Rapport final concernant l'audience d'intérêt public Fynes (CPPM 2011‑004) - Volume 2

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Table des matières

  1. Aperçu
  2. Le processus d’audience
  3. Exposé des faits
  4. Les enquêtes
    1. 4.0 Les personnes visées par la plainte : Rôle, participation et expérience professionnelle
    2. 4.1 L’enquête de 2008
      1. 4.1.1 Enquête sur la mort subite
      2. 4.1.2 Enquête sur la négligence
      3. 4.1.3 Le plan d’enquête
      4. 4.1.4 Les observations finales
      5. 4.1.5 Supervision et tenue des dossiers
      6. 4.1.6 Mandats de perquisition
      7. 4.1.7 Retour des pièces
      8. 4.1.8 L’examen d’assurance de la qualité
      9. 4.1.9 Les conséquences de l’inexpérience
    3. 4.2 La note de suicide laissée par le cpl Langridge
    4. 4.3 L’enquête de 2009 sur le PPPP
    5. 4.4 L’enquête de 2010 sur la négligence criminelle
    6. 4.5 Interactions du SNEFC avec les Fynes
    7. 4.6 Indépendance et impartialité du SNEFC
  5. Conclu sions
  6. Recommandations
  7. La Réponse de la Police militaire
    1. 7.0 La Réponse de la Police militaire
    2. 7.1 L’Avis d’action | version PDF (telle que publiée le 10 mars 2015)
  1. Appendices
    1. Glossaires des termes et acronymes utilisÉs dans le Rapport
    2. DÉcision de mener une enquÊte d’intÉrÊt public – 29 avril 2011
    3. DÉcision de tenir une audience d’intÉrÊt public – 6 septembre 2011
    4. DÉcision de recommander le financement de la reprÉsentation juridique des plaignants – 26 octobre 2011
    5. Ordonnance de non-publication – 17 mai 2012
    6. DÉcision sur la requÊte des plaignants pour assigner un tÉmoin À comparaÎtre – 14 juin 2012
    7. DÉcision de recommander le financement de la reprÉsentation juridique des plaignants pour prÉparer les reprÉsentations finales – 30 octobre 2012
    8. DÉcision sur la demande de faire des observations sur le rapport intÉrimaire – 29 novembre 2012
    9. Avis d’action et correspondance connexe | version PDF (telle que publiÉe le 10 mars 2015)

IV. Les enquêtes

4.0 Les personnes visées par la plainte : Rôle, participation et expérience professionnelle

L’enquête de 2008 sur la mort subite

Le caporal-chef Matthew Ritco

1. Le cplc Matthew Ritco (sergent Ritco au moment de son témoignage devant la CPPM en septembre 2012) était l’enquêteur principal dans l’enquête sur la mort subite du cpl Stuart Langridge.Note de bas de page 604 Il s’est rendu sur la scène du décès du cpl Langridge avec le sgt Jon Bigelow le 15 mars 2008.Note de bas de page 605

2. Le cplc Ritco est entré dans les FC en 1988 et il a terminé le camp d’entraînement à la BFC de Cornwallis, en Nouvelle-Écosse. Il a été affecté à Wainwright, en Alberta, où il a complété sa formation de soldat d’infanterie. Le cplc Ritco a ensuite été transféré à Winnipeg, au Manitoba, où il a été en poste au sein du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, jusqu’en 1996. A ce moment, le cplc Ritco a quitté les FC afin de poursuivre une carrière dans les services correctionnels auprès des jeunes.Note de bas de page 606

3. À l’automne 2001, le cplc Ritco a rejoint les FC comme membre de la PM. Il a terminé ses six mois de niveau de qualification (NQ) 3 de la PM, ou la formation de base, avant d’être affecté à Winnipeg en 2002.Note de bas de page 607 Le cplc Ritco a complété son cours de qualification au niveau de caporal (PM NQ5A) en 2005. Il a été promu au grade de caporal-chef en juin 2006 et transféré au SNEFC en juillet 2006.Note de bas de page 608 Il a alors été affecté à Edmonton, en Alberta, au sein du SNEFC RO.Note de bas de page 609 Le cplc Ritco a complété sa formation d’enquêteur criminel de la PM – qui est généralement considérée comme une condition préalable pour joindre le SNEFCNote de bas de page 610 – en novembre 2006.Note de bas de page 611

4. Durant la période qu’il a passée au sein de la PM, le cplc Ritco a eu trois affectations à l’étranger – en Croatie, aux Émirats Arabes Unis et à Chypre.Note de bas de page 612 Il a suivi un certain nombre de cours de formation policière, y compris un cours sur les techniques d’entrevue judiciaire présenté par la GRC en 2007Note de bas de page 613 et le cours de techniques avancées d’entrevue de Reid.Note de bas de page 614 Le cplc Ritco a également complété la formation de la PM sur les enquêtes criminelles en 2006 et celle sur les perquisitions et saisies en 2007.Note de bas de page 615

5. Le jour du décès du cpl Langridge, le cplc Ritco était l’enquêteur de garde du SNEFC.Note de bas de page 616 Il n’avait aucune expérience préalable dans la conduite d’une enquête sur une mort subite.Note de bas de page 617

Le sergent Jon Bigelow

6. Le sergent Jon S. Bigelow (adjudant Bigelow au moment de son témoignage devant la CPPM en septembre 2012) était l’un des deux enquêteurs du SNEFC qui se sont rendus sur la scène du suicide du cpl Langridge le 15 mars 2008. Il est entré dans les FC en septembre 1995 et a d’abord servi comme soldat d’infanterie, puis comme chauffeur (au sein du 2e Bataillon, Royal Canadian Regiment, à la BFC de Gagetown).Note de bas de page 618 Il a participé à la mission en Bosnie en 1999. C’est durant cette période qu’il a présenté une demande pour se joindre à la police militaire, et il a été transféré à la BFC de Borden pour suivre sa formation de policier militaire en janvier 2000.Note de bas de page 619

7. Au terme de la période de formation de six mois requise pour devenir membre de la PM, le sgt Bigelow a été postéNote de bas de page 620 à la BFC de Winnipeg entre 2000 et 2004. Il y a exercé des fonctions générales de patrouille jusqu’à la fin de 2001, lorsqu’il a été envoyé aux Émirats Arabes Unis dans le cadre de la première rotation de personnel pour servir sur le théâtre de la guerre en Afghanistan. Pendant qu’il était à l’étranger, le sgt Bigelow a suivi le cours de collecte de preuves médico-légales offert en ligne par le Réseau canadien du savoir policier (RCSP).Note de bas de page 621 À son retour au Canada en 2002, il a été affecté au poste de S/off de la cour, où il était chargé de veiller à ce que les documents clés soient remis aux tribunaux. Le sgt Bigelow a également complété un certain nombre de programmes de formation de la PM pendant cette affectation – y compris un cours sur les enquêtes à la BFC de Borden, qui incluait une formation sur le traitement des scènes de crime et de la preuve documentaire, et sur les activités de surveillance de base, en véhicule et à pied.Note de bas de page 622 Il a aussi suivi un cours de formation sur les mandats de perquisition.Note de bas de page 623

8. Le sgt Bigelow a aidé le SNEFC dans plusieurs enquêtes à l’époque où il était policier militaire à la BFC de Winnipeg.Note de bas de page 624 En raison de l’expérience ainsi acquise, il a été invité à se joindre au SNEFC en 2004. Le sgt Bigelow a complété le cours d’enquêteur criminel de la PM en mai 2004 et le cours sur les entrevues judiciaires en décembre 2005.Note de bas de page 625

9. Quand le sgt Bigelow s’est joint au SNEFC, il n’y avait pas de programmes de formation spécifiques, mais plutôt un programme de stages d’une durée d’un an.Note de bas de page 626 En 2004, il a été affecté à Edmonton en tant que membre de la région de l’Ouest du SNEFC, débutant son stage au sein du Service. Il est demeuré dans la région de l’Ouest comme enquêteur jusqu’en juillet 2008. En qualité d’enquêteur du SNEFC, le sgt Bigelow était chargé de faire enquête sur des infractions graves et délicates – comme des incidents d’agression sexuelle ou de fraude. Le sgt Bigelow a participé à une enquête sur un suicide alors qu’il était avec le SNEFC.Note de bas de page 627 Il a été en détachement pendant dix mois auprès de la GRC, où il a travaillé à la Section des enquêtes générales en 2005-2006, au sein de l’Unité des crimes graves de ce corps policier.Note de bas de page 628 Au cours de son mandat avec la GRC, il a acquis de l’expérience dans les enquêtes sur des morts subites, participant à entre quatre et six de ces enquêtes.Note de bas de page 629

10. Au terme de cette affectation de dix mois, le sgt Bigelow est retourné au SNEFC où il a subséquemment été promu à un nouveau poste, celui de membre dirigeant de la section du SNEFC RO au sein de l’Équipe nationale de lutte antidrogue.Note de bas de page 630 Il a poursuivi sa formation dans les techniques d’enquête, y compris les interrogatoires et les entrevues, l’utilisation d’Internet comme outil d’enquête et la conduite d’enquêtes dans des affaires de drogue. En raison de son affectation au sein de l’Équipe nationale de lutte antidrogue, il n’était généralement pas disponible pour mener des enquêtes sur des décès même s’il était l’un des enquêteurs du SNEFC de la région de l’Ouest possédant de l’expérience dans la conduite de ces enquêtes.

11. Au moment du suicide du cpl Langridge en mars 2008, le sgt Bigelow n’avait pas encore obtenu sa qualification NQ6A, qui englobe les cours de leadership requis pour être promu au grade de sergent.Note de bas de page 631 Bien que n’étant pas officiellement qualifié comme sergent en mars 2008, il détenait néanmoins ce titre sous réserve de compléter sa qualification NQ6A.Note de bas de page 632

12. Le sgt Bigelow ne faisait pas partie de la cellule des enquêteurs au sein du détachement; il faisait partie de l’équipe de lutte contre la drogue dont le mandat était de mener des enquêtes sur des affaires de stupéfiants.Note de bas de page 633 De temps à autre, il était affecté temporairement pour aider à la conduite des enquêtes lorsque les effectifs étaient sérieusement restreints.Note de bas de page 634

L’adjudant Ross Tourout

13. L’adj Ross Tourout (adjudant-maître Tourout au moment de son témoignage devant la CPPM en septembre 2012) était le gestionnaire de cas du cplc Ritco dans l’enquête sur la mort subite du cpl Langridge.Note de bas de page 635 À ce titre, il était généralement responsable de la direction et de la supervision des dossiers d’enquête en cours,Note de bas de page 636 de l’évaluation des besoins en ressources et en matériel et de la coordination des membres des équipes d’enquête et du soutien spécialisé.Note de bas de page 637

14. L’adj Tourout est entré dans les FC en 1987 comme artilleur. Après avoir terminé sa formation de base, il a été affecté au régiment d’artillerie à la BFC de Shilo, au Manitoba,Note de bas de page 638 où il a suivi plusieurs cours de formation liés à l’artillerie.Note de bas de page 639 Il a également effectué une période de service à Chypre.Note de bas de page 640

15. En 1993, l’adj Tourout a été accepté dans la branche de la PM et a été envoyé à la BFC de Borden pendant six mois où il a complété sa qualification NQ3. Il a ensuite été affecté à la BFC de Gander, à Terre-Neuve, comme patrouilleur. En 1997, l’adj Tourout a été affecté à la BFC de Winnipeg, au Manitoba, à nouveau comme patrouilleur, avec le grade de caporal.Note de bas de page 641

16. Alors qu’il était en poste à Winnipeg, l’adj Tourout a effectué une période de service au Kosovo. Il est passé d’agent-patrouilleur à enquêteur de la PM. Après avoir été promu au grade de caporal-chef, il a travaillé comme commandant de quart. L’adj Tourout a continué de progresser, étant nommé responsable des enquêtes, puis de la formation. Après sa promotion au grade de sergent en 2003, l’adj Tourout a été affecté comme sergent en charge des opérations de patrouille policière.Note de bas de page 642

17. À l’été 2003, l’adj Tourout a été envoyé de nouveau à Gander comme commandant adjoint du détachement de la PM. Il a occupé ce poste pendant trois ans. Puis, l’adj Tourout a été promu au grade d’adjudant en 2006 et affecté au SNEFC RO comme gestionnaire de cas.Note de bas de page 643

18. Durant sa carrière au sein de la PM et du SNEFC, l’adj Tourout a complété un certain nombre de cours de formation de la PM, y compris sa qualification au niveau NQ5A en 1995, au niveau NQ6A en 2003 et au niveau NQ6B en 2006.Note de bas de page 644 Il a complété sa formation d’enquêteur criminel de la PM en 2001 et il a reçu une formation en gestion des cas graves en 2007.Note de bas de page 645 Il a également suivi des cours dispensés par des corps policiers civils traitant notamment des enquêtes sur les lieux d’un crime et des fouilles et perquisitions, avec le service de police de Winnipeg, et de la gestion des cas graves, avec la Police provinciale de l’Ontario; il a aussi suivi le cours d’enquêteur de la GRC et le cours sur les entrevues et les interrogatoires de Reid.Note de bas de page 646

19. Avant de superviser l’enquête du cplc Ritco, l’adj Tourout n’avait pas effectué ou supervisé d’enquêtes sur des morts subites.Note de bas de page 647

L’adjudant-maître Barry Watson

20. L’adjudant-maître Barry Watson (adjuc à la retraite Watson au moment de son témoignage devant la CPPM en octobre 2012) était l’adjudant-maître du détachement et le commandant par intérim du détachement de la région de l’Ouest du SNEFC en 2008; à ce titre, il a supervisé l’enquête de 2008 sur la mort subite. Au moment de son témoignage, il avait 21 ans d’expérience dans les services policiers.Note de bas de page 648 Il a joint les FC en 1985 et a d’abord servi comme membre de l’infanterie, dont une affectation outre-mer, à Chypre, en 1988. En 1989, il est devenu membre de la police militaire.Note de bas de page 649 Il a été envoyé en poste comme caporal à la BFC de Suffield en 1990, où il assumait des fonctions de patrouille. En 1994, il a été promu au grade de caporal-chef et affecté à la BFC de Cold Lake, où il a assumé des fonctions de patrouille et participé à des opérations de sécurité.Note de bas de page 650 En 1997, il a été promu au grade de sergent et affecté à la BFC de Dundurn en tant que commandant de détachement de la PM. En 2000, il a été envoyé en mission à l’étranger, en Bosnie, et en 2002, il a été en poste en Israël et en Syrie.Note de bas de page 651

21. En 2004, l’adjum Watson a été affecté au SNEFC RO en tant qu’adjudant-maître du détachement. Puis, en 2007, il a été envoyé en mission en Afghanistan. Par la suite, il a repris son poste d’adjudant-maître du détachement au SNEFC RO, qui est celui qu’il occupait au moment du suicide du cpl Langridge. Ses fonctions englobaient la supervision de toutes les enquêtes en cours du SNEFC. Il était également responsable du recrutement, de la discipline et des opérations courantes du détachement.Note de bas de page 652 Il ne participait pas à la conduite au jour le jour des enquêtes, dont le nombre atteignait normalement entre 30 et 50 à tout moment donné. Plutôt, les gestionnaires de cas l’informaient de la progression des enquêtes, car ils étaient directement en contact avec les enquêteurs. Il n’examinait pas les entrées dans le SISEPM sur une base quotidienne et n’assistait pas aux réunions entre les gestionnaires de cas et les enquêteurs.Note de bas de page 653 Il intervenait plus directement dans une enquête seulement lorsque cela était nécessaire.Note de bas de page 654 Entre mars et juillet 2008, l’adjum Watson était le commandant par intérim du détachement SNEFC RO.

22. En termes de formation comme enquêteur de la PM et du SNEFC, l’adjum Watson a complété la formation de base de la police militaire, soit la qualification de niveau NQ3 de la PM en 1989,Note de bas de page 655 et celle de niveau NQ5A en 1991. Il a obtenu la qualification NQ6A, qui requiert une formation d’environ un mois, lors de sa promotion au grade de sergent,Note de bas de page 656 de même que la qualification de niveau NQ6B, aussi d’une durée d’un mois, en 2001, au moment où il a été promu au grade d’adjudant.Note de bas de page 657 En 2004, il a complété le cours d’enquêteur criminel de la PM, une condition essentielle pour entrer au SNEFC,Note de bas de page 658 lequel dure environ trois semaines et couvre les techniques d’enquête avancées. Parmi les autres qualifications de l’adjum Watson au moment de l’enquête de 2008, il y avait un cours de formation hors fonction (OST) en gestion des cas graves, d’une durée de trois semaines et portant sur la gestion des cas importants qui chevauchent plusieurs compétences et impliquent plusieurs forces policières,Note de bas de page 659 qu’il a terminé en 2006.Note de bas de page 660

23. L’adjum Watson avait de l’expérience dans la conduite et la supervision des enquêtes sur des morts subites, après avoir participé à environ 26 enquêtes sur des morts subites en Afghanistan, portant généralement sur des décès survenus sur le champ de bataille, et quelque trois enquêtes sur des morts subites au Canada.Note de bas de page 661 Bien qu’il n’ait jamais mené d’enquête sur un suicide comme enquêteur principal, il possédait une expérience de la supervision des enquêtes sur des suicides, ainsi que sur des décès accidentels et des morts au combat.Note de bas de page 662

Le major Brian Frei

24. Le Maj Brian Frei (lcol Frei au moment de son témoignage devant la CPPM en octobre 2012) était le commandant adjoint du SNEFC au moment de l’enquête sur la mort subite du cpl Langridge.Note de bas de page 663 Il a examiné le rapport d’enquête et a souscrit à ses conclusions le 3 juillet 2008.Note de bas de page 664

25. Le Maj Frei s’est enrôlé en 1991 et a fréquenté le Collège militaire royal du Canada jusqu’à l’obtention de son diplôme en 1995.Note de bas de page 665 Il a complété une maîtrise en physiqueNote de bas de page 666 à l’Université Queen’s avant de suivre la formation de la PM à la BFC de Borden en 1997.Note de bas de page 667 Il a été affecté à la BFC d’Esquimalt en janvier 1998, où il a agi comme officier responsable des opérations de sécurité pendant environ un an et demi avant d’être nommé Grand Prévôt adjoint pour la région du Pacifique.Note de bas de page 668

26. En 2000, le Maj Frei a été affecté au SNEFC en tant qu’enquêteur au sein du Détachement des enquêtes délicates à Ottawa. Il est demeuré à Ottawa pendant environ deux ans et a achevé son affectation au poste d’officier responsable des opérations.Note de bas de page 669

27. Le Maj Frei a été envoyé en mission en Bosnie comme commandant du détachement du SNEFC en 2003. Il est revenu au Canada à l’été 2003 et a été affecté comme commandant du détachement du SNEFC, région de l’Atlantique. Il est resté dans ce poste pendant deux ans avant de retourner à Ottawa comme adjoint exécutif du GPFC, un poste qu’il a occupé pendant les deux années qui ont suivi.Note de bas de page 670

28. À l’été 2007, le Maj Frei a été réaffecté au SNEFC comme commandant adjoint, sous les ordres du lcol Garrick. Il a occupé ce poste jusqu’à l’automne 2008, lorsqu’il a été choisi comme commandant de la compagnie de la PM des FC en Afghanistan; il est parti en mission en octobre 2009. En juin 2012, le Maj Frei a été nommé commandant du SNEFC.Note de bas de page 671

29. Le Maj Frei a mené diverses enquêtes au cours de la période où il a été enquêteur. Cependant, il n’a jamais mené une enquête sur une mort subite.Note de bas de page 672

Le lieutenant-colonel Bud Garrick

30. Le lcol Bud Garrick (lcol à la retraite Garrick au moment de son témoignage devant la CPPM en octobre 2012) était le commandant du SNEFC au moment de l’enquête sur la mort subite du cpl Langridge.Note de bas de page 673 Il n’y a aucune indication que le lcol Garrick ait été impliqué dans cette enquête dans un rôle d’enquête, de supervision ou de conseil. Il ne semble pas avoir été consulté sur ce dossier alors qu’il était commandant du SNEFC.

31. Le lcol Garrick est entré dans la PM en 1981 comme soldat. Il a été envoyé en poste à la BFC d’Edmonton après sa formation de base de la PM et a été affecté à des patrouilles et à des enquêtes criminelles. Il est demeuré dans ce poste pendant cinq ans avant d’être envoyé à Cold Lake, en Alberta, en tant que policier militaire pour une période de cinq ans. Par la suite, il a de nouveau travaillé dans les services de patrouille et les enquêtes criminelles.Note de bas de page 674

32. Le lcol Garrick a ensuite été accepté dans le programme de formation universitaire pour les sous-officiers et a fréquenté l’Université du Manitoba, obtenant un diplôme en criminologie. Puis il s’est inscrit au cours d’officier de la PM. Après sa formation d’officier, le lcol Garrick a été affecté comme commandant de section de l’Unité des enquêtes spéciales à Winnipeg.Note de bas de page 675

33. En 1997, suite à la création du SNEFC, le lcol Garrick a été transféré à Ottawa comme officier des opérations du SNEFC pour la Région centrale, poste qu’il a occupé pendant deux ans. Il a ensuite été affecté à la Section des enquêtes délicates du SNEFC, où il est aussi demeuré deux ans. Par la suite, il a été envoyé en mission en Syrie et en Bosnie, où il a dirigé une équipe d’enquêteurs ciblant la corruption et le marché noir.Note de bas de page 676

34. À son retour au Canada, le lcol Garrick a été affecté au Détachement du soutien des enquêtes du SNEFC, où il s’est occupé principalement de surveillance, de renseignement criminel, de polygraphe et de criminalité informatique. Il est resté à ce poste pendant deux ans avant d’être affecté comme Grand Prévôt adjoint, supervisant l’élaboration des politiques, la gestion des dossiers et les demandes d’accès à l’information. Il a occupé cette fonction pendant un an, puis a été affecté à Greenwood, en Nouvelle-Écosse, comme commandant du détachement de la PM pour une période de deux ans.Note de bas de page 677

35. En 2005, le lcol Garrick est retourné à Ottawa comme officier supérieur des opérations pour le SNEFC. En 2006, il a été promu au grade de lieutenant-colonel et a pris le commandement du SNEFC. Il a occupé ce poste pendant deux ans avant d’assumer les fonctions de directeur général adjoint du Service canadien de renseignements criminels en juin 2008. En 2009, il est passé à la pratique privée comme consultant.Note de bas de page 678

Les enquêtes de 2009 et de 2010 : premier plus proche parent et négligence criminelle

Le matelot-chef Eric McLaughlin

36. Le Matc Eric McLaughlin (m 2 McLaughlin au moment de son témoignage devant la CPPM en septembre 2012) était l’un des enquêteurs initialement assigné à l’enquête de 2009.Note de bas de page 679 Il a travaillé à cette enquête avec le Maj Dandurand entre novembre 2009 et la mi-janvier 2010, lorsqu’il a participé au déploiement en Haïti.Note de bas de page 680 Il a aussi eu une participation très limitée dans l’enquête de 2008, prenant des notes durant l’entrevue du cplc Fitzpatrick menée par le cplc Ritco.Note de bas de page 681

37. Le Matc McLaughlin est entré dans les FC en septembre 2001.Note de bas de page 682 Après avoir terminé sa formation de base, il a été envoyé à l’École de la police militaire pour y suivre la formation de niveau NQ3.Note de bas de page 683 Il a complété cette formation en février 2003,Note de bas de page 684 et pendant les trois années qui ont suivi, il a été en poste à la BFC d’Edmonton en tant que policier militaire sur la base.Note de bas de page 685 En 2006, il a été détaché auprès du SNEFC RO.Note de bas de page 686 Cette affectation a duré un an et a permis au Matc McLaughlin de participer au travail du SNEFC.Note de bas de page 687 A la fin de cette année, il est retourné à son unité pour compléter deux mois supplémentaires de fonctions de patrouille, jusqu’à ce qu’il soit officiellement nommé en poste au SNEFC en 2007.Note de bas de page 688 Il a terminé son cours d’enquêteur criminel de la PM en novembre 2007.Note de bas de page 689 Il est demeuré au SNEFC RO jusqu’en 2012.Note de bas de page 690 Au moment de l’audience, il occupait un poste à l’École de la police militaire des FC.Note de bas de page 691

38. Au moment de sa participation à l’enquête de 2009, il avait été membre du SNEFC depuis un peu plus de deux ans, sans compter sa période de détachement. Il avait acquis de l’expérience dans la conduite de moins d’une dizaine d’enquêtes pour négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 692 Sa formation policière officielle jusqu’à ce point, outre les cours de formation requis de la PM et le cours d’enquêteur criminel, consistait en une formation sur l’utilisation de la force, une formation sur la recevabilité des déclarations, ainsi qu’une formation d’enquêteur dans les cas d’agression sexuelle.Note de bas de page 693

Le caporal-chef David Mitchell

39. Suite au départ du Matc McLaughlin, le cplc David Mitchell (sgt Mitchell au moment de son témoignage devant la CPPM en septembre 2012) a assisté le Maj Dandurand dans l’enquête de 2009, entre la mi-février et la fin mars 2010.Note de bas de page 694 À la fin de mars 2010, le cplc Mitchell a assumé un rôle plus central; en effet, il a mené l’enquête jusqu’au début de septembre 2010, lorsqu’il a quitté le détachement pour aller en affectation.Note de bas de page 695 Il a été désigné enquêteur principal dès le début de l’enquête de 2010, soit en mai 2010, et a occupé ce poste jusqu’à son départ en septembre 2010.Note de bas de page 696

40. Le cplc Mitchell a joint les Forces canadiennes en 2002 et il a reçu ses titres de compétence comme policier militaire à l’été 2003.Note de bas de page 697 Sa première affectation a été à la 5e Escadre de Goose Bay, dans le nord du Labrador, où il est resté jusqu’en 2006.Note de bas de page 698 Il a ensuite été affecté au 1er Peloton de la police militaire à Edmonton, où il est demeuré deux ans et demi,Note de bas de page 699 suivi d’une affectation au poste de garde de la police militaire à la BFC d’Edmonton, où il a passé un peu de temps à effectuer des tâches de patrouille avant d’être affecté au SNEFC RO en août 2009.Note de bas de page 700 Il est resté au SNEFC RO jusqu’au début de septembre 2010, lorsqu’il a reçu instruction de compléter le volet en résidence de son cours de la QEL et, immédiatement après, il a entrepris un détachement d’un an à la GRC.Note de bas de page 701 Au moment de l’audience, il était en poste en Afghanistan comme policier militaire.Note de bas de page 702

41. Le cplc Mitchell a débuté en tant que stagiaire quand il s’est joint au SNEFC en août 2009.Note de bas de page 703 Pendant sa période de stage, il travaillait sous la supervision d’un membre qualifié et n’a pas été désigné comme enquêteur principal dans aucun dossier.Note de bas de page 704 Le Maj Dandurand était officiellement en charge de l’enquête de 2009 jusqu’à la fin du stage du cplc Mitchell à la fin de mars 2010. Toutefois, le cplc Mitchell était responsable de la plupart des démarches effectuées dans ce dossier.Note de bas de page 705 Il a également démontré qu’il devançait ses pairs et son stage a été écourté.Note de bas de page 706

42. Le cplc Mitchell n’avait pas beaucoup d’expérience dans la conduite d’enquêtes sérieuses et délicates avant de devenir enquêteur principal pour les enquêtes de 2009 et de 2010. Lorsqu’il a débuté au sein du SNEFC, une bonne partie de son temps a été consacrée à l’achèvement des cours de formation requis. Il a participé à un cours d’endoctrinement du SNEFC d’une durée d’une semaine en septembre et au cours sur les enquêtes criminelles de la PM, qui s’est déroulé de la mi-octobre à la fin novembre 2009.Note de bas de page 707 Cela signifie, qu’avant sa participation à l’enquête de 2009, le cplc Mitchell avait, selon sa propre estimation, un peu plus de trois mois entiers d’expérience dans les enquêtes sérieuses et délicates.Note de bas de page 708 Au cours de cette période de trois mois, le cplc Mitchell a participé à quelques enquêtes sérieuses et délicates, y compris une affaire de documents falsifiés, quelques enquêtes sur des agressions sexuelles, et des enquêtes d’autres membres de la police militaire, mais comme il était stagiaire, il n’a pas été enquêteur principal.Note de bas de page 709 Il n’avait pas participé en tant que membre du SNEFC à des enquêtes pour négligence dans l’exécution d’une tâche militaire ni à aucune enquête de négligence criminelle avant sa participation aux enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 710 Mise à part la formation requise de la PM, il ne semble pas que le cplc Mitchell ait suivi d’autres cours en lien avec les enquêtes policières avant d’entreprendre l’enquête de 2009 ou celle de 2010.Note de bas de page 711

Le sergent Scott Shannon

43. Le sgt Scott Shannon a pris le relais comme enquêteur principal dans l’enquête de 2009 en septembre 2010, après le départ du cplc Mitchell.Note de bas de page 712 Il est demeuré enquêteur principal jusqu’à la conclusion de l’enquête.Note de bas de page 713 Bien qu’il n’ait jamais été officiellement affecté à l’enquête de 2010, il a effectué un examen théorique de la plainte qui a été inclus dans la présentation PowerPoint finale destinée à l’équipe de commandement.Note de bas de page 714

44. Le sgt Shannon s’est joint aux FC en juillet 1999.Note de bas de page 715 Après une formation de base, il a complété sa formation de niveau NQ3 à l’École de la police militaire en février 2001.Note de bas de page 716 Il a ensuite été affecté au Détachement de la 17e Escadre à Dundurn, en Saskatchewan, où il a servi durant quatre années et demie, au cours desquelles il a participé à son premier déploiement international dans le golfe Persique, où il a exercé des fonctions générales de patrouille.Note de bas de page 717 En septembre 2004, le sgt Shannon a complété le cours d’enquêteur criminel de la PMNote de bas de page 718 et, en 2005, il est devenu membre du SNEFC.Note de bas de page 719 Le sgt Shannon a servi au sein du SNEFC, à Halifax, pendant les six années qui ont suivi,Note de bas de page 720 puis il a été transféré à Edmonton et au détachement du SNEFC RO en septembre 2010.Note de bas de page 721 Au moment de l’audience, il était posté au 1er Régiment de la police militaire à Edmonton, où il a été l’adjudant du peloton de soutien.Note de bas de page 722

45. En ce qui concerne sa formation, le sgt Shannon a suivi un certain nombre de cours de techniques policières avant de participer aux enquêtes de 2009 et de 2010, y compris un cours de la GRC consacré aux enquêtes sur les scènes de crime, ainsi que des cours internes sur l’identification et la collecte de preuves médico-légales, la cybercriminalité, les enquêtes dans les cas d’agression sexuelle et l’examen des scènes de crimes électroniques.Note de bas de page 723 Il n’avait pas suivi le cours sur les entrevues judiciaires offert par les FC.

46. En plus de compléter les cours de police suivis en cours d’emploi, le sgt Shannon a obtenu un diplôme en application de la loi, un diplôme en justice pénale et, au moment de l’audience, il étudiait en vue d’obtenir une maîtrise en administration publique.Note de bas de page 724

47. Le sgt Shannon a mené 109 enquêtes criminelles en tant qu’enquêteur principal au cours de sa carrière.Note de bas de page 725 Avant de participer à l’enquête de 2009, il avait mené trois enquêtes différentes sur la négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 726 Il avait également participé à la rédaction et à la révision de politiques militaires, en particulier l’IPO du SNEFC sur les morts subites,Note de bas de page 727 mais n’avait aucune expérience préalable dans une enquête portant sur une accusation de négligence criminelle ayant causé la mort ou toute autre accusation en lien avec la négligence criminelle.Note de bas de page 728

L’adjudant Blair Hart

48. L’adj Blair Hart était adjudant des opérations et a agi comme gestionnaire de cas depuis le début des enquêtes de 2009 et de 2010 jusqu’en juillet 2010.Note de bas de page 729 Son mandat comme adjudant des opérations a coïncidé avec la période durant laquelle le Matc McLaughlin a été affecté à l’enquête de 2009 et, subséquemment, avec celle où le cplc Mitchell a travaillé sur les enquêtes de 2009 et de 2010. À l’été 2010, l’adj Hart a assumé le poste d’adjudant des opérations de soutien.Note de bas de page 730 Quoi que beaucoup moins impliqué dans la gestion quotidienne des dossiers d’enquête, y compris les enquêtes de 2009 et de 2010,Note de bas de page 731 il était encore membre de l’équipe de commandement et devait prendre la relève lorsque l’adj Bonneteau n’était pas disponible.Note de bas de page 732

49. L’adj Hart a commencé sa carrière militaire comme réserviste en 1980.Note de bas de page 733 En 1986, il a joint la Force régulière et, après une formation de base, a complété sa formation de niveau NQ3 à l’École de la police militaire en novembre 1986.Note de bas de page 734 En 1987, il a été affecté comme policier militaire formé à la BFC de Shilo, au Manitoba;Note de bas de page 735 il a ensuite été muté à l’Unité de la garde de sécurité militaire au Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, puis à l’École de la police militaire des FC, d’abord dans un rôle de sécurité puis dans un rôle d’enseignement.Note de bas de page 736 En juillet 2001, il a été affecté au SNEFC à Borden, où il a complété sa formation d’enquêteur criminel de la PM en octobre 2001.Note de bas de page 737 Durant cette affectation, il a servi en Bosnie comme enquêteur du SNEFC.Note de bas de page 738 En 2005, il a été envoyé au SNEFC RO et, au cours de cette affectation, il a participé à la mission en Afghanistan.Note de bas de page 739 À son retour au Canada, il a été affecté à la BFC d’Edmonton puis, en 2009, il est retourné au SNEFC RO.Note de bas de page 740 Il a servi comme adjudant des opérations pendant environ 12 à 14 mois, après quoi il est devenu adjudant des opérations de soutien, supervisant les programmes des renseignements criminels et de lutte antidrogue.Note de bas de page 741 En 2011, il a été envoyé en poste à Halifax et au bureau du SNEFC, région de l’Atlantique, où il se trouvait au moment de son témoignage.Note de bas de page 742

50. L’adj Hart était policier militaire depuis 23 ans et avait travaillé au SNEFC pendant six de ces années lorsqu’il a été impliqué dans l’enquête de 2009.Note de bas de page 743 Il a été promu adjudant par intérim en décembre 2008, ce qui veut dire qu’il aurait eu à peu près un an d’expérience comme superviseur avant de participer à l’enquête de 2009.Note de bas de page 744

51. L’adj Hart avait de l’expérience dans la conduite d’enquêtes portant sur un éventail de cas d’allégations de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 745 Il a aussi agi comme superviseur dans une enquête portant sur des allégations similaires à de la négligence criminelle causant la mort, mais dont les faits n’avaient aucune ressemblance avec les faits relatifs au suicide du cpl Langridge.Note de bas de page 746 Il n’avait aucune expérience pertinente à l’infraction prévue au Code criminel concernant l’obligation des personnes dirigeant l’exécution d’un travail de prévenir les lésions corporelles et n’avait pas connaissance qu’une telle accusation ait déjà été portée dans le contexte des FC.Note de bas de page 747

L’adjudant Sean Bonneteau

52. L’adj Sean Bonneteau (adjudant à la retraite Bonneteau au moment de son témoignage devant la CPPM en septembre 2012) était adjudant des opérations pour les enquêtes de 2009 et de 2010, à compter de l’été 2010 et jusqu’à la conclusion des deux dossiers.Note de bas de page 748 La période durant laquelle il a été adjudant des opérations a coïncidé avec le rôle du sgt Shannon comme enquêteur principal dans l’enquête de 2009 et l’examen fait par le sgt Shannon de l’enquête de 2010.

53. L’adj Bonneteau est entré dans les FC en juillet 1987.Note de bas de page 749 Il a débuté sa carrière dans l’Armée de l’air comme technicien en armes aériennes jusqu’à son passage à la branche de la police militaire en janvier 2001.Note de bas de page 750 En octobre 2001, il a complété son cours de niveau NQ3 de la PM et a été affecté comme patrouilleur au détachement de la PM de la BFC d’Edmonton.Note de bas de page 751 Il a ensuite été affecté au SNEFC RO en avril 2003 comme enquêteurNote de bas de page 752 et il a complété le cours de formation d’enquêteur criminel de la PM en octobre 2003.Note de bas de page 753 En juillet 2006, l’adj Bonneteau a été envoyé en mission en Afghanistan, où il a assuré la sécurité d’une équipe travaillant à l’extérieur de la base des Forces canadiennes et, par la suite, il a travaillé comme enquêteur du SNEFC.Note de bas de page 754 En août 2007, il a été affecté de nouveau au SNEFC RO et a été choisi pour devenir spécialiste du détecteur de mensonges. Il a suivi le cours d’examinateur polygraphiste durant une période d’étude et de formation intense allant d’août 2007 à mars 2008, après quoi il est devenu polygraphiste pour la région de l’Ouest.Note de bas de page 755 Au cours des années suivantes, il a aussi eu trois courtes affectations en Afghanistan.Note de bas de page 756 En juillet 2010, il a été affecté comme adjudant des opérations pour le SNEFC RO et coordonnateur du polygraphe pour le SNEFC.Note de bas de page 757 Il a pris sa retraite de l’armée en mai 2011, peu de temps après la conclusion des enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 758

54. L’adj Bonneteau n’était policier militaire que depuis 17 mois lorsqu’il est devenu membre du SNEFC.Note de bas de page 759 Il s’agit d’un passage très rapide de la PM régulière à ce qui était considéré comme un rang de plus haut niveau au sein du SNEFC.Note de bas de page 760 Alors qu’il était au SNEFC, l’adj Bonneteau a rapidement gravi les échelons vers un poste de supervision, allant du grade de caporal à celui d’adjudant au cours des cinq années qu’il a passées au SNEFC.Note de bas de page 761 Il est devenu adjudant en juin 2010,Note de bas de page 762 quelques semaines seulement avant d’assumer des fonctions de supervision dans les enquêtes de 2009 et de 2010. Sa seule autre expérience de supervision avant sa participation aux enquêtes de 2009 et de 2010 semble avoir été acquise comme chef d’équipe d’une enquête en Afghanistan pendant une période de deux semaines.Note de bas de page 763

55. En termes de formation, l’adj Bonneteau a suivi un cours d’enquêteur pour les cas d’agression sexuelle contre des adultes ou des enfants, le cours d’examinateur polygraphiste, un cours sur les entrevues judiciaires et un cours d’enquêteur dans les cas de crimes graves; il a aussi participé à plusieurs séminaires sur divers sujets, y compris la gestion des cas graves et les informateurs.Note de bas de page 764 L’adj Bonneteau a mené des enquêtes sur un large éventail d’infractions de nature militaire ou en vertu du Code criminel, mais a été incapable de dire avec certitude s’il avait déjà enquêté sur des allégations de négligence criminelle ou de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 765 Il n’avait jamais participé à une enquête relative au défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence ou au défaut d’un employeur d’assurer un milieu de travail sécuritaire à ses employés.Note de bas de page 766

Le major Daniel Dandurand

56. Le Maj Daniel Dandurand était le commandant du détachement de la RO pendant toute la durée des enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 767 Il était aussi commandant du détachement lorsque l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge a été découverte, après la conclusion de l’enquête de 2008, et que la note a été remise aux Fynes subséquemment.Note de bas de page 768

57. Le Maj Dandurand a joint les FC en 1994 dans le cadre du programme de formation des officiers de la force régulière.Note de bas de page 769 Il n’a pas réussi à devenir pilote et s’est alors inscrit à l’École de la police militaire, à Borden, complétant sa formation en mai 2002.Note de bas de page 770 Il a commencé sa carrière dans la branche de la PM en effectuant d’abord une période d’emploi provisoire pour les officiers d’une durée d’un an.Note de bas de page 771 Il a passé les six premiers mois à la BFC de Petawawa, où il s’est familiarisé avec les procédures d’un détachement et a effectué des tâches de patrouille.Note de bas de page 772 Il a ensuite été envoyé au SNEFC à Ottawa pendant six mois, où il a travaillé au sein de la cellule des enquêtes délicates du SNEFC, un détachement qui traitait des crimes les plus délicats et les plus graves sur lesquels enquêtait le SNEFC.Note de bas de page 773 Il a servi en Afghanistan en 2003 comme commandant de peloton de la PM multinationale et a passé environ huit mois là-bas,Note de bas de page 774 retournant ensuite à Ottawa pour travailler comme adjoint exécutif du Grand Prévôt.Note de bas de page 775 À l’été 2005, il a été affecté au Royaume-Uni en tant que commandant en second d’une compagnie de la PM. Alors qu’il occupait ce poste, il a été envoyé en mission en Irak dans le cadre de la participation du Royaume-Uni aux opérations dans la région.Note de bas de page 776 Du Royaume-Uni, il a été affecté directement comme commandant du détachement de la région de l’Ouest en juillet 2008.Note de bas de page 777 Il est resté à ce poste jusqu’en juillet 2011.Note de bas de page 778 Au moment de l’audience, le Maj Dandurand était commandant de l’École de la police militaire des FC.Note de bas de page 779

58. Avant d’occuper le poste de commandant du détachement, le Maj Dandurand avait été policier militaire pendant six ans, mais son expérience au sein du SNEFC provenait des six mois passés au SNEFC durant sa période d’emploi provisoire,Note de bas de page 780 soit cinq ans avant de devenir commandant du détachement.Note de bas de page 781 Il n’a terminé son cours d’enquêteur criminel de la PM que plusieurs mois après être devenu commandant du détachement, une situation qu’il ne considérait pas inhabituelle.Note de bas de page 782 Il a eu une exposition limitée aux enquêtes de la PM durant son emploi provisoire. Le reste de son expérience a été acquis à l’étranger, dont une partie importante dans des zones de conflit.

59. Le Maj Dandurand n’avait pas fait d’enquête sur une mort subite, ni aucune enquête portant sur le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence ou le défaut d’un employeur d’assurer un milieu de travail sécuritaire à ses employés.Note de bas de page 783 Il avait participé à une enquête portant sur des allégations de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire, qui comprenait une allégation d’application et de compréhension erronées de la politique,Note de bas de page 784 mais qui n’était pas par ailleurs similaire à l’enquête de 2009. La formation du Maj Dandurand consistait à avoir suivi le cours de la PM, le cours d’enquêteur criminel de la PM et un cours sur la gestion des cas graves,Note de bas de page 785 ainsi que des séminaires de perfectionnement professionnel. La preuve semble indiquer qu’il n’a suivi aucune autre formation spécialisée en matière d’enquête.Note de bas de page 786

Le lieutenant-colonel Gilles Sansterre

60. Le lcol Gilles Sansterre a été le commandant du SNEFC d’août 2008 à avril 2011.Note de bas de page 787 Il était commandant pendant toute la durée des enquêtes de 2009 et de 2010, sauf les dernières semaines. Il était aussi commandant lorsque l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge a été découverte, après la conclusion de l’enquête de 2008, et que la note a été remise aux Fynes subséquemment.

61. Le lcol Sansterre a joint les rangs de l’armée en mars 1985Note de bas de page 788 et a complété son cours de niveau NQ3 en juillet de la même année.Note de bas de page 789 Il a été affecté à Halifax comme policier militaire, a complété une formation universitaire en 1993 et ​​a ensuite été nommé officier dans la branche de la police militaire.Note de bas de page 790 De là, il a eu des affectations à Halifax, à Winnipeg ainsi qu’à Borden, à l’École de la police militaire.Note de bas de page 791 Il a été envoyé en mission au Kosovo et en Afghanistan à trois reprises pour y mener des enquêtes.Note de bas de page 792 En 2001, il a été muté à Ottawa au poste de Grand Prévôt adjoint, Service national des enquêtes.Note de bas de page 793 Au cours des trois années suivantes, il a commandé deux détachements différents – le détachement du soutien et celui de la Région centrale.Note de bas de page 794 Il a été promu au grade de lieutenant-colonel en 2006 et a ensuite été nommé aux postes de Grand Prévôt adjoint, Gestion des ressources, et de Grand Prévôt adjoint, Normes professionnelles.Note de bas de page 795 En août 2008, il a pris le commandement du SNEFC.Note de bas de page 796 Au moment de l’audience, il était commandant adjoint du groupe de la police militaire nouvellement formé.Note de bas de page 797

62. Le lcol Sansterre n’a pas suivi le cours d’enquêteur criminel de la PM, mais il avait suivi un cours général en techniques d’enquête donné par la police d’Ottawa.Note de bas de page 798 À deux reprises, il a travaillé à des enquêtes sur des morts subites impliquant un suicide, mais seulement comme premier intervenant.Note de bas de page 799 Il n’avait jamais eu l’occasion d’enquêter sur une allégation de négligence criminelle, mais il avait déjà enquêté sur des allégations de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 800

4.1 L’enquête de 2008

4.1.1 Enquête sur la mort subite

Questions soulevées par les plaignants

1. Les plaignants soulèvent de nombreuses préoccupations au sujet de la façon dont l’enquête de 2008 sur la mort subite du cpl Stuart Langridge a été menée. Ils allèguent que les enquêteurs du SNEFC chargés d’enquêter sur la mort du cpl Langridge ont mené leur enquête sans but clairement défini ou compris, et qu’ils n’ont pas répondu de manière appropriée aux questions devant faire l’objet d’une enquête.Note de bas de page 801 Ils allèguent que les enquêteurs n’ont pas défini la portée de l’enquête de façon appropriée et que le SNEFC, dans son ensemble, n’a pas donné une orientation adéquate à cet égard. En général, ils allèguent que les membres du SNEFC qui ont participé à l’enquête n’avaient pas les compétences, le professionnalisme, l’expérience et la formation nécessaires pour conduire cette enquête.Note de bas de page 802

2. En plus de ces allégations générales, les plaignants soulèvent un certain nombre de questions spécifiques, plusieurs portant sur le traitement de la scène du décès, y compris des allégations de manque de respect envers la dépouille du cpl Langridge.

3. Les personnes visées par la plainte nient les allégations et affirment qu’ils ont suivi toutes les politiques et procédures pertinentes pour les enquêtes de police générales qui étaient en vigueur à l’époque. Ils nient également les allégations spécifiques liées au traitement de la scène du décès et, en particulier, ils nient qu’il y a eu un manque de respect envers la dépouille du cpl Langridge.

4. Un examen détaillé des événements entourant la découverte du corps du cpl Langridge et des actions des enquêteurs du SNEFC présents sur les lieux est essentiel pour évaluer les allégations tant générales que spécifiques visant cet aspect de l’enquête de 2008.

Réponse initiale à la mort du cpl Langridge

5. À 15 h 20, le samedi 15 mars 2008, le cpl Roger Hurlburt a ouvert la porte de la chambre F314 du bloc 164 de la caserne et a découvert le corps du cpl Langridge pendu à une boucle nouée autour du cou.Note de bas de page 803 Le cpl Langridge ne s’était pas rapporté au comptoir de service à l’heure prévue (tel que l’exigeaient les conditions que le régiment lui avait imposées). Constatant que le cpl Langridge n’avait pas répondu au téléphone ni aux appels lancés devant la porte verrouillée de sa chambre de la caserne où il avait passé la plus grande partie des 24 dernières heures, le cpl Hurlburt est retourné au centre de service afin de signaler la situation. Le cpl Hurlburt a obtenu une clé du sgt Trent Hiscock, l’officier de service ce jour-là, et a reçu l’ordre d’ouvrir la porte et d’entrer dans la pièce. Quand il est retourné à la caserne et a découvert le corps, le cpl Hurlburt a constaté que la peau du cpl Langridge était froide et qu’il n’y avait aucun pouls.Note de bas de page 804 Le cpl Hurlburt est revenu en véhicule au centre de service et a informé le sgt Hiscock de la mort du cpl Langridge. Le sgt Hiscock a ordonné au cpl Hurlburt de retourner à la chambre de la caserne et d’y attendre l’arrivée de la police militaire.

6. On ignore précisément quand le régiment a signalé le décès au personnel d’urgence mais, à 15 h 45 le 15 mars 2008, le Sdt Jesse Neill du Service des incendies de la garnison de la BFC d’Edmonton (SIGE) a contacté la 1ère Unité de la police militaire.Note de bas de page 805 Il a informé le sgt Pierre Rioux que les pompiers de la base répondaient à un appel signalant qu’un décès était survenu dans la pièce F314, au 164 chemin Ortona. Le cpl Scott Broadbent et le cpl Tyler James Bruce-Hayes, membres de la PM, ont été dépêchés sur les lieux. Ils sont arrivés à environ 15 h 46, en même temps que du personnel de la caserne de pompiers de la base.Note de bas de page 806

7. Le cpl Hurlburt a laissé entrer le cplc Ken Munro du SIGE dans la pièce, le premier à y pénétrer après que le corps du cpl Langridge ait été découvert.Note de bas de page 807 Le cpl Bruce-Hayes est entré en même temps, a franchi le seuil de la pièce, mais n’est pas allé plus loin que le corps.Note de bas de page 808 Le cplc Munro a vérifié les signes vitaux et n’a détecté aucun pouls ou respiration. Il a observé que le visage du cpl Langridge était pâle et que des marques de cyanose étaient évidentes (l’apparition d’une coloration bleue ou pourpre sur la peau causée par le manque d’oxygène dans le sang) autour des lèvres et de la bouche.Note de bas de page 809 Ces observations ont été confirmées par le cplc Bob Bowen du SIGE.Note de bas de page 810 Le cplc Munro s’est ensuite avancé au-delà du corps du cpl Langridge et a récupéré son porte-monnaie et des pièces d’identité de son bureau.

8. Le personnel des services d’incendie est alors resté en dehors de la pièce avec les membres de la PM. Le cpl Bruce-Hayes a observé que le corps était pendu à une barre de traction dans la pièce et que les bras étaient pourpres du coude vers le bas.Note de bas de page 811 À 15 h 55, le cpl Bruce-Hayes a commencé à interroger le cpl Hurlburt sur ce qui s’était passé.Note de bas de page 812 Pendant ce temps, le sgt Marty Van Delen du SIGE a contacté le Bureau du médecin légiste en chef (ML) à Edmonton, et il a été informé qu’un enquêteur du Bureau du médecin légiste était en chemin.Note de bas de page 813

9. A 15 h 56, soit onze minutes après que le décès ait été signalé à la PM, le 1er répartiteur de l’unité de la PM a contacté l’adj Ross Tourout du SNEFC et l’a informé du décès.Note de bas de page 814 À 16 h 02, les membres du personnel paramédical Jacques Coppens et Steve Gillingham du Service d’incendie et d’ambulance de St. Albert se sont rendus sur les lieux. Ils ont confirmé qu’il n’y avait plus de signes vitaux, notant que la peau était froide et moite, et de couleur pourpre, et ils sont repartis à 16 h 10.Note de bas de page 815

10. À 16 h 05, le sgt Jon Bigelow de l’équipe nationale de lutte antidrogue du SNEFC a reçu un appel téléphonique de l’adjum Barry Watson, l’adjudant-maître du détachement et le commandant par intérim du détachement du SNEFC de la région de l’Ouest (RO) en mars 2008.Note de bas de page 816 L’adjum Watson a informé le sgt Bigelow de la découverte du corps du cpl Langridge à la caserne et a demandé son aide pour mener une enquête sur la mort subite sous la direction du cplc Matthew Alan Ritco, qui a été affecté comme enquêteur principal parce qu’il était l’enquêteur de service du SNEFC sur appel ce jour-là.Note de bas de page 817 Même si le sgt Bigelow enquêtait sur des affaires de stupéfiants, l’adjum Watson a demandé son aide parce que le SNEFC RO manquait de personnel.Note de bas de page 818 Le sgt Bigelow a accepté sans hésitation et il a été invité à contacter le cplc Ritco pour l’informer de la situation. Le sgt Bigelow a donné instruction au cplc Ritco de le rencontrer au SNEFC RO.

11. À 16 h 08, le cpl Bruce-Hayes a été informé que l’adjum Watson avait dépêché des enquêteurs du SNEFC sur la scène. Le cpl Bruce-Hayes a reçu l’ordre de sécuriser les lieux et de ne laisser entrer personne dans la pièce.Note de bas de page 819 Le cpl Bruce-Hayes et le cpl Broadbent ont laissé la porte fermée, sont demeurés à l’extérieur de la pièce et ont veillé à ce que le personnel non autorisé n’y entre pas.Note de bas de page 820 Avant que les enquêteurs du SNEFC n’arrivent sur les lieux, le cpl Bruce-Hayes et le cpl Broadbent ont consigné leurs observations de la pièce et du corps du cpl Langridge, notant qu’il était pendu à une ceinture de combat nouée autour du cou,Note de bas de page 821 précisant aussi la manière dont il était vêtu, le fait qu’il y avait une chaise juste derrière le corps, et prenant note d’une partie du contenu de la pièce.Note de bas de page 822

Les enquêteurs du SNEFC se rendent sur la scène

12. Il y a eu un certain délai entre le signalement du décès du cpl Langridge au SNEFC à 15 h 56 et le début de l’enquête. Avant de se rendre à la BFC d’Edmonton, le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont dû mettre leur uniforme, prendre du matériel et franchir la distance qui les séparait de la base.Note de bas de page 823 Les enquêteurs ont chargé des trousses d’enquête (matériel de collecte de preuves, formulaires de déclaration, caméras et équipement) dans un des véhicules de l’unité.Note de bas de page 824 Le sgt Bigelow a dit dans son témoignage que le travail fait au détachement avait pris environ 15 minutes, et qu’il avait fallu cinq minutes pour se rendre en voiture au détachement de la PM de la base.Note de bas de page 825

13. A 16 h 55, le cplc Ritco et le sgt Bigelow sont arrivés au poste de garde de la PM de la BFC d’Edmonton. Ils ont parlé au sgt Rioux et ont été informés de ce que l’on savait à ce moment sur l’incident et l’identité de la personne décédée. Le sgt Bigelow a écrit dans ses notes que les événements qui avaient abouti à la mort du cpl Langridge étaient encore incertains, mais que le cpl Langridge avait été vu pour la dernière fois à 12 h 30 et qu’il était peut-être au défilé des contrevenants.Note de bas de page 826 Le cplc Ritco a enregistré cette information dans une entrée du SISEPM consacrée à l’enquête. Le sgt Rioux a également informé le cplc Ritco que le Service des incendies et la PM de la base étaient sur les lieux.Note de bas de page 827

14. Voulant obtenir plus de renseignements sur le défunt avant de se rendre sur les lieux, le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont effectué une vérification dans le SISEPM sur le cpl Langridge, alors qu’ils se trouvaient au détachement de la PM.Note de bas de page 828 On leur a dit qu’un représentant du Bureau du ML était en chemin et ils ont attendu son arrivée au détachement de la PM.

Arrivée de l’enquêteur du Bureau du médecin légiste en chef de l’Alberta

15. Dans la province de l’Alberta, le médecin légiste en chef est tenu, en vertu d’une loi provinciale, la Fatality Inquiries Act,Note de bas de page 829 d’enquêter sur les décès inattendus ou inexpliqués.Note de bas de page 830 Le médecin légiste en chef doit déterminer, dans toute la mesure possible, la cause médicale du décès, comment celui-ci est survenu, l’identité de la personne décédée, la date, l’heure et le lieu de la mort, et les circonstances dans lesquelles le décès est survenu.Note de bas de page 831 M. Dennis Caufield, un enquêteur du Bureau du médecin légiste en chef (« enquêteur du ML ») de l’Alberta, est arrivé au détachement de la PM à 17 h 12.Note de bas de page 832

16. Dans son témoignage, M. Caufield a indiqué qu’il avait 27 ans d’expérience au Bureau du médecin légiste en chef, et 23 ans d’expérience en tant que médecin légiste enquêteur principal.Note de bas de page 833 Il a dit dans son témoignage que ses fonctions commencent en répondant à tout appel signalant un décès. Il doit ensuite vérifier si, en fait, ce décès doit être déclaré au ML et nécessite une enquête en vertu de la Fatality Inquiries Act.

17. Après l’arrivée de M. Caufield au détachement de la PM, celui-ci ainsi que le cplc Ritco et le sgt Bigelow se sont rendus sur la scène du décès du cpl Langridge à 17 h  21.Note de bas de page 834 Leurs montres n’étant pas réglées exactement à la même heure, les notes du cplc Ritco situent leur arrivée à 17 h 24.Note de bas de page 835 Cela a causé de légères différences dans les notes et les documents produits au cours de l’enquête.

18. Les enquêteurs sont arrivés sur les lieux environ une heure et demie après que le SNEFC ait été informé du décès. Ils ont rencontré le cpl Bruce-Hayes et le cpl Broadbent et ont été informés que des membres du Service d’incendie et d’ambulance s’étaient rendus sur les lieux afin de vérifier les signes vitaux et confirmer la mort du cpl Langridge. Le porte-monnaie contenant l’identification militaire et le permis de conduire du cpl Langridge, récupérés dans la pièce, ont été remis au cplc Ritco à 17 h  28.

Comprendre les allégations : quelques questions clés
Qu’est-ce qui a été fait et pourquoi?

19. Les plaignants allèguent que le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont mené l’enquête sur la mort subite de 2008 sans but clairement défini ou compris, et qu’ils ne disposaient pas des compétences et de l’expérience nécessaires pour mener cette enquête. Les personnes visées par la plainte ont répondu que les enquêteurs du SNEFC avaient travaillé de façon approfondie et avec professionnalisme tout au long de l’enquête, et que les membres du SNEFC devaient traiter une mort subite avec la même rigueur qu’un homicide. Les personnes visées par la plainte font valoir que même si, sur les lieux, une mort subite ressemble à un suicide, le SNEFC prendra tous les moyens et fera tous les efforts pour éviter de mettre des œillères.Note de bas de page 836

20. Une première question découlant des allégations a trait à la compréhension que le cplc Ritco et le sgt Bigelow avaient de la raison de leur présence sur la scène du décès et ce qu’ils ont fait en conséquence. Les enquêteurs du SNEFC et l’enquêteur du médecin légiste (ML) ont des mandats différents et des compétences différentes. Les enquêteurs du SNEFC comprenaient-ils ces différences? Ont-ils mis à contribution l’expertise de M. Caufield, l’enquêteur du ML, et son expérience des scènes de suicide apparent? Ont-ils rajusté leur approche de quelque façon en se basant sur ce qu’ils ont trouvé sur les lieux? Ont-ils pris des mesures raisonnables et conformes à une enquête sur un homicide?

Qu’ont fait les membres du SNEFC pour analyser les renseignements et les données disponibles?

21. À partir des éléments de preuve et des renseignements disponibles, il aurait dû être évident dès le début de l’enquête sur la mort subite de 2008 que la mort du cpl Langridge n’était pas une mort suspecte. Pourtant, il n’existe aucune preuve que la forte probabilité d’un suicide ait été prise en considération, même comme hypothèse de travail. L’absence d’évaluation et d’analyse continues de l’information peut avoir eu de lourdes conséquences sur la qualité de l’enquête initiale, ainsi que sur la planification et la conduite de l’enquête sur la mort subite subséquente. Pour évaluer l’enquête, il importe de déterminer pourquoi autant d’indications claires quant à la nature du décès du cpl Langridge sont passées inaperçues, et de comprendre l’objectif des mesures minutieuses prises sur les lieux avant et après l’enlèvement du corps. Il est également nécessaire d’examiner ce que ces mesures ont accompli et si elles étaient compatibles avec leur objectif déclaré.

A-t-on manqué de respect envers la dépouille du cpl Langridge?

22. Les allégations de manque de respect étant particulièrement préoccupantes pour les plaignants, il faut examiner les éléments de preuve afin de pouvoir déterminer ce qui s’est vraiment passé en lien avec le corps du cpl Langridge et s’il y a eu quelque élément de manque de respect.

23. Les Fynes allèguent que les enquêteurs du SNEFC ont manqué de respect envers le cpl Langridge en ne dépendant pas immédiatement son corps. Ils allèguent également que son corps n’a pas été caché à la vue durant le traitement de la scène et qu’il aurait dû être recouvert ou masqué pour empêcher qu’il ne soit laissé en spectacle.

24. Selon les personnes visées par la plainte, le corps du cpl Langridge a été traité en tout temps de manière respectueuse.Note de bas de page 837 D’après elles, il revenait à l’enquêteur du ML de décider quand le corps pouvait être déplacé. Ils font également valoir qu’il n’était pas approprié ou nécessaire de couvrir le corps du cpl Langridge durant le traitement de la scène et que le SNEFC n’avait pas le pouvoir de dépendre le corps.

Comment la scène a-t-elle été traitée après l’enlèvement du corps? Comment faut-il procéder dans le cas d’une mort subite?

25. Après l’enlèvement du corps du cpl Langridge, les enquêteurs du SNEFC ont poursuivi le traitement de la scène et la collecte d’éléments de preuve. Le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont saisi ce qu’ils croyaient être des pièces pertinentes et ont recueilli tous les effets personnels du cpl Langridge. Les éléments de preuve saisis ont-ils été utiles? Des éléments de preuve importants ont-ils été oubliés? Quelle était la valeur de cette façon de procéder, et quelles en ont été les conséquences?

26. Chacune de ces séries de questions sera examinée à tour de rôle.

Traitement de la scène : ce qui a été fait et pourquoi?

27. Les enquêteurs du SNEFC et l’enquêteur du ML ont pris le contrôle de la scène du décès peu après leur arrivée.Note de bas de page 838 La petite chambre rectangulaire de la caserne était normalement destinée à loger un seul membre des FC détenant le grade de soldat ou de caporal.Note de bas de page 839 La porte s’ouvrait sur un couloir étroit dans lequel était installée une barre de traction située à plusieurs pieds du seuil. À gauche de la porte se trouvaient une garde-robe et des armoires, et à droite, la porte de la salle de bain commune. Le corps du cpl Langridge était suspendu à la barre de traction, une ceinture militaire tressée nouée autour du cou. Il y avait une chaise noire derrière le cpl Langridge. La chambre contenait aussi un lit simple, un petit bureau et une vanité avec un lavabo. Au milieu du mur faisant face au nord, entre le lit et le bureau, se trouvait une fenêtre ouverte dont les stores étaient également ouverts. Des livres, des magazines et des documents appartenant au cpl Langridge, ainsi que sa note de suicide et un stylo se trouvaient sur le bureau. Des vêtements étaient empilés sur une valise déposée sur le lit. Le cplc Ritco a fait un dessin de la pièce et l’a inclus dans le dossier d’EG.Note de bas de page 840

28. Avant que les enquêteurs commencent à traiter la scène, M. Caufield a commencé à examiner le corps du cpl Langridge. Dans son témoignage, M. Caufield a indiqué que son travail consistait principalement à effectuer un examen du corps et à faire des observations sur sa position et son état afin de déterminer s’il existait un signe indiquant que la mort était le résultat d’un acte criminel :

[traduction]

C’est vraiment important pour nous car cela modifie la nature de l’enquête. Si nous devions voir quelque chose suggérant qu’il y avait une blessure ou quelque chose qui pourrait laisser penser que quelqu’un d’autre était impliqué, nous arrêtons le processus à ce stade et nous impliquons les autres couches de l’application de la Loi, la Section de l’identification judiciaire, dans ce cas, ce serait l’Unité des crimes graves de la GRC, ces types de choses. Donc, c’est une de nos fonctions, quand on y va, c’est pour examiner cela pour être sûr que nous sommes convaincus que ça n’a pas l’apparence d’une mort criminelle.Note de bas de page 841

29. Au cours de son témoignage, M. Caufield a mentionné qu’il pouvait être appelé deux à trois fois par jour pour des décès semblables, et qu’il avait en tête la liste des renseignements à obtenir.Note de bas de page 842 Il a ajouté qu’il aurait également demandé des renseignements aux membres du SNEFC, dont le nom du défunt, sa date de naissance, le moment où il a été retrouvé mort, quand il avait été vu la dernière fois, et s’ils avaient trouvé une note de suicide.Note de bas de page 843 Il est rapidement arrivé à l’hypothèse que le décès correspondait à un suicide classique par pendaison.Note de bas de page 844

30. Le cplc Ritco a dit lors de son témoignage qu’après l’examen initial effectué par M. Caufield du corps du cpl Langridge, il avait demandé à M. Caufield l’autorisation de prendre des photos et de faire une vidéo de la scène.Note de bas de page 845 Vers 17 h 33, le cplc Ritco a commencé à photographier la scène.Note de bas de page 846

31. Le cplc Ritco a dit dans son témoignage que les étapes à suivre lors du traitement des lieux variaient d’une fois à l’autre. Il a affirmé que la sécurité des agents et la préservation de la vie venaient en tête des priorités en arrivant sur les lieux. La préservation de la preuve venait au second rang des priorités.Note de bas de page 847

32. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait élaboré un plan de ce qui devait être fait avant d’entrer dans la pièce, le cplc Ritco a répondu que son objectif était de s’assurer que la continuité de la preuve, s’il y en avait une, ne soit pas compromise.Note de bas de page 848

33. Le cplc Ritco a déclaré qu’à ce moment-là, il n’aurait pas engagé une discussion avec M. Caufield pour formuler une hypothèse préliminaire visant à déterminer si la mort était suspecte. Il a affirmé [traduction] « [selon] mon expérience, je traite chaque enquête en gardant l’esprit ouvert. Même si l’enquêteur du ML dit [...] ‘cela semble être un suicide’, c’est bien, je prends cela en considération, mais en définitive je mène mon enquête avec un esprit ouvert ».Note de bas de page 849 Ce besoin de garder l’esprit ouvert, même lorsque les renseignements et les éléments de preuve incitent à conclure qu’il s’agit probablement d’un suicide, signifiait qu’à partir de ce point l’accent serait mis sur l’obtention d’une information complète plutôt que sur la formulation de conclusions à partir de renseignements déjà recueillis.

Témoignages d’experts sur le traitement d’une scène de décès

34. La Commission a entendu les témoignages d’enquêteurs spécialisés dans les crimes graves du Service de police d’Edmonton (SPE), de la Police provinciale de l’Ontario (OPP) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Leurs approches en répondant à un rapport de mort subite et dans le traitement d’une scène de décès ne sont pas identiques. Le dénominateur commun est que chaque étape a un objectif précis et est exécutée sans retard inutile. Il importe de ne pas adopter une vision trop étroite ou de tirer des conclusions non fondées au début de l’enquête. Ces enquêteurs sont formés pour évaluer une scène de décès sur la base des renseignements disponibles et pour formuler des opinions sur la nature suspecte ou non du décès. Cette étape essentielle oriente les activités subséquentes sur les lieux du décès.Note de bas de page 850

35. Le personnel du SPE a accumulé une vaste expérience dans la conduite des enquêtes sur des décès, puisque ses agents mènent chaque jour une ou deux enquêtes de ce genre.Note de bas de page 851 Le sergent d’état-major William Clark, qui supervise la section des homicides au SPE, décrit de quelle manière l’approche dépend de l’information disponible sur les lieux. Il a expliqué lors de son témoignage que les patrouilleurs qui répondent à l’appel initial signalant un décès déterminent, sur la base de l’information disponible, si le décès est ou non de nature criminelle. Rien n’est touché et la scène est sécurisée. Quelle que soit la nature de la mort, la personne qui a signalé le décès doit être interrogée sur les lieux. L’agent responsable consulte alors un sergent, un commandant de garde ou un autre supérieur afin de tirer une conclusion sur la nature du décès. Lorsqu’il est établi que la mort ne semble pas suspecte, un enquêteur du ML est appelé afin de prendre en charge la scène et de conduire l’enquête.Note de bas de page 852 Si les policiers présents sur les lieux croient que la mort est suspecte, une équipe d’identité judiciaire est d’abord envoyée pour rassembler tous les éléments de preuve. Dans un tel cas, les détectives chargés des cas d’homicide sont appelés pour faire enquête sur le décès mais, normalement, ils n’entrent même pas sur les lieux tant que l’équipe d’identification n’a pas examiné la scène et terminé la collecte des éléments de preuve. Lorsqu’il s’agit d’une mort criminelle commise dans la province de l’Alberta, le ML n’est habituellement contacté pour enlever le corps de la victime qu’après que la police a procédé au traitement de la scène.Note de bas de page 853

36. Le sgt é‑m Clark a déclaré qu’un officier pourrait prendre en considération, lorsqu’il doit déterminer si une pendaison apparente était un suicide, le fait que la scène semble être ou non conforme à cette interprétation. La position et l’état du corps devraient être évalués pour voir s’ils sont compatibles avec un décès par suicide. Par exemple, dans les cas de suicide par pendaison, le corps se retrouve suspendu relativement bas – ainsi, lorsqu’une personne est suspendue bien au-dessus du sol, cette personne a-t-elle pu se pendre elle-même, sans l’effort d’une autre personne? Essentiellement, la question est de savoir si la scène dans son ensemble est cohérente, et s’il y a quelque chose d’incongru dans la manière apparente dont la mort s’est produite? L’enquêteur voudra aussi connaître le passé du défunt et avoir une meilleure vue d’ensemble de ce qui peut avoir conduit cette personne au suicide.Note de bas de page 854 La présence ou l’absence d’une note de suicide ne sera pas, en soi, un facteur déterminant pour établir si le décès est suspect.Note de bas de page 855 Lorsque le policier dépêché sur les lieux ou un supérieur considère que quelque chose est suspect ou soulève des questions, il contactera des détectives spécialisés dans les homicides pour obtenir leur opinion; des détectives pourront même être dépêchés sur les lieux pour obtenir l’opinion de spécialistes. Souvent, en raison de son expertise considérable des scènes de décès, le ML peut aussi être contacté.

37. L’inspecteur-détective William Olinyk de la Direction des enquêtes criminelles (DEC) de l’OPP a indiqué lors de son témoignage que si le policier qui s’est rendu initialement sur les lieux ou un superviseur a quelque raison de soupçonner que la mort pourrait être de nature criminelle, le superviseur de la zone où le crime a eu lieu (un sergent-détective) participera à la discussion.Note de bas de page 856 Le sergent-détective évaluera la scène et décidera si elle répond aux critères requis pour que l’enquête soit confiée à un membre du service des enquêtes criminelles, en l’occurrence un inspecteur-détective. Ce dernier est alors chargé de déterminer s’il faut aussi faire appel à un gestionnaire des cas graves.

38. L’inspecteur-détective Olinyk a dit dans son témoignage que l’approche initiale pour un suicide apparent est la même que pour un homicide connu,Note de bas de page 857 et l’enquête subséquente est très similaire à celle d’un homicide. Les agents portent une combinaison intégrale contre le risque biologique pour s’assurer que rien n’est perturbé, ramassé ou laissé derrière.Note de bas de page 858 La scène et les éléments de preuve sont sécurisés, et personne n’a le droit d’entrer ou de sortir.Note de bas de page 859 Une décision quant à la nature du décès sera prise en consultation avec le coroner, en gardant à l’esprit que l’examen post-mortem pourrait changer la nature de l’enquête. Une fois que l’autopsie est terminée et que l’évaluation des données disponibles a démontré qu’il n’y avait rien de suspect, l’OPP est en mesure de conclure que la mort est un suicide.Note de bas de page 860

39. L’inspecteur Brendan Fitzpatrick, de la Division « E » de la Section des crimes graves de la GRC en Colombie-Britannique, a indiqué lors de son témoignage que l’approche employée par la GRC pour les scènes de décès était semblable à celle décrite par le sgt é-m Clark et l’inspecteur-détective Olinyk. Il a dit que [traduction] « [l]a règle numéro un est que toute enquête sur un décès est suspecte jusqu’à preuve du contraire »,Note de bas de page 861 mais il a ajouté que l’approche employée par la GRC pour le traitement de la scène dépendait aussi des opinions formulées sur la nature suspecte ou non suspecte du décès. Le policier ou l’enquêteur présent sur les lieux devrait obtenir des renseignements sur les témoins présents ou les circonstances entourant le signalement du décès. Il(elle) doit aussi préserver les éléments de preuve en sécurisant la scène et contacter un sous-officier ou un enquêteur principal, le cas échéant, pour qu’il se rende sur les lieux.Note de bas de page 862 La GRC met également à leur disposition des sous-officiers conseillers qui se rendront sur la scène et aideront à l’évaluation.Note de bas de page 863 Les membres de la GRC présents sur les lieux analysent ensuite les renseignements disponibles et ce qu’ils en auront conclu dictera les prochaines étapes.

40. L’inspecteur Fitzpatrick a dit lors de son témoignage qu’en règle générale, les membres de la Division « E » de la GRC ne libèrent la scène qu’une fois l’autopsie terminée.Note de bas de page 864 S’il y a une note de suicide, ou que les moyens utilisés pour causer la mort suggèrent qu’il s’agit d’un suicide, il est important de corroborer ces éléments de preuve et de s’informer auprès de la famille et des voisins sur l’état d’esprit de la personne décédée. Le coroner sera impliqué et donnera des directives sur la façon d’orienter l’enquête.Note de bas de page 865 Jusqu’à ce qu’il soit établi que la mort n’est pas suspecte, la GRC conserve et rassemble les éléments de preuve comme si elle menait une enquête criminelle, pour s’assurer qu’une éventuelle poursuite ne sera pas compromise.Note de bas de page 866

41. Lorsqu’il est établi que le décès n’est pas suspect, la Division « E » de la GRC mène une enquête au nom du coroner.Note de bas de page 867 Une mort non suspecte restera probablement l’affaire du policier ou de l’enquêteur répondant, lequel en assurera la coordination avec le coroner.Note de bas de page 868 Tous les éléments de preuve sur les lieux d’une mort non suspecte sont saisis selon les instructions du coroner.Note de bas de page 869 L’enquêteur doit faire enquête dans le voisinage afin de déterminer si des observations ou d’autres circonstances doivent être prises en considération et il prend la déposition de la dernière personne à avoir vu le défunt de son vivant.Note de bas de page 870

42. L’inspecteur Fitzpatrick a dit lors de son témoignage que s’il y a quelque indication permettant de penser que la mort est suspecte ou qu’il s’agit clairement d’un homicide, cela devient une enquête pour la GRC ou pour le service de police local, et tous les éléments de preuve seront alors saisis par la police. Des spécialistes de l’identité judiciaire seront appelés à examiner, traiter et documenter la scène, et le coroner sera consulté sur les actions prises et la mesure dans laquelle la dépouille peut être dérangée. Les spécialistes de l’identification judiciaire documentent la scène à l’aide de vidéos et de photographies et ils prennent des prélèvements d’ADN de matières telles que le sang. Un spécialiste de l’analyse des éclaboussures de sang pourrait être appelé dans le cas d’un suicide au besoin.Note de bas de page 871

Manquements initiaux de l’enquête sur les lieux du décès

43. Dans le cas présent, les enquêteurs ne semblent pas avoir pleinement compris ni l’objet de l’enquête sur la mort subite ni leur rôle dans cette enquête – qui était, dès le départ, de déterminer s’il y avait une indication quelconque que le cpl Langridge était décédé à la suite d’un acte criminel.Note de bas de page 872 Lorsqu’on lui a demandé si l’objectif était essentiellement de déterminer si un acte criminel avait pu être commis, le sgt Ritco a d’abord acquiescé, mais il a ensuite ajouté que sa fonction était aussi [traduction] « de savoir ce qui était réellement arrivé au cpl Langridge ».Note de bas de page 873

44. Cela dit, les enquêteurs du SNEFC ne se sont pas demandé pourquoi ils étaient sur la scène du décès du cpl Langridge ou ce qui devait plus précisément être fait dans les circonstances. Les enquêteurs n’ont pas évalué la scène et la mort de façon critique et ils n’ont pas réussi à déterminer le degré de suspicion associée au décès pour cibler leurs actions et adapter leur approche. Les membres du SNEFC semblaient conscients du fait que le Bureau du médecin légiste en chef avait l’autorité dans les enquêtes sur une mort subite, mais ils n’ont pas reconnu la nature de la fonction de M. Caufield en tant qu’enquêteur du ML, qui était d’enquêter sur la cause et les circonstances de la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 874 Les membres du SNEFC n’ont pas non plus compris leur propre fonction, qui était de déterminer s’il y avait quelque chose de suspect au sujet de ce décès qui nécessitait d’être approfondi par la police.

