’incident

16. Ainsi, cinq des six allégations sont dirigées contre la chaîne de commandement de l’unité de police militaire des plaignants, tandis que la sixième vise les membres du détachement local du SNEFC.

V Contexte factuel de la plainte

Nom de la personne impliquée dans le dossier

Lien avec le dossier

X

Officière de la police militaire (PM) en cause dans l’incident sous-jacent dont l’enquête est à l’origine de la présente plainte

Cpl Patrick Bain

Membre de la PM/plaignant

Sgt Daniel Mongraw

Membre de la PM/plaignant

Cpl Monty Wheeler

Membre de la PM/témoin

Maj Roland Russell

Officier de la PM/personne visée par la plainte

PM 2 Dean MacKinnon

Membre de la PM/personne visée par la plainte

Adj Jeffrey Eves

Membre de la PM/personne visée par la plainte

Capt Evan Foster

Officier de la PM (SNEFC)/personne visée par la plainte

Adj William Evershed

Membre de la PM (SNEFC)/personne visée par la plainte

Maj Shreve

Officier de la PM/officier de service du Gp PM FC la nuit de l’incident sous-jacent

Maj Périard

Commandant adjoint (CmdtA) du SNEFC

Maj Yue-Devoe

Officier de la PM responsable des Normes professionnelles du Gp PM FC

17. Le 10 mars 2021, des passants ont empêché X, une officière de la police militaire nouvellement affectée, de rentrer en voiture avec ses trois enfants à la sortie d’un restaurant parce qu’ils la pensaient en état d’ébriété. Elle avait fait monter ses enfants dans le véhicule, mais a été empêchée de s’asseoir à la place du conducteur. Deux agents de la police locale sont arrivés peu après sur les lieux. Lorsqu’ils ont découvert que X était une policière militaire, ils ont communiqué avec le détachement local de la police militaire. L’un des plaignants dans cette affaire, le Cpl Bain, s’est rendu sur les lieux.

18. X aurait indiqué à la police son intention de rEGagner son domicile avec ses enfants en voiture. Selon la plainte, la police civile a laissé la police militaire s’occuper de l’affaire par courtoisie professionnelle. Après plusieurs tentatives infructueuses, X a échoué l’alcootest auquel elle s’était soumise volontairement. Selon les policiers civils et le Cpl Bain, X s’est montrée hostile et s’est disputée avec la police.

19. La question de savoir si les dossiers informatiques disponibles indiquaient que X disposait d’une assurance automobile valide fait l’objet de désaccords. Quoi qu’il en soit, le Cpl Bain a fait remorquer sa voiture et l’a mise en fourrière, et a ramené X et ses enfants à leur domicile.

20. La police civile a fourni une déclaration à la police militaire sur l’incident. Selon le dossier d’enquête de la police militaire (événement général ou EG), la police civile a déterminé que X n’avait pas « la garde et le contrôle » de son véhicule au moment de l’incident et que, par conséquent, les éléments permettant le dépôt d’une accusation de conduite avec facultés affaiblies n’étaient pas réunis.

21. L’Adj Jeffery Eves a ordonné au Cpl Bain de rédiger le dossier d’enquête de la manière la plus détaillée possible avant la fin de son quart de travail. Celui-ci s’est exécuté et a recommandé les accusations suivantes en vertu de la Loi sur la défense nationale (LDN) :

22. Le lendemain matin, le Cpl Bain a reçu un message texte de l’Adj Eves lui demandant de retirer son opinion personnelle de l’exposé des faits du dossier d’EG. Selon le Cpl Bain, l’exposé des faits qu’il a rédigé dans le dossier d’EG et son sommaire de déposition ont ensuite été modifiés par l’Adj Eves sans son consentement.

23. Il est également allégué que, dans les jours qui ont suivi l’événement, le Cpl Bain a été convoqué à plusieurs reprises devant le commandant (cmdt) du détachement, le major (Maj) Roland Russell, et le sergent-major de l’unité, le premier maître de 2e classe (PM 2) Dean MacKinnon, et informé qu’aucune accusation ne serait portée en vertu de la LDN et que l’affaire serait traitée administrativement. Le Cpl Bain aurait également été informé qu’il serait sévèrement réprimandé si la décision susmentionnée était divulguée à un tiers.

24. Le 10 mars 2021, à 22 h, l’Adj Eves a présenté à la chaîne de commandement du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes (Gp PM FC) un rapport sur les besoins essentiels du commandant en information (BECI) au sujet de l’incident.

