Décision rendue sur la demande pour un ajournement des représentations finales

Commission d’examen concernant la police militaire

Relativement À une plainte pour inconduite présentée en vertu de
l’article 250.18 de la Loi sur la défense nationale par M. Shaun Fynes
et Mme Sheila Fynes

Décision sur une demande D’ajournement des représentations finales

CPPM 2011-004 (Fynes) audience d’intérêt public en vertu du
paragraphe 250.38(1) de la Loi sur la défense nationale

Le 23 octobre 2012, la Commission a reçu de la part de l’avocate du ministère de la Justice, Mme Elizabeth Richards, une demande d’ajournement des représentations finales pour que celles-ci aient lieu après l’audition de tous les témoignages dans cette affaire.

Après consultation des avocats de toutes les parties, la date des représentations finales a été fixée au 15 novembre 2012. Il avait alors été convenu que chaque partie produirait des observations écrites d’un maximum de 100 pages au plus tard le 5 novembre 2012 et que les deux parties auraient l’occasion de déposer des observations écrites en réponse aux observations de l’autre partie au plus tard le 9 novembre 2012.

Dans sa lettre du 23 octobre, Mme Richards indique que les personnes visées par la plainte ne peuvent pas confirmer que tous les témoignages pertinents ont été entendus ni que l’étape probatoire de l’instance peut prendre fin. Elle explique qu’il faut davantage de temps pour examiner la preuve volumineuse soumise à ce jour afin de déterminer s’il y a lieu de prendre d’autres mesures et, plus particulièrement, de présenter une demande d’audition de témoignages supplémentaires. Mme Richards fait valoir que pour permettre à ses clients de présenter une défense pleine et entière, il ne faut pas exiger d’eux qu’ils préparent leurs observations finales alors que les questions en cause font encore l’objet d’un examen.

Mme Richards indique qu’elle sera en mesure de fournir de l’information sur les mesures que prévoient prendre les personnes visées par la plainte au plus tard le 16 novembre 2012 et qu’elle pourra alors discuter de l’établissement du calendrier si ses clients souhaitent prendre d’autres mesures ou présenter des éléments de preuve supplémentaires. Si les personnes visées par la plainte déterminent qu’aucune autre mesure ou aucun autre témoignage ne s’avère nécessaire, Mme Richards demande que la date des représentations finales soit fixée à un moment qui convient à toutes les parties, après le 10 décembre 2012. Elle demande aussi qu’une nouvelle date pour l’échange des observations écrites soit fixée et que cette date permette aux personnes visées par la plainte de disposer du temps nécessaire pour préparer leurs observations. Plus particulièrement, elle demande qu’il y ait une période d’au moins trois semaines entre la date à laquelle ses clients décideront ou non de prendre d’autres mesures ou de présenter des éléments de preuve supplémentaires et la date à laquelle les observations écrites doivent être déposées.

Le 26 octobre 2012, l’avocat des plaignants, le colonel (à la retraite) Michel Drapeau, a indiqué qu’il s’opposait de façon véhémente à la demande d’ajournement. Il signale que la nature non contradictoire de l’instance signifie que celle-ci n’est pas axée sur le jugement d’une affaire ni sur le dépôt d’une accusation contre une personne ou une institution, mais qu’elle a plutôt pour but d’informer le public des faits sur lesquels la Commission a fait enquête. Il soutient que, compte tenu de l’abondance de la preuve recueillie au cours de l’audience d’intérêt public (plus de 90 témoins et plusieurs milliers de pages de preuve documentaire) au cours d’une période de six mois, il ne serait ni raisonnable ni juste de retarder l’instance pendant que le ministère de la Justice détermine s’il présentera ou non des éléments de preuve susceptibles d’aider la Commission à tirer ses conclusions et à formuler ses recommandations.

Le colonel (à la retraite) Drapeau soutient que le but des représentations finales consiste à cadrer les éléments de preuve sous le meilleur jour possible, de façon à représenter les intérêts des parties. Il signale aussi que la Commission n’a pas pour rôle de punir une faute, de sorte que les personnes visées par la plainte ne sont pas mises en péril par les conclusions et recommandations éventuelles découlant de l’audience d’intérêt public. De plus, le colonel (à la retraite) Drapeau fait valoir que l’obligation du ministère de la Justice de pleinement représenter ses clients est brouillée par le fait que le ministère représentait plus de 13 personnes visées par la plainte ainsi qu’environ 72 témoins qui se sont fait représenter par le ministère de la Justice en application des politiques du Conseil du Trésor concernant les anciens employés et les employés actuels des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale. À son avis, les questions susceptibles de découler de l’arrangement ne justifieront pas le retard.

Le colonel (à la retraite) Drapeau affirme que les personnes visées par la plainte n’ont pas été privées d’un traitement équitable : elles ont eu l’occasion de présenter des preuves documentaires et des témoignages, de contre-interroger les témoins (par l’entremise de leur avocate) et d’être contre-interrogées après leur témoignage principal. Il fait valoir que le droit des personnes visées par la plainte n’est pas, comme l’a indiqué Mme Richards, celui de présenter une défense pleine et entière, mais plutôt de présenter les éléments de preuve sous le meilleur jour possible, compte tenu de la preuve dont dispose la Commission.

