Décision rendue sur la demande d’ajournement

Commission d’examen des plaintes
concernant la police militaire

Dans l’affaire d’une plainte pour inconduite déposée
 en vertu de l’article 250.18 de la Loi sur la défense nationale
par M. Shaun Fynes et Mme Sheila Fynes

Décision concernant la demande d’ajournement de l’audience

Audiences d’intérêt public de la Commission d’examen
des plaintes concernant la police militaire [CPPM 2011-004 (Fynes)] en vertu du paragraphe 250.38(1) de la Loi sur la défense nationale

Le 6 septembre 2011, j’ai rendu une décision portant que la Commission tiendrait une audience d’intérêt public relativement à la présente plainte. À la suite d’une conférence préparatoire organisée le 19 octobre 2011, la date du début de l’audience a été fixée au 27 février 2012. Lors de la conférence préparatoire, l’avocat des plaignants, le colonel (à la retraite) Michel Drapeau a déposé une requête par laquelle il demande à la Commission de recommander que des fonds publics soient octroyés pour assurer la représentation juridique des plaignants au cours de l’audience d’intérêt public portant sur leur plainte. Le 26 octobre 2011, j’ai rendu une décision dans laquelle je recommande au gouvernement du Canada d’octroyer des fonds pour assurer leur représentation juridique. Le même jour, j’ai transmis ma recommandation à l’honorable Tony Clement, président du Conseil du Trésor du Canada.

Le 7 décembre 2011, la Commission a reçu du colonel (à la retraite) Drapeau une lettre l’informant qu’aucune décision n’avait encore été rendue au sujet de l’octroi de fonds et demandant à la Commission d’obtenir du gouvernement du Canada une indication de la date à laquelle celui-ci serait disposé à prendre une décision. Le colonel (à la retraite) Drapeau a écrit que, si aucune décision n’était rendue prochainement, il n’aurait d’autre choix que de déposer une requête pour reporter le commencement de l’audience. Le 13 décembre 2011, j’ai écrit à l’honorable Tony Clement pour lui faire part des préoccupations du colonel (à la retraite) Drapeau et pour lui transmettre une copie de la présente lettre. Jusqu’à maintenant, aucune décision n’a été rendue par le gouvernement du Canada en ce qui concerne cette affaire.

Le 30 décembre 2011, la Commission a reçu du colonel (à la retraite) Drapeau une lettre dans laquelle il demande que le commencement de l’audience soit reporté à la plus tardive des dates suivantes : a) deux mois après la divulgation intégrale des documents ; ou b) deux mois après la décision concernant l’octroi de fonds. Une conférence préparatoire a été tenue le 17 janvier 2012 pour entendre les observations sur cette affaire et pour recevoir des informations à jour sur la procédure préalable à l’audience.

Trois facteurs d’importance sont au cœur de la requête : le délai, l’équité envers les parties et la divulgation. Ils doivent tous être considérés attentivement.

Le colonel (à la retraite) Drapeau a fait savoir à la Commission que les plaignants étant un couple à la retraite ayant à leur charge un fils atteint d’autisme, ils ne disposent pas des revenus nécessaires pour payer les dépenses énormes qu’occasionnerait l’exercice de leurs droits juridiques relativement à la mort de leur fils aîné, le caporal Stuart Langridge. Selon lui, l’incertitude entourant les fonds publics l’empêche de consacrer le temps nécessaire à l’examen des documents déjà rendus publics. En outre, les plaignants comptent sur l’octroi des fonds pour pouvoir participer pleinement à l’audience. Le colonel ajoute que la divulgation prochaine d’autres documents ne fait qu’accroître la complexité des procédures et la nécessité d’une représentation juridique. Il fait valoir qu’il serait injuste que les parents endeuillés, qui sont au cœur de la plainte, soient les seules parties à comparaître sans être indemnisées pour leur représentation juridique.

