Lettre de décision - CPPM-2011-004 - Le 29 avril 2011

Le 29 avril 2011

Liste de distribution

Notre dossier : CPPM-2011-004 (Fynes)

Conformément au paragraphe 250.38(3) de la Loi sur la défense nationale (LDN), la présente constitue un avis de ma décision de faire tenir une enquête d’intérêt public par la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire sur la plainte ci-dessus.

Cette plainte a trait à trois enquêtes réalisées par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) à la suite du suicide, le 15 mars 2008, du fils des plaignants, le caporal (cpl) Stuart Langridge.

Selon les plaignants, la première enquête du SNEFC sur le décès de leur fils (l’enquête sur la mort subite) n’a pas été menée de manière impartiale et a entaché la réputation de leur fils en tentant de protéger la chaîne de commandement des Forces canadiennes (FC). Ils expliquent que leur fils, qui avait servi en Bosnie et en Afghanistan, souffrait du syndrome de stress post-traumatique et de dépression et s’était enlevé la vie peu de temps après avoir eu l’ordre de quitter une installation psychiatrique, après avoir indiqué qu’il préférait s’enlever la vie que de retrouver son unité et après qu’on ait avisé les plaignants qu’il faisait l’objet d’une surveillance étroite en cas de risque de suicide au sein de son unité. Ils allèguent que l’enquêteur du SNEFC est arrivé à une mauvaise conclusion au sujet de la dépendance de leur fils à l’alcool et aux drogues, ce qui nuisait à la mémoire de leur fils. Ils allèguent aussi que la conclusion dans le rapport du SNEFC selon laquelle les FC avaient tenté à plusieurs reprises d’aider leur fils à surmonter ses problèmes était inexacte et non pertinente à l’enquête et qu’elle visait plutôt à dégager la chaîne de commandement de leur fils de toute responsabilité. Les plaignants sont d’avis que le SNEFC ne jouissait pas de l’indépendance nécessaire pour découvrir et révéler toute information préjudiciable aux Forces canadiennes.

Les plaignants présentent d’autres allégations au sujet de la conduite de l’enquête sur la mort subite. En particulier, ils se plaignent du fait que le SNEFC n’ait pas divulgué l’existence d’une note de suicide de leur fils ni remis d’exemplaire de la note jusqu’à plus d’un an après le décès de leur fils; que le SNEFC n’ait pas rendu les effets personnels de leur fils saisis comme éléments de preuve durant plus d’un an après la fin de l’enquête; que des indications fausses aient été fournies au médecin légiste de l’Alberta selon lesquelles leur fils s’apprêtait à faire l’objet de mesures disciplinaires et du fait qu’on n’ait pas été respectueux vis-à-vis de la dépouille de leur fils au cours des premières heures de l’enquête. De plus, les plaignants étaient mécontents de la quantité de texte qui avait été censuré dans le rapport d’enquête qu’on leur a remis et étaient préoccupés au sujet des motifs évoqués pour ne pas leur avoir fourni d’avantage d’information au sujet de l’enquête.

Les plaignants sont également mécontents de deux autres enquêtes du SNEFC. La première (l’enquête de 2009) a été lancée au mois de novembre 2009, lorsque le bureau de l’ombudsman des Forces canadiennes a évoqué la possibilité d’un manquement à son obligation de la part d’au moins un des membres des FC par rapport à la représentation de l’ancienne conjointe de fait du fils des plaignants comme plus proche parent principal, même s’il était connu que la relation avait pris fin avant le décès du caporal Langridge. Les plaignants indiquent avoir un intérêt direct dans cette enquête, parce qu’ils n’ont pas pu prendre d’arrangements funéraires pour leur fils et ont dû aller devant les tribunaux pour faire corriger les dossiers, car on avait désigné l’ancienne conjointe de fait de leur fils comme parent le plus proche principal. La deuxième enquête (l’enquête de 2010) a été lancée au mois d’avril 2010, lorsque les plaignants ont officiellement demandé que le SNEFC fasse enquête sur la négligence criminelle éventuelle commise par des membres du régiment de leur fils pour avoir ordonné à leur fils de quitter l’installation psychiatrique peu avant sa mort, pour lui avoir imposé des conditions restrictives pour qu’il obtienne des soins supplémentaires et pour avoir fait fi du risque de suicide, qui avait été évalué comme élevé et finalement pour ne pas avoir assuré une surveillance en cas de suicide convenable pour prévenir la mort de leur fils.

En ce qui concerne les enquêtes de 2009 et de 2010, M. et Mme Fynes se plaignent de ne pas avoir été tenus au courant des progrès des enquêtes et qu’une période relativement longue s’était écoulée sans qu’on leur présente de résultats apparents. Ils se questionnent sur la capacité du SNEFC de mener ces enquêtes et au sujet de son indépendance, à la lumière des faits qu’ils ont reçus leur indiquant que les mises à jour au sujet des enquêtes du SNE feraient partie d’un débreffage des Forces canadiennes concernant d’autres questions. Ils allèguent aussi qu’au moment où on les avisés de la fin des enquêtes, le SNEFC a annulé un breffage que ses membres devaient donner de manière peu convenable parce que les plaignants ont demandé que leur avocat les accompagne. On a plutôt préféré un breffage par écrit, et les plaignants ont été avisés récemment que le document était sur le point d’être transmis. Ils sont toutefois préoccupés par le délai requis pour présenter ce document.

La conduite qui fait l’objet de la plainte est associée à la période de mars 2008 à aujourd’hui. Les plaignants ont demandé d’obtenir et ont obtenu un sursis pour présenter leur plainte conformément à l’article 250.2 de la LDN.

