Rapport final concernant la conduite de certains membres de l'unité de la police militaire (MPCC-2021-017)

NOTE AU LECTEUR! - Des extraits de ce document ont été supprimés conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

TABLE DES MATIÈRES

  1. Résumé de la plainte
  2. Conclusions et recommandations
  3. Processus d’enquête d’intérêt public de la CPPM
  4. La plainte pour inconduite
  5. Contexte factuel de la plainte
  6. Preuves, analyse et conclusions
    1. 6.1 Allégation no 1 : Modification inappropriée du dossier d’événement général
    2. 6.2 Allégation no 2 : Pressions inappropriées exercées sur l’enquêteur afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations
    3. 6.3 Allégation no 3 : Omission de renvoyer l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC)
    4. 6.4 Allégation no 4 : Omission d’informer le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident impliquant X
    5. 6.5 Allégation no 5 : Pressions exercées sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X.
    6. 6.6 Allégation no 6 : Omission du SNEFC de mener une enquête sur l’incident
  7. Observations
  8. Glossaire des termes et abréviations utilisés dans ce rapport

I Résumé de la plainte

1. Il s’agit d’une plainte pour inconduite déposée par des membres d’un détachement de la police militaire (PM) qui ont allégué que les membres de la chaîne de commandement de leur détachement et du détachement régional du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) n’ont pas répondu adéquatement à un incident de présumée ivresse d’un membre du détachement de la PM . À la suite d’une enquête, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) a conclu que la plupart des allégations étaient non fondées.

2. Le 10 mars 2021, des passants ont empêché XFootnote 1, une officière de la PM nouvellement affectée, de rentrer en voiture avec ses trois enfants à la sortie d’un restaurant parce qu’ils la pensaient en état d’ébriété. Des agents de la police civile locale se sont rendus sur les lieux et ont ensuite communiqué avec le détachement local de la PM (où X avait été affectée récemment), qui est également intervenu. La police civile a déterminé que X ne pouvait pas être accusée de conduite avec facultés affaiblies. Le caporal de la PM qui a répondu à l’appel un des plaignants, PB a mis le véhicule en fourrière et a reconduit X et ses enfants à la maison.

3. PB a soumis son rapport le matin suivant en recommandant le dépôt d’accusations en vertu du Code de discipline militaire. Le commandant du détachement de la PM a plutôt décidé de prendre des mesures administratives. Les plaignants ont allégué qu’une des personnes faisant l’objet de la plainte, un adjudant (adj), a modifié à tort le dossier d’enquête de la PM sans le consentement de PB. De plus, les plaignants avaient l’impression que PB avait subi des pressions indues de la part des dirigeants du détachement de la PM pour qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations. Ils ont allégué en outre que les dirigeants du détachement ont cherché à étouffer l’affaire concernant X en n’informant pas le SNEFC ni le Bureau des Normes professionnelles (NP) du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident, et en tentant d’empêcher les membres du détachement d’aviser le SNEFC et les NP. Ils ont également allégué que les membres du détachement local du SNEFC ont contribué à cette dissimulation en ne prenant pas la responsabilité de l’enquête sur l’incident.

4. Dans le cadre de son enquête, la CPPM a déterminé que, même si l’adjudant visé par la plainte avait des motifs valables de demander la suppression des commentaires personnels du dossier d’enquête de la PM , le fait d’apporter les changements unilatéralement allait à l’encontre de la politique existante de la PM . Cette allégation est par conséquent partiellement fondée.

5. Toutefois, les dirigeants du détachement de la PM n’ont pas exercé de pression sur le caporal de la PM pour qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations. De plus, les dirigeants du détachement de la PM avaient avisé le SNEFC et le Bureau des NP de l’incident impliquant X en temps opportun. En outre, les plaignants se sont mépris sur les exigences relatives au renvoi au SNEFC des cas d’infractions éventuelles commises par des policiers militaires. Bien que de tels cas doivent lui être renvoyés pour évaluation, le SNEFC n’est pas tenu d’assumer la responsabilité de l’enquête et peut renoncer à exercer sa compétence en faveur de l’unité d’origine, comme cela a été le cas dans la présente affaire.

6. En ce qui concerne les efforts déployés par le commandant de détachement et le sergent-major visés par la plainte pour empêcher les membres du détachement de la PM de partager l’information au sujet de l’incident impliquant X avec le SNEFC, le CPPM a déterminé qu’il était légitime que les dirigeants du détachement de la PM respectent les intérêts de X au chapitre de la protection de sa vie privée et qu’ils insistent également sur les voies appropriées de communication avec les autres unités. La CPPM a également noté que ces efforts, ainsi que ceux visant à déterminer qui avait divulgué l’incident au SNEFC sans autorisation, ont eu lieu après la conclusion de l’enquête menée par la police militaire; on ne saurait donc dire que les dirigeants ont entravé l’enquête.

7. La CPPM a recommandé que le Grand Prévôt des Forces canadiennes apporte des modifications au Système d’information Sécurité et police militaire qui aideraient à créer une liste des révisions du contenu du dossier. Elle a aussi recommandé que les ordres de la PM soient clarifiés afin que le SNEFC ajoute une note au dossier d’enquête de la PM , avec de brefs motifs, lorsqu’il décide de ne pas prendre en charge une enquête.

8. Enfin, la CPPM a recommandé que le Grand Prévôt des Forces canadiennes envisage d’effectuer une évaluation du moral et de la cohésion de l’unité de police militaire, afin de définir tout problème existant.

9. En réponse au rapport de la CPPM dans cette affaire, le Grand Prévôt des Forces canadiennes a fait plusieurs commentaires concernant les conclusions et les recommandations de la CPPM. La CPPM considère que deux recommandations ont été acceptées par le Grand Prévôt des Forces canadiennes; cependant, elle considère comme non acceptée la recommandation selon laquelle le Grand Prévôt des Forces canadiennes devrait viser à mettre en œuvre des changements au Système d’information – Sécurité et police militaire qui permettront d’assurer le suivi des modifications apportées au contenu des dossiers d’enquête.

II Conclusions et recommandations

Conclusion no 1 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle l’Adj Eves a modifié de façon inappropriée le dossier d’enquête est PARTIELLEMENT FONDÉE, car, même si les révisions étaient raisonnables dans les circonstances, il a enfreint les ordres de la Police militaire des Forces canadiennes en les apportant directement au dossier.

Conclusion no 2 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont exercé des pressions indues sur le Cpl Bain afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations pour une infraction d’ordre militaire est NON FONDÉE.