S’agissant des préoccupations liées aux délais, le colonel (à la retraite) Drapeau a souligné que les plaignants tenaient essentiellement à ce que l’audience soit tenue le plus rapidement possible, puisqu’ils cherchaient des réponses à leurs questions depuis 2008. Néanmoins, il affirme que l’ajournement était nécessaire car les plaignants auraient été relégués au rang de simples spectateurs, à moins d’être représentés par avocat à l’audience pour contre-interroger les témoins et présenter des observations et des éléments de preuve, le cas échéant. L’ajournement leur permettrait d’attendre la décision concernant le financement, et la communication de documents supplémentaires. En outre, cela permettrait à leur avocat de se préparer comme il se doit pour l’audience advenant l’octroi de fonds publics.

L’avocate du ministère de la Justice, Me Elizabeth Richards, qui représente les personnes visées par la plainte, s’est opposée à la requête et soutient que l’équité commande de diligenter la tenue de l’audience. Elle soutient que ses clients étaient en fait ceux qui avaient avant tout intérêt à ce que l’audience soit tenue le plus rapidement possible. De fait, ceux-ci faisaient l’objet de graves allégations entendues dans le cadre d’un forum public et s’exposaient à des conclusions négatives à leur endroit, voire à des procédures disciplinaires. Elle a fait valoir que le but de l’audience n’était pas d’amorcer un processus contradictoire ou litigieux, mais plutôt un processus d’investigation visant à établir les faits. En outre, elle soutient que cela réduit au minimum toute injustice liée à l’absence de financement public destiné à la représentation juridique des plaignants. Cette démarche répondrait donc aux intérêts des plaignants du fait que l’avocat de la Commission présenterait les éléments de preuve de manière juste et rigoureuse.

En ce qui concerne les délais, Me Richards est aussi préoccupée par le fait qu’un ajournement de deux mois amènerait la tenue de l’audience pendant la période active des affectations des Forces canadiennes, qui va habituellement de la fin juin à la fin août. Cela perturberait sérieusement ses clients, dont plusieurs seront alors déployés dans d’autres régions avec leur famille. Elle a fait valoir que ses clients souhaitent tout naturellement avoir l’occasion d’expliquer leur conduite et de tenter de faire laver leur réputation avant le début de la période de déploiement militaire. 

S’agissant de la communication des informations, Me Richards affirme qu’il est rare qu’une divulgation complète ait lieu bien avant la tenue d’une audience. Il arrive fréquemment que de nouveaux documents soient présentés juste avant la tenue d’une audience et même pendant les procédures au fur et à mesure que de nouveaux renseignements sont connus. Elle a fait remarquer qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’un avocat d’expérience soit chargé de la gestion de tels documents au fur et à mesure qu’ils sont fournis, et à ce qu’il agisse en conséquence.

Enfin, Me Richards affirme que, si la Commission accordait un ajournement, celui-ci devrait être bref, un mois tout au plus, et qu’une nouvelle date d’audience devrait être fixée immédiatement pour que ses clients puissent savoir à quoi s’en tenir.

L’avocat de la Commission et l’avocat du grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC) ont fourni des informations à jour sur la procédure de divulgation de la documentation. Ils ont informé la Commission qu’à l’heure actuelle, bon nombre des documents de la Police militaire liés à ces enquêtes ont été divulgués aux parties. En outre, d’autres révisions sont prévues en ce qui a trait aux expurgations, et un ensemble d’annexes supplémentaires devraient être produites sous peu. En ce qui concerne la divulgation de renseignements supplémentaires demandée par la Commission, un grand nombre de documents ont déjà été reçus et communiqués aux parties. Le volume total des documents qui restent à présenter n’est pas encore connu à l’heure actuelle puisque bon nombre d’entre eux doivent encore faire l’objet d’une révision pour suppression de certains passages et d’un examen par l’avocat de la Commission pour en déterminer la pertinence. Ce dernier a indiqué que les documents d’information supplémentaires seront sans doute transmis d’ici à la mi-février.