45. Contrairement au SPE,Note de bas de page 875 le SNEFC RO ne fait pas d’enquêtes sur des morts subites au nom du ML.Note de bas de page 876 En conséquence, le rôle des enquêteurs du SNEFC est limité aux aspects qui requièrent une enquête de police, et n’englobe pas de mener une enquête plus générale sur les causes et les circonstances d’un décès. Les enquêteurs affectés à cette affaire ne semblent pas avoir été conscients de cette distinction.

Mauvaise compréhension de la juridiction par les enquêteurs du SNEFC

46. Les services de police peuvent intervenir dans les enquêtes sur une mort subite de deux façons : en vertu de leur juridiction en matière policière ou au nom d’un ML ou d’un coroner.Note de bas de page 877 La Loi sur la défense nationaleNote de bas de page 878 autorise la PM à exercer les pouvoirs policiers dans l’application du Code de discipline militaire à l’endroit des membres des FC qui y sont assujettis.Note de bas de page 879 En 1972, le Code criminelNote de bas de page 880 a été modifié par la Loi modifiant le Code criminel,Note de bas de page 881 amenant les membres de la PM sous la définition d’« agent de la paix » dans le cadre du Code.Note de bas de page 882 La Cour suprême du Canada a statué, à la suite de cette modification, que les membres de la PM sont autorisés à appliquer le Code criminel sur la propriété des FC et à l’égard de membres des FC assujettis au Code de discipline militaire.Note de bas de page 883

47. Les observations finales des personnes visées par la plainte situent mal la problématique de la compétence en posant la question : « Qui a autorité sur la scène? » Elles affirment que [traduction] « [...] la scène appartient au ML ou au coroner, selon l’endroit. Cela signifie que le SNE travaillait aux côtés et collectait des éléments de preuve au nom du ML, dont la tâche est de déterminer avec certitude la cause du décès ».Note de bas de page 884 Les personnes visées par la plainte font valoir que le cplc Ritco et le sgt Bigelow étaient des enquêteurs agissant sous l’autorité du ML en conformité de la Fatality Inquiries Act de la province sur la scène du décès du cpl Langridge, ce qui leur conférait les pouvoirs et les responsabilités d’un enquêteur du ML.Note de bas de page 885

48. Les observations des personnes visées par la plainte présentent des explications incohérentes et contradictoires au sujet du rôle du SNEFC sur les lieux. Elles soutiennent que M. Caufield [traduction] « avait le contrôle de la scène » et qu’elles ont suivi ses instructions. Pourtant, elles affirment également qu’elles menaient une enquête indépendante.Note de bas de page 886 Cette explication suscite une certaine confusion quant au rôle du SNEFC dans une enquête sur un suicide, qui ressort également dans la preuve soumise à la Commission.

49. Le Maj Daniel Dandurand a répondu aux préoccupations des Fynes sur le temps qui s’est écoulé avant que le corps du cpl Langridge ne soit retiré, en déclarant :

[Traduction]

Voici la réalité -- le fait est, Sheila, que le médecin légiste exerce le contrôle sur la scène [...] À vrai dire, ce n’est pas ma scène jusqu’à ce qu’il arrive, et jusqu’à ce qu’il dise ce qui doit se passer. Et en fait [...] la police militaire suit ses instructions à la lettre. Je veux dire, il va faire -- s’il dit « Faites ça. », alors nous le faisons. S’il dit « Saisissez cette bouteille. », « Prenez cette bouteille de 26 onces. », « Prenez ce contenant de pilule. », alors c’est ce que nous faisons.

[...] Et puis, une fois qu’il – ou elle – est satisfait, une fois qu’ils sont convaincus que leurs instructions ont été suivies et qu’ils ont déterminé ce qui s’est produit, alors nous reprenons la scène et nous pouvons passer à toutes les autres procédures pénales/judiciaires que nous devons appliquer.Note de bas de page 887

50. Pour sa part, l’adjum Watson a dit lors de son témoignage que bien que le SNEFC soit entièrement responsable de la scène et de l’enquête dans le cas d’une infraction pénale comme une agression sexuelle dans sa sphère de compétence, en pratique, les enquêteurs du SNEFC suivent les directives du ML dans le cas d’une mort subite.Note de bas de page 888 Bien qu’il ait été d’avis que la PM ne fait pas partie des agences listées dans la Fatality Inquiries Act de l’Alberta et ne peut agir en tant qu’enquêteur du ML,Note de bas de page 889 il a précisé lors de son témoignage : [traduction] « Quand il y a une mort subite, le ML prend le contrôle de la scène et il peut donner des instructions sur ce qui doit être fait », ajoutant que chaque enquêteur qui a déjà travaillé pour le ML suivrait ses directives dans une enquête sur une mort subite.Note de bas de page 890

51. Selon le sgt Bigelow, lorsque l’adjum Watson l’a contacté à propos de la mort du cpl Langridge et lui a demandé de participer à l’enquête, il a reçu instruction d’attendre avec le cplc Ritco avant de se rendre sur les lieux parce que, dans les enquêtes sur une mort subite, la scène du décès est sous le contrôle du ML.Note de bas de page 891

52. Le cplc Ritco a dit dans son témoignage que la scène « appartenait » à M. Caufield en tant qu’enquêteur du ML. Le cplc Ritco a donc attendu que M. Caufield lui accorde la permission d’entrer sur les lieux avant de commencer à examiner et à traiter la pièce.Note de bas de page 892 Il a indiqué que le ML est [traduction] « celui qui fait l’autopsie ou l’analyse toxicologique. Il est celui qui produit le rapport final précisant la cause de la mort [...], et de quelle façon elle est survenue. Je dirais que la scène ou les lieux du crime lui appartiennent ».Note de bas de page 893 Cependant, le cplc Ritco a ajouté que dans un cas de mort subite, il mènerait effectivement une enquête parallèle sur le décès. Il a déclaré qu’il n’avait pas à obtenir l’autorisation du médecin légiste en chef pour ouvrir une telle enquête, mais que celle-ci ne devait pas nuire à l’enquête du ML :

[Traduction]

[Le ML] a la [compétence] principale sur la scène et, le cas échéant, les témoins et tout ce qui s’y trouve, n’est-ce pas? Il dicte que -- cette personne soit interrogée ou que vous n’êtes pas autorisé à aller là. Vous n’êtes pas autorisé à toucher à cela ou j’ai besoin de cela. Donc, je fais toujours mon enquête, mais je dois encore -- il a encore un mot à dire dans l’affaire.Note de bas de page 894

53. Tout comme les personnes visées par la plainte l’ont fait au début de l’enquête, il importe de noter que les plaignants ont également mal interprété les rôles du SNEFC et de l’enquêteur du ML. Ils n’ont pas reconnu les exigences différentes qui s’appliquent aux membres du SNEFC et à l’enquêteur du ML. Les observations des plaignants traitaient de qui contrôle la scène. L’avis obtenu par les plaignants auprès du Solliciteur général et de la Sécurité publique de l’Alberta, sur lequel paraît reposer l’opinion des plaignants sur cette question, part de l’hypothèse qu’une seule entité – le SNEFC ou l’enquêteur du ML – a compétence pour enquêter sur une mort subite survenue sur une base des FC. En réalité, chacun d’eux à un rôle différent à jouer.

54. Les compétences de la police et du ML ou de l’enquêteur du ML se chevauchent quelque peu, mais sont largement complémentaires dans le cas d’une scène de mort subite. En Alberta, la législation confie aux ML la fonction de déterminer la cause et les circonstances du décès ainsi que l’identité de la personne décédée, la date, l’heure et le lieu du décès, et les circonstances dans lesquelles la mort a eu lieu.Note de bas de page 895 Dans l’accomplissement de cette fonction, le ML ou l’enquêteur du ML présent sur la scène de la mort subite a le pouvoir d’établir un périmètre ou de sécuriser les lieux, d’entrer sur la scène sans mandat, et de saisir tout ce qui peut être directement lié au décès sans mandat.Note de bas de page 896 En outre, le ML a le pouvoir d’autoriser les membres de la GRC, d’autres agents de la paix et des membres des services de police responsables du maintien de l’ordre en Alberta à aider le ML dans la conduite de son enquête. Dans ces cas, les agents de police autorisés exercent les pouvoirs du ML pour sécuriser la scène, y pénétrer, et saisir des objets liés au décès.Note de bas de page 897 Cependant, ils ne peuvent exercer ces pouvoirs qu’avec l’autorisation du ML.Note de bas de page 898

55. Dans le cas présent, il semble que les enquêteurs du SNEFC n’avaient absolument pas la capacité d’agir comme enquêteurs du ML. Le SNEFC n’est pas énuméré dans la législation provinciale et ne semble pas répondre aux critères prévus dans la loi pour la désignation des enquêteurs du ML. Même si la loi permettait aux enquêteurs du SNEFC d’agir dans ce cas comme enquêteurs du ML, rien de ce qu’a fait M. Caufield n’indiquait qu’il avait autorisé le SNEFC à agir en son nom, et il n’y avait aucune indication que ce que les enquêteurs du SNEFC ont fait sur les lieux a été fait en son nom. En fait, le cplc Ritco a dit dans son témoignage devant la Commission que son enquête a été menée [traduction] « au nom de l’armée » et non au nom du ML.Note de bas de page 899 Il a fait remarquer que les objets qu’il avait saisis l’ont été en vertu de ses pouvoirs d’agent de la paix, affirmant : [traduction] « C’était la propriété du MDN. Le caporal Langridge, c’était sa chambre. Donc, je l’ai saisi dans le cadre de [...] mon enquête ».Note de bas de page 900

56. Le coroner ou le ML a pour mandat principal de tirer des conclusions sur la cause et les circonstances de la mort en examinant le corps. Bien que le coroner ou le ML ne soit pas « propriétaire » de la scène, il(elle) peut saisir des éléments de preuve dans la conduite de cette enquête. Le SNEFC, comme tout corps policier, est chargé d’enquêter sur la possibilité qu’il y ait eu un acte criminel ou une activité criminelle. Le coroner ou le Bureau du ML mène généralement les enquêtes sur les décès non suspects ou non criminels, la police jouant alors un rôle de soutien.Note de bas de page 901 Par ailleurs, les corps de police mènent les enquêtes sur les morts suspectes ou criminelles, et le ML ou l’enquêteur du ML présent sur la scène joue un rôle plus passif et termine son travail lorsque celui-ci n’entrave pas les efforts de la police.Note de bas de page 902 Le ML ne sera normalement pas appelé aussi rapidement pour une mort suspecte ou criminelle dans le but de donner aux policiers le temps d’évaluer la scène et de faire venir du personnel judiciaire, au besoin.Note de bas de page 903

Évaluation de la scène et de la preuve

57. Étant donné la nature complexe des enquêtes sur une mort subite, il n’y a pas de formule exacte à suivre pour déterminer quand et sur quelle base un acte criminel peut être exclu. Cependant, il y a certaines questions qu’un enquêteur devrait garder à l’esprit. Elles comprennent l’examen de la scène du décès et du corps pour y trouver des indices d’acte criminel; l’établissement de la chronologie des dernières heures et des derniers jours du défunt; et la recherche de circonstances dans la vie de la personne décédée pouvant laisser croire qu’il était plus ou moins possible qu’un acte criminel ait contribué à sa mort. Ces enquêtes portent généralement sur trois éléments clés, parfois appelés le « triangle d’or » :Note de bas de page 904 la scène, l’examen post-mortem, et l’histoire de la personne décédée. Ils peuvent nécessiter le recours à diverses techniques d’enquête policière, y compris mais sans s’y limiter : l’enquête sur la scène du crime, l’analyse médico-légale, les interrogatoires et l’examen de la documentation.

58. D’autres policiers enquêteurs de l’extérieur du SNEFC font des évaluations au sujet de la scène et de la nature du décès à partir des renseignements disponibles. Les membres du groupe d’experts de la police étaient conscients de la nécessité de ne pas porter des œillères et exclure des options, mais ils ont également souligné l’importance de former des hypothèses.Note de bas de page 905 Les enquêteurs présents sur les lieux doivent déterminer si le décès est suspect. Les circonstances de la scène dictent ce qui sera nécessaire pour faire cette détermination de façon appropriée.

59. Tant la scène que le corps du cpl Langridge étaient des sources d’information. Celle-ci devait être reconnue et analysée pour établir les circonstances de la mort du cpl Langridge. Les enquêteurs doivent être prudents et ne pas tirer de conclusions hâtives. Ils doivent rester ouverts à la possibilité que des renseignements qui surgissent ultérieurement soient incompatibles avec la théorie dominante de l’affaire et susceptibles de modifier complètement la nature de l’enquête. En conséquence, des mesures raisonnables doivent toujours être prises pour recueillir et conserver les éléments de preuve, dont la pertinence ne pourrait apparaître plus clairement qu’à une date ultérieure. Toutefois, le travail d’un enquêteur est d’analyser et de se faire une opinion sur la base des renseignements disponibles pour déterminer ce qui doit être recherché et de quelle manière.

60. Un projet de révision de l’annexe 1 du chapitre 7 des CPTPM datant de février 2008 énonçait ce qui suit : « Il n’y a aucune présomption de suicide au début de toute enquête sur un décès. Toutes les causes de décès possibles doivent être étudiées et éliminées dans le cadre d’une enquête ».Note de bas de page 906 Le col R. M. (Rod) Lander, Grand Prévôt adjoint de la police de 2004 à 2007 et Grand Prévôt adjoint de l’Armée en 2008, a indiqué lors de son témoignage qu’il avait émis un Bulletin de politique de la police renfermant cet amendement en 2005 comme révision temporaire de l’annexe des CPTPM de 2004, en précisant que : [traduction] « [ ...] ce [projet de révision de 2008] ou quelque chose de très similaire est l’amendement qui a été émis ».Note de bas de page 907

61. La preuve indique que c’était la politique en vigueur au moment de la mort du cpl Langridge. Les personnes visées par la plainte savaient qu’il était nécessaire d’écarter la possibilité d’un acte criminel dans la mort du cpl Langridge et de garder l’« esprit ouvert ».Note de bas de page 908 Toutefois, la mesure dans laquelle toutes les causes de décès possibles ont été étudiées ou éliminées par le cplc Ritco et le sgt Bigelow n’est pas claire. Le projet de révision de 2008 de l’annexe 1 du chapitre 7 des CPTPM (ainsi que la version de juillet 2004)Note de bas de page 909 donnait instruction aux membres enquêtant sur un suicide de « déterminer que les blessures de la victime étaient, en fait, auto-infligées ».Note de bas de page 910 Le travail effectué par les enquêteurs après leur arrivée sur les lieux ne fournit aucune indication qu’ils comprenaient ce qu’il fallait chercher sur les lieux d’une mort subite. Il semble que leur approche ne comprenait pas l’examen de la scène et de la zone autour du bâtiment pour recueillir des renseignements et des éléments de preuve en vue de déterminer si quelqu’un d’autre était impliqué dans le décès. Au lieu de cela, ils ont commencé à traiter la scène dans les moindres détails, mais apparemment sans penser à l’objectif visé par la preuve recueillie.

Déterminer si la mort était suspecte

62. Dès le départ, il aurait dû être clair que la mort du cpl Langridge n’était pas suspecte. Cela est passé inaperçu. Bien que les enquêteurs aient dit dans leur témoignage que leur objectif était d’écarter un acte criminel,Note de bas de page 911 rien dans le dossier d’enquête ne révèle une quelconque tentative pour lier ce qu’ils avaient observé sur la scène à une conclusion sur la probabilité d’un acte criminel. En fait, de nombreux signes étaient révélateurs d’une mort non suspecte, mais aucune tentative n’a été faite pour les repérer et les consigner dans le but d’analyser la scène.

63. Les membres du SNEFC n’ont pas adapté leur processus de manière appropriée aux circonstances. Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il n’avait fait aucune détermination initiale pour savoir si la scène était suspecte ou s’il y avait quoi que ce soit qui indiquerait que le décès n’était pas un suicide par pendaison. Il semble qu’il ne se soit formé aucune opinion, mentionnant lors de son témoignage [traduction] « je ne pouvais pas faire cette détermination à ce moment-là. Je venais juste d’arriver. J’avais besoin de procéder à un traitement des lieux pour savoir exactement ce qui s’était passé ».Note de bas de page 912 Dans son témoignage, le sgt Bigelow a reconnu qu’il ne soupçonnait pas alors la possibilité d’un acte criminel,Note de bas de page 913 mais il a déclaré qu’il croyait qu’aucune évaluation n’aurait pu être faite jusqu’à ce que la scène ait été traitée. Notamment, les notes prises par le sgt Bigelow dans la soirée du 15 mars 2008, décrivent la chambre de la caserne comme étant une « scène de suicide », ce qui pourrait laisser penser qu’il avait été davantage influencé par la preuve de l’enquêteur du ML sur les lieux qu’il ne s’en rappelait lors son témoignage.

64. Les enquêteurs du ML, qui ont une expérience considérable dans l’évaluation de scènes de mort subite, évaluent les exigences en matière de preuve de la scène et du corps afin de décider de la meilleure façon de procéder. M. Caufield a dit lors de son témoignage que l’examen initial du corps était sa principale préoccupation, car cela détermine la nature de l’enquête.Note de bas de page 914 Si la mort semble non suspecte, il prend alors environ six à huit photographies du corps, effectue une fouille des lieux pour trouver des articles potentiellement reliés au décès, et attend l’arrivée du service chargé d’emporter le corps.Note de bas de page 915 S’il y a une blessure sur le corps ou un autre indice que la mort pourrait être suspecte, l’enquêteur du ML en avise les services d’application de la loi, comme le SPE ou la GRC, afin que soient dépêchés sur les lieux des agents de l’identité judiciaire et des enquêteurs spécialisés dans les crimes graves.Note de bas de page 916

65. Si une preuve laissant soupçonner un acte criminel avait été découverte par les membres du SNEFC ou l’enquêteur du ML sur les lieux, il est peu probable que M. Caufield aurait ordonné que le corps du cpl Langridge soit déplacé ou retiré avant que la scène ait été entièrement traitée. L’empressement de M. Caufield à déplacer le corps du cpl Langridge et son opinion à l’effet que la mort était compatible avec un suicide classique par pendaisonNote de bas de page 917 reflètent fidèlement l’évaluation qu’aucun acte criminel n’était en cause dans ce décès. Cela se reflète aussi dans le fait que M. Caufield a informé les enquêteurs qu’une autopsie ne serait pas pratiquée sur le corps, et qu’il ferait seulement une série de tests de toxicologie sur des échantillons provenant du corps du cpl Langridge. Il les a informés que ceux-ci prendraient plusieurs mois à compléter.Note de bas de page 918

66. Si les enquêteurs du SNEFC avaient analysé la scène dans un but déterminé, ils auraient dû comprendre quelles mesures étaient nécessaires pour l’enquête. Cette première analyse leur aurait indiqué quoi chercher alors qu’ils étaient à l’affût d’éléments de preuve. S’ils enquêtaient sur la possibilité d’un acte criminel, ils auraient dû identifier tous les points d’entrée possibles dans la pièce et évaluer s’il n’y avait quelque indication qu’une autre personne soit entrée ou sortie de la pièce.Note de bas de page 919 Rien sur les portes et la fenêtre de la pièce ne suggérait une entrée forcée dans la chambre du cpl Langridge ou n’indiquait que quelqu’un s’y trouvait quand il est décédé. Ni le cplc Ritco ni le sgt Bigelow ne semblent avoir tiré de conclusions du fait que la porte de la chambre était fermée à clé lorsque le cplc Hurlburt a tenté d’entrer. Le sgt Bigelow s’est fait demander si lui ou le cplc Ritco avait inspecté la porte de la chambre de la caserne pour y trouver quelque trace d’entrée par effraction pendant qu’ils photographiaient. Il a répondu : [traduction] « Je ne pense pas que nous ayons fait plus que d’ordinaire pour vérifier cela, mais il a observé qu’il n’y avait pas eu d’entrée forcée ». Il ne se souvenait pas qui avait fait cette observation.Note de bas de page 920 Cela n’apparaît pas dans ses notes ou dans celles du cplc Ritco, ou même dans le dossier d’EG. Le cplc Ritco a reconnu au cours de son témoignage qu’il n’y avait aucun signe d’entrée par effraction, mais il n’a pas pris cela en considération au cours de l’enquête.Note de bas de page 921 Lors de l’enregistrement vidéo de la scène, le cplc Ritco ouvre la porte de la salle de bain commune, notant que la porte était verrouillée du côté de la chambre du cpl Langridge. Cela faisait de la salle de bain un autre point d’entrée ou de sortie très peu probable.

67. Le seul moyen plausible d’entrer ou de sortir a été à peine noté. La chambre se trouvait au troisième étage de l’immeuble de la caserne et la fenêtre de la chambre était ouverte. Cela était visible pour les membres du SNEFC – le bruit du vent battant dans le store pouvait être entendu sur la vidéo enregistrée sur la scène, et le cplc Ritco a mentionné que la fenêtre ouverte était la cause du bruit. Un enquêteur cherchant à déterminer si un acte criminel avait eu lieu aurait dû reconnaître la fenêtre comme un point d’entrée ou de sortie plausible. Comme la chambre était au troisième étage, il aurait fallu un effort considérable pour entrer par la fenêtre, ce qui aurait pu laisser des empreintes au sol ou même une corde, une échelle ou tout autre matériel d’escalade. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas examiné la fenêtre ou le sol sous la fenêtre pour trouver quelque preuve d’entrée ou de fuite. Ils n’ont pas examiné et photographié l’extérieur du bâtimentNote de bas de page 922 ou inspecté le périmètre autour du bâtiment où la chambre était située pour y trouver quelque indice de valeur probante.Note de bas de page 923

Tirer des conclusions à partir de l’examen du corps

68. Beaucoup d’information peut aussi être obtenue à partir du corps lui-même, par les observations de l’enquêteur et en s’appuyant sur les observations d’un coroner, d’un médecin légiste ou d’un enquêteur du ML. Alors que les enquêteurs spécialisés dans les scènes de décès n’ont pas le savoir-faire de ces professionnels de la médecine, un enquêteur compétent et expérimenté sera néanmoins au courant et tirera des conclusions à partir de ce que l’état du corps du défunt pouvait révéler sur la manière dont le décès est survenu.

69. Le sgt é‑m Clark du SPE a indiqué dans son témoignage que l’avis du médecin légiste était très important pour déterminer si la mort était suspecte.Note de bas de page 924 Un ML a beaucoup de crédibilité et il est appelé spécifiquement pour examiner les scènes de mort subite lorsqu’il y a une incertitude quant au caractère suspect d’un décès. Ainsi, lorsqu’un représentant du Bureau du ML conclut que les ecchymoses apparaissant sur un corps ne sont pas suspectes pour une raison donnée, cela aura un poids considérable pour les enquêteurs lorsqu’ils auront à se prononcer sur la nature du décès. Lors de son témoignage, l’inspecteur-détective Olinyk a indiqué que les enquêteurs de l’OPP considèrent également que l’avis du coroner est très important.Note de bas de page 925

70. M. Caufield a exprimé son opinion au sujet de la mort du cpl Langridge en disant qu’il s’agissait d’un suicide par pendaison. Il a commencé son évaluation en confirmant le décès du cpl LangridgeNote de bas de page 926 et, environ 10 à 15 minutes plus tard,Note de bas de page 927 il avait formé l’opinion que : [traduction] « [...] c’était de façon assez classique un suicide par pendaison ».Note de bas de page 928 Il a observé que le corps du cpl Langridge ne montrait pas de blessures visibles, ce qui laissait penser qu’il n’y avait pas eu d’attaque ou de lutte avant le décès.Note de bas de page 929 M. Caufield a également observé que les pieds du cpl Langridge avaient été en contact avec le sol tout le temps, ce qui signifie qu’il aurait pu, à tout moment, se relever (ou autrement mettre son poids sur ses pieds) et enlever la pression de son cou pour interrompre l’asphyxie. En outre, il aurait été presque impossible pour quelqu’un de maintenir le cpl Langridge dans cette position sans lui infliger des blessures ou des marques. La ligature elle-même était faite avec des nœuds, l’un autour de son cou et l’autre sur la barre de traction. C’était une manœuvre relativement simple qu’une personne pouvait mettre en place et exécuter elle-même.Note de bas de page 930

71. M. Caufield a témoigné au sujet des autres signes d’un suicide par pendaison, y compris les taches sombres de lividité évidente sur les bras, les mains et les pieds du cpl Langridge. La lividité dépend de la gravité par rapport au corps au moment du décès. Les signes étaient tout à fait compatibles avec la pendaison mais non compatibles avec une situation où une personne décédée dans une position différente aurait ensuite été placée en position suspendue.

72. M. Caufield a dit dans son témoignage que les pendaisons sont généralement des suicides et, à l’inverse, les homicides par pendaison sont [traduction] « extrêmement rares et tout à fait évidents quand vous les voyez ».Note de bas de page 931 De même, il a indiqué que les pendaisons accidentelles, comme dans les cas d’asphyxie auto-érotique, sont également rares.Note de bas de page 932

73. Le cplc Ritco n’avait pas une connaissance suffisante des questions telles que la lividité post-mortem ou son importance par rapport à l’analyse de la scène dans une enquête sur une mort subite.Note de bas de page 933 Plus précisément, il ne s’était pas rendu compte que l’accumulation de sang observée au niveau des mains et des bras du cpl Langridge indiquait fortement que la position dans laquelle le cpl Langridge avait été retrouvé était celle où il se trouvait au moment de son décès.Note de bas de page 934 Le cplc Ritco avait raison de dire lors de son témoignage que la lividité pouvait avoir une incidence sur la détermination du temps écoulé depuis la mort,Note de bas de page 935 mais ce n’était pas ce qu’il y avait de plus important dans une évaluation immédiate de la scène – et il n’y a aucune indication qu’il ait accordé quelque considération à cet indicateur post mortem à l’époque. En fait, le cplc Ritco tenait tellement à ne pas se faire une opinion sur place qu’il n’a pas réalisé ce que signifiait l’opinion exprimée par M. Caufield, à savoir qu’il était très peu probable qu’on ne retrouve pas de blessures visibles ou de signes de lutte si ce jeune homme en bonne santé était conscient pendant que quelqu’un tentait de le pendre contre son gré.Note de bas de page 936 Il ne s’est pas fait ou ne pouvait se faire une opinion, à partir des renseignements connus sur la position du corps et la lividité évidente, au sujet de la nature du décès et de l’hypothèse que d’autres personnes puissent avoir été impliquées.

74. Plus tard, dans la vidéo prise par le cplc Ritco, lorsque le corps est dépendu et placé sur une civière, M. Caufield explique qu’il n’y avait aucun signe d’hémorragie pétéchiale dans les yeux du cpl Langridge. Ces marques apparaissent lorsque l’asphyxie a été interrompue par la détente de la pression autour du cou, suivie d’un nouveau resserrement. La présence de pétéchies aurait pu indiquer qu’il y avait eu une forme de lutte au cours de laquelle la pression s’était arrêtée et puis avait repris. L’absence de ces marques indique qu’il n’y a pas eu de lutte. Le sgt Bigelow a noté l’absence de pétéchies dans le dossier d’EG.Note de bas de page 937

75. Les renseignements dont disposait M. Caufield à l’époque indiquaient que le cpl Langridge n’avait pas tenté de se redresser pour stopper l’asphyxie avant de mourir. Cet avis a contribué plus tard à la conclusion de l’enquêteur du ML, soit que la mort était compatible avec un suicide par pendaison.

Défaut d’appréhender des indications claires

76. L’information évidente pour un enquêteur expérimenté et les renseignements fournis par l’enquêteur du ML démontraient clairement que :

  • La porte de la chambre de la caserne était verrouillée de l’intérieur, de même que la porte de la salle de bain commune, et il n’y avait aucun signe d’entrée par effraction dans la pièce;
  • La chambre F314 se trouvait au troisième étage de l’immeuble, ce qui signifie qu’il n’était pas facile d’y pénétrer en passant par la fenêtre;
  • Il n’y avait aucun signe de lutte dans la pièce, ce qui ne serait pas le cas si un jeune homme en bonne santé physique avait été pendu contre sa volonté;
  • La lividité post-mortem indiquait que la position dans laquelle le corps du cpl Langridge avait été retrouvé était la même que celle dans laquelle il était mort;
  • Le corps du cpl Langridge ne montrait pas de blessures qui auraient pu suggérer une agression ou une cause de décès autre que la pendaison, et il n’y avait pas de blessures défensives;
  • Le cpl Langridge ne présentait pas de pétéchies, ce qui incite fortement à penser qu’il n’y avait pas eu de lutte;
  • Les pieds du cpl Langridge étaient en contact avec le sol, ce qui signifie qu’il aurait pu se relever à tout moment avant de perdre conscience;
  • Les nœuds de la ligature autour du cou du cpl Langridge et au point où elle a été attachée à la barre de traction dans la chambre étaient des nœuds simples qu’une personne pouvait faire elle-même;
  • Une chaise se trouvait juste derrière le cpl Langridge, peut-être pour que le cpl Langridge s’y tienne debout avant de se laisser tomber pour se pendre.Note de bas de page 938 Sa pertinence ne semble pas avoir été notée;
  • Le cpl Langridge a laissé une note de suicide à sa famille;
  • Le cpl Langridge avait enlevé sa montre, son collier, ses bagues, pour les placer à côté de la note de suicide;
  • Des renseignements avaient été obtenus avant de se rendre sur les lieux indiquant que le cpl Langridge avait parlé de ses idées suicidaires dans le passé.

77. L’information initiale établissait de façon éclatante que la cause du décès était le suicide. L’enquête de M. Caufield l’a amené à former rapidement l’opinion que la mort était un suicide classique par pendaison.Note de bas de page 939 Il a déclaré lors de son témoignage : [traduction] « [...] il n’y avait rien sur la scène du décès et sur le corps du cpl Langridge ou de choses de ce genre qui nous auraient fait penser qu’il pouvait s’agir d’autre chose qu’un suicide ».Note de bas de page 940

78. Le sgt Bigelow a inscrit dans ses notes que M. Caufield avait émis l’opinion sur les lieux que la mort était le résultat d’une [traduction] « pendaison évidente », mais le sgt Bigelow a dit dans son témoignage que cela ne voulait pas dire que la mort était un suicide, mais plutôt que cela signifiait seulement que [traduction] « [...] la personne qui était devant nous est décédée, était décédée en raison de la pendaison »Note de bas de page 941 Il a reconnu qu’il n’avait pas de souvenirs précis des événements et qu’il s’appuyait sur ses notes pour fournir cette interprétation. En fait, tel qu’indiqué ci-dessus, l’enregistrement vidéo de la scène commence par une déclaration du cplc Ritco à l’effet que l’enquêteur du ML était déjà entré dans la pièce et avait exprimé l’opinion qu’il soupçonnait que la mort était un suicide. Le sgt Bigelow a dit lors de son témoignage qu’il ne soupçonnait pas qu’un acte criminel était en cause lorsque le corps du cpl Langridge a été dépendu, ajoutant toutefois qu’il ne pouvait pas [traduction] « faire cette évaluation tant que nous n’avions pas complété le processus ».Note de bas de page 942

79. Le sgt Bigelow a dit lors de son témoignage que lui et le cplc Ritco étaient assujettis à des normes et des règles pour le traitement d’une scène, ce qui les obligeait à effectuer un travail approfondi pour exclure tout acte criminel. Il a déclaré, [traduction] « Nous sommes formés à traiter [la scène] selon une certaine norme, n’est-ce pas, et nous n’allons pas nous écarter de cela juste parce que [M. Caufield] a dit que c’est un suicide évident, non? C’est notre crédibilité qui est en jeu ».Note de bas de page 943

80. Le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont tous deux affirmé ne pas avoir accordé beaucoup de poids à l’opinion de M. Caufield. On leur a demandé si l’avis de M. Caufield avait eu une influence sur leur approche. Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il n’était pas en mesure de faire quelque évaluation avant de traiter la scène.Note de bas de page 944 Il a soutenu qu’il ne pouvait pas restreindre les possibilités à ce stade et qu’il devait garder l’esprit ouvert.Note de bas de page 945 Pour sa part, le sgt Bigelow a indiqué lors de son témoignage que l’avis de l’enquêteur du ML n’avait eu aucune incidence sur les décisions qu’il a prises concernant le traitement de la scène.Note de bas de page 946

81. Les enquêteurs ont consigné les observations de M. CaufieldNote de bas de page 947 et pris soin de documenter la scène exactement comme elle avait été trouvée, mais ils ne semblent pas avoir utilisé ces renseignements pour faire une évaluation préliminaire de la scène ou de la cause du décès du cpl Langridge. Ils n’ont pas analysé les renseignements et les éléments de preuve recueillis sur les lieux en vue de les appliquer à une quelconque hypothèse. La seule directive que le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont reçue de leurs supérieurs la journée du suicide a été de prendre leur temps et d’être minutieux.Note de bas de page 948 C’est ce qu’ils ont fait. Cependant, en raison du manque d’expérience et de supervision adéquate dans la conduite de sa première enquête sur une mort subite, le cplc Ritco ne s’est pas rendu compte si des pièces manquaient, et il ne savait pas trop quoi faire des éléments de preuve et des renseignements qu’il avait si laborieusement recueillis.

Questions spécifiques concernant le traitement de la scène : Manutention de la note de suicide

82. Le cpl Langridge avait laissé une note de suicide à sa famille et l’avait placée bien en évidence sur le bureau dans sa chambre de la caserne. Il a écrit :

[Traduction]

Désolé, mais je n’en peux plus. Je vous aime maman, Shaun, James, Mike, grand-maman, tante, Tom. Sachez que je devais faire cesser la souffrance. xoxo Stu

P.-S. Je ne mérite pas de funérailles spéciales, juste la famille. Merci.Note de bas de page 949

83. La note de suicide a été recueillie comme élément de preuve potentiel, mais elle n’a jamais fait l’objet d’une enquête ou d’une expertise judiciaire.

84. La note n’a pas été divulguée à la famille pendant plus de quatorze mois après la conclusion de l’enquête de 2008.Note de bas de page 950 Cela signifie que la famille n’a appris les dernières volontés du cpl Langridge que longtemps après ses funérailles. L’omission de divulguer l’existence même de la note a été, naturellement, une cause de frustration et de douleur considérables pour les plaignants.

Les avis des experts sur le traitement des notes de suicide

85. La valeur d’un plan défini et de l’analyse méthodique est illustrée par la façon dont les autres services de police adaptent leur processus d’enquête en fonction des circonstances du décès et de la scène. Lorsqu’une note de suicide est trouvée sur les lieux, un certain nombre de mesures peuvent être prises, y compris saisir la note, assurer la continuité et en vérifier l’authenticité à l’aide d’analyses. Toutefois, ces mesures ne sont prises que s’il y a un réel soupçon quant aux causes du décès parce qu’elles entraînent des dépenses importantes en temps et en ressources.

86. Les trois membres du groupe d’experts de la police étaient d’avis qu’ils ne saisiraient la note de suicide originale comme élément de preuve dans leur propre enquête que s’ils avaient des soupçons au sujet du décès. Le cas échéant, ils prendraient des mesures pour vérifier l’authenticité de la note.

87. Le sgt é‑m Clark a expliqué que l’enquêteur du ML menant l’enquête était responsable de la saisie de toutes les pièces de la preuve lorsque le décès était considéré comme étant de nature non criminelle et qu’il prendrait possession de toute note de suicide trouvée sur les lieux. La police ne prend qu’une copie de la note de suicide.Note de bas de page 951 Toutefois, dans le cas d’une mort suspecte ou d’origine criminelle, où les enquêteurs ont des raisons de croire que le suicide peut avoir été mis en scène, il devient essentiel de saisir la note de suicide originale et de la conserver pour en préserver la continuité comme élément de preuve. Dans de tels cas, le sgt é-m Clark a indiqué dans son témoignage que le SPE soumettrait [traduction] « absolument » la note à des analyses afin d’en vérifier l’authenticité, en utilisant des méthodes telles que l’analyse de l’écriture et les empreintes digitales.Note de bas de page 952

88. De même, l’inspecteur Fitzpatrick a précisé lors de son témoignage que la GRC ne saisirait l’original d’une lettre de suicide pour sa propre enquête que si le décès était jugé suspect et qu’autrement, elle ne serait saisie que sur les instructions du coroner.Note de bas de page 953 Lorsqu’un décès semble suspect, la GRC procédera à l’authentification de la note de suicide à l’aide d’empreintes digitales, de prélèvements d’ADN et d’une analyse de l’écriture. Ils iront même jusqu’à saisir le bloc de papier utilisé pour écrire la note de suicide et les stylos qui se trouvent dans la maison.Note de bas de page 954

89. L’inspecteur-détective Olinyk a indiqué lors de son témoignage que lorsqu’une mort semble être le résultat d’un suicide, la note de suicide n’est saisie qu’à la demande du coroner et au profit de l’enquête du coroner.Note de bas de page 955 Lorsque le décès semble le moindrement suspect, l’OPP analysera la note de suicide pour en confirmer l’authenticité. Les enquêteurs obtiennent des échantillons d’écriture de la famille du défunt et soumettent la note à l’examen de leur Centre des sciences judiciaires.Note de bas de page 956

Comment la note de suicide a-t-elle été traitée par le SNEFC?

90. En revanche, la note de suicide, comme le reste de la preuve recueillie sur les lieux, n’a jamais été évaluée ou examinée subséquemment ou même revérifiée par les membres du SNEFC. Entre 17 h 33 et 18 h  21, le sgt Bigelow a pris des notes concernant le contenu de la chambre de la caserne. Il a copié le texte de la note de suicide du cpl Langridge mot-à-mot.Note de bas de page 957 Une copie de la note a été numérisée dans le dossier d’EG, et le texte de la note a été tapé dans une zone de texte par le sgt Bigelow.Note de bas de page 958 À 19 h 12, le cplc Ritco a saisi la note de suicide, l’a placée dans un sac pour éléments de preuve qu’il a remis au sgt Bigelow.Note de bas de page 959 Comme pour les autres objets qu’il avait saisis sur les lieux, il portait des gants en latex pour éviter de contaminer les empreintes digitales ou les preuves d’ADN latentes qui pouvaient s’y trouver.Note de bas de page 960

91. Les précautions prises pour manipuler la note de suicide indiquent que le cplc Ritco comprenait la grande pertinence que cela pourrait avoir dans l’éventualité où émergeraient des éléments de preuve d’un acte criminel. Tout en gardant la note de suicide dans le sac pour éléments de preuve en tout temps,Note de bas de page 961 le sgt Bigelow a photocopié la note et en a remis une copie à M. Caufield.Note de bas de page 962 Le lendemain, elle a été placée dans le casier de preuves temporaires du cplc Ritco, où elle est restée jusqu’au 9 avril 2008 avant d’être transférée à la salle des éléments de preuve du SNEFC.Note de bas de page 963 Jusqu’au 1er juin 2009, personne n’a eu accès à la note de suicide ou n’en a fait mention.Note de bas de page 964

92. S’il y avait vraiment eu quelque interrogation sur la possibilité que la mort du cpl Langridge résulte d’un acte criminel, la note aurait dû être analysée pour en vérifier l’authenticité. Le sgt Bigelow s’est fait demander si l’on avait songé à faire analyser les empreintes digitales ou l’écriture pour authentifier la note de suicide. Il a répondu : [traduction] « À cette époque, non ».Note de bas de page 965 Néanmoins, il a expliqué qu’un échantillon d’écriture aurait dû être obtenu au cas où il deviendrait nécessaire de confirmer que le cpl Langridge avait bien écrit la note. Il a dit dans son témoignage qu’il ne savait pas pourquoi un échantillon d’écriture n’avait pas été obtenu dans ce cas.Note de bas de page 966 Pour les enquêtes dans les cas de décès « équivoques » (c’est-à-dire, les enquêtes où les conclusions donnent lieu à des interprétations différentes selon les faits, la victimologie et les circonstances de la mort), l’IPO du SNEFC précise que des échantillons d’écriture du défunt doivent être obtenus à des fins de comparaison, même si une note de suicide n’est pas trouvée immédiatement.Note de bas de page 967 Cette IPO n’était pas en vigueur en mars 2008, mais elle reflète les meilleures pratiques en ce qui concerne les notes de suicide trouvées sur des scènes de mort subite.Note de bas de page 968

93. Dans le cas présent, l’enquêteur du ML n’a pas exigé l’original de la note de suicide. C’est un fait révélateur. Lors de son témoignage, M. Caufield a expliqué la pratique de son bureau à l’égard des notes de suicide trouvées sur les lieux de morts subites :

[Traduction]

La pratique a changé. Il y a eu un temps où nous avions toujours -- nous aurions toujours saisi la note de suicide originale, principalement pour des préoccupations relatives à la possibilité que des questions surgissent nécessitant peut-être une analyse de l’écriture, ce genre de choses. Nous l’avons fait pendant de nombreuses années. Nous saisissions l’original, la photographions, la gardions et ensuite nous tâchions de, vous savez, retourner les effets à la famille, ce genre de choses. Il a été décidé -- car nous n’avons jamais, jamais eu un problème avec l’analyse de l’écriture, nous avons conclu que nous compliquions les choses en faisant cela, donc nous avons convenu qu’une photocopie de la note serait suffisante, vous savez, si quelqu’un d’autre en avait besoin, par exemple un proche en deuil ou, comme dans ce cas, un autre organisme voulait l’avoir. Tant que nous avions un bon fac-similé de la note, nous étions satisfaits.Note de bas de page 969

94. M. Caufield a précisé lors de son témoignage qu’il tenait à avoir la note de suicide d’origine dans les cas où le suicide ne semblait pas simple, comme lorsqu’une famille craint que le défunt ait pu être assassiné et que le suicide ait été mis en scène pour détourner les soupçons. Lorsqu’on soupçonne qu’un décès pourrait comporter certains aspects criminels, le Bureau du médecin légiste en chef de l’Alberta [traduction] «  saisira absolument [...] la note ».Note de bas de page 970 Dans le cas de la note de suicide du cpl Langridge, M. Caufield a indiqué lors de son témoignage qu’il n’avait aucune raison de vouloir plus qu’une simple photocopie de la note de suicide puisqu’il s’agissait d’un cas évident de suicide et qu’une simple analyse de la preuve, sans recours à la science judiciaire, était suffisante pour établir qu’il n’y avait pas eu d’acte criminel.Note de bas de page 971

95. Comme cela avait été le cas lorsque que M. Caufield avait indiqué que la mort du cpl Langridge concordait avec un suicide, le cplc Ritco a indiqué dans son témoignage que la présence de la note de suicide n’avait pas influencé sa vision de la scène et ne l’avait pas amené à écarter la possibilité d’un acte criminel.Note de bas de page 972 Le sgt Bigelow a affirmé pour sa part que la note de suicide avait été conservée dans un sac pour éléments de preuve dès sa saisie et retenue en tant que preuve potentielle. Il a expliqué qu’il était essentiel de préserver le potentiel de vérification des empreintes digitales de la note, s’il s’avérait que la mort du cpl Langridge était le résultat d’un acte criminel. Le cplc Ritco a indiqué dans son témoignage qu’il avait aussi pensé à la possibilité de faire analyser les empreintes digitales et les traces d’ADN, de même que l’écriture quand il avait saisi la note de suicide.Note de bas de page 973 Pourtant, rien concernant la note de suicide ne figurait dans le plan d’enquête (PE) du cplc Ritco.Note de bas de page 974

96. Compte tenu de l’absence de preuves suggérant autre chose qu’un suicide, il n’y avait objectivement aucune raison d’effectuer des analyses sur la note de suicide. Le témoignage du cplc Ritco ne fait qu’illustrer la confusion quant à l’objectif qui a pu guider les membres du SNEFC dans le traitement de la scène.

Questions particulières concernant le traitement de la scène : A-t-on manqué de respect envers la dépouille du cpl Langridge?

97. Les plaignants allèguent que le corps du cpl Langridge a été traité sans respect de diverses façons. De leur point de vue, la période de près de deux heures qui s’est écoulée entre l’arrivée du SNEFC et le moment où le corps du cpl Langridge a été dépendu était excessive. Ils soutiennent que les mesures d’enquête inutiles entreprises avant que le corps du cpl Langridge ne soit dépendu avaient aggravé le retard. Ils allèguent que le corps du cpl Langridge n’a pas été dépendu plus tôt parce que les membres du SNEFC considéraient le cpl Langridge comme un contrevenant, indigne du respect par ailleurs montré à un soldat décédé. Ils allèguent qu’il a tout simplement été rejeté comme un fauteur de troubles et un [traduction] « gaspillage de rations » par les personnes présentes sur les lieux de son décès.Note de bas de page 975 Ils étaient préoccupés par le fait que toute personne entrant ou sortant de la chambre de la caserne devait se serrer pour éviter de déranger le corps du cpl Langridge. Ils soutiennent qu’aucune preuve n’aurait été perdue si on avait descendu plus tôt le corps du cpl Langridge.Note de bas de page 976 Les plaignants soutiennent également que la procédure appropriée aurait été de détacher le corps du cpl Langridge rapidement et de vérifier ses signes vitaux.

98. La position défendue par les plaignants est que les membres du SNEFC avaient l’autorité requise pour descendre le corps du cpl Langridge avant qu’il soit retiré. M. Fynes a indiqué lors de son témoignage que l’enquêteur du ML n’avait aucune compétence dans le cas d’une dépouille se trouvant sur une propriété fédérale.Note de bas de page 977 Il a ajouté qu’il avait obtenu un avis, par courrier électronique, du bureau du Solliciteur général et de la Sécurité publique de l’Alberta précisant que la compétence première pour enquêter dans un cas de mort subite survenue sur une base des Forces canadiennes située dans la province appartenait à la police militaire et au SNEFC.Note de bas de page 978

Qui avait autorité sur le corps du cpl Langridge?

99. Les personnes visées par la plainte et l’enquêteur du ML s’entendent pour dire que M. Caufield détenait l’unique autorité sur la décision de dépendre le corps du cpl Langridge ou de l’enlever des lieux. Lorsque le Maj Dandurand et le Matc Eric McLaughlin ont procédé à une entrevue avec les plaignants en novembre 2009, ils ont expliqué que le ML de la province avait la compétence sur le corps, même s’il se trouvait sur une propriété fédérale, et que les FC s’en remettaient aux coroners et aux ML provinciaux à l’instar des corps policiers civils.Note de bas de page 979 Le Maj Dandurand a déclaré que le ML [traduction] « avait le contrôle » de la scène. Lorsque les Fynes ont soulevé ces préoccupations avec le col Gérard Blais, directeur de l’Unité de soutien à la gestion des blessés en 2010, le SNEFC a fourni une explication écrite concluant que le coroner ou le ML de la province était responsable du déplacement du corps. Il déclare : [traduction] « Le défunt ne peut être retiré jusqu’à ce que l’autorisation ait été donnée par l’enquêteur principal, qui reçoit des directives du coroner ».Note de bas de page 980

100. La preuve confirme que les enquêteurs du SNEFC n’avaient pas le pouvoir de décider quand le corps du cpl Langridge pouvait être descendu ou enlevé. Les membres du groupe d’experts de la police consultés ont confirmé à l’unanimité que la police ne doit pas bouger ou déranger le corps sur les lieux, sauf si cela est absolument nécessaire – par exemple, lorsqu’une vie peut être préservée – et, à quelques exceptions près, elle ne touchera pas à un corps ou ne le déplacera pas sans l’autorisation du coroner ou du ML.

101. L’inspecteur Fitzpatrick a déclaré qu’en Colombie-Britannique, en aucun cas, le défunt ne peut être touché ou manipulé avant que le coroner ne donne à la police l’autorisation de le faire.Note de bas de page 981 Le sgt é‑m Clark a indiqué lors de son témoignage que le ML était responsable de descendre le corps dans un cas de suicide par pendaison et que c’était lui qui avait l’autorité de déplacer le corps.Note de bas de page 982 L’inspecteur-détective Olinyk a ajouté que les dépouilles lors de décès criminels et non-criminels relèvent de la responsabilité du Bureau du coroner, et que chaque fois que des membres de l’OPP présents sur une scène de décès descendent, déplacent ou touchent à un corps, cela se fait en concertation avec le coroner et un officier de la police judiciaire.Note de bas de page 983

102. Selon les circonstances de la mort, soit le Bureau du ML, soit le corps de police compétent a l’autorité de mener l’enquête. Dans tous les cas, la Fatality Inquiries Act établit clairement que le médecin légiste en chef détient l’autorité légale sur le corps sur les lieux d’une mort subite en Alberta. Certains décès, y compris les morts subites, doivent être signalés au Bureau du ML,Note de bas de page 984 et un ML doit enquêter sur le décès une fois que celui-ci a été rapporté.Note de bas de page 985

103, M. Caufield a indiqué dans son témoignage que cette autorité s’étend à toute la province de l’Alberta, y compris les bases militaires. Aucun autre organisme ne possède cette compétence.Note de bas de page 986 De plus, en vertu de la loi, le ML est considéré avoir pris possession du corps dès qu’il(elle) a été informé(e) du décès.Note de bas de page 987 Il n’existe aucune preuve démontrant qu’une base des Forces canadiennes située en Alberta est soustraite à l’application de la Fatality Inquiries Act de la province. Selon M. Caufield, le ML a le pouvoir exclusif de décider si, quand et comment un corps peut être déplacé – que le corps se trouve sur une base militaire ou à tout autre endroit.Note de bas de page 988

104. À la lumière de ces faits, la seule conclusion raisonnable est que M. Caufield avait le pouvoir exclusif sur la manutention et le déplacement du corps du cpl Langridge.

Pourquoi le corps du cpl Langridge n’a-t-il pas été descendu plus tôt?

105. Étant donné qu’une assez longue période de temps s’est écoulée avant que le corps du cpl Langridge puisse être enlevé, on a demandé à M. Caufield quelle était la pratique de son bureau pour ce qui est de descendre la dépouille d’une personne pendue avant l’arrivée du service chargé de l’enlèvement du corps. Il a répondu que, généralement, son bureau ne dépendait pas un corps suspendu ou ne coupait pas la corde ayant servi à la pendaison jusqu’à ce que le ML ou l’enquêteur du ML présent soit prêt à enlever le corps de la scène.Note de bas de page 989 Dans des circonstances exceptionnelles, si le corps se trouve dans un endroit public et que sa présence est dérangeante, des mesures pourraient être prises pour descendre le corps. La préférence marquée de l’examinateur médical est de laisser le corps du défunt en place jusqu’à son enlèvement.

106. M. Caufield a déclaré qu’il lui fallait de 30 à 40 minutes tout au plus pour compléter l’examen du corps dans un cas comme celui-ci.Note de bas de page 990 En fait, 12 minutesNote de bas de page 991 après s’être rendu dans la chambre de la caserne, M. Caufield avait terminé son examen initial et le travail de photographie a débuté.Note de bas de page 992 Selon le cplc Ritco, puisque la scène était sous le contrôle de l’enquêteur du ML, il a attendu l’autorisation de ce dernier pour entrer sur les lieux.Note de bas de page 993 Dans son témoignage, le cplc Ritco a dit qu’il avait demandé la permission à M. Caufield de prendre des photos et de faire une vidéo de la scène après l’examen initial du corps du cpl Langridge par ce dernier. Le cplc Ritco a indiqué que M. Caufield n’y voyait pas d’inconvénient et lui a dit qu’il pouvait commencer son examen de la scène du décès et que cela ne nuirait pas à son travail. Il a noté que le seul commentaire fait par M. Caufield à ce moment avait été de demander les dossiers médicaux, y compris la liste des médicaments prescrits au cpl Langridge.Note de bas de page 994 Le cplc Ritco a commencé à photographier et à filmer sur vidéo l’ensemble de la pièce de la caserne avant que le corps du cpl Langridge ne soit retiré des lieux.

107. Le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont été invités à expliquer pourquoi il avait fallu tant de temps pour enlever le corps du cpl Langridge. Le cplc Ritco était dérouté par la plainte alléguant qu’il avait laissé le corps du cpl Langridge pendu pendant quatre ou même cinq heures. Le cplc Ritco ne s’estimait pas responsable d’un retard. Il a indiqué tout d’abord qu’il pensait que seulement une heure et demie s’était écoulée entre son arrivée sur les lieux et l’enlèvement du corps du cpl Langridge et, d’autre part, il n’était pas en mesure de décider du moment où le corps du cpl Langridge pouvait être descendu.Note de bas de page 995 Le cplc Ritco a expliqué que : [traduction] « [...] s’il [M. Caufield] avait voulu que le caporal Langridge soit descendu, il m’aurait donné instruction de le descendre ».Note de bas de page 996 D’après son souvenir, il y avait eu une longue attente avant que le service d’enlèvement du corps n’arrive sur la scène, et il a photographié et enregistré sur vidéo la scène avec la permission de M. Caufield pendant qu’ils attendaient l’arrivée du service chargé de l’enlèvement du corps.Note de bas de page 997

108. L’approche initiale du cplc Ritco a été de cataloguer tout ce qui se trouvait sur les lieux en prenant des photos de la pièce et de sa disposition, de la position et de l’état du défunt, et de faire ensuite un enregistrement vidéo de l’intégralité de la scène.Note de bas de page 998 Les enquêteurs ont examiné la pièce au complet, plutôt que le seul périmètre autour de la dépouille du cpl Langridge.Note de bas de page 999 Le cplc Ritco a indiqué dans son témoignage qu’au début du traitement d’une scène, le [traduction] « mandat » du SNEFC est de prendre des photos et une vidéo des lieux – les deux, si possible.Note de bas de page 1000 Le cplc Ritco a pris approximativement 85 photos de la scène. Le sgt Bigelow est resté dans la pièce et a pris des notes durant ce temps. Ses 11 pages de notes décrivent la scène et l’apparence du corps du cpl Langridge, fournissent des détails sur la ligature, et même sur la température de la pièce (18 degrés Celsius).Note de bas de page 1001 À 18 h 21, le sgt Bigelow a écrit dans son carnet : [traduction] « le cplc Ritco commence à faire une vidéo de la scène de suicide ». Il a toutefois rencontré des problèmes techniques et l’enregistrement a été interrompu. La vidéocassette a été remplacée et l’enregistrement a repris à 18 h 41.Note de bas de page 1002 La vidéo commence en montrant le sgt Bigelow qui ouvre la porte de la chambre du cpl Langridge et le cplc Ritco qui rapporte que l’enquêteur du ML était déjà entré dans la pièce et avait indiqué qu’à son avis, la mort était un suicide.

109. La vidéo passe à un gros plan du visage du cpl Langridge et montre des images de la barre de traction, de la ligature et du corps du cpl Langridge pendu sur place. Les enregistrements vidéo montrent des détails tels que les vêtements du cpl Langridge, les marques de lividité évidentes sur ses bras et ses mains, la cyanose sur son visage, aussi que ses pieds qui sont en contact avec le sol, alors qu’il est toujours pendu.

110. La vidéo filme le petit lit le long du mur ouest, les vêtements du cpl Langridge et la note de suicide sur le bureau. Elle montre en gros plan la note de suicide et ensuite, le cplc Ritco, portant des gants, qui déplace le stylo posé sur la note, de sorte qu’il pouvait lire le message à haute voix.

111. Il n’est pas tout à fait clair que tout ce que le cplc Ritco a documenté ait servi à l’enquête ou que cela méritait à tout le moins d’être enregistré avant que le corps ne soit retiré. Essentiellement, tout le contenu de la pièce, jusque dans les plus infimes détails, a été noté sur la vidéo et identifié par le cplc Ritco. Mises à part les images du corps, de ses environs immédiats, et d’un balayage rapide de la pièce, cette enquête détaillée du contenu de la pièce a duré de 18 h 48 à 19 h 06 environ, après quoi les techniciens chargés d’emporter le corps sont entrés dans la pièce accompagnés de M. Caufield. Cela signifie que l’examen détaillé de la pièce représentait près de 20 des 27 minutes de séquences enregistrées par le cplc Ritco avant que le corps du cpl Langridge soit retiré.

112. La séance de photographie et d’enregistrement vidéo de la scène a pris un peu plus d’une heure et demie et, durant cette période, le corps du cpl Langridge était toujours pendu.Note de bas de page 1003 M. Caufield et deux employés du service d’enlèvement du corps sont entrés dans la pièce à 19 h 07.

113. M. Caufield a indiqué lors de son témoignage que le processus d’abaissement et de retrait du corps du cpl Langridge dépendait, dans une certaine mesure, de la nature de la scène et des circonstances du corps, et notamment du fait que le nœud autour du cou du défunt était simple ou complexe. Dans le cas du cpl Langridge, les deux nœuds étaient simples. La ceinture n’aurait pu être coupée parce qu’elle se serait probablement dénouée d’elle-même. Pour cette raison, M. Caufield a affirmé qu’il était préférable de défaire simplement le nœud relié à la barre de traction, et de laisser le nœud coulant attaché autour du cou du cpl Langridge, de sorte qu’au moins le nœud autour du cou du défunt serait préservé.Note de bas de page 1004 En conséquence, les préposés chargés de l’enlèvement du corps ont enveloppé le corps du défunt avec une toile (pour éviter toute contamination, faciliter les mouvements et éviter l’exposition aux biorisques),Note de bas de page 1005 puis ils ont soulevé le corps afin d’enlever le poids sur le nœud lié à la barre de traction. M. Caufield a alors défait le nœud à l’endroit où il était attaché à la barre de traction et le corps du cpl Langridge a été déposé sur une civière.

114. En tout, trois heures et 47 minutes s’étaient écoulées depuis que le corps du cpl Langridge avait été découvert, et une heure et 46 minutes s’était écoulée depuis que les enquêteurs du SNEFC étaient arrivés sur les lieux. Le corps du cpl Langridge a été retiré de la scène à 19 h 16.Note de bas de page 1006

115. Le sgt Bigelow a dit lors de son témoignage qu’ils avaient discuté des attentes de l’enquêteur du ML concernant la scène et la preuve après leur arrivée sur les lieux et que l’enquêteur du ML avait procédé à un examen du corps du cpl Langridge. Le sgt Bigelow a indiqué qu’ils voulaient comprendre ce que M. Caufield souhaitait, de manière à éviter [traduction] « de lui marcher sur les pieds » ou de faire quoi que ce soit d’incorrect.Note de bas de page 1007 Le sgt Bigelow a affirmé lors de son témoignage que lui et le cplc Ritco avaient aussi discuté de leurs propres attentes avec l’enquêteur du ML sur ce dont ils avaient besoin pour assurer un traitement approprié de la scène. Il a indiqué qu’il importait d’aborder ces points avant que ne débute le traitement de la scène.Note de bas de page 1008 Le cplc Ritco a élaboré en précisant que M. Caufield n’était pas familier avec la façon dont le SNEFC menait une enquête sur une mort subite. Le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont expliqué ce qu’ils avaient l’intention de faire et l’enquêteur du ML a indiqué que leur approche ne causait aucun problème.Note de bas de page 1009

116. M. Caufield a dit lors de son témoignage que le laps de temps écoulé entre son arrivée sur les lieux, à 17 h 21, et l’enlèvement du corps, près de deux heures plus tard, semblait [traduction] « un peu inhabituel » pour un cas comme celui-ci.Note de bas de page 1010 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait fallu tant de temps, M. Caufield a répondu qu’il attendait que les enquêteurs du SNEFC terminent le traitement de la scène :

[Traduction]

Eh bien, je pense juste, qu’avant tout, nous avions cette unité d’enquête secondaire impliquée, l’enquête de la police militaire. Et c’est tout simplement que nous avons une autre -- vous savez, ils ont d’autres politiques et procédures qui prennent plus de temps. Par exemple, nous ne ferions pas -- nous ne ferions certainement pas un enregistrement vidéo d’un suicide par pendaison, de sorte que le temps que cela a demandé n’aurait tout simplement pas été requis. Pour un suicide par pendaison, nous aurions peut-être pris, vous savez, entre quatre et six ou huit photos au total. Donc, ils ont fait une enquête très approfondie, et cela a pris plus de temps que ce que nous ferions normalement dans ce type de circonstances.Note de bas de page 1011

117. M. Caufield a dit dans son témoignage que le cplc Ritco lui avait demandé d’attendre avant d’enlever le corps pour lui permettre de photographier et de filmer la scène exactement comme elle était. Dans un esprit de collaboration, il a accepté sa demande.Note de bas de page 1012 Il a également indiqué que s’il y avait eu un besoin urgent de conclure l’affaire – par exemple, si un autre décès avait été rapporté et que M. Caufield avait été était obligé de s’y rendre – il aurait prié les enquêteurs du SNEFC de [traduction] « conclure ».Note de bas de page 1013 M. Caufield a ajouté que pendant que les enquêteurs du SNEFC procédaient au traitement de la scène, il avait passé la majeure partie de son temps à attendre, tout simplement.Note de bas de page 1014

118. Il est important d’établir l’heure d’arrivée du service chargé de l’enlèvement du corps parce que M. Caufield n’aurait pas déplacé le corps avant que le service ne soit arrivé sur les lieux – ce qui signifie que s’il était arrivé plus tard, la responsabilité de tout retard aurait pu être imputée au service d’enlèvement du corps. Il existe des versions contradictoires quant au temps qui s’est écoulé jusqu’à l’enlèvement de la dépouille du cpl Langridge. Soit que le personnel du service chargé d’enlever le corps a été retardé et n’est arrivé qu’autour de 19 h 00, et qu’en attendant le cplc Ritco a procédé au traitement de la scène, soit qu’il est arrivé plus tôt, aux environs de 17 h 48 (près d’une heure et demie avant que le corps ne soit enlevé), et que le retard a été causé par la séance de photographies et l’enregistrement vidéo effectués par le cplc Ritco.

119. M. Caufield a indiqué dans son témoignage qu’en général, l’heure exacte à laquelle l’enquêteur du ML contacte le service d’enlèvement du corps dépend du temps dont l’enquêteur croit qu’il(elle) aura besoin pour compléter l’évaluation initiale de la scène et du corps. Le service d’enlèvement du corps a d’autres obligations contractuelles, par exemple envers les salons funéraires, et l’heure à laquelle il arrive sur la scène d’une mort subite dépend de la situation. Cependant, il a l’obligation par contrat de se rendre sur les lieux moins d’une heure après avoir été contacté.Note de bas de page 1015

120. M. Caufield a affirmé lors de son témoignage que le choix du moment était relativement important lorsqu’on fait appel au service chargé de l’enlèvement du corps. Si un cas s’avère plus complexe et nécessite des procédures d’enquête supplémentaires, il s’ensuit que les personnes chargées de l’enlèvement de la dépouille resteront [traduction] « là à ne rien faire. Elles peuvent éventuellement devoir être payées pour les heures supplémentaires passées sur place au-delà d’un certain délai ».Note de bas de page 1016 La clause relative aux heures supplémentaires figurant dans le contrat passé avec le service chargé d’enlever les corps montre bien qu’il s’agit d’une pratique courante. Normalement, on peut s’attendre à ce qu’il arrive et fasse son travail rapidement.

121. M. Caufield a dit dans son témoignage que lorsque l’enquêteur du ML veut que le service chargé de l’enlèvement du corps se rende sur les lieux dès que possible, il(elle) le contactera pendant qu’il est en route vers la scène.Note de bas de page 1017 C’était la pratique habituelle de M. Caufield.Note de bas de page 1018

122. Le cplc Ritco et M. Caufield n’avaient pas de souvenirs réels ou de notes concernant l’heure d’arrivée du service chargé d’emporter le corps. Le cplc Ritco pensait qu’ils avaient attendu jusqu’après 19 h avant que les préposés n’arrivent, affirmant lors de son témoignage [traduction] « Et quand le service chargé de l’enlèvement du corps est arrivé – l’heure exacte du retrait du corps, je ne sais pas, parce que j’étais encore dans la pièce. Mais quand les préposés de ce service sont arrivées, ils ont emporté la dépouille du caporal Langridge ».Note de bas de page 1019

123. Bien qu’aucun dossier explicite n’ait été tenu et aucun témoignage entendu concernant l’heure à laquelle le service chargé de l’enlèvement du corps est arrivé, certains éléments de la preuve documentaire semblent indiquer qu’il serait arrivé peu de temps après le cplc Ritco, le sgt Bigelow et M. Caufield. Le sgt Van Delen a fait une déposition au SNEFC à la caserne des pompiers de la base dans laquelle il mentionnait que les membres du SNEFC et l’enquêteur du ML étaient arrivés à 17 h 25.Note de bas de page 1020 Il a indiqué que lorsqu’il a parlé à M. Caufield, celui-ci lui a dit que l’aide du service d’incendie n’était pas nécessaire parce que M. Caufield attendait sous peu l’arrivée de deux autres préposés. Le sgt Van Delen a alors écrit que le personnel du service d’incendie avait attendu jusqu’à ce que les autres membres du [traduction] « personnel médical [vraisemblablement le service d’enlèvement du corps] soient arrivés avant de céder le contrôle de la scène au SNE à 17 h 48 ».Note de bas de page 1021 Aucun autre préposé paramédical ne s’est présenté sur les lieux après que les ambulanciers du service d’incendie et d’ambulance de St. Albert soient arrivés, à 16 h 02, et repartis, à 16 h 10, et aucune preuve ne montre que d’autres personnes, à part le service chargé d’emporter le corps, se soient rendues sur la scène pour aider l’enquêteur du ML.

124. Bien que le cplc Ritco et le sgt Bigelow aient indiqué dans leur témoignage qu’ils n’avaient pas demandé à M. Caufield d’attendre pour enlever le corps et qu’ils effectuaient leur travail en attendant l’arrivée du service chargé d’emporter la dépouille, ils ont également affirmé que le temps qu’ils y avaient consacré était raisonnable et que les nombreuses photos détaillées qu’ils avaient prises étaient absolument nécessaires.

125. En effet, selon son témoignage, le cplc Ritco poursuivait son travail de traitement de la scène et attendait que M. Caufield prenne une décision sur le moment de dépendre le corps du cpl Langridge.Note de bas de page 1022 Puis, lorsque le personnel du service d’enlèvement du corps est arrivé, il a emporté la dépouille du cpl Langridge, et le cplc Ritco a repris le traitement de la scène.Note de bas de page 1023 Par contre, le cplc Ritco a également dit dans son témoignage qu’il avait décidé du nombre de photographies qu’il fallait prendre avant que le corps ne soit retiré de la pièce. Il a expliqué que sa décision découlait de la formation qu’il avait reçue sur la façon de traiter les scènes de crime.Note de bas de page 1024 Cela est incompatible avec toute notion selon laquelle les membres du SNEFC n’étaient pas responsables du temps qui s’est écoulé avant l’enlèvement du corps et qu’ils faisaient simplement ce qu’ils pouvaient en attendant l’arrivée du service chargé d’emporter le corps.

126. De même, le sgt Bigelow a dit lors de son témoignage qu’il ne se souvenait pas qu’une demande ait été faite, par lui-même ou par le cplc Ritco, pour que M. Caufield attende que le traitement de la scène soit terminé avant d’enlever la dépouille. Il se souvient seulement que : [traduction] « Nous lui avons demandé s’il était d’accord pour que nous procédions et il nous a donné le feu vert ».Note de bas de page 1025 Néanmoins, le sgt Bigelow a ajouté lors de son témoignage que la scène avait été traitée comme s’il s’agissait d’une mort subite inexpliquée et non d’un suicide apparent. Il a affirmé que la raison pour laquelle le corps du cpl Langridge n’avait pas été retiré plus tôt était parce que cela n’aurait pas été approprié. [traduction] « [Cela] faisait encore partie de la scène du crime et, pour que nous puissions faire notre travail correctement, évaluer ce que nous saisissions, malheureusement le corps devait rester là où il était ».Note de bas de page 1026 Ce qui ressort forcément de ce témoignage est que les enquêteurs n’auraient pas cru approprié d’interrompre l’enregistrement vidéo si M. Caufield avait souhaité procéder à la descente et à l’enlèvement du corps du cpl Langridge.

127. En outre, l’adjum Watson avait indiqué au sgt Bigelow que lui et le cplc Ritco devaient prendre tout le temps nécessaire pour le traitement de la scène :

[Traduction]

J’aurais -- en paraphrasant, mais je vais aller à l’essentiel -- ne précipitez pas [le traitement de] cette scène, cela m’est égal si -- et ne cédez pas cette scène tant que vous n’aurez pas fini de la traiter, cela m’est égal si ce corps reste pendant quatre jours, ne le laissez pas aller jusqu’à ce que vous ayez terminé le traitement de la scène.Note de bas de page 1027

128. Il a expliqué qu’il avait donné cette directive parce que lors d’une précédente enquête dans un cas de négligence, il avait autorisé trop rapidement la libération d’une scène et d’importantes preuves avaient été compromises.Note de bas de page 1028 Il ne voulait pas que le cplc Ritco et le sgt Bigelow fassent la même erreur. L’adjum Watson a déclaré qu’il s’attendait à ce que le cplc Ritco et le sgt Bigelow exercent leur jugement et leur discrétion pour décider du moment de déplacer le corps, mais selon lui, il est approprié de prendre plus de 90 minutes pour traiter une scène.Note de bas de page 1029

129. Il se peut très bien que le cplc Ritco ait fait attendre M. Caufield et les deux employés du service d’enlèvement du corps sous contrat pendant qu’il photographiait et enregistrait une vidéo de la scène, une période durant laquelle ces personnes n’avaient rien d’autre à faire. La preuve tirée de la déposition du pompier indique que le personnel chargé de l’enlèvement du corps est arrivé sur la scène très peu de temps après les enquêteurs du SNEFC et l’enquêteur du ML. En outre, M. Caufield était une partie désintéressée dans cette affaire et son témoignage concernant la pratique habituelle en ce qui a trait au service d’enlèvement du corps et la demande qui lui avait été faite d’attendre avant d’emporter le corps appuient la conclusion selon laquelle les préposés de ce service sont arrivés bien avant que le corps du cpl Langridge ne soit retiré des lieux. À la lumière de cela, il semble tout à fait probable qu’il n’y ait pas eu une longue attente avant l’arrivée de l’équipe chargée de l’enlèvement de la dépouille. En outre, il se pourrait bien que ce service ait attendu sur la scène depuis 17 h 48, soit environ une heure et demie avant que le corps du cpl Langridge ne soit finalement retiré de la pièce. Toutefois, l’heure exacte de l’arrivée du service d’enlèvement du corps n’a pas été établie de manière définitive.

L’évaluation des mesures d’enquête entreprises par les enquêteurs du SNEFC avant que le corps ne soit enlevé

130. Les personnes visées par la plainte font valoir que le corps du cpl Langridge n’a pas été laissé suspendu pendant une période inappropriéeNote de bas de page 1030 et que, dans son traitement de la scène, le cplc Ritco s’est comporté de manière professionnelle et en conformité avec la formation qu’il avait reçue. Elles soutiennent également que le SNEFC s’attend à ce que ses enquêteurs documentent de façon détaillée la scène d’une mort subite. Cela comprend un enregistrement vidéo de la scène et des photos des lieux. Selon les observations finales des personnes visées par la plainte, les enquêteurs doivent documenter la scène comme ils le feraient dans le cas d’un homicide, même lorsqu’il semble s’agir d’un suicide.Note de bas de page 1031 L’objectif principal est de déterminer si la mort a été causée par un acte criminel et de veiller à la préservation des éléments de preuve.