Conclusion no 3 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont omis de renvoyer l’enquête de l’incident impliquant X au Service national des enquêtes des Forces canadiennes est NON FONDÉE.

Conclusion no 4 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont omis d’aviser le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes au sujet de l’incident impliquant X est NON FONDÉE.

Conclusion no 5 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont exercé des pressions indues sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X à des personnes extérieures à l’unité est NON FONDÉE. La Commission d’examen des plaintes concernant la police ne dresse aucune conclusion quant à l’allégation selon laquelle le PM 2 MacKinnon aurait indûment cherché à déterminer qui avait signalé l’incident au Service national des enquêtes des Forces canadiennes.

Conclusion no 6 :
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Capt Foster et l’Adj Evershed du Service national des enquêtes des Forces canadiennes ont omis d’enquêter sur l’incident impliquant X est NON FONDÉE.

Recommandation no 1:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire recommande que le Grand Prévôt des Forces canadiennes vise à mettre en œuvre des changements au Système d’information Sécurité et police militaire qui permettront d’assurer le suivi des modifications apportées au contenu des dossiers d’enquête. (Non acceptée)

Recommandation no 2:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire recommande que le Grand Prévôt des Forces canadiennes exige que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes ajoute une note appropriée aux dossiers d’enquête dans le Système d’information Sécurité et police militaire lorsqu’il décide de ne pas prendre en charge une enquête, y compris les brefs motifs de cette décision. (Acceptée)

Recommandation no 3:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire recommande que le Grand Prévôt des Forces canadiennes envisage d’effectuer une évaluation du détachement de la PM afin de relever tout problème persistant de moral et de cohésion dans cette unité. (Acceptée)

III Processus d’enquête d’intérêt public de la CPPM

10. Une plainte conjointe pour inconduite et ingérence a été reçue par la CPPM le 30 avril 2021. Un dossier distinct (CPPM 2021 012) a été ouvert pour traiter la plainte pour ingérence; celle-ci fera l’objet d’un rapport distinct.

11. Les documents émis dans le cadre de la divulgation initiale du bureau du GPFC ont été reçus et examinés. Le 3 août 2021, la présidente de la CPPM a ouvert une enquête d’intérêt public sur cette plainte et sur la plainte pour ingérence connexe, CPPM 2021 012. La plainte soulevait des préoccupations quant à une éventuelle tentative flagrante de la part d’un des dirigeants de l’unité de PM de faire preuve de favoritisme à l’égard d’un policier militaire plus haut gradé et de dissimuler ce fait. L’ouverture d’une enquête d’intérêt public a également permis à la CPPM d’examiner ces deux plaintes en même temps.

12. Vingt-cinq entrevues de témoins ont été réalisées entre le 20 janvier 2022 et le 25 mars 2022. Le dernier document divulgué a été reçu le 20 avril 2022 du bureau du GPFC. Un des témoins a été interrogé à nouveau le 6 septembre 2022.

13. Dans le cadre de l’évaluation des diverses allégations composant cette plainte, la CPPM applique la norme de preuve du droit civil relative à la prépondérance des probabilités qu’il est plus probable qu’improbable que l’acte ou l’omission ait été commis et que l’allégation est vraie ou exacte. Il s’agit de la même norme de preuve utilisée dans toutes les poursuites qui ne sont pas de nature pénale, ou criminelle.

IV La plainte pour inconduite

14. Puisque la CPPM a reçu une plainte conjointe pour inconduite et ingérence, deux dossiers distincts de plainte ont été ouverts : le présent rapport traite de la plainte pour inconduite, et la plainte pour ingérence connexe est examinée dans un dossier distinct (dossier no CPPM 2021-012). Aux fins de la présente plainte pour inconduite et de la plainte pour ingérence connexe, les allégations suivantes ont été précisées.

Allégation no 1: Modification inappropriée du dossier d’événement général.

Allégation no 2: Pressions inappropriées exercées sur l’enquêteur afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations.

Allégation no 3: Omission de renvoyer l’enquête au SNEFC.

Allégation no 4: Omission d’informer le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident impliquant X.

Allégation no 5: Pressions exercées sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X.

Allégation no 6: Omission du SNEFC de mener une enquête sur l’incident.

V Contexte factuel de la plainte

Nom de la personne concernée dans le dossier

Lien avec le dossier

X

Officière de la PM impliquée dans l’incident sous-jacent

Cpl Patrick Bain

Policier militaire/plaignant

Sgt Daniel Mongraw

Policier militaire/plaignant

Cpl Monty Wheeler

Policier militaire/plaignant

Maj Roland Russell

Officier de la PM /personne faisant l’objet de la plainte

PM 2 Dean MacKinnon

Policier militaire/personne faisant l’objet de la plainte

Adj Jeffrey Eves

Policier militaire/personne faisant l’objet de la plainte

Capt Evan Foster

Officier de la PM (SNEFC)/personne faisant l’objet de la plainte

Adj William Evershed

Policier militaire (SNEFC)/personne faisant l’objet de la plainte

Maj Shreve

Officier de la PM /officier de service national du Gp PM FC la nuit de l’incident sous-jacent

Maj Périard

CmdtA du SNEFC

Maj Yue-Devoe

Officière de la PM responsable du bureau des Normes professionnelles du Gp PM FC

15. Le 10 mars 2021, des passants ont empêché X, une officière de la police militaire nouvellement affectée, de rentrer chez elle en voiture avec ses trois enfants à la sortie d’un restaurant parce qu’ils la pensaient en état d’ébriété. Elle avait fait monter ses enfants dans le véhicule, mais avait été empêchée de s’asseoir à la place du conducteur. Deux agents de la police locale sont arrivés sur les lieux. Lorsqu’ils ont découvert que X était une policière militaire, ils ont communiqué avec le détachement local de la PM . L’un des plaignants dans cette affaire, le Cpl Bain, s’est rendu sur les lieux.

16. X aurait indiqué à la police locale son intention de rentrer chez elle en voiture avec ses enfants. Selon la plainte, la police civile a laissé la police militaire s’occuper de l’affaire par courtoisie professionnelle. Après plusieurs tentatives infructueuses, X a échoué l’alcooltest auquel elle s’était soumise volontairement. Selon les policiers civils et le Cpl Bain, X s’est montrée hostile et s’est disputée avec eux.