25. Le 12 mars 2021 à 13 h 28, l’Adj Eves a transmis le dossier EG 2021‑5616 à l’assistant du juge-avocat général régional pour avis préalable à l’accusation. Cet avis a été reçu par le Maj Russell le 17 mars 2021.

26. Selon la plainte, le dossier de la police militaire n’indiquait pas que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) [qui a compétence sur les enquêtes concernant la police militaire, conformément à l’Ordre 2‑381.1(2)(s) de la PM FC] ou le Bureau des Normes professionnelles du Gp PM FC avaient été informés de l’incident. Pour cette raison, un autre policier militaire du quart de travail du Cpl Bain, le Cpl Monty Wheeler (un plaignant dans la plainte pour inconduite connexe, dossier CPPM 2021‑017), a signalé l’incident au bureau régional du SNEFC. Par la suite, le PM 2 Mackinnon a commencé à convoquer chaque membre du détachement pour savoir qui avait signalé l’incident au SNEFC.

27. Finalement, le PM 2 Mackinnon s’est adressé au Cpl Wheeler, qui a admis avoir effectivement signalé l’affaire au SNEFC. Le PM 2 Mackinnon a indiqué au Cpl Wheeler qu’il aurait dû passer par lui, plutôt que de s’adresser directement au SNEFC. Le PM 2 Mackinnon a affirmé que les procédures appropriées avaient été suivies et que les autorités compétentes avaient été informées, à savoir le SNEFC, l’AJAG et le Bureau des Normes professionnelles. Le Cpl Wheeler a répondu que cela n’était pas indiqué dans le dossier figurant dans le Système d’information – Sécurité et police militaire (SISEPM). Le PM 2 Mackinnon a répondu qu’il n’avait pas lui-même vérifié que le dossier avait été annoté pour indiquer ces étapes, mais qu’il rapportait ce que le commandant (le Maj Russell) lui avait dit.

28. Le PM 2 Mackinnon a également indiqué que l’AJAG avait refusé de recommander le dépôt d’accusations en raison d’erreurs commises par l’enquêteur de la police militaire, comme le fait de ne pas avoir prononcé de mise en garde et ni informé X de son droit à un avocat. Le PM 2 Mackinnon a également indiqué au Cpl Wheeler que le SNEFC avait refusé d’enquêter. Là encore, le Cpl Wheeler a répondu que cela n’avait pas été consigné dans le SISEPM.

29. Le 29 mars 2021, le Maj Russell a pris une mesure administrative contre X.

30. Le 30 avril 2021, la CPPM a reçu un formulaire de plainte conjointe pour inconduite et ingérence.

VI Preuves, analyse et conclusions

6.1  Allégation no 1 : Modification inappropriée du dossier d’événement général (EG)

31. La plainte du 30 avril 2021 indique ce qui suit : [Traduction] « Lorsque le Cpl BAIN est retourné au travail le lendemain soir [11 mars 2021, à 18 h], l’exposé des faits personnel du Cpl BAIN et le sommaire des dépositions (document d’observation juridique de la police) avaient fait l’objet d’importantes modifications, sans son consentement ». La plainte indique par ailleurs que [traduction] « l’exposé des faits et le sommaire des dépositions avaient fait l’objet d’importantes modifications ».

32. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Cpl Bain a déclaré ce qui suit :

[Traduction] Lorsque je suis arrivé pour mon premier quart de jour (le 16 mars) et que je suis retourné dans le dossier pour effectuer quelques modifications, j’ai remarqué que de nombreuses zones de texte avaient été modifiées et qu’en bas des zones de texte figurait la mention « Révisé par », suivie du numéro d’insigne [de l’Adj Eves].

33. Le Sgt Mongraw soutient l’affirmation du Cpl Bain selon laquelle des renseignements de fond ont été supprimés, y compris, semble-t-il, les observations du Cpl Bain concernant l’affaiblissement des facultés de X.

34. L’Adj Eves nie avoir apporté ou demandé des modifications importantes. Les seules modifications qu’il aurait pu apporter concernaient, selon ses dires, la grammaire ou l’orthographe. Cela dit, il a ordonné au Cpl Bain de supprimer les déclarations d’opinion personnelle dans le dossier : la déclaration en question laissait entendre que celui-ci était dégoûté ou gêné par le comportement de X. L’Adj Eves a insisté sur le fait qu’il n’aurait pas supprimé les indications sur les signes d’affaiblissement des facultés, car elles étaient manifestement pertinentes pour l’affaire.

