Décision sur la requête pour une recommandation de financement

Commission d’examen concernant la police militaire

Relativement À une plainte pour inconduite présentée en vertu de
l’article 250.18 de la Loi sur la défense nationale par M. Shaun Fynes et Mme Sheila Fynes

Décision De recommander le financement de la Représentation
juridique des plaignants, M. Shaun Fynes et Mme Sheila Fynes,
en ce qui concerne les Représentations finales

CPPM 2011-004 (Fynes) audience d’intérêt public en vertu du
paragraphe 250.38(1) de la Loi sur la défense nationale

Le 26 septembre 2011, les plaignants, Shaun et Sheila Fynes, ont présenté une motion afin de demander à la Commission de recommander que des fonds publics soient octroyés pour assurer leur représentation juridique dans le cadre de l’audience d’intérêt public découlant de leur plainte. Lors de la conférence préparatoire du 19 octobre 2011, l’avocat des plaignants, le colonel (à la retraite) Michel Drapeau, a présenté des observations verbales à l’appui de la requête. L’avocat des personnes visées par la plainte, Mme Elizabeth Richards, avocate du ministère de la Justice, n’a pas pris position. L’avocat du gouvernement du Canada, M. Alain Préfontaine, a fourni des observations écrites qui ont été versées au dossier.

Le 26 octobre 2011, j’ai recommandé que le gouvernement du Canada octroie des fonds publics pour assurer la représentation juridique des plaignants. Le 16 mars 2012, le ministre de la Défense nationale, l’Honorable Peter MacKay, a avisé la Commission que le gouvernement suivrait la recommandation de la Commission et octroierait des fonds pour assurer la représentation juridique des plaignants pour des raisons d’ordre humanitaire.

Les fonds publics affectés à la représentation par avocat des plaignants ont été plafonnés à 424 heures pour le colonel (à la retraite) Drapeau, à un taux réduit de 175,00 $ par heure, et à 424 heures pour M. Joshua Juneau, à un taux réduit de 100,00 $ par heure. On voulait ainsi accorder à chaque avocat 40 heures de préparation avant le début de l’audience, puis 6 heures par jour pour la présence en cours et 2 heures par jour de préparation tout au long des 12 semaines prévues pour les témoignages. Un montant supplémentaire était réservé pour les débours raisonnables et les journées additionnelles d’audience.

Le 19 octobre 2012, le colonel (à la retraite) Drapeau a présenté une requête afin de demander à la Commission de recommander que des fonds publics supplémentaires soient octroyés pour la préparation des représentations finales des plaignants.

Dans sa requête, le colonel (à la retraite) Drapeau souligne que les représentations finales qui seront soumises à la Commission pourraient compter jusqu’à 100 pages (représentations écrites) pour chacune des parties, que 3 heures sont allouées à chaque partie pour les observations verbales, et qu’il est possible de présenter des représentations en réponse d’un maximum de 30 pages. Le colonel (à la retraite) Drapeau s’attend à ce que la préparation des représentations nécessite un important investissement de temps. Il insiste sur le fait que M. et Mme Fynes ne sont pas en mesure de payer pour les services juridiques nécessaires, comme on l’a établi par preuve par affidavit dans la demande initiale de financement public.

Le colonel (à la retraite) Drapeau estime qu’il reste 3 500,00 $ des fonds publics accordés par le gouvernement du Canada. Il demande que la Commission recommande que des fonds publics supplémentaires soient octroyés afin de permettre 100 heures de préparation pour lui-même et 100 heures de préparation pour M. Juneau, aux taux réduits de 175,00 $ et de 100,00 $ par heure respectivement.

Le 24 octobre 2012, l’avocat du ministère de la Justice, M. Alain Préfontaine, a brièvement répondu à la motion au nom du gouvernement du Canada. Il expliquait que le gouvernement du Canada s’était fondé sur les observations présentées relativement à la demande de financement initiale des plaignants. M. Préfontaine indique que si la Commission décide de recommander que des fonds supplémentaires soient octroyés, le gouvernement du Canada prendra la recommandation en considération.

Essentiellement, les arguments de M. Préfontaine n’ont pas changé. Premièrement, la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Jones c. Canada (Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada)Note de bas de page 1 établit que la Commission jouit du pouvoir discrétionnaire de recommander l’octroi de fonds publics, mais il n’y a pas de mécanisme régissant la manière d’exercer ce pouvoir. Il souligne que l’article 250.44 de la Loi sur la défense nationale, lequel prévoit que les parties ont le droit de se faire accorder « toute latitude de présenter des éléments de preuve à l’audience, d’y contre-interroger les témoins et d’y faire des observations, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocatNote de bas de page 2 », ne garantit pas le droit à la représentation juridique : il ne fait que le permettre.

Dans ses arguments, M. Préfontaine avance également que bien que la Cour fédérale indique dans Jones c. Canada que les décideurs préfèrent que les parties soient sur un pied d’égalité en ce qui concerne leur représentation juridique, cette égalité de représentation peut être assurée grâce aux efforts de l’avocat de la Commission.