17. La question de savoir si les dossiers informatiques disponibles indiquaient que X disposait d’une assurance automobile valide fait l’objet de désaccords. Quoi qu’il en soit, le Cpl Bain a fait remorquer sa voiture et l’a mise en fourrière, et a ramené X et ses enfants à leur domicile.

18. La police civile a fourni une déclaration au policier militaire concernant l’incident. La police civile a déterminé que X n’avait pas « la garde et le contrôle » de son véhicule au moment de l’incident et que, par conséquent, les éléments permettant le dépôt d’une accusation de conduite avec facultés affaiblies n’étaient pas réunis.

19. L’Adj Jeffery Eves a ordonné au Cpl Bain de rédiger le dossier d’enquête de la manière la plus détaillée possible avant la fin du quart de travail de ce dernier. Le Cpl Bain s’est exécuté et a recommandé les accusations suivantes en vertu de la Loi sur la défense nationale (LDN) :

20. Le lendemain matin, le Cpl Bain a reçu un message texte de l’Adj Eves lui demandant de retirer son opinion personnelle de l’exposé des faits du dossier d’enquête. Le dossier a ensuite été modifié par l’Adj Eves.

21. Le 10 mars 2021, à 22 h, l’Adj Eves a présenté à la chaîne de commandement du Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes (Gp PM FC) un rapport sur les besoins essentiels du commandant en information (BECI) au sujet de l’incident.

22. Le 12 mars 2021 à 13 h 28, l’Adj Eves a transmis le dossier d’enquête de la police militaire (événement général (EG) 2021-5616) à l’assistant du juge-avocat général (AJAG) régional pour avis préalable à l’accusation. L’avis préalable à l’accusation de l’AJAG a été reçu par le Maj Russell le 17 mars 2021.

23. Selon la plainte, le dossier de la PM n’indiquait pas que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) (qui a compétence sur les enquêtes concernant la police militaire, conformément à l’ordre 2 381.1(2)(s) de la PM des FC) ou le Bureau des Normes professionnelles (NP) du Gp PM FC avaient été informés de l’incident. À ce titre, un des plaignants, le Cpl Monty Wheeler, a signalé l’incident au bureau régional du SNEFC. Par la suite, le PM 2 MacKinnon a commencé à convoquer chaque membre du détachement pour savoir qui l’avait fait.

24. Finalement, le PM 2 MacKinnon a parlé au Cpl Wheeler, qui a admis avoir effectivement signalé l’affaire au SNEFC. Le PM 2 MacKinnon a indiqué au Cpl Wheeler qu’il aurait dû passer par lui, plutôt que de s’adresser directement au SNEFC. Le PM 2 MacKinnon a affirmé que les procédures appropriées avaient été suivies et que les autorités compétentes avaient été informées ou consultées, à savoir le SNEFC, l’AJAG et le Bureau des NP. Le Cpl Wheeler a répondu que cela n’était pas indiqué dans le dossier figurant dans le Système d’information Sécurité et police militaire (SISEPM). Le PM 2 MacKinnon a répondu qu’il n’avait pas lui-même vérifié que le dossier avait été annoté pour indiquer ces étapes, mais qu’il rapportait ce que le commandant (le Maj Russell) lui avait dit.

25. Le PM 2 MacKinnon a également indiqué que l’AJAG avait refusé de recommander le dépôt d’accusations en raison d’erreurs commises par le Cpl Bain, comme le fait de ne pas avoir mis en garde X et de ne pas l’avoir informée de son droit à un avocat. Le PM 2 MacKinnon a également indiqué au Cpl Wheeler que le SNEFC avait refusé d’enquêter. Là encore, le Cpl Wheeler a répondu que cela n’avait pas été consigné dans le SISEPM.

26. Le 29 mars 2021, le Maj Russell a pris une mesure administrative contre X.

27. Un formulaire de plainte conjointe pour inconduite et ingérence a été reçu par la CPPM le 30 avril 2021. La plainte a été rédigée par le Cpl Wheeler, et adoptée par le Cpl Bain et le Sgt Mongraw.

Examen de la notification du Grand Prévôt des Forces canadiennes

28. Après avoir examiné tous les renseignements et documents pertinents à cette plainte, les membres de la Commission ont commencé la préparation du rapport provisoire. Conformément à l’article 250.39 de la LDN, le rapport provisoire a été produit le 8 août 2023 et a été transmis au GPFC, le chef d’état-major de la Défense et le ministre de la Défense nationale.

29. Conformément à l’article 250.51 de la LDN, le GPFC est tenu d’informer le ministre et la présidente de toute mesure qui a été ou sera prise à l’égard de cette plainte. Le 20 novembre 2023, la CPPM a reçu la notification du GPFC en réponse au rapport provisoire de la CPPM.

30. Dans sa notification, le GPFC a fait plusieurs commentaires concernant les conclusions et les recommandations de la CPPM. La CPPM considère que deux recommandations ont été acceptées; cependant, elle considère comme non acceptée la recommandation selon laquelle le GPFC devrait viser à mettre en œuvre des changements au Système d’information Sécurité et police militaire qui permettront d’assurer le suivi des modifications apportées au contenu des dossiers d’enquête.

31. Le présent rapport final est établi conformément au paragraphe 250.53(1) de la LDN.

VI Preuves, analyse, conclusions et recommandations

6.1 Allégation no 1 : Modification inappropriée du dossier d’événement général

32. D’après l’auteur de la plainte : [traduction] « Lorsque le Cpl BAIN est retourné au travail le lendemain soir [11 mars 2021, à 18 h], l’exposé des faits personnel du Cpl BAIN et son sommaire des dépositions (document d’observation juridique de la police) avaient fait l’objet d’importantes modifications, sans son consentement. »

33. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Cpl Bain a déclaré ce qui suit :

[Traduction] Lorsque je suis arrivé pour mon premier quart de jour (le 16 mars) et que je suis retourné dans le dossier pour effectuer quelques modifications, j’ai remarqué que de nombreuses zones de texte avaient été modifiées et qu’en bas des zones de texte figuraient la mention « Révisé par », suivie du numéro d’insigne [de l’Adj Eves].

34. Le Sgt Mongraw soutient l’affirmation du Cpl Bain selon laquelle des renseignements de fond ont été supprimés, y compris, semble-t-il, les observations du Cpl Bain concernant l’affaiblissement des facultés de X.