35. Le Maj Russell a confirmé le témoignage de l’Adj Eves.

36. Il est incontestable que des modifications ont été apportées au contenu original du dossier du Cpl Bain. Il est également incontestable que les seules personnes ayant apporté des modifications au dossier sont l’Adj Eves et le Cpl Bain. Si les notes de cas du SISEPM confirment que des modifications ont été apportées, et indiquent qui les a apportées, le contenu de ces modifications est incertain.

37. Nous savons d’après les notes de cas que l’Adj Eves a modifié le sommaire des dépositions le 12 mars 2021, à 13 h 26. Même s’il nous est impossible de savoir avec certitude ce qui a été précisément modifié, les renseignements restants dans la zone de texte du sommaire des dépositions, à l’appui d’une accusation d’« ivresse », semblent complets; il est difficile d’imaginer quelles autres observations auraient pu être faites à l’appui de cette accusation. Le niveau d’« intoxication » de X est mentionné tout au long du dossier d’événement général, y compris lorsque le Cpl Bain écrit que les policiers civils l’ont décrite comme étant « extrêmement intoxiquée ».

38. Le Capt Foster et le Maj Russell ont tous deux consulté le dossier d’événement général avant et après les modifications apportées par l’Adj Eves. Tous deux ont indiqué que les modifications apportées au dossier n’étaient pas majeures et qu’elles se concentraient sur les opinions personnelles exprimées par le Cpl Bain au sujet de la conduite de X.

39. L’Ordre 2‑500 PM FC fournit des directives sur la gestion des dossiers par les superviseurs. Les paragraphes 18 et 19 de cet ordre sont formulés comme suit :

18. Les superviseurs de tous les niveaux doivent consigner leurs observations et leurs commentaires dans le SISEPM sous « Commentaires du superviseur ». Ces commentaires doivent comprendre les conseils détaillés fournis aux enquêteurs et les avantages secondaires liés à la démonstration de la supervision pendant l’enquête. Les commentaires du superviseur doivent aussi comprendre les directives relatives à la réalisation, à la vitesse, au débit et à l’orientation de l’enquête, y compris les motifs de ces directives. Conformément à l’article 250.19 de la LDN, les conseils et les directives de tous les jours concernant les enquêtes ne sont pas considérés comme de l’ingérence.

19. Les superviseurs ne devraient pas modifier un EG créé par un subalterne. Lorsqu’il faut apporter des corrections à un EG, une boîte de texte « suivi » doit être générée conformément à l’ordre 2‑510 du Gp PM FC, indiquant les corrections requises et les mesures à prendre dans une boîte de texte lié au suivi particulier. S’il est nécessaire de réaliser des travaux dans une boîte de texte précise, l’état de l’examen de l’en-tête doit être ouvert et les champs de la date et du responsable doivent être mis à jour.

40. L’Ordre 2‑510.3 PM FC indique par ailleurs ce qui suit :

PROCÉDURE DE SUIVI DANS LE SISEPM

GÉNÉRALITÉS

1. La fonction « Suivi » permet aux superviseurs d’assigner à un PM/OPM en particulier de nouvelles tâches associées à un EG.

PROCÉDURE

2. Selon l’Ordre 2‑510 du Gp PM FC, les PM/OPM doivent se servir de la fonction « Suivi » pour assurer le suivi d’un EG ou assigner les tâches qui y sont ajoutées. Les subordonnés chargés des suivis doivent les accomplir avant la date de rappel fixée.

41. En l’espèce, il apparaît que la motivation à l’origine des modifications apportées par l’Adj Eves au dossier d’événement général de la police militaire ainsi que le contenu de ces modifications était appropriée et relevait de l’autorité de l’Adj Eves qui pouvait ordonner qu’elles soient apportées. Il était raisonnable de demander la suppression des commentaires personnels du Cpl Bain concernant X. Les preuves, selon la prépondérance des probabilités, n’établissent pas que l’Adj Eves a apporté des modifications au dossier dans le but de réduire le degré d’intoxication apparente de X ou la gravité de l’événement. Il semble plutôt que l’Adj Eves ait simplement cherché à faire supprimer certains commentaires personnels du Cpl Bain sur ce qu’il pensait de l’incident. De plus, l’Adj Eves avait d’abord tenté de faire effectuer les changements requis par l’auteur de l’entrée dans le dossier, ne les effectuant lui-même qu’après que le Cpl Bain ait négligé de les effectuer.