131. L’inspecteur-détective Olinyk a donné une description claire des mesures prises par les enquêteurs de l’OPP chargés des crimes graves avant qu’un corps ne soit déplacé. L’approche du corps et le périmètre entourant immédiatement le corps sont photographiés et enregistrés sur vidéo avant l’enlèvement et l’examen post-mortem du corps; l’accent est mis entièrement sur le périmètre entourant le défunt afin de préserver les éléments de preuve potentiels.Note de bas de page 1032 Une description de la pièce est également rédigée. Le corps peut être déplacé une fois cette opération terminée. En fait, l’OPP va encore plus loin pour protéger l’intégrité de la scène et les éléments de preuve après l’enlèvement de la dépouille. Les lieux sont maintenus sécurisés et ne sont soumis à aucune fouille jusqu’à ce que l’examen post-mortem soit complété.Note de bas de page 1033 Les éléments de preuve ne sont saisis que si le défaut de saisir quelque chose immédiatement risquerait de compromettre la preuve.Note de bas de page 1034

132. L’inspecteur Fitzpatrick a dit lors de son témoignage que la Division « E » de la GRC prenait des mesures semblables, qu’elle enregistrait sur vidéo la scène de l’extérieur en se rapprochant, filmant le corps sous plusieurs angles et en gros plans et faisait tous les efforts possibles pour éviter de contaminer tout élément de preuve potentiellement présent. Le même processus est suivi jusqu’à ce qu’il ait été déterminé que la mort est suspecte ou non suspecte, et la GRC fait preuve d’une extrême prudence afin d’éviter de perdre ou de contaminer des éléments de preuve. Ainsi, la scène n’est pas libérée avant la conclusion de l’autopsie.Note de bas de page 1035

133. Le sgt é-m Clark a indiqué dans son témoignage que les étapes nécessaires avant d’emporter un corps diffèrent selon que la mort est considérée comme suspecte ou non suspecte. Dans le cas d’un décès non suspect, le SPE ne prend aucune photo, mais le ML photographie le corps et la zone entourant le corps. Celui-ci est ensuite retiré des lieux et il n’y a pas d’enregistrement vidéo.Note de bas de page 1036

134. M. Caufield et les membres du groupe d’experts de la police ont fourni un intervalle de temps considéré comme caractéristique entre l’arrivée sur les lieux et l’enlèvement du corps. M. Caufield a affirmé que dans un cas comme celui-ci, il ne fallait guère plus de 30 à 45 minutes avant que le corps puisse être déplacé.Note de bas de page 1037 L’inspecteur-détective Olinyk a dit dans son témoignage que si la scène n’était pas éloignée, le corps serait probablement enlevé dans les six à huit heures suivantes.Note de bas de page 1038 Selon l’avis exprimé par l’inspecteur Fitzpatrick lors de son témoignage, dans le cas d’un décès non suspect et simple, le corps est généralement enlevé en quelques heures. Le sgt é‑m Clark a dit dans son témoignage que, selon son expérience, dans le cas d’un décès non suspect survenu à Edmonton, le temps entre l’arrivée du premier policier sur la scène du décès et l’enlèvement du corps par l’enquêteur du ML et le service d’enlèvement des corps se situait entre une et trois heures.Note de bas de page 1039

135. La Commission est d’avis qu’il n’y avait rien de déraisonnable dans le temps écoulé entre l’arrivée des enquêteurs du SNEFC sur les lieux et le moment où le corps du cpl Langridge a été enlevé. Les mesures prises et le temps requis pour le traitement de la scène et le retrait du corps se situent certainement dans la fourchette raisonnable de ce qui aurait pu être fait. Le temps écoulé était proche de l’intervalle établi par les témoignages des membres du groupe d’experts de la police, mais un peu plus long que nécessaire dans un cas similaire selon le Service de police d’Edmonton et l’enquêteur du ML.

136. Moins de quatre heures se sont écoulées entre la découverte du corps du cpl Langridge et son retrait de la scène, mais moins de deux heures de cette période sont attribuables aux actions des enquêteurs du SNEFC. Bien que le manque d’expérience des enquêteurs puisse les avoir amenés à prendre plus de temps, il n’est pas approprié de le leur reprocher. Les enquêteurs du SNEFC ont fait ce qu’ils ont pensé devoir faire pour traiter la scène et préserver les éléments de preuve. La preuve et les témoignages indiquent qu’ils s’efforçaient sincèrement de faire du bon travail. Il est difficile de reprocher aux enquêteurs du SNEFC d’en avoir trop fait.

137. Cependant, la question qui doit être posée est de savoir si les mesures prises par le SNEFC avant le retrait du corps du cpl Langridge étaient raisonnables dans les circonstances. M. Caufield a été invité à décrire ce qu’il doit habituellement tirer de la scène avant l’enlèvement d’un corps dans un cas comme celui du cpl Langridge. Dans son témoignage, il a répondu qu’en plus de recueillir les renseignements requis en vertu de la Fatality Inquiries Act et d’examiner attentivement le corps, lui et les policiers présents procèdent également à une fouille des lieux. Le temps requis pour faire des recherches sur la scène dépend de l’endroit et de l’aire de recherche.Note de bas de page 1040

138. Le travail initial du cplc Ritco a consisté à fournir de l’aide et rien n’indique qu’il n’était pas nécessaire de photographier et d’enregistrer sur vidéo le corps du cpl Langridge. M. Caufield a demandé certaines des photos que le cplc Ritco avait prises de la dépouille parce que son appareil fonctionnait mal et qu’il était incapable de prendre lui-même des photos comme il le faisait normalement. Le cplc Ritco lui a remis toutes les photos qu’il avait prises de la scène.Note de bas de page 1041 La question est de savoir s’il était nécessaire dans les circonstances de documenter ensuite la scène de manière exhaustive avant que le corps du cpl Langridge ne soit retiré des lieux.

139. M. Caufield s’est fait demander si, pour ses fins en tant qu’enquêteur du médecin légiste, certaines des mesures prises par le cplc Ritco et le sgt Bigelow étaient nécessaires avant l’enlèvement du corps :

[Traduction]

Q. Maintenant, pour vos besoins, avant d’enlever le corps, est-il nécessaire de faire un inventaire du contenu de la pièce?

R. Non.

Q. Est-il nécessaire de prendre des photos des objets dans la pièce?

R. Non.

Q. Est-il nécessaire de faire un enregistrement vidéo des objets dans la pièce?

R. Non.

Q. Est-il nécessaire de filmer la pièce et le corps?

R. Pour nos besoins, non.Note de bas de page 1042

140. Dans son approche, le cplc Ritco n’a pas évalué l’information disponible sur les lieux pour même tenter de déterminer si la mort était suspecte. Il n’a pas limité l’enregistrement au corps et au périmètre entourant le corps, ce qui constitue généralement le centre d’intérêt avant que le corps ne soit déplacé afin de capter les lieux pertinents exactement tels qu’ils étaient. Selon l’évaluation du sgt Bigelow, il n’était pas suffisant de limiter le traitement initial à des photographies et des enregistrements vidéo de l’aire entourant le corps du cpl Langridge. Il en est ainsi parce que [traduction] « [...] si quelque chose devait être prouvé plus tard, dans le cours de l’enquête, pour dire qu’il y a eu un acte criminel, alors si nous n’appliquons pas notre processus de façon appropriée, il y a une perte d’éléments de preuve, n’est-ce pas, et cela n’aide pas à soutenir la thèse d’un crime possible ».Note de bas de page 1043 À son avis, il était à la fois raisonnable et nécessaire de prendre des photos et une vidéo de toute la scène, y compris de suivre le processus relativement long de l’enregistrement vidéo exhaustif du contenu de la chambre et de la salle de bain, avant d’enlever le corps du cpl Langridge.Note de bas de page 1044

141. La preuve établit amplement la valeur et l’importance de mener des enquêtes ciblées qui visent un but – et, en particulier, de recourir à des enquêteurs chevronnés pour guider ces enquêtes en formulant des hypothèses solides, en s’appuyant sur celles-ci et en les confrontant constamment à tous les éléments de preuve et renseignements disponibles. Une enquête raisonnable commence par des mesures destinées à poursuivre ces objectifs, lesquels peuvent être rajustés et adaptés à mesure que les circonstances l’exigent. Cette souplesse est importante parce que ce qu’il est raisonnable de faire pour des enquêteurs dans le cas d’une mort suspecte peut ne pas l’être lorsqu’il s’agit d’une mort non suspecte. « Garder l’esprit ouvert » au détriment de la pensée critique et analytique est tout aussi improductif lors d’une enquête sur une mort subite que de s’engager de manière rigide dans une démarche trop étroite. Dans le cas présent, ce n’est pas tout ce qui a été fait par le cplc Ritco et le sgt Bigelow avant l’enlèvement du corps du cpl Langridge qui était raisonnable dans les circonstances.

142. Certaines mesures ont été prises parce que plus d’importance a été accordée au processus qu’à l’analyse. L’utilité ou le caractère raisonnable de la prise de photos et de l’enregistrement vidéo de la pièce entière au-delà de l’aire immédiate autour du corps du cpl Langridge n’a pas été établi. Le catalogage minutieux de tout ce que contenait la scène est principalement responsable du retard survenu dans l’enlèvement du corps du cpl Langridge. Dans ces conditions, et compte tenu de l’abondance des données disponibles, il n’y avait tout simplement aucune raison de soupçonner que la mort du cpl Langridge ait pu être suspecte de quelque façon. Ces étapes ne semblent pas avoir été suivies parce qu’elles étaient raisonnables ou utiles, ou parce que des éléments de preuve clés risquaient d’être perdus, mais essentiellement dans un souci d’exhaustivité.

143. Le cplc Ritco avait reçu la directive de prendre son temps et d’être minutieux. Toutefois, les éléments de preuve au-delà de la zone immédiate entourant le corps du cpl Langridge n’auraient pas été altérés par l’enlèvement de la dépouille, et il n’y avait pas un besoin urgent de les capter. Les photographies et l’enregistrement vidéo exhaustifs ont été faits au détriment du retrait, à la première occasion réaliste, du corps du cpl Langridge. Le retard à enlever le corps du cpl Langridge a été la cause d’une grande détresse pour la famille. Le retard ne peut être imputé à M. Caufield qui, par esprit de collaboration, a accepté d’attendre.

144. Alors que le temps pris par le SNEFC pour traiter la scène se situait dans un intervalle raisonnable, et il semble impossible de savoir avec certitude si le service d’enlèvement du corps a dû attendre ou s’il est arrivé plus tard, la Commission n’est pas convaincue que toutes les mesures prises par les membres du SNEFC avant d’enlever la dépouille étaient nécessaires ou raisonnables dans les circonstances.

145. Cependant, il n’y aucune preuve d’un manque de respect pour le cpl Langridge dans l’application de ce processus. Bien que le manque d’expérience de la part des enquêteurs du SNEFC puisse très bien avoir contribué au retard, rien n’indique que ce délai ait été motivé par des opinions négatives au sujet du cpl Langridge.

Le corps du cpl Langridge aurait-il dû être couvert?

146. En plus des plaintes concernant le retard à dépendre et à enlever le corps du cpl Langridge, les plaignants allèguent que les enquêteurs du SNEFC ont montré un manque de respect pour la dépouille du cpl Langridge parce qu’ils ont omis de le couvrir avant qu’il ne soit descendu et sorti de la pièce. Selon les plaignants, en raison des rumeurs circulant à l’effet que le cpl Langridge était un contrevenant, sa dépouille n’a pas reçu le même respect que celui qui aurait été accordé à un autre militaire. Ils étaient convaincus que cela expliquait pourquoi le corps du cpl Langridge avait été laissé à la vue des curieux.

147. Les preuves recueillies et les témoignages entendus par la Commission sont clairs, sans équivoque et unanimes en établissant que le corps de la victime ne doit pas être recouvert pendant qu’il est sur la scène, parce que des éléments de preuve pourraient être compromis, contaminés ou enlevés au contact d’un drap ou d’un article similaire recouvrant le corps.

148. L’inspecteur Fitzpatrick a déclaré dans son témoignage qu’il ne pouvait imaginer une situation où la police couvrirait un corps – même s’il était bien à la vue du public. Il y a d’autres façons de dissimuler le corps que de le recouvrir. Agir autrement contaminerait la preuve.Note de bas de page 1045

149. Le sgt é-m Clark a convenu qu’un corps ne doit jamais être recouvert. Si un corps était pendu à la vue du public, il prendrait des mesures pour contrôler la circulation et interdire l’accès à la scèneNote de bas de page 1046

150. L’inspecteur-détective Olinyk a indiqué lors de son témoignage qu’il ne couvrirait un corps d’aucune façon, et que la dignité de la personne décédée serait mieux protégée en barricadant le périmètre ou en interdisant l’accès à une zone ou une scène de décès.Note de bas de page 1047 M. Caufield a également dit dans son témoignage que le principe essentiel était la préservation de l’information et de la preuve. Il a déclaré qu’il n’était pas d’usage, au Bureau du ML, de couvrir le corps du défunt en attendant qu’il soit enlevé, quel que soit l’endroit.Note de bas de page 1048

Le corps du cpl Langridge a-t-il été exposé à la vue des passants?

151. Il n’existe aucune preuve que le corps du cpl Langridge ait été livré en spectacle ou qu’il ait attiré des voyeurs ou suscité la curiosité générale des passants. Il est vrai, comme cela est clairement montré dans la vidéo, que le corps du cpl Langridge était immédiatement visible pour tous ceux qui passaient devant la chambre si la porte était ouverte.Note de bas de page 1049 Cependant, il a été amplement prouvé que les membres de la PM avaient maintenu la porte fermée ou que celle-ci était gardée pour s’assurer à la fois que la scène et le corps du cpl Langridge soient sécurisés et que l’accès aux lieux soit interdit jusqu’à l’arrivée des enquêteurs du SNEFC.Note de bas de page 1050

152. Bien que la preuve indique que la porte ait été ouverte pendant une partie du traitement de la scène, il y a aussi de nombreux éléments de preuve montrant que les membres de la police militaire sont demeurés dans le couloir pour éloigner de la porte tous ceux qui ne participaient pas à l’enquête et les diriger vers les cages d’escalier situées aux extrémités opposées du couloir.

153. Le cpl Bruce-Hayes a dit dans son témoignage que la porte de la chambre était généralement restée ouverte durant le traitement de la scène.Note de bas de page 1051 Il était dans le couloir à l’extérieur de la pièce durant ce temps, et lui et le cpl Broadbent demandaient aux personnes qui se trouvaient dans le couloir de ne pas passer devant la chambre pendant que la porte était ouverte, et de faire demi-tour pour emprunter les sorties situées à chaque extrémité du corridor.Note de bas de page 1052 M. Caufield s’est rappelé au cours de son témoignage d’au moins une occasion où les membres de la PM ou du SNEFC ont intercepté des personnes dans le couloir et leur ont interdit le passage jusqu’à ce que le travail soit achevé et que la porte puisse être refermée.Note de bas de page 1053

154. Kirk Lackie, un camarade et ami du cpl Langridge depuis 2004, a décrit son expérience des efforts déployés par les membres de la police militaire pour protéger le corps du cpl Langridge et sécuriser les lieux immédiatement après la découverte de son décès :

[Traduction]

[...] [Après avoir réalisé que le cpl Langridge était mort] Je suis parti immédiatement et j’ai couru à travers les champs jusqu’aux baraques et, au moment où je suis arrivé, il y avait, vous savez, plusieurs préposés aux urgences, pompiers et policiers militaires sur place. Et puis j’ai tenté d’aller dans le couloir de la chambre de Stu et les agents de la police militaire m’ont arrêté. L’un m’a dit : « Vous ne pouvez pas aller là en ce moment ». J’étais comme, « Je vais juste là pour voir comment va mon ami ». Et il m’a dit : « Vous ne pouvez pas aller là en ce moment ». Et puis j’ai dit : « Eh bien, pouvez-vous me dire ce qui se passe? » et il était comme, « Non, je ne peux pas vous le dire. » Et j’ai alors dit : « Eh bien, pouvez-vous me dire si c’est mon ami? » J’ai dit : « Son nom est Stu Langridge ». Il a répondu : « Je ne peux rien vous [dire] pour l’instant  » Il a aussi dit : « Vous allez devoir aller à l’extérieur et attendre jusqu’à ce que tout ça soit éclairci ».Note de bas de page 1054

155. La preuve appuie la conclusion selon laquelle l’intégrité de la scène et la dignité du corps du cpl Langridge ont été protégées par le SNEFC et les membres de la police militaire. Il n’existe aucun fondement pour conclure qu’il y a eu un manque de respect délibéré ou démontré à l’endroit du cpl Langridge en ne couvrant pas son corps ou en permettant qu’il soit laissé à la vue des passants.

Le contact avec le corps

156. Dans leurs observations finales, les plaignants affirment également que l’omission de dépendre rapidement le corps du cpl Langridge a suscité davantage d’indignité et de mépris, parce que les membres du SNEFC devaient apparemment « se serrer » pour éviter de toucher son corps en entrant et en sortant de la pièce. Les personnes visées par la plainte soutiennent au contraire que le cplc Ritco avait pris soin de ne rien déranger dans la pièce et qu’il y avait assez d’espace pour passer à côté du corps du cpl Langridge sans le toucher.Note de bas de page 1055

157. Le sgt Bigelow a indiqué lors de son témoignage qu’il était possible de passer à côté du corps du cpl Langridge sans le toucher. Il a estimé qu’il y avait un espace de deux pieds entre le corps du cpl Langridge et le mur.Note de bas de page 1056 Le cpl Hurlburt, pour sa part, a affirmé qu’il n’était pas possible de contourner le corps du cpl Langridge sans le toucher.Note de bas de page 1057 M. Caufield a déclaré qu’il était [traduction] « assez facile » d’entrer dans la pièce et de contourner le corps du cpl Langridge sans le toucher.Note de bas de page 1058 Le cpl Bruce-Hayes a dit lors de son témoignage qu’une personne plus costaude aurait eu du mal à passer sans toucher le corps.Note de bas de page 1059 Dans la vidéo prise de la scène, il est clair que l’espace disponible était étroit. M. Caufield est un homme grand et mince et la vidéo le montre passant aisément à côté du corps du cpl Langridge sans qu’il y ait contact. Par contre, la vidéo fait aussi voir deux membres plutôt costauds du service chargé de l’enlèvement de la dépouille pousser légèrement le corps du cpl Langridge en entrant dans la pièce.

158. Dans l’ensemble, la preuve montre qu’en faisant attention, il était possible de passer sans toucher le corps du cpl Langridge. Les contacts avec le corps semblent avoir été peu fréquents. Il est possible que le cplc Ritco et le sgt Bigelow aient fait contact avec le corps du cpl Langridge en entrant ou en sortant de la pièce. Cela n’équivaut pas à démontrer un manque de respect. La preuve établit qu’il n’était pas approprié que le SNEFC descende ou déplace le corps du cpl Langridge sans l’autorisation de l’enquêteur du ML. Jusqu’à ce que le corps soit enlevé, l’accès à la chambre de la caserne obligeait toute personne à passer à côté du corps du cpl Langridge. Bien qu’il semble que les étapes de l’enquête suivies par le cplc Ritco aient retardé l’enlèvement du corps du cpl Langridge, il n’y a absolument aucune preuve d’une quelconque intention de manquer de respect. Il n’y a pas non plus de preuve indiquant que des mesures appropriées n’ont pas été prises pour éviter de déranger le corps.

159. En fin de compte, la preuve ne fait ressortir aucun manque de respect envers la dépouille du cpl Langridge.

Traitement de la scène après l’enlèvement du corps

160. Après que le corps du cpl Langridge ait été retiré, le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont poursuivi le traitement de la scène et saisi des pièces, apparemment au hasard. Ils ne semblent pas s’être demandé sur quoi ils enquêtaient, si la mort semblait suspecte, ou ce qui pourrait constituer une preuve pertinente d’acte criminel. Ils n’ont pas saisi ou pris possession de pièces au profit de M. Caufield.Note de bas de page 1060 Le sgt Bigelow a indiqué lors de son témoignage que bien que lui et le cplc Ritco aient été conscients que le ML avait autorité sur le corps, [traduction] « c’était notre enquête alors nous étions autorisés à traiter la scène  ».Note de bas de page 1061

161. Les enquêteurs du SNEFC croyaient que leur rôle était de traiter toutes les scènes exactement de la même façon, et ils n’ont pas pris de mesures pour orienter ou adapter leur approche à partir d’une analyse de la situation et des renseignements disponibles. Le sgt Bigelow a indiqué dans son témoignage que l’approche employée pour le traitement de la scène et la saisie des pièces n’était aucunement liée au niveau de soupçon entourant les circonstances du décès. Toutes les scènes seraient traitées de la même manière, qu’il y ait ou non des soupçons en lien avec un acte criminel.Note de bas de page 1062

162. Au total, le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont saisi un certain nombre d’articles devant servir de pièces à conviction, qui ont été gardés dans 12 sacs de collecte. Il y avait notamment les éléments suivants  :

Pièce 1 : Une carte d’identité et le permis de conduire de l’Alberta du cpl Langridge, une pince à billets, un porte carte en cuir, une carte de débit et une carte d’assurance maladie;

Pièce 2 : La note de suicide du cpl Langridge;

Pièce 3 : Le BlackBerry du cpl Langridge et son chargeur et un étui en cuir;

Pièce 4 : Un carnet de notes de patrouilleur de la PM;

Pièce 5 : Des brochures, des formulaires médicaux et une enveloppe portant mention de la Mental Health Act appartenant au cpl Langridge;

Pièce 6 : De la documentation sur les moyens de mettre fin à l’abus de drogue et d’alcool;

Pièce 7 : De la correspondance personnelle reçue par le cpl Langridge, y compris des cartes de bon rétablissement;

Pièce 8 : Une Sainte Bible (nouvelle version internationale);

Pièce 9 : Une bouteille d’eau bleue contenant environ 500 ml d’un liquide clair qu’ils croyaient (mais n’en étaient pas sûrs) être de l’eau;

Pièce 10 : Une tasse à café Tim Horton à moitié remplie de ce qu’ils croyaient (mais n’en étaient pas sûrs) être du café;

Pièce 11 : De la paperasse concernant l’admission dans un établissement de santé et un sac pour biorisques;

Pièce 12 : Une vidéo porno, une collection d’outils, un livre et un ourson en peluche.Note de bas de page 1063

163. Le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont également saisi tous les objets personnels dans la pièce, s’attendant à ce qu’ils soient retournés au plus proche parent. Ils ont ensuite fait un enregistrement vidéo des éléments de preuve conservés dans des sacs et des effets personnels. Au bout du compte, ils ont enlevé de la pièce tout ce qui appartenait au cpl Langridge, agissant plus ou moins comme une équipe de nettoyage.

164. Il est important de comprendre pourquoi certains articles ont été saisis comme pièces de la preuve, et pourquoi certains ne l’ont pas été. Le cplc Ritco a décrit lors de son témoignage comment il avait déterminé ce qu’il fallait saisir sur les lieux :

[Traduction]

Les autres choses, les éléments de preuve, étaient les 12 ou 13 articles, comme la note de suicide, la bouteille d’eau, la tasse de café contenant du café, la Bible, la -- les documents des AA et tout ça. Ces choses, j’ai pensé, pourraient être pertinentes à mon enquête. Comme j’en étais au début de mon enquête et que je traitais cela comme une mort subite, je ne savais pas dans quelle direction elle irait. Je trouve une note de suicide, je trouve des choses autour de lui, donc, oui, ça peut avoir quelque chose à voir avec -- avec la possibilité qu’il y ait eu un acte criminel.

Q. : D’accord. Dois-je comprendre, alors, que vous avez saisi ces articles pour leurs propriétés physiques, à savoir que vous pourriez trouver des empreintes digitales sur les--R. : Empreintes digitales, ADN, analyse possible de l’écriture, des numéros possibles, des noms qui peuvent -- parce que je garde l’esprit ouvert. J’entre là, je ne sais vraiment rien – non pas que je ne sais vraiment rien, mais je ne sais pas ce qui se passe, donc je vais traiter cela en fonction du pire des scénarios, et puis j’exclurai des choses -- j’exclurai des choses au fur et à mesure. Alors, je ne vais pas écarter quelque chose parce que cela semble être un suicide. Et il y a une note de suicide, donc je ne vais pas dire, oui, c’est certainement un suicide, et juste m’arrêter à cela. Je vais vous dire, ok, très bien, il y a -- ça semble être un suicide, le ML a mentionné que cela concorde avec un suicide, et il y a une note de suicide; cependant, je garde l’esprit ouvert. Peut-être qu’il y a un acte criminel; peut-être que non. Donc, je recueille les objets comme pour un grand portrait [...].Note de bas de page 1064

Une approche erratique

165. Tout au long de leur témoignage, les personnes visées par la plainte ont réitéré leur conviction que les mesures prises pour le traitement de la scène, et le temps qu’il a fallu pour les exécuter, étaient nécessaires pour éviter de contaminer la preuve s’il avait été déterminé plus tard que la mort résultait d’un acte criminel.

166. Un outil d’enquête inclus dans les révisions de juillet 2004 et de février 2008 de l’annexe I du chapitre 7 des CPTPM, intitulé « Guide – Décès, armes légères (AL)/munitions pour AL, et agressions sexuelles », énonce que « tous les décès seront traités conformément aux normes rigoureuses qui s’appliquent également aux homicides ».Note de bas de page 1065 Lors de son témoignage, le cplc Ritco a dit qu’il croyait que cette politique était en vigueur en mars 2008 et qu’il avait traité la scène en conséquence.Note de bas de page 1066 Lorsque les Fynes ont fait part de leurs préoccupations au col Blais en 2010, le SNEFC a fourni une explication écrite qui concluait que l’affaire avait été traitée comme un homicide. Elle affirmait ce qui suit : [traduction] « Dans les affaires où la cause du décès est inconnue, tous les incidents doivent être traités comme une enquête sur un homicide. L’intention est de protéger les lieux et de prévenir la perte d’éléments de preuve, et de veiller à ce que la scène ne soit pas contaminée ».Note de bas de page 1067

167. Il n’est pas clair que cette norme s’appliquait dans un cas comme la scène de décès du cpl Langridge. Si les enquêteurs du SNEFC ont traité la chambre de la caserne comme une scène d’homicide, alors ils n’ont pas fait là un très bon travail. À certains moments, ils ont démontré une prudence exagérée ou inutile, tout en ratant des étapes évidentes et essentielles pour la préservation et la collecte des éléments de preuve. En conséquence, les objectifs de l’enquête sur la mort subite de 2008 – et de toute enquête sur un homicide potentiel qui aurait pu devenir nécessaire – n’ont pas été atteints.

168. Les enquêteurs ont traité la scène de la manière qu’ils jugeaient la meilleure. Ils ne peuvent être blâmés pour ne pas avoir su à l’avance quel élément de preuve se révélerait pertinent. Mais le fait demeure qu’ils n’ont pas exercé un solide jugement pour déterminer ce qu’il fallait saisir. La pensée du cplc Ritco concernant les pièces ne peut être précisée à partir de ses notes ou de ses actions, et il est difficile de comprendre pourquoi il a choisi de saisir certains articles mais non d’autres, ou ce sur quoi il comptait enquêter en faisant cela. Par exemple, un ourson en peluche assis dans la fenêtre du cpl Langridge a été recueilli comme élément de preuve potentiel sans raison apparente, et rien de plus n’a été fait avec cet objet. D’autre part, le stylo laissé sur la note de suicide et susceptible d’avoir été utilisé pour l’écrire a été déplacé à peu près au moment où la note a été saisie, mais n’a pas été recueilli comme élément de preuve.

169. Le cplc Ritco a pris des photographies de l’évier de la chambre de la caserne du cpl Langridge, en centrant l’objectif sur plusieurs mégots de cigarettes jetés dans le drain de l’évier et une chique de vieilles gommes à mâcher à quelques centimètres à droite du drain. Il a également enregistré des séquences vidéo en gros plan du contenu de l’évier. Cependant, aucun de ces articles n’a été saisi en preuve ni considéré à nouveau. Il est possible que le cplc Ritco, en prenant des photos et en enregistrant la pièce au complet sur vidéo, n’ait fait qu’un travail de routine sans s’interroger sur l’utilité de ces photos ou de ces vidéos.

170. Le cplc Ritco a placé les éléments de preuve saisis sur les lieux dans son casier temporaire le 16 mars 2008.Note de bas de page 1068 Ils ont ensuite été transférés à la salle des éléments de preuve le 9 avril 2008. Bien qu’il ait saisi certains objets qui auraient pu être analysés pour révéler des preuves d’un crime potentiel, comme la bouteille d’eau, la tasse de café ou la note de suicide, le cplc Ritco n’a finalement soumis aucun de ces objets à une analyse. Il a dit dans son témoignage que des analyses n’étaient pas justifiées parce que les indications à l’époque pointaient vers un suicide. Il a conservé les éléments de preuve au cas où l’enquête aurait subséquemment fait ressortir qu’il s’agissait d’un acte criminel.Note de bas de page 1069 Le cplc Ritco a déclaré qu’il avait traité les éléments de preuve comme s’ils pouvaient éventuellement pointer vers le pire scénario, celui d’un homicide, et que c’est ce qu’il avait à l’esprit en les saisissant. Son but était d’écarter la possibilité d’un acte criminel à mesure qu’avançait l’enquête.Note de bas de page 1070

171. Cependant, le cplc Ritco et le sgt Bigelow n’ont pas recueilli d’empreintes digitales sur la scène et n’ont collecté aucun échantillon en preuve sur la scène ou sur le corps du cpl Langridge. Le stylo apparemment utilisé pour écrire la note de suicide n’ayant pas été saisi, il n’y avait aucun moyen de le soumettre à une analyse pour y déceler des empreintes digitales ou confirmer qu’il s’agissait bien du stylo employé. Si une indication quelconque d’un acte criminel était apparue, il y aurait eu un manquement au niveau des éléments de preuve.

172. La nature du décès a démontré qu’il n’y avait pas de raison d’analyser les pièces et le cplc Ritco ne peut être blâmé pour ne pas l’avoir fait. Ce qui est plus important, et beaucoup plus inquiétant, est que le cplc Ritco n’a jamais semblé se demander : « Ai-je besoin de saisir cela, et le cas échéant, pourquoi? » et « Vais-je avoir besoin d’analyser cela? » Il n’est pas retourné examiner les éléments de preuve pour déterminer s’ils étaient toujours potentiellement pertinents et, le cas échéant, ce qui devrait être fait pour faire avancer l’enquête. En fait, les articles ont été saisis dans le cours normal des choses, puis oubliés. Il n’a jamais été établi clairement pourquoi certaines mesures ont été prises et d’autres pas.

Préserver la preuve et prévenir la contamination

173. Le SNEFC et les membres visés ont expliqué que la préservation des éléments de preuve et la prévention de toute contamination de la scène ou du corps étaient de la plus haute importance, et que le fait de ne pas prendre toutes les précautions nécessaires aurait pu compromettre une enquête criminelle ou toute procédure subséquente. La réponse écrite du SNEFC aux Fynes suite à la plainte qu’ils avaient soumise au col Blais au sujet du traitement – qu’ils estimaient irrespectueux – du corps du cpl Langridge, indique que les préoccupations concernant la contamination de la preuve avaient une importance primordiale :

[Traduction]

La méthodologie utilisée pour recueillir des preuves sur une scène d’homicide potentiel est extrêmement longue et laborieuse. La diligence requise pour recueillir tous les éléments de preuve possibles est primordiale, car une fois que la scène d’un crime est libérée, aucun élément de preuve qui n’a pas été saisi risque d’être perdu aux fins de l’enquête parce qu’inadmissible dans une procédure pénale. « Si le [corps du] caporal Langridge avait été descendu durant le processus, cela aurait contribué à contaminer davantage la scène du crime [...] et pourrait avoir eu un impact significatif sur une enquête criminelle ».Note de bas de page 1071

174. Bien que les membres du SNEFC aient fait valoir la nécessité du processus qu’ils avaient suivi, le travail accompli était incomplet et insuffisant pour satisfaire aux exigences rigoureuses qui s’appliquent à la preuve dans une éventuelle poursuite pénale. Pire encore, la poursuite hypothétique d’un suspect dans la mort du cpl Langridge aurait pu être compromise par des problèmes tels que l’omission de procéder à un examen judiciaire des lieux et d’en prévenir la contamination, ainsi que l’impossibilité d’obtenir une preuve complète au sujet de qui a pu pénétrer sur la scène ou avoir été en contact avec le corps du cpl Langridge ou tout objet se trouvant dans la pièce.

175. Si les enquêteurs du SNEFC avaient traité la scène comme une scène de crime, des efforts auraient dû être faits pour suivre les politiques et les procédures existantes.Note de bas de page 1072 La révision de 2004 de l’annexe C (« Marches à suivre relatives aux éléments de preuve ») du chapitre 7 des CPTPM met en évidence l’importance de prévenir la contamination et de préserver la preuve sur une scène de crime.Note de bas de page 1073

176. Le cplc Ritco a été interrogé sur ses efforts pour déterminer s’il y avait eu une contamination de la scène ou toute perturbation de la continuité ou de la préservation des éléments de preuve entre le moment de la pendaison et son arrivée. Il a déclaré avoir parlé avec le cpl Bruce-Hayes, qui a été le premier policier militaire à arriver sur les lieux, et a recueilli des renseignements concernant les personnes qui étaient entrées dans la pièce, ce qu’elles y ont fait, le parcours qu’elles ont emprunté, et si elles ont touché ou pris quoi que ce soit.Note de bas de page 1074 Le cpl Bruce-Hayes a noté que le corps du cpl Langridge avait été touché par les préposés du service d’incendie quand ils ont vérifié ses signes vitaux.Note de bas de page 1075 Les déclarations du cplc Munro et du cplc Bowen indiquent que tous les deux sont entrés dans la pièce et ont touché le corps pour confirmer l’absence de signes vitaux.Note de bas de page 1076 Le cplc Munro a également pris le portefeuille sur le bureau dans la chambre du cpl Langridge. Les ambulanciers paramédicaux se sont également rendus sur la scène et ont vérifié les signes vitaux.Note de bas de page 1077 Le cplc Ritco n’a pas interrogé les ambulanciers présents sur la scène.Note de bas de page 1078

177. Il n’y a aucune information précise sur qui a touché le corps ou si d’autres objets ont été dérangés dans la pièce. L’adjum Watson a reconnu dans son témoignage que les notes prises par le cpl Bruce-Hayes n’étaient pas suffisantes pour que les enquêteurs soient renseignés sur les mouvements des ambulanciers dans la pièce, ou sachent si le personnel ambulancier avait touché à d’autres objets dans la pièce.Note de bas de page 1079 Dans la mesure où il était nécessaire de confirmer la preuve sur les lieux, l’équipe d’enquête aurait dû interroger immédiatement le cpl Hurlburt, qui avait découvert le corps du cpl Langridge,Note de bas de page 1080 les pompiers qui se sont rendus sur la scène et ont confirmé le décès,Note de bas de page 1081 et l’équipe d’ambulanciers qui est également entrée dans la pièce et a confirmé à nouveau le décès.Note de bas de page 1082 Toutes ces personnes auraient dû être interrogées afin de préciser : le parcours qu’elles ont emprunté en entrant dans la pièce où le cpl Langridge a été trouvé et pour en sortir; la possibilité qu’elles aient touché ou déplacé le corps et, le cas échéant, où et de quelle façon; et la possibilité qu’elles aient touché ou déplacé quoi que ce soit dans la pièce, mis à part le corps.

178. Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage qu’à mesure qu’il avançait sur la scène, il évitait de contaminer les éléments de preuve et notait par écrit ou mentalement tout ce qui semblait se démarquer et qu’ensuite, il évitait cette zone. En voyant le corps du cpl Langridge dans l’entrée de la chambre de la caserne, il s’est soucié de ne toucher le corps [traduction] « d’aucune manière jusqu’à ce que j’aie photographié et filmé absolument toute la scène afin de tout préserver parce qu’une fois déplacé, alors la continuité des éventuels éléments de preuve est perdue ».Note de bas de page 1083 Le cplc Ritco est entré sur la scène en utilisant uniquement des gants en latex pour éviter la contamination. Cela indique soit qu’il croyait que la mort n’était pas du tout suspecte, soit qu’il ne comprenait pas la nécessité de prendre des précautions rigoureuses sur les lieux d’un homicide potentiel.

179. Incluant le cpl Hurlburt, qui avait découvert le corps du cpl Langridge, au moins cinq personnes ont touché le corps avant l’arrivée sur place du cplc Ritco et du sgt Bigelow. Au moins un élément de la scène avait été manipulé et le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il avait demandé si d’autres éléments avaient été dérangés, mais qu’il ne croyait pas que c’était le cas.Note de bas de page 1084 Sachant qu’il y avait eu une certaine perturbation de la pièce et un certain contact avec le corps avant son arrivée sur les lieux, le cplc Ritco a affirmé lors de son témoignage qu’il lui aurait fallu écarter l’ADN ou les empreintes digitales des premiers intervenants si la preuve avait indiqué que le cpl Langridge était mort à la suite d’un acte criminel. Cependant, le cplc Ritco et le sgt Bigelow n’ont pas prélevé d’empreintes digitales sur la scène, n’ont collecté aucun échantillon en guise de preuve sur la scène ou sur le corps et, de façon générale, n’ont pris aucune mesure pour recueillir et conserver les éléments de preuve auxquels on s’attendrait dans une enquête pour homicide.

180. Le cplc Ritco a dit lors de son témoignage qu’il n’avait jamais donné suite à la possibilité d’une contamination, parce que [traduction] « il n’y avait finalement aucune indication d’un acte criminel ».Note de bas de page 1085 En effet, il n’y avait aucune raison, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’un enquêteur prélève des empreintes digitales ou des preuves d’ADN sur les lieux – ou auprès de tout membre du personnel qui était entré dans la pièce. La Commission ne s’attend pas à ce que le cplc Ritco l’ait fait. Cependant, l’approche adoptée par les membres du SNEFC soulève un problème fondamental si l’on prend à la lettre l’affirmation répétée que la scène devait être traitée selon la norme applicable aux cas d’homicide. La justification de la manière dont la scène et le corps devaient être traités est incompatible avec ce qui a été fait. Ni le corps ni la scène n’ont été traités selon cette norme.Note de bas de page 1086 Il aurait été impossible d’effectuer une quelconque analyse si des preuves étaient apparues plus tard indiquant que le cpl Langridge était mort à la suite d’un acte criminel.

181. Des articles ont été placés de façon incohérente dans des sacs de collecte d’éléments de preuve – parfois individuellement, parfois avec plusieurs autres articles. La pièce 12, décrite précédemment dans ce chapitre, regroupait un fouillis d’objets personnels.Note de bas de page 1087 Les objets saisis ne doivent pas être emballés ensemble, afin de prévenir toute contamination croisée et la perte d’éléments de preuve, comme il ressort clairement de la révision de 2004 de l’annexe C (« Marches à suivre relatives aux éléments de preuve ») du chapitre 7 des CPTPM.Note de bas de page 1088 En outre, la manière dont certains éléments de preuve ont été photographiés n’est pas compatible avec les notes prises sur les lieux par le sgt Bigelow.Note de bas de page 1089

182. Les vêtements de protection portés ne suffisaient pas à empêcher la contamination de la scène. Selon une révision de 2011 de l’Instruction permanente d’opération 237 du SNEFC, [traduction] « le principe de Locard stipule que lorsque deux objets entrent en contact l’un avec l’autre, il y a nécessairement un échange de matière entre ceux-ci. Pour éviter de contaminer la scène, assurez-vous que toute personne qui entre sur la scène porte une combinaison de protection médico-légale ».Note de bas de page 1090 Cela donne une indication claire des meilleures pratiques pour assurer l’intégrité du processus de collecte des éléments de preuve. Le sgt Bigelow a été invité à préciser quand les enquêteurs sur les lieux d’un décès devraient porter une combinaison de protection médico-légale et dans quelles circonstances le port de gants est suffisant. Il a affirmé qu’il croyait que cela dépendait des attentes du Service. Lorsqu’il travaillait à la GRC, dans les cas où le décès résultait d’un suicide ou n’était pas suspect, la pratique générale était que les enquêteurs portent des gants et agissent avec prudence au moment de toucher à quelque chose. Lorsque le décès était, selon ses propres termes, un [traduction] « homicide grave », les analystes judiciaires, [traduction] « les gars du CSI », traitaient la scène vêtus d’une combinaison intégrale.Note de bas de page 1091

183. Il ressort du témoignage des membres du groupe d’experts de la police que des facteurs tels que la nature du décès et les conditions qui prévalent sur la scène elle-même ont tendance à dicter les besoins quant aux preuves médico-légales à collecter, ainsi que les précautions à prendre contre la contamination. Le sgt é-m Clark a dit lors de son témoignage que le SPE envoie ses équipes d’identification, vêtues d’une combinaison de protection intégrale, seulement sur les scènes de morts suspectes. Les morts non suspectes ou les suicides apparents sont trop nombreux pour être traités de la même façon et, dans ces cas, la collecte de preuves médico-légales et les précautions contre la contamination [traduction] « ne constituent pas un problème ».Note de bas de page 1092

184. L’inspecteur Fitzpatrick a indiqué dans son témoignage que pour les enquêtes sur des crimes graves, les médecins légistes étaient tenus de porter un [traduction] « costume de lapin » médico-légal complet, des chaussures de protection, et peut-être même un masque et un appareil respiratoire selon la nature des risques biologiques. Dans les autres cas, l’utilisation de vêtements de protection dépend de la situation, en s’en remettant principalement au bon jugement, à la formation et aux meilleures pratiques pour déterminer la façon de procéder.Note de bas de page 1093

185. L’inspecteur-détective Olinyk a indiqué lors de son témoignage que les agents de l’identité judiciaire portent normalement une combinaison contre les biorisques lors de l’examen de la scène, autant pour leur propre protection que pour la préservation des éléments de preuve potentiels.Note de bas de page 1094

186. Le traitement d’une scène selon la norme d’un homicide exige des mesures beaucoup plus strictes que le simple port de gants en latex. La Commission se demande comment les membres du SNEFC ont pu croire qu’ils faisaient face à un homicide même potentiel quand ils sont entrés dans la chambre de la caserne et qu’ils ont commencé à interagir avec la scène et le corps du cpl Langridge, étant donné qu’ils étaient aussi mal préparés et protégés.

187. Le cplc Ritco a peut-être lui-même contribué à la perte d’éléments de preuve. Dans l’enregistrement vidéo du traitement de la scène – à la fois avant et après que le corps du cpl Langridge ait été enlevé des lieux – le cplc Ritco portait des gants tout au long de son exploration de la pièce et de son contenu, mais ne les portait plus après que le contenu de la pièce ait été déplacé. À 22 h 59, le cplc Ritco et le sgt Bigelow finissaient d’enlever les éléments de preuve et les effets de la pièce. Le cplc Ritco a ensuite effectué une revue finale de la pièce vide. La vidéo le montre ouvrant les portes et les tiroirs à mains nues pour démontrer que tous les effets personnels du cpl Langridge avaient été enlevés. Si des empreintes digitales ou d’autres preuves médico-légales pertinentes avaient été présentes dans la pièce, elles auraient pu alors être contaminés ou oblitérées.

188. Si le cplc Ritco et le sgt Bigelow croyaient réellement être sur les lieux d’un présumé homicide, il est presque impensable qu’ils soient entrés sur les lieux sans prendre les mesures les plus rigoureuses pour prévenir la perte ou la contamination de la preuve.

Élaborer une approche flexible pour les enquêtes sur une mort subite

189. Une approche sensible, appropriée et utile en ce qui a trait à la contamination de la scène était à tout le moins envisagée dans certaines des politiques de la PM. La révision de 2004 de l’annexe C du chapitre 7 des CPTPM préconisait l’utilisation de vêtements de protection lors de la collecte des éléments de preuve et indiquait que « [l]e genre de vêtements protecteurs nécessaires, c’est-à-dire bottes, chapeau, gants, ensembles, etc., sera dicté par la scène devant être examinée ».Note de bas de page 1095

190. Les approches adoptées par les enquêteurs du SNEFC pour la collecte et la conservation des éléments de preuve dans le cas présent auraient eu beaucoup plus de sens si l’affaire avait été considérée comme un suicide probable – une mort non suspecte. Il n’aurait pas été nécessaire de prendre des mesures exhaustives pour prévenir la perte ou la contamination de la preuve, de porter autre chose que des gants en latex pour se protéger, de recueillir des échantillons d’écriture pour vérifier l’authenticité de la note de suicide, de saisir le stylo apparemment utilisé pour écrire la note de suicide, de prélever des empreintes digitales et d’autres traces en guise de preuve sur la scène. Dans ce scénario, on comprendrait mieux pourquoi la Bible du cpl Langridge a été saisie avec son signet et pourquoi un passage souligné (Apocalypse 21) a été noté comme étant un indicateur potentiel de son état d’esprit.Note de bas de page 1096 Il est difficile de concilier le fait que le cplc Ritco ait déclaré avoir traité la scène comme une scène de crime potentiel avec les actions qu’il a prises.

191. Il se peut que la compréhension du cplc Ritco de son approche pour traiter la scène ait été influencée par la politique énoncée dans les CPTPM en vigueur à l’époque, qui exigeait que tous les décès soient traités selon les mêmes normes rigoureuses qui s’appliquent à un homicide.Note de bas de page 1097

192. Les témoignages d’experts entendus par la Commission établissent l’importance d’une approche flexible dans les enquêtes sur une mort subite.Note de bas de page 1098 Même s’il semble que toutes les scènes de décès doivent d’abord être approchées avec l’idée qu’il peut s’agir d’un homicide, une approche trop rigide, qui traite littéralement toutes les morts subites de manière identique, dissuade et empêche les enquêteurs d’évaluer les preuves et les faits et de formuler des hypothèses sur ce qui s’est passé. Bien qu’il soit essentiel que l’enquête soit menée sans être limitée par une vision cloisonnée ou des conclusions rigides, ces risques sont totalement distincts de la formulation d’hypothèses de travail. Une hypothèse solide doit être constamment et rigoureusement vérifiée, mais elle est aussi un guide fondamental dans la conduite d’une enquête. Pour ces raisons, il convient de réfléchir à l’élaboration d’une politique d’enquête qui exclut le recours à une approche unique dans tous les cas de mort subite et qui privilégie plutôt le bon jugement et l’évaluation continue des faits et des éléments de preuve recueillis afin de vérifier l’hypothèse formulée et d’utiliser les ressources du SNEFC en conséquence. Dans le cas présent, une fois que la probabilité d’un suicide est devenue de plus en plus élevée, les enquêteurs auraient dû formuler une hypothèse sur la mort du cpl Langridge et établir ce qui était nécessaire pour confirmer ou rejeter cette théorie.

193. Chaque fois que l’approche d’un «  homicide potentiel » est adoptée, cela doit être fait de manière appropriée et cohérente. Des mesures rigoureuses devraient être prises pour éviter de contaminer le corps ou la scène et empêcher toute perte éventuelle d’éléments de preuve. Si la politique du SNEFC continue d’exiger que toute mort subite soit traitée en fonction des mêmes normes rigoureuses qu’un homicide jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’il s’agit d’un suicide,Note de bas de page 1099 il faudrait prendre soin d’éviter toute contamination de la scène ou du corps. Les enquêteurs qui pénètrent sur les lieux et qui traitent la scène devraient porter des vêtements de protection appropriés. Toute personne qui est entrée dans la pièce depuis la découverte du décès doit être interrogée afin de préciser ce qui peut avoir été dérangé ou touché.

194. Dans tous les cas, la scène devrait être traitée en visant un but précis, à partir d’une évaluation de la preuve et des renseignements disponibles. Les membres du SNEFC dépêchés sur les lieux doivent signaler leurs observations et l’information disponible à un de leurs supérieurs (par exemple le gestionnaire de cas) ayant une expérience significative de la conduite et de la supervision des enquêtes sur une mort subite. En collaboration avec le coroner ou le ML, les membres du SNEFC présents sur les lieux et leur supérieur devraient procéder à une première détermination de la nature possible du décès et de l’approche la plus appropriée pour la collecte des éléments de preuve. Toutefois, s’il y a quelque raison de penser que la mort peut avoir été le résultat d’un acte criminel ou être autrement suspecte, les enquêteurs doivent agir comme si le décès était attribuable à un homicide.

195. Comme alternative, on pourrait envisager de sceller une scène de mort subite, dans la mesure où cela est possible et réalisable, jusqu’à ce que la cause médicale du décès ait été déterminée, en évitant à la fois de contaminer la preuve et de perdre des éléments de preuve.

196. L’évaluation et la consultation entre les membres du SNEFC et le ML ou le coroner devraient aider les enquêteurs à établir ce qui sera important pour les fouilles et la saisie. Une fois le corps enlevé, des éléments de preuve devraient être recueillis en vue de déterminer comment s’est produit le décès, et les enquêteurs devraient revoir et évaluer ces éléments au fur et à mesure que progresse l’enquête. Tous les éléments de preuve saisis devraient être préservés soigneusement et conservés dans des contenants de collecte d’éléments de preuve distincts.

Procéder à l’enquête sur la mort subite
Comprendre sur quoi enquêter

197. Après leur traitement de la scène, l’enlèvement du corps du cpl Langridge et la collecte d’éléments de preuve, les enquêteurs étaient en mesure de déterminer ce qui, le cas échéant, était nécessaire pour les besoins d’une enquête sur la mort subite. Les membres de l’équipe d’enquête du SNEFC ont indiqué au cours de leur témoignage que le but de leur enquête était d’écarter un acte criminel.Note de bas de page 1100 Dans la mesure où cela signifie qu’ils ont considéré la possibilité d’un acte criminel en tant qu’alternative au suicide, l’enquête qu’ils ont réellement menée ne semble pas avoir été centrée sur cette question. La plupart du travail d’enquête réalisé portait principalement sur la question de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1101 Les autres mesures d’enquête prises semblaient manquer d’orientation et de direction. Il n’était pas clair que leur pertinence potentielle pour écarter un acte criminel avait été examinée ou comprise par les enquêteurs.

198. La collecte et l’évaluation d’éléments de preuve concernant les derniers jours du cpl Langridge auraient peut-être aidé les enquêteurs à établir la séquence chronologique des événements ayant mené à son décès. Cela peut être important pour écarter un acte criminel ou préciser les problèmes en lien avec son décès qui auraient mérité une enquête plus approfondie. En établissant une chronologie, les enquêteurs peuvent identifier des témoins potentiels ou des pistes de recherche possibles et améliorer leur propre compréhension des événements qui ont conduit au décès. Cela peut aider les enquêteurs à prendre sans délai une décision quant à la possibilité qu’il y ait eu un acte criminel et repérer les incohérences dans la preuve qui requièrent une enquête plus approfondie. À tout le moins, les enquêteurs devraient chercher à obtenir des renseignements sur la personne décédée au cours des heures précédant son décèsNote de bas de page 1102 et ils devraient probablement se concentrer sur au moins les trois derniers jours de sa vie.Note de bas de page 1103 Dans la présente affaire, l’équipe d’enquête n’a dressé aucune chronologie de ce genre.Note de bas de page 1104 Aucune entrée n’a été faite dans le dossier d’enquête pouvant aider à établir avec certitude où se trouvait et ce que faisait le cpl Langridge pendant les dernières heures de sa vie.

199. Incidemment, il n’y a pas de chronologie pour la période écoulée entre le congé accordé par l’hôpital au cpl Langridge après qu’il y ait passé trente joursNote de bas de page 1105 et son décès, soit la période correspondant aux dix derniers jours de sa vie. Le dossier d’enquête ne contient que de brefs aperçus des activités du cpl Langridge après sa sortie de l’hôpital. Il n’y a aucun renseignement montrant que les circonstances de son congé ont été examinées, et rien n’indique que les arrangements concernant le logement et les conditions de travail du cpl Langridge au cours de cette période de dix jours aient fait l’objet d’un examen minutieux.

200. Dans la mesure où ils se sentaient incapables d’en arriver à une conclusion après le traitement de la scène, les enquêteurs auraient dû examiner les deux théories les plus plausibles sur la cause du décès : soit le suicide, soit la mort causée de quelque manière par un acte criminel. Dans l’élaboration de leur PE, les enquêteurs auraient dû partir des éléments de preuve qui se trouvaient sur la scène et orienter leur enquête pour mettre à l’épreuve ces théories. L’équipe d’enquête ne semble pas avoir utilisé la preuve recueillie sur la scène, durant les entrevues ou au cours d’autres recherches de cette manière. La preuve ne semble pas avoir été examinée à nouveau, si ce n’est que le 19 mars 2008, le cplc Ritco a marqué comme biens personnels certains éléments initialement saisis en preuve.Note de bas de page 1106

201. Plutôt que d’analyser les éléments de preuve qu’ils avaient sous la main, les enquêteurs semblent avoir orienté leurs efforts de manière à recueillir encore plus de preuves. Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage : [traduction] «  J’ouvre une enquête et je laisse la preuve dicter ce que sera le résultat »,Note de bas de page 1107 en soulignant qu’il gardait l’« esprit ouvert » pendant toute la durée de l’enquête. Ce n’est qu’au moment de clore son rapport d’enquête qu’il est arrivé à une conclusion sur la cause du décès,Note de bas de page 1108 soit le ou vers le 2 juin 2008.Note de bas de page 1109 Il a affirmé que, dans la conduite de l’enquête de 2008 :

[Traduction]

[...] tout ce que je recueillais -- toutes les preuves que je recueillais, pointaient évidemment vers un suicide, mais je ne voulais pas prendre cette décision tout de suite, là, parce que je n’avais pas encore tout rassemblé. Alors, oui, cela pointait vers un suicide, et il n’y avait pas de soupçon d’acte criminel, mais ce n’est que vers la fin du mois de mai que toutes les pièces du casse-tête ont été réunies, et c’était un suicide.Note de bas de page 1110

202. La conduite de l’enquête et le témoignage du cplc Ritco laissent entendre qu’il avait mal compris la signification et le but de l’expression « garder l’esprit ouvert ». Loin d’évoquer une approche ouverte, sa réticence évidente à interpréter effectivement la preuve suggère qu’il avait une crainte exagérée d’en arriver à des conclusions prématurées – une crainte qui était peut-être le résultat conjugué de l’inexpérience, d’une supervision limitée et de mises en garde officielles de ne pas succomber à des idées préconçues.Note de bas de page 1111 L’équipe d’enquête semblait croire qu’aucune décision sur la possibilité d’un éventuel acte criminel ne pouvait être prise avant que chaque parcelle de preuve ait été recueillie, comme si l’exercice du jugement ou la sélectivité équivalait à être guidé par des idées préconçues. Cela n’est pas un bon principe d’enquête. Pire encore, les éléments de preuve que les enquêteurs ont continué à ramasser n’étaient pas toujours pertinents à cette détermination et, lorsqu’ils l’étaient, leur pertinence ne semblait pas toujours avoir été comprise par les enquêteurs.

Entrevues avec des témoins

203. Les enquêteurs du SNEFC auraient dû songer à interroger les occupants de l’étage du bâtiment où se trouvait la chambre de caserne du cpl Langridge, et peut-être ceux des étages adjacents. Il y a très peu de renseignements dans le dossier d’enquête concernant les activités et l’état d’esprit du cpl Langridge le jour de sa mort et les jours précédents. On ne sait pas qui a été la dernière personne à avoir vu le cpl Langridge en vie, puisque la question ne semble pas avoir été examinée. Il n’y a rien dans le dossier d’enquête pour confirmer ce que faisait le cpl Langridge le jour de sa mort si ce n’est du compte rendu du personnel de service qui s’était fait dire qu’il avait fait sa lessive.Note de bas de page 1112 Déterminer les activités du cpl Langridge pendant ses derniers jours et le jour de sa mort aurait pu être utile aux enquêteurs pour comprendre dans quel état d’esprit il se trouvait. Le voisin du cpl Langridge a été interrogé le 17 mars 2008 par un membre de la PM de la base,Note de bas de page 1113 mais n’a fourni que peu d’information au-delà d’indiquer qu’il avait entendu des bruits dans la chambre du cpl Langridge, comme une porte qui avait été ouverte et fermée, et une chaise qui avait été déplacée tôt le matin.Note de bas de page 1114 Le cplc Ritco a indiqué dans ses notes qu’il avait [traduction] « déterminé qu’il serait peut-être nécessaire d’interroger à nouveau [le voisin] puisque sa déposition était vague ».Note de bas de page 1115 Il n’y a aucune indication que le voisin ait été interrogé par les enquêteurs subséquemment.

204. Si des questions restent sans réponse à la suite de l’enquête sur la scène du décès et de l’interrogatoire des voisins, les enquêteurs peuvent mener des entrevues avec des témoins afin de déterminer si un acte criminel a pu être en cause. Il est difficile de surestimer la valeur des interrogatoires menés auprès des témoins dans toute enquête, et cette valeur est encore plus grande lorsque l’enquête porte sur les événements survenus au cours des derniers jours de la vie d’une personne. M. Caufield a dit dans son témoignage que lors d’une enquête sur un suicide présumé, les enquêteurs devraient tenter de déterminer l’existence d’idées suicidaires ou de tentatives de suicide antérieures, et de trouver toute preuve concernant les événements importants de la vie de la personne qui auraient pu la conduire à mettre fin à sa vie.Note de bas de page 1116 Les renseignements obtenus de témoins reposent sur l’identification réussie des témoins les plus susceptibles d’avoir les renseignements le plus pertinents. Les enquêteurs doivent être prêts à étendre et à modifier leur liste de témoins en fonction de ce qu’ils apprennent.

205. Dans le cas présent, les enquêteurs ont effectué plusieurs entrevues dans les mois qui ont suivi la mort du cpl Langridge. Ils n’ont pas interrogé la famille, la conjointe du cpl Langridge, ni aucun de ses médecins traitants, civils ou militaires. Ils ont interrogé l’adjudant du cpl Langridge,Note de bas de page 1117 le personnel de serviceNote de bas de page 1118 et son superviseur au travail,Note de bas de page 1119 bien que ce dernier ait été interrogé environ un mois après la mort du cpl Langridge. Le SMR a été interrogé plus de deux mois après la mort.Note de bas de page 1120 Le seul ami du cpl Langridge qui ait été interrogé est le cpl Jon Rohmer.Note de bas de page 1121

206. Le fait que les Fynes et Mme A n’aient pas été interrogés signifiait que l’équipe d’enquête n’était pas informée sur plusieurs questions potentiellement pertinentes, y compris les allégations selon lesquelles des ordres avaient été donnés pour que le cpl Langridge reçoive son congé de l’hôpital et soit placé sous surveillance pour risque de suicide. Le cplc Ritco a admis au cours de son témoignage que ces allégations auraient été utiles pour orienter son enquête.

207. La décision de ne pas contacter Mme A semble avoir été prise par l’adj Tourout, le 15 mai 2008,Note de bas de page 1122 longtemps après qu’elle aurait dû être interrogée. L’adj Tourout a indiqué au cours de son témoignage que Mme A n’avait pas été interrogée parce que [traduction] « à ce moment-là, nous avions les dossiers médicaux. Il n’était [...] pas nécessaire de l’interroger ».Note de bas de page 1123 Le cplc Ritco a indiqué au cours de son témoignage qu’il a été déterminé [traduction] « à la fin de l’enquête [...] qu’il n’était pas pertinent de l’interroger car il s’agissait d’un suicide ».Note de bas de page 1124

208. Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il avait pensé à interroger les Fynes. Il était d’avis qu’ils auraient dû être interrogés, et il a indiqué qu’il croyait que le fait qu’ils n’avaient pas été inscrits sur la liste des témoins potentiels dans son PE était un oubli de sa part.Note de bas de page 1125 Il se souvenait aussi avoir parlé avec l’adj Tourout de la possibilité d’interroger Mme Fynes et qu’il s’était fait dire que cela n’était pas nécessaire.Note de bas de page 1126 L’adj Tourout ne pouvait se rappeler pourquoi précisément le cplc Ritco avait été avisé qu’il n’était pas nécessaire d’appeler Mme Fynes, mais il croyait que cela était lié au fait que les enquêteurs avaient obtenu les dossiers médicaux du cpl Langridge qui [traduction] « [leur] ont fourni ses antécédents de service ».Note de bas de page 1127 L’adjum Watson ne pouvait non plus se rappeler exactement pourquoi on avait dit au cplc Ritco qu’il n’avait pas besoin d’interroger Mme Fynes. Cependant, il a déclaré dans son témoignage : [traduction] « Je ne peux que vous soumettre que c’était un homme de 28 ans engagé dans l’armée, et que je n’aurais pas vu la nécessité de parler à sa mère dans cette situation pour faire avancer l’enquête », en ajoutant que les renseignements généraux dont les enquêteurs avaient besoin avaient été obtenus auprès des « autorités médicales » et de collègues du cpl Langridge, et que ces renseignements avait été suffisants pour leur enquête.Note de bas de page 1128

209. Comme les personnes visées par la plainte l’ont souligné dans leurs observations finales écrites, il n’est pas nécessaire que les enquêteurs interrogent tous les témoins potentiels pouvant posséder des renseignements pertinents.Note de bas de page 1129 Toutefois, la sélection des témoins à interroger doit reposer sur une évaluation de la pertinence des renseignements qu’ils sont susceptibles d’avoir et de leur importance pour l’enquête. Dans le cas présent, certaines des évaluations effectuées n’étaient pas raisonnables et, en conséquence, des témoins possédant des renseignements importants et pertinents ont été ignorés.

Portée de l’enquête

210. La majeure partie du travail d’enquête faisant suite à l’entrevue du cpl Hurlburt le 19 mars 2008 ne visait pas à déterminer si la cause du décès du cpl Langridge était un suicide ou un acte criminel. Les entrevues avec le cplc Fitzpatrick,Note de bas de page 1130 la cplc Bowden,Note de bas de page 1131 l’adjuc RossNote de bas de page 1132 et le Capt Richard Robert HannahNote de bas de page 1133 ont traité essentiellement de questions liées à une présumée surveillance pour risque de suicide et à l’état du cpl Langridge (qui aurait pu inciter à penser à une négligence possible),Note de bas de page 1134plutôt qu’à des questions ayant trait au rejet d’un acte criminel en tant qu’alternative au suicide.

211. Le maj Brian Frei, commandant adjoint du SNEFC au moment de l’enquête, a indiqué au cours de son témoignage à l’audience que [traduction] « la meilleure pratique serait de séparer » les deux enquêtes. Toutefois, il a reconnu que ce n’était pas une pratique courante au SNEFC à l’époque.Note de bas de page 1135 Le cplc Ritco avait raison; la question de la négligence aurait dû être examinée.Note de bas de page 1136 Bien qu’il aurait été préférable d’en faire l’objet d’une enquête distincte subséquemment plutôt que de détourner l’accent de l’enquête en cours de la question qui visait à savoir si la cause de la mort était un suicide,Note de bas de page 1137 la Commission est consciente que ce n’est pas toujours de cette façon que se déroule une enquête, ni qu’il s’agit nécessairement de la seule façon de mener efficacement une enquête.

Exclure un acte criminel

212. Les enquêteurs n’ont exclu un acte criminel comme alternative au suicide que deux mois et demi après la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 1138 Sur la base des données disponibles à l’époque, il est difficile de dire avec certitude à quel moment un acte criminel, par opposition à un suicide, aurait pu en pratique être écarté. Cependant, il semble que cela aurait pu se faire dans les jours qui ont suivi le décès, si ce n’est le jour même, après le traitement de la scène. Certes, il y a peu de raisons de penser qu’un acte criminel, en tant qu’alternative au suicide, n’aurait pu être écarté de manière concluante avant les funérailles du cpl Langridge le 26 mars 2008.Note de bas de page 1139 L’adjum Watson a dit dans son témoignage qu’il s’agissait manifestement d’une enquête simple et que la décision quant à l’éventualité d’un acte criminel n’aurait guère dû prendre plus de trois ou quatre jours.Note de bas de page 1140

213. Sur un plan pratique, le temps pris avant d’en arriver à la conclusion que la mort était un suicide semble être lié au défaut de faire la distinction entre la notion du rejet d’un acte criminel comme alternative au suicide et la conclusion d’un dossier d’enquête. La conclusion d’un dossier nécessite que l’ensemble des procédures d’enquête et des documents requis pour le dossier soient complétés et mis en ordre, au point où les enquêteurs et leurs superviseurs peuvent signifier par écrit la fin de l’enquête. Par contre, les enquêteurs peuvent exclure à toutes fins pratiques la possibilité d’un acte criminel avant de conclure leur dossier d’enquête. Les enquêteurs peuvent prendre tôt certaines décisions sur des questions pertinentes avant de satisfaire à toutes les exigences techniques du dossier. L’équipe d’enquête peut avoir eu raison de demander un rapport au ML avant de clore le dossier, mais à toutes fins pratiques, elle aurait pu écarter l’hypothèse d’un acte criminel avant de recevoir le rapport du ML.

214. Dans son témoignage, le cplc Ritco ne pensait pas qu’il aurait pu arriver plus tôt à une conclusion sur la cause du décès, invoquant le fait que c’était sa première enquête sur un suicide. Cette hésitation à en arriver à ce qu’il considérait comme une conclusion potentiellement prématurée peut être liée à l’omission d’analyser les mesures d’enquête prises et les éléments de preuve recueillis sous l’angle de leur importance pour confirmer ou réfuter la thèse d’un acte criminel. Dans son témoignage, il a été incapable de préciser sur quelle sorte de possibilité d’acte criminel il avait enquêté après le 19 mars 2008.Note de bas de page 1141

215. L’adj Tourout a quant à lui déclaré dans son témoignage que, suite à l’examen fait par les enquêteurs de la scène de crime [traduction] « une analyse des éléments en main aurait amené [le cplc Ritco] à la conclusion qu’il n’y avait pas eu d’acte criminel ».Note de bas de page 1142 Il a ajouté que l’on pouvait raisonnablement faire l’hypothèse qu’en date du 17 mars 2008, les enquêteurs savaient tout ce qu’ils pouvaient savoir à propos de la scène de crime, des preuves matérielles et des indices possibles d’un acte criminel.Note de bas de page 1143

216. Les enquêteurs du SNEFC ont fouillé la vie personnelle du cpl Langridge, sa santé physique et mentale, ses tentatives de suicide antérieures, sa dépendance aux drogues et ses relations. En dépit des allégations des plaignants à l’effet que ce genre d’exploration était inutile et excessif dans le cadre d’une enquête sur une mort subite, les témoignages d’experts font valoir le contraire.Note de bas de page 1144 Là où il y a un suicide apparent, les aspects de la vie personnelle du défunt peuvent être examinés afin de discerner des preuves circonstancielles pour savoir si oui ou non il s’agit d’un suicide. Des éléments de preuve portant sur des idées suicidaires, des tentatives de suicide antérieures ou des troubles chroniques de santé mentale comme la dépression ou la bipolarité peuvent permettre de faire de telles inférences. Des preuves de traumatismes personnels, de toxicomanie ou de problèmes relationnels peuvent révéler que les conditions de vie d’une personne montrent de l’instabilité, ce qui permet aussi de tirer des inférences possibles sur la probabilité d’un suicide. Ce genre de détails, quoique non déterminants, peuvent aider les enquêteurs à mieux comprendre la personne décédée et à découvrir s’il y avait des signes confirmant la possibilité d’un suicide ou rendant celui-ci peu probable.

217. Les enquêteurs ont recueilli beaucoup de commentaires sur ces aspects durant leurs premières entrevues, ce qui leur a fourni de solides indices que la mort du cpl Langridge était un suicide et non la conséquence d’un acte criminel.

218. Le 17 mars 2008, le Capt Mark Lubiniecki aurait dit aux enquêteurs que le cpl Langridge avait fait au moins deux tentatives de suicide et qu’il avait suivi et rapidement abandonné un programme de réhabilitation pour toxicomanie, après avoir échoué un test de dépistage de la cocaïne. Il a également signalé que la relation maritale du cpl Langridge était instable et peut-être sur le point de prendre fin. Le Capt Lubiniecki aurait déclaré que le cpl Langridge vivait au régiment sous un ensemble de conditions, dans un effort visant à [traduction] « démontrer qu’il était davantage résolu à changer ses habitudes ».Note de bas de page 1145

219. Le lendemain, le cpl Rohmer a dit aux enquêteurs que le cpl Langridge avait tenté de se suicider au moins deux fois dans le passé et qu’il [traduction] «  avait un problème d’alcool et de drogue, des troubles relationnels et des problèmes financiers ». Il a affirmé qu’il s’était rendu personnellement à la résidence du cpl Langridge et de Mme A pour retirer du sous-sol une rallonge électrique dont le cpl Langridge se serait servi pour tenter de se suicider. Le cpl Rohmer a discuté du comportement erratique du cpl Langridge et de sa consommation de « coke » et a fait allusion à des rumeurs qui circulaient au sujet d’une possible surveillance pour risque de suicide qui aurait été mise en place dans les semaines précédant son décès.Note de bas de page 1146

220. Le sgt Hiscock a également fourni des renseignements sur la rumeur d’une surveillance pour risque de suicide, affirmant qu’il en avait été informé le jour de la mort du cpl Langridge soit par l’agent de service sortant soit par le cplc Fitzpatrick.Note de bas de page 1147 Il a ajouté qu’il avait entendu dire que le cpl Langridge avait des problèmes relationnels et des troubles de santé mentale.Note de bas de page 1148

221. Le 19 mars 2008, les enquêteurs ont interrogé le cpl Hurlburt,Note de bas de page 1149 qui leur a dit que des rumeurs circulaient au cours des dernières semaines à l’effet que le cpl Langridge était suicidaire et qu’une surveillance pour risque de suicide avait été planifiée. Il a également rapporté que, selon d’autres rumeurs, le cpl Langridge aurait été suicidaire l’année précédente, bien qu’il ait ajouté que, selon d’autres personnes, les propos du cpl Langridge à l’époque au sujet du suicide n’étaient pas sincères.Note de bas de page 1150 L’équipe d’enquête ne semble pas s’être servi de ces éléments de preuve pour écarter la possibilité d’un acte criminel.

222. Le 9 avril 2008, les enquêteurs ont obtenu un rapport de police de la GRC. Il révélait que le cpl Langridge avait été signalé comme [traduction] « personne disparue instable » le 25 juin 2007,Note de bas de page 1151 la date de sa première tentative de suicide.Note de bas de page 1152 Le même jour, le cplc Ritco a parlé à l’enquêteur du ML, qui lui a dit que dix des onze analyses avaient été effectuées, et qu’à moins que la dernière analyse ne donne un résultat « positif », la mort sera déclarée comme étant attribuable à un suicide. Le cplc Ritco a également noté que l’enquêteur du ML avait indiqué que [traduction] « comme il semble n’y avoir eu aucun acte criminel de quelque sorte, et que toutes les analyses [sic] ont produit des résultats négatifs », tout ce que le cplc Ritco a demandé est une liste des médicaments prescrits au cpl Langridge.Note de bas de page 1153 Il a en outre signalé que M. Caufield avait demandé des photographies de la scène et le rapport de police pour mettre à son dossier. Le cplc Ritco a écrit dans ses notes : [traduction] « je l’ai informé que je n’avais pas terminé, je pouvais attendre, et dit que je devais parler à l’adjudant-maître pour lui référer le rapport [sic] ».Note de bas de page 1154

223. À ce stade, presque un mois après le décès, en plus de n’avoir trouvé aucune preuve étayant un acte criminel, ni de renseignements provenant d’entrevues avec des témoins au sujet des antécédents médicaux et personnels troublés, y compris de parler de suicide et de faire des tentatives de suicide ou de poser des gestes suicidaires, les enquêteurs avaient maintenant aussi reçu la conclusion provisoire du ML à l’effet qu’il s’agissait d’un suicide.

224. Le 22 avril 2008, les enquêteurs ont interrogé le cplc Fitzpatrick. Il a indiqué qu’il avait examiné le dossier personnel du cpl Langridge lorsque ce dernier était venu travailler pour lui en 2007. Le dossier aurait comporté des détails sur la première tentative de suicide du cpl Langridge, que le cplc Fitzpatrick a communiqués aux enquêteurs.Note de bas de page 1155 Il a en outre rapporté qu’en une occasion, alors que le cpl Langridge travaillait pour lui et qu’il s’était absenté sans permission (ASP), le cplc Fitzpatrick avait appelé la PM, qui a alors dépêché un policier à la maison du cpl Langridge. Le policier l’aurait trouvé incohérent suite à l’ingestion d’une certaine quantité de somnifères.Note de bas de page 1156 Le même jour, selon le cplc Fitzpatrick, Mme A s’est rendue à son bureau et lui a dit que le cpl Langridge [traduction] « prenait de la drogue ».Note de bas de page 1157 Le reste de l’entrevue avait porté en grande partie sur la présumée surveillance pour risque de suicide, que le cplc Fitzpatrick a décrit comme étant une liste de gardiens établie de façon préventive dans l’éventualité où il serait nécessaire de mettre en place une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1158 Son récit des événements a été remis en question par le témoignage de la cplc Bowden, le 5 mai 2008. Elle a déclaré qu’elle avait été informée par le cplc Fitzpatrick que la liste des noms était en cours de compilation [traduction] « pour que Langridge soit surveillé en cas de risque de suicide ».Note de bas de page 1159

225. Nonobstant cette divergence, la preuve semble indiquer que le régiment était préoccupé par la possibilité que le cpl Langridge se suicide. La préoccupation s’est intensifiée au point où une surveillance pour risque de suicide a été organisée ou une liste de noms a été établie d’avance au cas où une surveillance pour risque de suicide devrait être mise en place de toute urgence.

226. Le 15 mai 2008, le cplc Ritco s’est rendu au Bureau du ML et y a rencontré l’enquêteur du ML. À ce moment, il avait reçu divers documents confirmant officiellement que le cpl Langridge était mort à la suite d’un suicide par pendaison.Note de bas de page 1160 Même avec ce matériel en main, le cplc Ritco n’était pas prêt à exclure un acte criminel. Il a indiqué au cours de son témoignage devant la Commission que le rapport du ML [traduction] «  était l’une des plus grosses pièces du casse-tête », mais qu’il avait encore d’autres choses à faire avant de pouvoir conclure son rapport.Note de bas de page 1161

227. Le 27 mai 2008, le cplc Ritco a interrogé le Capt Hannah.Note de bas de page 1162 Le Capt Hannah a déclaré que le fait que le cpl Langridge vivait au LdSH parce qu’il était perçu comme présentant un risque accru de suicide était [traduction] « de notoriété publique ».Note de bas de page 1163 Le Capt Hannah a ensuite dit que le cpl Langridge s’était montré coopératif pendant qu’il était au LdSH; il n’avait pas posé de gestes suicidaires et il avait déclaré qu’il n’était pas suicidaire.Note de bas de page 1164 Le Capt Hannah a mentionné qu’il ne pouvait pas répondre à la question de savoir pourquoi le cpl Langridge s’était suicidé,Note de bas de page 1165 mais il a avancé que cela pouvait résulter d’un besoin d’attirer l’attentionNote de bas de page 1166 ou de la consommation de cocaïne.Note de bas de page 1167 Il a également passé en revue avec le cplc Ritco les dossiers médicaux qu’il avait obtenus sur le cpl Langridge, afin d’aider le cplc Ritco à comprendre ce qu’ils signifiaient. Bien que les dossiers aient sans doute été incomplets, ils renfermaient des renseignements importants indiquant que le cpl Langridge était profondément troublé.