35. L’Adj Eves nie avoir apporté ou demandé des modifications importantes. Les seules modifications qu’il aurait pu apporter concernaient, selon ses dires, la grammaire ou l’orthographe. Cela dit, il a ordonné au Cpl Bain de supprimer les déclarations d’opinion personnelle dans le dossier : la déclaration en question laissait entendre que le Cpl Bain était dégoûté ou gêné par le comportement de X. L’Adj Eves a insisté sur le fait qu’il n’aurait pas supprimé les indications sur les signes d’affaiblissement des facultés, car elles étaient manifestement pertinentes pour l’affaire.

36. Le Maj Russell a confirmé le témoignage de l’Adj Eves

37. Il est incontestable que des modifications au contenu original du dossier du Cpl Bain ont été apportées. Il est également incontestable que les seules personnes ayant apporté des modifications au dossier sont l’Adj Eves et le Cpl Bain. Même si les notes de cas du SISEPM confirment que des modifications ont été apportées, et par qui, le contenu de ces modifications ne peut pas être confirmé.

38. Selon les notes de cas, l’Adj Eves a modifié le [traduction] « sommaire des dépositions » le 12 mars 2021, à 13 h 26. Même s’il nous est impossible de savoir avec certitude ce qui a été précisément modifié, les renseignements restants dans la zone de texte du [traduction] « sommaire des dépositions », à l’appui d’une accusation d’« ivresse », semblent complets; il est difficile d’imaginer quelles autres observations auraient pu être faites à l’appui de cette accusation. Le niveau d’« intoxication » de X est mentionné tout au long du dossier d’enquête de la PM , y compris lorsque le Cpl Bain écrit que les policiers civils l’ont décrite comme étant [traduction] « extrêmement intoxiquée »

39. Le Capt Foster et le Maj Russell ont tous deux consulté le dossier d’enquête de la PM avant et après les modifications apportées par l’Adj Eves. Tous deux ont indiqué que les modifications apportées au dossier d’enquête n’étaient pas majeures et qu’elles se concentraient sur les opinions personnelles exprimées par le Cpl Bain au sujet de la conduite de X.

40. L’ordre 2-500 PM FC fournit des directives sur la gestion des dossiers par les superviseurs. Les paragraphes 18 et 19 de cet ordre sont formulés comme suit :

18. Les superviseurs de tous les niveaux doivent consigner leurs observations et leurs commentaires dans le SISEPM sous « Commentaires du superviseur ». Ces commentaires doivent comprendre les conseils détaillés fournis aux enquêteurs et les avantages secondaires liés à la démonstration de la supervision pendant l’enquête. Les commentaires du superviseur doivent aussi comprendre les directives relatives à la réalisation, à la vitesse, au débit et à l’orientation de l’enquête, y compris les motifs de ces directives. Conformément à l’article 250.19 de la LDN, les conseils et les directives de tous les jours concernant les enquêtes ne sont pas considérés comme de l’ingérence.

19. Les superviseurs ne devraient pas modifier un EG [dossier d’enquête de la police militaire] créé par un subalterne. Lorsqu’il faut apporter des corrections à un EG, une boîte de texte « suivi » doit être générée conformément à l’Ordre 2-510 du Gp PM FC, indiquant les corrections requises et les mesures à prendre dans une boîte de texte lié au suivi particulier. S’il est nécessaire de réaliser des travaux dans une boîte de texte précise, l’état de l’examen de l’en-tête doit être ouvert et les champs de la date et du responsable doivent être mis à jour.

41. L’ordre 2-510.3 PM FC indique par ailleurs ce qui suit :

PROCÉDURE DE SUIVI DANS LE SISEPM

GÉNÉRALITÉS

1. La fonction « Suivi » permet aux superviseurs d’assigner à un PM /OPM en particulier de nouvelles tâches associées à un EG.

PROCÉDURE

2. Selon l’Ordre 2 510 du Gp PM FC, les PM /OPM doivent se servir de la fonction « Suivi » pour assurer le suivi d’un EG ou assigner les tâches qui y sont ajoutées. Les subordonnés chargés des suivis doivent les accomplir avant la date de rappel fixée.

42. Dans ce cas, la motivation à l’origine des modifications apportées par l’Adj Eves au dossier d’enquête de la PM ainsi que le contenu de ces modifications étaient appropriés et relevaient de l’autorité de l’Adj Eves qui pouvait ordonner qu’elles soient apportées. Il lui était raisonnable de demander la suppression des commentaires personnels du Cpl Bain concernant X. Les éléments de preuve, selon la prépondérance des probabilités, n’établissent pas que l’Adj Eves a apporté des modifications au dossier d’enquête dans le but de réduire le degré d’intoxication apparente de X ou la gravité de l’événement. Plutôt, l’Adj Eves a simplement cherché à faire supprimer certains commentaires personnels du Cpl Bain sur ce qu’il pensait de l’incident. De plus, l’Adj Eves avait initialement tenté de faire effectuer les changements requis par l’auteur de l’entrée dans le dossier, ne les effectuant lui-même qu’après que le Cpl Bain ait négligé de le faire.

43. Pourtant, le paragraphe 19 de l’ordre 2 500 PM FC indique clairement que les superviseurs ne doivent pas apporter de telles modifications directement aux dossiers d’enquête rédigés par leurs subalternes. D’autre part, le paragraphe 2 de l’ordre 2 510.3 du Gp PM FC prévoit clairement que les changements demandés par un superviseur ne sont pas de simples suggestions (« Les subordonnés chargés des suivis doivent les accomplir avant la date de rappel fixée » [soulignement ajouté]).

44. Il est clair que l’Adj Eves a apporté des modifications raisonnables au dossier, ce qu’il était en droit de faire. Toutefois, il l’a fait d’une manière qui était contraire aux procédures établies dans les ordres de la PM . Bien que les actions de l’Adj Eve à cet égard aient été inappropriées, nous estimons qu’elles n’étaient pas motivées par un désir d’étouffer ou de minimiser la conduite de X ou de présenter de manière erronée les éléments de preuve. Dans ces circonstances, la CPPM juge que l’allégation est partiellement fondée.

Conclusion no 1:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle l’Adj Eves a modifié de façon inappropriée le dossier d’enquête est PARTIELLEMENT FONDÉE, car, même si les révisions étaient raisonnables dans les circonstances, il a enfreint les ordres de la Police militaire des Forces canadiennes en les apportant directement au dossier.

Recommandation no 1:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire recommande que le Grand Prévôt des Forces canadiennes vise à mettre en œuvre des changements au Système d’information Sécurité et police militaire qui permettront d’assurer le suivi des modifications apportées au contenu des dossiers d’enquête.