En me penchant sur la question de l’intérêt public en ce qui concerne la conduite d’une enquête en vertu du paragraphe 250.38(1) de la LDN, j’ai noté la gravité des allégations des plaignants et celle des événements connexes. Une des principales fonctions de la police militaire est de s’assurer que les membres des Forces canadiennes agissent conformément à la loi et au Code de discipline militaire. Si les allégations par rapport à cette plainte sont fondées, on peut se poser des questions au sujet de la capacité des policiers militaires à faire enquête et à présenter des rapports en toute impartialité et de façon indépendante sur toute inconduite de la part de membres des Forces canadiennes.

La possibilité de partialité – qui mènerait les policiers militaires à conclure en faveur de la chaîne de commandement des Forces canadiennes dans le cadre de leurs enquêtes ou qui leur donnerait l’impression qu’on les empêche de quelque façon qui soit d’exposer de l’information préjudiciable aux Forces canadiennes – va au cœur de la fonction de la police militaire et de la capacité de la police militaire de s’acquitter de son rôle important. Même une perception selon laquelle les policiers militaires n’ont pas l’objectivité ni l’indépendance nécessaire pour enquêter sur la chaîne de commandement des Forces canadiennes pourrait nuire à la confiance que porte le public à la police militaire. Le risque que ce prétendu manque d’indépendance et d’impartialité puisse entraîner des délais dans les enquêtes et empêcher les plaignants et les personnes directement concernées d’être tenus au courant soulève également d’importantes questions quant à la capacité des policiers militaires de s’acquitter de leurs fonctions.

Les allégations liées à cette plainte, si elles sont fondées, risquent de soulever des questions systémiques concernant les processus, les politiques ou la formation, et les plaignants ont tout spécialement demandé que toute question de la sorte fasse l’objet d’un examen de la part de la Commission.

Comme autre facteur d’intérêt public important, la Commission doit réaliser une enquête sur le champ et de première instance sur cette plainte afin de contribuer à rétablir la confiance des plaignants à l’égard du processus. Les événements en cause dans cette plainte ont commencé il y a plus de trois ans. Depuis lors, M. et Mme Fynes se sont plaints au sujet du délai et de la difficulté vécue à obtenir de l’information au sujet des enquêtes. Fait plus important encore, tout au long de leur interaction avec les responsables de la police militaire et les Forces canadiennes plus généralement, et en partie à cause de la conduite faisant l’objet de leur plainte dans ce dossier, les plaignants ont indiqué avoir perdu toute confiance dans la police militaire. Ils disent dans leurs propres mots « ressentir de la frustration devant une campagne d’obscurcissement et d’indifférence sans répit  ». En ce qui concerne leur interaction générale avec les Forces canadiennes, l’ombudsman a indiqué que les plaignants étaient d’avis que les Forces canadiennes faisaient fi d’eux et même qu’elles leur imposaient le silence. Ils ont indiqué avoir l’impression qu’on les avait dupés, induits en erreur et marginalisés délibérément dans leurs rapports avec le ministère de la Défense nationale et les FC et qu’ils avaient ainsi perdu toute confiance dans le système. Dans les circonstances, renvoyer le dossier au grand prévôt des Forces canadiennes pour qu’il fasse une enquête interne avant de donner aux plaignants l’occasion de demander un examen par la Commission risquerait d’ajouter au manque de confiance porté aux responsables militaires et aux responsables de la police militaire par les plaignants et de retarder éventuellement le règlement de leur plainte. Les plaignants ont indiqué qu’ils souhaitaient que la Commission réalise une enquête d’intérêt public, et j’ai tenu compte de ces souhaits également.

Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il est à propos, dans l’intérêt public, en vertu du paragraphe 250.38(1) de la LDN, d’exiger que la Commission réalise une enquête d’intérêt public sur cette plainte et, au besoin, de convoquer une audience.

Les plaignants n’ont pas spécifiquement énuméré les personnes en cause dans leur plainte. Ils soulèvent des questions touchant la conduite des enquêteurs qui ont participé aux trois enquêtes en cause, toutes menées par la Région de l’Ouest du SNEFC. La Commission se chargera d’identifier et d’aviser les personnes en cause une fois qu’elle aura obtenu la divulgation des dossiers d’enquête et examiné ceux-ci et une fois qu’une entrevue initiale avec les plaignants aura été menée afin de clarifier l’ensemble de leurs allégations.

Je vous prie d’agréer mes salutations les plus sincères.

Version originale anglaise signée par

Glenn Stannard
Président

Liste de distribution :

L’honorable Peter Mackay, C.P., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense nationale
Édifice mgén Georges R. Pearkes
101, promenade Colonel By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Général W.J. Natynczyk, CMM, CSN, CD
Chef d'état-major de la Défense
Quartier général de la Défense nationale
Édifice mgén Georges R. Pearkes
101, promenade Colonel By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Brigadier-général Blaise Cathcart, OMM, CD, CR
Juge-avocat général
Quartier général de la Défense nationale
Édifice mgén Georges R. Pearkes
101, promenade Colonel By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Colonel T.D. Grubb
Grand prévôt des Forces canadiennes
Quartier général de la Défense nationale
Édifice mgén Georges R. Pearkes
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Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Lieutenant-colonel Robert Delaney
Commandant, SNE
Quartier général de la Défense nationale
Édifice mgén Georges R. Pearkes
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Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Major Daniel Dandurand
Commandant
SNE (Région de l’Ouest)
C.P. 10500, Succ Forces
Edmonton (Alberta) T5J 4J5

Monsieur Shaun Fynes
Madame Sheila Fynes

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