J’ai décidé d’acquiescer partiellement à la demande d’ajournement et de reporter la tenue de l’audience d’intérêt public au mardi 27 mars 2012.

Selon la loi, « dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, la Commission donne suite aux plaintes dont elle est saisie avec célérité et sans formalisme. »Note de bas de page 1 Comme les personnes visées par la plainte, je suis d’avis de réduire autant que possible les délais. Toutefois, je pense aussi qu’il est important pour les plaignants d’avoir la certitude d’obtenir un financement public et d’examiner la documentation déjà fournie et celle qui le sera ultérieurement pour que leur participation à l’audience compte. De façon générale, l’équité est menacée par les délais, mais il faut mettre en balance le droit des parties de participer pleinement à l’audience. Les plaignants comme les personnes visées par la plainte ont des intérêts égaux, substantiels et directs. Et le Parlement leur reconnaît entièrement et également le droit de participation.

Les audiences doivent être non seulement dirigées sous le signe de l’équité, mais leur déroulement doit également être perçu comme étant juste. Comme il est mentionné dans la correspondance datée du 26 octobre 2011 au sujet du financement, les plaignants n’auront pas d’autre choix que de comparaître sans être représentés s’ils n’obtiennent pas les fonds publics demandés. Ainsi, une partie serait représentée par un avocat très compétent, aux frais de l’État, tandis que l’autre partie serait privée d’une représentation juridique. En outre, l’avocat de la Commission a fait remarquer, au cours de la conférence préparatoire, que tous les employés actuels et anciens du gouvernement du Canada désignés comme des témoins éventuels ont droit à la représentation juridique aux frais de l’État. Comme l’a fait observer Me Richards, il s’agit d’un droit de lié à l’emploi pour les personnes visées par la plainte et pour les témoins. Toutefois, cette disparité des ressources pourrait être perçue comme une injustice et avoir une incidence négative sur le processus d’audience et sur la confiance du public à l’égard du rôle de surveillance indépendante de la Commission.

Le 16 janvier 2012, Me Alain Préfontaine, avocat au ministère de la Justice, a adressé une lettre à la Commission. Il l’a informée que le gouvernement continuait d’examiner la recommandation de la Commission en ce qui concerne l’octroi des fonds. La Commission espère qu’une décision concernant le financement public est imminente. Dans ces circonstances, un ajournement bref est juste puisqu’il permet aux plaignants d’attendre la décision quant au financement et de prendre les dispositions qui leur permettront de participer à l’audience. 

Un autre point à prendre en compte est la divulgation prochaine d’autres documents, qui ne sera sans doute pas effectuée avant la mi-février 2012. Étant donné le volume de documents en cause, il est probable que des documents nouveaux et pertinents seront présentés. Ainsi, toutes les parties auront besoin de temps pour passer en revue ces nouveaux documents. Enfin, pour des raisons d’ordre pratique, les exigences liées à l’horaire de comparution des avocats et des témoins, qui pourrait correspondre à la relâche de mars en Ontario et au Québec, aurait sans doute exigé une période d’ajournement de toute manière puisque ce congé diffère selon la province. 

En pesant tous les facteurs mentionnés ci-dessus, la Commission arrive à la conclusion qu’un ajournement bref d’un mois cadre avec les préoccupations divergentes entourant l’équité, la divulgation et le délai. Toutefois, elle doit souligner que, sauf si des circonstances exceptionnelles se présentent, les procédures se dérouleront avec toute la célérité requise après l’ajournement. L’audience pourra et devra se tenir rapidement. Et les parties devront se préparer en conséquence.

Par la présente, ordre est donné d’acquiescer partiellement à la demande d’ajournement de l’audience d’intérêt public, de sorte que le début de l’audience est reporté au mardi 27 mars 2012, à 9 h.

Datée à Ottawa (Ontario) ce 23e jour de janvier 2012.

 

 

 

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Glenn M. Stannard, O.O.M.
Président

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