6.2 Allégation no 2: Pressions inappropriées exercées sur l’enquêteur afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations

45. La plainte alléguait que, dans le but d’exercer sur lui des pressions pour qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations contre X en vertu du Code de discipline militaire, le Cpl Bain avait été convoqué « plus de cinq fois » par le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon et informé qu’aucune accusation ne serait portée et que l’affaire serait traitée administrativement.

46. Pourtant, lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Cpl Bain a affirmé, contrairement à la plainte, qu’il ne se souvenait pas avoir été informé du fait qu’il ne pouvait pas recommander le dépôt d’accusations. En outre, lors de leurs entrevues, le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont tous deux indiqué qu’ils n’ont pas rencontré le Cpl Bain avant que le dossier d’enquête de la PM ait été soumis avec la recommandation de déposer des accusations contre X.

47. De plus, rien n’a été entrepris par la suite pour que les recommandations d’accusations soient retirées du dossier d’enquête de la PM . La dernière entrée du Cpl Bain au dossier pour le quart de travail a été faite le 11 mars 2021 à 5 h 04, soit le matin suivant l’incident. C’était juste avant que le Maj Russell ne rencontre le Cpl Bain et le Sgt Mongraw pour discuter du dossier. Selon l’entrevue de la CPPM avec le Maj Russell, plutôt que de dire au Cpl Bain de ne pas recommander le dépôt d’accusations, il a demandé au Cpl Bain et au Sgt Mongraw leur avis sur la façon de procéder. Selon le Maj Russell, le Cpl Bain a suggéré une mesure administrative, tandis que le Sgt Mongraw a recommandé le dépôt d’accusations en vertu du Code de discipline militaire.

48. Cette allégation n’est pas cohérente avec la prépondérance de la preuve contraire.

Conclusion no 2:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont exercé des pressions indues sur le Cpl Bain afin qu’il ne recommande pas le dépôt d’accusations pour une infraction d’ordre militaire est NON FONDÉE.

6.3 Allégation no 3: Omission de renvoyer l’enquête au Service national des enquêtes des Forces canadiennes

49. Selon la plainte, le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon auraient cherché à empêcher le SNEFC d’être au courant de l’incident du 10 mars 2021.

50. Les éléments de preuve indiquent que le SNEFC a effectivement été informé de l’incident impliquant X la nuit même où il s’est produit.

51. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, l’Adj Eves a indiqué avoir appelé le commandant régional du SNEFC, le Capt Foster, à 20 h 32 le soir de l’incident, le 10 mars 2021. L’Adj Eves a fourni une copie de son journal d’appels pour cette date à l’appui de sa déclaration. Ce fait a d’ailleurs été confirmé par le Capt Foster lors de son entrevue avec la CPPM.

52. Plus tard dans la soirée, à 22 h, l’Adj Eves a soumis un besoin essentiel du commandant en information (BECI) au sujet de l’incident, avec copie au Capt Foster du SNEFC. Le BECI a été envoyé à Ottawa, plus spécifiquement à la chaîne de commandement du Groupe de la Police militaire de la Marine (Gp PMM) et au Centre des Opérations du Gp PM, ainsi qu’au Capt Foster. Le BECI, lequel a été affiché au dossier d’enquête de la PM , était formulé comme suit :

[Traduction] (e) Pourquoi : Alors qu’elle soupait dans l’établissement susmentionné, la personne faisant l’objet de l’enquête a été observée en train de consommer plusieurs boissons alcoolisées au cours de son repas. Une fois le repas terminé, la personne et ses trois jeunes enfants ont regagné leur véhicule. D’autres clients du restaurant ont remarqué que la personne semblait être sous l’influence de l’alcool et ont appelé [la police locale]. [Les agents de la police locale] se sont rendus sur place et ont estimé que la personne était sous l’influence de l’alcool et qu’elle avait l’intention de conduire son véhicule. Simultanément, [les policiers] ont contacté [l’UPM] et un membre de la patrouille s’est rendu sur les lieux. [Les agents de la police locale] ont procédé à un alcootest qui s’est avéré positif. En conséquence, le véhicule de la personne a été remorqué/mis en fourrière et la personne a été confiée au policier militaire qui a raccompagné la famille à son domicile. Il convient de noter qu’au cours de l’incident, le policier militaire a observé que la personne présentait des signes extérieurs d’affaiblissement de ses facultés et qu’elle ne coopérait pas avec les [agents de la police locale].
(f) Mesure : [L’UPM] a produit un EG privé aux fins d’examen par le cmdt du [bureau régional du] SNEFC et le commandement [de l’UPM] sollicitera des conseils juridiques auprès du bureau de l’AJAG [de la base]. Le cmdt [de l’UPM] a été informé et il a à son tour mis au courant le commandant du Groupe de la Police militaire de la Marine;
(g) Appui : Le [bureau régional du] SNEFC doit examiner le dossier.

53. Selon une conversation téléphonique enregistrée entre l’officier de service national du Gp PM FC, le Maj Shreve, et le Sgt Mongraw, à 23 h 12, le Sgt Mongraw a indiqué qu’il avait rédigé le BECI pour l’Adj Eves.

54. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Cpl Wheeler a indiqué qu’il était au courant qu’un courriel concernant l’incident avait été envoyé le soir même par le Sgt Mongraw au SNEFC. Selon ses dires, le Cpl Wheeler a vu dans le dossier un courriel du Sgt Mongraw adressé à l’Adj Eves et à l’Adj Evershed (du SNEFC). Par conséquent, le Cpl Wheeler semble avoir appris très tôt que le SNEFC avait été informé de l’incident. Cependant, le Cpl Wheeler a noté que rien dans le dossier n’indiquait que le SNEFC avait pris la responsabilité de l’enquête, ce qui, d’après ce qu’il avait compris, est indispensable lorsqu’un policier militaire fait l’objet d’une enquête pour une infraction criminelle ou une infraction d’ordre militaire.

55. De plus, selon l’entrevue du Maj Russell, le matin suivant l’incident, le 11 mars 2021, lorsqu’il a rencontré le Sgt Mongraw et le Cpl Bain, celui-ci leur a dit qu’il s’entretiendrait avec le SNEFC au sujet du dossier.

56. Ainsi, selon la prépondérance des probabilités, nous jugeons que le SNEFC, et d’autres intervenants clés ont été informés en temps utile de cet incident impliquant X et que le Sgt Mongraw et le Cpl Wheeler étaient au courant de cet avis.