42. Pourtant, le paragraphe 19 de l’Ordre 2‑500 PM FC indique clairement que les superviseurs ne doivent pas apporter de telles modifications directement aux dossiers d’enquête de la police militaire rédigés par leurs subalternes. Cependant, le paragraphe 2 de l’Ordre 2-510.3 PM FC prévoit clairement que les changements demandés par un superviseur ne sont pas de simples suggestions (« Les subalternes à qui le suivi est assigné sont tenus de l’effectuer avant la date indiquée dans l’agenda ». [soulignement ajouté]).

43. La situation en l’espèce est la suivante : le militaire concerné, l’Adj Eves, a apporté au dossier des modifications raisonnables qu’il était en droit d’apporter, mais il l’a fait d’une manière qui était contraire aux procédures établies dans les ordres PM FC. Bien que les actions de l’Adj Eves à cet égard aient donc été inappropriées, elles ne semblent pas avoir été motivées par le désir de modifier le cours de l’enquête ou le règlement de l’affaire. Comme indiqué ci-dessus, alors que l’objectif de la plainte pour inconduite est de faire respecter les normes de compétence et de professionnalisme de la police militaire, la plainte pour ingérence est plus spécifiquement axée sur la protection de l’intégrité et de l’indépendance des enquêtes de la police militaire. Ainsi, alors que la plainte pour inconduite concerne le caractère approprié des gestes posés par des policiers militaires sous différents angles, la plainte pour ingérence vise à remédier aux tentatives d’influencer indûment le cours d’une enquête et à les décourager. Rien n’indique que les modifications apportées au dossier de la police militaire par l’Adj Eves aient eu cette intention ou cet effet. Ainsi, qu’il ait ou non été approprié pour lui d’effectuer ces modifications comme il l’a fait, la CPPM conclut que ces modifications ne constituent pas une entrave à une enquête.

Conclusion no 1 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle l’Adj Eves a entravé une enquête de la police militaire en modifiant de manière inappropriée le dossier d’enquête est NON FONDÉE.

6.2  Allégation no 2 : Pressions inappropriées exercées sur l’enquêteur afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations

44. La plainte alléguait que, dans le but d’exercer sur lui des pressions pour qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations contre X en vertu du Code de discipline militaire, le Cpl Bain avait été convoqué [traduction] « plus de cinq fois » par le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon et informé qu’aucune accusation ne serait portée et que l’affaire serait traitée administrativement.

45. Pourtant, lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Cpl Bain a affirmé qu’il ne se souvenait pas avoir été informé du fait qu’il ne pouvait pas recommander le dépôt d’accusations. En outre, le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont indiqué lors de leurs entrevues qu’ils n’avaient pas rencontré le Cpl Bain avant que le dossier d’EG, y compris les recommandations d’accusations, ne soit soumis par le Cpl Bain.

46. De plus, rien n’a été entrepris par la suite pour que les recommandations d’accusations soient retirées du dossier d’EG. La dernière entrée dans le dossier a été effectuée le 11 mars 2021 à 5 h 04, le lendemain de l’incident. C’est à peu près à ce moment-là que le Maj Russell a rencontré le Cpl Bain et le Sgt Mongraw pour discuter du dossier. Plutôt que de dire au Cpl Bain de ne pas recommander le dépôt d’accusations, le Maj Russell a demandé au Cpl Bain et au Sgt Mongraw leur avis sur la façon de procéder. Selon le Maj Russell, le Cpl Bain a suggéré une mesure administrative, tandis que le Sgt Mongraw a recommandé le dépôt d’accusations en vertu du Code de discipline militaire.

47. Le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon étaient sans doute impatients que le dossier d’enquête soit achevé, afin de pouvoir prendre les mesures qui s’imposent. Toutefois, cela ne constitue pas une ingérence. En outre, les preuves fournies aux enquêteurs de la CPPM par le Cpl Bain lui-même ne confirment pas l’allégation selon laquelle il aurait subi des pressions afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations dans le rapport d’enquête.

Conclusion no 2 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en exerçant des pressions sur le Cpl Bain afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations pour une infraction d’ordre militaire est NON FONDÉE.