228. Le cplc Ritco a dit au cours de son témoignage que selon les dossiers médicaux, le cpl Langridge [traduction] « entrait et sortait des hôpitaux. Dans le passé, [...] il avait tenté de se suicider. Et [...] il était ... à la recherche de conseillers pour obtenir de l’aide ». Cependant, il n’a pas tiré d’inférences à partir de ces faits et en a seulement conclu qu’ils étaient la preuve que [traduction] « quelque chose n’allait pas ».Note de bas de page 1168

229. À un certain point, il est difficile de ne pas conclure que le fil conducteur quant à l’objet de l’enquête avait été perdu, et que celle-ci s’était transformée en enquête ouverte sur le cpl Langridge lui-même. Cette impression est renforcée par le fait que, même à ce stade, l’enquête n’a pas pris fin. Le 29 mai 2008, le cplc Ritco a demandé une analyse judiciaire du téléphone mobile BlackBerry du cpl Langridge au Groupe intégré de la criminalité technologique (GICT) du SNEFC. Il voulait une analyse de tous les appels, courriels et messages textes et une recherche de termes tels que « tuer », « blesser », « cocaïne » et « suicide ».Note de bas de page 1169 L’adjum Watson a consenti à la demande.Note de bas de page 1170 Il a noté que l’analyse devait être faite afin de trouver [traduction] « tout élément de preuve qui peut expliquer la raison du suicide du cpl Langridge » et de découvrir qui avait vendu des drogues illicites au cpl Langridge.Note de bas de page 1171 Il a également noté que « l’enquête sur cet incident est terminée », mais qu’il souscrivait tout de même à la demande d’analyse.Note de bas de page 1172 En fin de compte, quand il a pris conscience des difficultés techniques que soulevait cette analyse, le cplc Ritco a décidé de ne pas aller plus loin, notant que [traduction] « l’une des principales raisons d’accéder au BlackBerry était à des fins de renseignement ».Note de bas de page 1173 L’initiative axée sur l’analyse du téléphone mobile n’était pas nécessaire dans le cadre d’une enquête sur une mort subite.

Trop d’enquête?

230. Comme cela a été évoqué plus tôt, les plaignants allèguent que les enquêteurs du SNEFC ont scruté de manière excessive des aspects non utiles et non pertinents de la vie du cpl Langridge. Ils soutiennent que les enquêteurs n’ont pas centré leurs efforts pour écarter dans un délai raisonnable la possibilité qu’un acte criminel soit à l’origine du décès du cpl Langridge, qu’ils ont examiné des questions non-pertinentes et élargi le champ de l’enquête au-delà de ce qui était approprié.Note de bas de page 1174 Il est vrai que l’enquête sur la mort subite de 2008 a traité périodiquement de sujets qui s’éloignaient de son but et/ou s’éternisait de façon excessive sur des sujets potentiellement pertinents.Note de bas de page 1175 Cela dit, toutefois, il ne serait pas raisonnable de circonscrire indûment l’enquête à un stade précoce avant de savoir comment elle allait se dérouler. En dehors de la recherche du téléphone mobile, les sujets examinés, y compris les détails de la vie personnelle et les antécédents médicaux du cpl Langridge, étaient appropriés et susceptibles d’être pertinents à une enquête sur une mort subite, et certainement à une enquête policière de négligence coupable. Cependant, la façon dont le traitement de ces sujets s’est déroulé et l’incapacité de les utiliser pour tirer des conclusions pertinentes et pour écarter l’homicide dans un délai raisonnable n’étaient pas appropriées. Il n’existe aucune raison de conclure que cela résultait d’un quelconque motif illégitime. Comme pour d’autres lacunes observées au cours de l’enquête, il semble que cela soit en grande partie la conséquence de l’inexpérience et d’une supervision inadéquate.

Politiques de la PM et du SNEFC

231. Dans leur réponse aux allégations des plaignants, les observations écrites des personnes visées par la plainte affirment que les enquêteurs ont agi conformément à toutes les politiques et procédures en vigueur à l’époque. Il est donc nécessaire d’examiner les politiques pertinentes, à la fois sous l’angle de la conformité des personnes visées par la plainte et, plus généralement, du caractère adéquat de ces politiques à fournir une orientation appropriée.

Les politiques en vigueur à l’époque : le chapitre 7 des CPTPM

232. La politique pertinente en place pour les enquêtes sur une mort subite était une annexe des CPTPM traitant des enquêtes sur les décès, les agressions sexuelles et les infractions relatives aux armes légères.Note de bas de page 1176 La politique donnait un aperçu général de la façon dont chacune de ces questions devait être abordée, y compris l’examen des scènes de crime potentiel et les questions qui devraient être examinées.

233. La partie relative aux morts subites survenant sur ou en relation avec un établissement de défense commence par un énoncé général sur ces enquêtes :

Tous les décès seront traités conformément aux normes rigoureuses qui s’appliquent également aux homicides. S’il s’avère qu’un décès est le résultat d’un suicide, le cas sera remis au commandant local aux fins d’enquêtes administratives conformément à l’article 19-44 des OAFC. Ceci s’applique également dans les cas de tentatives de suicide.Note de bas de page 1177

234. Les témoignages d’experts entendus par la Commission établissent l’importance d’une approche flexible dans les enquêtes sur une mort subite.Note de bas de page 1178 Bien qu’il soit probable que toutes les scènes de décès devraient être abordées dans l’hypothèse qu’il s’agit d’un homicide et que le processus qui en résulte devrait être minutieux et objectif, toutes les enquêtes sur des décès ne devraient pas être menées de la même façon

235. Les enquêteurs doivent faire intervenir leur expérience et leur jugement, ainsi que les avis de leurs superviseurs, afin de déterminer si une scène de décès semble être de nature criminelle ou non-criminelle. Dans le cas présent, comme nous l’avons vu dans ce chapitre, l’équipe d’enquête n’a ni traité la scène ni mené le reste de l’enquête conformément aux normes applicables à une enquête pour homicide. Une bonne partie de ce qu’elle a fait était probablement inutile.

236. La révision de 2008 de l’annexe I du chapitre 7 des CPTPM continue de catégoriser les décès de trois façons : (1) homicide; (2) suicide; (3) mort naturelle.Note de bas de page 1179 S’il est déterminé que le décès n’est pas naturel, le SNEFC sera le principal service d’enquête.Note de bas de page 1180 La politique traite ensuite de la réponse des membres de la PM aux scènes de décès. Elle encourage les policiers militaires répondants à prendre des mesures pour préserver la vie ou, si le décès est évident, pour isoler la scène et prévenir tout accès non autorisé. Les membres de la PM ont pour directive d’appeler un ML, un coroner ou un officier médical à se rendre sur les lieux et d’en informer le SNEFC. En outre, ils doivent identifier et isoler les personnes qui ont eu connaissance du décès, si possible. Enfin, la politique indique que « si le médecin légiste ne peut imputer la mort à une cause naturelle, le SNEFC poursuivra l’enquête ».Note de bas de page 1181

237. Dans la pratique, il convient de souligner que même s’il est à la fois opportun et nécessaire de déclarer un décès au coroner ou au ML en vertu de la législation provinciale,Note de bas de page 1182 il peut ne pas être approprié de demander au coroner ou au ML de se rendre sur les lieux immédiatement. Si la mort est suspecte et que la scène doit être traitée, les témoignages d’experts entendus par la Commission incitent à penser que le corps policier ayant compétence devrait être le premier à faire enquête, avant même d’appeler le ML. Les enquêteurs ou les unités judiciaires, ou les deux, devraient s’efforcer d’examiner la scène en réduisant au minimum le risque de contamination, ce qui signifie qu’il convient d’attendre avant d’appeler un ML ou un enquêteur du ML jusqu’à ce que la scène ait été traitée.Note de bas de page 1183

238. Dans le cas présent, il semble que les membres de la PM qui se sont rendus sur la scène ont appliqué cet article de la politique. Ils ont établi un cordon de sécurité autour du périmètre, ont avisé l’enquêteur du ML et le SNEFC et se sont entretenus avec le cpl Hurlburt, qui avait découvert le corps du cpl Langridge.Note de bas de page 1184 Cependant, une fois que l’enquêteur du ML ait dit clairement qu’il croyait que la mort était un suicide et que le SNEFC ait complété le traitement de la scène, ils auraient dû prendre en considération l’impact de l’avis du ML sur les mesures supplémentaires nécessaires ou utiles à leur propre enquête. Certes, aux fins d’exclure un acte criminel, il ne semble pas qu’il fallait beaucoup d’autres mesures d’enquête, bien que plusieurs entrevues de suivi aient pu être appropriées.

Qu’est-ce qui doit être examiné selon les CPTPM?

239. L’annexe I du chapitre 7 des CPTPM énonce, au paragraphe 6, que les entrées faites dans le SISEPM pour déclarer un décès doivent préciser « la cause du décès », si le militaire était en service au moment du décès, et « si possible, qui ou quoi a causé le décès ».Note de bas de page 1185

240. Dans le cas des décès qui pourraient résulter d’un suicide, les CPTTM affirment :

Les enquêtes sur les suicides ou les tentatives de suicide devraient déterminer que les blessures de la victime étaient, en fait, auto-infligées. […] Les détails administratifs (tentatives précédentes, causes possibles, état civil, dépendance d’alcool ou toxicomanie, etc.) ne doivent pas être activement recherchés et devraient seulement être rapportés par le membre de la PM s’ils sont donnés volontairement. Une commission d’enquête ou qu’une enquête par voie sommaire conçue pour déterminer les détails administratifs sera effectuée et rapportera des faits pertinents à l’autorité ministérielle appropriée.Note de bas de page 1186

241. La deuxième instruction dans cette CPTPM est problématique. Toutes ces questions, si elles font l’objet d’un examen approprié, sont pertinentes aux enquêtes sur une mort subite. Si les enquêteurs découvrent des preuves de problèmes antérieurs, qui pourraient avoir un lien de causalité avec le décès, elles ne doivent pas être négligées. Au contraire, ils doivent alors faire enquête à leur sujet et se demander si ces éléments de preuve indiquent qu’il est plus ou moins probable que le suicide soit la cause du décès. En dépit du fait qu’une commission d’enquête ou une enquête sommaire répondra aussi à ces questions, celles-ci sont utiles à l’enquête de la police pour aider à écarter la possibilité d’un acte criminel.

242. Dans le cas présent, les enquêteurs ont obtenu des renseignements sur un certain nombre de questions qui, selon les CPTPM, ne devraient pas être explorées davantage ou faire l’objet d’un rapport, dont : de nombreuses tentatives de suicide antérieures;Note de bas de page 1187 des diagnostics effectués à plusieurs reprises pour différents troubles de santé mentale, y compris un possible SSPT;Note de bas de page 1188 une séparation récente de sa conjointe de fait;Note de bas de page 1189 un test de drogue échoué pour la cocaïne;Note de bas de page 1190 des antécédents signalés de consommation excessive d’alcool.Note de bas de page 1191 Le cplc Ritco a soutenu que cette section de la politique était inapplicable puisqu’il enquêtait sur une mort subite, non sur un présumé suicide.Note de bas de page 1192 Il serait peut-être plus approprié de dire que cette politique représente la limite artificielle entre une enquête sur une mort subite et une enquête sur un présumé suicide. Les éléments de preuve pertinents à ces questions peuvent indiquer qu’une personne était suicidaire ou qu’il y avait une possibilité de suicide, et ils peuvent s’avérer très utiles pour exclure un acte criminel comme alternative au suicide. Dans le cas particulier du cpl Langridge, ils pourraient également avoir indiqué une négligence criminelle possible de la part du régiment en lien avec le décès.Note de bas de page 1193

243. Le problème posé par cette enquête n’est pas qu’elle s’est aventurée dans des « détails administratifs » sur la vie du cpl Langridge, mais plutôt que la preuve recueillie n’a pas été utilisée pour mettre à l’épreuve et exclure la possibilité d’un acte criminel en temps opportun.

244. Au total, ce qui ressort des CPTPM est qu’elles ne donnent aucune orientation quant à l’objet d’une enquête sur une mort subite ou au bien-fondé des mesures qu’elles prescrivent en regard de cet objet. En définitive, les CPTPM sont trop succinctes, elles fournissent trop peu de directives et certaines des orientations qu’elles donnent sont problématiques. La mesure dans laquelle l’enquête sur la mort subite était conforme à ces directives n’offre aucune réponse utile aux plaintes formulées, mais le fait que certains éléments de la directive n’ont pas été respectés n’est également pas, en soi, une critique pertinente.

Un nouveau protocole : l’IPO 237 du SNEFC

245. À la suite de la conclusion de l’enquête sur la mort subite du cpl Langridge, le SNEFC a mis en place l’IPO 237 ([traduction] « Enquête sur la mort subite et séances d’information à l’attention du plus proche parent »),Note de bas de page 1194 une nouvelle IPO, qui vient compléter les CPTPM existantes. Il semble qu’à la fois les CPTPM et l’IPO du SNEFC étaient en vigueur à la fin de la présente audience. À bien des égards, l’IPO est utile pour combler des lacunes dans les CPTPM, mais certains problèmes de classification et de définition persistent, et au moins l’une des instructions est en conflit avec les CPTPM sans qu’aucune explication ou indication ne soit donnée sur la façon de résoudre ce conflit. Comme avec les CPTPM, il n’y a toujours pas d’énoncé de l’objet décrivant le ou les objectifs ultimes d’une enquête sur une mort subite. La nouvelle IPO commence en affirmant : [traduction] « Tous les décès suspects seront traités [conformément aux] mêmes normes rigoureuses qui s’appliquent à une mort subite jusqu’à ce que le processus d’enquête ait permis d’établir qu’il en est autrement ».Note de bas de page 1195

246. L’IPO classe ensuite les décès en quatre catégories (par opposition aux trois catégories des CPTPM) : homicide, suicide, accident (accident de véhicule ou accident industriel) et mort naturelle.Note de bas de page 1196 Il met en garde les enquêteurs : [traduction] « Ne faites pas d’hypothèses ou ne perdez pas d’éléments de preuve en raison d’idées fausses ou de l’inexpérience ».Note de bas de page 1197

247. Le sens général de cette directive est clair. Les enquêteurs doivent faire preuve de prudence dans la formulation d’hypothèses et procéder lentement lorsqu’ils prennent des mesures qui pourraient compromettre l’intégrité ou la disponibilité de la preuve. Il est difficile de contester de tels conseils en tant que principe directeur. Cependant, s’ils sont trop appliqués à la lettre, ils risquent d’avoir un effet paralysant et improductif.

248. Dans le cas de l’enquête de 2008, la démarche suivie était littéralement conforme à la directive énoncée. Le cplc Ritco et son gestionnaire de cas n’avaient que peu sinon aucune expérience des enquêtes sur une mort subite. Ils ont fait attention afin de ne perdre aucun élément qui aurait pu hypothétiquement servir de preuve à un moment donné. Ils ont gardé l’« esprit ouvert » à l’excès, refusant d’envisager toute hypothèse axée sur un suicide en dépit d’une accumulation considérable de preuves allant dans cette direction.

Les rôles respectifs du SNEFC et des coroners selon l’IPO

249. L’IPO traite de la relation entre le SNEFC et le ML ou le coroner dans une enquête sur une mort subite, en précisant que le coroner détermine généralement la cause du décès (par exemple l’«  asphyxie »), tandis que la police détermine la façon dont s’est produite la mort « par des mesures d’enquête telles que les entrevues, la prospection, le traitement de la scène, les résultats d’autopsie et les observations en laboratoire ».Note de bas de page 1198

250. La section ne fait pas de distinction, au niveau de son application, entre les enquêtes sur des décès criminels ou suspects et les enquêtes sur des décès non-suspects. Selon la preuve entendue devant la Commission, les meilleures pratiques seraient d’avoir une répartition différente des responsabilités entre la police et les coroners pour différentes scènes de décès.

251. La distinction faite dans cette section entre [traduction] « la cause du décès » et les « circonstances du décès » en termes de compétences juridiques attribuées aux coroners et à la police demeure vague malgré les illustrations présentées sur la façon dont la police remplit son rôle. La notion selon laquelle les catégories citées précédemment définissent des rôles différents est particulièrement problématique dans certaines provinces, comme l’Alberta, où la Fatality Inquiries Act stipule que les ML doivent déterminer, [traduction] « (d) la cause du décès, et (e) la manière dont s’est produit le décès ».Note de bas de page 1199

252. L’IPO tente néanmoins d’éclairer la question de la compétence juridique de la police et des coroners (ou ML). Le paragraphe 10 prévient d’abord les enquêteurs d’être conscients de leur autorité sur les scènes de décès, ajoutant : [traduction] « Chaque région [détachement] doit consulter la loi sur les coroners ou toute autre loi pertinente de la province pour s’assurer que ses pratiques sont conformes aux exigences provinciales ».Note de bas de page 1200 Puis, il poursuit : [traduction] « lorsqu’il n’y a pas de soupçon d’acte criminel, vous êtes généralement autorisés à agir en vertu des pouvoirs conférés par la loi sur les coroners de la province ».Note de bas de page 1201

253. Ces instructions doivent être assorties de certaines réserves.

254. La preuve entendue devant la Commission incite à penser que le SNEFC pourrait ne pas avoir une relation juridique bien définie avec le ML ou le coroner d’une sphère de compétence. L’adjum Watson et le Maj Frei ont tous deux indiqué au cours de leur témoignage que les policiers militaires n’étaient pas reconnus en vertu des lois provinciales sur la police,Note de bas de page 1202 ce qui mettait en question leur autorité en vertu des lois provinciales sur les coroners. Le Maj Frei a indiqué en outre que le SNEFC n’avait donc pas de rapports formels avec les coroners et les ML, et qu’il faudrait une meilleure coordination avec ces autorités afin de bien saisir les besoins du ML ou du coroner lors d’une enquête.Note de bas de page 1203

255. Les membres de la PM ne semblent pas autorisés à agir en tant qu’enquêteurs du ML aux termes de la Fatality Inquiries ActNote de bas de page 1204 de l’Alberta ou à exercer des pouvoirs semblables en vertu des autres lois provinciales. En outre, l’OntarioNote de bas de page 1205 et l’AlbertaNote de bas de page 1206 exigent, respectivement, l’autorisation du coroner et du ML à cet égard. À défaut d’être officiellement reconnu comme service de police au sens de la législation provinciale, il est peu probable que le SNEFC ait la capacité légale d’agir.

256. La Commission n’a entendu aucun témoignage ni n’a reçu de présentation des parties concernant les mesures que pourrait avoir prises le SNEFC RO pour s’assurer que ses pratiques étaient conformes aux exigences provinciales.

Indications sur les actions et les mesures prises sur une scène de décès

257. L’IPO décrit ensuite les mesures et les actions appropriées qui doivent être prises par les membres du SNEFC qui arrivent sur une scène de décès. Les enquêteurs doivent :

  • isoler (la)les personne(s) qui peu(ven)t savoir quelque chose au sujet du décès et demander une entrevue formelle;
  • demander l’aide des services d’identification judiciaire du corps policier local si un tel service n’est pas déjà disponible au sein du SNEFC;
  • explorer en personne la scène du décès;
  • tenter d’établir un calendrier des déplacements et des activités du défunt avant le décès et la réponse subséquente.Note de bas de page 1207

258. Ces instructions font écho aux témoignages des experts entendus par la Commission.Note de bas de page 1208

259. D’autres aspects de l’IPO semblent plus problématiques. L’IPO donne la directive suivante : [traduction] « les enquêteurs doivent s’abstenir de faire des conjectures sur la cause ou les circonstances du décès devant le public, d’autres professionnels impliqués dans le processus d’enquête ou tout autre policier militaire ».Note de bas de page 1209 Elle poursuit en conseillant : [traduction] « N’écrivez pas d’hypothèses dans votre carnet de notes du genre ‘Je crois que c’est un suicide’ aux premières étapes du processus d’enquête. Rappelez-vous que la conclusion de l’enquête survient à la fin de l’enquête ».Note de bas de page 1210

260. Ces instructions sont probablement liées à des préoccupations à propos de l’impact possible sur une éventuelle poursuite de déclarations hypothétiques des enquêteurs dans l’éventualité où elles s’avéreraient fausses. Il est compréhensible que le SNEFC se soucie du risque que de telles opinions précoces soient utilisées dans le cadre d’éventuelles procédures pénales pour jeter un doute sur le travail d’enquête subséquent qui a mené à la poursuite. Cependant, la meilleure façon d’aborder ces préoccupations est de demander aux enquêteurs de préciser dans leurs notes ou leurs conversations qu’il s’agit de réflexions ou d’hypothèses initiales et de documenter tout changement dans ces hypothèses ou dans l’orientation de l’enquête, ainsi que les raisons de ces changements.

261. Obliger les enquêteurs à s’abstenir d’exprimer, de discuter ou de consigner par écrit toute hypothèse préliminaire sur la cause présumée du décès, comme le fait l’IPO actuelle, pourrait avoir des conséquences négatives pour l’enquête. Bien que l’on puisse faire valoir que les enquêteurs devraient approcher une scène de décès avec un esprit ouvert, il semble tout aussi utile qu’ils puissent collaborer avec leurs collègues.

262. Le sgt é-m Clark a dit dans son témoignage que les policiers peuvent faire appel à un ML pour obtenir son avis dans la conduite d’une enquête sur la mort subite.Note de bas de page 1211 Il semblerait improductif que les enquêteurs ne soient pas été autorisés à discuter de la cause présumée du décès avec le ML. Le ML peut aider les enquêteurs à confirmer ou réfuter leurs premières impressions ou à répondre à leurs questions ou leurs préoccupations. Le ML peut aussi déceler sur le corps des éléments de preuve qu’un enquêteur de la police pourrait ne pas trouver, et il peut ainsi attirer l’attention de l’enquêteur sur des questions qui ne seraient pas autrement évidentes. Bien que l’accent doive toujours être mis sur le traitement minutieux et objectif de la scène du décès, la communication entre les enquêteurs et les ML devrait contribuer à faire en sorte que rien ne soit omis.

263. Un autre problème en lien avec l’enquête sur la mort subite dans ce cas est la directive rappelant aux enquêteurs que les conclusions arrivent à la fin de l’enquête. Alors qu’en un sens, cette déclaration est simple, à savoir que la conclusion sur laquelle débouche l’enquête marque la fin de l’enquête, elle se prête également à une interprétation différente, moins directe, à savoir que des conclusions ne peuvent être tirées que si une enquête touche à sa fin. Dans la mesure où cela pourrait insinuer que les enquêteurs devraient attendre que tous les aspects de l’enquête soient clos avant de tirer des conclusions, cette déclaration pourrait conduire à une approche semblable à celle adoptée par les enquêteurs dans cette affaire, soit éviter résolument de tirer des conclusions jusqu’à ce que toutes les pistes d’enquête possibles aient été explorées et que toutes les étapes aient été achevées. Cela ne constitue pas une approche raisonnable. Les témoignages des membres du groupe d’experts de la police étaient clairs sur ce point. Si les enquêteurs doivent faire preuve de souplesse et d’ouverture d’esprit dans leur approche, ils doivent aussi exercer leur jugement et formuler et vérifier des hypothèses dans le cadre de leur enquête.Note de bas de page 1212

264. L’IPO fournit aussi d’autres instructions utiles concernant les étapes et les questions à suivre dans le cadre d’une enquête sur la mort subite qui ont des échos dans ce dossier. Elle invite les enquêteurs à se renseigner sur les circonstances entourant le signalement du décès, y compris d’identifier la personne qui a appelé les services d’urgence et pourquoi, et d’obtenir une transcription ou un enregistrement de l’appel. L’IPO donne instruction aux enquêteurs de déterminer si la scène a été perturbée et, le cas échéant, de quelle manière, y compris d’identifier toute personne qui s’est rendue sur les lieux et les actions prises sur place. Les enquêteurs doivent tenter d’identifier la dernière personne qui a vu la victime de son vivant, à quel endroit et dans quelles circonstances. Ils doivent également tenter de déterminer si les blessures et la position du corps sont compatibles avec les autres faits rapportés sur la scène.Note de bas de page 1213 Ces directives sont conformes à ce que les experts ont qualifié de pratiques exemplaires lors de leur témoignage devant la Commission.Note de bas de page 1214

265. Comme les CPTPM, l’IPO énonce que [traduction] « l’enquête sur une tentative de suicide ou un suicide devrait déterminer que les blessures de la victime étaient, en fait, auto-infligées ».Note de bas de page 1215 Élément significatif, l’IPO demande également aux enquêteurs « d’acquérir une compréhension détaillée des antécédents de la personne décédée, y compris son état médical et psychologique (consommation de médicaments ou d’alcool) ».Note de bas de page 1216

266. Cette instruction semble carrément contraire à celle des CPTPM qui incite à ne pas approfondir ces questions. Dans son témoignage, l’adjum Watson a convenu que les CPTPM et l’IPO du SNEFC sont contradictoires sur ce point. Lorsqu’on lui a demandé comment il allait résoudre cette contradiction, il a déclaré qu’il s’en remettrait à la politique la plus récente.Note de bas de page 1217 Bien que cette approche ait une certaine logique, il convient de noter qu’il n’y a rien dans les CPTPM ou l’IPO du SNEFC qui éclaire la façon de concilier les instructions contradictoires. Les témoignages des experts entendus par la Commission confirment que l’IPO du SNEFC offre le meilleur guide pour enquêter sur une mort subite. Cependant, les CPTPM sont toujours en vigueur et il serait souhaitable que des mesures soient prises pour aligner les deux sources.

267. L’IPO fournit aussi des instructions aux enquêteurs sur la conduite des entrevues avec un membre de la famille du défunt : [traduction] « Il est parfois nécessaire d’interroger la famille d’un membre des FC dans les jours ou les semaines qui suivent une mort subite ».Note de bas de page 1218

268. Lorsqu’un décès n’est pas suspect, les enquêteurs sont invités à conseiller l’OD de la famille, qui peut ensuite [traduction] « mobiliser des mécanismes de soutien, par exemple mettre un aumônier à la disposition d’un membre de la famille qui aurait besoin d’un tel soutien après que l’enquêteur du SNEFC ait terminé l’entrevue ».Note de bas de page 1219 Cette directive est pertinente dans l’optique des questions soulevées au sujet des contacts entre le SNEFC et les Fynes dans cette affaire.Note de bas de page 1220

269. Bien que l’IPO n’offre toujours pas un énoncé clair quant à l’objectif et aux buts d’une enquête sur une mort subite pour aider les enquêteurs à mettre en contexte les instructions qu’elle renferme, à la lumière du récit de l’enquête sur la mort subite de 2008 et des témoignages d’experts entendus par la Commission, elle représente une amélioration utile par rapport aux CPTPM.

270. La Commission est d’avis qu’il est essentiel pour les enquêtes futures sur des morts subites qu’il y ait des énoncés de politique et des directives clairs. Pour y parvenir, l’IPO du SNEFC et les CPTPM devraient être soumises à un examen attentif et harmonisées dans la mesure du possible. Il faudrait également envisager de réviser l’IPO afin d’articuler clairement les buts et la finalité d’une enquête sur une mort subite.

4.1.2 Enquête sur la négligence

Allégations

271. Les plaignants allèguent que l’enquête sur la mort subite de 2008 était inadéquate pour ce qui est de déterminer si la négligence possible des FC a joué un rôle ou a été responsable de la mort du cpl Langridge. Les plaignants allèguent que les membres du SNEFC n’ont pas articulé correctement les questions sur lesquelles enquêter et n’ont pas fait enquête sur des questions qui ont surgi ou qui ont été spécifiquement portées à l’attention de membres du SNEFC par les plaignants.Note de bas de page 1221 Mme Fynes a dit aux membres du SNEFC qu’elle croyait que le cpl Langridge n’avait pas bénéficié de soins médicaux adéquats, de la part des FC ou du système médical civil, et que les FC avaient ordonné de façon inappropriée que le cpl Langridge quitte l’hôpital où il était traité en mars 2008 en dépit du fait qu’il se plaignait d’avoir des idées suicidaires.Note de bas de page 1222 Les plaignants croient que cette négligence alléguée a contribué au suicide du cpl Langridge,Note de bas de page 1223 et ils soutiennent que ces questions n’ont pas fait l’objet d’une enquête adéquate.Note de bas de page 1224

272. Les plaignants allèguent aussi que les membres du SNEFC n’ont pas enquêté sur les causes sous-jacentes de la mort du cpl Langridge d’une façon complète et impartiale. Selon la plainte, les membres du SNEFC ont été sélectifs dans les renseignements qu’ils ont obtenus et inclus au cours de l’enquête sur la mort subite, et que leur choix n’était ni objectif ni impartial.Note de bas de page 1225

273. Les plaignants allèguent en outre que l’enquête sur la mort subite de 2008 visait à exonérer la chaîne de commandement du régiment LdSH, d’autres membres du LdSH et les FC en général de toute responsabilité dans la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 1226

274. En outre, ils soutiennent que les conclusions tirées par les membres du SNEFC ne sont pas fiables parce qu’elles étaient fondées sur des faits incomplets, y compris de nombreuses contradictions et divergences qui n’ont pas été explorées. En particulier, ils allèguent que des réponses contradictoires et incohérentes ont été obtenues au cours de l’enquête portant sur la question de savoir si une « surveillance pour risque de suicide » avait été planifiée ou effectuée par des membres du LdSH ou du personnel médical de la base avant la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 1227 À titre d’illustration, les plaignants affirment ce qui suit dans leurs observations finales :

[Traduction]

Le résultat de l’enquête de 2008 est qu’il n’y a pas eu de négligence de la part de la chaîne de commandement du LdSH, mais cela va à l’encontre du fait que les deux seules personnes qui ont été interrogées avaient un intérêt direct dans cette affaire. S’il y a eu négligence en lien avec une surveillance pour risque de suicide, tant l’adjuc Ross que le Capt Hannah auraient été impliqués dans cette négligence.

Avant l’enquête, l’adjuc Ross et le Capt Hannah auraient dû savoir tous les deux, au moins de façon incidente, que ce sont leurs actions qui faisaient l’objet d’une enquête. Le cplc Ritco avait le devoir de fouiller plus loin en vue de corroborer les déclarations faites à la fois par l’adjuc Ross du LdSH et le Capt Hannah. Il ne l’a pas fait.Note de bas de page 1228

275. Les plaignants allèguent que le SNEFC a omis d’enquêter en temps opportun sur les infractions criminelles ou d’ordre militaire qui pourraient avoir été commises par des membres des FC, y compris la chaîne de commandement du LdSH, avant la mort du cpl Langridge. Selon leur plainte, leur conduite nécessitait une enquête plus approfondie, un suivi et une analyse, ce qui n’a pas été fait de manière adéquate par les membres du SNEFC au cours de l’enquête sur la mort subite de 2008.Note de bas de page 1229

276. Enfin, les plaignants allèguent que les enquêteurs du SNEFC ont omis d’enquêter sur des infractions d’ordre militaire que pourraient avoir commises des membres des FC en appliquant (ou en omettant d’appliquer) les politiques en matière de prévention du suicide dans le cas du cpl Langridge.Note de bas de page 1230 Selon la plainte, les enquêteurs du SNEFC n’ont pas fait enquête pour savoir quelles politiques étaient applicables et si elles ont été suivies, ou si une politique de prévention du suicide existait au sein du LdSH au moment du décès du cpl Langridge. À cet égard, les plaignants allèguent aussi que les membres du SNEFC n’ont pas enquêté sur la question de savoir si les FC devaient procéder à une enquête sommaire pour chaque tentative de suicide d’un militaire, et si cela a été fait dans le cas du cpl Langridge.Note de bas de page 1231

Réponse aux allégations

277. Ces allégations sont catégoriquement rejetées par les personnes visées par la plainte. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’enquête sur des questions telles que la négligence potentielle et la surveillance pour risque de suicide a été menée de manière inadéquate, les observations finales des personnes visées par la plainte soulignent que le cplc Ritco a affirmé au cours de son témoignage qu’il avait poursuivi activement son enquête sur l’existence d’une surveillance pour risque de suicide au moment du suicide du cpl Langridge pendant qu’il attendait le rapport du ML. Il y est noté que le cplc Ritco avait déclaré qu’il était ouvert à la possibilité de trouver des preuves montrant que les membres du LdSH avaient fait preuve de négligence en vertu du Code criminel ou du Code de discipline militaire.Note de bas de page 1232 En outre, les avocats des personnes visées par la plainte ont fait valoir que l’adj Tourout avait « guidé » et « appuyé » le plan du cplc Ritco d’examiner la possibilité qu’il y ait eu négligence.Note de bas de page 1233

278. Au sujet de la portée de l’enquête sur la négligence, les personnes visées par la plainte soutiennent que l’enquête a été limitée à la question de savoir si le cpl Langridge figurait sur la liste des contrevenants et/ou était sous surveillance pour risque de suicide quand il est décédé, plutôt que de tenter de déterminer si les FC auraient dû procéder à une telle surveillance.Note de bas de page 1234 Ils affirment que cette question ne relevait pas du mandat du SNEFC car il n’y avait pas de preuve que les FC avaient l’obligation d’assurer une surveillance dans les circonstances.Note de bas de page 1235

279. Selon les observations finales, les preuves recueillies par le cplc Ritco indiquaient que certains efforts avaient été faits afin d’organiser une surveillance du cpl Langridge pour risque de suicide en mars 2008, mais comme ni l’adjuc Ross ni le cpl Langridge ne voulaient d’une telle mesure, aucune surveillance n’a été mise en place.Note de bas de page 1236 Il y est noté que le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont interrogé les témoins directement impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre des conditions imposées au cpl Langridge et nié que des témoins aient fourni des renseignements incohérents ou contradictoires.Note de bas de page 1237 Au lieu de cela, les avocats des personnes visées par la plainte soutiennent qu’en cherchant à élucider la question de savoir si le cpl Langridge était un contrevenant ou était sous surveillance pour risque de suicide au moment de son décès, le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont appris ce qui suit :

[Traduction]

Cette garde a été organisée à la demande de l’hôpital de la base, au cas où on en arriverait au point où le cpl Langridge aurait besoin d’une surveillance constante.

Des membres hauts gradés du LdSH ne croyaient pas que le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide ou était un contrevenant au moment de son décès.

Les conditions en vigueur au moment où le cpl Langridge est décédé visaient à lui donner un encadrement et le cpl Langridge les avaient acceptées.

Le 14 mars 2008, la veille de sa mort, le cpl Langridge s’est rendu à l’unité médicale afin de faire remplir son ordonnance et personne n’a noté qu’il éprouvait quelque problème.Note de bas de page 1238

280. Du point de vue des personnes visées par la plainte, une fois que le SNEFC avait la preuve que la surveillance pour risque de suicide ne faisait pas partie des conditions de vie du cpl Langridge, mais que celles-ci avaient plutôt été imposées comme mesures d’encadrement, il était en mesure d’écarter la possibilité d’une négligence ou d’une négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 1239 Les avocats des personnes visées par la plainte soulignent que le SNEFC ne peut commencer ou poursuivre une enquête sans avoir un soupçon raisonnable qu’une infraction pourrait avoir été commise.Note de bas de page 1240 À la lumière de la conclusion qu’aucune infraction n’a été commise, il n’était pas nécessaire que le cplc Ritco prenne des mesures d’enquête additionnelles. Toutes les questions telles que l’objet des conditions auxquelles le cpl Langridge était soumis, que le cpl Langridge les ait acceptées ou non, et l’existence ou non d’un plan pour un traitement ultérieur, n’étaient pas pertinentes dans l’optique d’une infraction militaire ou d’une enquête criminelle. Dans les observations des personnes visées par la plainte, il s’agissait de questions administratives qu’il revenait aux militaires d’examiner.

281. Le cplc Ritco a indiqué au cours de son témoignage qu’il n’avait jamais eu de soupçon raisonnable que la négligence ait pu avoir été en cause dans la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 1241 Il a également déclaré qu’il ne considérait pas de son ressort de déterminer s’il y avait une raison quelconque pour que quelqu’un d’autre enquête sur une négligence potentielle.Note de bas de page 1242 Au lieu de cela, son enquête portait sur la mort du cpl Langridge. Il a aussi affirmé dans son témoignage que, tout au long de l’enquête, [traduction] « rien n’est apparu pour me faire penser qu’il pourrait y avoir eu une négligence quelconque [...] ».Note de bas de page 1243 Il a ajouté qu’il n’avait jamais appris au cours des entrevues qu’il avait eues avec le personnel du LdSH que les conditions auxquelles le cpl Langridge était soumis avant sa mort comprenaient une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1244 Il a reconnu avoir reçu des renseignements incohérents en réponse à diverses questions. Il était donc difficile de tirer des conclusions définitives sur ce qui s’était passé au cours des dernières semaines de la vie du cpl LangridgeNote de bas de page 1245 et sur la présumée surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1246 Cependant, le cplc Ritco a dit au cours de son témoignage que ces renseignements incohérents ne l’avaient pas empêché d’arriver à la conclusion que la mort du cpl Langridge était un suicide et de clore l’enquête.Note de bas de page 1247

282. Le cplc Ritco a nié avoir omis d’effectuer le suivi et l’analyse nécessaires pour résoudre les contradictions et les incohérences dans les renseignements obtenus sur la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1248 Il a indiqué au cours de son témoignage qu’il avait orienté ses efforts en vue d’écarter la possibilité d’un acte criminel puisqu’il était incapable d’établir si le cpl Langridge avait fait l’objet d’une surveillance préventive.Note de bas de page 1249 Le cplc Ritco a aussi mentionné qu’il n’avait pas jugé nécessaire, par exemple, de donner suite à la plainte de Mme Fynes à l’effet que le cpl Langridge n’avait pas reçu les soins médicaux appropriés de la part du système médical militaire ou civil. Il a [traduction] « gardé en tête » cette information, mais tout en estimant que cela n’était pas vraiment pertinent.Note de bas de page 1250 Le cplc Ritco a dit que c’était parce qu’il avait cru, en parlant à Mme Fynes, que l’enquête dont il était chargé visait à déterminer si le cpl Langridge était décédé suite à un acte criminel.Note de bas de page 1251

283. Le sgt Bigelow a indiqué dans son témoignage que ce n’était pas le rôle du SNEFC d’enquêter sur les politiques de prévention du suicide en place au sein du LdSH au moment de la mort du cpl Langridge. Selon lui, le SNEFC enquête sur de possibles infractions pénales, et non sur les politiques qui étaient ou non en place.Note de bas de page 1252 Il a convenu que, dans certaines circonstances (par exemple lorsqu’ils envisagent la possibilité que des personnes aient commis des infractions d’ordre militaire), les enquêteurs se demanderont si les politiques ont été suivies, mais il a déclaré qu’une CE serait le moyen le plus approprié d’examiner l’existence et le caractère adéquat des politiques de prévention du suicide en vigueur dans le cadre de ses recherches sur les processus administratifs. Il a également déclaré qu’il n’avait jamais été impliqué dans une enquête visant à savoir si les politiques de prévention du suicide avaient été suivies ou ce que ces politiques stipulaient.Note de bas de page 1253

284. En ce qui concerne l’allégation que le SNEFC a omis d’enquêter sur les infractions criminelles ou d’ordre militaire potentiellement commises par des membres des FC avant la mort du cpl Langridge, l’adj Tourout, qui était le gestionnaire de cas du cplc Ritco au cours de l’enquête sur la mort subite de 2008, a dit durant son témoignage que le travail du cplc Ritco dans ce dossier représentait un [traduction] « solide travail d’enquête ».Note de bas de page 1254 De l’avis de l’adj Tourout, le cplc Ritco a fait le meilleur travail qu’il pouvait faire avec les renseignements dont il disposait à l’époque.

285. Le cplc Ritco était en désaccord avec l’allégation qu’il avait été sélectif dans les renseignements qu’il avait obtenus et inclus durant l’enquête. Il a dit avoir tenté de recueillir le plus de renseignements possible [traduction] « afin de prouver sans l’ombre d’un doute que le cpl Langridge s’était suicidé et qu’il n’y avait pas eu d’acte criminel ».Note de bas de page 1255 Il a ajouté au cours de son témoignage que le SNEFC se targuait de mener des enquêtes approfondies et que ses enquêteurs travaillaient aussi longtemps que cela était nécessaire. Il a également nié que son enquête visait à exonérer les FC de toute responsabilité dans la mort du cpl Langridge ou à attaquer le cpl Langridge lui-même.Note de bas de page 1256 Le cplc Ritco semblait croire que la preuve parlait d’elle-même. Il a indiqué durant son témoignage que son enquête avait révélé que le cpl Langridge était un homme troublé, éprouvant de nombreux problèmes personnels, qu’il avait tenté de se suicider dans le passé, qu’il avait séjourné dans des hôpitaux, qu’il faisait peut-être l’objet d’une surveillance pour risque de suicide, qu’il avait été soumis à des conditions d’encadrement et, qu’en définitive, il s’était suicidé dans sa chambre.Note de bas de page 1257

286. Le sgt Bigelow a catégoriquement nié l’allégation que le SNEFC n’avait pas enquêté sur la mort du cpl Langridge d’une manière complète et impartiale et que les membres du SNEFC étaient prédisposés à exonérer le LdSH et les FC de toute responsabilité dans ce décès. Selon le sgt Bigelow, si l’information que lui et le cplc Ritco ont recueillie au cours de l’enquête sur la mort subite de 2008 les avait amenés à croire que des infractions d’ordre militaire avaient été commises par des membres du LdSH, [traduction] « nous serions partis après eux, il n’y aucun doute ou question là-dessus ».Note de bas de page 1258

La négligence et la surveillance pour risque de suicide
Qu’est-ce qui a été fait pour enquêter sur la négligence potentielle?

287. Le plan d’enquête (PE) du cplc Ritco semble cerner deux questions au sujet de la négligence qui pourraient être examinées en lien avec la mort du cpl Langridge :

[Traduction]

2. Est-ce que le cpl Langridge était sous « surveillance pour risque de suicide » ou était-il un « contrevenant »; (terminé)

[…]

13. La possibilité d’actes négligents de la part des FC qui auraient pu signifier une implication dans le décès (terminé)Note de bas de page 1259

288. Dans les heures qui ont suivi la mort du cpl Langridge, les membres de la PM et du SNEFC se sont fait dire que le cpl Langridge avait été sous surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1260 Par la suite, l’existence d’une surveillance pour risque de suicide est devenue un thème central du plan d’enquête et des entrevues menées par le cplc Ritco.Note de bas de page 1261 Bien que le PE ait fait état de la surveillance pour risque de suicide potentielle et d’un « acte de négligence potentiel » en lien avec la mort du cpl Langridge comme des éléments distincts, de l’avis de l’enquêteur cela ne devait pas constituer une enquête approfondie sur la négligence possible.Note de bas de page 1262 Cela voulait dire mettre de côté presque tout examen des dernières semaines et des derniers jours du cpl Langridge, qui aurait permis de déterminer si la négligence criminelle ou la négligence dans l’exécution d’une tâche pourrait avoir contribué ou non à sa mort. Au lieu de cela, l’enquête a été très étroitement circonscrite.Note de bas de page 1263 Dans la mesure où la question de la négligence a été examinée, les enquêteurs du SNEFC se sont concentrés sur la question de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1264 Dans cette optique, ce n’est que si le cpl Langridge faisait effectivement l’objet d’une surveillance préventive mais qu’il était encore capable de se suicider qu’une enquête plus approfondie sur la négligence aurait été nécessaire.Note de bas de page 1265

289. Interrogé pour savoir comment il avait donné suite à la question de la négligence de la part des FC, le cplc Ritco a répondu au cours de son témoignage qu’il a simplement inclus une entrée sur une possible négligence des CF dans son plan d’enquête comme un « rappel » pour qu’il fasse enquête sur d’éventuels actes de négligence (ou demande à quelqu’un d’autre de le faire) si des preuves de négligence surgissaient au cours de l’enquête.Note de bas de page 1266 Selon le cplc Ritco, si des preuves étaient apparues laissant supposer qu’une infraction d’ordre militaire avait pu contribuer à la mort du cpl Langridge, lui ou quelqu’un d’autre aurait enquêté sur celles-ci.Note de bas de page 1267 Il a affirmé qu’il n’a pas consciemment porté la question des infractions militaires à l’avant-plan durant l’enquête. Au contraire, le cplc Ritco a expliqué, comme dans le cas d’autres questions laissées inexplorées dans l’enquête sur la mort subite de 2008, qu’il gardait [traduction] « [...] l’esprit grand ouvert. Je ne restreins pas [ma pensée] à une chose ou à une autre. Je suis -- si quelque chose arrive qui pique mon intérêt ou fait partie de l’enquête, oui, je vais l’explorer. « Mais rien n’est apparu ».Note de bas de page 1268

290. L’adj Tourout, son gestionnaire de cas, a indiqué au cours de son témoignage, que même si la possibilité d’une négligence avait fait surface au début de l’enquête, cela était uniquement attribuable aux rumeurs qui circulaient concernant une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1269 En fait, l’adj Tourout a déclaré lors de son témoignage qu’après le 16 mars 2008, la plus grande partie de l’activité dans le cadre de l’enquête sur la mort subite de 2008 a porté sur la présumée surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1270 Cependant, il a déclaré qu’étant donné que le cplc Ritco avait finalement conclu qu’il n’y avait pas eu de surveillance pour risque de suicide, il n’y avait pas lieu d’enquêter sur une éventuelle négligence.Note de bas de page 1271 Il ne croyait pas qu’il était nécessaire d’enquêter sur aucun autre acte de négligence possible.Note de bas de page 1272 Lors de son témoignage, l’adj Tourout a dit avoir vu des questions telles que : [traduction] « Aurait-il fallu qu’il y ait une surveillance pour risque de suicide? » qui auraient été du domaine d’une CE.Note de bas de page 1273 En fait, l’adj Tourout a précisé que la négligence n’avait pas reçu une attention particulière dans le cadre de l’enquête.Note de bas de page 1274

291. L’adjum Watson a également précisé au cours de son témoignage qu’une enquête sur la négligence aurait été entreprise s’il y avait eu des preuves indiquant que le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide ou que les autorités médicales avaient recommandé une surveillance préventive afin d’empêcher qu’il ne s’enlève la vie.Note de bas de page 1275 Il a ajouté qu’en l’absence de telles preuves sur une surveillance pour risque de suicide, il ne voyait pas la nécessité d’enquêter sur toute autre négligence possible imputable au régiment, ou sur l’influence potentielle qu’auraient pu avoir les conditions auxquelles le cpl Langridge avait été soumis sur sa décision de se suicider.Note de bas de page 1276 Agir autrement aurait constitué [traduction] « une chasse aux sorcières ».Note de bas de page 1277

292. Dans le cadre d’un certain nombre d’entrevues avec le personnel du LdSH et d’autres membres des FC, le cplc Ritco a posé diverses questions visant à déterminer si le cpl Langridge faisait l’objet d’une surveillance pour risque de suicide lorsqu’il est décédé. Il s’agit notamment des entrevues avec l’adjudant de l’unité, le Capt Lubiniecki, avec le sgt Hiscock, le cpl Hurlburt, la cplc Bowden, le cplc William Fitzpatrick, le cpl Rohmer, le SMR de l’unité, l’adjuc Ross et le médecin-chef intérimaire de la base, le Capt Hannah. Il a déclaré lors de son témoignage avoir compilé sa liste de témoins en fonction de l’information qu’il avait amassée entre la date de la mort du cpl Langridge, le samedi 15 mars 2008, et le lundi 17 mars 2008. Il a indiqué lors de son témoignage que les témoins avaient été choisis selon [traduction] « qui je voulais interroger ou qui je pourrais interroger ou voir, ou à qui je voudrais parler, ou ce que j’avais à en tirer, c’est juste un processus mental ».Note de bas de page 1278

Entrevue avec le Capt Lubiniecki

293. Le Capt Lubiniecki a été interrogé le 17 mars 2008. Des notes de la conversation ont été prises par le sgt Bigelow,Note de bas de page 1279 qui a tapé un compte rendu plus détaillé de l’entrevue dans le SISEPM un jour plus tard à partir de ces notes et de ce qu’il se rappelaitNote de bas de page 1280 – peut-être avec l’aide du cplc Ritco pour certains détails.Note de bas de page 1281 Malheureusement, l’entrevue n’ayant pas été enregistrée, il n’existe pas de transcription.

294. Le jour de la mort du cpl Langridge, les enquêteurs ont appris que le cpl Langridge avait omis de se rapporter dans le délai prévu, et qu’il avait peut-être été mis sous surveillance pour risque de suicide ou figurait sur la liste des contrevenants quand il est décédé,Note de bas de page 1282 mais les faits montrent que c’est durant l’entrevue du Capt Lubiniecki que les enquêteurs se sont rendu compte que le cpl Langridge était soumis à un ensemble de conditions mises en place par les membres de la chaîne de commandement du LdSH lorsqu’il est mort.Note de bas de page 1283 Le Capt Lubiniecki a déclaré que le cpl Langridge n’était ni sur la liste des contrevenants ni sous surveillance pour risque de suicide, et il leur a fourni une copie de la liste des conditions qui lui étaient imposées :

[Traduction]
  1. Le cpl Langridge portera l’uniforme pendant les heures normales de travail et effectuera les tâches demandées par le SMR.
  2. Un jour de travail normal sera du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h 30 chaque jour. Les week-ends seront libres, sauf sur indication contraire du SMR
  3. Il aura la liberté de se déplacer avec les restrictions suivantes :
    1. Il vivra dans le centre de service reg [régimentaire] et couchera dans la chambre des contrevenants.
    2. En aucun moment, sa porte sera fermée.
    3. Il y aura un couvre-feu [à] 21 h tous les jours.
    4. Il devra se rapporter à l’agent de service toutes les deux heures, à l’heure, tous les jours.
    5. Aucune escorte ne sera requise, sauf dans les conditions suivantes :
      1. Lorsqu’il aura besoin de se rendre à n’importe quel rendez-vous fixé par ses fournisseurs de soins de santé, il devra le faire sous escorte.
      2. S’il choisit d’assister à des réunions des AA, il sera escorté jusqu’à l’espace de rencontre et au retour de celle-ci. L’escorte n’assistera pas aux réunions avec lui.
    6. Tous les médicaments prescrits seront gardés par l’officier de service. La responsabilité de prendre la dose prescrite aux moments appropriés revient toujours au membre concerné.
    7. S’il sort des limites de l’édifice Harvey, il informera l’officier de service de l’endroit où il va et il lui fournira un numéro de téléphone. Les paragr. c) et d) s’appliquent ici aussi.Note de bas de page 1284

295. Le carnet de notes du sgt Bigelow indique que le Capt Lubiniecki a expliqué aux enquêteurs du SNEFC que le cpl Langridge avait déjà fait deux tentatives de suicide avant mars 2008.Note de bas de page 1285 La première remontait à l’été 2007, alors qu’il avait été trouvé en état d’ébriété, faisant des préparatifs pour s’asphyxier avec le monoxyde de carbone s’échappant de sa Jeep. La deuxième tentative datait de février 2008, durant un séjour dans un établissement de santé mentale.Note de bas de page 1286 Le Capt Lubiniecki a dit aux enquêteurs du SNEFC que le cpl Langridge avait été admis à un programme de réadaptation contre la toxicomanie après sa première tentative de suicide mais qu’il l’avait quitté peu après. La deuxième tentative a été inscrite dans le SISEPM comme ayant eu lieu alors que le cpl Langridge était [traduction] « dans un hôpital psychiatrique à Edmonton », et elle avait été portée à la connaissance du Capt Lubiniecki par l’aumônier.Note de bas de page 1287 Le Capt Lubiniecki a ajouté qu’en février 2008, le cpl Langridge s’était lui-même fait admettre à l’Hôpital de l’Alberta à Edmonton (HAE) pour une période de trente jours. Selon les notes de l’entrevue du sgt Bigelow, le cpl Langridge devait se rendre à une clinique de réadaptation en Ontario après ses trente jours d’hospitalisation.Note de bas de page 1288 Cependant, sa demande d’inscription a finalement été rejetée par la communauté médicale militaire, les notes écrites n’appuyant pas cette demande. Ce refus était justifié par le fait qu’il avait manqué [traduction] « quelques » réunions des AA,Note de bas de page 1289 par l’absence de conviction du cpl Langridge à EdgewoodNote de bas de page 1290 et par le coût du programme.Note de bas de page 1291 L’entrée plus détaillée dans le SISEPM indique qu’il a informé les enquêteurs que le coût pour assister à ce programme aurait été de 50 000 $.Note de bas de page 1292

296. Selon l’entrée du sgt Bigelow dans le SISEPM, le Capt Lubiniecki avait dit aux enquêteurs qu’au lieu de suivre le programme de traitement de la toxicomanie en résidence, [traduction] « le cpl Langridge a ensuite été remis au LdSH, où le SMR et l’adjudant ont établi un calendrier des tâches que le cpl Langridge aurait à respecter, puisqu’il avait dit qu’il aimerait aller de l’avant et devenir plus engagé en tant que soldat ».Note de bas de page 1293 Il y est noté que le Capt Lubiniecki a indiqué que le cpl Langridge n’était pas sous surveillance pour risque de suicide, ni ne faisait partie des contrevenants, mais qu’il était soumis à ces conditions pour démontrer qu’il était [traduction] « plus résolu à changer ses habitudes ».Note de bas de page 1294 Selon l’entrée du SISEPM, le cpl Langridge a respecté les conditions et [traduction] « s’est comporté sans [qu’il y ait d’] incident » jusqu’au 12 mars 2008.Note de bas de page 1295 À ce moment, les comptes rendus des entrevues révèlent que le cpl Langridge s’est lui-même rendu à l’Hôpital Royal Alexandra où il a passé environ 48 heures (en fait, cette série d’événements s’est déroulée le 11 mars 2008).

Entrevue avec le cpl Rohmer

297. Au cours de son entrevue avec le cplc Ritco le 18 mars 2008, le cpl Rohmer, un ami de longue date du cpl Langridge, a fourni des détails sur une tentative de suicide du cpl Langridge datant de 2007, dont lui et un autre ami du cpl Langridge, le cpl Jason Hillier, avaient été témoins. Le cpl Rohmer a informé le cplc Ritco que le cpl Hillier avait informé le LdSH de cette tentative de suicide.Note de bas de page 1296

298. Peut-être plus important encore, le cpl Rohmer a également discuté des surveillances effectuées ou proposées pour le cpl Langridge par le LdSH. Il a allégué qu’un ou plusieurs membres de la chaîne de commandement du LdSH lui avaient demandé ainsi qu’au cpl Hillier de rester avec le cpl Langridge à l’hôpital pour le « surveiller » après sa tentative de suicide de juin 2007. Le cpl Rohmer a affirmé que le cpl Hillier était en contact régulier avec le régiment pendant ce temps.Note de bas de page 1297 Le cpl Rohmer a également mentionné au cplc Ritco qu’il avait entendu dire qu’une surveillance pour risque de suicide devait avoir lieu une semaine avant la mort du cpl Langridge, mais qu’il ne savait pas si elle avait finalement été effectuée.Note de bas de page 1298 Il ne croyait pas que c’était le cas, parce que le fait d’avoir à se rapporter et les conditions auxquelles le cpl Langridge était soumis dans ses derniers jours ne répondaient pas à sa compréhension d’une surveillance pour risque de suicide qui, à son avis, nécessitait une surveillance directe 24 heures par jour.Note de bas de page 1299

299. Lorsqu’interrogé par le cplc Ritco, le cpl Rohmer a exprimé l’opinion que le cpl Langridge aurait dû faire l’objet d’une surveillance avant sa mort :

[Traduction]

Je suis un peu incertain si c’est hors ligne, si c’est mauvais pour eux, je ne sais pas, mais je veux savoir si le régiment connaissait son état, savait qu’il était suicidaire quand il n’était pas surveillé, vous savez.

[...] Je sais maintenant, après avoir parlé et entendu qu’il devait se rapporter aux deux heures, je suppose, mais le Régiment savait tout sur l’ensemble de ses -- je ne sais pas, à propos de l’ensemble de ses problèmes, mais ils savaient qu’il avait essayé de se tuer. Ils savaient qu’il avait des problèmes d’alcool et de drogue.

Et, vous savez, je -- je pense -- c’est juste moi qui se lève enfin, comme pour poser la question. Comme je ne -- parce que comme, pourquoi n’était-il pas surveillé?Note de bas de page 1300
[Caractères gras ajoutés]

300. Le cplc Ritco a demandé des éclaircissements au cpl Rohmer, comprenant clairement que le cpl Rohmer alléguait que l’assistance fournie était inadéquate et lui demandant s’il croyait que le LdSH aurait pu en faire davantage parce qu’on savait qu’il était suicidaire. Le cpl Rohmer a confirmé cela, concluant que [traduction] « deux heures, c’est beaucoup de temps » accordé entre les rapports, ajoutant qu’une garde constante était nécessaire pour « le protéger contre lui-même ».Note de bas de page 1301

Entrevue avec le sgt Hiscock

301. Le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont interrogé le sgt Hiscock le 18 mars 2008.Note de bas de page 1302 Le sgt Hiscock était le sous-officier affecté à la réception, au bureau de service du bâtiment du QG du LdSH le 15 mars 2008. Une de ses responsabilités consistait à surveiller le cpl Langridge. Il était de service lorsque le cpl Langridge est mort.Note de bas de page 1303 Le sgt Hiscock a informé le cplc Ritco qu’il avait pris la relève de l’officier de service sortant le matin de la mort du cpl Langridge. L’officier de service l’avait informé à propos du cpl Langridge et des conditions qui lui étaient imposées. Le sgt Hiscock a appris qu’il devait effectuer une « surveillance pour risque de suicide » le 15 mars 2008 par l’intermédiaire de l’officier de service sortant ou du cplc Fitzpatrick.Note de bas de page 1304 Il a indiqué qu’à son avis, ce qui était en place n’était pas une surveillance pour risque de suicide; il avait effectué des surveillances pour risque de suicide dans le passé, et ceux qui assuraient la garde ne laissaient jamais la personne surveillée seule. Le cpl Langridge était autorisé à passer jusqu’à deux heures seul sans avoir à se rapporter au personnel de service.Note de bas de page 1305

302. Le sgt Hiscock a hésité à propos de la nature et de l’objet des conditions. Il a compris que la raison de la surveillance du cpl Langridge était liée à la connaissance de ses problèmes de santé mentale et à sa récente sortie de l’hôpital.Note de bas de page 1306 Il croyait que les conditions avaient été mises en place pour fournir au cpl Langridge un encadrement qui, on l’espérait, l’aiderait à faire face à ses problèmes, mais il a également ajouté que cela semblait [traduction] « étrange ».Note de bas de page 1307 « [...] J’aurais dû poser beaucoup plus de questions. J’aurais dû avoir beaucoup plus de renseignements, mais -- je ne sais pas. Je suppose que c’était une surveillance pour risque de suicide, mais ce n’était pas vraiment une surveillance pour risque de suicide ».Note de bas de page 1308 Cette ambiguïté pourrait être la conséquence d’une rencontre qu’il a eue avec l’adjuc Ross, le sergent-major du régiment, la veille de son entrevue. Contrairement à ce que le sgt Hiscock s’était souvenu s’être fait dire à propos de la surveillance pour risque de suicide quand il avait parlé à la PM le jour du suicide, l’adjuc Ross lui a dit que le cpl Langridge n’était pas sous surveillance de suicide, et que les conditions étaient destinées à fournir un encadrement au cpl Langridge tout en préservant sa dignité.Note de bas de page 1309 Le sgt Hiscock a dit au cplc Ritco que si la chaîne de commandement avait vraiment cru que le cpl Langridge étaient suicidaire, [traduction] « ces restrictions auraient été considérablement -- beaucoup plus sévères ».Note de bas de page 1310 Le cplc Ritco est resté avec des questions sans réponses sur l’objet des conditions et le fait qu’elles avaient ou non été conçues comme une forme de surveillance pour risque de suicide.

Entrevue avec le cpl Hurlburt

303. Le cpl Hurlburt était familier avec les mesures de surveillance pour risque de suicide de l’armée. Au cours d’une entrevue le 19 mars 2008, il a déclaré au cplc Ritco qu’il avait participé à une surveillance préventive à la base lorsqu’il est initialement arrivé et que, selon lui, la garde devait être maintenue 24 heures par jour pour s’assurer que la personne concernée ne se fasse aucun mal.Note de bas de page 1311 Plus important encore, le cpl Hurlburt a dit au cplc Ritco qu’il avait entendu dire qu’il allait faire partie d’une équipe de surveillance pour risque de suicide environ une semaine avant la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 1312 Il a été contacté par la cplc Bowden, qui l’a informé qu’elle organisait une telle surveillance. Le projet de surveillance pour risque de suicide est survenu après que le cpl Langridge [traduction] « ait été à l’UPSS [Unité de prestation des soins de santé] et qu’il ait paniqué et dit qu’il allait se suicider ou quelque chose ».Note de bas de page 1313 Le cpl Hurlburt et quelques autres membres de l’escadron se tenaient prêts à être de service afin d’assurer une surveillance pour risque de suicide, mais il a par la suite été informé que ce ne serait pas nécessaire. Le cpl Hurlburt était peu informé sur ce qu’avait été par la suite la situation du cpl Langridge, sauf quelques-unes des conditions que le cpl Langridge devait respecter.Note de bas de page 1314 À ce stade de l’entrevue, le cplc Ritco a demandé au cpl Hurlburt [traduction] « Ne diriez-vous pas que cela était une surveillance pour risque de suicide? » Et le cpl Hurlburt a convenu que le cpl Langridge était soumis à une surveillance pour risque de suicide le 15 mars 2008.Note de bas de page 1315

304. Le cpl Hurlburt a déclaré que certains soldats présents dans le bureau de l’escadron avec lui le jour où la garde avait été planifiée ont utilisé l’expression « surveillance pour risque de suicide », comme l’avait fait la cplc Bowden. Il semble que la détresse du cpl Langridge ait été largement connue parmi ces membres des FC, qui l’avaient informé que le cpl Langridge avait « paniqué » à l’UPSS.Note de bas de page 1316 Le cpl Hurlburt a également dit au cplc Ritco que le cpl Langridge avait récemment fait l’objet de commérages au sein du régiment à propos de ses tentatives de suicide et de ses problèmes de toxicomanie.Note de bas de page 1317 Le cplc Ritco a demandé au cpl Hurlburt s’il se rappelait du nom de toute personne qui lui avait parlé ou qui devait participer avec lui à la surveillance pour risque de suicide, mais il a dit qu’il y avait trop de noms et de visages nouveaux dans le régiment pour qu’il s’en souvienne.Note de bas de page 1318

Entrevue avec le cplc Fitzpatrick

305. Lors de son entrevue, le cplc Fitzpatrick a déclaré qu’il avait été contacté par l’adjum Kevin Mulhern, le sergent-major du QG, afin de mettre en place une liste de garde en vue d’assurer une surveillance préventive pour risque de suicide après la sortie du cpl Langridge de l’HAE.Note de bas de page 1319 L’ordre avait été donné par l’adjuc Ross. Le cpl Langridge venait de quitter l’établissement et personne n’avait encore été informé sur son état. Une liste était en préparation au cas où une surveillance pour risque de suicide serait nécessaire. Le cplc Fitzpatrick s’est rappelé que soit l’adjuc Ross soit l’adjum Mulhern lui avait dit que le cpl Langridge [traduction] « ne doit pas sortir de votre champ de vision ».Note de bas de page 1320 Le cplc Fitzpatrick a demandé à la cplc Bowden d’établir une liste de membres disponibles pour la garde. Elle a répondu dans un courriel intitulé [traduction] « Voici la liste de surveillance pour risque de suicide ».Note de bas de page 1321 Le cplc Fitzpatrick s’est souvenu avoir imprimé le courriel, mais il a informé le cplc Ritco qu’il avait sciemment supprimé le mot « suicide » du document avant de l’imprimer, car il craignait que quelqu’un puisse s’offusquer de l’expression « surveillance pour risque de suicide ».

306. Peu de temps après, alors que le cplc Fitzpatrick était sorti de son bureau, le cpl Langridge a trouvé le courriel ou, apparemment, une version différente du même message. Le cplc Fitzpatrick a expliqué [traduction] « ... d’une manière ou d’une autre, le courriel a été imprimé à nouveau sans que ce mot soit supprimé -- n’est-ce pas -- et il l’a vu sur mon bureau, parce que quelqu’un d’autre a dû l’imprimer et le mettre sur mon bureau ».Note de bas de page 1322 Le cplc Fitzpatrick a dit au cplc Ritco et au Matc McLaughlin (qui prenait des notes) que, même s’il n’avait aucune idée de la façon dont cela s’était passé, il soupçonnait le cpl Langridge d’avoir vu le courriel sur son ordinateur et de l’avoir imprimé.Note de bas de page 1323 Le cpl Langridge était apparemment très perturbé par cette surveillance et, quand il a vu passer l’adjuc Ross, il l’a appelé dans le bureau du cplc Fitzpatrick et lui a montré le courriel. L’adjuc Ross était furieux et lorsque le cplc Fitzpatrick est revenu, il lui a dit de trouver la cplc Bowden. Celle-ci s’est rendue au bureau du cplc Fitzpatrick, qui a entendu l’adjuc Ross lui dire [traduction] « Va à mon bureau et assieds-toi sur la putain de chaise, j’arrive » avant de déchirer le courriel.Note de bas de page 1324 Le cplc Fitzpatrick a ajouté qu’il a été appelé par l’adjum Mulhern une vingtaine de minutes plus tard et qu’on lui a dit de « mettre fin à la garde. Il n’y a pas de garde ».Note de bas de page 1325 On lui a dit que tout ce que le personnel de service devait faire était de s’assurer que le cpl Langridge prenne ses médicaments correctement. Le cplc Fitzpatrick a dit au cplc Ritco que tous les documents qu’il possédait concernant la liste de surveillance avaient été déchiquetés.Note de bas de page 1326

Entrevue avec la cplc Bowden

307. Le 5 mai 2008, le cplc Ritco a interrogé la cplc Bowden en grande partie sur les mêmes sujets que ceux discutés avec le cplc Fitzpatrick. Elle était certaine, avant même que l’entrevue ne débute, qu’il voudrait s’informer au sujet de la liste établie en vue de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1327 Dans son récit de l’épisode de la liste de surveillance, la cplc Bowden a dit au cplc Ritco qu’elle était dans son bureau environ une semaine avant la mort du cpl Langridge (probablement le vendredi le 7 mars 2008)Note de bas de page 1328 quand le cplc Fitzpatrick s’est présenté et lui a dit : [traduction] « J’ai besoin d’une liste des personnes qui peuvent surveiller Langridge pour risque de suicide ».Note de bas de page 1329 Le cplc Fitzpatrick lui a demandé de lui envoyer un courriel avec les noms et les numéros de téléphone des membres disponibles pour assurer la garde. La cplc Bowden a sondé la disponibilité des membres de son équipe et elle a ensuite compilé la liste dans un courriel et l’a envoyée au cplc Fitzpatrick. Contrairement à la description du cplc Fitzpatrick du format du courriel, la cplc Bowden a dit au cplc Ritco qu’elle n’avait pas utilisé le mot [traduction] « surveillance » dans le titre ou l’objet, et certainement pas « surveillance pour risque de suicide », si même elle avait écrit un titre ou un objet.Note de bas de page 1330 Le terme « suicide » ne serait apparu que dans le corps du message plutôt que dans un en-tête susceptible d’attirer l’attention.

308. La cplc Bowden a indiqué que, quand elle a parlé avec l’adjuc Ross, il lui a demandé qui l’avait autorisée à utiliser le mot « suicide ». Elle a répondu que personne ne lui en avait donné l’autorisation.Note de bas de page 1331 Elle était au courant que d’autres surveillances pour risque de suicide avaient eu lieu et, de son point de vue, le mot « suicide » avait été employé lorsque le cplc Fitzpatrick lui avait initialement demandé de dresser une liste de noms.Note de bas de page 1332 L’adjuc Ross lui a dit : [traduction] « [en] aucun moment je n’ai autorisé le cplc Fitzpatrick à utiliser le mot « suicide ».Note de bas de page 1333 L’adjuc Ross a alors déchiré le courriel imprimé portant sur la surveillance pour risque de suicide devant elle.Note de bas de page 1334

309. La cplc Bowden a dit au cplc Ritco que le cplc Fitzpatrick lui avait par la suite dit officiellement que la garde avait été annulée.Note de bas de page 1335 Elle croyait qu’il y avait déjà quelqu’un qui surveillait le cpl Langridge au moment où la garde a été annulée.Note de bas de page 1336 La cplc Bowden a également déclaré qu’elle et [traduction] « tout le régiment » étaient au courant que le cpl Langridge avait déjà tenté de se suicider et qu’il avait été hospitalisé pour cette raison.Note de bas de page 1337 Des soldats étaient périodiquement envoyés à l’hôpital pour lui rendre visite.Note de bas de page 1338 Elle savait aussi que le cpl Langridge avait fait deux tentatives de suicide et elle a affirmé que le cpl Langridge avait été mis sous surveillance dans le passé.Note de bas de page 1339

310. À la fin de l’entrevue avec la cplc Bowden, le cplc Ritco a fait le commentaire qu’il recevait des renseignements contradictoires sur la nature de la surveillance et sa provenance.Note de bas de page 1340 Pour cette raison, le cplc Ritco a affirmé dans son témoignage qu’il avait interrogé l’adjuc Ross afin de [traduction] « régler une fois pour toute » la question de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1341

Entrevue avec l’adjuc Ross

311. L’adjuc Ross était le SMR et le responsable de la discipline au sein du LdSH. Lors de son entrevue le 23 mai 2008, il a dit au cplc Ritco qu’une surveillance [traduction] « 24 heures par jour, 7 jours par semaine » a initialement été organisée pour le cpl Langridge en mars 2008 au cas où il faudrait y recourir.Note de bas de page 1342 Il a demandé au cplc Fitzpatrick de dresser une liste de noms pour une telle garde après que le personnel de la clinique de la base l’ait appelé pour demander de l’aide en vue d’assurer la surveillance du cpl Langridge. Il a expliqué qu’on ne savait pas clairement au début quel était l’état du cpl Langridge, à quelle liberté de mouvement il aurait droit et quelles responsabilités incomberaient au régiment. L’adjuc Ross a indiqué que la surveillance avortée [traduction] « [...] n’a pas été envisagée ou décrite par moi comme étant une ‘surveillance pour risque de suicide’; ce n’était pas le but de celle-ci ».Note de bas de page 1343 L’adjuc Ross a affirmé qu’il n’avait pas le pouvoir légal d’imposer une telle surveillance, expliquant que le régiment ne pouvait « légalement » que placer le cpl Langridge sous surveillance « 24 heures sur par jour, 7 jours par semaine » si le « système médical » l’avait informé que celui-ci était suicidaire.Note de bas de page 1344

312. L’adjuc Ross a affirmé que c’était une erreur de la part de la cplc Bowden d’avoir utilisé l’expression surveillance pour risque de suicide par suite d’une mauvaise communication. L’adjuc Ross a informé le cplc Ritco que lorsque le cpl Langridge, bouleversé, s’était approché et lui avait montré le courriel de la cplc Bowden au sujet de la surveillance, c’est le cpl Langridge lui-même qui l’avait déchiré. L’adjuc Ross lui a alors dit [traduction] « [c]e n’est pas du tout ce dont il s’agit ».Note de bas de page 1345 L’adjuc Ross a également nié être au courant de l’état de santé du cpl Langridge, outre le fait qu’il avait des problèmes de toxicomanie et qu’il avait souvent séjourné à l’hôpital, [traduction] « et qu’il souffrait d’une forme de SSPT ».Note de bas de page 1346 Il a nié savoir quoi que ce soit sur le passé ou la situation actuelle du cpl Langridge.

313. L’adjuc Ross a parlé au conseiller en toxicomanie du cpl Langridge et au médecin-chef de la base afin de mieux comprendre la situation. Selon lui, il était devenu évident que [traduction] « [...] ce gars-là ne se comporte pas comme un soldat. Il a besoin d’une certaine structure dans sa vie. Nous pouvons lui en donner une ».Note de bas de page 1347 En conséquence, le 7 mars 2008, il a établi une liste de conditions qui, à son avis, aideraient le cpl Langridge et il a sollicité des commentaires par courriel du médecin-chef de la base sur toute exigence médicale à ajouter à la liste.Note de bas de page 1348 Le Capt Hannah a répondu le 7 mars 2008 en présentant un ensemble de contraintes à l’emploi pour raisons médicales obligeant le cpl Langridge à s’abstenir totalement de consommer de l’alcool ou des drogues non prescrites par un médecin, de se conformer au plan de traitement, y compris de demeurer sous la supervision du LdSH, et d’assister à tous les rendez-vous fixés par le service médical.Note de bas de page 1349 L’adjuc Ross a intégré ces contraintes aux mesures qu’il avait en tête et elles sont devenues une partie des conditions imposées,Note de bas de page 1350 en plus de celles citées plus haut. Il les a expliquées en privé dans leur ensemble au cpl Langridge.Note de bas de page 1351 L’adjuc Ross a dit au cplc Ritco que les conditions laissaient au cpl Langridge une certaine liberté, mais qu’elles établissaient aussi :

[Traduction]

[...] un encadrement basé sur une sorte de routine quotidienne. Le remettre en uniforme, pour qu’il commence à se comporter comme un soldat, ne pas porter de vêtements civils tout le temps. Lui imposer certaines choses à faire tout au long de la journée; puis, nous lui avons fourni aussi l’occasion, s’il le voulait, d’aller à l’une de ses réunions locales, des réunions sur la toxicomanie et ces choses-là, « Nous irons te reconduire -- Nous irons te reconduire et, quand tu as fini, tu nous appelles et nous reviendrons te chercher ».