57. En ce qui concerne cette allégation, les plaignants ont mal compris les conditions pour que le SNEFC intervienne dans les situations d’activités criminelles ou d’inconduite relative au service militaire concernant un policier militaire. Le paragraphe 7 de l’ordre 2 381 PM FC indique ce qui suit :

  1. Le mandat d’enquête du SNEFC comprend les éléments suivants :
  1. le droit de premier refus pour toutes les allégations d’infractions de nature grave et délicate, sauf pour les infractions sexuelles. L’ordre 2-340 du Gp PM FC traite de la responsabilité d’enquête dans les cas d’infraction sexuelle;
  2. la possibilité de transférer la responsabilité d’enquête relative à une infraction grave ou délicate à l’unité de PM locale quand, selon le jugement du cmdt du SNEFC, il serait approprié de procéder ainsi;
  3. dans le cas d’un transfert de la responsabilité d’enquête à l’unité de PM d’une base ou d’une escadre, la prestation d’un soutien continue à l’enquête par l’entremise d’une assistance directe ou de conseils, selon les demandes;
  4. l’infraction a été jugée grave ou délicate ou à la demande de la chaîne de commandement de la PM responsable de l’enquête.

58. Les ordres PM FC exigent que les cas graves ou délicats (ce qui inclut les infractions commises par la police militaire, conformément à l’alinéa 2s) de l’ordre 2 381.1 PM FC) soient renvoyés au SNEFC pour examen. Mais les ordres PM FC n’exigent pas que le SNEFC prenne la responsabilité de l’enquête dans tous les cas. Comme l’énonce le paragraphe 13 de l’ordre 2 381 PM FC :

  1. Si une allégation répond aux critères d’une infraction de nature grave ou délicate, cela ne signifie pas systématiquement que seul le SNEFC peut mener l’enquête. L’officier de service du SNEFC est en mesure de transférer la responsabilité de l’enquête pour une infraction de nature grave ou délicate à l’unité de PM locale ayant signalé l’infraction présumée, si l’officier de service du SNEFC juge que l’enquête peut être résolue à ce niveau.

59. Selon le dossier de la PM , à 2 h 09 le 11 mars 2021, après avoir reçu l’appel de l’Adj Eves puis une copie du BECI concernant l’incident, le Capt Foster a envoyé un courriel au commandant adjoint du SNEFC à Ottawa, le Maj Périard :

[Traduction] PVCS. J’examinerai le dossier dans la matinée. Reçu un breffage verbal de [l’officier de service du détachement de la PM , c’est-à-dire l’Adj Eves] avant que [le rapport sur les besoins essentiels du commandant en information] ne soit [envoyé]. Le conseil initial était que le cmdt de l’UPM pouvait mener une [enquête disciplinaire de l’unité] et conseiller [le Bureau des Normes professionnelles] quant à la conduite ou demander au SNEFC d’enquêter si l’infraction d’ordre militaire devait être poursuivie (ivresse). Dans tous les cas, il convient de demander des conseils juridiques et d’en discuter au cours de la matinée.

60. Quelques heures plus tard, à 7 h 06, le Maj Périard a simplement répondu : [Traduction] « Je ne pense pas que le [SNEFC] ait besoin d’intervenir dans cette affaire. [L’enquête disciplinaire de l’unité] devrait être [l’option choisie]. » Lors d’une conversation téléphonique environ deux jours plus tard, le Capt Foster a confirmé cette option au Maj Russell et a indiqué que le SNEFC n’enquêterait pas sur l’affaire. Lors de son entrevue avec la CPPM, le Capt Foster a déclaré qu’il n’avait pas ajouté de note au dossier d’enquête de la PM pour indiquer qu’il l’avait étudié, mais qu’il aurait peut-être dû le faire.

Conclusion no 3:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont omis de renvoyer l’enquête de l’incident impliquant X au Service national des enquêtes des Forces canadiennes est NON FONDÉE.

61. Les ordres PM FC exigent déjà que les mesures prises dans l’évaluation des exigences en matière d’enquêtes d’un cas soient documentées sur le dossier d’enquête de la PM (EG) dans le SISEPM (paragraphe 10 de l’ordre 2 340.1 PM FC). Ils exigent que l’officier de service du bureau régional du SNEFC inscrive au dossier une décision de prendre en charge une enquête (paragraphe 3d de l’ordre 2 381.2 PM FC). Toutefois, les ordres ne semblent pas exiger de façon explicite que les officiers de service du SNEFC documentent les décisions de ne pas prendre en charge une enquête

Recommandation no 2:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire recommande que le Grand Prévôt des Forces canadiennes exige que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes ajoute une note appropriée aux dossiers d’enquête dans le Système d’information Sécurité et police militaire lorsqu’il décide de ne pas prendre en charge une enquête, y compris les brefs motifs de cette décision.

6.4 Allégation no 4 : Omission d’informer le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes de l’incident impliquant X

62. Comme indiqué ci-dessus, un BECI a été envoyé au Centre des Opérations du Gp PM à Ottawa à 22 h (heure locale) le 11 mars 2021. L’officier de service national du Gp PM FC, le Maj Shreve, l’a transmis par courriel aux NP à 1 h 52 (heure d’Ottawa), le 11 mars 2021. Le commandant adjoint du Gp PM FC a accusé réception au nom du Bureau des NP dans un courriel envoyé à 2 h 22. Le lendemain (12 mars 2021), un nouveau dossier NP a été ouvert (EG NP 2021-009), et ce bureau a suivi l’affaire à partir de ce moment jusqu’à sa conclusion.

63. En outre, lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Maj Russell a déclaré avoir téléphoné au Maj Yue Devoe (officière responsable du Bureau des NP) dans la matinée du 11 mars 2021 et lui avoir communiqué le dossier.

64. Les éléments de preuve recueillis dans le cadre de cette enquête démontrent que le Bureau des Normes professionnelles a été informé de cet événement en temps opportun.

Conclusion no 4:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont omis d’aviser le Bureau des Normes professionnelles du Grand Prévôt des Forces canadiennes au sujet de l’incident impliquant X est NON FONDÉE.

6.5 Allégation no #5: Pressions exercées sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X

65. Cette allégation porte sur deux questions distinctes.

66. La première question concerne l’allégation du Cpl Bain selon laquelle il a été mis en garde contre le fait de parler à d’autres personnes de l’incident ou de révéler comment le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon prévoyaient de traiter l’incident, c’est-à-dire par des mesures administratives, plutôt qu’en vertu du Code de discipline militaire. Selon la plainte, le Cpl Bain a été informé qu’il serait [traduction] « sévèrement réprimandé » s’il divulguait ces renseignements.