6.3  Allégation no 3 : Omission de renvoyer l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC)

48. Contrairement à cette allégation, les éléments de preuve indiquent que le SNEFC a effectivement été informé de l’incident impliquant X la nuit même où il s’est produit.

49.Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, l’Adj Eves a indiqué avoir appelé le commandant régional du SNEFC, le Capt Foster, à 20 h 32 le soir de l’incident, le 10 mars 2021. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, l’Adj Eves a fourni une copie de son journal d’appels pour cette date à l’appui de sa déclaration. Ce fait a d’ailleurs été confirmé par le Capt Foster lors de son entrevue avec la CPPM.

50. Plus tard dans la soirée, à 22 h, heure locale, l’Adj Eves a soumis besoin essentiel du commandant en information (BECI) du cmdt au sujet de l’incident impliquant X, avec copie au Capt Foster du SNEFC. Le BECI a été envoyée à Ottawa, plus spécifiquement à la chaîne de commandement du Groupe de la Police militaire de la Marine (Gp PMM) et au Centre des Opérations du GP PM, en plus du Capt Foster. Le BECI était formulée comme suit :

51. Selon une conversation téléphonique enregistrée entre l’officier de service du Gp PM FC, le Maj Shreve, et le Sgt Mongraw, à 23 h 12, heure locale, le Sgt Mongraw a indiqué qu’il avait rédigé le BECI pour l’Adj Eves.

52. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Cpl Wheeler a indiqué être au courant qu’un courriel concernant l’incident avait été envoyé le soir même par le Sgt Mongraw au SNEFC. Selon ses dires, le Cpl Wheeler a vu dans le dossier un courriel du Sgt Mongraw adressé à l’Adj Eves et à l’Adj Evershed (du SNEFC). Dans les faits, le Cpl Wheeler semble avoir appris très tôt que le SNEFC avait été informé de l’incident. Cependant, le Cpl Wheeler a noté que rien dans le dossier n’indiquait que le SNEFC avait pris la responsabilité de l’enquête, ce qui, d’après ce qu’il avait compris, est indispensable lorsqu’un policier militaire fait l’objet d’une enquête pour une infraction criminelle ou une infraction d’ordre militaire.

53. De plus, le matin suivant l’incident, le 11 mars 2021, lorsque le Maj Russell a rencontré le Sgt Mongraw et le Cpl Bain, celui-ci leur a dit qu’il s’entretiendrait avec le SNEFC au sujet du dossier.

54. Ainsi, le SNEFC et d’autres ont été informés en temps utile de cet incident impliquant X et le Sgt Mongraw et le Cpl Wheeler le savaient.

55. En ce qui concerne cette allégation, les plaignants ont mal compris les conditions pour que le SNEFC intervienne dans les situations d’activités criminelles ou d’inconduite relative au service militaire dans la police militaire. Le paragraphe 7 de l’Ordre 2‑381 du Gp PM FC indique ce qui suit :

56. Les ordres du PM FC exigent que les cas graves ou délicats [ce qui comprend les infractions commises par la police militaire, conformément au paragraphe 2s) de l’Ordre 2‑381.1 PM FC] soient renvoyés au SNEFC pour examen. Mais les ordres PM FC n’exigent pas que le SNEFC prenne la responsabilité de l’enquête dans tous les cas. Comme l’énonce le paragraphe 13 de l’Ordre 2‑381.1 PM FC :

57. En l’espèce, à 2 h 09 le 11 mars 2021, après avoir reçu l’appel de l’Adj Eves puis une copie du BECI concernant l’incident, le Capt Foster a envoyé un courriel au commandant adjoint du SNEFC à Ottawa, le Maj Périard :

58. Quelques heures plus tard, à 7 h 06, le Maj Périard a simplement répondu : [Traduction] « Je ne pense pas que le [SNEFC] ait besoin d’intervenir dans cette affaire. [L’enquête disciplinaire de l’unité] devrait être [l’option choisie]. » Lors d’une conversation téléphonique environ deux jours plus tard, le Capt Foster a confirmé cette option au Maj Russell et a indiqué que le SNEFC n’enquêterait pas sur l’affaire. Lors de son entrevue avec la CPPM, le Capt Foster a indiqué qu’il n’avait pas noté sur le dossier d’enquête de la police militaire qu’il l’avait étudié, mais qu’il aurait peut-être dû le faire.

Conclusion no 3 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en ne renvoyant pas l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes est NON FONDÉE.