Voilà le genre de latitude que nous lui avons offert. [...] Mais voici le côté médical de l’entente, tu n’es pas autorisé à boire de l’alcool, tu n’es pas autorisé à prendre des médicaments d’ordonnance sans le consentement du médecin [...] ou de prendre tout médicament sans le consentement d’un médecin.Note de bas de page 1352

314. L’adjuc Ross a déclaré que le régiment surveillait le cpl Langridge du mieux qu’il le pouvait.Note de bas de page 1353 Les conditions ont été considérées comme un moyen pour le régiment d’aider le mieux possible le cpl Langridge, à la fois sur la base des [traduction] « suggestions médicales » et de « ce que nous pensions que nous avions l’obligation légale de faire [...] ».Note de bas de page 1354 L’adjuc Ross a informé le cplc Ritco que ces conditions avaient uniquement pour but d’aider le cpl Langridge à trouver l’encadrement nécessaire avant d’aller suivre un traitement.Note de bas de page 1355

315. Selon l’adjuc Ross, le cpl Langridge devait se rendre au centre de service, se rapporter et dire essentiellement : [traduction] « Je suis là. Je suis toujours en bonne forme ».Note de bas de page 1356 De cette façon, le régiment saurait « que rien ne lui était arrivé, qu’il ne s’était pas blessé ou quoi que ce soit ». Le couvre-feu visait à faire en sorte qu’il n’aille pas à l’extérieur du bâtiment au-delà d’une certaine limite, « peu importe ce qui se passait, et c’est tout. Il n’allait pas sortir cette nuit ».Note de bas de page 1357 L’adjuc Ross a également informé le cplc Ritco que le régiment ne s’occuperait pas d’administrer les médicaments du cpl Langridge; il ferait simplement en sorte qu’ils soient disponibles. C’est lui qui avait la responsabilité de les prendre. Cependant, malgré la condition clairement énoncée à l’effet que: [traduction] « En aucun temps, la porte [de la chambre des contrevenants] ne sera fermée », l’adjuc Ross a déclaré que le cpl Langridge pouvait fermer sa porte et avoir une vie privée. Cela dépendait entièrement de lui, et il n’y avait aucun problème à ce qu’il le fasse.Note de bas de page 1358 Le cplc Ritco ne s’est pas enquis de cette apparente contradiction.

316. L’adjuc Ross a déclaré que les conditions n’avaient pas été fixées pour une période de temps définie. Le facteur déterminant serait le moment où le cpl Langridge aurait démontré qu’il pouvait se conformer à des règles et des règlements – qu’il ferait ce qu’on lui avait dit de faire, qu’il respecterait ses rendez-vous et ainsi de suite, prouvant que, du côté médical, il était sur la bonne voie et prêt à participer à un traitement contre la toxicomanie en résidence. Cela aurait pu prendre deux semaines, voire un mois. Il a expliqué que le cpl Langridge devait faire ses preuves avant que le côté médical dépense plus d’argent pour qu’il suive un traitement.Note de bas de page 1359

317. En ce qui a trait à la nature des conditions, le sgt Bigelow a demandé à l’adjuc Ross si les conditions étaient [traduction] « gravées dans la pierre », comme si elles étaient des ordres. L’adjuc Ross a déclaré qu’elles l’étaient et qu’une violation de ces conditions serait [traduction] « absolument » équivalente à celle d’un soldat enfreignant les ordres d’un supérieur.Note de bas de page 1360 Par exemple, si le cpl Langridge ne respectait pas le couvre-feu de 21 h et ne se présentait pas au centre de service, l’adjuc Ross a indiqué qu’une accusation pour ASP lui aurait probablement été servie.

318. L’adjuc Ross a dit au cplc Ritco que lorsque le cpl Langridge avait été mis au courant des conditions qui lui étaient imposées, il n’y avait vu aucun problème. Il était [traduction] « plutôt content de ça,Note de bas de page 1361 disant : ‘J’ai besoin d’encadrement. J’ai besoin que quelqu’un me dise ce que je dois faire’, et il m’a remercié de l’avoir fait, de lui demander de s’assoir et d’avoir une conversation sincère avec lui ».Note de bas de page 1362 Cependant, le cpl Langridge a rapidement souhaité que les conditions imposées soient assouplies, mais ses demandes ont été rejetées. Le cpl Langridge a d’abord approché le Capt Lubiniecki pour obtenir plus de latitude. Le Capt Lubiniecki en a parlé avec l’adjuc Ross, qui a décidé de ne pas y consentir :

[Traduction]

[...] J’ai dit non. Je pense que deux heures c’est suffisant. Il en voulait plus, et je lui ai dit, tu dois nous prouver que tu peux gérer ce que tu fais maintenant. Tu sais, peux-tu respecter les règlements qui ont été mis en place pour toi? Tu peux t’y conformer, [et] puis, à la fin de ce week-end [...] je vais les réévaluer.Note de bas de page 1363

319. Le mercredi ou le jeudi avant sa mort, le cpl Langridge a assisté à la revue des malades et a demandé à nouveau que ses conditions soient assouplies :

[Traduction]

Il était allé chez le médecin, et le médecin m’a téléphoné tard dans la matinée et m’a dit : [traduction] ‘Écoutez, qu’est ce qui se passe avec ce gars? Il dit qu’il ne peut pas gérer ce que vous faites’, bla bla bla [...]

Donc j’ai dit, on nous a demandé d’aider, nous faisons ce que nous pouvons. Je pense que c’est juste [...] un autre de ses stratagèmes pour ne pas vouloir être un soldat, et de continuer, de faire ce qu’il est censé faire. Alors il a dit, [traduction] ‘Ouais, je suis plutôt d’accord avec vous’.

Il a alors raccroché, et je dirais que, peut-être 10 minutes plus tard, il m’a téléphoné à nouveau et a dit ‘Ok, il vient juste de dire qu’il est suicidaire, donc je n’ai pas d’autre choix que de l’admettre à l’hôpital’.Note de bas de page 1364

320. L’adjuc Ross a déclaré que le cpl Langridge avait été relâché après avoir passé environ 24 heures à l’hôpital. Il a affirmé : [traduction] « Et ils ont dit, il n’y a rien que nous pouvons faire. Il ne représente aucun danger pour quiconque. Alors ils l’ont libéré. [...] Et puis, ce week-end, il s’est suicidé ».Note de bas de page 1365 L’adjuc Ross semblait reconnaître que même le délai de rapport de deux heures était trop long pour assurer la sécurité du cpl Langridge, mais il a ajouté : « Je ne sais pas ce que nous aurions pu faire à partir de là; je ne sais vraiment pas ».Note de bas de page 1366

321. L’adjuc Ross a terminé l’entrevue en exprimant le souhait [traduction] « qu’on en arrive à un dénouement dans cette affaire aussi rapidement que possible ».Note de bas de page 1367

Entrevue avec le Capt Hannah

322. Le 27 mai 2008, le cplc Ritco a rencontré le Capt Hannah pour discuter de la santé mentale et des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge. Il a interrogé le Capt Hannah au sujet des tentatives de suicide passées du cpl Langridge, dont il avait pris connaissance, dont celle de juin 2007, l’ingestion d’une surdose de médicaments, une tentative de pendaison à son domicile et la tentative de suicide de février 2008, qui avait eu lieu alors que le cpl Langridge se trouvait à l’Hôpital Royal Alexandra. Le Capt Hannah a déclaré qu’il avait examiné le dossier du cpl Langridge après sa mort. Il a noté que toutes les tentatives de suicide avaient été documentées dans le dossier et que le cplc Ritco [traduction] « a certainement relevé les points saillants ».Note de bas de page 1368 Il a ajouté qu’il y avait d’autres incidents dans le dossier qui pourraient aussi avoir été des tentatives de suicide, mais qu’il était difficile de l’affirmer avec certitude parce qu’ils n’étaient pas nécessairement aussi simples ou clairs que ceux mentionnés par le cplc Ritco.

323. L’avis du Capt Hannah sur l’état de santé mental du cpl Langridge au cours de l’année précédente était qu’une personne ne pouvait jamais être dans un état [traduction] « suicidaire » chronique ou constant, et qu’il ne s’agissait pas d’une maladie chronique que l’on pouvait étiqueter.Note de bas de page 1369 Au lieu de cela, les tendances suicidaires étaient situationnelles et variaient de jour en jour en fonction de facteurs tels que des problèmes de santé mentale, des changements dans la vie de la personne, et les drogues et l’alcool. Le Capt Hannah a indiqué qu’il ne classait un patient comme suicidaire sur une longue période de temps que s’il présentait des pensées ou des comportements suicidaires quotidiennement, bien que le cpl Langridge présentait [traduction] « absolument » un plus grand risque de tendances suicidaires que d’autres patients.Note de bas de page 1370 Le Capt Hannah a déclaré qu’il était « certes de notoriété publique » que le cpl Langridge vivait au centre de service du LdSH parce qu’il était perçu comme présentant un risque accru de suicide et nécessitait une surveillance supplémentaire.Note de bas de page 1371

324. Plus tôt dans l’enquête, le cplc Ritco avait présenté une demande à la clinique de la base pour obtenir les dossiers médicaux du cpl Langridge se rapportant à son état de santé mental; il avait obtenu le dossierNote de bas de page 1372 et demandé l’aide du Capt Hannah pour interpréter les entrées dans le contexte de l’enquête de 2008. Après avoir interprété différents termes cliniques et des diagnostics de trouble de la personnalité figurant dans les dossiers de santé mentale du cpl Langridge, le Capt Hannah a été interrogé sur le congé du cpl Langridge de l’Hôpital de l’Alberta à Edmonton (HAE) en mars 2008. Le cplc Ritco était à la recherche de renseignements se situant entre sa sortie de l’établissement et le moment où des conditions lui ont été appliquées. Le Capt Hannah ne savait pas où le cpl Langridge avait vécu après sa sortie, mais se souvenait qu’il avait commencé à vivre dans le périmètre du LdSH à partir du 7 mars 2008.Note de bas de page 1373 En se fondant sur les dossiers médicaux, le Capt Hannah a dit au cplc Ritco que le cpl Langridge s’était rendu à l’Unité de prestation de soins de santé C (« UPSS (C) ») le 7 mars 2008 sur l’insistance de son conseiller en alcoolisme et toxicomanie de la base (CATB) suite à des problèmes de consommation d’alcool et de drogues et des plaintes de harcèlement de la part de Mme A. Le cpl Langridge a avoué avoir un problème et il a demandé à être envoyé à l’HAE. Cependant, l’HAE était incapable de le prendre et le cpl Langridge ne voulait pas aller à l’Hôpital Royal Alexandra à la place. Il a nié être suicidaire, mais :

[Traduction]

C’est ne pas être assez bon, nous lui avons offert une occasion de vivre au LdSH, où il pourrait être -- avoir quelqu’un qui pourrait garder un œil attentif sur lui. Il voulait une surveillance supplémentaire, il voulait que quelqu’un garde un œil sur lui. Le LdSH était d’accord avec cela, et c’est pourquoi il a été autorisé à s’y installer.Note de bas de page 1374

325. Le cplc Ritco a demandé au Capt Hannah si le cpl Langridge avait été sous surveillance pour risque de suicide avant le 7 mars 2008. Le Capt Hannah a répondu qu’il [traduction] « n’avait aucune idée » et a déclaré que le cpl Langridge était sous les soins du personnel médical de la base, mais ne résidait pas à la clinique médicale de la base car elle ne fonctionnait pas comme un hôpital.Note de bas de page 1375 Le Capt Hannah a expliqué qu’il ne savait tout simplement pas s’il y avait eu une surveillance pour risque de suicide entre le congé du cpl Langridge de l’HAE et le 7 mars 2008.Note de bas de page 1376 Le Capt Hannah a déclaré qu’il avait été consulté par le LdSH quant aux conditions de vie du cpl Langridge le 7 mars 2008, lesquelles avaient été instituées dans le but de fournir au cpl Langridge une [traduction] « structure » et un « soutien » nécessaires.Note de bas de page 1377 À l’époque, le cpl Langridge n’avait pas indiqué qu’il était suicidaire, mais demandait un soutien supplémentaire, de sorte qu’il a été décidé de lui assurer ce soutien [traduction] « et c’était un plan qu’il a accepté et adopté, et qu’il était prêt à suivre ».Note de bas de page 1378 Le Capt Hannah a indiqué au cplc Ritco que le LdSH n’avait pas forcé le cpl Langridge à résider au centre de service. Au lieu de cela, son comportement devait être suivi de près, et des gens devaient garder un œil sur lui dans un environnement structuré. Selon le Capt Hannah, le LdSH était chargé de lui administrer ses médicaments, y compris de lui rappeler le moment de les prendre.Note de bas de page 1379

326. Le Capt Hannah ne croyait pas que le cpl Langridge était suicidaire le 14 mars 2008, soit la veille de sa mort. Le cpl Langridge s’est rendu à la clinique de la base pour un renouvellement d’ordonnance et n’a signalé aucune difficulté particulière. Interrogé par le cplc Ritco sur la raison pour laquelle le cpl Langridge tentait de se suicider, le Capt Hannah a avancé que le cpl Langridge avait à plusieurs reprises perdu le contrôle en raison de traits de personnalité marginaux qui l’incitaient à vouloir être le centre d’attention et :

[Traduction]

[...] À un moment donné, certaines personnes se sentent frustrées que les gens cessent de les prendre pour le centre d’attention, et -- ou leur accorde trop d’attention, et leur enlèvent leurs privilèges dans la société, et dans ce cas, alors, je pense -- mon opinion est que certaines personnes diront : ‘Très bien. Je vais vous montrer. Je vais vraiment me suicider’. Et elles le font.Note de bas de page 1380

327. Le Capt Hannah a également émis l’hypothèse que le cpl Langridge pourrait s’être suicidé parce que c’était le jour des funérailles d’un autre soldat [traduction] « et quelqu’un d’autre était le centre de l’attention ce jour-là, pas lui ».Note de bas de page 1381 Il a également supposé que le cpl Langridge avait bu ou consommé de la cocaïne ce jour-là. Enfin, il a soutenu que la cause aurait pu être une combinaison de tout cela. Le Capt Hannah a conclu que, peu importe la raison, le LdSH [traduction] « est allé au-delà de ce qu’il devait faire et a vraiment tenté d’accommoder le soldat d’une manière qui était unique, et je pense très flexible et d’un grand soutien [...] ».Note de bas de page 1382 Enfin, le Capt Hannah a informé le cplc Ritco que, pour autant qu’il le sache, les dispositions avaient été prises pour que le cpl Langridge suive un traitement contre la toxicomanie en établissement, s’il avait été en mesure de respecter les mesures d’encadrement qui lui avaient été imposées, et il y serait [traduction] « absolument » allé.Note de bas de page 1383

Les conclusions du cplc Ritco sur la surveillance pour risque de suicide

328. Il ressort clairement des témoignages des témoins relatés ci-dessus qu’une forme de surveillance avait été prévue pour le cpl Langridge, bien que l’information sur le but de la garde ait été contradictoire. Le sgt Hiscock,Note de bas de page 1384 le cpl Rohmer,Note de bas de page 1385 le cpl Hurlburt,Note de bas de page 1386 le cplc FitzpatrickNote de bas de page 1387 et la cplc BowdenNote de bas de page 1388 ont tous indiqué au cplc Ritco qu’une surveillance pour risque de suicide avait été planifiée ou effectuée pour le cpl Langridge. Bien que le sgt Hiscock ait été équivoque quant à savoir si la garde prévue était une surveillance pour risque de suicide, il semble n’avoir hésité qu’après une intervention de l’adjuc Ross.Note de bas de page 1389 La cplc Bowden et le cplc Fitzpatrick ont ​​tous les deux déclaré avoir été directement impliqués dans le processus de planification de la surveillance au nom de l’adjuc Ross. En outre, certains témoins ont indiqué que les surveillances pour risque de suicide ne sont pas inconnues dans les FC et avaient même été effectuées pour le cpl Langridge à différents épisodes de crise, y compris en mars 2008.Note de bas de page 1390

329. Le cplc Ritco a indiqué qu’il avait conclu que le cpl Langridge n’était pas sous surveillance pour risque de suicide au moment de son décès, acceptant les affirmations de l’adjuc Ross et du Capt Hannah sur ce qui était prévu pour le cpl Langridge et ce qui avait finalement été fait. Comme l’a dit le cplc Ritco dans son témoignage :

[Traduction]

[...] à cause de tous les renseignements contradictoires que j’obtenais sur le fait qu’il faisait ou non l’objet d’une surveillance, je devais prendre une décision sur : Bon, était-il ou n’était-il pas [sous surveillance]? Donc, j’ai parlé avec la personne qui - en fin de compte en avait donné instruction, et qui était le chef Ross. Il a dit [...] que ce n’était pas une surveillance pour risque de suicide, alors j’ai accepté sans chercher davantage que ce n’était pas une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1391

330. Malgré cette affirmation en apparence catégorique, le témoignage du cplc Ritco sur cette question s’est finalement avéré quelque peu équivoque. Lors de la deuxième journée de son témoignage, il a dit qu’il avait en fait été incapable de conclure que le cpl Langridge était [traduction] « sous surveillance pour risque de suicide » ou « un contrevenant », en dépit du fait qu’il avait noté dans son PE à ce moment que ce sujet était « clos ».Note de bas de page 1392 Le cplc Ritco a également déclaré qu’il n’était pas en mesure de tirer des conclusions sur l’objet des conditions auxquelles le cpl Langridge avait été astreint dans les derniers jours de sa vie, ni de répondre à la question de savoir si le cpl Langridge s’y était soumis volontairement.Note de bas de page 1393

Incompréhension de la négligence

331. Compte tenu de la compréhension étroite de la négligence dans l’enquête de 2008, qui se résumait essentiellement à démontrer qu’il y avait eu une surveillance pour risque de suicide ratée,Note de bas de page 1394 et compte tenu de la conclusion du cplc Ritco à l’effet qu’il n’y avait pas de surveillance pour risque de suicide au moment de la mort du cpl Langridge (ou, plus précisément, compte tenu de son incapacité à conclure qu’une surveillance était en vigueur), il n’est pas surprenant que le cplc Ritco ait dit dans son témoignage qu’il n’avait trouvé aucune preuve de négligence de la part des FC au cours de son enquête.Note de bas de page 1395 Cette conclusion a semblé satisfaire ses supérieurs. L’adj Tourout a mentionné lors de son témoignage que si des éléments de preuve étaient ressortis pour étayer l’hypothèse que le cpl Langridge faisait peut-être l’objet d’une surveillance pour risque de suicide au moment de son décès, alors il y aurait eu une raison d’envisager la possibilité d’une négligence de la part de quelqu’un. Puisque la surveillance pour risque de suicide n’a jamais été confirmée, il n’était pas nécessaire de faire une enquête sur une possible négligence.Note de bas de page 1396 De même, l’adjum Watson a déclaré qu’il avait la conviction que l’enquête avait été suffisamment poussée pour aboutir à une conclusion sur la question et justifier la fermeture du dossier,Note de bas de page 1397 affirmant qu’une fois la question de la surveillance pour risque de suicide résolue, [traduction] « c’était terminé ».Note de bas de page 1398

332. Les membres du SNEFC ont fondamentalement mal interprété la notion de négligence. Les enquêteurs et les superviseurs ont considéré à tort que l’existence d’une surveillance pour risque de suicide était une condition nécessaire pour arriver à la conclusion qu’il y avait eu négligence. Ils ont interprété les notions de « surveillance pour risque de suicide » et de « négligence » de manière très restrictive. Même à cela, le cplc Ritco a été incapable de répondre à la question jugée particulièrement pertinente par les personnes visées par la plainte : Y avait-il une surveillance pour risque de suicide lorsque le cpl Langridge s’est enlevé la vie? Plus important encore, le cplc Ritco n’a pas envisagé si, sur la base des éléments de preuve, d’autres formes de conduite auraient pu constituer une négligence, ni à quoi de possibles actes ou manquements négligents de la part du LdSH ou du personnel médical de la base auraient pu ressembler.

333. Le cplc Ritco ne semblait pas comprendre comment de tels actes ou manquements négligents pouvaient même hypothétiquement avoir entraîné la mort du cpl Langridge, ce qui signifie qu’il avait une conception limitée de la façon dont une telle question pouvait être examinée ou même sur ce qu’il fallait chercher. En estimant qu’une surveillance pour risque de suicide ratée était le seul motif possible pour faire enquête sur la négligence, les enquêteurs du SNEFC ont omis d’examiner la question de manière approfondie ou adéquate tout en laissant finalement sans réponse d’autres questions critiques sur la surveillance et sur la négligence potentielle des FC.

334. Des questions cruciales concernant d’éventuels actes et manquements négligents de la part des membres du personnel médical de la base et du LdSH n’ont même pas été envisagées, et encore moins posées ou examinées. Au cours de son témoignage, le cplc Ritco a indiqué qu’il était conscient du fait qu’une preuve de négligence potentielle pouvait surgir, et il a déclaré qu’il aurait pris soin de noter cet élément de preuve et, le cas échéant, lui ou quelqu’un d’autre au SNEFC aurait certainement fait enquête. Cependant, cela n’était tout simplement pas possible sans une compréhension éclairée d’une éventuelle obligation de diligence des FC ou de ses membres à l’égard du cpl Langridge, et quels actes ou manquements potentiels de membres du LdSH et du personnel médical de la base auraient pu constituer un manquement à cette obligation.

335. Les enquêteurs auraient dû chercher à répondre à la question de savoir si l’ensemble des FC et, en particulier, les membres du LdSH et le personnel médical de la base, avaient le devoir de garder le cpl Langridge à l’abri du danger.Note de bas de page 1399 Même s’il était établi qu’il n’y avait pas d’obligation générale de diligence pour l’armée de surveiller ses membres pour assurer leur sécurité, une question se posait toujours, à savoir si, dans la situation particulière du cpl Langridge, l’armée aurait pu avoir un devoir spécifique d’assurer sa sécurité.Note de bas de page 1400

336. En termes simples, pour enquêter sur la négligence possible, il aurait fallu que les enquêteurs du SNEFC envisagent deux scénarios, le premier étant celui de la négligence par omission : les FC ont-elles réussi à prendre des mesures raisonnables pour assurer la sécurité du cpl Langridge dans les circonstances?Note de bas de page 1401 Le deuxième scénario aurait été celui de l’acte négligent : les FC ont-elles pris une mesure quelconque qui a mis en danger la sécurité du cpl Langridge?Note de bas de page 1402

337. Mise à part la question de savoir si le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide, certaines questions demeurent sans réponse, à savoir si une surveillance pour risque de suicide avait été planifiée et/ou mise en place de façon concrète, et si les conditions imposées au cpl Langridge constituaient de facto une surveillance pour risque de suicide. Si une telle surveillance avait été prévue, sans être effectuée, la décision de ne pas assurer de surveillance pour risque de suicide était-elle raisonnable dans les circonstances? Il faudrait également répondre à d’autres questions, telles que : Quel genre de surveillance avait été planifiée s’il ne s’agissait pas d’une surveillance pour risque de suicide, et s’il y avait une obligation de mettre en place des mesures qui mettraient le cpl Langridge à l’abri du danger, cela serait-il explicitement appelé « surveillance pour risque de suicide » ou non?

338. Même en acceptant les affirmations des membres du LdSH à l’effet que le cpl Langridge n’était pas sous surveillance pour risque de suicide et ne figurait pas sur la liste des contrevenants ou ne faisait pas autrement l’objet de mesures disciplinaires, des questions importantes se posent, telles que : Pourquoi le cpl Langridge devait-il dormir dans la chambre des contrevenants et obéir à d’autres conditions en mars 2008, si ce n’était pas pour sa sécurité. Si la sécurité a été un facteur dans l’élaboration des conditions, celles-ci étaient-elles raisonnables à cette fin? Si elles n’ont pas été conçues à des fins de sécurité, la « structure » qu’ils ont imposée au cpl Langridge a-t-elle causé ou a-t-elle contribué à son décès? Les conditions ont-elles été appliquées ou administrées d’une quelconque façon négligente, mettant le cpl Langridge en danger? Ces questions ne semblent jamais avoir été envisagées et encore moins examinées.

Ce qui a été omis : des entrevues qui n’ont pas eu lieu

339. Des témoins clés possédant des renseignements très pertinents sur la question de la négligence n’ont jamais été approchés pour participer à une entrevue. Parfois, comme dans le cas de Mme Fynes et de Mme A, les supérieurs du cplc Ritco ont décidé que des entrevues étaient inutiles, bien qu’il ait été évident que ces personnes connaissaient intimement le cpl Langridge.Note de bas de page 1403

Omission d’interroger Mme A

340. Au cours de son enquête, le cplc Ritco n’a pas interrogé Mme A, la conjointe de fait du cpl Langridge, même si elle avait été initialement identifiée dans son PE comme un témoin à interroger.Note de bas de page 1404 Questionné sur cette décision, il a déclaré lors de son témoignage : [traduction] « […] j’avais en tête de l’interroger mais, à mesure que l’enquête avançait, à la fin de l’enquête, on a jugé qu’il n’était pas pertinent de l’interroger parce qu’il s’agissait d’un suicide ».Note de bas de page 1405

341. Mme A détenait beaucoup de renseignements à propos des dernières semaines du cpl Langridge. Dans une déclaration solennelle à l’appui d’une demande de prestations de survivante faite en juillet 2009, elle a décrit des aspects importants de sa relation avec le cpl Langridge et des dernières semaines de la vie du cpl Langridge.Note de bas de page 1406 Si le cpl Ritco l’avait interrogée, il aurait presque certainement obtenu des renseignements très pertinents à l’enquête de 2008, lesquels auraient très probablement pu justifier la tenue d’une enquête plus approfondie sur des actions potentiellement négligentes.

342. Dans sa déclaration solennelle, Mme A a attesté que la certification du cpl Langridge a fait l’objet d’un examen après son séjour de 30 jours à l’HAE entre le 5 février et le 5 mars 2008. Selon sa déclaration, le médecin du cpl Langridge avait demandé qu’il reste à l’hôpital pour une autre période de 30 jours, et le cpl Langridge lui-même voulait y rester. Elle affirme qu’il avait enfin fait des progrès à l’hôpital et qu’il avait peur de partir, mais les FC ont demandé son congé pour le prendre sous leurs soins durant deux semaines de surveillance étroite, après quoi il pourrait être admis dans un autre centre de réadaptation. Selon Mme A, le cpl Langridge a été informé qu’il devait obligatoirement passer du temps à la base pour que l’armée continue à contribuer à son traitement.Note de bas de page 1407 Mme A a ajouté que le cpl Langridge avait accepté l’offre des FC de l’aider :

[Traduction]

Le 5 mars 2008, Stuart a commencé à vivre sur la base et l’armée m’a informée qu’il serait en sécurité. Ils m’ont assurée [sic] que Stuart serait sous surveillance constante, qu’ils ont appelée « surveillance pour risque de suicide ». Ils ont promis que Stuart assisterait quotidiennement à une thérapie contre la toxicomanie et à des réunions des Alcooliques Anonymes aussi souvent que possible. Pendant cette période, Stuart et moi avons passé autant de temps que possible ensemble. Je lui rendais visite à la base, et d’autres fois il quittait la base pour me rendre visite (soit avec la permission ou en échappant à ses soignants).

Stuart et moi sommes restés attachés l’un à l’autre au cours des deux dernières semaines de sa vie. Jusqu’à ce que, malheureusement, malgré les promesses de l’armée, il a été laissé seul dans sa chambre de la base.Note de bas de page 1408

343. Mme A a réitéré cette version des faits dans son témoignage au cours des audiences de la Commission.Note de bas de page 1409 Elle a alors affirmé que le cpl Langridge faisait lentement des progrès et commençait à être plus optimiste et à faire des plans d’avenir pendant qu’il était à l’HAE en février-mars 2008. Selon Mme A, le cpl Langridge se sentait en sécurité à l’HAE et voulait y demeurer. Il espérait rester à l’HAE jusqu’à ce qu’il puisse être envoyé dans un centre de traitement de la toxicomanie en résidence.Note de bas de page 1410 Il lui avait dit que là, il sentait qu’il ne pouvait pas [traduction] « tout bousiller » ou « tomber du train », puisqu’on l’avait finalement privé de certains privilèges en raison de violations passées et qu’il [traduction] « ne lui était pas vraiment permis de même sortir »,Note de bas de page 1411 des faits qui ont été corroborés dans ses dossiers médicaux.Note de bas de page 1412

344. Cependant, il lui a dit plus tard qu’on l’avait informé de retourner à la base au terme de son certificat d’hospitalisation de 30 jours, où il resterait [traduction] « sous pleine supervision », surveillé en permanence.Note de bas de page 1413 Elle a indiqué au cours de son témoignage que le cpl Langridge l’avait appelée pendant la nuit précédant son retour à la base et lui avait dit qu’il avait peur de quitter l’hôpital et qu’il ne voulait pas y aller. Elle a expliqué qu’ils ont considéré leurs options, mais en raison des frais de traitement de la dépendance (ou de la toxicomanie), ils n’avaient guère le choix que d’accepter. Le cpl Langridge lui a alors dit qu’il faisait confiance au LdSH pour le garder en sécurité.Note de bas de page 1414

345. Mme A a indiqué dans son témoignage qu’elle avait appris du cpl Langridge lui-même que son retour à la base était obligatoire et que cela avait été confirmé au cpl Langridge par les conseillers en toxicomanie ou un psychologue de la base.Note de bas de page 1415 Elle a ajouté que l’assurance que le cpl Langridge serait placé sous surveillance pour risque de suicide lui avait été donnée par des conseillers en toxicomanie du cpl Langridge et peut-être aussi lors d’une conversation avec le Capt Lubiniecki. Avec le temps, elle ne pouvait plus se rappeler si le terme « surveillance pour risque de suicide » avait été utilisé explicitement, mais elle a dit dans son témoignage que sa compréhension, suite aux conversations qu’elle avait eues, était que quelqu’un surveillerait le cpl Langridge 24 heures par jour.Note de bas de page 1416 Mme A a également déclaré qu’on lui avait dit que l’on prendrait soin du cpl Langridge et qu’elle ne devait pas s’inquiéter.Note de bas de page 1417

346. Ces allégations ne sont pas prouvées, mais sont suffisamment sérieuses pour que leur importance soit immédiatement reconnue par quiconque examinerait la possibilité d’actes négligents en lien avec la mort du cpl Langridge. Le cplc Ritco a admis lors de son témoignage que ces allégations auraient été utiles à l’enquête de 2008.Note de bas de page 1418

347. Le cplc Ritco a dit dans son témoignage que la décision de ne pas interroger Mme A avait été prise à la suite des discussions avec l’adj Tourout. Selon l’avis de l’adj Tourout, qu’il avait inscrit dans son carnet de notes : [traduction] « [...] il n’y avait vraiment aucune raison de parler avec la conjointe de fait […] ».Note de bas de page 1419 Le cplc Ritco ne pouvait se rappeler sur quoi reposait cette décision, mais selon lui, elle avait été prise parce qu’on estimait alors que les enquêteurs possédaient suffisamment d’information.

348. Lors de son témoignage, l’adj Tourout a indiqué qu’il avait jugé inutile d’interroger Mme A, puisqu’il n’était pas nécessaire d’ajouter davantage de renseignements au dossier médical du cpl Langridge.Note de bas de page 1420 Lorsque l’information divulguée dans la déclaration de Mme A lui a été présentée, il a reconnu qu’il s’agissait de renseignements auxquels les enquêteurs n’auraient pas eu accès autrement. Néanmoins, il faisait peu de cas de la déclaration de Mme A, expliquant qu’elle n’était pas corroborée par les documents médicaux obtenus. Cette explication ne semble pas bien fondée parce que, pour étayer ces propos, il aurait d’abord fallu que les enquêteurs et leurs supérieurs soient au courant de l’existence même des allégations. Ils ne l’étaient pas parce qu’ils n’avaient jamais parlé à Mme A.

349. L’adj Tourout a par la suite reconnu qu’aucun des documents relatifs à l’hospitalisation du cpl Langridge en février-mars 2008 n’avait effectivement été demandé.Note de bas de page 1421 Quoiqu’il en soit, l’adj Tourout a aussi rejeté les allégations de Mme A à l’effet que le congé du cpl Langridge de l’hôpital avait effectivement été ordonné par le LdSH, qu’une étroite supervision du cpl Langridge avait été planifiée avant même sa sortie et que l’on avait donné l’assurance à Mme A que le cpl Langridge serait protégé par des mesures de surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1422

350. Il semble que l’omission de chercher davantage de renseignements auprès de ce témoin ait été justifiée par le fait qu’aucun autre détail sur les allégations n’a été obtenu; toutefois, cela s’explique par le défaut d’enquêter sur la question. Avec une réticence apparente, l’adj Tourout a reconnu dans son témoignage que, s’il avait été au courant des allégations de Mme A, il se serait attendu à ce que le sgt Ritco y donne suite et enquête à leur sujet afin de déterminer si oui ou non elles étaient véridiques.Note de bas de page 1423

351. L’adjum Watson a déclaré qu’il ne voyait pas la pertinence d’interroger Mme A dans l’optique de l’enquête de 2008 ou de la question de la surveillance pour risque de suicide, plus précisément.Note de bas de page 1424 Lorsqu’on lui a présenté les allégations de Mme A, l’adjum Watson, étonnamment, en a minimisé l’importance. En particulier, il ne croyait pas que l’allégation à l’effet qu’on aurait promis à Mme A que le cpl Langridge serait sous surveillance pour risque de suicide pouvait être vraie parce que celle-ci a également dit qu’il pouvait quitter la base de son propre gré ou en échappant à ses soignants. S’il avait été sous surveillance pour risque de suicide, il n’aurait pas été autorisé à sortir.Note de bas de page 1425 Cette objection semble passer complètement à côté de la question. Elle ignore la possibilité que le cpl Langridge puisse avoir fait l’objet d’une surveillance pour risque de suicide ratée ou inadéquate, ou qu’une surveillance pour risque de suicide ait été planifiée et promise, mais que, peut-être par négligence, elle n’a pas été mise en œuvre. Il s’agissait là précisément de questions qui devaient être scrutées plus à fond dans une enquête portant sur la négligence.

Omission d’interroger Mme Fynes

352. Mme Fynes n’a également jamais été interrogée. Le cplc Ritco a déclaré que le fait de ne pas avoir inclus les Fynes dans son PE constituait un oubli, mais il a ajouté : [traduction] « [...] je gardais encore en tête que j’aurais potentiellement pu les interroger ».Note de bas de page 1426 Comme pour Mme A, la décision de ne pas interroger les Fynes a été prise par les supérieurs du cplc Ritco.Note de bas de page 1427 Les Fynes ont eux-mêmes fait des efforts pour contacter le cplc Ritco. Le cplc Ritco a tenté de retourner l’appel de M. Fynes et a fini par parler à Mme Fynes. Sinon, elle n’aurait jamais été contactée. Quand ils se sont parlé, Mme Fynes a fait plusieurs allégations à propos du piètre traitement dispensé au cpl Langridge avant sa mort par les systèmes médicaux civil et militaire.Note de bas de page 1428 Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il ne se souvenait pas avoir discuté avec l’adj Tourout de la possibilité d’interroger formellement Mme Fynes à la suite de cet appel, et il a indiqué que ces allégations ne l’ont pas amené à s’interroger sur l’existence d’autres questions nécessitant un suivi ou une enquête.Note de bas de page 1429

353. La Commission a entendu le témoignage de Mme Fynes, au cours duquel elle a aussi mentionné que le personnel médical de la base l’avait informée dans les derniers jours de la vie du cpl Langridge en mars 2008 qu’il serait placé sous une « surveillance pour risque de suicide » et, comme cela avait été dit à Mme A, de ne pas s’inquiéter.Note de bas de page 1430 Lorsqu’elle a demandé ce que cette surveillance signifiait, la réponse impliquait que le cpl Langridge ne serait [traduction] « pas quitté des yeux 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » et qu’il serait gardé au centre de service pour que cela se déroule plus facilement. Elle a ajouté lors de son témoignage qu’on lui avait dit [traduction] « pas de nouvelles, bonnes nouvelles », et que si quelque chose changeait ou que la garde était retirée, elle serait contactée. Comme Mme A, Mme Fynes a allégué qu’elle avait reçu l’assurance qu’on prendrait soin du cpl Langridge de l’un des conseillers en toxicomanie de ce dernier. Mme Fynes a spécifiquement identifié le conseiller comme étant Dennis Strilchuk.Note de bas de page 1431

354. L’adj Tourout ne se rappelait pas clairement de la décision de ne pas interroger Mme Fynes, mais il a déclaré qu’encore une fois, la décision avait été prise sans doute parce que les dossiers médicaux du cpl Langridge étaient suffisamment étayés pour que l’on connaisse le contexte. Il ne se souvenait pas avoir jamais discuté avec le cplc Ritco de la possibilité d’interroger M. Strilchuk.Note de bas de page 1432 Lorsque les allégations de Mme Fynes ont été présentées à l’adjum Watson, il a indiqué lors de son témoignage qu’il ne les avait pas considérées utiles à l’enquête. Il a ajouté que ces renseignements ne seraient pertinents que s’ils contredisaient ceux que le SNEFC avaient reçus des mêmes sources (par exemple, si l’adjuc Ross lui avait dit quelque chose qui contredisait ce qu’il avait dit au SNEFC au sujet d’une surveillance).Note de bas de page 1433 Étonnamment, l’adjum Watson ne semblait pas prêt à accepter qu’une quelconque information fournie à Mme Fynes par une autre source au sujet d’une surveillance pour risque de suicide serait pertinente à l’enquête :

[Traduction]

Mme Coutlée : D’accord. Et si elle avait reçu des renseignements d’une source différente, quelqu’un à qui vous n’avez pas parlé, cela aurait-il été pertinent?

adjuc (à la retraite) Watson : Encore une fois, ils ont formé l’opinion au fil des étapes de leur enquête qu’il n’était pas sous surveillance pour risque de suicide. Alors, ils étaient rassurés sur ce point et ne sont pas allés plus loin.

Mme Coutlée : Donc, le fait que Mme Fynes ait peut-être été informée qu’il l’était, vous ne considérez pas que cela soit pertinent.

adjuc (à la retraite) Watson : Non.Note de bas de page 1434

355. Cette position défensive est inquiétante, surtout compte tenu de l’ambiguïté exprimée par le cplc Ritco dans son témoignage quant à sa capacité à tirer des conclusions même sur la question la plus fondamentale, à savoir s’il y avait eu une surveillance pour risque de suicide ou non. Il est difficile de comprendre pourquoi, après que les enquêteurs aient conclu qu’il n’y avait pas eu de surveillance pour risque de suicide mise en place, il n’était pas nécessaire de poursuivre l’allégation à l’effet qu’une telle surveillance avait été promise.Note de bas de page 1435

356. Lorsqu’on lui a demandé s’il aurait été important d’interroger M. Strilchuk pour déterminer la provenance de cette information si les enquêteurs du SNEFC en avaient été informés lors de l’enquête de 2008, l’adjum Watson a admis que cela aurait peut-être été important.Note de bas de page 1436 Toutefois, il doutait que de tels renseignements aient orienté l’enquête différemment parce que [traduction] « [n]ous aurions quand même trouvé des preuves pour appuyer le fait qu’il n’y avait pas eu de surveillance pour risque de suicide, indépendamment de ce que cette personne ait pu dire à Mme Fynes ».Note de bas de page 1437

Omission d’interroger le Lt Dunn

357. Parmi les autres occasions ratées, il y a l’omission d’interroger le Lt Dunn, l’officier de service le 14 mars 2008, qui, selon le sgt Hiscock, l’avait informé dans la matinée du 15 mars 2008 que le cpl Langridge était sous « surveillance pour risque de suicide ». Le cplc Ritco n’a pas réussi à identifier le Lt Dunn bien qu’il ait obtenu la dernière feuille de contrôle du cpl Langridge, sur laquelle les initiales « L.D. » indiquaient qu’il était l’officier de service.Note de bas de page 1438 Le cplc Ritco a demandé au cpl Hurlburt s’il savait qui était l’officier de service sortant, mais celui-ci a dit qu’il l’ignorait.Note de bas de page 1439 Le sujet n’a pas été soulevé subséquemment par d’autres témoins ou exploré davantage. Lorsque le Lt Dunn a comparu devant la Commission, il a mentionné que, le 14 mars 2008, l’officier de service sortant lui avait donné une brève séance d’information, au cours de laquelle il avait reçu des instructions au sujet des tâches qu’il aurait à accomplir concernant le cpl Langridge.Note de bas de page 1440

358. Le Lt Dunn a ajouté lors de son témoignage qu’il avait été informé des conditions auxquelles le cpl Langridge était soumis, et il a précisé : [traduction] « Je savais qu’il était à risque de suicide et que nous devions garder un œil sur lui, qu’il devait se rapporter à moi au moins une fois tous les heures ou deux heures, et que je devais m’assurer qu’il prenait ses médicaments et qu’il dormait dans la chambre des contrevenants ».Note de bas de page 1441 Sa compréhension des conditions était que le cpl Langridge était à risque de suicide et qu’il devait conséquemment être surveillé à titre préventif, mais il n’était pas sûr que l’expression « surveillance pour risque de suicide » ait jamais été utilisée.Note de bas de page 1442

Omission d’interroger les amis proches du cpl Langridge

359. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas cherché à savoir qui avait ordonné la première surveillance pour risque de suicide qui aurait été effectuée lorsque le cpl Langridge était à l’hôpital en juin 2007. Les enquêteurs du SNEFC ont interrogé le cpl Rohmer, l’ami du cpl Langridge, et celui-ci leur a parlé de la tentative de suicide du cpl Langridge. Il a également mentionné que le cpl Hillier était présent à ce moment-là et – fait significatif – qu’il avait été en contact régulier avec le régiment pendant qu’ils étaient à l’hôpital avec le cpl Langridge.Note de bas de page 1443 Les enquêteurs ont également appris que le cpl Rohmer s’était éloigné du cpl Langridge.Note de bas de page 1444 En dépit du fait qu’ils avaient obtenu tous ces renseignements, ils n’ont pas interrogé le cpl Hillier, que le cpl Rohmer a identifié comme étant le [traduction] « meilleur ami » du cpl Langridge.Note de bas de page 1445 En conséquence, ils n’ont obtenu aucune information sur le rôle du cpl Hillier dans ce qui était apparemment une surveillance pour risque de suicide menée avec la connaissance et l’approbation du régiment après l’une des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge.

360. Interrogé sur la garde de juin 2007, le cpl Hillier a dit lors de son témoignage qu’il avait signalé la tentative de suicide à la chaîne de commandement du LdSH la nuit de l’incident et qu’il avait passé presque deux jours entiers à l’hôpital auprès du cpl Langridge, en tenant le LdSH informé de façon régulière.Note de bas de page 1446 Bien que cpl Hillier ait dit dans son témoignage qu’il croyait que la garde n’était pas une surveillance pour risque de suicide, il a également déclaré avoir reçu un message indiquant que le LdSH se préparait à envoyer des membres à l’hôpital pour le remplacer, lui, ainsi que le cpl Rohmer.Note de bas de page 1447 Il a ajouté lors de son témoignage que la tentative de suicide du cpl Langridge avait été largement diffusée et était connue dans tout le régiment.

361. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas non plus interrogé d’autres amis proches du cpl Langridge afin de savoir s’ils auraient des renseignements utiles à l’enquête, dont Kirk Lackie, qui a indiqué lors de son témoignage qu’il avait subséquemment tenté, sans succès, de contacter les enquêteurs en passant par la garnison de la PM afin de leur fournir des renseignements sur le cpl Langridge. Lors de l’audience, M. Lackie a dit que le LdSH avait pris des mesures pour garder le cpl Langridge sous surveillance en mars 2008.Note de bas de page 1448 Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il n’avait jamais entendu le nom de M. Lackie auparavant.Note de bas de page 1449 Les renseignements de ces témoins, s’ils avaient été obtenus, auraient alerté les enquêteurs à la possibilité que l’idéation suicidaire du cpl Langridge était largement connue et qu’en conséquence, le LdSH avait peut-être mis en place une certaine forme de surveillance structurée.

Omission d’interroger les membres de la chaîne de commandement du LdSH

362. Le cplc Ritco n’a pas remis en question les renseignements fournis par les membres de la chaîne de commandement du LdSH qu’il a interrogés. Par conséquent, les enquêteurs ont choisi de ne pas contacter les officiers supérieurs pour les interroger. Pourtant, ce sont les officiers qui ont pris certaines décisions concernant le cpl Langridge.

363. Après l’entrevue avec le Capt Lubiniecki le 17 mars 2008, le cplc Ritco n’a pas interrogé d’autres membres de la chaîne de commandement du LdSH, tels que le lcol Pascal Demers, le Maj Earl Jared ou le Maj Trevor Cadieu. La seule autre entrevue avec un membre supérieur du LdSH a été celle que le cplc Ritco a tenue avec l’adjuc Ross. Il a déclaré qu’il aurait effectué de telles entrevues, mais que cela n’était pas nécessaire parce qu’il était convaincu que l’adjudant, le Capt Lubiniecki, parlait au nom de l’ensemble de la chaîne de commandement. Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage que son hypothèse se basait sur ses 15 années d’expérience au sein des FC.Note de bas de page 1450 Il a ajouté, [traduction] « je dois me fier à [sa] parole, n’est-ce-pas, Monsieur? »Note de bas de page 1451

364. Un membre supérieur de la chaîne de commandement, le Maj Jared, qui n’a jamais été interrogé par le SNEFC, était commandant de l’escadron du QG du LdSH en mars 2008. Le cpl Langridge était sous sa supervision en 2007 après son transfert à cet escadron après avoir échoué un test de drogue. Avec l’adjuc Ross et le Capt Hannah, il a joué un rôle important dans ce qui devait arriver au cpl Langridge en mars 2008. Le cplc Ritco a eu plusieurs interactions avec le Maj Jared au printemps de 2008 concernant les effets personnels du cpl Langridge, en raison du rôle du Maj Jared comme membre du Comité de règlement qui devait gérer la succession militaire du cpl Langridge, mais il ne l’a pas interrogé au sujet de l’enquête.Note de bas de page 1452

365. Si le cplc Ritco avait interrogé le Maj Jared en 2008, il aurait très probablement obtenu des renseignements incompatibles avec ce que l’adjuc Ross lui avait déjà dit. La version des faits, tels que racontés dans le témoignage du Maj Jared, contredit certains des renseignements que l’adjuc Ross avait fourni au cplc Ritco en mai 2008. La Commission juge qu’il est difficile de concilier ces deux versions.

366. En mai 2008, l’adjuc Ross avait initialement dit au cplc Ritco qu’il avait conçu les conditions en tenant compte des avis du Capt Hannah. L’adjuc Ross avait fourni au cplc Ritco une série de courriels indiquant que, l’après-midi du 7 mars 2008, il avait envoyé un courriel au Maj Jared et au Capt Lubiniecki renfermant [traduction] « une directive et des restrictions », des « mesures de contrôle » et les contraintes à l’emploi pour raisons médicales constituant les conditions auxquelles le cpl Langridge était tenu de se conformer.Note de bas de page 1453 L’adjuc Ross a transmis ce message au Capt Hannah le 10 mars, auquel le médecin a répondu : [traduction] « Exceptionnel, merci ».Note de bas de page 1454

367. Cependant, le Maj Jared a mentionné lors de son témoignage que l’adjuc Ross était venu dans son bureau avec une autre ébauche de courriel sur les nouvelles conditions avant le 7 mars 2008. Son souvenir était que le système médical des FC visait à renvoyer le cpl Langridge au LdSH, et l’adjuc Ross avait rencontré le Capt Hannah ou M. Strilchuk, ce qui a donné lieu à l’obligation pour le cpl Langridge de se conformer au plan de traitement, y compris en [traduction] « demeurant sous le contrôle du LdSH ».Note de bas de page 1455 Pour le Maj Jared, cela signifiait que des mesures de surveillance supplémentaires seraient mises en place, car il était pris pour acquis que les FC supervisent déjà leurs soldats. En effet, le Maj Jared a précisé lors de son témoignage :

[Traduction]

Les conditions initiales qui m’ont été proposées, je crois, impliquaient que des membres des FC surveillent le caporal Langridge en permanence dans le but de l’empêcher de se suicider. Je n’étais pas d’accord avec les mesures ou l’ébauche du document qui m’a été présentée, et j’ai discuté de ces mesures avec le sergent-major du régiment, M. Ross. Les mesures qui en découlent sont comme vous le voyez ici [...].Note de bas de page 1456

368. Le Maj Jared a confirmé qu’il comprenait que ce que l’adjuc Ross avait proposé à l’origine était une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1457 Contrairement à l’affirmation de l’adjuc Ross qu’une surveillance pour risque de suicide n’avait jamais été prévue et qu’il n’avait examiné que la planification d’une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 [traduction] « si on en venait à cela » devant des besoins médicaux inconnus du cpl Langridge,Note de bas de page 1458 le témoignage du Maj Jared indique que l’adjuc Ross avait lui-même proposé une surveillance pour risque de suicide du cpl Langridge, et c’était seulement parce que le Maj Jared était en désaccord avec la proposition que la surveillance avait été abandonnée. Que ces deux versions des événements peuvent ou non être conciliées, elles soulèvent à tout le moins des questions importantes sur les conclusions auxquelles sont parvenus les membres du SNEFC concernant la surveillance pour risque de suicide.

369. L’adjuc Ross n’a jamais fait mention du Maj Jared, à aucun moment, au cours de son entrevue avec le cplc Ritco à propos d’une surveillance pour risque de suicide, d’une surveillance « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » ou des conditions finales. Son entrevue semble laisser entendre que : l’adjuc Ross a lui-même décidé de ne pas procéder à quelque forme de surveillance du cpl Langridge; les conditions ont été imposées dans le but de l’encadrer et non pour des raisons médicales; l’adjuc Ross ignorait que le cpl Langridge était suicidaire avant l’admission du cpl Langridge à l’Hôpital Royal Alexandra le 11 mars.Note de bas de page 1459 Confronté avec le témoignage du Maj Jared lors de sa comparution devant la Commission, l’adjuc Ross a présumé que le Maj Jared [traduction] « [...] aurait pu très bien être au courant de mon plan d’action initial de mettre éventuellement sur pied une garde 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 [...] ».Note de bas de page 1460 Au-delà de cela, l’adjuc Ross a avoué lors de son témoignage qu’il ne se souvenait pas du contenu des discussions qu’il avait eues avec le Maj Jared au sujet d’une surveillance pour le cpl Langridge ou des conditions imposées en fin de compte.Note de bas de page 1461

370. L’adjuc Ross a indiqué lors de son témoignage que les conditions résultaient de ses discussions avec le Capt Hannah, mais qu’elles n’auraient pas été écrites sans y impliquer le Maj Jared ou le Capt Lubiniecki. Il a réitéré que sa vision de l’objectif des conditions avait changé après [traduction] « [...] les discussions continues que j’ai eues avec le Dr Hannah quant à ce qu’ils voulaient exactement, quel était l’objectif à long terme - si vous voulez, si vous voulez l’appeler ainsi, quel était le but de celui-ci, qu’elle en était l’intention, et cela a certainement changé ma perspective et mon orientation et m’ont mené à ces conditions ».Note de bas de page 1462

371. Dans son témoignage, l’adjuc Ross a d’abord réaffirmé sa déclaration de 2008 à l’effet que la garde 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 n’était pas censée être une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1463 Il a insisté sur le fait qu’une telle surveillance avait été [traduction] « très rapidement abandonnée » et ne visait pas à empêcher le cpl Langridge de se faire du mal.Note de bas de page 1464 Au fil des questions, toutefois, l’adjuc Ross a été interrogé à nouveau sur la demande initiale d’une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et on lui a demandé de confirmer qu’une telle surveillance aurait été fonctionnellement une surveillance pour risque de suicide visant à empêcher le cpl Langridge de se faire du mal. Il a ensuite admis, au moins initialement, que [traduction] « c’était une ligne de conduite possible que nous aurions pu avoir à prendre [sic] »,Note de bas de page 1465 en ajoutant « [si] nous avions eu à le faire, oui, c’est ce que nous aurions eu à faire ».Note de bas de page 1466 L’adjuc Ross a également dit dans son témoignage, après avoir revu son entrevue du SNEFC de 2008, que rien dans cette entrevue ne lui paraissait inexact ou nécessitant un changement.Note de bas de page 1467

372. Si le cplc Ritco avait interrogé le Maj Jared en 2008, cela aurait très bien pu l’amener à envisager au moins la possibilité qu’un ou plusieurs témoins avaient fait des déclarations inexactes au sujet des dispositions prévues, et finalement prises, pendant les derniers jours du cpl Langridge. Cette information aurait obligé les membres du SNEFC à envisager une recherche beaucoup plus approfondie des témoins disponibles. L’adjum Watson a indiqué lors de son témoignage qu’il ne savait pas pourquoi le Maj Jared n’avait jamais été interrogé. Il ignorait si le Maj Jared avait contribué à déterminer si une surveillance pour risque de suicide serait effectuée, ou quelle devrait être la nature des conditions.Note de bas de page 1468 Il a déclaré qu’il ne considérait pas le témoignage du Maj Jared pertinent, indiquant qu’il lui semblait que le Maj Jared n’était tout simplement pas d’accord avec la [traduction] « direction finalement » prise par l’adjuc Ross, et il a ajouté sur un ton condescendant : [traduction] « C’est son opinion -- ».Note de bas de page 1469

Omission d’interroger le personnel médical clé

373. Les membres du personnel médical de la base interrogés par les membres du SNEFC n’étaient pas les médecins traitants du cpl Langridge. Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage que le Capt Hannah l’avait informé qu’il n’était pas le médecin traitant du cpl Langridge quand il a sollicité son aide pour comprendre les dossiers médicaux qu’il avait reçus suite à sa demande d’obtenir les dossiers de santé mentale du cpl Langridge. Le Capt Hannah a déclaré que son interaction avec le cpl Langridge avait été [traduction] « très brève », et le Capt Hannah était d’avis que cela n’avait rien à voir avec le suicide du cpl Langridge.Note de bas de page 1470 En fait, le Capt Hannah a vu le cpl Langridge une seule fois, et seulement pendant une heure environ, le 7 mars 2008.Note de bas de page 1471

374. On a demandé au cplc Ritco s’il avait songé à interroger les médecins traitants du cpl Langridge. Le cplc Ritco a répondu :

[Traduction]

Lorsque le nom du Dr Hannah a été fourni -- j’ai oublié le médecin qui a dit que c’est la personne avec qui vous devriez parler -- je suppose que, étant le médecin-chef de la base ou le médecin-chef par intérim, il ou elle aurait une idée sur le patient. Alors, quand je suis allé lui parler, j’étais pleinement convaincu, ou j’étais sous l’impression qu’il savait parfaitement quelle conversation j’allais avoir avec lui et qu’il était informé sur le cas du caporal Langridge.Note de bas de page 1472

375. Même si le Capt Hannah n’était pas familier avec le cpl Langridge, le cplc Ritco a déclaré qu’il lui avait semblé que l’information fournie par le Capt Hannah sur la situation du cpl Langridge était suffisante, puisqu’il faisait évidemment confiance à la position d’autorité du Capt Hannah. Le cplc Ritco a parlé avec un seul autre médecin, le Dr Robin Lamoureux, qui a brièvement vu le cpl Langridge pour un renouvellement d’ordonnance la veille de son suicide. Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage qu’il n’a pas trouvé que l’entrevue lui avait donné des indications suffisantes sur l’état d’esprit du cpl Langridge avant son décès parce que l’interaction du Dr Lamoureux avec le cpl Langridge avait été très brève.Note de bas de page 1473 Le cplc Ritco n’a interrogé aucun des conseillers en toxicomanie du cpl Langridge sur la base, dont M. Strilchuk, ou les infirmières de l’équipe de santé mentale qui avaient travaillé avec le cpl Langridge.

376. Le cplc Ritco n’a pas non plus interrogé aucun des médecins civils qui ont traité le cpl Langridge. Ces entrevues auraient pu inclure : le Dr Bernard Sowa, médecin traitant à l’HAE lorsque le cpl Langridge y a séjourné pendant 30 jours, soit du 5 février au 5 mars 2008; le Dr Jack Chu, médecin traitant lors de plusieurs des admissions du cpl Langridge à l’Hôpital Royal Alexandra, après les menaces de suicide en 2007 et au début de 2008; enfin, le Dr David Block, médecin traitant lors de l’admission de deux jours du cpl Langridge à l’Hôpital Royal Alexandra, quelques jours avant sa mort.Note de bas de page 1474

377. Lors de son témoignage, le Dr Sowa a parlé de l’état d’esprit du cpl Langridge, en fournissant des détails sur son traitement et ses progrès que les témoins interrogés par le cplc Ritco ne pouvaient tout simplement pas fournir. Il avait ordonné à plusieurs reprises que le cpl Langridge soit placé [traduction] « sous observation étroite » tout au long de son hospitalisation à l’HAE.Note de bas de page 1475 Cette précaution était ordonnée lorsque le personnel était [traduction] « particulièrement préoccupé par un patient » qui était « très gravement suicidaire » ou dont le comportement changeait de façon soudaine et instable. Cela signifiait que le cpl Langridge n’était pas autorisé à quitter l’unité et qu’une infirmière devait venir le voir toutes les 15 minutes afin de s’assurer qu’il se portait bien sur les plans physique et émotionnel.Note de bas de page 1476

378. Le Dr Sowa a indiqué dans son témoignage que le cpl Langridge avait admis qu’il avait tenté de se suicider à la fin de février 2008.Note de bas de page 1477 Les 4 et 5 mars 2008, le cpl Langridge montrait des signes de grande anxiété à propos de son retour à la base. En regardant les notes consignées par le personnel infirmier de l’HAE, le Dr Sowa a expliqué qu’il interprétait cela comme étant la source de l’anxiété. Il a déclaré, [traduction] « Il est clair qu’il n’était pas heureux de retourner à la base, et il était inquiet de la nature des plans qu’ils avaient pour lui. Selon ma compréhension, ils le voulaient là pour qu’il participe à des programmes de désintoxication [...] ».Note de bas de page 1478 Le Dr Sowa a déclaré que le cpl Langridge semblait être moins anxieux après avoir parlé avec « Leo », à la base, pour en savoir plus sur la situation et c’était probablement parce [traduction] « [...] qu’on l’avait assuré qu’il ne reprendrait pas ses fonctions militaires normales, peu importe lesquelles, donc c’était ma compréhension de cela. Et il semblait à ce moment-là que l’on envisageait aussi qu’il aille peut-être en Ontario plutôt qu’en Colombie-Britannique pour son traitement, un traitement contre la toxicomanie ».Note de bas de page 1479

379. Le Dr Sowa a beaucoup travaillé avec le cpl Langridge pendant son séjour à l’HAE et il a indiqué lors de son témoignage qu’il croyait que le cpl Langridge aurait réagi négativement au traitement qu’il a reçu à la base à son retour. Selon lui, les conditions effectivement mises en place pour le cpl Langridge auraient été [traduction] « fortement provocatrices » dans son cas, et le cpl Langridge les aurait jugées « extrêmement punitives ».Note de bas de page 1480 Il a également ajouté que ces conditions étaient contradictoires. D’une part, on avait fait en sorte que le cpl Langridge soit gardé dans une pièce où il pouvait être observé, – ce qui suggérait au Dr Sowa qu’il y avait un consensus sur l’idée que le cpl Langridge pouvait se nuire à lui-même; pourtant, en revanche, il devait effectuer des journées de travail normales. Il estimait que cela évoquait une certaine « ambigüité » à propos de la position du cpl Langridge en termes de rétablissement et de ce qui devait être fait. Le Dr Sowa a ajouté qu’il aurait fait preuve d’une grande prudence à l’endroit d’un patient qui sortait de l’hôpital, pour ce qui est de lui faire reprendre le travail, et qu’il aurait demandé que le retour soit progressif, même si cette personne (contrairement au cpl Langridge) avait été particulièrement désireuse de le faire.Note de bas de page 1481

380. Si le SNEFC avait demandé l’avis du Dr Sowa, de sérieuses questions auraient pu se poser à propos de la stabilité du cpl Langridge à son retour à la base. Il y avait aussi des preuves qui indiquaient fortement qu’une surveillance pour risque de suicide était prévue pour le cpl Langridge à son retour. Si la question avait été approfondie avec des témoins médicaux qui avaient été réellement impliqués dans ces événements, il y a peu à douter que des questions au sujet de la compréhension de la chaîne de commandement du LdSH et de la communauté médicale concernant le besoin d’assurer la sécurité du cpl Langridge auraient pris l’avant-scène.

381. À tout le moins, une enquête plus poussée était justifiée. Au lieu de cela, les déclarations faites par le Capt Lubiniecki, l’adjuc Ross et le Capt Hannah sont devenues les conclusions du cplc Ritco. Les membres du SNEFC ont accepté cette preuve sans analyse critique et n’ont pas fait de suivi significatif des affirmations qui ont été faites. La déférence apparente des membres du SNEFC signifie que des questions logiques et critiques essentielles n’ont pas été posées et que des aspects pertinents sont demeurés inexplorés.Note de bas de page 1482

382. L’adjum Watson a dit dans son témoignage qu’il n’était pas préoccupé par le fait que les enquêteurs se sont fiés aux dénégations offertes par l’adjuc Ross et le Capt Hannah au sujet de la surveillance pour risque de suicide. Il a expliqué que si, après les entrevues, des preuves faisaient surface montrant que le Capt Hannah et l’adjuc Ross avait trompé les enquêteurs, l’enquête se concentrerait alors sur eux.Note de bas de page 1483 Quant à savoir s’il y avait eu une confirmation indépendante que le cpl Langridge ne faisait pas l’objet d’une surveillance pour risque de suicide, l’adjum Watson a dit lors de son témoignage qu’il croyait que cela avait été obtenu.

Les explications des personnes visées par la plainte

383. Même sur la base de la preuve recueillie par les enquêteurs du SNEFC, il semble qu’il y avait lieu d’aller au-delà des témoignages de l’adjuc Ross, du Capt Lubiniecki et du Capt Hannah au cours de l’enquête de 2008. Le cplc Ritco avait amassé des preuves contradictoires quant à une éventuelle surveillance pour risque de suicide même avant de demander l’aide de l’adjuc Ross et du Capt Hannah pour trancher définitivement la question. L’adj Tourout a indiqué lors de son témoignage qu’il n’était pas préoccupé par le fait que les deux personnes qui seraient [traduction] « clairement » impliquées dans les allégations de négligence concernant la surveillance pour risque de suicide ont été les deux seules personnes interrogées à ce sujet.Note de bas de page 1484 Il a déclaré : [traduction] « [...] Nous n’avions aucune raison de croire le contraire. [...] Il n’y avait pas d’autres preuves pour nous inciter à penser qu’ils mentaient ».Note de bas de page 1485 Cette affirmation n’est pas satisfaisante car omettre de procéder avec diligence dans le cadre d’une enquête n’est tout simplement pas la même chose que de ne trouver aucune preuve.

384. En contre-interrogatoire, l’avocate de l’adjum Watson lui a demandé de donner des précisions sur la norme relative au nombre de témoins à interroger et à la quantité de renseignements à recueillir dans le cadre d’une enquête – essentiellement, [traduction] « Jusqu’où allez-vous comme enquêteurs »?Note de bas de page 1486 Celui-ci a expliqué que la norme était [traduction] « [...] d’interroger suffisamment de gens, peu importe que ce soit deux personnes ou deux cent personnes, pour que les enquêteurs soient satisfaits que leur enquête est complète et qu’ils possèdent tous les renseignements dont ils ont besoin ».Note de bas de page 1487

385. Invité à dire si l’on s’attendait à ce que les enquêteurs du SNEFC [traduction] « interrogent chaque personne susceptible d’ajouter de l’information pertinente à une question », l’adjum Watson a répondu que l’opportunité et la valeur pour l’enquête des renseignements à obtenir d’un témoin donné étaient des considérations importantes.Note de bas de page 1488 Même si cela peut être vrai de façon générale, la question est de savoir si les entrevues effectuées étaient suffisantes pour permettre aux enquêteurs du SNEFC de conclure qu’ils avaient recueilli assez de renseignements fiables pour mettre fin à l’enquête sur la négligence potentielle, sans même parler de la question de la surveillance pour risque de suicide. La longue liste des témoins qui possédaient des renseignements potentiellement pertinents et qui n’ont jamais été interrogés – et ceux pour lesquels il a été décidé qu’aucune entrevue n’était nécessaire – semble démentir une telle affirmation.

386. L’omission d’interroger Mme A, Mme Fynes, le Dr Sowa et M. Strilchuk est particulièrement frappante compte tenu des renseignements qu’ils auraient peut-être été en mesure de fournir au SNEFC concernant les derniers jours du cpl Langridge et le traitement qu’il avait reçu. L’omission d’interroger des membres des FC, comme le Maj Jared, le Lt Dunn et le cpl Hillier, signifiait que des renseignements sur les efforts de prévention du suicide planifiés avant et durant mars 2008 n’ont pas été découverts.

Contradictions et incohérences

387. Bien qu’il semble que le cplc Ritco ait finalement conclu qu’aucune surveillance pour risque de suicide n’avait été mise en place au moment du décès du cpl Langridge, il est clair d’après la preuve qu’il a rassemblée qu’une certaine forme de garde avait été planifiée pour ce dernier. Les renseignements obtenus sur le but de la surveillance et les conditions subséquentes ne concordaient pas. Certains témoins ont affirmé que le cpl Langridge devait être surveillé, mais non dans le but de l’empêcher de se suicider. D’autres témoins ont dit au SNEFC que le cpl Langridge faisait effectivement l’objet d’une surveillance pour risque de suicide, à défaut de l’appeler ainsi. Des témoins sont allés plus loin en soutenant que, non seulement les surveillances pour risque de suicide étaient une pratique connue au sein des FC, mais qu’une telle surveillance avait été expressément effectuée pour le cpl Langridge en mars 2008 ou après des tentatives antérieures de suicide.

Incohérences apparentes dans le compte rendu du sgt Hiscock concernant les arrangements du cpl Langridge

388. L’une de ces incohérences inexplorées a trait au compte rendu du sgt Hiscock des arrangements qui avaient été pris pour le cpl Langridge. Le sgt Hiscock a présenté des déclarations contradictoires concernant la nature de la surveillance effectuée pour le cpl Langridge. Le jour du décès du cpl Langridge, la cplc Christina Mahoney, membre de la PM,Note de bas de page 1489 a consigné la déclaration du sgt Hiscock dans son carnet de notes après la découverte du corps du cpl Langridge. Elle y a enregistré que le sgt Hiscock avait dit : [traduction] « le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide et avait dormi dans le périmètre de l’unité depuis environ une semaine ».Note de bas de page 1490 Le sgt Hiscock a ajouté à son récit que le cpl Langridge était tenu de se rapporter à l’unité toutes les deux heures et qu’après avoir omis de le faire, le cpl Hurlburt avait été envoyé à sa recherche et avait fait la découverte de son corps.

389. Lors de son entrevue avec le cplc Ritco, le sgt Hiscock a d’abord déclaré qu’on lui avait dit qu’il assurait une surveillance pour risque de suicide, mais il croyait qu’il ne s’agissait pas d’une surveillance pour risque de suicide, selon sa compréhension de cette expression. Lorsqu’on lui a demandé de décrire la situation du cpl Langridge, si ce n’était pas une surveillance pour risque de suicide, le sgt Hiscock a répondu qu’il s’agissait d’un [traduction] « programme structuré [...] comme d’accomplir une tâche supplémentaire afin que nous puissions simplement garder un œil sur le gars et l’aider ».Note de bas de page 1491 Le sgt Hiscock n’a pu expliquer pourquoi le cpl Langridge aurait été soumis à des conditions sinon par crainte qu’il se fasse lui-même du mal.Note de bas de page 1492 Le cplc Ritco n’a pas creusé davantage. Plus tard au cours de l’entrevue, le sgt Hiscock a avoué qu’il avait rencontré l’adjuc Ross la veille de son entrevue et qu’il lui avait dit essentiellement que la surveillance n’était pas une surveillance pour risque de suicide, mais visait plutôt à fournir un [traduction] « encadrement ».Note de bas de page 1493

390. Selon le sgt Hiscock, l’adjuc Ross lui aurait expliqué que les conditions imposées au cpl Langridge avaient été élaborées en collaboration avec ses fournisseurs de soins de santé mentale afin de lui offrir un encadrement qui préservait sa dignité. Le sgt Hiscock a indiqué au cplc Ritco que les conditions constituaient une tentative discrète pour éviter d’effectuer une surveillance formelle pour risque de suicide, [traduction] « de sorte que [le cpl Langridge] pouvait encore faire des choses sans avoir, comme je le dis, un gars debout qui vous regarde, vous savez, pendant que vous êtes aux toilettes ».Note de bas de page 1494

391. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer ce que sa compréhension de la situation du cpl Langridge était après la rencontre avec l’adjuc Ross, le sgt Hiscock a déclaré qu’il croyait que le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide, [traduction] « mais en mettant cette expression entre guillemets ».Note de bas de page 1495 Il a ajouté que le cpl Langridge n’était pas un contrevenant et il estimait que le cpl Langridge n’était [traduction] « pas vraiment sous surveillance pour risque de suicide » parce qu’il n’était pas surveillé en permanence. Le sgt Hiscock a également avancé que les mots [traduction] « [sous] restrictions imposées » pourraient décrire de façon appropriée la situation du cpl Langridge. Dans son résumé dactylographié de l’entrevue, le cplc Ritco a noté : [traduction] « Le sgt Hiscock était sous l’impression que le cpl Langridge n’était pas un contrevenant, ni sous surveillance pour risque de suicide, et que les conditions avaient [sic] été mises en place pour donner au cpl Langridge un programme structuré et contrôlé à respecter. Le sgt Hiscock a de plus relaté que cette information lui avait été donnée la veille par le SMR ».Note de bas de page 1496 Le cplc Ritco n’a pas interrogé le sgt Hiscock au sujet de la déclaration qu’il avait faite à la cplc Mahoney. Il n’a pas cherché à clarifier pourquoi la déclaration du sgt Hiscock avait changé.Note de bas de page 1497

392. Lorsque le cplc Ritco a interrogé l’adjuc Ross le 23 mai 2008,Note de bas de page 1498 il n’a pas posé de question sur la rencontre de l’adjuc Ross avec le sgt Hiscock la veille de l’entrevue du SNEFC.Note de bas de page 1499 Le cplc Ritco n’a pas interrogé l’adjuc Ross sur les raisons de cette intervention et, de toute évidence, il n’a pas jugé cela important. Lorsqu’on a demandé au cplc Ritco, lors de son témoignage, ce qu’il avait pensé du fait que la déclaration du sgt Hiscock avait changé après sa rencontre avec l’adjuc Ross, il a seulement répondu [traduction] « Je n’ai rien pensé -- il n’y avait rien là, Monsieur ».Note de bas de page 1500

393. Les renseignements incohérents sur la question d’une surveillance pour risque de suicide n’ont pas non plus inquiété les superviseurs du cplc Ritco. L’adj Tourout a indiqué lors de son témoignage que le changement apporté par le sgt Hiscock à son récit avait [traduction] « plus de pertinence » pour le cplc Ritco que pour lui.Note de bas de page 1501 Comme le cplc Ritco, d’ailleurs, l’adj Tourout a semblé faire preuve d’une déférence considérable envers la chaîne de commandement, jusqu’à laisser entendre que le rang était garant de la crédibilité. En particulier, l’adj Tourout a expliqué que la déclaration modifiée du sgt Hiscock concernant la surveillance pour risque de suicide, après que l’adjuc Ross se soit entretenu avec lui, ne l’avait pas préoccupé parce que [traduction] « [le sgt Hiscock] n’avait aucune raison de ne pas croire [l’adjuc Ross]. Les gens vont croire une chose jusqu’à ce qu’on leur dise si, oui ou non, cela est exact ou inexact. Si le sergent Hiscock pensait qu’au départ, [il y avait une surveillance pour risque de suicide] et qu’il a été informé plus tard par le chef Ross que ce n’était pas le cas, alors il accepterait le changement, jusqu’à preuve du contraire ».Note de bas de page 1502

394. De même, lorsqu’il a été mis en présence des déclarations contradictoires du sgt Hiscock, l’adjum Watson a déclaré : [traduction] « Je pense qu’il serait approprié de demander à la cplc Mahoney si c’est effectivement ce qui a été dit ».Note de bas de page 1503 L’adjum Watson a fait fi de toute préoccupation que pourrait susciter des récits non concordants, puisqu’il était satisfait que l’enquête du cplc Ritco n’ait fait ressortir aucune preuve d’une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1504

La surveillance pour risque de suicide de décembre 2007

395. Le témoignage du sgt Hiscock devant la Commission a révélé davantage que la portée limitée de son entrevue avec le SNEFC en mars 2008. Comme s’en est rappelé le sgt Hiscock, il a appris qu’en décembre 2007, les membres du LdSH avaient organisé une surveillance pour risque de suicide à l’intention du cpl Langridge. Le sgt Hiscock a dit dans son témoignage qu’il avait été approché par l’adj Boudar et informé que le cpl Langridge devait faire l’objet d’une surveillance pour risque de suicide 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Lui et l’adj Boudar ont tenté de dresser une liste de noms de personnes prêtes à amener le cpl Langridge à la maison avec elles et à le surveiller pendant le temps des Fêtes.Note de bas de page 1505 La surveillance devait être assurée jusqu’à la prochaine rencontre du cpl Langridge avec son conseiller. Il a estimé qu’il s’agissait d’environ une semaine. Le cpl Rodney Bartlett s’est porté volontaire pour surveiller le cpl Langridge.

396. La Commission a pu entendre le cpl Bartlett, un ami du cpl Langridge, comme témoin. En raison du temps qui s’était écoulé depuis, le souvenir du cpl Bartlett de ces événements n’était pas clair, aggravant les conséquences de l’omission des membres du SNEFC d’examiner à fond cette question. Il pensait que la surveillance avait eu lieu en hiver, comme l’avait dit le sgt Hiscock, mais durant une seule nuit, et il a avancé que cela aurait pu être en février 2008Note de bas de page 1506 – possiblement après la sortie du cpl Langridge de l’HRA, le 4 février 2008. Le cpl Bartlett a dit dans son témoignage qu’il avait été chargé de surveiller le cpl Langridge pour qu’il ne quitte pas sa résidence et pour l’empêcher de se faire du mal.Note de bas de page 1507 Le cpl Bartlett était [traduction] « tout à fait conscient qu’il s’agissait d’une surveillance pour risque de suicide » et il en avait fait part à l’adj Boudar (son supérieur à l’escadron du QG).Note de bas de page 1508 Le cpl Bartlett a également déclaré qu’il avait appris à un autre moment qu’une liste de surveillance pour risque de suicide [traduction] « circulait autour du régiment » – il croyait que c’était avant la surveillance qu’il avait effectuée, car il s’est rappelé ne pas pouvoir y participer. Il ne savait pas ce qu’il était advenu de cette liste.Note de bas de page 1509

Questions qui n’ont jamais été posées ou fait l’objet d’un suivi

397. Mises à part les faiblesses conceptuelles fondamentales, une autre lacune sérieuse de l’enquête de 2008 sur la question de la négligence a été l’omission d’obtenir des renseignements pertinents et importants. L’existence de ces renseignements était évidente à la lumière de ce que l’on savait déjà. Pourtant, les membres du SNEFC n’ont pas fait de suivi sur certaines des questions et des allégations portées à leur attention.