Le colonel (à la retraite) Drapeau conclut en indiquant que son petit cabinet composé de deux avocats avait déjà presque terminé la rédaction des observations finales (90 %), et il s’étonne qu’une organisation de la taille du ministère de la Justice ait besoin de plus de temps pour mettre au point les siennes. Il informe aussi la Commission qu’en raison de la réorganisation de ses travaux liés à l’affaire, sa disponibilité en décembre 2012 sera très limitée, voire non existante, car plusieurs affaires judiciaires sont maintenant prévues en décembre.

Décision

J’ai décidé d’accéder à la demande d’ajournement. La date des représentations finales sera fixée au 9 janvier 2013.

Comme je l’ai maintes fois rappelé au cours de l’instance, il est très important, et même prescrit par la loi, d’agir avec célérité dans la mesure où l’équité le permetNote de bas de page 1. Il faut aussi que le processus soit régi par les principes d’équité et que son déroulement soit considéré comme juste.

Ayant évalué les éléments d’équité et de célérité en conjonction avec les observations des parties, je suis d’avis que l’équité exige un bref ajournement des représentations finales, comme l’a demandé l’avocate des personnes visées par la plainte. Je suis aussi d’avis qu’une demande d’équité d’une partie ne doit pas être acceptée aux dépens de l’autre partie. Par conséquent, pour que l’ajournement ne cause pas de difficultés à l’avocat des plaignants, j’ai décidé de fixer la date des représentations au mois de janvier, plutôt qu’au mois de décembre comme on l’a demandé.

Bien que les intérêts des personnes en cause dans la plainte ne soient pas semblables à ceux d’une personne contre qui on a porté des accusations criminelles, ces personnes ont quand même droit à une équité procédurale fondamentale et au respect du droit de participation prévu par la loi et accordé à toutes les parties à une audience d’intérêt public.

Les personnes visées par la plainte ont d’importants intérêts en jeu, lesquels touchent leur réputation. En tant que parties à l’audience, elles ont le droit de se faire accorder « toute latitude de présenter des éléments de preuve à l’audience, d’y contre-interroger les témoins et d’y faire des observations, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocatNote de bas de page 2 ». Afin d’exercer leur droit de participation, les personnes en cause ont demandé qu’on leur accorde le temps nécessaire pour analyser tous les éléments de preuve afin de déterminer s’il est nécessaire de prendre d’autres mesures ou d’entendre des témoignages supplémentaires. Cette demande est raisonnable.

Étant donné que des témoignages ont été entendus pendant 61 jours, qu’il y a eu 91 témoins et qu’il y a des milliers de pages d’éléments de preuve, il n’est pas déraisonnable que les personnes visées par la plainte demandent d’avoir le temps nécessaire d’évaluer les éléments de preuve afin de déterminer si elles souhaitent présenter d’autres éléments de preuve ou prendre d’autres mesures. Si la Commission a besoin d’entendre d’autres témoignages afin de pouvoir tirer des conclusions et formuler des recommandations bien informées au sujet des enjeux soulevés dans la plainte, il est important que ces témoignages soient entendus : c’est primordial tant pour la qualité du processus que pour l’équité de la procédure.

À l’inverse, il n’est pas déraisonnable que l’avocat des plaignants ait modifié son horaire en fonction des dates initialement fixées pour les représentations finales. Comme il ne faut pas que la demande d’équité des personnes visées par la plainte soit acceptée aux dépens des plaignants, j’ai tenu compte des éléments suivants : la disponibilité limitée de l’avocat des plaignants en décembre; les difficultés qu’auraient causés l’examen des longues observations déposées par l’autre partie et la préparation, en si peu de temps, d’une réponse; le fait que l’avocat des plaignants est tenu de comparaître devant d’autres cours et tribunaux en décembre sur d’autres questions. J’ai donc conclu que la date des représentations finales devrait être fixée au mois de janvier.

Il est aussi important d’assurer la certitude du processus des audiences d’intérêt public. Tout retard doit être raisonnable, s’inscrire dans le droit de participation prévu par la loi et respecter l’exigence légale selon laquelle l’audience doit avoir lieu avec célérité dans la mesure où l’équité le permet. Pour ces raisons, je ne peux pas fixer la date des représentations finales en fonction de la décision que prendra l’avocate du ministère de la Justice en ce qui concerne la prise d’autres mesures ou la présentation d’éléments de preuve supplémentaires. Par ailleurs, s’il y a lieu de présenter d’autres éléments de preuve, il faut en informer la Commission le plus tôt possible pour que le processus puisse se poursuivre. L’avocate des personnes visées par la plainte doit informer la Commission des mesures que prévoient prendre ses clients le plus tôt possible, avant la fin de la journée du 16 novembre 2012.

Pour tous ces motifs, j’ai fixé au 9 janvier 2013 la date de la présentation des observations finales devant la Commission. Je me réserve le droit d’émettre un décret concernant la date de l’échange des observations écrites afin de permettre la tenue de consultations avec les parties.

J’ordonne donc que la demande d’ajournement des représentations finales soit accordée. La date de la présentation des observations finales est fixée au 9 janvier 2013, à 9 h. Chaque partie disposera de trois heures pour présenter ses observations. J’ordonne aussi à l’avocate des personnes visées par la plainte d’informer la Commission au plus tard le 16 novembre 2012, à 16 h, de la décision de ses clients concernant la présentation d’éléments de preuve supplémentaires ou la prise d’autres mesures.

Fait à Ottawa (Ontario) le 1er novembre 2012.

Lettre originale signée par

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Glenn M. Stannard, O.O.M.
Président

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