Notes d’allocution du président - Ottawa, le 10 mars 2015

Glenn M. Stannard, président
Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire

Conférence de presse pour la publication du
Rapport final sur l’audience d’intérêt public Fynes

L’allocution définitive fait foi

J’aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre conférence de presse et vous remercier d’y assister.

En particulier, j’aimerais remercier tous les membres des médias qui sont présents ici aujourd’hui et qui ont assuré la couverture de l’audience d’intérêt public de la Commission sur la plainte déposée par les Fynes. Dans notre démocratie, les médias jouent un rôle important pour veiller à ce que nos institutions gouvernementales soient tenues de rendre compte aux Canadiens. L’attention que vous avez accordée à cette affaire a contribué à ce que celle-ci, et les questions importantes qu’elle soulève, demeurent bien en vue sur la place publique.

Aujourd’hui, la Commission rend public son Rapport final sur l’audience d’intérêt public consacrée aux enquêtes qui ont eu lieu à la suite du décès du caporal Stuart Langridge.

Selon la preuve reçue par la Commission, Stuart est entré dans les rangs des Cadets à l’âge de 12 ans, puis il s’est enrôlé dans la Réserve à 17 ans. À 21 ans, il est devenu un membre à temps plein des Forces canadiennes, au sein du Régiment Lord Strathcona’s Horse.

Le caporal Langridge a été envoyé en mission à l’étranger à deux reprises, soit dans l’ancienne Yougoslavie, à l’automne de 2002, et en Afghanistan, en 2004. Il a été décrit par ses commandants comme « un soldat très fiable, remplissant toutes les tâches qui lui étaient confiées à temps et à un niveau de rendement élevé ».

Durant la période qui a suivi son retour de l’étranger, le Cpl Langridge a éprouvé divers problèmes médicaux. Il a montré des symptômes correspondant à la dépression et à l’anxiété et il a été aux prises avec des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie. La possibilité a été soulevée qu’il pouvait souffrir d’un trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, mais aucune conclusion officielle n’a jamais été faite. Sa santé mentale et physique a continué à se détériorer et il a fait plusieurs tentatives de suicide.

Le 15 mars 2008, il s’est enlevé la vie à la base des Forces canadiennes d’Edmonton.

Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes, ou SNEFC, la branche de la Police militaire chargée d’enquêter sur les crimes graves et autres affaires de nature délicate, a mené trois enquêtes distinctes sur des questions en lien avec son décès.

La première, en 2008, visait à enquêter sur la mort subite du cpl Langridge et à déterminer s’il y avait des motifs de soupçonner un acte criminel.

La seconde, menée en 2009, découlait de plaintes déposées par les parents du cpl Langridge, Sheila et Shaun Fynes, concernant la décision d’accorder à une autre personne la responsabilité des funérailles du cpl Langridge.

La troisième, en 2010, découlait des allégations présentées par les Fynes à l’effet que des membres des Forces canadiennes avaient fait preuve de négligence en rapport avec son décès.

Dans une plainte déposée devant la Commission en janvier 2011, M. et Mme Fynes ont allégué qu’il y avait eu des manquements dans chacune de ces enquêtes. Au total, ils ont formulé 39 allégations concernant la conduite du SNEFC. Ces allégations peuvent être regroupées en trois catégories:

Étant donné que les plaintes des Fynes vont au cœur des fonctions policières en sein de l’Armée et soulèvent des questions d’intérêt et d’importance publics, la Commission a convoqué une audience d’intérêt public. L’audience a débuté le 27 mars 2012 à Ottawa.

À la lumière des plaintes déposées, la Commission a identifié 13 membres de la Police militaire comme personnes visées par la plainte. Ces personnes étaient parties à l’audience, tout comme M. et Mme Fynes, les plaignants.

L’audience d’intérêt public a été exhaustive. La Commission a reçu les dépositions de quelque 90 témoins. Plus de 22 000 pages de documents ont été admises en preuve. La Commission a reçu des observations écrites détaillées de la part des parties et elle a entendu des observations finales présentées verbalement en janvier 2013.

Conformément à la procédure prévue dans la Loi sur la défense nationale pour les audiences d’intérêt public, la Commission a rédigé un rapport provisoire. Comme l’exige la Loi sur la défense nationale, ce rapport provisoire a été soumis au Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC), le commandant de la Police militaire, le 1er mai 2014.

Sur réception du rapport provisoire de la Commission, la Loi sur la défense nationale stipule que le GPFC doit produire un avis d’action. Ce document représente la réponse de la Police militaire aux conclusions et recommandations présentées dans le rapport provisoire. Après avoir reçu cet avis d’action, la Commission doit produire son rapport final.