Tentatives de suicide antérieures

398. Après avoir parlé au Capt Lubiniecki, le cplc Ritco savait qu’au moins quelques membres de la chaîne de commandement du LdSH étaient au courant des tentatives de suicide du cpl Langridge de juin 2007 et de février 2008. Il aurait été approprié à ce stade de l’enquête que le cplc Ritco cherche à préciser davantage la connaissance qu’avait le régiment des comportements suicidaires antérieurs du cpl Langridge afin d’évaluer les affirmations à l’effet que des conditions avaient été mises en place uniquement pour fournir un encadrement au cpl Langridge et qu’aucune surveillance pour risque de suicide n’avait été planifiée dans son cas.

399. Le cplc Ritco a omis de poser quelque question, à quelque témoin que ce soit, y compris l’adjuc Ross, sur ce qu’il savait des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge. Dans son témoignage lors des audiences de la Commission, l’adjuc Ross a confirmé qu’il était au courant de plusieurs tentatives de suicide. Il a déclaré qu’il était au courant de la tentative de suicide de juin 2007.Note de bas de page 1510 Il était également au courant d’un incident survenu en octobre 2007, où le cpl Langridge semble avoir fait une autre tentative de suicide en prenant une dose excessive de médicaments.Note de bas de page 1511 Si le cplc Ritco avait exploré cette question avec des témoins du LdSH, il aurait pu prendre conscience de la nécessité d’enquêter sur ce que l’on savait des risques que présentait le cpl Langridge et de rapprocher cela de ce qui avait été fait à son intention.

L’allégation relative aux soins inadéquats

400. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas donné suite à l’allégationNote de bas de page 1512 faite par Mme Fynes, au printemps de 2008, à l’effet que le cpl Langridge avait reçu des soins inadéquats des unités de soins de santé militaire et civil. Mme Fynes a également dit au cplc Ritco qu’elle avait été profondément bouleversée par le traitement donné au cpl Langridge à l’hôpital, et qu’elle jugeait que son rappel de l’hôpital en février 2008 était inapproprié puisqu’il se trouvait alors dans un état suicidaire. Bien qu’un examen du traitement accordé au cpl Langridge par le système médical civil aurait clairement débordé du champ de compétence du SNEFC, le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage que les allégations de Mme Fynes au sujet des soins médicaux fournis par l’armée ne l’avaient pas éveillé à la nécessité de revenir sur quelque question au sujet de l’enquête de 2008,Note de bas de page 1513 bien qu’il ait nié que cela voulait dire que cette information était pour lui sans intérêt :

[Traduction]

Ce que je veux dire, c’est [...] que, au moment où j’ai parlé avec Mme Fynes, quand elle a mentionné que je traitais d’une mort subite. [...] Donc, je l’avais en tête, mais cela avait-t-il beaucoup de pertinence? Non, parce que j’avais affaire à une mort subite. Je voulais savoir : Est-ce un acte criminel? Le caporal Langridge est-il mort des mains de quelqu’un d’autre ou était-ce un suicide ou [est-il mort] autrement -- ou d’une autre cause?Note de bas de page 1514

401. Le cplc Ritco possédait des renseignements qui montraient clairementNote de bas de page 1515 que le cpl Langridge avait été admis à l’Hôpital de l’Alberta à Edmonton et à l’Hôpital Royal Alexandra peu de temps avant sa mort (y compris l’admission à l’HRA quelques jours avant son suicide). Les dossiers auraient fourni des renseignements importants sur la stabilité et l’état d’esprit du cpl Langridge à ce moment, mais le cplc Ritco n’a pas demandé à voir tous les dossiers médicaux relatifs à ces admissions en dépit de la plainte de Mme Fynes au sujet du caractère inadéquat des soins donnés par le système médical militaire, et malgré l’information donnée par le Capt Lubiniecki sur ces admissions à l’hôpital. Il a supposé que ces dossiers auraient été inclus dans la demande adressée aux services de santé mentale de la base pour obtenir le dossier médical du cpl Langridge.Note de bas de page 1516 En raison de cette supposition, il a indiqué lors de son témoignage qu’il ne lui était jamais venu à l’esprit de demander d’autres dossiers.Note de bas de page 1517 Il a reconnu que l’obtention de ces dossiers médicaux aurait été utile à son enquête.

Le manque de détails sur les derniers jours du cpl Langridge

402. Il y a de graves lacunes dans ce qui est réellement connu des derniers jours du cpl Langridge. Les enquêteurs du SNEFC ne semblent pas avoir tenté de combler ces lacunes, bien que cela aurait été clairement pertinent pour connaître les conditions auxquelles a dû faire face le cpl Langridge à sa sortie de l’hôpital, les plans visant à assurer sa sécurité et sa stabilité, et l’intention derrière les conditions élaborées deux jours après son congé de l’hôpital. L’adjuc Ross et le Capt Hannah avaient discuté en vue d’établir la liste des conditions le 7 mars 2008, mais ils n’étaient pas au courant des modalités de logement du cpl Langridge, ni de celles qu’il avait connues auparavant. L’adjuc Ross a dit au cplc Ritco qu’il n’en était pas certain, mais qu’il pensait que le cpl Langridge n’était pas sorti de l’hôpital avant cette date,Note de bas de page 1518 et que lorsqu’il est arrivé au LdSH, il [traduction] « a commencé immédiatement à se soumettre » aux conditions.Note de bas de page 1519 Le cplc Ritco a effectivement tenté de préciser le moment, parce qu’il était conscient que l’incident de la « liste de surveillance pour risque de suicide » s’était déroulé quelque temps avant l’imposition des conditions au cpl Langridge, et l’adjuc Ross avait convenu que sa sortie de l’hôpital devait avoir eu lieu peu de temps avant que les conditions aient été mises en place. Il a déclaré qu’il croyait que le congé de l’hôpital, le courriel au sujet de la surveillance pour risque de suicide et l’élaboration des conditions étaient tous des événements très rapprochés, et pouvaient être survenus dans la même journée.Note de bas de page 1520 L’adjuc Ross a été incapable de fournir des renseignements complémentaires. Cependant, l’adjuc Ross a aussi mentionné que les dispositions avaient été prises parce que le cpl Langridge n’avait nulle part d’autre où aller. Il avait entendu une rumeur à l’effet que le cpl Langridge dormait dans son véhicule, mais l’avait appris seulement après l’arrangement concernant la chambre de la caserne.Note de bas de page 1521

403. Les dossiers médicaux que le cplc Ritco a obtenus indiquaient la date de la sortie du cpl Langridge de l’HAE, mais les membres du SNEFC n’ont jamais déterminé ce qui était arrivé au cpl Langridge entre sa sortie de l’HAE, le 5 mars 2008, et l’imposition des conditions, le 7 mars 2008, y compris où il avait vécu.Note de bas de page 1522 Le cplc Ritco a mentionné lors de son témoignage que chaque témoin avait sa version de l’endroit où vivait le cpl Langridge et de la raison pour laquelle il s’était retrouvé dans la salle des contrevenants.Note de bas de page 1523 En conséquence, il n’a jamais appris ce qui s’était réellement passé :

[Traduction]

[...] Comme je l’ai dit, Monsieur, je suis demeuré incertain -- On m’a dit qu’à un moment donné, il vivait dans son véhicule - tout dépendant à qui vous aviez parlé. C’est la raison pour laquelle j’ai discuté avec son unité, afin d’essayer de comprendre exactement où il vivait, pour savoir ce qu’il faisait jusqu’aux jours précédents. […] Comme je l’ai dit, j’ai obtenu comme information qu’il vivait dans son véhicule. Puis je me suis faire dire que, non, ce n’était pas ça, il demeurait dans la chambre des contrevenants. Puis, il y a eu des renseignements indiquant qu’il vivait effectivement dans sa chambre.

À ce jour, je ne sais pas, Monsieur.Note de bas de page 1524

404. Si le cplc Ritco avait interrogé Mme A, il aurait pu apprendre que le cpl Langridge et Mme A avaient discuté de ses modalités de logement avant son congé de l’HAE. Dans son témoignage, Mme A a remis en question l’affirmation selon laquelle le cpl Langridge avait été placé dans une chambre au centre de service parce qu’il n’avait nulle part où aller avant d’être envoyé en résidence au centre de traitement contre la toxicomanie.Note de bas de page 1525 La maison en rangée qu’ils avaient louée n’était plus disponible, mais selon Mme A, ils avaient espéré pouvoir vivre ensemble à la nouvelle résidence de Mme A, et Mme A a alors appris que le cpl Langridge était tenu de vivre à la base :

[Traduction]

Ils m’ont dit qu’ils lui avaient donné une chambre dans la caserne, dans les cabanes, mais qu’il devait passer la plupart de son temps derrière le comptoir de service et que s’il manquait [de faire] quoique ce soit ou qu’il se comportait mal, ce qui je pense aurait pu arriver le deuxième jour, il a fini par dormir dans le lit derrière le comptoir de service du bâtiment du Lord Strathcona Horse.Note de bas de page 1526

405. Le Maj Jared, le commandant de l’escadron du cpl Langridge, ignorait lui aussi ce qui était arrivé au cpl Langridge entre le 5 et le 7 mars 2008. Il ne pensait pas que le cpl Langridge avait quitté l’HAE avant le 7 mars 2008, et il n’était au courant d’aucun congé ou autre arrangement pris avant cette date.Note de bas de page 1527 Il comprenait que l’on avait pris des dispositions pour placer le cpl Langridge dans la chambre des contrevenants le 7 mars 2008, parce qu’il n’avait nulle part où aller et que la chambre des contrevenants était la solution la plus rapide qui pouvait être envisagée un vendredi après-midi.Note de bas de page 1528 Il a également déclaré lors de son témoignage qu’il pensait que le cpl Langridge serait sous la garde du système médical militaire à son retour à la base, et que si le cpl Langridge avait reçu son congé de l’HAE avant le 7 mars 2008, alors il devait se trouver à la clinique de la base.Note de bas de page 1529

406. Cependant, le Capt Hannah et l’infirmière de première ligne, Charlene Ferdinand, ont dit qu’il n’y avait pas de place pour que le cpl Langridge puisse vivre dans le système médical militaire puisqu’ il n’y avait pas de lits pour accueillir des patients hospitalisés et que des soins ne pouvaient être fournis que pendant la journée.Note de bas de page 1530

407. L’enquête sur la négligence potentielle aurait dû s’efforcer d’éclaircir les comptes rendus divergents concernant le lieu de résidence du cpl Langridge et les conditions dans lesquelles il avait vécu entre sa sortie de l’hôpital et le moment où des conditions lui ont été imposées le 7 mars 2008. Les renseignements contradictoires soulèvent des questions concernant la façon dont le LdSH avait prévu d’accueillir et de traiter le cpl Langridge à son retour de l’hôpital. Les dossiers semblent indiquer que des dispositions avaient été prises pour que le cpl Langridge ait une chambre dans la caserne dès le 4 mars 2008.Note de bas de page 1531 En dépit de cela, l’endroit où a résidé le cpl Langridge entre le 5 et 7 mars 2008 demeure incertain.

408. Le cplc Fitzpatrick a dit au cplc Ritco qu’il avait été chargé par l’adjuc Ross de mettre une chambre située dans les « cabanes » (le bloc de la caserne) à la disposition du cpl Langridge à sa sortie de l’hôpital en mars 2008 puisqu’il y demeurerait pour le moment.Note de bas de page 1532 Cependant, le cplc Fitzpatrick a également dit au cplc Ritco (et il l’a indiqué au cours de son témoignage) que le cpl Langridge avait dormi dans la chambre des contrevenants dès la première nuit suivant sa sortie de l’hôpital.Note de bas de page 1533 Les notes prises par le Capt Hannah pour la matinée du 7 mars 2008 indiquent que le cpl Langridge résidait déjà dans la chambre des contrevenants avant le 7 mars 2008, se référant à des dispositions déjà existantes : [traduction] « Le membre a eu pour directive de l’Unité de vivre dans les quartiers de la compagnie pour faciliter sa supervision. [Le membre] est mécontent de ce plan ».Note de bas de page 1534 Interrogé à ce sujet, l’adjuc Ross a reconnu que cela laissait clairement penser que le cpl Langridge résidait déjà dans la chambre des contrevenants.Note de bas de page 1535

409. Les preuves obtenues par les enquêteurs du SNEFC laissent entendre que le personnel du LdSH et le personnel médical de la base avaient pris certains arrangements pour le retour du cpl Langridge et que ceux-ci avaient été rapidement modifiés. Les choses pourraient ne pas s’être déroulées comme prévu. Cela aurait dû soulever des questions au sujet de la stabilité et de la sécurité du cpl Langridge à l’époque, et sur le but ou le caractère approprié des mesures mises en place. En raison de l’omission d’examiner ces questions plus en profondeur, nous ne savons tout simplement pas ce qui s’est passé, ni pourquoi, ni ce que pourrait avoir été l’impact sur le cpl Langridge.

Autres questions non étudiées ou suivies

410. L’interprétation restreinte de la négligence et de la surveillance pour risque de suicide signifiait que les enquêteurs du SNEFC n’étaient pas disposés à aller plus loin et à envisager la possibilité qu’une surveillance déficiente ait été organisée, ce qui aurait constitué potentiellement un acte de négligence, ou qu’aucune surveillance n’ait été organisée alors qu’elle aurait dû l’être, ce qui était potentiellement une négligence par omission. La conséquence de ne pas avoir mené des entrevues clés est que les enquêteurs du SNEFC n’ont pas découvert et, donc, ont omis d’enquêter pour savoir si des garanties avaient été données aux parents ou à la conjointe de fait du cpl Langridge à l’effet qu’il était gardé en sécurité ou qu’il était sous surveillance pour risque de suicide. En outre, les membres du SNEFC n’ont pas donné suite à la déclaration de la cplc Bowden précisant que le cpl Langridge avait antérieurement fait l’objet de surveillances pour risque de suicide,Note de bas de page 1536 et que la présente surveillance était déjà en cours quand elle a été annulée.Note de bas de page 1537 Cette information acquiert encore plus d’importance à la lumière du témoignage de M. Lackie, qui n’a jamais été interrogé par le SNEFC, et qui a soutenu qu’un [traduction] « partenaire » accompagnait le cpl Langridge hors du centre de service pour des activités comme les repas, dans le cadre d’une « surveillance pour risque de suicide ».Note de bas de page 1538 Un examen plus approfondi de ces questions aurait été très pertinent pour déterminer ce qui avait été planifié en réponse aux tentatives de suicide du cpl Langridge et ce que savait la chaîne de commandement sur son état mental. Cela, à son tour, aurait permis aux enquêteurs de comprendre comment un devoir de diligence envers le cpl Langridge, s’il y en avait un, était compris et accompli.

Les conditions étaient-elles une surveillance pour risque de suicide de facto?

411. L’affirmation selon laquelle les conditions que le cpl Langridge était tenu de respecter dans la dernière semaine de sa vie avaient été mises en place uniquement pour lui fournir un encadrement et un soutien exigeait un examen plus approfondi. En plus de déclarer lors de son témoignage qu’il avait gardé l’esprit [traduction] « toujours ouvert » au cours de son enquête, le cplc Ritco a dit qu’il ne se souvenait pas avoir envisagé d’enquêter sur l’objet véritable de ces conditions, ou formulé une hypothèse à ce sujet.Note de bas de page 1539

412. La définition rigide de ce qui pourrait constituer une surveillance pour risque de suicide, ou de ce qui aurait pu être une conduite négligente, a entravé l’enquête sur la négligence. Les membres de la direction du LdSH ont généralement indiqué lors de leur témoignage qu’il serait difficile et onéreux de placer le cpl Langridge sous une surveillance pour risque de suicide qui restreindrait ses libertés, et ils ont donc fait du mieux qu’ils pouvaient dans ces circonstances. L’adj Tourout avait sa propre compréhension de ce à quoi ressemblait une surveillance pour risque de suicide et, de ce fait, il a écarté la possibilité que les enquêteurs du SNEFC aient plutôt dû examiner les mesures prises à l’égard du cpl Langridge.

413. L’adj Tourout a déclaré lors de son témoignage que, selon son interprétation, la nature relativement libérale et volontaire des conditions signifiait qu’elles ne pouvaient pas constituer une sorte de surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1540 Il a donné comme exemple le fait que le cpl Langridge pouvait, avec une permission, sortir des limites du LdSH et même de la base. Il a souligné que cela n’aurait jamais été autorisé s’il y avait eu une surveillance stricte pour risque de suicide. L’adj Tourout a noté que le cpl Langridge avait réussi à se suicider tout en vivant sous ces conditions, et il s’est servi de ce fait pour en déduire qu’il n’y avait jamais eu de surveillance pour risque de suicide, parce que dans ce cas, [traduction] « il y a peu ou pas de chance qu’une personne réussisse à commettre un suicide ».Note de bas de page 1541 Il s’agit d’une interprétation circulaire de la surveillance pour risque de suicide qui ignore le fait qu’une telle surveillance ne peut empêcher la perpétration d’un suicide que si elle est exécutée correctement, c’est-à-dire sans négligence. Encore une fois, cela faisait précisément partie des questions que le SNEFC aurait dû approfondir dans le cadre d’une enquête sur la négligence.

Les conditions avaient-elles pour objet l’encadrement et le soutien?

414. Le cplc Ritco a omis de demander pourquoi, si les conditions avaient pour objet d’encadrer et de soutenir le cpl Langridge, elles comprenaient des mesures telles que l’obligation pour le cpl Langridge de dormir dans la chambre des contrevenants, de laisser sa porte de chambre ouverte en tout temps et de se rapporter régulièrement.Note de bas de page 1542 Le cplc Ritco n’a jamais été en mesure de répondre à la question qu’il avait posée au sgt Hiscock : [traduction] « S’ils ne pensaient pas qu’il allait se faire du mal, pourquoi alors lui avoir imposé ces conditions » ?Note de bas de page 1543 Le cplc Ritco a affirmé lors de son témoignage : [traduction] « Je n’ai jamais découvert [sic] la raison pour laquelle il était sous conditions si le -- s’ils croyaient qu’il n’allait pas se faire du mal, non, Monsieur ».Note de bas de page 1544

415. C’était là une question que les enquêteurs auraient dû approfondir, compte tenu des réponses contradictoires, et peut-être intéressées, données lors de l’enquête de 2008

416. Lorsque le cplc Ritco a interrogé l’adjuc Ross, il lui a demandé si les conditions avaient un autre but que de fournir l’encadrement requis en vue de l’envoyer suivre un traitement pour toxicomanie. L’adjuc Ross a simplement répondu « uh-uh ».Note de bas de page 1545 Toutefois, les conditions ont été élaborées avec les membres de la chaîne de commandement du LdSH qui avaient une certaine connaissance de l’état de santé du cpl Langridge, de son hospitalisation précédente et de ses tentatives de suicide antérieures, et des témoins ont indiqué lors de leur témoignage que le but de ces conditions était à tout le moins d’assurer la sécurité du cpl Langridge.

417. Selon le témoignage du lcol Demers, sa compréhension des conditions, comme de résider dans la chambre des contrevenants et se rapporter toutes les deux heures, était que celles-ci avaient été conçues pour fournir un encadrement au cpl Langridge, mais aussi [traduction] « [...] pour tenter de prévenir une autre tentative de suicide comme celle de juin, où il était parti en voiture. Nous étions conscients que s’il s’absentait pendant plus de deux heures, il y avait une possibilité qu’il soit en train d’essayer de faire le même genre de chose encore une fois [...] ».Note de bas de page 1546

418. Au cours de l’entrevue du SNEFC en 2008, le Capt Hannah avait dit au cplc Ritco, après avoir examiné ses notes, que le cpl Langridge s’était rendu à l’UPSS (C) sur l’insistance de son CATB et qu’il avait signalé de nombreux problèmes de toxicomanie et de harcèlement, et que le cpl Langridge avait dit au Capt Hannah qu’il avait besoin [traduction] « d’une surveillance étroite pour le protéger lui et son ex-petite amie, et il a demandé d’être envoyé à l’Hôpital de l’Alberta ».Note de bas de page 1547

419. Le Capt Hannah a été interrogé sur sa déclaration de 2008, où il avait indiqué qu’étant donné que l’HAE était [traduction] « rempli » et que le cpl Langridge refusait d’aller à l’HRA et niait avoir des tendances suicidaires, il avait offert au cpl Langridge [traduction] « une occasion de vivre au LdSH, où il pourrait être -- avoir quelqu’un qui pourrait garder un œil attentif sur lui ».Note de bas de page 1548 La déclaration semble indiquer que le but d’amener le cpl Langridge à vivre au LdSH était de lui fournir la supervision étroite qu’il avait demandée et de s’assurer qu’il était surveillé. Le Capt Hannah était d’accord pour dire que la raison pour laquelle le cpl Langridge avait demandé une supervision étroite à l’époque était qu’il avait le sentiment d’être un risque pour lui-même et, peut-être, pour Mme A.Note de bas de page 1549 Le Capt Hannah a démenti que le but visé était d’empêcher le cpl Langridge de se faire du mal, mais il a reconnu, encore une fois, que le cpl Langridge présentait un risque plus élevé de suicide, et que c’était une [traduction] « bonne idée » que quelqu’un garde un œil sur lui.Note de bas de page 1550 Le Capt Hannah a également précisé lors de son témoignage que les idées suicidaires vont et viennent, en ces termes : [traduction] « [u]ne personne peut être suicidaire dans un cas, mais non suicidaire dans un autre. Les tendances suicidaires sont une chose parfois difficile à cerner ».Note de bas de page 1551 De fait, en justifiant la nécessité de soumettre le cpl Langridge à des conditions d’encadrement et de soutien préalablement à un traitement en résidence, le Capt Hannah a décrit le cpl Langridge comme étant [traduction] « instable et suicidaire et ayant de graves problèmes ».Note de bas de page 1552

420. La preuve établit clairement qu’il était généralement connu au sein du LdSH et de la communauté médicale qu’il fallait veiller sur la sécurité du cpl Langridge. Comme les conditions ont été mises en place en sachant cela, l’intention sous-jacente et le caractère approprié de ces conditions pour l’empêcher de se nuire à lui-même étaient des questions très concrètes.

421. Au cours de l’entrevue de 2008, le Capt Hannah a dit au cplc Ritco que le cpl Langridge avait été logé dans la chambre des contrevenants pour faire l’objet d’une [traduction] « supervision supplémentaire ».Note de bas de page 1553 Lorsqu’on lui a demandé ce que cela signifiait, à son avis, en termes de risque de suicide pour le cpl Langridge, le cplc Ritco a répondu lors de son témoignage : [traduction] « Eh bien, à partir de sa déclaration ici, [...] j’interprète cela comme s’il restait au LdSH [...] parce qu’il représentait un risque plus élevé - plus élevé que pour les gens normaux qui sont dans la rue », ce qui signifie [traduction] « quelque chose à voir avec [...] des tendances suicidaires et des tentatives de suicide ».Note de bas de page 1554 En effet, le Capt Hannah avait dit au cplc Ritco au cours de l’entrevue du SNEFC qu’il [traduction] « est certainement de notoriété publique » que le cpl Langridge vivait au LdSH parce qu’il était perçu comme étant à risque accru de suicide.Note de bas de page 1555 Le cplc Ritco n’était pas d’accord que cela voulait dire que l’on avait accordé au cpl Langridge une supervision supplémentaire parce qu’il était à risque accru de suicide; cependant, il a déclaré : [traduction] « Je ne souscris pas au suicide. J’accepte qu’il avait besoin d’une supervision accrue ».Note de bas de page 1556 Bien que le cplc Ritco ait été, à l’époque, incapable de préciser l’objet d’une supervision supplémentaire, lorsqu’il a été pressé de le faire lors de son témoignage, il a admis qu’il croyait maintenant que le Capt Hannah parlait du risque de suicide comme ayant été le motif des conditions mises en place.Note de bas de page 1557

422. Au cours de son témoignage, le Maj Jared a nié que la version finale des conditions était destinée à assurer la sécurité du cpl Langridge, mais il a également dit dans son témoignage qu’au moins une des mesures visait spécifiquement à empêcher le cpl Langridge de se faire du mal – plus précisément, en absorbant une surdose de drogue :

[Traduction]

[...] et il y a une correction apportée à l’égard des médicaments. Je dirais que ces conditions ont été imposées au caporal Langridge à la suite d’une certaine expérience récente que nous avons eue au sein du régiment, y compris une personne – je crois que le terme employé a été ‘confinée à la caserne », dans la même pièce où le caporal Langridge serait logé – ayant absorbé une surdose de ses médicaments, ce qui explique pourquoi, dans cette documentation, vous verrez des commentaires sur la médication du membre. Étant donné que nous avions eu une personne dans cette pièce qui avait pris une surdose, les médicaments seraient gardés par l’officier de service. L’officier de service ne serait pas responsable de décider de la posologie pour le membre, mais ce dernier demanderait alors le médicament à l’officier de service et prendrait la dose appropriée.Note de bas de page 1558

L’objet des conditions de surveillance

423. La preuve semble indiquer que des membres de la chaîne de commandement du LdSH prévoyaient que le cpl Langridge pourrait tenter de se faire du mal et qu’ils étaient conscients de la nécessité de mettre en œuvre des mesures visant à l’en empêcher. Cela pourrait vouloir dire que l’on reconnaissait l’obligation d’en faire davantage afin de protéger le cpl Langridge, et que les conditions ont été élaborées, du moins en partie, avec ce risque à l’esprit. L’omission des membres du SNEFC de suivre des pistes et de reconnaître des preuves pertinentes signifie qu’ils n’ont procédé à aucun examen de cette question.

424. En dépit du fait qu’il y avait des preuves montrant que les conditions avaient été élaborées avec la participation de membres de la chaîne de commandement du LdSH et du personnel médical,Note de bas de page 1559 et que des témoins tels que le Capt Volstad et le lcol DemersNote de bas de page 1560 ont affirmé lors de leur comparution que les conditions avaient été approuvées par les conseillers juridiques des FC, il y avait peu de preuves, à la fois au moment des faits et lors des audiences, concernant le but de ces conditions. Si cet aspect avait été examiné en 2008 lorsque les souvenirs étaient plus frais à la mémoire, des renseignements plus précis auraient pu être obtenus. L’adjuc Ross a été incapable d’expliquer pourquoi une des conditions, telle que rédigée, stipulait que la porte devait rester ouverte en tout temps, sauf que cela avait peut-être été sa [traduction] « première pensée » lorsqu’il avait envisagé une surveillance étroite pour le cpl Langridge.Note de bas de page 1561 Le Capt Lubiniecki a déclaré dans son témoignage qu’il ne pouvait pas expliquer la raison de la politique de la [traduction] « porte ouverte ».Note de bas de page 1562 Le Maj Jared a déclaré qu’il croyait que la porte devait rester ouverte afin de permettre au cpl Langridge [traduction] « [d’]interagir avec le personnel de service », et qu’il s’agissait d’une mesure de surveillance « mineure ».Note de bas de page 1563

425. La preuve est vague pour ce qui est d’expliquer ce que l’on voulait accomplir par cette exigence, sinon ce qui était clairement implicite, à savoir que l’on comprenait que le cpl Langridge était à risque de se faire du mal, et que jugeant qu’ils ne pouvaient le garder confiné ou le surveiller constamment, les membres du régiment avaient élaboré cette exigence afin de prévenir ou de réduire au minimum les sévices que pourrait s’infliger le cpl Langridge alors qu’il se trouvait sur le site du régiment.

426. De même, le couvre-feu de 21 h semble être une tentative visant à limiter le temps durant lequel le cpl Langridge échappait à la supervision étroite établie au centre de service, sans qu’il soit pour autant gardé en détention. La preuve en lien avec cette condition a été explorée uniquement au cours des audiences et n’a pas permis d’expliquer pleinement le but visé par la condition. L’adjuc Ross a indiqué lors de son témoignage que le couvre-feu de 21 h avait été imposé pour limiter l’exposition du cpl Langridge aux drogues et à l’alcool.Note de bas de page 1564 Le Capt Lubiniecki croyait que cette exigence empêcherait le cpl Langridge de se rendre dans des établissements qui servaient de l’alcool, mais il a avoué que cela n’empêchait pas le cpl Langridge de sortir pour boire un verre avant le couvre-feu de 21 h.Note de bas de page 1565

427. Les origines des conditions – l’intention d’empêcher un soldat très instable et ayant souvent des pensées suicidaires de se faire du mal – doivent être prises en considération dans l’interprétation des exigences imposées au cpl Langridge. Cela ne veut pas dire que les conditions avaient un but unique. Mais des exigences telles que se rapporter régulièrement, résider dans un lieu très public, garder la porte de sa chambre ouverte et demander chaque jour sa dose de médicaments pour prévenir une tentative de surdose, peuvent être autant de preuves que l’objectif visé allait bien au-delà de lui offrir [traduction] « un encadrement et un soutien ». Au contraire, il y avait peut-être là une préoccupation réelle concernant l’instabilité du cpl Langridge et la crainte qu’il puisse se faire du mal. Comme le lcol Demers l’a dit lors de son témoignage, une surveillance pour risque de suicide réelle ayant été écartée, ces conditions [traduction] « hautement inhabituelles » ont été considérées comme étant nécessaires :

[Traduction]

Nous n’avons jamais fait quelque chose comme ça avant, mais c’était le mieux que nous puissions faire [avec], l’unité et le médecin, pour essayer de fournir une certaine forme de mesures de contrôle dans le but d’aider le cpl Langridge.

Cela nous rendait inconfortable au sens où nous n’avions jamais fait ce genre de chose auparavant. C’était une restriction de ses libertés, mais nous avons vu ce qui pouvait arriver quand il avait trop de liberté, si vous le voulez bien.Note de bas de page 1566

428. On a demandé à l’adj Tourout s’il n’en était jamais venu à une conclusion au sujet de l’objet des conditions imposées au cpl Langridge, si ce n’était qu’elles avaient été mises en place parce que le LdSH croyait qu’il allait se faire du mal. L’adj Tourout a soutenu le point de vue que le cpl Langridge avait activement cherché un encadrement et qu’il souhaitait se soumettre à ces conditions afin de pouvoir aller poursuivre son traitement.Note de bas de page 1567 À son avis, les conditions ne pouvaient pas être simplement liées aux tendances suicidaires du cpl Langridge parce que l’armée [traduction] « n’avait aucune raison de croire à ce moment-là, et aucune indication n’avait été fournie par l’hôpital, qu’il était alors suicidaire. Donc, il ne l’était pas -- les conditions concernaient un encadrement et ne visaient pas à le maintenir en vie ».Note de bas de page 1568 L’adj Tourout est parvenu à cette conclusion en dépit du certificat de 30 jours indiquant que le cpl Langridge était considéré comme un risque pour lui-même, lequel s’était terminé quelques jours plus tôt, et malgré la plainte de M. Strilchuk au sujet de la nécessité d’assurer une supervision étroite, parce que le cpl Langridge [traduction] « ne s’était pas du tout conformé » aux restrictions auxquelles il avait souscrit avant le 7 mars 2008.

429. L’adj Tourout considérait que l’observation faite par M. Strilchuk pour que le cpl Langridge soit renvoyé au LdSH afin d’être placé sous supervision étroite signifiait qu’il devait faire l’objet d’un [traduction] « suivi »; plus précisément, le cpl Langridge serait logé dans la chambre des contrevenants [traduction] « afin de pouvoir être suivi, observé, mais pas 24 heures par jour ».Note de bas de page 1569 Il était incapable de dire pour quelle raison le cpl Langridge aurait été suivi et observé, au-delà de supposer que cela avait quelque chose à voir avec l’intention d’empêcher le cpl Langridge de consommer trop d’alcool ou de drogue. Même à ce sujet, il était incertain :

[Traduction]

Eh bien, ça aurait été -- alors cela aurait été par l’entremise d’un médecin -- Je ne suis pas sûr quelle était leur intention. Leur intention était, selon notre compréhension, était de lui donner un encadrement. Ainsi, l’encadrement aurait été une étroite supervision, se rapporter chaque... et être sûr qu’il prenne ses médicaments. Cela l’aurait-il empêché de faire des abus, non, parce qu’à chaque fois, il était toujours absent pendant deux heures.

M. Freiman : Exactement. Et si nous regardons les motifs des conditions, quelle aurait été le motif pour qu’il se rapporte toutes les deux heures?

adjum Tourout : Juste pour ainsi maintenir une certaine -- pour lui donner un peu -- il sait -- pour voir s’il peut respecter un horaire. [L’]armée, notre monde tourne autour d’horaires, de la formation de base jusqu’à la retraite, nous devons être quelque part à un certain moment de la journée, et si vous n’y êtes pas, alors ce n’est pas en conformité avec l’armée -- la façon dont l’armée fonctionne. Donc, la meilleure façon d’assurer -- de voir si quelqu’un accepte des conditions ou de l’encadrement est de voir si cette personne peut respecter un horaire, alors [...].Note de bas de page 1570

430. L’adj Tourout a dit dans son témoignage qu’il était probable que le cpl Langridge ait été obligé de vivre au LdSH sous supervision en raison de sa consommation de drogue alors qu’il était à l’hôpital. D’autre part, il a reconnu qu’il aurait été impossible d’empêcher le cpl Langridge d’abuser de l’alcool ou de drogues en raison  de l’intervalle de deux heures alloué entre chaque rapport de présence.Note de bas de page 1571 L’écart entre le bien-fondé et l’exécution d’une telle supervision et d’un tel encadrement pourrait soulever la possibilité d’une négligence dans la conception des conditions et/ou la manière dont elles ont été administrées.

431. Sur la base des preuves recueillies lors de l’enquête de 2008 et des audiences de la Commission, il semble que l’un des buts de ces conditions était peut-être de fournir au cpl Langridge une supervision supplémentaire et de l’empêcher de se faire du mal, tout en répondant aux préoccupations exprimées par les officiers et les conseillers juridiques sur la mise en place d’une surveillance pour risque de suicide explicite.

432. L’adjuc Ross a soutenu au cours de son témoignage qu’il ne croyait pas qu’il y aurait eu quelque obstacle juridique à l’application des conditions parce qu’elles n’étaient pas imposées comme une forme de discipline.Note de bas de page 1572 Cela renforce la possibilité que les conditions aient été vues par les personnes qui ont participé à leur conception et à leur mise en œuvre comme la voie de moindre résistance pour atteindre l’objectif d’assurer la sécurité du cpl Langridge.

433. La caractérisation des conditions par les membres des FC comme étant strictement une forme d’encadrement ne semble pas concorder avec les conditions elles-mêmes, ni avec certains éléments de preuve obtenus par les enquêteurs du SNEFC ou auxquels ils auraient pu facilement avoir accès. Les conditions comprenaient des mesures de supervision à l’endroit du cpl Langridge pour l’empêcher de se faire du mal. Il devait vivre au centre de service, où il y avait du personnel 24 heures par jour, et garder sa porte ouverte afin qu’il puisse être surveillé. En outre, la preuve démontre que les officiers qui étaient en poste le 14 et le 15 mars 2008, avaient la nette impression qu’ils devaient surveiller le cpl Langridge parce qu’il était à risque de suicide. Il est difficile de concilier les conclusions tirées au sujet des conditions avec ces observations.

Les conditions étaient-elles propices à l’atteinte du but visé?

434. Concernant l’allégation des plaignants que les membres du SNEFC n’ont pas enquêté sur d’éventuels actes de négligence ou infractions d’ordre militaire, il y a la possibilité que les conditions aient été insuffisantes par rapport au but visé. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas enquêté sur le caractère adéquat des conditions, et ils n’ont pas cherché à déterminer si l’imposition de telles conditions, hors d’une procédure disciplinaire, correspondait à l’infraction d’ordre militaire qu’est l’abus d’un subordonné.

435. Le cplc Ritco a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas examiné si les conditions étaient adéquates pour fournir un encadrement au cpl Langridge et lui permettre de démontrer qu’il était capable de se rendre jusqu’au traitement en résidence pour toxicomanie.Note de bas de page 1573 Lors de son témoignage, le sgt Bigelow a indiqué que la question de savoir si les conditions imposées au cpl Langridge étaient ou non de nature à le protéger ou à l’aider aurait dû être examinée. Cependant, il ne savait pas si cela avait été fait.Note de bas de page 1574

436. Cela conduit à se demander si la conception et l’administration de ces conditions pourraient, en soi, avoir constitué de la négligence et, par conséquent, avoir contribué à la mort du cpl Langridge. Des preuves semblent montrer que, nonobstant le but déclaré de ces conditions, elles étaient au moins en partie destinées à assurer la sécurité du cpl Langridge. Même si les conditions étaient adéquates à cette fin, elles ne pouvaient être efficaces que dans la mesure où l’on pouvait vérifier que le cpl Langridge s’y conformait et faisait des progrès. En raison du champ d’intérêt limité de leur enquête, les membres du SNEFC ignoraient de quelle façon ces conditions devraient être appliquées. Ils n’ont pas enquêté sur la mesure dans laquelle les personnes qui devaient s’assurer que le cpl Langridge respecte les conditions étaient familiarisées avec la nature et le but de ces conditions, ou les conséquences d’une supervision inadéquate du cpl Langridge.

437. L’adjuc Ross a indiqué au cplc Ritco que tout le personnel de service avait reçu une copie des conditions écrites.Note de bas de page 1575 Le personnel de service a également été informé que l’on devait prendre en note, chaque fois que cela se produisait, l’heure à laquelle le cpl Langridge quittait le bâtiment, l’heure à laquelle il se rapportait à l’officier de service, et l’heure de son retour.

438. Le cplc Ritco a demandé à un certain nombre de personnes chargées de veiller à ce que le cpl Langridge respecte les conditions imposées si elles connaissaient ces conditions et savaient ce qu’elles visaient à accomplir. Bien que plusieurs aient répondu qu’elles n’étaient pas au courant, il n’a pas enquêté davantage ou tiré de conclusion à ce sujet.Note de bas de page 1576

439. L’efficacité des conditions comme moyen de protéger et de superviser le cpl Langridge semble également être remise en question par les interprétations en apparence contradictoires de la façon dont elles devaient être respectées. Les preuves recueillies lors de l’enquête de 2008, ou qui auraient été accessibles aux enquêteurs du SNEFC, ont mis en évidence ces contradictions et fait surgir la possibilité que l’administration des conditions ait été inadéquate.

L’administration de la condition de se rapporter

440. Une telle question concernait l’exigence faite au cpl Langridge de se rapporter périodiquement. L’adjuc Ross a dit au cplc Ritco que le cpl Langridge devait se présenter au centre de service toutes les deux heures pour s’enregistrer, et il l’a répété dans son témoignage. Note de bas de page 1577 Beaucoup d’autres témoins ont indiqué que le rapport pouvait se faire par téléphone. Le Capt Hannah a déclaré : [traduction] « il pouvait le faire par téléphone aussi longtemps qu’il précisait à celui qui était à l’autre bout du fil où il se trouvait ».Note de bas de page 1578 Selon le témoignage du Maj Jared, son souvenir était que le cpl Langridge aurait pu se rapporter toutes les deux heures en téléphonant.Note de bas de page 1579 Le Lt Dunn a indiqué lors de son témoignage qu’il croyait, alors qu’il était officier de service à l’époque, que le cpl Langridge pouvait se rapporter par téléphone.Note de bas de page 1580 Au cours de son témoignage, le Capt Lubiniecki ne se rappelait pas des arrangements qui avaient été pris, mais il pensait que le cpl Langridge devait téléphoner sur une base régulière [traduction] « juste pour confirmer que tout allait bien ».Note de bas de page 1581

441. Si le cpl Langridge pouvait se rapporter au bureau de service par téléphone toutes les deux heures, cela signifiait que ses mouvements n’étaient pas surveillés de manière efficace. Il pouvait être n’importe où et faire n’importe quoi, surtout s’il appelait à partir d’un téléphone mobile. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas déterminé si le numéro de téléphone donné par le cpl Langridge pour le rejoindre était un numéro de téléphone mobile ou de téléphone fixe. Le sgt Hiscock a indiqué dans son témoignage que le numéro que le cpl Langridge avait laissé au bureau de service était celui de son téléphone mobile, et que c’est ce numéro qu’il a signalé à plusieurs reprises le 15 mars 2008 lorsque le cpl Langridge ne s’est pas rapporté.Note de bas de page 1582 Il a également affirmé dans son témoignage que la seule façon de savoir où se trouvait le cpl Langridge était de consulter la feuille de contrôle. Le Maj Jared pensait aussi que le cpl Langridge avait pu laisser un numéro de téléphone mobile.Note de bas de page 1583 Il a reconnu que cela voulait dire que le LdSH ne pouvait jamais vraiment savoir où était le cpl Langridge ou ce qu’il faisait, mais il a affirmé que si des tâches lui avaient été assignées, le numéro fourni signifiait que l’on avait encore un moyen de le rejoindre.

442. Fait significatif, seule la feuille de contrôle correspondant au jour du décès du cpl Langridge a été obtenue par les enquêteurs du SNEFC. Les enquêteurs n’ont pas déterminé ce qu’il était advenu des feuilles de contrôle des huit jours précédents, au cours desquels le cpl Langridge avait été soumis aux conditions.Note de bas de page 1584 Elles n’ont jamais été retrouvées, et leur absence remarquable n’a pas été expliquée. En outre, les membres du SNEFC n’ont pas cherché à savoir s’il était suffisant d’accepter tout simplement les rapports soumis par le cpl Langridge indiquant qu’il avait passé presque toute la dernière journée de sa vie dans les cabanes à [traduction] « faire la lessive ».Note de bas de page 1585 Le sgt Hiscock a indiqué lors de son témoignage que, le 15 mars 2008, le cpl Langridge s’était présenté en personne au rapport à chaque échéance prévue après 9 h 05. Il avait supposé que le cpl Langridge s’était rendu dans les cabanes pour y faire sa lessive.Note de bas de page 1586 Lors de son entrevue avec le SNEFC, le sgt Hiscock a affirmé qu’on l’avait informé que le cpl Langridge était allé à la caserne pour faire sa lessive le 15 mars 2008, mais que cette information ne provenait pas du cpl Langridge lui-même. Lors de son témoignage, le sgt Hiscock ne se rappelait plus qui lui avait donné cette information. Avec le recul, il a reconnu qu’il était inhabituel que le cpl Langridge passe autant de temps à faire la lessive et il a admis qu’il aurait dû l’interroger. Cependant, parce que c’était un samedi particulièrement occupé pour le régiment, et que le cpl Langridge s’était présenté au rapport comme il le devait, cette question ne figurait pas au sommet de la liste des diverses priorités.Note de bas de page 1587

L’administration des autres conditions

443. D’autres aspects des efforts engagés pour surveiller et faire respecter les conditions étaient également obscures, et ici encore, une enquête sur une possible négligence aurait été justifiée. Bien que le but de garder la porte de la chambre des contrevenants ouverte en tout temps visait à assurer le bien-être du cpl Langridge, les enquêteurs du SNEFC n’ont pas déterminé si oui ou non la porte avait effectivement été maintenue ouverte.

444. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas non plus vérifié si le cpl Langridge prenait ses médicaments, tels que prescrits. Les renseignements que les enquêteurs du SNEFC ont obtenus en 2008 montraient que les médicaments d’ordonnance du cpl Langridge étaient destinés à traiter la dépression, l’anxiété et l’insomnie.Note de bas de page 1588 Le fait de ne pas les prendre aurait pu avoir une incidence sur son état d’esprit.Note de bas de page 1589 Le sgt Bigelow a dit lors de son témoignage que sa compréhension était que le personnel de service ne vérifiait pas si le cpl Langridge prenait ses médicaments et qu’il en était le seul responsable.Note de bas de page 1590 L’adjuc Ross a aussi dit dans son témoignage que c’était le cas.Note de bas de page 1591 Des témoins, comme le Lt Dunn, ont déclaré qu’ils avaient compris qu’ils devaient s’assurer que le cpl Langridge prenait ses médicaments.Note de bas de page 1592 Le Capt Hannah n’a pas indiqué lors de son témoignage si le fait que le cpl Langridge se conformait à la médication prescrite faisait l’objet d’un quelconque suivi ou contrôle mais, lors de son entrevue avec le SNEFC, il a dit au cplc Ritco que le LdSH avait la responsabilité de veiller à ce que le cpl Langridge prenne ses médicaments de façon appropriée et au moment voulu.Note de bas de page 1593

Contrôle de l’accès à l’alcool et aux substances illicites

445. Les conditions obligeaient le cpl Langridge à s’abstenir de consommer de l’alcool et des stupéfiants. Il n’y avait aucun moyen réaliste de s’assurer qu’il se conformait à cette condition, notamment à la lumière des problèmes posés par la surveillance de ses déplacements. Le Capt Hannah a dit aux enquêteurs du SNEFC en 2008 que les problèmes de toxicomanie du cpl Langridge étaient probablement à l’origine de ses troubles d’humeur, entraînant des comportements suicidaires, et que ses abus périodiques auraient déclenché des tentatives de suicide.Note de bas de page 1594 Sans chercher à tirer des conclusions sur l’état d’esprit du cpl Langridge ou les raisons de ses tentatives de suicide et, éventuellement, de son suicide, il est néanmoins clair que les enquêteurs du SNEFC avaient de bonnes raisons de chercher à déterminer si le cpl Langridge faisait l’objet d’une supervision appropriée. La sécurité du cpl Langridge était peut-être en danger en l’absence d’une telle supervision. L’adjuc Ross a reconnu dans son témoignage qu’il n’y avait aucun moyen de vérifier si le cpl Langridge respectait les conditions concernant la consommation de drogues, mais il a soutenu que le personnel de service aurait détecté l’odeur de l’alcool et l’aurait averti si le cpl Langridge en avait consommé.

446. Mme A a déclaré lors de son témoignage que le cpl Langridge avait souvent réussi à quitter la base, parfois de façon furtive, et qu’il consommait de l’alcool. Cela contraste avec l’assurance qu’elle a dit dans de son témoignage avoir reçu des conseillers en toxicomanie du cpl Langridge à l’effet [traduction] « qu’il n’était jamais seul et qu’il n’avait donc pas le temps de se droguer ou de boire ou de tenter de se faire du mal ».Note de bas de page 1595 N’ayant pas interrogé Mme A, les enquêteurs ignoraient cet élément de preuve.

447. Malgré les difficultés évidentes d’empêcher le cpl Langridge d’avoir accès à de l’alcool et à des substances illicites en raison de la relative liberté de mouvement dont il jouissait au LdSH, le Capt Hannah a dit lors de son témoignage qu’il était préférable que le cpl Langridge revienne à la base plutôt que d’être gardé à l’hôpital. En se reportant à l’incident du 7 mars 2008, lorsque le cpl Langridge avait demandé qu’on le renvoie à l’HAE, le Capt Hannah a déclaré qu’il sentait que le cpl Langridge était mécontent de devoir vivre à l’intérieur du périmètre de la compagnie, parce qu’il [traduction] « n’aimait pas qu’on lui dise quoi faire », et il a supposé que le LdSH voulait lui imposer des règles plus strictes :

[traduction]

Le caporal Langridge – cela n’a pas vraiment été dit – alors qu’il était à l’Hôpital de l’Alberta auparavant, qu’il avait consommé de la cocaïne alors qu’il était à l’hôpital. Je me demande s’il pensait qu’il serait peut-être moins évident, qu’il réussisse à prendre de la cocaïne alors qu’il se trouvait à l’hôpital, alors qu’il aurait été très difficile qu’il le fasse au LdSH. C’était peut-être une façon d’éviter d’avoir ce genre de personnes autour. Je ne sais pas, franchement.

Q. Aurait-il été difficile pour lui de consommer de la cocaïne alors qu’il était au LdSH?

R. Je pense que ce l’aurait été. Son comportement aurait certainement changé. Il y avait des gens autour. Il était en uniforme. Il n’aurait pas vraiment eu la possibilité de -- il aurait été très difficile de sortir dans la zone fumeur ou de consommer de la cocaïne dans un endroit comme ça, alors que dans un lieu anonyme comme un hôpital où il ne portait pas l’uniforme, il aurait été beaucoup plus facile de le faire. Il y aurait certainement plus de gens au LdSH qui le connaissaient et qui savaient ce qu’il faisait, un peu comme s’il vivait dans une petite ville. Tout le monde va savoir qui vous êtes, contrairement à ce qui se passe si vous habitez au centre-ville d’Ottawa. Personne ne sait ou ne se soucie de qui vous êtes, et vous devenez un visage anonyme.Note de bas de page 1596
[Caractères gras ajoutés]

448. Cela aurait pu être une hypothèse mal avisée, et particulièrement troublante si elle avait joué un rôle dans le choix de l’endroit où le cpl Langridge serait le plus en sécurité et le plus stable, ou de la supervision qui serait appropriée. Les dossiers médicaux et le témoignage du Dr Sowa ont montré que lorsqu’il est devenu clair que le cpl Langridge avait accès à des stupéfiants alors qu’il séjournait à l’HAE, ses privilèges de déplacement ont été révoqués. Cela lui a causé une frustration considérable mais, de façon générale, l’HAE était beaucoup plus en mesure de limiter ses mouvements que le LdSH, particulièrement lorsqu’il est devenu instable, parce que même si, initialement, il s’était rendu de son propre chef à l’HAE, le cpl Langridge a fait l’objet d’un certificat de 30 jours pour la durée de son séjour à l’hôpital. Le Capt Hannah a en fait admis lors de son témoignage qu’il aurait été impossible d’empêcher le cpl Langridge d’utiliser des stupéfiants dans le cadre des conditions que le LdSH lui avait imposées.Note de bas de page 1597

449. La preuve ci-dessus met en doute l’efficacité des conditions en tant que mécanisme visant à protéger le cpl Langridge contre lui-même. Cela soulève la possibilité que les conditions aient été mises en œuvre ou administrées de façon négligente, ou les deux, de même que la possibilité que cette négligence potentielle ait contribué au suicide du cpl Langridge.

450. Faire revenir le cpl Langridge de l’hôpital dans le but de l’empêcher d’avoir accès à des stupéfiants et de l’alcool pourrait vouloir dire que les FC et le personnel médical de la base étaient résolus à faire mieux. À l’HAE, le cpl Langridge pouvait faire l’objet d’un contrôle et d’une observation beaucoup plus étroits, mais il avait pourtant trouvé les moyens de se procurer de la drogue à moins que le personnel médical ne restreigne sa liberté de mouvement. En mettant l’accent sur la prévention de l’abus de substances et la stabilisation,Note de bas de page 1598 les conditions imposées par le régiment étaient strictes à certains égards, mais si le but visé était de faire mieux que le système médical civil, elles étaient un échec.Note de bas de page 1599 Si le cpl Langridge était tenu de s’abstenir de consommer des stupéfiants, mais avait amplement l’occasion de s’en procurer sans que ses déplacements soient contrôlés ou surveillés de manière rigoureuse, cela pourrait constituer un autre indice de négligence possible.

La condition de résider dans la chambre des contrevenants

451. Un autre problème soulevé par la preuve à propos de la conception et de l’administration des conditions a trait à l’obligation faite au cpl Langridge de résider dans la chambre des contrevenants. Le Capt Hannah a dit lors de son témoignage que le cpl Langridge avait été assigné à la chambre des contrevenants pour plusieurs raisons, mais d’abord parce qu’il n’avait pas d’autre endroit où vivre.Note de bas de page 1600 Cependant, avant la sortie du cpl Langridge de l’HAE, des dispositions avaient été prises pour qu’il réside à la caserne. Le Capt Hannah a affirmé que l’avantage de garder le cpl Langridge dans la chambre des contrevenants était aussi l’assurance qu’il avait constamment de la compagnie :

[traduction]

Si vous dormez dans votre Jeep ou si vous êtes seul dans une chambre d’hôtel, vous n’avez personne à qui parler. S’il est 3 h du matin et que vous avez l’idée de vous enlever la vie, qui appelez-vous? Appelez-vous quelqu’un que vous réveillez et sortez du lit? Je dirais que la plupart des gens sont réticents à prendre le téléphone et à appeler quelqu’un à 3 h du matin, en sachant qu’ils doivent être en train de dormir, alors qu’au LdSH, où il y a un officier de service éveillé et en fonction 24 heures par jour, il avait accès à quelqu’un. Je pense que la reconnaissance d’un comportement suicidaire va et vient, absolument.Note de bas de page 1601

452. Il s’agissait d’une perception erronée. Les membres de service peuvent être endormis pendant la nuit; ils ont des lits dans une chambre du centre de service située à côté de la chambre des contrevenants, et aucun des membres présents n’était tenu de rester éveillé à quelque moment donné.Note de bas de page 1602 Cela incite à se demander si le fait de garder le cpl Langridge dans la chambre des contrevenants pendant la nuit servait l’objectif d’assurer sa sécurité.

453. Dans son témoignage, le Capt Hannah a dit que si le cpl Langridge avait des idées suicidaires à quelque moment, il se trouverait [traduction] « dans un endroit avec des gens autour de lui qui le connaissent et se soucient de lui, et s’il avait une question, quelqu’un était disponible en tout temps ».Note de bas de page 1603 La notion selon laquelle au centre de service, le cpl Langridge serait en compagnie de gens qui se souciaient de lui – ou qui étaient même ses amis – était erronée. Peu importe les bonnes intentions et le professionnalisme du personnel du centre de service, la preuve a démontré que les officiers de service comme le Lt Dunn n’étaient pas amis avec le cpl Langridge.Note de bas de page 1604

454. Le sgt Hiscock a admis qu’il avait éprouvé du mépris à l’égard du cpl Langridge le jour de sa mort.Note de bas de page 1605 Il a déclaré avoir supposé que le cpl Langridge feignait de souffrir du SSPT pour son bénéfice personnel. Lorsque le cpl Langridge a parlé au sgt Hiscock de ses médicaments et des cauchemars qu’il faisait, le sgt Hiscock s’est souvenu lors de son témoignage avoir répondu en levant les yeux au ciel et en soupirant : [traduction] « Oh, en voici un autre ».Note de bas de page 1606 Le sgt Hiscock a ajouté que même en sachant ce qu’il savait maintenant, il aurait encore fait des commentaires railleurs et réagi négativement.Note de bas de page 1607

455. Les ennuis du cpl Langridge étaient largement connus, et il n’est pas certain qu’il se serait senti pris en charge dans un lieu public fréquenté par des soldats, certains le considérant comme [traduction] « un gaspilleur d’oxygène ».Note de bas de page 1608 Les enquêteurs du SNEFC possédaient des informations sur les indiscrétions, le scepticisme et même l’hostilité dont le cpl Langridge faisait l’objet en mars 2008, et la question de savoir si le fait de résider au centre de service a eu un impact positif ou négatif sur sa sécurité et sa surveillance reste ouverte.

456. Tout comme une surveillance pour risque de suicide qui a échoué pourrait soulever des questions de négligence, même si les conditions ne constituaient pas une « surveillance pour risque de suicide » mais visaient néanmoins à empêcher le cpl Langridge de se faire du mal, il semble pertinent de se demander si elles étaient adéquates à cet effet, compte tenu de ce qui lui est arrivé. Si ce n’est pas le cas, étaient-elles si inadéquates pour assurer la sécurité du cpl Langridge qu’elles pourraient constituer de la négligence?

457. La preuve indique que les conditions pourraient avoir été inadéquates aux fins prévues et qu’elles ont peut-être été mal administrées. Elles n’ont peut-être pas suffi pour fournir au cpl Langridge un encadrement et pour l’empêcher de se faire du mal. Le suivi et l’application des conditions semblent démontrer un certain laxisme; le personnel ne semble pas avoir compris clairement ce qui était requis, et il existe des preuves montrant que le cpl Langridge ne se conformait pas toujours aux conditions. Étant donné qu’il pouvait se rapporter par téléphone essentiellement de n’importe où, il semble que l’on ait accordé au cpl Langridge suffisamment de temps où il était seul, sans qu’il ait à rendre de compte et sans supervision, pour qu’il en vienne à se faire du mal. Il avait encore accès à des stupéfiants et de l’alcool, et son état de santé et d’esprit au cours des derniers jours intenses et instables de sa vie ne semblent pas avoir été remarqué ou suscité de commentaires. S’il y avait un devoir de garder le cpl Langridge en sécurité, ou si les FC avaient assumé une telle obligation, ces éléments auraient tous été pertinents à l’évaluation d’une possible négligence.

Les conditions ont-elles contribué à la mort du cpl Langridge?

458. Les enquêteurs du SNEFC considéraient l’existence d’une surveillance pour risque de suicide comme étant indispensable à tout constat que la négligence avait joué un rôle dans la mort du cpl Langridge. En conséquence, l’adj Tourout ne croyait pas que les conditions étaient pertinentes à une négligence potentielle. Il a accepté l’affirmation de l’adjuc Ross et du Capt Lubiniecki à l’effet que les conditions visaient à donner un encadrement et il s’est appuyé sur cette définition pour faire la distinction entre les conditions imposées et une surveillance pour risque de suicide ayant échoué. À son avis, puisque les conditions permettaient au cpl Langridge d’avoir du temps libre, elles se différenciaient d’une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1609 Selon le témoignage de l’adjum Watson, les questions suivantes en lien avec les conditions n’étaient pas pertinentes à l’enquête :

  1. si le cpl Langridge avait accepté les conditions qui lui étaient imposées;
  2. quel était l’objet des conditions;
  3. si la condition exigeant que le cpl Langridge dorme en gardant la porte de sa chambre ouverte était une indication que les conditions étaient une forme de surveillance pour risque de suicide;
  4. s’il y avait un plan pour envoyer le cpl Langridge suivre un traitement en Ontario;
  5. s’il y avait un plan pour renvoyer le cpl Langridge de l’armée s’il ne parvenait pas à se conformer aux conditions;
  6. si et comment les conditions étaient appliquées;
  7. si les conditions elles-mêmes pouvaient avoir contribué au suicide du cpl Langridge.Note de bas de page 1610

459. Ce qui aurait dû être évident pour les enquêteurs du SNEFC, à la lumière des renseignements obtenus durant l’enquête de 2008, est que le cpl Langridge était instable, qu’il réagissait mal aux conditions imposées, qu’il avait demandé que ces conditions soient modifiées et que ses demandes avaient été refusées. Il y avait des preuves à la disposition des enquêteurs du SNEFC laissant supposer que les conditions n’étaient pas volontaires et que le cpl Langridge avait été obligé de retourner à la base pour se conformer à ces conditions avant d’être autorisé à aller suivre un traitement.

460. Le 11 mars 2008, le cpl Langridge a mentionné que la perspective d’un retour au travail suscitait chez lui des pensées suicidaires. Indépendamment de ce qu’aurait dû être la réponse appropriée du LdSH ou de la communauté médicale de la base, l’impact des conditions sur le cpl Langridge avait de la pertinence. Le cplc Ritco a dit lors de son témoignage que quatre jours avant le décès du cpl Langridge, il n’avait pas donné suite aux propos suicidaires de ce dernier. Il a ajouté que la signification première de cet incident est que cela [traduction] « montre simplement que le caporal Langridge avait des problèmes ».Note de bas de page 1611 On a demandé au sgt Bigelow si lui et le cplc Ritco avait cherché à savoir dans le cadre de leur enquête si cette idéation suicidaire particulière changeait quoi que ce soit en termes de limitations ou d’obligations juridiques potentielles de la part de l’unité en ce qui a trait à une possible surveillance pour risque de suicide. Il a répondu non.Note de bas de page 1612 Cette position signifie que les membres du SNEFC n’ont pas envisagé la possibilité que les conditions puissent avoir donné lieu à une négligence ayant contribué à la mort du cpl Langridge.

Le cpl Langridge a-t-il volontairement consenti aux conditions?

461. Les membres du SNEFC n’ont pas examiné en profondeur la question de savoir si le cpl Langridge a volontairement accepté les conditions qui lui ont été imposés en mars 2008. Cela est important parce que si le cpl Langridge trouvait les conditions intolérables, la flexibilité de ces conditions et les conséquences potentielles de ne pas s’y conformer pourraient avoir eu des répercussions importantes sur sa stabilité et son état d’esprit. Le cplc Ritco a reçu des informations contradictoires concernant l’acceptation volontaire des conditions par le cpl Langridge. Le Capt Lubiniecki a dit lors de son témoignage qu’il n’avait joué aucun rôle dans la formulation des conditions imposées au cpl Langridge. Cependant, il a aussi indiqué que, selon sa compréhension, le cpl Langridge s’était volontairement soumis aux conditions et à l’exigence de résider au centre de service.Note de bas de page 1613 Après le décès du cpl Langridge, le Capt Lubiniecki a envoyé un Rapport d’incident d’importance au QG à Ottawa précisant que le cpl Langridge [traduction] « résidait au centre de service régimentaire de sa propre volonté et selon la directive du régiment ».Note de bas de page 1614 Il ne se souvenait pas comment il avait obtenu ces renseignements.Note de bas de page 1615

462. Les notes prises lors de l’entrevue du SNEFC avec le Capt Lubiniecki en 2008 font référence au fait qu’il a parlé au Capt Hannah de la demande du cpl Langridge de vivre dans les baraques plutôt qu’au centre de service et de la tentative du cpl Langridge de convaincre le Capt Lubiniecki qu’il n’avait pas besoin de [traduction] « se présenter » (peut-être en référence à la période de rapport). Le sgt Bigelow a écrit, [traduction] « Donne son accord aux mesures que prend l’unité en forçant le cpl Langridge à s’engager pour suivre le cours ».Note de bas de page 1616 Le mot [traduction] « forçant » est potentiellement important, car il pourrait suggérer que le cpl Langridge était obligé de faire quelque chose en lien avec sa capacité d’aller suivre le traitement de la toxicomanie qu’il souhaitait. On sait peu de choses au sujet de la demande ou du contexte. Au moment du témoignage du Capt Lubiniecki, la Commission n’avait pas obtenu le carnet de notes du sgt Bigelow, qui n’a malheureusement jamais été numérisé dans le SISEPM. Le résumé de l’entrevue dans le SISEPM, rédigé par le sgt Bigelow, ne faisait pas mention de ce passage.Note de bas de page 1617 En conséquence, le Capt Lubiniecki n’a pas été appelé à témoigner à propos de cet incident. Ce passage soulève des questions évidentes.

463. Selon le témoignage de l’adjuc Ross, lui-même et le cpl Langridge ont eu une longue discussion à propos des conditions. Il s’est rappelé qu’à la fin de la conversation, le cpl Langridge [traduction] « était très content à ce sujet. Il m’a remercié en me disant qu’il avait besoin d’encadrement, qu’il voulait être un bon soldat, passer à autre chose, et il semblait tout à fait d’accord [avec ces conditions] ».Note de bas de page 1618 L’adjuc Ross a dit dans son témoignage qu’il n’aurait pas imposé les conditions si le cpl Langridge ne les avait pas acceptées.

464. Par contre, lorsque le cpl Langridge a demandé par la suite que les conditions soient modifiées et qu’il a clairement indiqué qu’elles le rendaient extrêmement malheureux, l’adjuc Ross a refusé.

465. L’adjuc Ross a affirmé lors de son témoignage qu’à son avis, trop peu de temps s’était écoulé pour le cpl Langridge soit en mesure de [traduction] « lui démontrer » que : « Je me suis conformé à tout ce que vous me demandez de faire. Je vous ai démontré cela sur une certaine période de temps. Je vous demande maintenant plus de latitude ».Note de bas de page 1619 Peu importe si, au départ, ces contraintes avaient été acceptées de façon volontaire, cette exigence pourrait être pertinente à la question de l’impact possible sur l’état d’esprit du cpl Langridge par la suite.

466. En outre, les conséquences que pouvait encourir le cpl Langridge s’il ne se conformait pas aux conditions auraient pu être graves. L’adjuc Ross a déclaré lors de son entrevue avec le SNEFC que les conditions étaient considérées comme des ordres et que le cpl Langridge aurait pu être accusé d’une infraction d’ordre militaire ou jugé ASP pour ne pas y avoir obéi. Il a déclaré : [traduction] « Il y a des conséquences pour tout soldat qui ne respecte pas la directive ».Note de bas de page 1620 Encore une fois, cela aurait pu être pertinent pour comprendre l’état d’esprit du cpl Langridge. Le défaut de respecter les conditions, qu’il trouvait pénibles et intolérables, aurait pu l’exposer à de sérieuses mesures disciplinaires.

Respect des conditions comme condition préalable au traitement de la toxicomanie

467. Il existe également des preuves indiquant que le cpl Langridge a été averti qu’il ne serait pas admissible au traitement de la toxicomanie à moins d’accepter les conditions qui lui étaient imposées. Cela a pu vouloir dire que le cpl Langridge se trouvait dans une situation quasi-impossible – l’accès au traitement dépendait de l’accomplissement de progrès qu’il ne pouvait faire sans avoir subi le traitement lui-même, ou quelque chose de ce genre.

468. Mme A a dit dans son témoignage que le cpl Langridge avait été informé, au moment de sa sortie de l’HAE, que son retour à la base était obligatoire pour que les FC l’envoient suivre un autre traitement contre la toxicomanie. L’adjuc Ross a affirmé lors de son témoignage qu’il croyait que le respect des conditions aurait joué un [traduction] « très grand rôle » dans la décision finale, et qu’il avait cru comprendre, que, jusqu’à ce que le cpl Langridge démontre qu’il respectait les conditions, les responsables médicaux n’étaient pas disposés à l’envoyer suivre un traitement.Note de bas de page 1621

469. Lors de son entrevue avec le SNEFC, le Capt Lubiniecki a informé le cplc Ritco que la communauté médicale n’assumerait pas les frais requis pour envoyer le cpl Langridge suivre un traitement en résidence contre la toxicomanie avant qu’il ait démontré qu’il pouvait respecter les conditions imposées. Il a aussi ajouté que, selon sa compréhension, le personnel médical n’appuyait pas le projet que le cpl Langridge aille suivre une deuxième thérapie tant qu’il n’aurait pas prouvé qu’il pouvait assister aux réunions des AA.Note de bas de page 1622

470. Le Capt Hannah a indiqué lors de son témoignage que le respect des conditions n’a jamais été une condition préalable à l’admission du cpl Langridge au programme de désintoxication.Note de bas de page 1623 Il a alors affirmé qu’il reconnaissait que les gens aux prises avec des dépendances avaient en général un mauvais comportement, et qu’il serait tautologique de s’attendre à ce que des personnes ayant besoin d’un traitement puissent prouver qu’elles peuvent s’en sortir par elles-mêmes. Il a également précisé qu’il avait dit au cpl Langridge, le 7 mars 2008, qu’il avait besoin de [traduction] « bien se comporter. Il avait besoin de se ressaisir, d’arrêter de consommer de l’alcool, d’arrêter de se droguer ». Note de bas de page 1624 Interrogé sur un dossier de la clinique de la base indiquant : [traduction] « Congé de l’Hôpital de l’Alberta aujourd’hui pour un essai de bonne conduite afin de voir s’il sera capable d’aller dans un centre de traitement de la toxicomanie »,Note de bas de page 1625 le Capt Hannah a initialement rejeté l’expression [traduction] « condition préalable », en référence au traitement.Note de bas de page 1626 Il a déclaré lors de son témoignage que le centre de traitement n’était pas un endroit où envoyer une personne qui [traduction] « est extrêmement instable et suicidaire et a de graves problèmes ».Note de bas de page 1627 La personne devrait au moins démontrer un peu de stabilité et être coopérative et capable de s’asseoir pour [traduction] « avoir une conversation civilisée avec quelqu’un qui peut avoir une opinion différente de la sienne [...] » avant que cela ne soit possible.Note de bas de page 1628 Le Capt Hannah a accepté cette version plus réservée de [traduction] « condition préalable », ajoutant : « [...] vous n’avez pas besoin d’être parfait – comprenez-moi bien – mais vous devez au moins démontrer que vous pouvez vous astreindre à une routine [...] ». Il a expliqué qu’envoyer quelqu’un en traitement était très coûteux. Il estimait que cela se situait dans les dizaines de milliers de dollars. Il a reconnu que [traduction] « en un sens », le traitement du cpl Langridge dépendait de sa bonne conduite, mais il a nié que la condition voulait dire : [traduction] « Vous devez bien vous comporter. Sinon, nous ne vous enverrons jamais suivre un traitement ».Note de bas de page 1629

471. Comme pour de nombreux aspects de la preuve sur la surveillance pour risque de suicide et les conditions, cela peut soulever des questions. Si cpl Langridge n’était pas assez stable pour suivre un traitement et s’il était suicidaire, incapable de se conformer aux exigences imposées ou de suivre des consignes de routine, pourquoi l’a-t-on rappelé de l’HAE? Pourquoi aurait-il été soumis à des conditions volontaires dans un environnement mal équipé pour le gérer, sous l’autorité de médecins qui ne pouvaient pas lui fournir des soins 24 heures sur 24, et avec des militaires qui n’étaient pas disposés à le superviser en permanence?

472. Le témoignage du Capt Hannah met en relief cette énigme. Il a déclaré avoir dit au cpl Langridge qu’il ne pouvait pas aller suivre le traitement avant d’avoir démontré qu’il pouvait suivre certaines règles. Si le cpl Langridge en était incapable et qu’il s’est plutôt retrouvé [traduction] « en difficulté » et « gravement malade », le Capt Hannah lui aurait alors dit [traduction] « [...] nous ne pouvons vraiment pas t’envoyer dans un programme de traitement qui n’a pas les installations nécessaires pour composer avec cela. Nous allons devoir faire autre chose [...] »,Note de bas de page 1630 spécifiquement envoyer le cpl Langridge à l’HAE ou au RAH, [traduction] « sous les soins directs d’un psychiatre ».Note de bas de page 1631 Soit que le cpl Langridge était assez bien pour suivre un traitement en étant capable de se plier aux conditions, soit qu’il n’était pas assez bien et ne pouvait pas satisfaire aux conditions et, dans ce cas, qu’il lui faudrait probablement retourner dans un hôpital équipé pour le traiter. Cela semble non seulement être l’essence même d’une condition préalable au traitement, mais également s’appuyer sur l’hypothèse que le cpl Langridge était assez bien pour être retiré de l’hôpital en premier lieu.

L’impact des conditions sur le cpl Langridge

473. Il est clair que le cpl Langridge était réfractaire aux conditions, mais les enquêteurs du SNEFC n’ont pas examiné l’importance de sa demande visant à ce qu’elles soient assouplies, y compris une réduction de la fréquence de ses rapports à l’officier de service. Le cplc Ritco a déclaré dans son témoignage que la question était pertinente pour ce qui est [traduction] « [...] d’essayer de savoir au juste ce qui se passait. Ça avait donc eu une certaine pertinence. Mais [...] cela a-t-il eu un impact sur le résultat de mon enquête? Non ».Note de bas de page 1632 Il n’y a également eu aucune enquête sur la possibilité que le rejet de sa demande de révision des conditions ait provoqué une aggravation supplémentaire de son état.

474. Les notes du sgt Bigelow fournissent quelques détails sur l’entrevue du SNEFC avec le Capt Lubiniecki en 2008 et font mention de la demande faite par le cpl Langridge pour un rajustement de ses conditions. Pendant l’entrevue, le Capt Lubiniecki a relaté que le cpl Langridge avait demandé que l’intervalle entre les rapports auxquels il était soumis soit portée de deux à trois heures.Note de bas de page 1633 Le Capt Lubiniecki a informé le cpl Langridge qu’il allégerait les exigences si le cpl Langridge était capable de faire ses preuves. Le cpl Langridge devait faire ses preuves au cours du weekend (probablement le weekend des 15 et 16 mars 2008, étant donné que les conditions n’avaient été imposées que le vendredi de la fin de semaine précédente). Selon les notes du sgt Bigelow, le Capt Lubiniecki a donné une note au cplc Banks à transmettre au cpl Langridge. Celle-ci a été placée sur l’oreiller du cpl Langridge. La Commission sait peu de choses sur la demande car elle n’a été documentée que dans le carnet de notes du sgt Bigelow.

La charge de travail du cpl Langridge

475. Une autre condition à laquelle le cpl Langridge semble avoir eu de la difficulté à se plier a trait à la charge de travail qu’on attendait de lui. L’adjuc Ross a dit lors de son témoignage que dans le cadre des conditions, il aurait confié au cpl Langridge des [traduction] « tâches très importantes, des choses que tout soldat aurait probablement à faire à un moment ou un autre ». Cela aurait englobé sortir les poubelles, nettoyer les carters d’huile sous les véhicules du LdSH et nettoyer et polir des trophées.Note de bas de page 1634 Il ne se souvenait pas des tâches qu’il avait assignées au cpl Langridge, mais des preuves indiquent que le cpl Langridge avait été affecté à des tâches similaires même avant que les conditions ne lui soient imposées.Note de bas de page 1635

476. Il y avait également des preuves que le cpl Langridge devait être au travail de 8 h à 16 h 30, soit une demi-heure de plus que la normale. L’adjuc Ross a dit au cplc Ritco lors de son entrevue en 2008, [traduction] « [l]a seule chose que je lui ai demandé de faire est de travailler une demi-heure de plus que tout le monde. Une demi-heure de plus que tout le monde. [...] Tout simplement parce que je le voulais, pour être honnête ».Note de bas de page 1636 Il semble que cela ait été fait essentiellement sur un coup de tête. Interrogé à ce sujet, l’adjuc Ross a déclaré que cela avait été fait pour que le cpl Langridge soit disponible au cas où une tâche se présenterait à la dernière minute, et que le SMR ait besoin qu’elle soit exécutée avant la fin de la journée.Note de bas de page 1637 Il a dit dans son témoignage qu’il y avait eu [traduction] « des discussions » à propos du fait que le cpl Langridge ne travaillait auparavant que trois jours et demi par semaine,Note de bas de page 1638 mais il n’en connaissait pas tous les détails.Note de bas de page 1639 L’adjuc Ross a justifié ce changement radical dans les conditions de travail en disant qu’il avait supposé que le personnel médical se serait opposé à cette exigence s’il avait eu des doutes sur son opportunité.