67. La deuxième question concerne les efforts allégués du PM 2 MacKinnon pour découvrir qui, parmi les membres subalternes du détachement de la PM , avait pris l’initiative de signaler l’incident au SNEFC.

68. La première question, l’avertissement de ne pas divulguer de renseignements sur la gestion de l’incident du 10 mars 2021, peut sembler sinistre en l’absence de contexte. Cependant, il existe deux éléments importants à prendre en compte concernant cette allégation.

69. Comme indiqué ci-dessus concernant les allégations 3 et 4, le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon n’ont pas caché l’incident au SNEFC ni au Bureau des NP. Par conséquent, cette menace alléguée à l’encontre du Cpl Bain ne peut être interprétée comme une tentative d’empêcher ces deux bureaux distincts d’être informés de l’incident, afin de dissimuler l’affaire. Plutôt, cet avertissement doit être compris comme exigeant deux choses. Premièrement, s’assurer que la circulation des renseignements de l’unité de police militaire vers le SNEFC et le Bureau des NP, ou d’autres publics externes, suive les voies de communication appropriées; deuxièmement, confirmer que les renseignements sont adressés au personnel compétent au sein de ces bureaux.

70. En outre, un tel avertissement peut aussi être compris comme soulignant les droits légitimes de X en matière de protection de la vie privée, et comme rappelant le principe général de « l’accès sélectif » qui s’applique à tout renseignement de nature délicate ou protégée. L’incident du 10 mars 2021 mettait en cause des renseignements personnels très sensibles au sujet de X, lesquels, en vertu de la loi, doivent être protégés. Bien entendu, l’incident a également suscité un vif intérêt de la part des autres membres de l’unité de PM qui souhaitaient en connaître les détails et les conséquences. Mais cet intérêt ne donne pas nécessairement lieu à un accès sélectif légitime.

71. Il est évident que le Cpl Bain, en tant qu’enquêteur, était nécessairement au courant de certains éléments de l’incident, tout comme les membres de sa chaîne de commandement, et en particulier le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon. Ces derniers étaient également nécessairement au courant des détails concernant le traitement de l’incident par l’unité. Toutefois, en dehors de ces personnes, les autres membres de l’unité, et a fortiori les personnes extérieures à l’unité, n’avaient que peu, voire pas du tout, le droit légitime d’avoir connaissance du cas.

72. À ce titre, l’avertissement adressé au Cpl Bain peut être considéré comme visant simplement à attirer son attention sur les restrictions applicables en matière de protection des renseignements personnels.

73. La deuxième question soulevée dans cette allégation concerne les efforts déployés par le PM 2 MacKinnon pour découvrir qui, au sein de l’UPM, avait signalé l’incident aux membres du SNEFC sans l’autorisation des dirigeants de l’UPM.

74. Sur ce point, la plainte déposée auprès de la CPPM indique ce qui suit :

Members at [the MPU] began being canvassed and interrogated by the senior CoC surrounding the low morale. During this period members of the detachment began submitting their release memos in search of other career opportunities/organizations which supported their officers and did not 'sweep things under the rug'. All members who submitted their release wished to be proactive Police Officers; however the MP CoC had failed to provide the opportunity for a healthy, transparent environment.

Les policiers militaires de toutes les équipes et de toutes les sections ont commencé à être dirigés vers le bureau du SMU [PM 2 MacKinnon] pour une rencontre individuelle, afin d’être interrogés sur l’identité de la personne qui avait déposé la plainte auprès du SNEFC. Le Sgt MONGRAW a été informé que la chaîne de commandement recevait des critiques pour la manière dont l’enquête avait été menée. Plusieurs personnes ont dû désigner les collègues qu’elles considéraient comme « toxiques » ou nommer la personne qui avait déposé la plainte auprès du SNEFC. Le PM 2 MACKINNON aurait suggéré aux policiers militaires de « hocher la tête » lorsqu’il passait en revue la liste des personnes qui, selon lui, avaient déposé la plainte ou étaient « toxiques », afin de ne pas être considérés comme des « mouchards ». Ce geste du SMU a dressé les collègues les uns contre les autres, ce qui a eu pour effet d’affaiblir le moral des policiers. Plusieurs personnes qui avaient déposé leur demande de libération étaient menacées d’être affectées hors de la zone géographique, quelle que soit leur situation familiale, si elles « retiraient » leur note de service pour la libération.

75. Cet épisode peut être considéré comme un effort en vue de respecter et de faire appliquer les mesures de protection relatives à la diffusion de renseignements personnels très sensibles et d’assurer la discipline au sein de l’unité de police militaire en ce qui concerne cette affaire.

76. Chercher à assurer la conformité aux règles de protection de la vie privée et de sécurité de l’information régissant la diffusion de renseignements de nature délicate relève du domaine de l’administration, plutôt que des opérations policières. Ces efforts par le PM 2 MacKinnon ne constituent donc pas l’exercice d’une « fonction policière » qui peut faire l’objet d’une plainte d’inconduite en vertu de l’article 250.18(1) de la LDN, car ce terme est défini dans l’article 2 du Règlement sur les plaintes portant sur la conduite des policiers militaires. Par conséquent, la CPPM refuse de tirer une conclusion concernant cette partie de l’allégation.

Conclusion no 5:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Maj Russell et le PM 2 MacKinnon ont exercé des pressions indues sur les policiers militaires afin qu’ils ne signalent pas l’incident impliquant X à des personnes extérieures à l’unité est NON FONDÉE. La Commission d’examen des plaintes concernant la police ne dresse aucune conclusion quant à l’allégation selon laquelle le PM 2 MacKinnon aurait indûment cherché à déterminer qui avait signalé l’incident au Service national des enquêtes des Forces canadiennes.

6.6 Allégation no 6: Omission du SNEFC de mener une enquête sur l’incident

77. La position des plaignants est que le SNEFC était dans l’obligation de prendre la responsabilité de mener l’enquête sur l’incident du 10 mars 2021. Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut à propos de l’allégation no 3, ce n’est pas ce que disent en réalité les ordres de la PM . Les ordres 2-381, 2-381.1 et 2-381.2 PM FC exigent au contraire que certaines catégories d’incidents, et notamment les infractions potentielles commises par la police militaire, soient renvoyées au SNEFC pour évaluation. Le SNEFC a toutefois la possibilité (avec certaines exceptions qui ne sont pas applicables à cette affaire) de renvoyer le cas à l’unité de PM d’origine, dans les situations où celle-ci est jugée capable de traiter l’affaire de manière appropriée.