6.4  Allégation no 4 : Omission d’informer le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident impliquant X

59. Comme indiqué ci-dessus, un BECI a été envoyée au Centre des Opérations du GP PM à Ottawa à 1 h (heure d’Ottawa) le 11 mars. L’officier de service du Gp PM FC, le Maj Shreve, l’a transmis par courriel au Bureau des Normes professionnelles de la PM à 1 h 52 le 11 mars 2021. Le commandant adjoint du Gp PM FC a accusé réception au nom du Bureau des Normes professionnelles dans un courriel envoyé à 2 h 22. Le lendemain (12 mars 2021), un nouveau dossier a été ouvert aux Normes professionnelles (EG NP 2021‑009), et ce bureau a suivi l’affaire à partir de ce moment jusqu’à sa conclusion.

60. En outre, lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Maj Russell a déclaré avoir téléphoné au Maj Yue-Devoe (officière responsable du Bureau des Normes professionnelles) dans la matinée du 11 mars 2021 et lui avoir communiqué le dossier.

61. Ainsi, en dépit des perceptions des plaignants, il est tout à fait évident, d’après les preuves recueillies dans le cadre de cette enquête, que le Bureau des Normes professionnelles a été informé de cet événement en temps opportun.

Conclusion no 4 :
TLa Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en n’informant pas de l’incident le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes est NON FONDÉE.

6.5  Allégation no 5 : Pressions exercées sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X

62. Cette allégation porte sur deux questions distinctes.

63. La première question concerne l’allégation du Cpl Bain selon laquelle il a été mis en garde contre le fait de parler à d’autres de l’incident ou de révéler comment le Maj Russell et PM 2 MacKinnon prévoyaient traiter l’incident, c’est-à-dire par des mesures administratives, plutôt qu’en vertu du Code de discipline militaire. Selon la plainte, le Cpl Bain a été informé qu’il serait [traduction] « sévèrement réprimandé » s’il en parlait.

64. La deuxième question concerne les efforts allégués du PM 2 MacKinnon pour découvrir qui, parmi les membres subalternes du détachement de la police militaire, avait pris l’initiative de signaler l’incident au SNEFC.

65. La première question, l’avertissement de ne pas divulguer de renseignements sur la gestion de l’incident du 10 mars 2021, peut sembler sinistre en l’absence de contexte. Cependant, il existe deux éléments importants à prendre en compte concernant cette allégation.

66. Tout d’abord, comme indiqué ci-dessus concernant les allégations 3 et 4, le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon n’ont pas caché l’incident au SNEFC ou au Bureau des Normes professionnelles. Par conséquent, cette menace alléguée à l’encontre du Cpl Bain ne peut être interprétée comme une tentative d’empêcher ces deux bureaux d’être informés de l’incident, afin de dissimuler l’affaire. Dans ces circonstances, cet avertissement doit plutôt être compris comme exigeant que la circulation des renseignements de l’unité de police militaire vers le SNEFC et le Bureau des Normes professionnelles suive les canaux de communication appropriés et que les renseignements soient adressés au personnel compétent au sein de ces bureaux.

67. En outre, dans la mesure où cet avertissement peut être considéré comme s’appliquant à la divulgation de renseignements sur ce dossier à d’autres personnes de manière générale, celui-ci peut être raisonnablement compris comme soulignant les droits légitimes de X en matière de protection de la vie privée et comme rappelant le principe général de « l’accès sélectif » qui s’applique à tout renseignement de nature délicate ou protégée. L’incident du 10 mars 2021 a donné lieu à des droits et intérêts importants en matière de protection de la vie privée de la part de X qui, en vertu de la loi, doivent être protégés. Bien entendu, l’incident a également suscité un vif intérêt de la part des autres membres de l’unité de police militaire qui souhaitaient en connaître les détails. Mais cet intérêt intense n’a pas donné lieu à un accès sélectif légitime.

68. Il est évident que le Cpl Bain, en tant qu’enquêteur, était nécessairement au courant de certains éléments de l’incident, tout comme les membres de sa chaîne de commandement, et en particulier le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon. Ces derniers étaient également nécessairement au courant des détails concernant le traitement de l’incident par l’unité. En dehors de ces personnes, toutefois, les autres membres de l’unité, et a fortiori les personnes extérieures à l’unité, n’avaient que peu, voire pas du tout, le droit légitime d’avoir connaissance de ces renseignements.