477. Il y avait des preuves indiquant que le cpl Langridge souffrait de douleurs à la poitrine et avait des crises de panique provoquées par les travaux qu’il devait effectuer, avant même que les conditions lui aient été imposées.Note de bas de page 1640 Il y avait aussi des preuves montrant que le cpl Langridge réagissait très mal aux tâches qui lui étaient imposées dans le cadre des conditions et qu’en conséquence, il aurait pu avoir des pensées suicidaires.Note de bas de page 1641 Cela soulevait la possibilité que le cpl Langridge ait effectivement trouvé que les attentes quant à son travail étaient accablantes.

478. Le Capt Hannah a dit dans son témoignage qu’il n’avait aucune idée des heures de travail du cpl Langridge avant que les conditions ne lui soient imposées.Note de bas de page 1642 Il croyait qu’il n’y avait eu aucune intention d’imposer des heures de travail supplémentaires au cpl Langridge, mais en examinant la preuve montrant que le cpl Langridge avait travaillé moins d’heures avant son hospitalisation, le Capt Hannah est demeuré indifférent. Il a contesté que l’on ait demandé au cpl Langridge de travailler des journées entières lorsqu’il était soumis aux conditions. Il a soutenu que le cpl Langridge avait passé la plupart de son temps à se rendre à des rendez-vous, et que ses tâches auraient pu être [traduction] « n’importe quoi », selon les instructions du SMR, et qu’elles [traduction] « pouvait inclure de ne rien faire, probablement ».Note de bas de page 1643 Il a reconnu qu’il y aurait eu un problème si le cpl Langridge avait reçu l’ordre de travailler cinq jours par semaine, huit heures et demie par jour. Il aurait alors contacté le Capt Lubiniecki à ce sujet. Le Capt Hannah a déclaré qu’il ne croyait pas que c’était le cas.Note de bas de page 1644

479. Les feuilles de rapport du centre de service n’ont jamais été retrouvées. Elles auraient pu jeter un peu de lumière sur ce qu’avait été une journée de semaine pour le cpl Langridge durant la dernière semaine de sa vie. En particulier, ses tâches, ses rendez-vous, la supervision et la charge de travail auraient pu être connus des enquêteurs. Cependant, tout ce qu’ils ont pu découvrir à partir des éléments de preuve recueillis est la façon dont le cpl Langridge a passé son dernier samedi. Compte tenu du fait que les conditions lui ont été imposées un vendredi après-midi, et que le cpl Langridge a demandé que ses conditions soient allégées et a cherché de façon urgente à se faire admettre à l’hôpital le mardi suivant, il y avait là au moins une raison de se demander ce à quoi les jours de semaine avaient pu ressembler et si la semaine de travail du cpl Langridge avait pu accélérer l’aggravation de son état.

480. Les dossiers médicaux obtenus par le cplc Ritco auprès de l’UPSS (C) de la baseNote de bas de page 1645 indiquent que le cpl Langridge s’est présenté à l’UPSS (C) le 11 mars 2008 en état de crise. Il se plaignait d’avoir passé les deux dernières nuits sans fermer l’œil et qu’il travaillait toute la journée, alors qu’auparavant il ne faisait que des demi-journées, et qu’il devait se rapporter toutes les deux heures après le travail. Le cpl Langridge a été décrit comme étant en larmes et anxieux, et les notes indiquaient qu’à l’idée de se voir obligé de retourner au travail ce jour-là, il avait déclaré : [traduction] « qu’il préférerait se suicider que de retourner au travail ».Note de bas de page 1646 Sur cette base, le cpl Langridge a été envoyé à l’HRA et y est resté du 11 au 13 mars 2008. Cela semble être l’incident rapporté à l’adjuc Ross par le personnel médical et décrit dans le compte rendu de son entrevue de 2008 avec le SNEFC.

481. Le Capt Hannah a dit dans son témoignage que la décision du Dr Robert Turner, qui avait rédigé les notes, d’envoyer le cpl Langridge à l’hôpital parce qu’il était suicidaire était une réponse appropriée.Note de bas de page 1647 Il a déclaré que [traduction] « seulement trois jours plus tard, [le cpl Langridge] se portait très bien et était heureux de sa situation ».Note de bas de page 1648 Selon lui, le fait que le cpl Langridge était bouleversé un jour et pas un autre jour ne signifie pas [traduction] « [...] que tout cela était une mauvaise idée ou qu’il était malheureux tout le temps [...] Il a certes dit au [Dr Robin Lamoureux] qu’il allait bien ».Note de bas de page 1649 Le Capt Hannah a souligné que la présence du cpl Langridge à l’UPSS (C) le 14 mars pour un renouvellement d’ordonnance [traduction] « indiquait très clairement » qu’il croyait avoir besoin de l’ordonnance et qu’il n’avait pas l’intention de s’enlever la vie à ce moment-là.Note de bas de page 1650 Le Capt Hannah a fait valoir que l’instabilité du cpl Langridge provenait du fait qu’il était en sevrage de cocaïne, comparant les effets au mécontentement et à l’irrationalité vécus par les personnes qui cessent de fumer.

482. L’adjum Watson a déclaré lors de son témoignage que cela [traduction] « aurait pu être »Note de bas de page 1651 utile à l’enquête de savoir que le cpl Langridge avait demandé un assouplissement des conditions et que sa demande avait été refusée. La preuve montre que le cpl Langridge, apparemment affolé, a dit qu’il trouvait les conditions insupportables et un retour au travail pire que la mort. Cependant, l’adjum Watson a affirmé lors de son témoignage que les notes consignées par le Dr Turner le 11 mars 2008 étaient [traduction] « pertinentes » et que les enquêteurs en ont pris une copie, mais il a jugé qu’elles n’étaient pas importantes pour déterminer si les conditions avaient pu contribuer au suicide du cpl Langridge. Il a expliqué que le fait que le cpl Langridge ait ensuite été renvoyé de l’hôpital (ayant d’abord affirmé par erreur dans son témoignage que le Dr Turner lui-même avait libéré le cpl Langridge après avoir noté ses inquiétudes) indiquait que les médecins n’étaient pas préoccupés par la possibilité qu’il se fasse du mal, ce qui signifie que la frustration du cpl Langridge en lien avec cette condition n’était pas pertinente à son suicide.

483. L’adjum Watson ne savait pas pourquoi le Dr Turner n’avait pas été interrogé.Note de bas de page 1652

484. Dans l’ensemble, les membres du SNEFC ont omis de reconnaître ou d’agir sur des preuves concernant les actions prises par le personnel du LdSH et le personnel médical de la base qui auraient pu avoir mis en danger le cpl Langridge ou exacerbé des risques présents. Les conditions pourraient ne pas avoir été adéquates pour empêcher le cpl Langridge de se faire du mal. Les conditions semblaient apparemment intolérables pour le cpl Langridge. Le défaut de prendre des mesures appropriées pour assurer sa sécurité devant une réaction aussi extrême pourrait aussi potentiellement être intervenu dans son décès.

Une surveillance pour risque de suicide avait-elle été planifiée?

485. Les entrevues du SNEFC avec le cplc Fitzpatrick, la cplc Bowden et l’adjuc Ross laissaient toutes supposer qu’une surveillance avait été planifiée pour le cpl Langridge à sa sortie de l’HAE. Des membres tels que la cplc Bowden ont fourni des preuves que des surveillances pour risque de suicide avaient effectivement lieu dans les FC, et elle a dit dans son témoignage qu’on lui avait expressément demandé de mettre sur pied une liste de personnes capables de mener une telle surveillance auprès du cpl Langridge avant que l’adjuc Ross ne l’annule.Note de bas de page 1653 La cplc Bowden a dit aux enquêteurs du SNEFC que la surveillance était déjà en cours, un membre ayant accompagné le cpl Langridge dans la chambre située derrière le comptoir de service, avant que la surveillance ne soit annulée.Note de bas de page 1654 Elle a également déclaré que le cpl Langridge avait déjà fait l’objet d’une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1655

486. Le cplc Ritco a déclaré à la Commission qu’après avoir procédé à toutes ses entrevues, il a conclu [traduction] « qu’une surveillance avait été mise en place – du personnel pour surveiller le caporal Langridge, au besoin, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ».Note de bas de page 1656 Cette conclusion n’apparait pas dans ses observations finalesNote de bas de page 1657 ni nulle part ailleurs dans le rapport d’enquête. Le cplc Ritco a également affirmé qu’il n’avait pas été en mesure de déterminer si cela voulait dire qu’une surveillance pour risque de suicide avait été planifiée.Note de bas de page 1658 L’adjuc Ross a dit au cplc Ritco que la surveillance prévue était une surveillance 24 heures par jour, dans un but non précisé, mais différent d’une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1659 Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage qu’il [traduction] « avait interprété cela comme s’il n’y avait pas eu de surveillance pour risque de suicide »Note de bas de page 1660 et qu’il avait accepté ces affirmations comme étant concluantes.Note de bas de page 1661

487. Le cplc Ritco s’est appuyé sur une affirmation qui ne semble pas pouvoir résister à un examen minutieux. La question évidente n’a jamais été posée. Si la surveillance n’était pas une surveillance pour risque de suicide, quel était son but? En outre, si c’était une surveillance pour risque de suicide, pourquoi a-t-elle été annulée, et l’annulation était-elle raisonnable dans les circonstances? Chaque question au sujet de la surveillance pour risque de suicide en faisait ou aurait dû en faire surgir d’autres. Il est inquiétant de constater que le cplc Ritco semble avoir tout simplement laissé ces questions en suspens.

488. Le cplc Ritco a affirmé dans son témoignage qu’il n’était pas en mesure de tirer des conclusions sur l’objet de la surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il ne comprenait pas pourquoi une surveillance constante aurait été planifiée si le cpl Langridge n’était pas suicidaire, et cela ne lui a jamais été expliqué.Note de bas de page 1662 Le paradoxe aurait dû, en soi, être révélateur, puisque la difficulté de répondre à cette question faisait ressortir l’invraisemblance de sa prémisse même.

489. Une réponse cadre mieux avec la preuve recueillie par les enquêteurs du SNEFC ou qu’ils auraient pu facilement obtenir. En termes simples, un plan avait été élaboré pour surveiller le cpl Langridge afin de l’empêcher de se faire du mal.

L’objectif de la surveillance planifiée

490. Le cplc Ritco n’a pas déterminé pourquoi le cpl Langridge devait résider dans la chambre des contrevenants – peut-être dès le 5 mars 2008, le jour de sa sortie de l’hôpital – s’il n’était pas un contrevenant ou soumis à une forme de surveillance pour risque de suicide.

491. L’affirmation de l’adjuc Ross à l’effet qu’il ne pouvait légalement procéder à une surveillance pour risque de suicide soulevait d’autres questions. Quel était le fondement de la conviction de l’adjuc Ross? Comment cette conviction pouvait-elle être conciliée avec la preuve indiquant que d’autres surveillances pour risque de suicide avaient déjà été organisées? Et dans quelles circonstances une telle contrainte pourrait-elle changer? Le cplc Ritco n’a pas enquêté sur l’affirmation selon laquelle le régiment n’était pas légalement en mesure de procéder à une surveillance pour risque de suicide sans instruction explicite d’un médecin. Répondre à cette question aurait permis aux membres du SNEFC d’acquérir une meilleure compréhension de ce que le LdSH aurait pu faire concernant le cpl Langridge et des conséquences potentielles de prendre certaines mesures. Toutes ces questions semblent pertinentes à la question de la négligence.

492. Sur un thème connexe, le cplc Ritco n’a pas enquêté pour savoir pourquoi une surveillance n’a pas été menée après que le cpl Langridge ait participé à la revue des malades la semaine où il est décédé. Si, comme il a été suggéré au cplc Ritco, le critère empêchant d’organiser une surveillance pour risque de suicide était la nécessité que le personnel médical ait dit au régiment que le cpl Langridge était suicidaire, pourquoi n’a-t-elle pas été organisée une fois que le personnel médical a informé l’adjuc Ross que le cpl Langridge exprimait activement des pensées suicidaires?Note de bas de page 1663 Quels devoirs de tels renseignements auraient-ils dû déclencher dans les circonstances?

493. On a demandé au cplc Ritco pourquoi il avait conclu cet aspect de l’enquête bien qu’il ait été incapable de trancher la question. Il a déclaré lors de son témoignage :

[traduction]

Étant donné que j’ai parlé avec l’adjudant-chef Ross à la fin de mon enquête, il y avait essentiellement -- il a confirmé qu’avec toutes les rumeurs selon lesquelles il était sous surveillance pour risque de suicide, il n’était pas sous surveillance pour risque de suicide; il était parmi les contrevenants, il n’était pas parmi les contrevenants, c’est la raison pour laquelle nous sommes allés parler avec l’adjudant-chef Ross comme étant la personne chargée de la discipline au LdSH, pour apprendre directement de lui ce qui s’était passé exactement.

Donc, pour répondre à votre question, oui, essentiellement lorsque nous avons fini de parler avec lui j’ai été amené à croire qu’il n’y avait pas eu de surveillance pour risque de suicide, que les gens étaient en train de s’organiser au cas où il deviendrait nécessaire de surveiller Stuart, mais il a dit qu’il n’y avait pas de surveillance pour risque de suicide et qu’il n’était pas un contrevenant.

M. Freiman : D’accord. Je note que vous avez dit, [traduction] « amené à croire », mais vous êtes un enquêteur, Monsieur, alors une des choses que vous devez faire est de tirer des conclusions.

Sgt Ritco : Absolument.

M. Freiman : Pas seulement être amené à croire. Donc, quand vous avez entendu cela, que vous avez entendu qu’il y avait peut-être eu une surveillance mais que ce n’était pas une surveillance pour risque de suicide, de quel genre de surveillance aurait-il pu s’agir si ce n’était pas une surveillance pour risque de suicide?

Sgt Ritco : Je ne sais pas, Monsieur, mais vous devriez demander cela à l’adjudant-chef Ross

M. Freiman : L’avez-vous fait?Note de bas de page 1664

494. Le cplc Ritco a bien demandé à l’adjuc Ross quel était le but de la surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, mais lorsque l’adjuc Ross lui a dit qu’il ne s’agissait pas d’une surveillance pour risque de suicide, il n’a pas demandé quel autre but pouvait avoir cette surveillance.Note de bas de page 1665 En ce qui concerne la raison pour laquelle il n’a pas posé cette question fondamentale à l’adjuc Ross, le cplc Ritco a répondu candidement :

[traduction]

Je faisais une enquête sur une mort subite, Monsieur. Je ne peux pas penser à toutes les questions. Je veux dire en regardant en arrière maintenant, avec tous les problèmes concernant la surveillance pour risque de suicide et les contrevenants, peut-être que c’est une question que j’aurais dû poser. À l’époque je ne croyais pas que c’était pertinent – [...] – ou je n’avais pas l’impression que je devais le demander.Note de bas de page 1666 [Caractères gras ajoutés]

495. Interrogé à ce sujet lors de son témoignage devant la Commission, l’adjuc Ross a reconnu que, de façon générale, l’objet d’une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 est de protéger la personne sous surveillance.Note de bas de page 1667 Il a également admis qu’il y avait très peu de différence entre la surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qu’il avait proposée et une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1668 L’adjuc Ross a même admis la possibilité que le cplc Fitzpatrick l’ait entendu prononcer l’expression « surveillance pour risque de suicide » et, qu’à partir de là, elle se soit propagée dans tout le régiment.Note de bas de page 1669

496. Un rapport de mise à jour sur le patient provenant de M. Strilchuk, daté du 7 mars 2008, a été présenté à l’adjuc Ross lors de son témoignage.Note de bas de page 1670 Dans ce document, M. Strilchuk a écrit que le cpl Langridge venait de rentrer d’un séjour de 30 jours à l’HAE et qu’il s’était engagé à respecter de nombreuses restrictions, mais qu’il était [traduction] « totalement non observant ».Note de bas de page 1671 Il était tellement non observant, qu’il [traduction] « devait être envoyé à son unité pour être gardé sous surveillance étroite ».Note de bas de page 1672 M. Strilchuk préconisait des restrictions professionnelles interdisant au cpl Langridge d’utiliser des armes et de conduire, et il a indiqué qu’il nécessitait une supervision et un suivi serrés.

497. L’adjuc Ross a reconnu que la recommandation de [traduction] procéder à une « supervision étroite » pourrait signifier une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ou quelque chose de semblable.Note de bas de page 1673 Il ne croyait pas qu’il était possible de faire une telle surveillance sans motif disciplinaire ou médical, mais il a convenu qu’elle aurait pu être faite si la clinique de la base avait demandé une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le facteur limitant aurait été que le personnel du LdSH n’était [traduction] « pas vraiment formé pour cela ».Note de bas de page 1674

498. On a ensuite présenté à l’adjuc Ross les notes de restrictions médicales du Capt Hannah concernant le cpl Langridge, également consignées le 7 mars 2008.Note de bas de page 1675 Dans ce document, le Capt Hannah ordonnait une période de [traduction] « supervision au LdSH » de trois jours.Note de bas de page 1676 On a demandé à l’adjuc Ross s’il avait compris que le Capt Hannah ordonnait une surveillance de trois jours, et si c’était sur cette base qu’il avait conçu le plan de surveillance pour risque de suicide, qui a ensuite été rejeté par le Maj Jared. L’adjuc Ross a répondu lors de son témoignage qu’il ne se souvenait pas de ce qu’il avait discuté avec le Maj Jared.Note de bas de page 1677 Il a nié que cette conversation lui ait fait changer d’avis au sujet de la surveillance, et il a répété que le changement était le résultat des discussions continues avec le Capt Hannah.

Preuve au sujet des FC et des « surveillances pour risque de suicide »

499. Il y a des preuves indiquant qu’une « surveillance pour risque de suicide » n’est pas un concept reconnu officiellement au sein des FC. Le Maj Jared a dit lors de son témoignage que la surveillance pour risque de suicide n’est pas une notion inconnue, mais elle [traduction] « n’existait pas » au sein du régiment.Note de bas de page 1678 Par contre, de nombreux membres étaient conscients que de telles surveillances avaient été employées en pratique. En plus de la cplc Bowden et du sgt Hiscock, le Lt Dunn a dit dans son témoignage qu’on lui avait ordonné de surveiller le cpl Langridge, et que le but de cette surveillance était d’empêcher qu’il se suicide.Note de bas de page 1679 Le Maj Cadieu a affirmé dans son témoignage qu’il avait été impliqué dans plusieurs surveillances pour risque de suicide, et y avait participé, au fil des ans, les décrivant comme une période d’observation 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (effectivement une garde assurant une surveillance constante) quand un membre présente une menace crédible de se faire du mal.Note de bas de page 1680 Plus précisément, lorsque le cpl Langridge est sorti de l’HRA en février 2008, le Maj Cadieu avait envoyé un courriel à la direction du LdSH pour l’informer qu’il avait été conduit à sa propre résidence et qu’un ami (probablement le cpl Bartlett)Note de bas de page 1681 avait proposé de passer la soirée avec lui. Le Maj Cadieu avait spécifiquement mentionné la possibilité d’effectuer une [traduction] « surveillance » :

[traduction]

SPA [probablement ‘soyez prêt à’] fournir des soldats pour ‘surveiller’ le cpl Langridge seulement si ordonné par le commandant / SMR / adjudant, après consultation avec la communauté médicale. Ce n’est pas req [requis] pour le moment.Note de bas de page 1682

500. Les destinataires de ce message comprenaient le Maj Jared, le lcol Demers, l’adjuc Ross, le Capt Lubiniecki, le Capt W.R. Hubbard et l’adjum Mulhern. On ignore si quelque chose a été dit en réponse.

501. Même le Capt Lubiniecki, qui a nié l’utilisation de surveillances pour risque de suicide au sein des FC, a reconnu que des soldats peuvent être soumis à différents types de surveillance pour de multiples raisons, y compris leur santé ou leur sécurité.Note de bas de page 1683 Sa principale objection à la notion selon laquelle les FC organisent des surveillances pour risque de suicide semblait être que la communauté médicale pourrait libérer des personnes sous leurs soins après avoir évalué qu’elles ne représentaient pas un risque pour elles-mêmes, tout en demandant qu’elles soient placées sous surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1684 L’adjuc Ross a dit lors de son témoignage que bien qu’il n’avait jamais eu à organiser une surveillance pour risque de suicide, il savait que cela pouvait se faire au sein des FC.Note de bas de page 1685 Ainsi, cela pourrait arriver si une personne devait être surveillée dans les cellules de la PM mais qu’en raison d’une pénurie de personnel disponible au sein de la PM, l’unité assurerait la surveillance à sa place. Il a aussi dit dans son témoignage que cela pourrait se produire si on manquait de personnel à l’hôpital, auquel cas des membres se chargeraient de la surveillance.Note de bas de page 1686

Surveillances pour risque de suicide antérieures

502. Au-delà des preuves montrant que les surveillances pour risque de suicide n’étaient pas une pratique inconnue dans les FC, il y avait aussi des preuves à la disposition des enquêteurs indiquant que les surveillances pour risque de suicide avaient été discutées dans le cas du cpl Langridge en mars 2008 et lors d’incidents antérieurs dans les derniers mois de sa vie. Si les membres du SNEFC avaient interrogé des témoins tels que Mme Ferdinand, une infirmière de soins primaires à l’UPSS (C) de la base en 2008, ils auraient appris qu’elle avait été informée en mars 2008 qu’un [traduction] « plan de sécurité » serait mis en place pour le cpl Langridge à sa sortie de l’HAE, et qu’il serait [traduction] « surveillé ».Note de bas de page 1687 En fait, elle avait participé à des discussions répétées au sujet du niveau approprié de soins et de surveillance requis pour assurer la sécurité du cpl Langridge.

503. La décision du cpl Langridge de se retirer du programme de traitement en résidence contre la toxicomanie en janvier 2008 a provoqué une sorte de crise. Don Perkins, un CATB, a approché Mme Ferdinand le 11 janvier 2008 pour l’informer que le cpl Langridge avait quitté le programme Edgewood et refusait de se présenter à la clinique de la base pour y subir une évaluation.Note de bas de page 1688 M. Perkins était extrêmement préoccupé par la santé du cpl Langridge parce qu’il avait tenté de se suicider auparavant, et il croyait qu’il était à nouveau en danger. Mme Ferdinand a contacté le Capt Lubiniecki pour l’informer de ce qui s’était passé et, qu’ayant abandonné le traitement prématurément, le cpl Langridge était considéré comme ASP. Elle a dit au cours de son témoignage que, selon son souvenir, elle avait alors informé le Capt Lubiniecki que le cpl Langridge était à risque de suicide.Note de bas de page 1689 Selon Mme Ferdinand, le Capt Lubiniecki avait d’abord été incapable de rejoindre le cpl Langridge, puis il avait finalement réussi. Le Capt Lubiniecki l’a informé que le cpl Langridge était stable et qu’il avait promis de ne pas se faire de mal au cours du week-end.Note de bas de page 1690 Mme Ferdinand était en désaccord avec les actions du Capt Lubiniecki et l’a pressé de ramener le cpl Langridge à la base avec l’aide de la PM, mais il n’estimait pas que cela était nécessaire. Le Capt Lubiniecki ne se souvenait pas avoir eu cette discussion et n’avait pas de notes à ce sujet, mais il n’a pas contesté que cela avait eu lieu.Note de bas de page 1691

504. Dans la nuit du 31 janvier 2008, le cpl Langridge s’est mis une corde autour du cou pour tenter de se pendre à la maison.Note de bas de page 1692 Mme Ferdinand a dit lors de son témoignage qu’à la suite de l’hospitalisation du cpl Langridge au RAH du 1er au 4 février 2008, elle a été contactée par le Dr Chu et informée à la fois de la sortie imminente du cpl Langridge et du fait qu’il avait tenté de se suicider alors qu’il était sous leurs soins.Note de bas de page 1693 Cela signifiait que le cpl Langridge, qui était de toute évidence en détresse et par conséquent à risque de tenter encore une fois de se faire du mal, devait être ramené au sein des FC.

505. Mme Ferdinand était mécontente du fait que l’hôpital civil ne gardait les patients que pour une période de 48 à 72 heures pour procéder à une évaluation après leur admission. Elle était inquiète de la libération du cpl Langridge parce qu’il ne semblait pas stable, mais on lui a dit qu’il était renvoyé parce qu’il n’était pas suicidaire à ce moment-là.Note de bas de page 1694 Mme Ferdinand a discuté du congé imminent avec le Capt Hubbard, l’aumônier du régiment, et M. Strilchuk, le 4 février 2008.Note de bas de page 1695 Personne n’était d’avis que le cpl Langridge aurait dû être libéré, et elle a dit dans son témoignage que la clinique de la base n’était tout simplement pas équipée pour fournir le genre de soins dont le cpl Langridge avait besoin 24 heures sur 24.Note de bas de page 1696 Ses notes indiquent qu’ils croyaient qu’une surveillance était nécessaire parce qu’à leur avis, le cpl Langridge n’était pas stable.Note de bas de page 1697 Selon Mme Ferdinand, si le cpl Langridge avait eu de la famille dans la région, l’équipe aurait demandé l’aide de quelqu’un pour assurer sa sécurité. Pour un cas comme celui du cpl Langridge, ils n’auraient pas eu d’autre choix que d’impliquer le régiment dans une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1698

506. Un médecin aurait à décider qu’une telle surveillance était nécessaire. Mme Ferdinand a affirmé dans son témoignage qu’elle ne savait pas ce qui était advenu du cpl Langridge lorsqu’il a été libéré le 4 février 2008, mais elle a appris du Capt Hubbard, le 5 février 2008, que la surveillance était inutile parce que le cpl Langridge s’était rendu à l’HAE pour une évaluation et qu’il y avait été admis.Note de bas de page 1699 Elle a informé le Capt Lubiniecki et le chirurgien par intérim de la base de cet événement. À la lumière du courriel du 4 février du Maj Cadieu, il est évident qu’au moins quelques membres de la chaîne de commandement étaient au courant d’un projet de surveillance – possiblement une surveillance pour risque de suicide – et de la raison pour laquelle elle a été annulée.

La surveillance de mars 2008

507. Mme Ferdinand a été contactée par l’hôpital lorsque le cpl Langridge était sur le point de quitter l’HAE en mars 2008.Note de bas de page 1700 Elle a dit lors de son témoignage qu’elle avait participé à la coordination entre les conseillers de la base, les médecins et le LdSH au sujet des actions qui allaient être prises dans le cas du cpl Langridge pendant qu’il était à la base. La sécurité du cpl Langridge était un sujet de préoccupation, et elle s’est rappelé que le Capt Hannah avait contacté le Capt Lubiniecki pour s’assurer qu’un [traduction] « plan de sécurité » était en place. Il préparait une série de restrictions alors que le LdSH prenait des dispositions pour mettre en œuvre le plan. Elle croyait que cela faisait référence à une surveillance qui devait être assurée par le LdSH.Note de bas de page 1701

508. Dans la matinée du 7 mars 2008, le cpl Langridge s’est rendu à l’Unité de prestation des soins. Les notes du Capt Hannah indiquent que le cpl Langridge était bouleversé et [traduction] « ne suivait pas le plan du CATB ».Note de bas de page 1702 À ce point, le Capt Hannah a élaboré des restrictions médicales à l’emploi devant être envoyées à l’adjuc Ross. Mme Ferdinand a indiqué dans son témoignage qu’elle avait téléphoné au Capt Lubiniecki le 7 mars 2008. Il lui a envoyé un courriel plus tard ce matin-là indiquant qu’il était en congé, mais qu’il faisait parvenir une copie à l’adjuc Ross et au Capt Craig Volstad, en lui donnant leurs coordonnées.Note de bas de page 1703

509. Dans l’après-midi du 7 mars 2008, le Capt Volstad a répondu au message du Capt Lubiniecki pour dire que des dispositions avaient été prises pour [traduction] « surveiller » le cpl Langridge durant le week-end au moyen d’appels téléphoniques et d’un horaire de rapport.Note de bas de page 1704 Le Capt Hannah a indiqué à Mme Ferdinand que la situation était prise en charge, mais elle n’a pas été informée des conditions ou d’aucun des arrangements pris.Note de bas de page 1705 Le Capt Volstad, qui n’a pas été interrogé par le SNEFC en 2008, a affirmé dans son témoignage qu’il comprenait que le but de la surveillance visait à empêcher le cpl Langridge de se faire du mal et d’utiliser des substances illicites.Note de bas de page 1706 Il a aussi déclaré que, selon son souvenir, d’autres membres ont cherché à obtenir des conseils juridiques et médicaux quant à la meilleure façon de procéder.Note de bas de page 1707 Le courriel du Capt Volstad au Capt Lubiniecki (envoyé à 14 h 46, le 7 mars 2008)Note de bas de page 1708 a été envoyé environ une heure avant que l’adjuc Ross ne fasse parvenir par courriel la version finale des conditions au Maj Jared et au Capt Lubiniecki (à 15 h 35).Note de bas de page 1709 Le Capt Volstad ne se souvenait pas pourquoi autant de temps s’était écoulé. Il est possible qu’au cours de cet intervalle, l’adjuc Ross et le Maj Jared discutaient de la version finale des conditions. Lors de son témoignage, le Capt Volstad a dit qu’il ne considérait pas que les conditions imposées faisaient partie d’un [traduction] « essai de bonne conduite ». Son interprétation à l’époque était [traduction] « que cela visait à 100 p. 100 à protéger le soldat ».Note de bas de page 1710

510. Le témoignage du Maj Jared permet de mieux comprendre ce qui s’est passé cet après-midi-là. Lorsque, le 7 mars 2008, l’adjuc Ross a présenté au Maj Jared la première version des conditions à imposer au cpl Langridge, (qui affirmait que [traduction] « les membres des FC surveillent le cpl Langridge constamment avec l’intention de l’empêcher de se suicider »),Note de bas de page 1711 le Maj Jared a dit dans son témoignage qu’il a rejeté cette disposition parce qu’il avait deux préoccupations majeures.Note de bas de page 1712 Tout d’abord, une surveillance 24 heures sur 24 serait trop intrusive pour le cpl Langridge. De plus, il était préoccupé par la possibilité que les membres du LdSH affectés à cette tâche ne soient pas capables de mener à bien une surveillance pour risque de suicide, et le LdSH [traduction]« [...] accepterait une certaine part de responsabilité en raison de la présence de soldats armés sans formation médicale qui seraient responsables de ce qui pourrait être perçu comme des soins médicaux étroits et intensifs à un membre ».Note de bas de page 1713

511. Alors que l’adjuc Ross a indiqué plus tard aux enquêteurs que le régiment n’aurait pas légalement pu procéder à une surveillance pour risque de suicide, le Maj Jared a affirmé lorsqu’il a témoigné que sa préoccupation ne portait pas sur l’autorisation légale de procéder à une telle surveillance. Il a plutôt demandé un avis juridique sur la responsabilité éventuelle. Il a ensuite ordonné à l’adjuc Ross de ne pas aller de l’avant avec ce projet et, au cours de ses discussions avec l’adjuc Ross, les conditions finalement imposées au cpl Langridge ont été mises en place.

512. Le Maj Jared a dit dans son témoignage qu’il n’était pas certain du fondement sur lequel on pouvait s’appuyer pour effectuer une surveillance pour risque de suicide parce qu’il n’y avait pas de réglementation dans les ORFC, les OAFC ou les DOAD faisant mention des surveillances pour risque de suicide.Note de bas de page 1714 Il doutait également que les militaires aient la formation requise pour assumer une telle tâche, et que le volet médical aurait dû être responsable de cette surveillance. Cependant, il a affirmé dans son témoignage qu’il ne contestait pas qu’il aurait été possible sur le plan opérationnel de mettre en œuvre les arrangements que l’adjuc Ross avait pris à l’origine – que des soldats effectuent une surveillance constante du cpl Langridge à l’intérieur du périmètre du régiment pour l’empêcher de se faire du mal, sans avoir à l’emprisonner.Note de bas de page 1715

513. La preuve recueillie au cours des audiences de la Commission auprès de témoins que les membres du SNEFC n’ont pas interrogés et de sources que les membres du SNEFC n’ont pas consultées démontre qu’il y a beaucoup d’ambiguïté et de nuance dans toute affirmation à l’effet [traduction] « qu’il n’y avait pas de surveillance pour risque de suicide ». Pour être juste envers les témoins, la preuve ne fait pas ressortir d’intention trompeuse ou mensongère de la part d’aucun témoin au moment de l’enquête de 2008 ou lors de leur témoignage durant les audiences de la Commission. Néanmoins, la preuve appuie massivement la conclusion que quelque chose ressemblant à une surveillance pour risque de suicide a été au moins planifiée par les membres du LdSH au retour du cpl Langridge de l’hôpital. Des mesures pourraient même avoir été prises pour effectuer une surveillance, quoi que la déclaration de la cplc Bowden selon laquelle la surveillance était déjà en cours lorsqu’elle a été annulée, reste à confirmer. Des membres du personnel médical de la base avaient recommandé que le cpl Langridge fasse l’objet d’une supervision supplémentaire. Le seul but identifié de la surveillance proposée était d’empêcher le cpl Langridge de se faire du mal.

514. Le cplc Ritco a reconnu dans son témoignage que la preuve provenant de l’Unité indiquait qu’un plan avait été élaboré pour organiser une certaine forme de surveillance du cpl Langridge – une surveillance serait maintenue 24 heures par jour et 7 jours par semaine, si nécessaire.Note de bas de page 1716 Il a reconnu que la preuve concordait pour soutenir que des plans étaient en voie d’élaboration au cas où cela deviendrait nécessaire, jusqu’au moment où, selon l’allégation du cplc Fitzpatrick, l’adjuc Ross a annulé la surveillance.Note de bas de page 1717 Dans ces circonstances, il y a des raisons de douter que l’on puisse étayer une conclusion à l’effet qu’il n’y avait pas de surveillance pour risque de suicide.

515. Il pourrait très bien y avoir eu des obstacles juridiques ou administratifs à la réalisation d’une telle surveillance. Les objections du cpl Langridge à une surveillance trop étroite et aux contraintes associées à une surveillance pour risque de suicide ont pu jouer un rôle dans l’annulation de celle-ci, mais cela était loin de mettre un terme à la question pour les enquêteurs du SNEFC. Il est possible également que la décision ait été prise sans lui. Tout d’abord, des renseignements en possession des membres du SNEFC, ou auxquels ils auraient pu facilement avoir accès, indiquent que des personnes au sein de la chaîne de commandement du LdSH et du personnel médical de la base étaient conscients que le cpl Langridge était à risque de se blesser. Il y avait de l’information à l’effet que des mesures pour le protéger étaient en préparation. Si le SNEFC avait interrogé des membres plus haut placés dans la chaîne de commandement du LdSH concernant la surveillance pour risque de suicide, le SNEFC aurait probablement appris qu’une des principales raisons pour annuler cette surveillance était une préoccupation au sujet de la responsabilité juridique. En raison de la façon dont l’enquête du SNEFC a été conçue et menée, de nombreuses possibilités qui auraient permis de résoudre des ambiguïtés et des contradictions ont été mises de côté, minimisées, oubliées ou rejetées.

Le cpl Langridge aurait-il dû être placé sous surveillance pour risque de suicide?

516. Du point de vue d’un enquêteur examinant la possibilité qu’il y ait eu des actes ou des omissions potentiellement négligents, la prochaine question aurait été naturellement de savoir si le refus de monter une surveillance dans ces circonstances pouvait potentiellement constituer de la négligence. Lorsqu’on lui a demandé si une partie quelconque de l’enquête avait porté sur la décision d’organiser ou non une surveillance pour risque de suicide, et quels étaient les motifs de cette décision, l’adjum Watson a déclaré lors de son témoignage qu’il ne voyait aucune nécessité d’enquêter sur ce sujet.Note de bas de page 1718 L’adjum Watson a par la suite admis au cours de son témoignage qu’il ne se rappelait pas que des informations sur cette question aient été portées à son attention. Il a également affirmé qu’il aurait consulté ses supérieurs si de tels renseignements avaient été obtenus,Note de bas de page 1719 plutôt que de les rejeter purement et simplement. Malheureusement, en raison de l’omission de rechercher plus de détails sur le projet de surveillance pour risque de suicide, cette information n’a jamais été trouvée.

517. Si les conditions étaient destinées à empêcher le cpl Langridge de se faire du mal, leur échec et l’échec de monter une surveillance efficace pour risque de suicide pourraient bien avoir constitué une preuve de négligence. Si l’on conclut qu’il n’y a pas eu d’effort de prévention à l’endroit du cpl Langridge, une question qui se pose est [traduction] : « Aurait-on dû placer le cpl Langridge sous surveillance pour risque de suicide »? Cette question n’a jamais été sérieusement envisagée par les enquêteurs. L’omission d’effectuer une surveillance là où elle était requise pourrait potentiellement constituer de la négligence dans l’exécution d’un devoir.

518. Si les membres du SNEFC avaient mieux compris les notions de négligence et de devoir de diligence, ils auraient peut-être reconnu des éléments de preuve potentiellement pertinents à la création éventuelle d’une obligation pour les FC de protéger le cpl Langridge contre lui-même. Cela englobait le rappel du cpl Langridge d’un hôpital, où il était apparemment en sécurité et sous une supervision et un suivi très serrés, pour le placer dans un contexte militaire où il avait plus de liberté, était plus à risque, et subissait une pression et une stigmatisation plus grandes. Les entrevues menées par le SNEFC ont fait ressortir que les tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge étaient [traduction] « de notoriété publique » au sein du régiment. L’enquête a confirmé que les cadres supérieurs étaient au courant de ces tentatives.Note de bas de page 1720 Les enquêteurs savaient aussi que le cpl Langridge avait exprimé clairement des intentions suicidaires trois ou quatre jours avant son décès et qu’il avait été hospitalisé.Note de bas de page 1721 Malgré cela, les enquêteurs du SNEFC ne se sont pas demandé si, même en l’absence d’une surveillance pour risque de suicide, il n’y avait pas encore une obligation pour les FC de mettre en place des mesures destinées à assurer la sécurité du cpl Langridge. Ils n’ont pas considéré la possibilité que le LdSH ait pu faire preuve de négligence en omettant de mettre en place une surveillance efficace pour risque de suicide. Le cplc Ritco,Note de bas de page 1722 l’adj Tourout,Note de bas de page 1723 l’adjum Watson,Note de bas de page 1724et le Maj FreiNote de bas de page 1725 ont tous affirmé dans leurs témoignages qu’ils croyaient que cette question outrepassait la portée de l’enquête. Le cplc Ritco a dit : [traduction] « Ce n’est pas ce sur quoi j’enquêtais, Monsieur ».Note de bas de page 1726

519. Le sgt Bigelow a dit lors de son témoignage qu’il s’attendait à ce que la question concernant la nécessité d’une surveillance pour risque de suicide surgisse pendant l’enquête, puisqu’elle était pertinente à celle de la négligence, mais elle n’est pas ressortie au premier plan.Note de bas de page 1727 Bien qu’il ait reconnu que des questions en lien avec la négligence auraient été soulevées si une surveillance avait été requise mais n’avait pas été effectuée, l’adj Tourout a déclaré lors de son témoignage que la pertinence de la question de savoir si une surveillance était effectivement requise ou nécessaire ne lui serait pas venue à l’esprit.Note de bas de page 1728 Il a rejeté cette question comme n’étant pas celle sur laquelle le SNEFC devait enquêter.Note de bas de page 1729 En raison de la conclusion à l’effet qu’il n’y avait pas eu de surveillance pour risque de suicide, l’adj Tourout a jugé inutile d’examiner la question de savoir si une surveillance aurait dû être organisée à la lumière de ce que le LdSH savait à l’époque. Il a reconnu que la preuve avait démontré que la chaîne de commandement était au courant des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge.Note de bas de page 1730 Cependant, à son avis, cette question aurait relevé d’une CE.Note de bas de page 1731 Cela ramène le propos tout droit au fait que la question d’une éventuelle négligence a été circonscrite artificiellement par les enquêteurs de manière à déterminer simplement si, oui ou non, une surveillance pour risque de suicide était en place au moment du décès du cpl Langridge.

520. L’adjum Watson a dit dans son témoignage que la question de savoir si le cpl Langridge aurait dû être sous surveillance pour risque de suicide débordait le cadre de l’enquête sur la mort subite de 2008. Il a reconnu que cela aurait pu être le sujet d’une enquête distincte si les enquêteurs avaient porté à son attention qu’une surveillance aurait dû être effectuée.Note de bas de page 1732 Encore une fois, ce raisonnement devient circulaire, parce que la preuve entourant la question de savoir si une surveillance aurait dû ou non être effectuée n’a pas été recherchée par les enquêteurs, et cette question n’a même pas été reconnue comme une avenue d’enquête possible. Une autre conséquence du défaut de saisir correctement ou d’aborder tous les aspects de la question de la négligence dans l’enquête de 2008 est le fait que les membres du SNEFC impliqués dans l’enquête de 2010, qui devaient examiner spécifiquement la question des infractions pénales ou d’ordre militaire potentielles découlant de la négligence des FC, n’ont pas non plus posé l’une ou l’autre des questions pertinentes, estimant apparemment qu’elles avaient toutes été résolues en 2008.Note de bas de page 1733

521. Certains membres de l’équipe de santé mentale de la base, y compris Mme Ferdinand et M. Strilchuk, avaient recommandé que le cpl Langridge fasse l’objet d’un suivi ou d’une surveillance pour risque de suicide au sein du régiment. Il a déjà été noté que ces personnes, ainsi que le Capt Hubbard, croyaient qu’une surveillance était nécessaire le 4 février 2008, et les enquêteurs du SNEFC avaient en leur possession des notes à ce sujet. Les membres du SNEFC savaient aussi que, le 7 mars 2008, M. Strilchuk avait recommandé que le cpl Langridge fasse l’objet d’une supervision et d’une surveillance étroites, et qu’il avait également recommandé de limiter ses heures de travail et de lui interdire d’utiliser une arme et de conduire un véhicule. M. Strilchuk n’a pu témoigner lors des audiences de la Commission en raison de problèmes de santé, mais la preuve qu’il a soumise par affidavit indique clairement qu’il était grandement préoccupé par l’état mental du cpl Langridge le 7 mars 2008. En conséquence, il a cherché à faire emmener le cpl Langridge dans un endroit sûr où il serait constamment surveillé et accompagné par un ou deux membres devant rester avec lui en tout temps.Note de bas de page 1734 Certains détails dans l’affidavit de M. Strilchuk posent des difficultés.Note de bas de page 1735 M. Strilchuk n’a jamais été interrogé par le SNEFC, ce qui signifie que son témoignage n’a pas été obtenu à un moment où ses souvenirs étaient plus précis et que ses allégations auraient pu être dûment examinées.

522. Secoué, le cpl Rohmer a dit au cplc Ritco lors de son entrevue de 2008 qu’il croyait que le cpl Langridge aurait dû être sous surveillance pour risque de suicide compte tenu du risque accru qu’il présentait alors et du fait que le régiment était au courant qu’il était suicidaire et qu’il avait fait d’autres tentatives de suicide antérieurement. On a demandé à l’adj Tourout si cela était le point de départ d’une plainte à l’effet que le LdSH avait l’obligation de faire quelque chose, à la lumière de ce qu’il savait à propos du cpl Langridge. Il a nié qu’il s’agissait d’une plainte, indiquant que ce n’était qu’une simple opinion émise par le cpl Rohmer. À son avis, cela n’aurait pas pu constituer le fondement d’une plainte parce que [traduction] « l’ensemble des éléments de preuve contenus dans le rapport » était [traduction] « loin, très loin » d’appuyer cette opinion.Note de bas de page 1736

Connaissance des tentatives de suicide antérieures et des risques courants

523. Déterminer si la chaîne de commandement du LdSH était au courant ou non des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge aurait été pertinent à la question de savoir si les FC avaient un devoir de diligence envers le cpl Langridge pour l’empêcher de se faire du mal. L’existence d’un tel devoir et le défaut de s’en acquitter pourraient constituer un élément fondamental de la négligence.Note de bas de page 1737

524. Il y avait des preuves indiquant que la chaîne de commandement du LdSH était bien au fait d’un certain nombre de tentatives de suicide du cpl Langridge. Le lcol Demers a dit lors de son témoignage qu’il ne se serait pas attendu à ce que le personnel médical l’informe au sujet des pensées suicidaires du cpl Langridge,Note de bas de page 1738 mais pour sa part, l’adjuc Ross était au courant de la plupart des tentatives de suicide du cpl Langridge, y compris les propos suicidaires explicites qu’il avait énoncés le 11 mars 2008.

525. Un incident établi clairement par la preuve, qui aurait dû être connu d’au moins certains des membres de la chaîne de commandement du LdSH, s’est produit en octobre 2007, lorsque le cpl Langridge a tenté de se suicider en ingérant une surdose de médicaments. L’incident a été découvert lorsque l’adjuc Ross a dépêché la sgt Anick Murrin, shérif du régiment et qui était sous son commandement,Note de bas de page 1739 à la résidence du cpl Langridge lorsqu’il a omis de se présenter à son poste.

526. Mme A a déclaré lors de son témoignage qu’elle s’était rendue à la base et avait demandé l’aide du LdSH, en disant que le cpl Langridge avait [traduction] « [...] avalé deux bouteilles entières de pilules qui, en autant que je sache, étaient remplies de ses médicaments d’ordonnance [...] ».Note de bas de page 1740 La sgt Murrin a témoigné qu’à la fin octobre 2007, on lui avait demandé de se rendre à la résidence du cpl Langridge parce qu’il ne s’était pas présenté ce matin-là et que Mme A avait communiqué avec le LdSH et demandé qu’on aille faire une vérification.Note de bas de page 1741 Après que Mme A lui ait donné la clé de la résidence, la sgt Murrin s’est présentée au domicile avec deux membres de la police du régiment.Note de bas de page 1742 Elle a frappé à la porte d’entrée, mais il n’y a pas eu de réponse. Elle a envoyé un policier à la porte arrière, mais personne n’a répondu; elle a alors utilisé la clé pour entrer dans la maison.Note de bas de page 1743 La sgt Murrin a trouvé le cpl Langridge endormi et difficile à réveiller dans une chambre au deuxième étage. Lorsqu’elle a crié le nom du cpl Langridge, celui-ci s’est finalement réveillé.Note de bas de page 1744 Le cpl Langridge était obéissant et il s’est levé pour aller aux toilettes, mais il était si somnolent qu’à son retour, il est retombé dans le lit et s’est endormi à nouveau. La sgt Murrin a appelé la clinique médicale de la base pour obtenir des conseils; on lui a dit d’appeler le 911 et de l’envoyer dans un hôpital civil. C’est ce qu’elle a fait, et les ambulanciers ayant répondu à l’appel l’ont conduit à l’hôpital en apportant ses bouteilles de médicaments.Note de bas de page 1745 La sgt Murrin a alors téléphoné au SMR, l’adjuc Ross, et l’a mis au courant des derniers développements avant de retourner à la base.

527. L’adjuc Ross a dit dans son témoignage qu’il ne se souvenait pas de la conversation précise qu’il avait eue avec la sgt Murrin au sujet de l’incident, mais il aurait été normal qu’elle lui fasse un rapport sur ce qui s’était passé. Lorsqu’on lui a demandé si cette situation aurait mis davantage en évidence que quelque chose n’allait pas chez le cpl Langridge, l’adjuc Ross a répondu : [traduction] « Il y aurait certainement eu là une cause d’inquiétude, je suppose, oui ».Note de bas de page 1746

528. Le cplc Ritco a été informé de cet incident par la sgt Murrin en avril 2008,Note de bas de page 1747 mais il ne semble pas lui avoir accordé d’importance, car la sgt Murrin ne pouvait se rappeler de la date à laquelle avait eu lieu l’incident et elle a nié qu’il s’agissait d’une tentative de suicide. En fait, le cpl Langridge a été admis à l’unité de santé mentale de court séjour de l’Hôpital Royal Alexandra avec un certificat du formulaire 1 de la Mental Health Act de l’Alberta en raison de sa tentative de surdose, le service d’urgence estimant qu’il avait avalé entre 60 et 70 comprimés de ses médicaments d’ordonnance.Note de bas de page 1748 Les dossiers de l’hôpital indiquent que le régiment a été contacté durant son hospitalisation, et dans une [traduction] « conversation militaire officielle » concernant des mesures disciplinaires potentielles contre le cpl Langridge, les médecins ont été informés qu’aucune arrestation ni accusation n’était en cours contre le cpl Langridge à ce moment-là.Note de bas de page 1749

529. Le cplc Ritco n’a de toute évidence pas fait de lien entre ce que la sgt Murrin lui avait dit et la tentative de suicide notée lors de son examen du dossier médical du cpl Langridge en mai 2008. Là, il avait noté, le [traduction] « 28/29 oct. 2007, [le cpl Langridge] a fait une tentative de suicide en absorbant une surdose [sic] (seroquil) [sic] avec 9 ou 10 bières, alors qu’il était chez-lui, parce que sa petite amie avait rompu avec lui, admis à l’Hôpital Royal Alexandra, pas de pensées de suicide ou d’homicide lorsqu’il a été libéré le 30 oct. 2007 ».Note de bas de page 1750 Le cplc Ritco n’a pas posé de questions à ce sujet ou concernant d’autres incidents au personnel qui était au courant, plus précisément les membres de la chaîne de commandement.

530. Il y avait d’autres indications que des membres de la chaîne de commandement étaient au courant, au moins en partie, des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge. Le Capt Hubbard, l’aumônier du LdSH, a affirmé lors de son témoignage que Mme A avait communiqué avec le centre de service au début de février 2008 parce que le cpl Langridge avait tenté de se pendre dans leur résidence et avait été emmené à l’hôpital.Note de bas de page 1751 Le Capt Hubbard était de garde et a informé sa chaîne de commandement de la tentative de suicide. La chaîne de commandement de la base et la chaîne de commandement du LdSH ont été informés par la suite de la tentative de suicide,Note de bas de page 1752 et le Capt Hubbard a dit dans son témoignage qu’il se rappelait avoir parlé au Capt Lubiniecki, au Maj Jared et au Maj Cadieu de la tentative de suicide après qu’ils aient pris connaissance de l’incident.

531. Le Capt Lubiniecki a dit lors de son témoignage qu’il ne savait pas que le cpl Langridge avait été admis à l’hôpital à cause d’une tentative de suicide.Note de bas de page 1753 Le lcol Demers a également indiqué dans son témoignage qu’il ne se souvenait pas d’avoir été informé de cet incident.Note de bas de page 1754 Cependant, le cpl Langridge a tenté à nouveau de se suicider pendant qu’il était à l’HRA, et le Capt Lubiniecki a dit dans son témoignage qu’il avait été informé de cette nouvelle tentative par le Capt Hubbard au moment de l’événement. Le Capt Lubiniecki a dû faire des efforts pour convaincre le Capt Hubbard de faire cette divulgation parce que ce dernier devait naturellement tenir compte de la confidentialité de la vie privée du cpl Langridge. Le Capt Hubbard a indiqué lors de son témoignage qu’il était très important pour le cpl Langridge de vivre sans éprouver la honte et la stigmatisation associées à son état, qui était perçu durement par la communauté militaire.Note de bas de page 1755

532. La preuve montre clairement que les membres de la chaîne de commandement du LdSH étaient à tout le moins au courant des incidents suivants concernant des tentatives de suicide ou des idées suicidaires :

  • Lorsque le cpl Langridge a tenté de se suicider en juin 2007, cela a été signalé à la chaîne de commandement du LdSH, et une ES a été menée sur ces événements;Note de bas de page 1756
  • Lorsque le cpl Langridge a tenté de se suicider en octobre 2007, l’adjuc Ross a dépêché des policiers militaires au domicile du cpl Langridge où ils l’ont trouvé en état de surdose de médicaments. Il a été emmené dans un hôpital civil et cela a été rapporté à l’adjuc Ross;Note de bas de page 1757
  • Lorsque le cpl Langridge a quitté le centre de traitement Edgewood en janvier 2008, les membres de la communauté médicale étaient très préoccupés par le risque de suicide que présentait le cpl Langridge et ils ont alors exprimé leur inquiétude au Capt Lubiniecki, qui aurait contracté avec le cpl Langridge pour s’assurer qu’il ne se ferait pas de mal;Note de bas de page 1758
  • Lorsque le cpl Langridge a tenté de se suicider par pendaison au début de février 2008, il existe des preuves que le Capt Lubiniecki, le Maj Jared et le Maj Cadieu en ont été informés par l’aumônier, le Capt Hubbard;Note de bas de page 1759
  • Le cpl Langridge a ensuite tenté de se suicider à nouveau durant son séjour dans un hôpital civil, et le Capt Lubiniecki a reconnu avoir été informé de cette tentative par le Capt Hubbard;Note de bas de page 1760
  • Après la sortie du cpl Langridge de l’hôpital le 4 février 2008, le Maj Cadieu avait envoyé un courriel au Maj Jared, au lcol Demers, à l’adjuc Ross, au Capt Lubiniecki, au Capt Hubbard et l’adjum Mulhern indiquant qu’il pourrait être nécessaire de mettre sur pied une « surveillance » à son endroit;Note de bas de page 1761
  • Lorsque le cpl Langridge a exprimé des pensées suicidaires en mars 2008, cela a été rapporté à l’adjuc Ross par le personnel médical de la base, et il était au courant que le cpl Langridge avait été envoyé dans un hôpital civil.Note de bas de page 1762
La question ultime

533. L’adjuc Ross a informé les enquêteurs du SNEFC que le LdSH ne pouvait pas [traduction] « légalement » mettre le cpl Langridge sous surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à moins que la communauté médicale ne le déclare suicidaire. Les enquêteurs du SNEFC n’ont pas examiné cette question. De plus, une fois que l’adjuc Ross ait dit au cplc Ritco qu’un médecin l’avait appelé pour l’informer que le cpl Langridge se disait suicidaire, la question de savoir si cela aurait changé la légalité d’une surveillance pour risque de suicide n’a pas été examinée.Note de bas de page 1763 Quoiqu’il en soit, le témoignage du Maj Jared à l’effet qu’une surveillance pour risque de suicide du cpl Langridge avait été examinée, puis rejetée, le 7 mars 2008, indique que la stabilité et la propension du cpl Langridge à l’automutilation était une préoccupation présente à la fois au sein du LdSH et de la communauté médicale de la base.

534. Il n’entre pas dans le mandat de la Commission de conclure que le cpl Langridge aurait dû être sous surveillance pour risque de suicide au moment de son décès. Mais la preuve était là pour que les enquêteurs du SNEFC examinent cette question dans le contexte d’une éventuelle négligence de la part des FC. Il n’est pas sûr que, dans ce cas, la conclusion qu’une surveillance n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être ait pu étayer une infraction en vertu du Code criminel ou une infraction d’ordre militaire en vertu du Code de discipline militaire.Note de bas de page 1764 Toutefois, cette question et les questions évoquées précédemment portaient toutes sur des aspects qu’une enquête ciblée aurait dû scruter, même si on en était arrivé à la conclusion que des accusations n’étaient pas justifiées. L’omission d’examiner ces questions est déconcertante.

535. L’incapacité de préciser les questions pertinentes et d’élaborer un PE efficace ont fait qu’il était inévitable que l’équipe d’enquête n’arrive pas à comprendre la portée des éléments de preuve disponibles, à rechercher d’autres éléments de preuve ou à interroger des témoins clairement concernés. Tout cela a contribué à affaiblir encore davantage un effort d’enquête déjà insuffisant sur certains des aspects les plus critiques de l’enquête de 2008.

536. Puisque les enquêteurs n’ont pas envisagé ou examiné de façon appropriée une conduite laissant poindre la possibilité d’une négligence dans ce cas, ils ne se sont jamais rendus à l’étape de l’évaluation des éléments d’une infraction criminelle ou militaire potentielle découlant de cette négligence. Comme il est indiqué ailleurs dans le présent rapport, toutes ces infractions possibles englobent des éléments d’un devoir et du défaut de s’acquitter de ce devoir.Note de bas de page 1765 Elles exigent toutes également que la conduite en cause dans l’omission de s’acquitter de ce devoir ait été inférieure à une certaine norme. La norme pour une conduite « négligente », dans le cas tant d’une infraction criminelle que d’une infraction d’ordre militaire potentiellement applicable aux faits du cas présent, est plus rigoureuse que pour la négligence civile. Dans le cas d’une négligence criminelle, la conduite fautive doit constituer un [traduction] « écart marqué et important »Note de bas de page 1766 par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. Pour l’infraction militaire de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire, la norme de responsabilité exige un écart marqué et est basée sur une évaluation objective de ce qu’aurait fait une personne raisonnable du rang de l’accusé et dans toutes les circonstances où il se trouvait.Note de bas de page 1767

537. Dans les deux cas, comme pour toutes les infractions criminelles ou d’ordre militaire, il y a aussi un élément moral, ou mens rea, qui, dans le cas d’une conduite négligente ayant entraîné la mort, exige soit que l’accusé ait reconnu qu’il y avait un risque grave pour la vie et la sécurité et qu’il ait couru ce risque de toute façon, soit qu’il n’ait aucunement réfléchi à l’existence de ce risque.Note de bas de page 1768

538. La Commission est consciente qu’il se peut très bien que les infractions n’aient pu être prouvées, même si une partie de la conduite aurait pu être considérée comme négligente, à la lumière du critère rigoureux d’une conduite coupable dans le cas présent pour établir qu’il y a eu négligence criminelle ou négligence dans l’exécution d’une tâche militaire. Cependant, parce que les membres du SNEFC n’ont jamais enquêté sur la conduite qui nécessitait réellement une enquête, ils ne se sont jamais rendus à ce stade de l’analyse. Les commentaires de la Commission au sujet de l’omission d’enquêter sur le comportement et les questions en cause ne doivent pas être interprétés comme voulant dire que la norme ultime à appliquer pour décider de porter des accusations aurait dû être inférieure à la norme habituellement applicable. Au contraire, l’opinion de la Commission est simplement que les renseignements que les enquêteurs du SNEFC possédaient, ou qu’ils avaient les moyens d’obtenir, montraient clairement qu’il y aurait eu beaucoup plus à examiner, et à examiner de manière beaucoup plus approfondie, avant de pouvoir écarter toute possibilité de négligence de la part des FC dans la mort du cpl Langridge.

4.1.3 Le plan d’enquête

Le but du plan d’enquête : Liste de tâches à accomplir ou outil conceptuel?

539. Au cours de cette audience, la Commission a entendu les explications des membres du SNEFC sur l’objet d’un plan d’enquête (PE). Le Maj Frei était commandant adjoint du SNEFC au moment de l’enquête sur la mort subite de 2008 et commandant par intérim lorsque l’enquête s’est conclue. À l’issue de cette audience, le Maj Frei était commandant du SNEFC.Note de bas de page 1769 Il a fait la déclaration suivante pour décrire l’objet d’un PE :

[traduction]

De mon point de vue, la valeur réelle d’un plan d’enquête est qu’il oblige l’enquêteur principal à prendre le temps de penser à ce sur quoi porte l’enquête, afin de comprendre les éléments de l’infraction qui sont en cause; à réfléchir à la façon dont il ou elle va mener l’enquête. Le fait que nous [le documentons] et que nous veillons à ce qu’un superviseur l’examine permet simplement de saisir ces étapes dans le SISEPM mais, comme tout autre plan dans l’armée, il y a un dicton dans l’armée qui dit qu’aucun plan ne survit au premier contact. C’est la même chose avec les enquêtes.Note de bas de page 1770
[Caractères gras ajoutés]

540. Le PE, s’il est utilisé de la manière décrite par le Maj Frei, incite un enquêteur à évaluer une enquête de façon critique sur une base continue, afin de formuler les questions auxquelles il faut répondre pour conclure l’enquête, et d’élaborer un plan sur la façon de faire enquête sur chaque question afin de parvenir à des conclusions pertinentes. La Commission est d’accord avec la description faite par le Maj Frei, et elle comprend que c’est ce processus qui est l’objet d’un PE et qui en représente la valeur.

541. À l’inverse, le cplc Ritco, le sgt Bigelow et l’adj Tourout ont tous décrit le PE comme étant une forme de liste [traduction] « de tâches à accomplir ».Note de bas de page 1771 Le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage qu’un PE sert à lui rappeler les mesures à prendre dans le cadre de l’enquête et à informer son gestionnaire de cas des mesures qu’il adopte.Note de bas de page 1772 Le sgt Bigelow a offert une définition plus générale, précisant que le PE est [traduction] « juste des idées sur ce que [l’enquêteur principal] veut faire ».Note de bas de page 1773 L’adj Tourout a expliqué que le PE avait une portée plus large que l’enquête elle-même, englobant tout ce qui arrive au cours de l’enquête.Note de bas de page 1774

542. Ayant examiné le PE et l’enquête qui en est résulté dans ce cas, la Commission constate que le fait d’utiliser le PE comme une simple liste « de tâches à accomplir » appauvrit l’enquête. Plutôt que de se concentrer sur les questions qui doivent être éclaircies, le modèle de la liste de vérification du PE se résume simplement à une liste de sujets, d’étapes et de notes personnelles. Il ne favorise pas une compréhension ou une analyse critique de l’état du dossier et n’encourage pas l’enquêteur à évaluer le bien-fondé de la preuve afin de répondre aux questions visées par l’enquête.

Planification et organisation

543. Dans l’ensemble, un observateur de l’extérieur qui examinerait le PE de l’enquête de 2008 aurait beaucoup de difficulté à déterminer ce que les enquêteurs avaient prévu de faire et pourquoi, ce qui restait à faire, quelles leçons ils en avaient tirées, et quelle nouvelles pistes d’enquête ils avaient identifiées. Le PE, rédigé et révisé le 17 mars et le 31 mai 2008, respectivement, et approuvé par le gestionnaire de cas du cplc Ritco, l’adj Tourout, le 18 mars et 1er avril 2008, se lit comme suit :

[traduction]

Attribution des tâches

Le cplc Ritco est chargé d’enquêter sur la mort du cpl Langridge et de compiler les conclusions de ce rapport. [...]

Entrevues [17 mars 2008]

  1. Cpl Bruce-Hayes (policier militaire de service) (complétée le 16 mars 2008);
  2. Cpl Broadbent (policier militaire de service) (non requise);
  3. Capt Lubiniecki (adjudant du LdSH) (complétée le 17 mars 2008);
  4. Cpl Hurlburt (caporal de service du LdSH) (complétée le 19 mars 2008);
  5. Sgt Hiscock (sergent de service du LdSH) (complétée le 18 mars 2008);
  6. Cpl HARE (résidant dans la chambre F312) (complétée par les policiers militaires de la base)

Plan

Le SNEFC RO enquêtera sur ce qui suit afin de recueillir des informations / preuves en relation avec ce dossier :

  1. résidence actuelle du cpl Langridge (complétée);
  2. est-ce que le cpl Langridge était sous ‘surveillance pour risque de suicide’ ou un ‘contrevenant’ (complétée);
  3. toute documentation relative à une ‘surveillance pour risque de suicide’ (complétée);
  4. toute documentation relative aux ‘contrevenants’ (complétée);
  5. personne(s) qui a(ont) avisé les médias et tous les renseignements connexes (complétée);
  6. personnel du LdSH chargé de gérer les effets personnels du cpl Langridge (complétée);
  7. confirmation de la petite amie ou conjointe de fait (complétée le 17 mars 2008);
  8. obtenir les dossiers médicaux du PSU à propos du cpl Langridge (complétée);
  9. identité du plus proche parent et lieu où il se trouve (complétée le 17 mars 2008);
  10. transfert des effets personnels au personnel approprié (complétée le 20 mars 2008);
  11. documentation des services d’ambulance d’urgence (non requise);
  12. description des médicaments et des effets secondaires qu’ils peuvent causer, le cas échéant (complétée);
  13. actes de négligence potentiels de la part des FC qui auraient pu entraîner une implication possible dans le décès (complétée);
  14. se rendre à l’Hôpital de l’Alberta afin d’obtenir des renseignements concernant l’admission / la sortie du cpl Langridge (information retrouvée dans les dossiers médicaux du MDN);
  15. qui sont les plus proches amis du cpl Langridge (complétée);
  16. tournées, missions ou autres affectations (complétée le 17 mars 2008);
  17. problèmes au sein de l’unité (complétée le 17 mars 2008);
  18. abus d’alcool ou de stupéfiants (complétée le 17 mars 2008);
  19. rapport du médecin légiste (délai de retour d’au moins 4 mois) (complétée);

Estimation du temps : 4 mois [...]

Entrevues : [31 mars 2008]

  1. cpl Rohmer (le meilleur ami du défunt) (complétée le 18 mars 2008);
  2. adjum Mainville (adjudant-maître en charge des effets personnels) (complétée le 17 mars 2008);
  3. [Mme A] (conjointe de fait) (il a été décidé qu’il n’était pas nécessaire de l’interroger);

Plan

  1. Compiler 8 (2) (E) pour les dossiers médicaux au PSU USS d’Edmonton (complétée le 22 avril 2008);
  2. Obtenir le rapport du service de police d’Edmonton concernant le cpl Langridge (complétée);Note de bas de page 1775

544. Le PE est incomplet et incohérent. Il ne renferme aucune information sur les objectifs de l’enquête au-delà de simplement recueillir des renseignements, sur les raisons du choix de certaines mesures d’enquête ou entrevues, ou sur les raisons expliquant la décision subséquente de ne pas y donner suite. Des questions en apparence liées n’ont pas été regroupées, alors que des questions n’ayant aucun lien le sont. Des étapes de l’enquête elle-même liées à des accusations possibles sont énumérées à côté de questions purement administratives. Des entrevues et des étapes évidentes sont absentes, tandis que d’autres non pertinentes ou moins pertinentes sont incluses.

545. Mises à part les questions administratives telles que la résidence du cpl Langridge, le statut de sa relation et le plus proche parent, le PE semble proposer des mesures pour enquêter sur la cause et les circonstances de la mort du cpl Langridge ainsi que sur la négligence potentielle de la part de l’unité. Exécutées correctement, ces mesures prévues pourraient faire ressortir des éléments de preuve pertinents sur les circonstances des derniers jours du cpl Langridge et de son décès. Cependant, il manque au PE une vision conceptuelle servant à donner un aperçu de l’enquête. Il ne fournit aucune indication sur la façon dont les mesures proposées devaient éclairer et structurer l’enquête.

546. L’objectif de l’enquête sur la mort subite, tel qu’énoncé par le cplc Ritco lors de son témoignage, était d’écarter la possibilité d’un acte criminel.Note de bas de page 1776 Cependant, plusieurs des étapes évidentes qui étaient requises pour établir si un acte criminel avait eu un rôle à jouer dans la mort du cpl Langridge ne figurent pas dans le PE. Rien dans le PE ne se rapporte à l’un ou l’autre des éléments de preuve obtenus sur la scène,Note de bas de page 1777 à l’information et aux faits constatés à partir de la position et de l’examen du corps du cpl Langridge, aux avis donnés par l’enquêteur du ML, ou aux analyses effectuées subséquemment par le bureau du ML. En fait, le PE ne renferme pas de mesures axées sur l’un des facteurs les plus importants dans la détermination d’un acte criminel : si quelqu’un était dans la chambre avec le cpl Langridge au moment de sa pendaison ou immédiatement avant.

547. Une autre omission flagrante est l’absence de toute mention de la note de suicide trouvée sur les lieux. L’existence d’une note de suicide avait manifestement une grande importance pour la question de savoir si un acte criminel avait été en cause dans le décès. S’il y avait eu des soupçons réalistes d’acte criminel, la note aurait dû être soumise à des tests pour confirmer son authenticité, mais le PE ne fait pas mention de l’utilisation possible de la note durant l’enquête, ni même de son existence.

548. Les mesures proposées dans le PE concernant les dossiers médicaux, la consommation abusive d’alcool ou de drogues ou des problèmes liés au travail étaient toutes pertinentes pour déterminer si le suicide était la cause la plus probable de la mort. Néanmoins, même là, il y a peu d’indication que les enquêteurs aient réfléchi à l’objet de l’enquête de la manière décrite par le Maj Frei. L’adj Tourout a expliqué que les étapes 16 ([traduction] « tournées, missions ou autres affectations ») et 18 ([traduction] « abus d’alcool ou de stupéfiants ») ont été entreprises afin de connaître le passé du défunt et dans le but de déterminer [traduction] « ce qui pourrait être un facteur contributif [au suicide] ».Note de bas de page 1778 Par contre, le cplc Ritco indiqué lors de son témoignage qu’il avait ajouté l’abus d’alcool et de stupéfiants de la part du cpl Langridge parce qu’il pensait toujours à la possibilité d’un acte criminel. Il a déclaré :

[traduction]

[...] Je voulais juste connaître son histoire, pour savoir s’il y avait un quelconque acte criminel, s’il y avait quelqu’un, comme un suspect; fréquentait-il certains endroits; cette personne a-t-elle -- si c’était un acte criminel, cette personne était-elle au même endroit. Je garde l’esprit ouvert à tout.Note de bas de page 1779

549. Le cplc Ritco a déclaré lors de son témoignage que rien de significatif n’était ressorti de son enquête sur la consommation d’alcool et de stupéfiants du cpl Langridge.Note de bas de page 1780 Lorsqu’on lui a demandé si quelque chose dans son enquête pouvait indiquer que les problèmes d’alcool et de stupéfiants du cpl Langridge auraient pu avoir un lien avec son décès, le cplc Ritco a répondu, [traduction] « Je ne peux pas vraiment répondre à cela, parce que je ne sais pas pourquoi le cpl Langridge s’est enlevé la vie ».Note de bas de page 1781 En d’autres termes, le cplc Ritco n’a pas reconnu que la question pertinente était de savoir s’il y avait des problèmes graves susceptibles de constituer des motifs de suicide.

550. De même, l’étape 17 ([traduction] « problèmes au sein de l’unité ») pouvait potentiellement faire ressortir des problèmes au travail, et ainsi dépeindre une personne troublée. Cependant, le cplc Ritco a déclaré lors de son témoignage qu’il était seulement intéressé à déterminer si le cpl Langridge avait [traduction] « des problèmes avec quelqu’un de son unité, c’est-à-dire, s’il y avait eu un acte criminel, ou si cela pouvait être un homicide, si je devais chercher à l’intérieur de son unité. S’il avait été -- vous savez, si quelqu’un lui en voulait, ou quelque chose comme ça ».Note de bas de page 1782 L’enquête visant à savoir si quelqu’un avait une raison ou l’intention de faire du mal au cpl Langridge était pertinente, mais une enquête bien planifiée et mieux organisée aurait aussi reconnu que des renseignements sur la conduite et les interactions au travail du cpl Langridge durant les derniers mois de sa vie seraient utiles pour aider à répondre à la question cruciale de savoir si sa conduite cadrait avec un suicide apparent.

551. Les mêmes problèmes conceptuels et analytiques sont apparents lorsqu’on examine les mesures pertinentes à l’enquête sur la négligence potentielle de la part du régiment. Beaucoup de questions énumérées sont effectivement pertinentes, mais de nombreuses autres questions pertinentes n’ont pas été répertoriées.Note de bas de page 1783 Le PE donne l’impression que les membres du SNEFC ne se sont pas demandé ce qui constituait une négligence et pourquoi, ou quelles questions seraient utiles pour mener une telle enquête. Au lieu de cela, il semble qu’ils se sont seulement demandé si le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide. L’étape 14 [traduction] « se rendre à l’Hôpital de l’Alberta afin d’obtenir des renseignements concernant l’admission / la sortie du cpl Langridge ») était de toute évidence pertinente et appropriée. Cette étape n’a jamais été entreprise et le PE indique à tort que l’information a été obtenue par d’autres moyens.Note de bas de page 1784 En fait, les dossiers médicaux du MDN obtenus à la place des dossiers de l’Hôpital de l’Alberta renferment peu sinon aucune information pertinente au sujet de cette hospitalisation.

552. Le PE inclut également un certain nombre de mesures qui ne sont pertinentes à aucun des aspects de l’enquête, ce qui laisse penser, encore une fois, qu’une certaine confusion avait entouré la planification et l’objet de l’enquête :

[traduction]

Étape (5) : personne(s) qui a(ont) avisé les médias et tous les renseignements connexes;

Étape (6) : personnel du LdSH chargé de gérer les effets personnels du cpl Langridge;

Étape (10) : transfert des effets personnels au personnel approprié.Note de bas de page 1785

553. Selon le dossier, il semble que le cplc Ritco était préoccupé par les questions touchant aux médias (étape 5), parce que, dans la matinée du 17 mars, il avait entendu une station de radio d’Edmonton annoncer qu’un soldat était décédé à la BFC d’Edmonton.Note de bas de page 1786 Il a indiqué lors de son témoignage avoir inclus cette étape dans son PE parce que le SNEFC avait son propre personnel chargé des relations avec les médias et qu’il voulait que la chaîne de commandement en soit avisée dans l’éventualité où il faudrait informer les médias sur quelque sujet.Note de bas de page 1787 L’inclusion de cette étape témoigne d’un manque d’orientation sur les questions pertinentes. L’identité du personnel chargé de gérer les effets personnels du cpl Langridge (étape 6) et le transfert de ses effets (étape 10) n’ont également rien à voir avec l’enquête. L’inclusion de ces [traduction] « notes personnelles » sans rapport avec l’enquête est un reflet direct du fait que le PE était une « liste de tâches à accomplir » non triées plutôt qu’un outil conceptuel.

554. Les étapes de l’enquête comprennent également un certain nombre d’entrevues avec des témoins. En général, les témoins énumérés étaient appropriés. Chacun pouvait raisonnablement avoir des connaissances pertinentes sur les circonstances du décès du cpl Langridge. L’entrevue avec l’adjum Rémi Mainville fait exception. Elle a abordé des questions liées à la disposition des effets personnels du cpl Langridge, ce qui n’était pas du tout une question d’enquête.Note de bas de page 1788

555. Toutefois, la liste des témoins est incomplète et des détails importants n’y figurent pas. Le PE ne fournit aucune indication de l’objectif possible des entrevues prévues. Le processus employé pour sélectionner les témoins ne semble pas avoir reposé sur une analyse systématique des informations requises ou des personnes les plus susceptibles de posséder ces informations.