78. En l’espèce, il était manifestement nécessaire de signaler l’incident au SNEFC. Comme indiqué ci-dessus, cela a été fait en temps opportun. Selon les termes de l’ordre 2 381.2 PM FC, l’officier de service du SNEFC, dans cette affaire le Capt Foster, peut, à sa discrétion, renoncer à ce mandat et renvoyer la responsabilité de l’affaire à l’unité de PM concernée.

79. Lors de son entrevue avec les enquêteurs de la CPPM, le Capt Foster s’est dit satisfait que l’incident ait pu être traité par le détachement de la PM . Il a souligné qu’à cette étape, rien ne permettait de mener une enquête en lien avec de possibles accusations criminelles, puisque la police civile locale compétente avait déterminé que les éléments constitutifs de l’infraction (conduite avec facultés affaiblies) n’étaient pas réunis. Du point de vue de la discipline militaire, le Capt Foster a expliqué que le commandant de l’UPM pouvait mener une enquête disciplinaire d’unité et qu’il avait le pouvoir de porter des accusations en vertu de la LDN ou de prendre des mesures administratives.

80. Les éléments de preuve indiquent que le Capt Foster a tenu compte des diverses options possibles, et de leur pertinence relative, avant de décider de ne pas mener d’enquête. De plus, le Maj Périard (le cmdtA du SNEFC) a accepté cette option.

81. Aucun élément de preuve ne suggère que le Capt Foster a cherché à influencer le cours de la justice dans cette affaire et personne n’a tenté d’exercer des pressions sur le Maj Russell en faveur d’une issue en particulier.

82. Comme le Capt Foster a pris en charge la question au nom du bureau régional du SNEFC pertinent, l’Adj Evershed n’est aucunement responsable de la décision prise au sujet de l’enquête sur l’incident impliquant X.

Conclusion no 6:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire conclut que l’allégation selon laquelle le Capt Foster et l’Adj Evershed du SNEFC ont omis d’enquêter sur l’incident impliquant X est NON FONDÉE.

VII Observations

83. L’enquête de la CPPM concernant cette plainte révèle des problèmes importants relatifs au moral et à la cohésion de l’unité à ce détachement de la PM . Les plaignants et d’autres membres subalternes du détachement ont fait preuve de méfiance envers les dirigeants de l’unité. En l’absence de renseignements lesquels n’ont pas été communiqués pour des raisons de confidentialité les plaignants et d’autres membres de première ligne du détachement croyaient que X avait reçu un traitement préférentiel de la part des dirigeants du détachement. Ils ont assumé d’emblée que les dirigeants avaient choisi de cacher l’incident au SNEFC et aux Normes professionnelles du Gp PM FC, ce qui s’est avéré ne pas être le cas.

84. Lors d’une réunion le 22 avril 2021, une semaine avant que cette plainte soit déposée auprès de la CPPM, le Sgt Mongraw a dit à ses supérieurs qu’il avait l’impression de [traduction] « se faire avoir », qu’il faisait l’objet d’une [traduction] « chasse aux sorcières », et qu’on le blâmait de [traduction] « toxicité » au sein du détachement.

85. En plus des plaignants, la CPPM a interrogé six autres militaires du rang du détachement, ainsi qu’un autre membre du détachement régional du SNEFC. Neuf de ces policiers militaires ont indiqué qu’ils croyaient que X avait reçu un traitement préférentiel dans cette affaire, tandis que le dixième était incertain. Ils ont déclaré que si l’incident avait mis en cause un caporal et particulièrement un homme l’affaire n’aurait pas été traitée avec autant d’indulgence. En revanche, tous les policiers militaires du grade d’adjudant ou d’un grade supérieur qui ont été interrogés ont rejeté l’idée que X avait reçu un traitement préférentiel. Cette divergence d’opinion toute à l’opposé entre ces deux groupes suggère un certain manque de confiance dans les dirigeants de l’unité par les membres subalternes.

86. La méfiance allait au-delà de cette affaire. Un sergent non concerné par l’affaire a mentionné à la CPPM qu’il y avait une attitude du [traduction] « nous contre eux » parmi les caporaux et soldats envers la chaîne de commandement de l’unité. Il a ajouté qu’à mesure que [traduction] « les caporaux ont commencé à se méfier de tout un chacun [le milieu de travail] est devenu toxique ». Pour ce sergent, le problème était reflété dans le fait que le nombre de membres qui ont fait une demande de libération volontaire a [traduction] « monté en flèche ».

87. Tandis que le sergent estimait que bon nombre des membres plus mécontents avaient depuis quitté l’unité, l’information ci-dessus concernant l’état de la cohésion et du moral au sein du détachement de la PM demeure préoccupante.

Recommandation no 3:
La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire recommande que le Grand Prévôt des Forces canadiennes envisage d’effectuer une évaluation du détachement de la PM afin de relever tout problème persistant lié à l’état du moral et de la cohésion au sein de l’unité.

Ottawa, le 20 décembre 2023

Document original signé par :


Bonita Thornton B.A. LL.B, CD.
Membre de la Commission

Document original signé par :


Ron Kuban, Ph.D., CD.
Membre de la Commission

VIII Glossaire des termes et abréviations utilisés dans ce rapport

Adj

Adjudant

AJAG

Assistant du juge-avocat général régional

BECI

Besoins essentiels du commandant en information

Capt

Capitaine

C de C

Chaîne de commandement

Cmdt

Commandant

CmdtA

Commandant adjoint

CPPM ou Commission

Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire

Cpl

Caporal

EG

Événement général

EG NP

Événement général Normes professionnelles

GPFC

Grand Prévôt des Forces canadiennes

Gp PM FC

Groupe de la Police militaire des Forces canadiennes

Gp PM

Groupe de la Police militaire

Gp PMM

Groupe de la Police militaire de la Marine

LDN

Loi sur la défense nationale

Maj

Major

NP

Normes professionnelles

OPM

Officier(s) de la police militaire

PM

Police militaire

PM 2

Premier maître de 2e classe

PM FC

Police militaire des Forces canadiennes

PVCS

Pour votre conscience de la situation

Sgt

Sergent

SISEPM

Système d’information – Sécurité et police militaire

SMU

Sergent-major de l’unité

SNEFC

Service national des enquêtes des Forces canadiennes

UPM

Unité de Police militaire

Date de modification :