69. En tant que tel, l’avertissement adressé au Cpl Bain peut être considéré comme visant simplement à attirer son attention sur les restrictions applicables à la diffusion de renseignements sur l’affaire, dans un contexte où l’intérêt pour ces renseignements, mais non le droit d’en avoir connaissance, parmi les autres membres de l’unité, était exceptionnellement élevé.

70. La deuxième question soulevée dans cette allégation concerne les efforts déployés par PM 2 MacKinnon pour découvrir qui, au sein du détachement, avait signalé l’incident aux membres du SNEFC sans l’autorisation des dirigeants du détachement.

71. Sur ce point, la plainte indique ce qui suit :

[Traduction] Les membres [de l’UPM] ont commencé à être sollicités et interrogés par les hauts dirigeants de la chaîne de commandement au sujet du moral bas. Durant cette période, les membres du détachement ont commencé à déposer leurs notes de service pour la libération afin de chercher d’autres perspectives de carrière ou d’autres organisations qui appuyaient leurs officiers et ne « balayaient pas les problèmes sous le tapis ». Tous les membres qui ont déposé leur demande de libération souhaitaient devenir des policiers proactifs; cependant, la C de C de la PM n’a pas réussi à fournir un environnement sain et transparent.
Les policiers militaires de toutes les équipes et de toutes les sections ont commencé à être dirigés vers le bureau du SMU [PM 2 MacKinnon] pour une rencontre individuelle, afin d’être interrogés sur l’identité de la personne qui avait déposé la plainte auprès du SNEFC. Le Sgt MONGRAW a été informé que la chaîne de commandement recevait des critiques pour la manière dont l’enquête avait été menée. Plusieurs personnes ont dû désigner les collègues qu’elles considéraient comme « toxiques » ou nommer la personne qui avait déposé la plainte auprès du SNEFC. Le PM 2 MACKINNON aurait suggéré aux policiers militaires de « hocher la tête » lorsqu’il passait en revue la liste des personnes qui, selon lui, avaient déposé la plainte ou étaient « toxiques », afin de ne pas être considérés comme des « mouchards ». Ce geste du SMU a dressé les collègues les uns contre les autres, ce qui a eu pour effet d’affaiblir le moral des policiers. Plusieurs personnes qui avaient déposé leur demande de libération étaient menacées d’être affectées hors de la zone géographique, quelle que soit leur situation familiale, si elles « retiraient » leur note de service pour la libération.

72. Bien que cet épisode ait pu perturber les plaignants, le geste du PM 2 MacKinnon n’équivaut pas à une ingérence.

73. L’activité en question s’est déroulée après la fin de l’enquête de la police militaire : le commandant du détachement avait décidé de prendre des mesures administratives plutôt que de porter des accusations en vertu du Code de discipline militaire, et le SNEFC avait décidé de ne pas s’occuper de l’affaire. Par conséquent, cet effort visant à déterminer qui avait transmis l’information au SNEFC sans autorisation n’aurait pas pu affecter l’enquête sur l’incident impliquant X. Ainsi, quelle que soit la sagesse ou la légitimité de cette série de rencontres, celles-ci ne peuvent pas être considérées comme une entrave à une enquête militaire.

Conclusion no 5 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont entravé une enquête de la police militaire en exerçant des pressions sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X à des personnes extérieures à l’unité et en essayant de découvrir qui avait signalé l’incident au Service national des enquêtes des Forces canadiennes sans autorisation est NON FONDÉE.

6.6  Allégation no 6 : Défaut du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) d’enquêter sur l’incident

74. La position des plaignants est que le SNEFC était dans l’obligation de prendre la responsabilité de mener l’enquête sur l’incident du 10 mars.  Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut à propos de l’allégation no 3, ce n’est pas ce que disent en réalité les ordres PM FC. Les Ordres 2‑381, 2‑381.1 et 2‑381.2 PM FC exigent au contraire que certaines catégories d’incidents, et notamment les infractions potentielles commises par la police militaire, soient renvoyées au SNEFC pour évaluation. Le SNEFC a toutefois la possibilité (avec certaines exceptions qui ne sont pas applicables à cette affaire) de renvoyer le cas à l’unité de la police militaire d’origine, dans les situations où celle-ci est jugée capable de traiter l’affaire de manière appropriée.