Dans le cas présent, le GPFC a remis un avis d’action à la Commission le 16 décembre 2014. Le document publié aujourd’hui est le Rapport final de la Commission.

Le Rapport est disponible en anglais et en français. En plus des documents imprimés, la trousse d’information qui vous a été remise contient un CD renfermant la version numérique du rapport de 1 008 pages. La version intégrale du Rapport est également accessible sur notre site Web dans les deux langues officielles.

Le Rapport renferme une section préliminaire qui présente un aperçu de son contenu.

Cet aperçu est suivi d’un exposé résumant les faits qui ont abouti au suicide du cpl Langridge et les événements survenus immédiatement après, à la lumière de la preuve recueillie.

Viennent ensuite des sections détaillées où chacune des trois enquêtes menées par le SNEFC est examinée.

S’appuyant sur l’analyse présentée dans ces sections du Rapport, la Commission expose ensuite ses conclusions concernant les allégations des plaignants, suivies de ses recommandations.

Il y a également une section dans le Rapport qui renferme plusieurs pages noires. Il s’agit de la section où la Commission examine en détail les réponses de la Police militaire aux conclusions et recommandations présentées dans le Rapport, telles qu’elles apparaissent dans l’avis d’action du GPFC.

Il y a aussi plusieurs pages noires dans les appendices, là où la Commission a inclus le texte intégral de l’avis d’action et la correspondance connexe.

Dans les précédents rapports donnant suite à une audience d’intérêt public, le contenu de l’avis d’action était inclus en entier. Dans le cas présent, le GPFC avait dit à la Commission de ne pas publier l’avis d’action. Le GPFC a maintenu la désignation de sécurité inscrite sur l’avis d’action, en l’occurrence « Protégé B ».

Cette désignation avait pour effet d’empêcher la Commission de rendre public l’avis d’action ou de discuter publiquement de son contenu en détail. L’inscription « Protégé B » est une désignation interne du gouvernement du Canada qui vise à empêcher la publication de renseignements personnels, privés ou commerciaux de nature délicate lorsque leur divulgation pourrait entraîner un « préjudice grave ».

Cette position, que le GPFC a maintenue jusqu’à vendredi dernier, a fait en sorte que le Rapport final tel que publié aujourd’hui ne renferme pas le texte de la réponse de la Police militaire aux conclusions et recommandations de la Commission ou l’analyse détaillée faite par la Commission de cette réponse.

Un changement dans la position du GPFC a autorisé la Commission à inclure, séparément, avec les trousses d’information, des copies de l’avis d’action et du chapitre du Rapport final qui discute en détail de l’avis d’action.

Je vais discuter de la nouvelle position du GPFC dans quelques moments. Cette question ne devrait pas éclipser les conclusions et les recommandations de la Commission telles que décrites dans le Rapport final.

Sur le plan des conclusions dans le Rapport final, la Commission a conclu que 15 des allégations formulées par les plaignants étaient fondées, 9 étaient fondées en partie et 15 n’étaient pas fondées.

De façon générale, la Commission a conclu qu’il y avait eu des lacunes importantes dans chacune des enquêtes menées par le SNEFC.

L’enquête de 2008 a été menée sans direction ni plan apparent, surtout en raison de l’inexpérience des enquêteurs. L’enquête de 2009 a été menée sans compréhension claire de la nature de la plainte et sans demander les avis juridiques nécessaires. Quant à l’enquête de 2010, le SNEFC n’a pas en fait mené d’enquête, mais a cependant conclu que les Forces canadiennes ne pouvaient en aucun cas être coupables de négligence dans le décès du cpl Langridge comme M. Fynes l’avait allégué.

La Commission a également conclu qu’il y avait eu des erreurs inacceptables, reflétant un manque de professionnalisme ou un manque de compétence dans la façon dont la Police militaire s’est comportée dans ses rapports et ses communications avec les Fynes, notamment en lien avec la note de suicide du cpl Langridge. La note de suicide a été, à tort, soustraite à l’attention des Fynes pendant 14 mois. Les raisons de cet état de fait ne leur ont jamais été expliquées de manière appropriée.

Pour ce qui est des allégations des plaignants au sujet de la partialité et du manque d’indépendance, la Commission a conclu qu’aucune de ces allégations n’était fondée.

La Commission n’a pas formulé de conclusions sur un certain nombre d’autres questions évoquées de temps à autres dans les témoignages. Notamment, aucune conclusion n’est présentée sur la possibilité que le cpl Langridge ait effectivement souffert d’un TSPT ou sur la possibilité que cela aurait pu contribuer à son suicide. Il n’y a pas de conclusions sur la question de savoir si les soins de santé, la protection ou la surveillance accordés au cpl Langridge par l’Armée avaient ou non été adéquats. Il n’y a pas non plus de conclusions sur la possibilité que cela ait contribué, ou non, à son décès.