Compte tenu des critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. CaronNote de bas de page 3 pour ce qui est de déterminer l’opportunité de recommander l’octroi de fonds publics, M. Préfontaine avance que la demande ne justifie pas l’octroi de fonds publics. Il soutient que d’autres options réalistes permettraient de soulever les questions dans le cadre d’une audience. M. Préfontaine déclare toutefois (comme dans sa réponse à la requête qui nous intéresse) que le gouvernement du Canada prendra en considération la recommandation de la Commission, si celle-ci décide d’en formuler une.

Mme Richards n’a pas présenté d’observations au nom des personnes visées par la plainte. Elle ne s’était pas prononcée sur la requête initiale, et puisqu’elle n’a toujours pas formulé d’observations, j’estime que la situation n’a pas changé.

Décision

Après avoir étudié les observations écrites présentées par le colonel (à la retraite) Drapeau pour les plaignants et par M. Préfontaine pour le gouvernement du Canada, j’ai pris la décision de recommander au gouvernement du Canada d’octroyer des fonds supplémentaires pour assurer la représentation juridique des plaignants, de sorte qu’ils continuent de bénéficier de toute la latitude possible dans le cadre de l’audience.

Comme je l’ai expliqué dans ma décision du 26 octobre 2012, dans laquelle je recommandais l’octroi de fonds pour assurer la représentation juridique des plaignants, je demeure convaincu qu’une représentation juridique continue est essentielle pour que les plaignants disposent de toute la latitude à laquelle ils ont droit en vertu de la Loi sur la défense nationaleNote de bas de page 4, y compris à l’étape des représentations finales.

Les milliers de pages de documents amassées et versées au dossier et tous les témoignages présentés par 91 témoins sur une période de 6 mois illustrent bien l’ampleur et la complexité de l’affaire. À la fin d’une audience d’intérêt public ayant donné lieu à la collecte de tant d’éléments de preuve sur une vaste et complexe gamme de questions, il serait difficile sinon impossible pour les plaignants d’exprimer, de rédiger et de présenter des représentations finales faisant pleinement et éloquemment état de leurs préoccupations et de leurs intérêts. Il serait tout aussi irréaliste de demander à une partie non représentée d’affronter la tâche déconcertante de rédiger des représentations en réponse aux représentations finales préparées par l’équipe d’avocats compétents représentant les personnes visées par la plainte.

Le colonel (à la retraite) Drapeau fonde la requête du 19 octobre 2012 sur le fait que la situation financière de M. et de Mme Fynes n’a pas changé depuis la présentation des observations verbales et de la preuve par affidavit dans le cadre de la requête de financement initiale. Je demeure convaincu que, sans financement public, les Fynes ne seraient pas en mesure de couvrir les honoraires juridiques associés à la préparation et à la présentation des représentations finales et représentations en réponse. Comme je l’ai déjà mentionné, même en période de restrictions budgétaires nécessaires, cette dépense est, du point de vue du gouvernement, un prix relativement faible à payer pour garantir le respect des droits prévus par la loi des plaignants ainsi que la préservation de l’équité.

Il est malheureux que les fonds nécessaires pour la préparation des présentations finales n’aient pas été demandés dans la requête de financement initiale ou plus tôt dans le contexte de l’audience d’intérêt public, mais je conclus qu’il est nécessaire d’accéder à la demande et de formuler la recommandation, afin d’assurer l’intégrité et l’équité des procédures.

Recommandation

Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de recommander au gouvernement du Canada d’octroyer des fonds supplémentaires pour assurer la représentation juridique des plaignants. Je recommande que ces fonds soient accordés en fonction du taux horaire réduit suggéré dans la requête : 175 $ pour le colonel (à la retraite) Drapeau et 100 $ pour M. Juneau. Je recommande en outre que tout montant restant des fonds déjà accordés serve à couvrir les autres heures nécessaires. Je recommande que des fonds soient octroyés pour chaque avocat pour les 100 heures demandées en vue de la préparation des représentations finales écrites, de la préparation des représentations verbales et de la préparation des représentations présentées en réponse. Compte tenu du grand nombre d’éléments de preuve présentés dans le cadre de l’audience d’intérêt public ainsi que de la longueur et de la complexité anticipées des représentations, j’estime que le nombre d’heures demandé est raisonnable et qu’il est nécessaire de verser le montant recommandé afin de permettre aux plaignants de participer de manière valable à l’audience d’intérêt public.

Je recommande donc au gouvernement du Canada d’octroyer des fonds supplémentaires aux plaignants en vue de la préparation des représentations finales et des représentations en réponse, suivant les taux et le nombre d’heures susmentionnés.

Fait à Ottawa (Ontario) le 30 octobre 2012.

Lettre originale signée par

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Glenn M. Stannard, O.O.M.
Président

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