75. En l’espèce, il était manifestement nécessaire de signaler l’incident au SNEFC et cela a été fait en temps opportun. Selon les termes de l’Ordre 2‑381.2 PM FC, l’officier de service du SNEFC, dans cette affaire, le Capt Foster, peut, à sa discrétion, renoncer à ce mandat et renvoyer la responsabilité de l’affaire à l’unité de la police militaire concernée.

76. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Capt Foster a déclaré se réjouir que l’incident ait pu être traité par le détachement de la police militaire. Il a souligné qu’à cette étape, rien ne permettait de mener une enquête en lien avec de possibles accusations criminelles, puisque la police civile locale compétente avait déterminé que les éléments constitutifs d’une infraction de conduite avec facultés affaiblies n’étaient pas réunis. Du point de vue de la discipline militaire, le Capt Foster a expliqué que le commandant du détachement de la police militaire pouvait mener une enquête disciplinaire d’unité et qu’il avait le pouvoir de porter des accusations en vertu de la Loi sur la défense nationale ou de prendre des mesures administratives.

77. Les éléments de preuve indiquent clairement que le Capt Foster a étudié plusieurs options ainsi que la mesure dans laquelle il serait pertinent qu’une telle mesure soit prise par l’unité de police militaire d’origine ou que le SNEFC mène une enquête avant de décider de ne pas mener d’enquête. De plus, le supérieur du Capt Foster, le Maj Périard (le cmdtA du SNEFC à Ottawa) a accepté cette option.

78. Aucun élément de preuve ne suggère que le Capt Foster a cherché à influencer le cours de la justice dans cette affaire et personne n’a tenté d’exercer des pressions sur le Maj Russell en faveur d’une issue en particulier.

79. Dans la mesure où le Capt Foster était le seul responsable des mesures prises par le SNEFC dans cette affaire, rien ne permet d’alléguer que l’Adj Evershed a entravé l’enquête.

Conclusion no 6 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Capt Foster et l’Adj Evershed ont entravé une enquête de la police militaire en n’enquêtant pas sur l’incident impliquant X est NON FONDÉE.

Examen de la lettre de réponse du chef d’état-major de la défense

80. Après avoir examiné tous les renseignements et documents pertinents à cette plainte, les membres de la Commission ont commencé la préparation du rapport provisoire. Conformément à l’article 250.39 de la LDN, le rapport provisoire a été produit le 18 juillet 2023 et transmis au ministre de la Défense nationale, au chef d’état-major de la défense, au juge-avocat général et au GPFC.

81. Conformément au paragraphe 250.51(1) de la LDN, le CEMD est tenu d’informer le ministre et la présidente de toute mesure qui a été ou sera prise à l’égard de cette plainte. Le 26 octobre 2023, la CPPM a reçu la lettre de réponse du CEMD (datée du 20 octobre 2023) pour donner suite au rapport provisoire de la CPPM.

82. Dans sa lettre de réponse, le CEMD a noté qu’étant donné qu’aucune recommandation n’a été formulée dans cette affaire, aucune mesure n’est requise par le CEMD en ce qui concerne cette plainte.

83. Conformément au paragraphe 250.53(1) de la LDN, les membres de la Commission ont préparé le présent rapport final après avoir examiné la lettre de réponse du CEMD.

Ottawa, le 27 novembre 2023

Document original signé par :


Bonita Thornton, B.A., LL.B., CD.
Membre de la Commission

Document original signé par :


Ron Kuban, Ph.D.CD.
Membre de la Commission

VII Glossaire des termes et abréviations utilisés dans ce rapport

Adj

Adjudant

AJAG

Assistant du juge-avocat général régional

BECI

Besoins essentiels du commandant en information

Capt

Capitaine

C de C

Chaîne de commandement

CEMD

Chef d’état-major de la défense

cmdt

Commandant

CmdtA

Commandant adjoint

CPPM ou Commission

Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire

Cpl

Caporal

EG

Événement général

EG NP

Événement général Normes professionnelles

GPFC

Grand Prévôt des Forces canadiennes

Gp PM FC

Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes

Gp PMM

Groupe de la Police militaire de la Marine

LDN

Loi sur la défense nationale

Maj

Major

OPM

Officiers de la police militaire

PM

Police militaire

PM 2

Premier maître de 2e classe

PM FC

Police militaire des Forces canadiennes

PVCS

Pour votre conscience de la situation

Sgt

Sergent

SISEPM

Système d’information – Sécurité et police militaire

SMU

Sergent-major de l’unité

SNEFC

Service national des enquêtes des Forces canadiennes

UPM

Unité de Police militaire

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