Ces questions ont, sans aucun doute, une grande importance pour les plaignants. La Commission a conclu que certaines de ces questions auraient dû faire l’objet d’une enquête de la part de la Police militaire et le manquement de le faire est l’un des défauts dans les enquêtes menées par la Police militaire. Par ailleurs, cependant, ces questions se situent entièrement hors de la portée du mandat de la Commission. Le rapport de la Commission se concentre sur la conduite de la Police militaire dans cette affaire.

La Commission a présenté des recommandations précises pour corriger les lacunes décrites dans ses conclusions. Bien que la Commission ait conclu qu’aucune des allégations des plaignants au sujet de la partialité ou du manque d’indépendance n’était fondée, elle a présenté des recommandations visant à consolider l’indépendance de la Police militaire et à améliorer la capacité de la Police militaire à démontrer cette indépendance.

Les recommandations de la Commission comprennent des recommandations qui visent à faire en sorte que :

Comme la Commission l’a entendu lors du témoignage des parents du cpl Langridge, l’un des motifs qui les a incités à porter leurs préoccupations à l’attention de la Commission était de s’assurer que des améliorations soient apportées à la façon dont la Police militaire traite les situations comme celle-ci. C’est aussi l’un des objectifs des recommandations de la Commission.

Dans l’avis d’action, la Police militaire a, à quelques exceptions mineures près, soit rejeté les conclusions et recommandations de la Commission soit omis d’y répondre.

La Police militaire n’a aucune obligation d’accepter l’ensemble, ou même une seule, des conclusions et recommandations de la Commission.

Cependant, de l’avis de la Commission, l’effet de ne pas répondre à un grand nombre de conclusions et recommandations fait obstacle à un objectif fondamental de l’avis d’action lui-même. Il prive les parties et le public de renseignements auxquels ils sont en droit de s’attendre.

Les parties et le public, tout comme la Commission elle-même, ont le droit de connaître comment la Police militaire a l’intention de mettre en œuvre les conclusions et recommandations, le cas échéant. Ils doivent pouvoir évaluer eux-mêmes les leçons que la Police militaire a retenues, le cas échéant, des événements qui ont fait l’objet de la plainte.

La Commission a aussi été particulièrement préoccupée par la revendication du GPFC d’avoir le droit d’empêcher ou de contrôler la publication de l’avis d’action. Cette position semble remettre en cause les principes même de la transparence et de la responsabilité qui sont au cœur de la surveillance civile de la police.

Pour cette raison, la Commission a déposé, la semaine dernière, une requête en révision judiciaire devant la Cour fédérale du Canada, en demandant au tribunal de déclarer que la Commission est autorisée à publier l’avis d’action.

Lors d’échanges précédents, dans une lettre datée du 11 février 2015, le GPFC avait proposé de lever la désignation de sécurité « Protégé B », mais uniquement si la Commission acceptait de ne pas publier l’avis d’action comme appendice à son Rapport final. C’était une condition que la Commission ne pouvait pas accepter.

La nouvelle position communiquée par le GPFC vendredi dernier supprime la désignation de sécurité « Protégé B » de l’avis d’action, effectif à la date de la publication du rapport. Ceci autorise désormais la Commission à distribuer des copies de l’avis d’action et du chapitre précédemment occulté.

Il est important de noter, cependant, que le changement de position annoncé laisse en place la revendication du GPFC d’avoir le droit de contrôler ce que la Commission peut ou ne peut pas faire avec l’avis d’action, d’imposer diverses conditions sur comment l’avis d’action peut ou ne peut pas être rendu public – ou même de bloquer complètement sa publication.

Cela est inacceptable. L’avis d’action est un document préparé en raison d’une obligation prévue dans la loi. Les parties et le public sont en droit de le voir dans son intégralité. Selon la Commission, le GPFC n’a pas le droit d’essayer de contrôler si, comment, ou quand l’avis d’action sera publié.

La Commission va donc aller de l’avant avec sa demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale du Canada pour contester la politique du GPFC.

Pour ce qui est de la suite qui sera donnée au contenu du Rapport, le Rapport devra parler de lui-même. Je ne répondrai à aucune question au sujet du Rapport ou de son contenu.

Je vous invite à lire le Rapport. L’avocat principal de la Commission, M. Mark Freiman, et l’avocate de la Commission, Mme Geneviève Coutlée, seront disponibles pour répondre à vos questions, en anglais et en français.

Je vous remercie.

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