556. Des témoins potentiellement importants possédant des informations pertinentes ont été écartés ou non inclus. La conjointe de fait du cpl Langridge, Mme A, a d’abord été répertoriée comme témoin, mais il a par la suite été jugé inutile de la convoquer pour une entrevue, et le PE ne donne aucune explication des raisons pour lesquelles la décision a été prise d’écarter un témoin possédant des renseignements potentiellement pertinents. Le cpl Rohmer, qui avait été l’un des plus proches amis du cpl Langridge, a été sélectionné comme témoin, mais lors de l’entrevue, les enquêteurs ont appris que le cpl Rohmer et le cpl Langridge s’étaient éloignés au cours de la dernière année.Note de bas de page 1789 Le cplc Ritco a dit dans son témoignage que le cpl Rohmer n’avait [traduction] « rien d’utile » à offrir à l’enquête.Note de bas de page 1790 Même si cette opinion n’était pas tout à fait exacte à la lumière des renseignements précieux fournis par le cpl Rohmer,Note de bas de page 1791 il est surprenant que les enquêteurs n’aient fait aucun effort pour trouver des amis plus proches afin de les interroger. La liste aurait dû être mise à jour pour tenir compte des témoins susceptibles de fournir des renseignements dont les enquêteurs avaient encore besoin.

557. En outre, de nombreux témoins manifestement importants ne se sont jamais retrouvés sur la liste. Les omissions les plus frappantes sont les parents du cpl Langridge, M. et Mme Fynes. On aurait pu s’attendre à ce qu’ils aient des renseignements précieux sur son passé et son état psychologique. La preuve présentée à l’audience a révélé qu’une directive indiquant qu’il n’était pas nécessaire d’interroger les Fynes avait été donnée par le gestionnaire de cas du cplc Ritco et peut-être par l’adjudant-maître du détachement.Note de bas de page 1792 La liste des témoins du PE avait été rédigée avant que cette directive ne soit émise le 15 avril 2008. Le cplc Ritco a déclaré qu’avant cette date [traduction] « [je gardais] en tête que j’aurais pu potentiellement interroger les Fynes ».Note de bas de page 1793 Il est difficile de comprendre pourquoi ils n’ont jamais figuré sur la liste du PE, tandis que Mme A, que l’on a également dit au cplc Ritco de ne pas interroger,Note de bas de page 1794 était et est restée sur la liste. La seule explication que le cplc Ritco a pu donner concernant cette omission est qu’il s’agissait d’un oubli de sa part.Note de bas de page 1795

558. De même, les membres de la chaîne de commandement du cpl Langridge n’ont pas été retenus comme témoins éventuels. Compte tenu de la nature des questions à l’étude, notamment en lien avec la surveillance pour risque de suicide, il semble que plusieurs de ces personnes auraient pu avoir des informations utiles à fournir pour l’enquête. Le cplc Ritco a affirmé qu’il envisageait d’interroger des témoins de la chaîne de commandement du cpl Langridge, y compris son commandant d’escadron, le Maj Jared, son commandant adjoint, le Maj Cadieu, et son commandant, le lcol Demers.Note de bas de page 1796 Cependant, aucune explication n’a été fournie afin d’expliquer pourquoi ils n’ont jamais été inscrits sur la liste du PE, même si d’autres témoins qui avaient été identifiés, sans toutefois être interrogés, y figuraient.

559. Le manque de clarté du PE pourrait s’expliquer par l’inexpérience du cplc Ritco, mais cela n’excuse pas l’absence de directives de ses supérieurs. Tout au long de l’enquête, aucun des superviseurs du SNEFC RO n’est intervenu pour corriger les conceptions erronées et les lacunes dans la planification de l’enquête ou fournir des indications supplémentaires sur l’objet de l’enquête. L’adj Tourout a examiné et approuvé le PE sans y apporter de modifications.Note de bas de page 1797 L’adjum Watson n’a même pas regardé le PE ou donné de directives sur la planification de l’enquête.Note de bas de page 1798

Les étapes « complétées »

560. Des étapes de l’enquête et des entrevues proposées apparaissant dans le PE sont suivies par l’un de trois énoncés : 1) complétée; 2) complétée, suivi d’une date; 3) un énoncé à l’effet que l’étape n’était pas requise ou ne serait pas poursuivie. L’utilisation du terme « complétée » dans le PE a été expliqué par l’adjum Watson au cours de son témoignage comme voulant dire que [traduction] « l’enquêteur avait ajouté ici qu’il s’en était occupé et que c’était fait », et que l’on avait répondu à la question.Note de bas de page 1799 La Commission partage le point de vue de l’adjum Watson à l’effet que c’était l’usage approprié. Le but du PE est d’aider les enquêteurs à tracer une voie en vue de tirer des conclusions, et le fait de marquer une étape comme étant « complétée » devrait indiquer qu’elle a été exécutée et qu’une réponse à la question a été obtenue. Cependant, ce n’est pas le sens dans lequel le cplc Ritco a utilisé ce terme.

561. Il appert que lorsqu’une étape était marquée dans le PE comme étant « complétée », cela ne voulait pas dire que l’enquêteur était parvenu à une conclusion définitive sur la question à l’étude. Cela signifiait plutôt qu’il n’allait pas poursuivre plus loin l’examen de cette question. Le PE est rempli d’exemples de ce genre. Le cplc Ritco a marqué « complétée » pour la 1ère étape du PE, celle concernant la résidence actuelle du cpl Langridge.Note de bas de page 1800 Néanmoins, le cplc Ritco a déclaré lors de son témoignage qu’il avait reçu des informations contradictoires et n’avait jamais déterminé où résidait effectivement le cpl Langridge.Note de bas de page 1801 Il a convenu que cette première question était restée sans réponse.Note de bas de page 1802 La 2e étape du PE, visant à établir si le cpl Langridge était ou non ‘sous surveillance pour risque de suicide’ ou un ‘contrevenant’, est également marquée « complétée ».Note de bas de page 1803 Cependant, lorsqu’on lui a demandé s’il en était venu à une conclusion quant à savoir si oui ou non le cpl Langridge était parmi les contrevenants, le cplc Ritco a répondu qu’il n’était pas arrivé à une telle conclusion.Note de bas de page 1804 Il a expliqué que lorsqu’il ajoutait la mention « complétée », il voulait en fait dire :

[traduction]

[...] que ce sujet que je voulais -- ou que l’enquête que je faisais était terminée, que je n’étais pas en mesure de déterminer s’il était sous surveillance pour risque de suicide ou s’il était parmi -- bien, les contrevenants, oui, mais la surveillance pour risque de suicide, je n’ai pas été en mesure de faire une détermination.Note de bas de page 1805

562. La 3e étape, l’obtention de la documentation relative à la ‘surveillance pour risque de suicide’, est également marquée « complétée ».Note de bas de page 1806 Le SNEFC a bel et bien obtenu des documents à ce sujet,Note de bas de page 1807 mais au moins un document clé pertinent – un courriel directement lié à la demande visant à établir une liste de personnes pour assurer la surveillance du cpl Langridge – était connu des enquêteurs et, pourtant, ceux-ci ont décidé de ne pas l’obtenir.Note de bas de page 1808 Cette étape ne peut être considérée comme étant « complétée » au sens habituel du terme.

563. La 4e étape du PE, l’obtention de toute documentation relative aux ‘contrevenants’, est également marquée comme étant « complétée », même s’il n’y a aucune preuve documentaire dans le dossier en lien avec cette question.Note de bas de page 1809 Aucun témoignage n’a révélé qu’une telle documentation existait ou que des actions avaient été prises dans un effort pour l’obtenir. La 5e étape, l’identification de la(des) personne(s) qui a(ont) avisé les médias du décès du cpl Langridge, est aussi marquée comme étant « complétée ».Note de bas de page 1810 Bien que cela soit hors propos, aucune preuve n’indique que cette question a été examinée ou que des conclusions ont été tirées sur celle-ci.

564. La 13e étape, enquêter sur des actes de négligence potentiels de la part des FC qui auraient pu entraîner une implication possible dans le décès du cpl Langridge, est également marquée comme étant (complétée).Note de bas de page 1811 Le cplc Ritco a affirmé lors de son témoignage qu’il n’avait pas fait enquête sur la question de la négligence potentielle, mais qu’il avait inclus cette étape dans son PE en guise de rappel que cela devrait être fait s’il trouvait quelque indication d’une négligence potentielle.Note de bas de page 1812

Mise à jour et révision du plan d’enquête

565. La Commission a entendu des témoignages concordants à l’effet que le PE est un document [traduction] « évolutif » qui doit être mis à jour et modifié au fur et à mesure que progresse une enquête.Note de bas de page 1813 Incidemment, compte tenu de l’objet du PE, celui-ci devrait être revu et mis à jour régulièrement. Les avantages de garder à jour un PE sont nombreux. La mise à jour du PE encourage l’enquêteur à envisager activement le progrès et l’orientation de l’enquête. Elle incite aussi l’enquêteur à identifier les questions qui doivent être élucidées et à évaluer si des preuves suffisantes ont été recueillies à cet égard. Elle favorise la formulation de conclusions en temps opportun, et elle permet à un gestionnaire de cas d’évaluer de manière concise les progrès du dossier. Elle permet en outre à la chaîne de commandement du SNEFC de saisir le but et l’état d’avancement de l’enquête au moment de procéder à un examen. Lorsque l’affaire est soumise à l’examen d’un organisme externe comme la CPPM, un PE tenu à jour facilite l’évaluation étape par étape de la conduite de l’enquête. Cela ne veut ne pas dire qu’un PE doit être mis à jour avant chaque nouvelle étape d’enquête. Le PE est un outil qui aide au déroulement d’une enquête et il ne doit pas devenir un obstacle bureaucratique, en particulier lorsque de nouvelles questions peuvent surgir de façon soudaine.

566. Le PE a été modifié à diverses reprises au cours de l’enquête de 2008. La modification visant à noter que le rapport du ML avait été obtenu indique que le PE a été mis à jour jusqu’au 15 mai 2008.Note de bas de page 1814 Malheureusement, les mises à jour ont été sporadiques et incohérentes. Plusieurs nouvelles mesures d’enquête et trois entrevues possibles ont été ajoutées le 31 mars 2008, soit après que deux des trois entrevues aient eu lieu. Pendant ce temps, beaucoup d’autres entrevues ont été réalisées sans aucune mention dans le PE, avant ou après qu’elles se soient déroulées. L’adj Tourout ne pouvait expliquer pourquoi des modifications n’ont pas été faites dans le PE pour tenir compte des entrevues menées.Note de bas de page 1815

567. Dans l’ensemble, les modifications apportées au PE ne fournissent aucune indication sur le processus par lequel les enquêteurs ont pu évaluer ce qu’ils avaient appris et déterminer comment cela pouvait se répercuter sur les mesures d’enquête nécessaires ou non nécessaires. Rien dans le PE ne montre si une mesure d’enquête prise a mené à faire enquête sur d’autres questions. Il n’y a également aucune indication permettant de déterminer quelles étapes se sont avérées importantes et quelles étapes étaient sans importance ou non concluantes. Le résultat global est que le PE avait peu d’utilité. Le gestionnaire de cas et les autres superviseurs au sein du SNEFC RO ne pouvaient pas utiliser le PE pour déterminer si des mesures suffisantes avaient été prises pour enquêter sur les questions pertinentes ou pour évaluer les progrès réalisés au cours de l’enquête. Tel qu’il est rédigé, le PE ne pouvait pas servir de point de départ à un nouvel enquêteur pour déterminer l’objet ou l’état d’avancement de l’enquête.

4.1.4 Les observations finales

568. À la fin de l’enquête de 2008, soit tard au printemps de 2008, le cplc Ritco a finalement été en mesure de conclure qu’[traduction] « [i]l serait absolument sûr à 100 p. 100 que le dossier est définitivement un suicide [...] J’ai tout étalé, dit, oui, certainement sans l’ombre d’un doute, pour quiconque examine ce dossier, c’est un suicide ».Note de bas de page 1816 Il a ensuite été en mesure d’écrire le sommaire de cas et les observations finales. Le cplc Ritco a expliqué que le but des observations finales était d’informer les personnes qui consultent le dossier des résultats de l’enquête et d’indiquer si des accusations doivent ou non être portées à la suite de l’enquête.Note de bas de page 1817

569. L’adj Tourout a décrit les observations finales comme étant : [traduction] « le résultat réel » d’une enquête,Note de bas de page 1818 ou encore [traduction] « un bref sommaire de l’enquête ».Note de bas de page 1819

570. Les observations finales du cplc Ritco se présentent comme suit :

[traduction]

Le 15 mars 2008, le cpl Langridge s’est suicidé en se pendant avec sa ceinture alors qu’il était dans sa chambre. Le cpl Langridge souffrait d’une dépendance à l’alcool et à la cocaïne qui a entraîné des troubles de santé mentale. Tous ces problèmes réunis peuvent avoir été un facteur dans le suicide du cpl Langridge. Cette enquête a également révélé que l’armée, en particulier le LdSH (RC), a fait plusieurs tentatives pour aider le cpl Langridge à faire face à ses problèmes. Cette enquête est terminée.Note de bas de page 1820
[Caractères gras ajoutés]

571. Lorsque le cplc Ritco a inscrit cette entrée le 2 juin 2008, il en a produit deux copies.Note de bas de page 1821 La deuxième copie était destinée à être révisée par son gestionnaire de cas, l’adj Tourout. Selon la pratique du SNEFC RO (et peut-être d’autres détachements) à l’époque, deux copies de l’entrée des observations finales devaient être produites pour que les superviseurs puissent y faire des modifications au niveau de la grammaire, de la syntaxe, de la concision et de la clarté tout en gardant intact le texte entré dans l’original.Note de bas de page 1822 Entre le 4 juin 2008 et le 12 juin 2008, l’adj Tourout a modifié les observations.Note de bas de page 1823 La deuxième version qu’il a produite diffère de l’original, et reflète vraisemblablement l’intention éditoriale de l’adj Tourout. Elle se lit ainsi :

[traduction]

L’enquête a révélé que le cpl Langridge souffrait de dépendance à l’alcool et à la cocaïne et subséquemment de problèmes de santé mentale. Le cpl Langridge a eu une longue histoire documentée de traitements médicaux, que lui ont prodigués la base et les établissements provinciaux, et plusieurs tentatives de suicides antérieures confirmées ont été découvertes. Malgré les efforts faits par son unité pour fournir un encadrement et un soutien au cpl Langridge, le rapport du médecin légiste a confirmé que sa mort était un suicide par pendaison. Étant donné qu’aucune enquête plus approfondie sur cette question n’est prévue, cette enquête est conclue.Note de bas de page 1824
[Caractères gras ajoutés]

572. Les deux versions des observations finales indiquent que le cpl Langridge avait une dépendance à l’alcool et à la cocaïne et elles relient ces dépendances à ses problèmes de santé mentale. Les deux versions des observations ne font par ailleurs aucune mention directe de la question de la négligence potentielle des CF dans la mort du cpl Langridge ou de l’enquête à l’égard de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1825 La seule observation peut-être pertinente concernant la négligence potentielle est la conclusion selon laquelle le LdSH avait tenté d’[traduction] « aider » le cpl Langridge ou de lui fournir un [traduction] « encadrement et un soutien », devant les difficultés qu’il éprouvait en raison de sa toxicomanie, de ses troubles de santé mentale et de ses tentatives de suicide.

573. Les observations finales ont causé une grande souffrance à la famille du cpl Langridge. Dans leur plainte à la Commission, les Fynes ont allégué que les observations « contenai[ent] des conclusions erronées, l’enquêteur n’avait pas la compétence voulue pour tirer de telles conclusions et celles-ci visaient à attaquer la réputation du cpl Langridge et à exonérer les membres des FC de tout acte répréhensible ou de toute responsabilité ».Note de bas de page 1826

574. Lors d’une rencontre antérieure avec le SNEFC et au cours de son témoignage devant la Commission, M. Fynes a expliqué les deux principaux problèmes que soulevaient, selon lui, les conclusions de l’enquête. D’une part, il croyait qu’il était inexact de dire que les problèmes de santé mentale du cpl Langridge avaient été causés par ses problèmes de toxicomanie ou subséquemment à ceux-ci, et il a indiqué qu’il s’agissait d’un diagnostic médical que les membres du SNEFC n’étaient pas qualifiés pour faire.Note de bas de page 1827 D’autre part, M. Fynes était d’avis que les observations au sujet de l’aide, de l’encadrement ou du soutien fourni par le régiment du cpl Langridge étaient inexactes et constituaient une interprétation hors de propos de la part des enquêteurs.Note de bas de page 1828 M. Fynes a expliqué que le cpl Langridge avait besoin d’un traitement et que, selon lui, c’est précisément ce que le régiment et les FC ont omis de lui fournir.Note de bas de page 1829

575. Dans l’ensemble, les Fynes estiment que les deux versions des observations finales contenaient des commentaires fallacieux concernant les difficultés et la mort de leur fils. Ils les ont vus comme faisant essentiellement l’éloge de l’armée pour les efforts qu’elle a déployés, tout en écartant la possibilité que quiconque, sauf le cpl Langridge lui-même, ait pu jouer un rôle répréhensible dans son décès.Note de bas de page 1830 En insistant sur le lien entre les problèmes de toxicomanie du cpl Langridge et son suicide, les Fynes avaient l’impression que les observations [traduction] « passaient le blâme à la victime »,Note de bas de page 1831 en présentant le cpl Langridge comme [traduction] « un ivrogne et [...] un toxicomane qui s’est lui-même rendu malade, et que cela a conduit à son suicide ».Note de bas de page 1832 Comme M. Fynes l’a décrit :

[traduction]

[...] Il y a trois choses là-dedans : C’était un suicide, c’était sa maudite faute, et l’armée avait fait tout ce qu’elle pouvait pour [l’]aider.

Je ne suis pas content de cela.Note de bas de page 1833 [Caractères gras ajoutés]

576. De l’avis de la Commission, mentionner les problèmes de toxicomanie, les troubles de santé mentale et les tentatives de suicide antérieures dans les observations finales n’était pas, en soi, inapproprié. Si les membres du SNEFC n’étaient pas qualifiés pour tirer des conclusions sur les causes réelles du suicide du cpl Langridge, l’existence de graves problèmes antérieurs constitue une preuve circonstancielle pertinente pour confirmer que le suicide était la cause la plus probable du décès. Ces facteurs font légitimement partie des aspects à examiner dans une enquête sur la mort subite.Note de bas de page 1834

577. Cependant, les observations finales, dans ce cas, vont plus loin et font des commentaires sur la cause des troubles de santé mentale du cpl Langridge. Il n’y a aucune preuve pour soutenir que les problèmes de toxicomanie du cpl Langridge aient « entraîné » des troubles de santé mentale, ou que ceux-ci soient apparus « subséquemment ».Note de bas de page 1835 Les dossiers médicaux obtenus renferment un certain nombre de diagnostics,Note de bas de page 1836 et les enquêteurs n’avaient pas obtenu de témoignage d’experts médicaux qualifiés pour faire des commentaires sur la cause de l’état du cpl Langridge. Le seul professionnel de la santé interrogé au cours de l’enquête, le Capt Hannah, a insisté sur les problèmes de toxicomanie.Note de bas de page 1837 Cependant, n’ayant pas personnellement traité le cpl Langridge ou ne l’ayant pas vu plus d’une fois lors d’une brève visite, le Capt Hannah n’aurait pas été qualifié pour tirer des conclusions sur la chronologie ou la cause des problèmes de santé du cpl Langridge.Note de bas de page 1838 Les membres du SNEFC n’étaient certainement pas qualifiés pour tirer eux-mêmes de telles conclusions.

578. Les commentaires au sujet de l’aide ou de [traduction] « l’encadrement et [du] soutien » fourni par le régiment s’appuient sur des preuves équivoques obtenues au cours de l’enquête. Alors que diverses mesures avaient été mises en place pour le cpl Langridge, la preuve a soulevé des questions au sujet de la pertinence, du caractère adéquat ou même de l’impact potentiellement néfaste de ces mesures.Note de bas de page 1839 Ces questions n’ont pas été examinées de manière adéquate par les membres du SNEFC impliqués.Note de bas de page 1840 En tant que telles, les preuves étaient sans doute insuffisantes pour tirer les conclusions apparaissant dans les observations, lesquelles présentent sous un jour positif les mesures prises par le régiment.

579. À cet égard, la deuxième version des observations finales est particulièrement problématique. En comparant les deux versions, il semble que la révision faite par l’adj Tourout ait changé le ton des observations et ce qu’elles impliquent en transformant la mention antérieure au sujet des efforts de l’unité pour [traduction] « aider » le cpl Langridge en un énoncé affirmant que le suicide du cpl Langridge s’était produit malgré les efforts de l’unité pour lui [traduction] « fournir un encadrement et un soutien ».Note de bas de page 1841 Cela n’était clairement pas étayé par la preuve, parce que l’enquête n’a pas été menée de façon assez approfondie pour permettre aux membres de déterminer si les mesures mises en place par le régiment avaient pu fournir une aide ou si, en fait, elles avaient contribué à envenimer les choses pour le cpl Langridge.Note de bas de page 1842

580. Les observations finales ont éventuellement été modifiées par le Maj Dandurand pour y supprimer les passages dont s’étaient plaint les Fynes.Note de bas de page 1843 Cependant, le SNEFC ou ses membres n’ont pas reconnu que la version initiale des observations finales était inexacte ou non étayée par la preuve.Note de bas de page 1844 Les Fynes ont continué à se plaindre du fait que les observations initiales se sont retrouvées dans le rapport, en alléguant qu’elles [traduction] « témoignaient d’un état d’esprit qui disculpait l’armée et faisait porter le blâme à la victime ».Note de bas de page 1845

581. La commission n’a recueilli aucune preuve indiquant que ces affirmations visaient à attaquer la réputation du cpl Langridge ou à exonérer le régiment ou les FC.Note de bas de page 1846 En fait, la preuve révèle que les membres n’avaient pas de telles intentions.Note de bas de page 1847 Cependant, certaines des affirmations qu’on retrouve dans les observations n’étaient pas étayées par la preuve et renfermaient des conclusions que les membres n’étaient pas qualifiés pour tirer. En outre, elles ne représentaient pas équitablement l’enquête menée, en particulier sur la question de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1848

4.1.5 Supervision et tenue des dossiers

Supervision

582. L’enquête sur la mort subite de 2008 a été dirigée par un enquêteur principal qui n’avait pas d’expérience pertinente dans ce genre d’enquêtes. L’inexpérience de l’enquêteur principal n’était que le miroir du manque d’expérience de son supérieur immédiat en matière d’enquête sur une mort subite. Même s’il y a eu une contribution des superviseurs à divers points de l’enquête, cette contribution s’est révélée problématique pour ce qui est à la fois de l’orientation des étapes de l’enquête – notamment, les personnes à interroger – et de son impact sur les registres du dossier d’enquête.

Politiques en matière de supervision

583. Les CPTPM qui traitent de supervision identifient deux postes de supervision clés : le gestionnaire de cas et le conseiller supérieur de la PM.

584. Le gestionnaire de cas est décrit par les CPTPM comme étant :

L[e] PM assigné […] qui dirige l’enquête générale. Cette fonction comprend en général : la direction, la corrélation des données, l’évaluation des besoins en ressources et en équipement, les rapports et le maintien de la transmission de l’information, la coordination du soutien spécialisé nécessaire et la gestion des membres de l’équipe d’enquête en consultation avec l’enquêteur principal. Cette personne doit avoir de solides aptitudes en gestion, une connaissance approfondie des normes et des méthodes d’enquête ainsi que du contexte de l’enquête réalisée.Note de bas de page 1849

585. Dans son témoignage devant la Commission, l’adj Tourout, qui a agi comme gestionnaire de cas pour l’enquête de 2008, a déclaré que cette politique constitue un aperçu général, probablement basé sur le modèle de gestion des cas graves. Il a déclaré : [traduction] « Le [gestionnaire de cas] ne dirige pas l’enquête, c’est l’enquêteur principal qui sera à la tête de l’enquête. Le gestionnaire de cas assurera la supervision ». Selon lui, le reste de la description était approprié.Note de bas de page 1850

586. Pour sa part, le conseiller supérieur de la PM assume davantage un rôle de gestion. La politique énoncée dans les CPTPM stipule que le conseiller supérieur de la PM « devrait […] se familiariser avec les faits de chaque enquête ».Note de bas de page 1851 La responsabilité première d’un conseiller supérieur de la PM dans un dossier est de faire un examen préliminaire de l’affaire aux fins de triage. Le conseiller doit déterminer si une plainte est frivole, vexatoire ou teintée de mauvaise foi, et si elle doit donner lieu à une enquête.

587. Parmi leurs responsabilités, les superviseurs de la PM doivent vérifier l’exactitude et le caractère exhaustif de tous les rapports et dossiers d’enquête, y compris le dossier d’EG (qui est le dossier complet des entrées dans les zones de texte et des images numérisées dans le SISEPM qui ont été produites pour une enquête), ainsi que le Rapport d’enquête de la police militaire (‘REPM’) (le rapport faisant état des conclusions de l’enquête destiné à être diffusé) :

Tous les rapports de la PM doivent faire l’objet d’un examen rigoureux. L’examen sera effectué par le superviseur de la PM approprié, qui doit veiller à ce que les rapports et les enquêtes sur lesquelles portent ces derniers soient complets et exacts. La vérification entière de l’exactitude est la responsabilité de l’unité et au niveau QG PM.Note de bas de page 1852
[Accentuation dans l’original]

588. À l’époque, dans l’exécution de cette fonction, les superviseurs de la PM avaient l’habitude de revoir et de modifier le sommaire de cas (qui résume généralement les mesures prises dans le cadre d’une enquête et tous les faits pertinents connexes) et les observations finales (qui résument les constatations et les conclusions de l’enquête) avant la distribution d’un REPM complété. Des versions « validées » de ces documents étaient distribuées avec le REPM, bien que les versions originales restaient dans le SISEPM.Note de bas de page 1853 Pour ce qui est du processus de révision, le Maj Frei a dit dans son témoignage qu’un superviseur doit faire une copie identique de l’original dans un nouveau dossier, changer le code de l’auteur pour y entrer son propre numéro d’insigne, puis apporter des modifications.Note de bas de page 1854 Cela revêt une importance particulière car le SISEPM ne conserve pas l’historique des modifications apportées à un document. Il enregistre uniquement la dernière version.Note de bas de page 1855

589. Le rôle du conseiller supérieur de la PM n’est pas directement lié à l’exécution ou à la supervision étroite des enquêtes en cours. Lorsqu’une enquête débute, le conseiller supérieur de la PM doit s’assurer que des procédures efficaces et cohérentes soient employées et que « toutes les ressources disponibles soient optimisées ». Le conseiller supérieur de la PM nomme également un gestionnaire de cas qui sera responsable de l’ensemble de l’enquête.Note de bas de page 1856

Rôles et expérience des superviseurs

590. Les deux membres du SNEFC supervisant l’enquête sur la mort du cpl Langridge étaient l’adj Tourout et l’adjum Watson. L’adj Tourout, le gestionnaire de cas, supervisait directement les enquêteurs et les conseillait.Note de bas de page 1857 L’adjum Watson a agi à la fois comme conseiller supérieur, adjudant du détachementNote de bas de page 1858 et commandant par intérim du détachement de la région de l’Ouest du SNEFC.Note de bas de page 1859

591. L’adj Tourout a participé à de nombreux aspects de la planification et de l’exécution de l’enquête. Après avoir formellement désigné le cplc Ritco comme enquêteur principal,Note de bas de page 1860 il a examiné et approuvé le plan d’enquête initial le 18 mars 2008.Note de bas de page 1861 Il a également examiné et approuvé le plan d’enquête modifié le 1er avril 2008.Note de bas de page 1862 Il a affirmé avoir été en interaction avec les enquêteurs sous sa surveillance, au besoin sur une base quotidienne.Note de bas de page 1863 Le carnet de notes du cplc Ritco révèle qu’il a régulièrement informé l’adj Tourout au cours de son enquête.Note de bas de page 1864 L’adj Tourout a aussi été impliqué dans la décision de ne pas interroger Mme Fynes et Mme A.Note de bas de page 1865 Il a examiné et révisé tous les entrées des enquêteurs dans le SISEPMNote de bas de page 1866 et examiné le dossier final d’enquête, notant qu’il était d’accord avec les mesures d’enquête qui avaient été prises.Note de bas de page 1867

592. Avant sa participation à cette enquête, l’adj Tourout n’avait jamais été impliqué dans une enquête sur une mort subite en tant qu’enquêteur ou superviseur.Note de bas de page 1868 Il était conscient à ce moment que le cplc Ritco n’avait également aucune expérience des enquêtes sur une mort subite.Note de bas de page 1869 Cependant, à son avis, le fait que ni lui ni le cplc Ritco n’avaient d’expérience ne constituait pas un problème. L’adj Tourout a affirmé qu’il avait une expérience variée, acquise dans différents types d’enquêtes qu’il avait menées au fil des années. Il était confiant que la formation de base de la PM et la participation aux cours subséquents permettaient aux membres de la PM d’apprendre à traiter des scènes de crime. Il a déclaré que les enquêteurs appliquent ces principes au traitement de la scène du crime dans toutes les enquêtes, en les adaptant selon les besoins de chaque cas.Note de bas de page 1870

593. L’adjum Watson était l’officier de service du SNEFC RO le jour de la mort du cpl Langridge. Il a reçu un appel de la PM l’informant du décès, sur quoi il a contacté le sgt Bigelow. Il a déclaré lors de son témoignage qu’il aurait pu contacter le sgt Bigelow ou le cplc Ritco puisque les deux étaient en service.Note de bas de page 1871 Le sgt Bigelow a déclaré lors de son témoignage qu’il n’était ni en service ni sur appel, mais qu’il avait probablement été contacté en raison d’une pénurie de membres au SNEFC à l’époque.Note de bas de page 1872 L’adjum Watson a donné une directive de base aux enquêteurs, leur conseillant de prendre leur temps dans le traitement de la scène et de ne pas enlever le corps ou autre chose avant d’être sûrs que la scène avait été traitée de façon appropriée.Note de bas de page 1873

594. Par la suite, l’adjum Watson a participé à l’enquête principalement comme conseiller de l’adj Tourout et en assurant la liaison avec le QG du SNEFC. Au cours de l’enquête, il a été consulté par l’adj Tourout ou le cplc Ritco, ou les deux, sur certaines questions qui se posaient, y compris la possibilité que le cpl Langridge ait été sous surveillance pour risque de suicide au moment de son décèsNote de bas de page 1874 et l’opportunité d’interroger ou non Mme Fynes.Note de bas de page 1875 L’adjum Watson a informé le QG du SNEFC au sujet de l’enquête par le biais des rapports d’état du dossier.Note de bas de page 1876 Il a également approuvé la demande d’analyse judiciaire du téléphone du cpl Langridge le 29 mai 2008.Note de bas de page 1877 L’adjum Watson a affirmé au cours de son témoignage que son examen du dossier d’enquête avait porté seulement sur la plainte initiale, le sommaire de cas et les observations finales. Il a déclaré que s’il avait eu des questions au sujet du dossier, il aurait passé en revue les entrées individuelles du SISEPM, mais il ne se rappelait pas l’avoir fait dans ce cas.Note de bas de page 1878

595. Suite à la conclusion de l’enquête, l’adjum Watson a rédigé la lettre de couverture accompagnant le REPM lorsqu’il a été distribué.Note de bas de page 1879 Il a aussi rédigé la demande relative à la disposition des éléments de preuve, qui a été envoyée au LdSH le 31 octobre 2008.

596. Contrairement à l’adj Tourout, l’adjum Watson avait participé à un certain nombre d’enquêtes sur une mort subite avant le décès du cpl Langridge. La majorité des enquêtes s’étaient déroulées lors d’un déploiement au théâtre de guerre en Afghanistan,Note de bas de page 1880 bien qu’il ait dit qu’il avait été enquêteur dans trois enquêtes sur une mort subite au pays.Note de bas de page 1881 Il n’avait jamais agi comme enquêteur principal dans une enquête portant sur un suicide. En tant que superviseur, l’adjum Watson avait supervisé [traduction] « de nombreuses enquêtes sur une mort subite, qu’elles aient été accidentelles, dues à un suicide ou survenues au combat ».Note de bas de page 1882 Cependant, il a déclaré qu’il n’intervenait pas dans la conduite des enquêtes au jour le jour et qu’il ne s’impliquerait plus à fond dans une enquête que si cela devenait nécessaire.Note de bas de page 1883

597. Le membre le plus expérimenté de l’équipe était le sgt Bigelow, qui avait participé à entre quatre et six enquêtes sur une mort subite alors qu’il était en détachement à la GRC, et à au moins une enquête sur un suicide comme membre du SNEFC.Note de bas de page 1884 Cependant, non seulement le sgt Bigelow n’était pas l’enquêteur principal, mais il ne faisait même pas partie de la cellule d’enquête,Note de bas de page 1885 et sa participation à l’enquête s’est limitée au traitement de la scène et à la participation à quelques entrevues comme preneur de notes. L’adjum Watson a indiqué clairement que la seule raison pour laquelle le sgt Bigelow avait été affecté à ce dossier était [traduction] « que [le SNEFC] avait besoin d’aide pour s’acquitter de cette tâche et qu’il était de service ce jour-là », et non en raison de son expérience antérieure.Note de bas de page 1886 De son propre aveu, le rôle du sgt Bigelow dans l’enquête de 2008 après le traitement de la scène s’est borné à aider le cplc Ritco à mener des entrevues, et à fournir initialement une certaine tutelle, plutôt qu’une supervision.Note de bas de page 1887

598. L’adjum Watson était conscient au moment de l’enquête que ni le cplc Ritco ni l’adj Tourout n’avaient une expérience préalable des enquêtes sur une mort subite. Il n’était pas préoccupé par leur inexpérience et n’a pris aucune mesure ni ne les a supervisés de plus près pour compenser cette lacune. Il a déclaré qu’il y avait suffisamment de ressources vers lesquelles le cplc Ritco et l’adj Tourout pouvaient se tourner au cas où ils auraient besoin d’aide. Ces ressources incluaient lui-même, la division « K » de la GRC, le QG du SNEFC et d’autres enquêteurs du SNEFC. L’adjum Watson était convaincu que l’équipe d’enquête le consulterait si elle avait des questions; [traduction] « j’avais pleinement confiance en l’adj Tourout comme gestionnaire de cas, au sergent Bigelow comme assistant pour l’enquête et au cplc Ritco comme enquêteur principal. J’avais entièrement confiance en eux ».Note de bas de page 1888 Incidemment, c’est l’adjum Watson qui a recruté le cplc Ritco pour le SNEFC, citant la ténacité, la rigueur et le professionnalisme de ce dernier comme ayant été les qualités qui l’avaient convaincu que le cplc Ritco serait un enquêteur talentueux.Note de bas de page 1889

Implication des superviseurs dans la conduite de l’enquête

599. L’adj Tourout semble avoir été activement impliqué dans l’orientation du déroulement de l’enquête, approuvant le plan d’enquête et, par la suite, donnant des directives au cplc Ritco. Il semble aussi avoir été impliqué (peut-être avec l’adjum Watson) dans des décisions importantes au sujet des entrevues, notamment les instructions données au cplc Ritco de ne pas contacter Mme FynesNote de bas de page 1890 ni Mme A.Note de bas de page 1891 Lors de l’audience, l’adjum Watson a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir été impliqué dans la décision de ne pas interroger Mme Fynes, mais il a affirmé :

[traduction]

[Le cpl Langridge] était un homme de 28 ans engagé dans l’armée, et je n’aurais pas vu la nécessité de parler à sa mère dans cette situation pour faire avancer l’enquête. [...] [L]’information contextuelle [que les enquêteurs ont] obtenue auprès des autorités médicales et de ses collègues, dans le cadre de leur enquête, et de l’unité, aurait été suffisante.Note de bas de page 1892

600. L’adj Tourout a dit dans son témoignage qu’il ne pouvait se rappeler pourquoi cette décision avait été prise. Il ne se souvenait pas bien de la conversation, mais il a suggéré que la raison pour laquelle ils avaient envisagé de communiquer ou non avec Mme Fynes aurait eu à voir avec les décisions concernant les effets personnels du cpl Langridge. En conséquence, la décision a été prise que Mme Fynes n’avait ​​pas à être contactée à ce sujet car elle n’était pas le plus proche parent.Note de bas de page 1893 Interrogé sur la valeur potentielle que Mme Fynes aurait pu représenter comme témoin au sujet des antécédents du cpl Langridge, l’adj Tourout a répondu que les dossiers médicaux du cpl Langridge étaient censés renfermer les renseignements pertinents sur ses antécédents.

601. D’après le carnet de notes du cplc Ritco, il semble que c’est l’adj Tourout qui a pris la décision de ne pas interroger Mme A. Le carnet de notes de mai 2008 consigne une intention d’examiner les dossiers médicaux, de parler avec le SMR du LdSH (l’adjuc Ross) et Mme A.Note de bas de page 1894 Le cplc Ritco a informé l’adj Tourout du travail qu’il avait l’intention de faire. L’entrée se poursuit ainsi :

[traduction]

L’adj [Tourout] estime qu’il n’y a vraiment aucune raison de parler [avec] la conjointe de fait étant donné que la mère affirme qu’il avait des problèmes [et] que les dossiers médicaux font état de tentatives de suicide, mais je dois examiner les dossiers médicaux d’abord et prendre ensuite une décision finale.Note de bas de page 1895

602. Le 27 mai 2008, une entrée de suivi indique que le cplc Ritco a informé l’adj Tourout. Suite à une note sur la nécessité de parler à l’adjum Watson à propos du BlackBerry du cpl Langridge, l’entrée du cplc Ritco mentionne ensuite : [traduction] « Aucune raison de parler [avec] la petite amie / [conjointe de fait] ».Note de bas de page 1896

603. L’adj Tourout a déclaré lors de son témoignage que la décision de ne pas interroger Mme A avait été prise parce que l’équipe d’enquête avait en main les dossiers médicaux, qui [traduction] « étaient des documents ayant trait à la santé du caporal Langridge, ce qui était suffisant ».Note de bas de page 1897 Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il était [traduction] « non pertinent de l’interroger car il s’agissait d’un suicide ».Note de bas de page 1898 L’adjum Watson a affirmé lors de son témoignage qu’il ne se souvenait pas d’une telle discussion et, quoi qu’il en soit, ne voyait pas la pertinence de l’interroger.Note de bas de page 1899

604. Compte tenu de l’importance évidente de Mme Fynes et de Mme A pour comprendre l’état du cpl Langridge, la décision de ne pas communiquer avec sa mère ou avec la personne que l’armée reconnaissait comme sa conjointe de fait peut être remise en question. Tel que mentionné ailleurs dans ce rapport, ces décisions étaient contraires aux témoignages d’experts entendus par la Commission en ce qui a trait aux pratiques d’entrevue dans les enquêtes sur une mort subite.Note de bas de page 1900 Leur témoignage aurait aussi clairement pu être utile à une éventuelle enquête sur la négligence. Le fait que les décisions aient été prises au niveau de la supervision indique que les problèmes inhérents à la conduite de l’enquête n’étaient pas confinés aux enquêteurs sur le terrain et pourraient s’être reflétés ou même avoir été amplifiés par l’orientation donnée au niveau de la supervision.

Contribution de la supervision au registre d’enquête

605. Les superviseurs semblent également avoir joué un rôle actif en produisant de nombreuses entrées dans le dossier d’EG.

606. D’après un examen des registres du SISEPM pour cette enquête,Note de bas de page 1901 il semble que l’adj Tourout ait modifié à peu près chaque entrée dans les zones de texte du dossier d’EG de 2008 à un moment ou à une autre durant l’enquête. Rien dans la preuve n’indique que ses modifications soient allées plus loin que de corriger la grammaire et les erreurs typographiques. L’adj Tourout a dit lors de son témoignage que la pratique au SNEFC RO à l’époque était de modifier une copie des observations finales d’un dossier pour la grammaire et la concision, afin (entre autres choses) d’éviter de donner trop d’information à la chaîne de commandement.Note de bas de page 1902 Il n’est pas clair, cependant, que cette politique se soit étendue à l’ensemble du dossier d’EG. La préoccupation de la Commission ne repose sur aucune conviction que les modifications ont porté sur le fond ou qu’elles avaient une intention malveillante. Au contraire, nonobstant le caractère bénin de ces corrections, les modifications non attribuées à des registres d’un dossier d’enquête devraient être évitées car elles peuvent entrer en conflit avec les exigences en matière de divulgation de la police. Ce conflit pourrait compromettre une poursuite subséquente, même si toutes ces modifications ont été faites de bonne foi. Peut-être en raison de la configuration des paramètres par défaut du SISEPM, l’adj Tourout n’a pas créé de versions secondaires afin de préserver les originaux; il n’a pas changé le nom de l’auteur pour montrer qu’il les avait modifiés; ni n’a autrement indiqué ce qu’il avait corrigé.Note de bas de page 1903 Comme le SISEPM ne conserve pas de registre des modifications,Note de bas de page 1904 il est difficile de déterminer qui est finalement responsable de quels aspects des versions finales dans le dossier d’EG ou la nature des modifications apportées par l’adj Tourout.

Documents de REPM

607. Le REPM sert à transmettre les résultats d’une enquête. L’enquête « devrait se poursuivre jusqu’à ce qu’on puisse remettre aux autorités concernées un rapport clair, complet et précis sur toutes les constatations ».Note de bas de page 1905 Quand un REPM est présenté à la chaîne de commandement des FC à l’issue d’une enquête, quatre documents sont remis aux personnes figurant sur la liste de distribution pour cette enquête : la plainte initiale, le sommaire du dossier, les observations finales et la lettre d’accompagnement.Note de bas de page 1906 La liste de distribution des documents de l’enquête de 2008 comprenait le commandant du LdSH, le commandant du SNEFC et le CEMAT.Note de bas de page 1907 La pratique du détachement du SNEFC RO (et manifestement la pratique d’autres détachements)Note de bas de page 1908 prévoyait la production de deux versions du sommaire du dossier et des observations finales de l’enquêteur.Note de bas de page 1909 L’adj Tourout, l’adjum Watson et le Maj Frei ont dit dans leur témoignage que la deuxième version de ces documents était révisée par les superviseurs pour la grammaire, la syntaxe, la concision et la clarté.Note de bas de page 1910

608. La version originale du sommaire de cas, rédigée par le cplc Ritco le 30 mai 2008, décrit en détail le déroulement général de l’enquête. Elle commence par décrire le traitement de la scène et du véhicule du cpl Langridge. Elle poursuit avec les entrevues et les mesures d’enquête prises par rapport à l’enquête sur la mort subite et la question de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1911 La deuxième version, modifiée à plusieurs reprises par l’adj Tourout et l’adjum Watson, mais portant encore le nom du cplc Ritco comme auteur, représente en longueur environ la moitié de la version originale. Presque tous les détails relatifs à l’enquête sur la question de la surveillance pour risque de suicide ont été omis. L’effet de ces modifications est de supprimer toute indication à l’effet que le SNEFC pourrait avoir fait enquête sur les questions relatives à la négligence possible de membres du LdSH en lien avec la mort du cpl Langridge.

609. En ce qui concerne l’entrevue du Capt Lubiniecki, le sommaire de cas original indique que :

[traduction]

Le 17 mars 2008, le Capt LUBINIECKI (adjudant du LdSH) a été interrogé par le cplc RITCO, et l’on a appris que le cpl LANGRIDGE avait beaucoup de problèmes médicaux / de santé mentale, pour lesquels il s’était rendu dans des centres de traitement, mais n’avait terminé aucun des programmes. Le Capt LUBINIECKI a déclaré que le cpl LANGRIDGE venait de quitter un hôpital au cours des deux derniers jours et avait demandé d’aller dans un centre de traitement en Ontario, mais en raison de la réputation du cpl LANGRIDGE de ne pas compléter les programmes de traitement et de manquer des rencontres des AA et des rendez-vous médicaux, il a été décidé que le cpl LANGRIDGE avait besoin que des ‘conditions’ soient mises en œuvre pour fournir un encadrement au cpl LANGRIDGE. Ces conditions ont également montré que le cpl LANGRIDGE s’était engagé à se rendre à un centre de traitement en Ontario. Le Capt LUBINIECKI a également fourni des renseignements indiquant que le cpl LANGRIDGE avait tenté de se suicider dans le passé, en remontant jusqu’à juin 2007. En terminant, le Capt LUBINIECKI a indiqué très clairement que le cpl LANGRIDGE avait été soumis à ces conditions à des fins d’encadrement seulement, non parce qu’il était d’une quelconque manière un contrevenant ou sous surveillance pour risque de suicide [sic].Note de bas de page 1912

610. Le sommaire du dossier a été modifié à la fois par l’adj TouroutNote de bas de page 1913 et l’adjum Watson.Note de bas de page 1914 La version modifiée, remise à la chaîne de commandement du LdSH, indique que :

[traduction]

Le 17 mars 2008, le Capt LUBINIECKI a été interrogé par le cplc RITCO, et l’on a appris que le cpl LANGRIDGE avait de nombreux problèmes médicaux / de santé mentale et s’était rendu à différents centres de traitement, mais n’avait terminé aucun des programmes. Le Capt LUBINIECKI a déclaré que le cpl LANGRIDGE avait quitté un hôpital au cours des deux derniers jours et avait demandé d’aller dans un centre de traitement en Ontario.Note de bas de page 1915

611. En comparant ces deux versions, on constate que la dernière omet les déclarations du Capt Lubiniecki à l’effet que :

  • La demande du cpl Langridge pour se rendre à un centre de traitement de la toxicomanie n’avait pas été acceptée;
  • Le cpl Langridge avait omis d’assister à des réunions des AA;
  • Le cpl Langridge vivait sous des « conditions » au régiment dans un effort visant à prouver qu’il était résolu à accepter un traitement;
  • Le cpl Langridge avait tenté de se suicider dans le passé;
  • Le cpl Langridge n’était pas sous surveillance pour risque de suicide au moment de son décès.

612. Ces modifications changent de manière significative la teneur du document. Presque toutes les questions omises sont directement liées aux questions concernant une négligence possible de la part de membres du LdSH.Note de bas de page 1916

613. Cette tendance se poursuit dans tout le reste du document. Le cplc Ritco avait consigné des détails dans le sommaire du dossier au sujet des entrevues du cplc Fitzpatrick, de la cplc Bowden, de l’adjuc Ross et du Capt Hannah.Note de bas de page 1917 Ces quatre entrevues portaient essentiellement sur la question de la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1918 Elles sont entièrement absentes de la version révisée du sommaire du dossier.Note de bas de page 1919 Les mentions dans le sommaire du dossier rédigé par le cplc Ritco indiquant que la chaîne de commandement du LdSH était au courant des tentatives de suicide antérieures du cpl Langridge et de ses tendances suicidaires actives ont également été omises dans les versions révisées par ses superviseurs. Toutes sauf une des multiples références à la surveillance pour risque de suicide dans le document du cplc Ritco ont été supprimées. La seule déclaration qui reste est attribuée au sgt Hiscock et se lit comme suit : [traduction] « Le sgt Hiscock a affirmé que le cpl Langridge n’était pas un contrevenant, ni sous surveillance pour risque de suicide ».Note de bas de page 1920 Tel qu’indiqué ailleurs dans le présent rapport, cette déclaration ne reflète pas exactement ce que le sgt Hiscock avait dit aux enquêteurs.Note de bas de page 1921

614. L’adj Tourout a déclaré lors de son témoignage que les modifications apportées au sommaire du dossier étaient de nature grammaticale et syntaxique et qu’il avait été abrégé par souci de concision, notamment en supprimant des mentions aux déclarations faites au sujet de la surveillance pour risque de suicide. Il a affirmé :

[traduction]

C’est [...] pour fournir au commandant [LdSH] juste assez d’information, une version corrigée pour prendre une décision [...] dans le cas où le commandant irait observer ou présiderait un procès quelconque. [...] [S]’il y avait une quelconque indication que nous tentons de changer quelque chose ou de cacher quelque chose, nous l’aurions enlevé également du sommaire du dossier et nous ne l’avons pas fait.Note de bas de page 1922

615. Il a cependant ajouté qu’il ne s’attendait pas à ce qu’un procès résulte de cette affaire. L’adj Tourout s’est fait demander si les renseignements contenus dans le sommaire du dossier révisé auraient pu inciter quelqu’un dans la chaîne de commandement à penser qu’il y avait des questions qui pourraient justifier un examen plus approfondi. Bien qu’il ait déclaré que les membres de la chaîne de commandement des FC pourraient, au besoin, commander l’ensemble du dossier afin d’en apprendre davantage sur l’enquête et les questions abordées, il a admis qu’à première vue ce sommaire du dossier révisé ne donnait pas à penser qu’il y avait une raison d’examiner plus en détail l’ensemble du dossier.Note de bas de page 1923

616. L’adjum Watson a déclaré lors de son témoignage que les dossiers indiquent qu’il avait apporté des modifications au sommaire du dossier, mais il ne souvenait pas précisément de ce qu’il avait changé.Note de bas de page 1924 Renvoyé à la section portant sur l’entrevue du Capt Lubiniecki, il a indiqué que les déclarations omises étaient de [traduction] « [l’]information qui ne conduisait pas vraiment à aucun niveau d’importance de la part du lecteur pour autant que je suis concerné ».Note de bas de page 1925 Lorsqu’on lui a demandé s’il était important de communiquer cette information concernant les problèmes du cpl Langridge et la surveillance pour risque de suicide, des sujets qui ont tous deux été examinés par le SNEFC, il a déclaré : [traduction] « Ceci est un rapport sur le suicide. [...] [s]’il y avait eu des motifs de poursuivre une enquête sur une surveillance pour risque de suicide ou sur des faits indiquant qu’il y avait eu, effectivement, une surveillance pour risque de suicide, alors je ferais valoir que certains de ces renseignements seraient importants pour le lecteur ».Note de bas de page 1926

617. L’adjum Watson a déclaré lors de son témoignage qu’il ne voyait pas la nécessité d’inclure les entrevues du cplc Fitzpatrick, de la cplc Bowden, de l’adjuc Ross et du Capt Hannah. Reconnaissant qu’il était clair dès le début de l’enquête qu’il n’y avait pas de soupçon d’acte criminel, et que les deux ou trois mois suivants avaient été consacrés à enquêter sur la surveillance pour risque de suicide, il a affirmé qu’il ne croyait pas que les entrevues devaient figurer dans le sommaire du dossier [traduction] « [p]arce que je pense que ce deuxième sommaire est factuel. Il raconte ce qui s’est passé. S’il y avait une raison [...] pour justifier qu’un autre dossier soit ouvert en ce qui a trait à [la] surveillance pour risque de suicide [...] alors ces renseignements, je pense, deviendraient pertinents à inclure [dans] un sommaire du dossier ».Note de bas de page 1927 Dans l’ensemble, l’adjum Watson était satisfait que le deuxième sommaire du dossier soit une description exacte de ce qui avait été appris durant l’enquête. Il a dit en témoignant que le rôle du gestionnaire de cas est de s’assurer de l’exactitude du document.Note de bas de page 1928

618. Dans la mesure où l’enquête de 2008 peut être considérée comme ayant porté uniquement sur la question de savoir si la mort du cpl Langridge était un suicide ou si elle impliquait un acte criminel, le sommaire du dossier révisé dit en effet [traduction] « ce qui s’est passé ». Comme description de l’activité d’enquête dans ce dossier, cette remarque semble moins juste. Pour la plus grande partie de sa durée, l’activité d’enquête a porté sur la surveillance pour risque de suicide,Note de bas de page 1929 une question pertinente à la négligence potentielle. Peu importe que cette activité d’enquête aurait dû se dérouler dans le cadre d’une enquête distincte ou non, le cplc Ritco l’a menée dans le cadre de l’enquête sur la mort subite conformément à un plan d’enquête qui, quelles que soient ses faiblesses, a été examiné et approuvé par son gestionnaire de cas.Note de bas de page 1930

619. Les modifications apportées au sommaire du dossier vont beaucoup plus loin qu’une simple révision de la grammaire, de la clarté et de la concision. L’effet des modifications, intentionnellement ou non, a été de supprimer tout fondement pouvant permettre de déduire que le cadre de l’enquête visait à évaluer la possibilité qu’il y avait eu négligence de la part du régiment. Quel que soit le motif, ces modifications signifiaient que le sommaire du dossier donnait une impression incomplète de ce qui avait fait l’objet d’une enquête.

620. Les observations finales rédigées par le cplc Ritco ont également été modifiées par l’adj Tourout.Note de bas de page 1931 Le contenu de ces modifications est examiné plus en détail à la section 4.1.4, Les observations finales. En effet, la deuxième version a récupéré la conjecture déjà douteuse figurant dans la première version pour la renforcer au point où les Fynes avaient la conviction que le message était que le cpl Langridge était responsable de son propre suicide malgré les efforts déployés par les FC pour lui fournir un encadrement et un soutien. Comme c’était la pratique alors,Note de bas de page 1932 la deuxième version est la seule qui a été remise à la chaîne de commandement du LdSH pour examen à la conclusion du dossier.Note de bas de page 1933

621. L’adj Tourout a nié toute intention de modifier le contenu au-delà d’un effort pour reformuler ce que le cplc Ritco avait dit,Note de bas de page 1934 mais quelle que soit l’intention, la deuxième version renfermait certaines constatations peut-être plus problématiques que celles apparaissant dans la première version.Note de bas de page 1935

622. L’adjum Watson ne semble pas avoir fait de modifications dans les observations finales. Sa lettre d’accompagnement du REPM, rédigée le 1er juillet 2008, se lit en partie comme suit :

[traduction]

L’enquête sur cet incident a révélé que le cpl LANGRIDGE avait des antécédents de toxicomanie et de troubles mentaux pour lesquels il recevait un traitement de professionnels de la santé à la fois militaires et civils. Il a également été déterminé que le cpl LANGRIDGE avait tenté de se suicider à plusieurs reprises dans le passé. Le rapport du médecin légiste de l’Alberta indique que le cpl LANGRIDGE est mort à la suite d’une asphyxie par pendaison.Note de bas de page 1936

623. L’adjum Watson a déclaré lors de son témoignage qu’il avait seulement examiné la plainte initiale, le sommaire du dossier et les observations finales.Note de bas de page 1937 Sa lettre d’accompagnement omet quelques-uns des éléments qu’on retrouve dans les observations finales révisées par l’adj Tourout. La lettre d’accompagnement mentionne le combat du cpl Langridge pour surmonter ses problèmes de toxicomanie et ses troubles de santé mentale, mais ne renferme aucune insinuation à l’effet que les uns ont suivi les autres.Note de bas de page 1938 Elle ne fait pas non plus mention d’un effort pour fournir un encadrement et un soutien. L’adjum Watson a dit lors de son témoignage qu’il ne fallait rien déduire de ces omissions parce que la lettre d’accompagnement n’était qu’un bref survol du dossier, et il était d’avis que les renseignements pertinents pouvaient être obtenus dans le sommaire du dossier ou les observations finales.Note de bas de page 1939 Il n’est pas étonnant qu’il n’y ait aucune mention dans la lettre d’accompagnement de quoi que ce soit en lien avec l’enquête sur la question de la surveillance pour risque de suicide.

624. Les superviseurs du SNEFC avaient la responsabilité d’assurer l’exactitude du rapport et de l’enquête dont il rendait compte.Note de bas de page 1940 Lorsque les dossiers d’enquête sont d’une façon quelconque inexacts, cela devrait être soulevé avec les enquêteurs. Lorsque les efforts des superviseurs pour modifier eux-mêmes les registres d’une enquête donnent lieu à des énoncés inexacts ou problématiques, cela ne peut qu’aggraver la défaillance.

625. Dans l’ensemble, les modifications apportées au sommaire du dossier ou aux observations finales avaient une valeur douteuse. Dans la version modifiée des observations finales, l’adj Tourout avait ajouté un passage faisant spécifiquement mention de la conclusion du ML selon laquelle la mort du cpl Langridge résultait d’un suicide par pendaison, ce qui était une information pertinente et importante. Cependant, la version modifiée renfermait des conclusions plus catégoriques sur les efforts faits par le régiment pour aider le cpl Langridge avant son décès que celles faites par le cplc Ritco et, sur ce point, aucune des deux versions n’était bien étayée par la preuve recueillie au cours de l’enquête elle-même.Note de bas de page 1941

Supervision de l’enquête de 2008 : conclusion générale

626. La supervision générale de cette enquête était problématique. L’équipe d’enquête n’a pas été capable de mener une enquête sur la mort subite de son propre gré et aucune mesure n’a été prise pour compenser son manque d’expérience. La question des interventions au niveau de la supervision en ce qui concerne les entrevues de témoins reste ouverte, étant donnée la nature de l’enquête qui aurait dû être effectuée. Les modifications de surveillance aux entrées du SISEPM constituent également une question qui reste en suspens.

Tenue des dossiers
Politiques, normes et pratiques sur la tenue des dossiers

627. Il est essentiel que les enquêteurs tiennent des registres complets et précis des enquêtes qu’ils effectuent. Comme l’énonce le chapitre 6 des CPTPM, le but et les objectifs d’une enquête de la PM sont « de reconstituer les événements, réunir les éléments de preuve, dégager les éléments de la présumée infraction et déterminer ceux qui en sont responsables ».Note de bas de page 1942 Les CPTPM précisent que toute enquête doit être approfondie, complète et précise, et immédiatement consignée dans un rapport du SISEPM.Note de bas de page 1943 Elles indiquent également que « les enquêtes de la PM sont complétées dans le but de disculper ou d’impliquer des individus. Toutes informations rassemblées, qu’elles soient disculpatoire [sic] ou non, doivent être rapportées, sans tenir compte des décisions initiales, provisoires ou finales en ce qui concerne la culpabilité ou l’émission de chef(s) d’accusation(s) »Note de bas de page 1944 Les CPTPM stipulent aussi que tous les renseignements obtenus au cours des enquêtes sur les antécédents doivent, de façon similaire, être inclus dans le rapport.Note de bas de page 1945 Ainsi, les CPTPM insistent sur la nécessité de maintenir des dossiers complets et exacts qui renferment tous les renseignements pertinents obtenus, que ces renseignements permettent de conclure qu’une infraction a été commise ou non.

628. À l’issue d’une enquête de la PM, un REPM est distribué aux autorités concernées pour examen. Le REPM est destiné à transmettre les faits découverts et les constatations effectuées dans le cadre d’une enquête. Les enquêteurs sont chargés de préparer toutes les entrées au dossier d’EG, y compris le REPM.Note de bas de page 1946 De leur côté, les superviseurs de la PM sont chargés d’en vérifier l’exactitude et le caractère exhaustif.Note de bas de page 1947

629. Dans le cas présent, les enquêteurs du SNEFC ont utilisé trois principaux systèmes de tenue des dossiers : les carnets de notes des enquêteurs, les enregistrements d’entrevues et le SISEPM.

630. Les carnets de notes des enquêteurs sont leur principal outil de tenue des dossiers. Ils leurs permettent de prendre des notes alors qu’ils procèdent à l’enquête. Les notes constituent un important registre des événements pour les enquêteurs pendant le déroulement de leurs enquêtes, et potentiellement lorsqu’ils se préparent en vue d’un procès ou d’une enquête ultérieure. Les enquêteurs consultent leurs carnets de notes lorsqu’ils tapent ou dictent leurs rapports d’activité d’enquête, et ils peuvent être examinés par les gestionnaires de cas en cours d’enquête.Note de bas de page 1948 Au sein du SNEFC, la numérisation des carnets de notes des enquêteurs dans le dossier d’enquête est une pratique courante, mais il n’est pas clair que la responsabilité de la numérisation dans le SISEPM pour le bénéfice du dossier d’EG revient à l’auteur des notes ou à l’enquêteur principal.Note de bas de page 1949

631. Les CPTPM décrivent également les pratiques et les procédures applicables à la conduite et à l’enregistrement des entrevues avec des témoins. Habituellement, les entrevues sont effectuées en équipes formées d’au moins deux enquêteurs, et au moins un enquêteur est chargé de prendre des notes.Note de bas de page 1950 Si aucun second enquêteur n’est disponible, l’entrevue peut se dérouler avec un seul enquêteur.Note de bas de page 1951 Les entrevues sont généralement enregistrées en format audio ou audio et vidéo (« vidéo »),Note de bas de page 1952 et la capacité d’enregistrement peut dépendre du lieu où se déroule l’entrevue. Si une entrevue a lieu dans un détachement de la PM, elle doit être enregistrée,Note de bas de page 1953 le format préféré étant la vidéo.Note de bas de page 1954 Les enregistrements d’entrevues doivent être classés comme des notes officielles et manipulés avec le même soin et le même souci de protection que les notes écrites des policiers.Note de bas de page 1955

632. Même si une entrevue peut être enregistrée en format audio ou vidéo, il est toujours conseillé aux enquêteurs de prendre certaines notes lors d’une entrevue.Note de bas de page 1956 Cela, parce que dans les cas où des accusations seraient portées et qu’un procès aurait lieu, un enquêteur peut avoir à expliquer le contexte et le déroulement des événements lors d’une entrevue. Les CPTPM fournissent comme exemples l’explication de tout incident inhabituel ou de longues périodes de silence sur un enregistrement d’entrevue.Note de bas de page 1957 Il est conseillé aux membres de la PM de prendre des notes écrites significatives à partir des enregistrements d’entrevues dès que possible, en expliquant dans les notes comment elles ont été rédigées (p. ex. à partir d’un enregistrement audio ou vidéo).Note de bas de page 1958

633. Le dernier système de tenue de dossiers, et le plus complet, employé par le SNEFC est le SISEPM. Il s’agit d’un système exclusif de gestion des documents qui conserve les documents créés ou acquis dans le cadre des enquêtes de la PM. Il offre aux membres de la PM la possibilité de créer des dossiers électroniques de leurs activités d’enquête, lesquels sont mémorisés dans le dossier d’événement général (EG) ouvert après qu’une plainte initiale ait été reçue.Note de bas de page 1959 Il permet également aux enquêteurs de numériser des documents obtenus dans le cadre d’une enquête (p. ex. les carnets de notes des enquêteurs, les dossiers personnels et les dossiers médicaux).Note de bas de page 1960 Le SISEPM est un système en ligne,Note de bas de page 1961 accessible aux membres de la PM où qu’ils se trouvent. C’est donc un outil très puissant pour les enquêteurs et la PM en tant qu’organisation. Le REPM final comprend certaines des entrées du dossier d’EG contenues dans le SISEPM.

634. Toutes les entrées créées pour un dossier d’EG dans le SISEPM ont une date et un type de document associés à leur création. La date à laquelle un document est créé est automatiquement enregistrée et sauvegardée dans le système, même si le type de document est ensuite modifié. Une date secondaire, appelée [traduction] « date connexe » dans les entrées du SISEPM, n’est pas automatiquement enregistrée, mais plutôt inscrite par la personne qui crée ou modifie une entrée.Note de bas de page 1962 À la lumière de l’examen fait par la Commission du dossier d’EG dans le cas présent, la « date connexe » indique généralement la date à laquelle l’activité d’enquête a eu lieu.

635. Comme pour les carnets de notes des enquêteurs, il est essentiel que les entrées créées dans le SISEPM soient complètes et exactes pour qu’une enquête soit efficace.Note de bas de page 1963 En fin de compte, le contenu des dossiers d’EG devrait pouvoir étayer les constatations faites ou les conclusions tirées par les enquêteurs dans le cadre de leurs enquêtes. Toute inexactitude ou omission de fait pourrait compromettre cet objectif. Il est donc essentiel que les enquêteurs soient attentifs aux détails lorsqu’ils produisent leurs entrées initiales dans le SISEPM et, subséquemment, un résumé de leurs activités d’enquête.

636. L’audience a révélé qu’une fois créées, les entrées du SISEPM peuvent être, et sont régulièrement, revues et corrigées par les enquêteurs et leurs superviseurs.Note de bas de page 1964 Ceci est d’une importance particulière car le SISEPM ne conserve pas un historique des modifications apportées à un document. Il enregistre uniquement la dernière version.Note de bas de page 1965

Tenue des dossiers dans cette affaire

637. Les pratiques de gestion des dossiers employées par les enquêteurs indiquent qu’ils étaient conscients de l’importance de maintenir un dossier complet de l’enquête. Les carnets de notes du cplc Ritco et du sgt Bigelow renferment généralement les mesures qu’ils ont prises dans le cadre de l’enquête, depuis l’attribution initiale des tâches le 15 mars 2008Note de bas de page 1966 jusqu’à la conclusion du dossier.Note de bas de page 1967 Malheureusement, le carnet de notes du sgt Bigelow n’a pas été numérisé dans le SISEPM. Bien qu’il ait accepté à l’audience la responsabilité pour ne pas l’avoir fait,Note de bas de page 1968 il s’agissait d’une erreur énorme de la part des enquêteurs et de leurs superviseurs.

638. Les carnets de notes eux-mêmes semblent avoir été bien tenus. Le contenu est chronologiquement ordonné et les inscriptions tardives sont notées comme étant en retard.Note de bas de page 1969 À certains points, le cplc Ritco a effectué des corrections dans ses notes et a consigné ce qui avait été changé dans le carnet de notes.Note de bas de page 1970 Idéalement, les enquêteurs devraient prendre des notes contemporaines à l’évènement, mais cela n’est pas toujours possible. Le cplc Ritco a adopté l’approche appropriée en enregistrant les événements et en indiquant si l’entrée n’avait pas été faite simultanément. De cette façon, il s’est assuré que quiconque examinerait le carnet de notes serait mis au courant de tous les changements apportés et de l’endroit où les inscriptions tardives ont été faites. Comme la précision fait partie intégrante des rapports d’enquête, l’approche du cplc Ritco a contribué à faire en sorte que le contenu et les conditions dans lesquelles il a été enregistré, se reflètent avec précision dans le rapport.

639. Les entrées dans les carnets de notes sont généralement détaillées et indiquent ce que les enquêteurs ont découvert au fur et à mesure des étapes suivies dans l’enquête. Lues conjointement avec les entrées subséquentes dans le SISEPM, elles permettent au lecteur de se faire une idée assez complète des mesures prises par les enquêteurs. Cependant, il y a un manque de détails à l’égard de certaines mesures d’enquête que les enquêteurs ont choisi de ne pas prendre, la plupart du temps lorsque des décisions ont été prises par des superviseurs.

640. Les décisions de ne pas contacter Mme Fynes et Mme A, en particulier, ne sont pas consignées en détail dans le carnet de notes du cplc Ritco, et n’ont jamais été développées dans les entrées du SISEPM. Le carnet de notes du cplc Ritco permet de conclure seulement qu’une décision a été prise par ses supérieurs à l’effet qu’il n’était pas nécessaire de communiquer avec Mme Fynes.Note de bas de page 1971 Il est bien possible que le cplc Ritco n’ait jamais reçu d’explication sur les motifs de cette décision. De même, les raisons de la décision de ne pas communiquer avec Mme A ne sont pas enregistrées,Note de bas de page 1972 et, encore ici, on n’a peut-être jamais dit au cplc Ritco pourquoi cela avait été jugé inutile. Dans tous les cas, la conséquence est qu’il est impossible de déterminer à partir du dossier les raisons de ne pas avoir interrogé ces deux témoins pourtant potentiellement utiles. Les superviseurs du cplc Ritco n’ont pas non plus créé d’entrées dans le SISEPM pour fournir des justifications de leurs décisions. Ces décisions se sont avérées controversées et elles soulignent l’importance de tenir des dossiers complets non seulement des mesures d’enquête entreprises, mais aussi des raisons derrière les décisions de ne pas entreprendre d’autres mesures.

641. Les écarts dans la nature et le lieu des interrogatoires des témoins soulèvent plusieurs questions. Quatre entrevues enregistrées sur vidéo ont eu lieu dans la salle d’entrevue du SNEFC RO en présence de deux enquêteurs. Ces entrevues étaient celles du sgt Hiscock,Note de bas de page 1973 du cpl Hurlburt,Note de bas de page 1974 du cplc FitzpatrickNote de bas de page 1975 et de la cplc Bowden.Note de bas de page 1976 Cependant, le Capt Lubiniecki a été interrogé dans la salle de briefing du LdSH,Note de bas de page 1977 tandis que les entrevues avec l’adjuc RossNote de bas de page 1978 et le Capt HannahNote de bas de page 1979 ont eu lieu dans leurs bureaux respectifs. Dans le cas de ces trois dernières entrevues qui se sont déroulées « hors site », il n’y a pas eu d’enregistrement vidéo. Lors de l’entrevue avec l’adjuc Ross, deux enquêteurs étaient présents,Note de bas de page 1980 mais le cplc Ritco a procédé seul à l’entrevue du Capt Hannah et il n’a pas pris de notes.Note de bas de page 1981 Pour compliquer davantage les choses, bien qu’il y ait eu un enregistrement audio des entrevues avec l’adjuc Ross et le Capt Hannah, l’entrevue avec le Capt Lubiniecki n’a pas été enregistrée. Il s’ensuit qu’il n’y a qu’un compte rendu partiel de cette entrevue et que des renseignements importants pourraient avoir été perdus.

642. Aucune explication claire n’existe pour justifier ces différences d’approche. Une explication a été offerte par le sgt Bigelow concernant la décision d’interroger l’adjuc Ross dans son bureau : [traduction] « [...] juste pour accélérer le processus, pour obtenir quelque chose de lui », peut-être en raison de la difficulté de l’emmener à la salle d’entrevue.Note de bas de page 1982 Étant donné que ces entrevues étaient volontaires, il se peut certainement que cela ait été la meilleure option.

643. En comparant les transcriptions d’entrevues avec les rapports écrits, il semble y avoir plusieurs divergences et omissions qui mettent en doute l’attention portée par les enquêteurs aux détails au moment de les rédiger. Le résultat est que le dossier d’EG n’indique pas toujours pleinement ce qui a été appris au cours des entrevues.

644. Le résumé de l’entrevue du sgt Hiscock semble simplifier certaines de ses déclarations au point où il ne reflète pas exactement ce qu’il a déclaré aux enquêteurs. Il a indiqué qu’il avait été informé que le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide soit par l’officier de service sortant soit par le cplc Fitzpatrick, mais il a pensé qu’il était étrange que l’on ait accordé autant de liberté au cpl Langridge s’il était sous surveillance pour risque de suicide;Note de bas de page 1983 [traduction] « Je suppose que c’était une surveillance pour risque de suicide, mais ce n’était pas vraiment une surveillance pour risque de suicide ».Note de bas de page 1984 Le sgt Hiscock a ajouté que l’adjuc Ross l’avait amené dans son bureau la veille de son entrevue avec le SNEFC et lui avait dit que le cpl Langridge n’était pas sous surveillance pour risque de suicide, mais plutôt soumis à un ensemble de conditions destinées à renforcer son encadrement tout en préservant sa dignité.Note de bas de page 1985 En dépit de cette rencontre, le sgt Hiscock a expliqué au cplc Ritco qu’il croyait encore que le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide, [traduction] « mais en mettant cette expression entre guillemets »,Note de bas de page 1986 puisqu’il était d’avis qu’une surveillance pour risque de suicide appropriée aurait exigé des conditions plus robustes.Note de bas de page 1987 Dans son résumé écrit, le cplc Ritco a tout simplement écrit : [traduction] « le sgt Hiscock était sous l’impression que le cpl Langridge n’était pas [...] sous surveillance pour risque de suicide », notant la rencontre avec l’adjuc Ross qui avait eu lieu la veille.Note de bas de page 1988

645. Le rapport de l’entrevue du cpl Hurlburt présentait des problèmes similaires. Il a dit aux enquêteurs qu’environ une semaine avant la mort du cpl Langridge, il avait été informé qu’il ferait partie d’une équipe de surveillance pour risque de suicide auprès du cpl Langridge, mais que cette surveillance avait ensuite été annulée. Il a ajouté qu’il n’avait pas été informé suite à cette annulation que le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide. Cependant, en passant en revue les conditions imposées au cpl Langridge, le cpl Hurlburt a déclaré qu’il avait l’impression qu’elles constituaient une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1989 Le rapport du cplc Ritco omet ce dernier point.Note de bas de page 1990 Ainsi, il n’y a aucune indication dans le rapport que le cpl Hurlburt estimait que les conditions équivalaient à une surveillance pour risque de suicide. En outre, la source de l’information du cpl Hurlburt à l’effet que le cpl Langridge serait sous surveillance pour risque de suicide n’est pas incluse dans le résumé. Il indique tout simplement qu’il avait entendu des [traduction] « rumeurs »,Note de bas de page 1991 mais étant donné les circonstances de l’affaire et l’information obtenue d’autres témoins, la Commission a du mal à accepter cette affirmation. Employer le terme « rumeur » pour décrire les diverses déclarations et instructions au sujet d’une « surveillance pour risque de suicide » ou d’une « surveillance » qui circulaient de haut en bas de la chaîne de commandement serait en étirer le sens au-delà de sa signification habituelle. En fait, lors de l’entrevue du SNEFC avec le cpl Hurlburt, celui-ci a affirmé que la cplc Bowden lui avait dit directement qu’il y aurait une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 1992

646. Le résumé de l’entrevue de la cplc Bowden ne compte qu’une seule page et manque de détails. Il ne comprend pas sa déclaration aux enquêteurs à l’effet qu’une personne montait déjà la garde et surveillait le cpl Langridge avant que la surveillance pour risque de suicide soit annulée.Note de bas de page 1993 En outre, le résumé ne mentionne pas qu’elle avait déclaré que le cpl Langridge avait fait l’objet de « surveillances » dans le passé.Note de bas de page 1994 Compte tenu de la place centrale qu’occupe la question de la surveillance pour risque de suicide, même dans le contexte de l’interprétation étroite de la question de la négligence adoptée par le cplc Ritco,Note de bas de page 1995 ces deux déclarations étaient pertinentes et auraient dû figurer dans le résumé.

647. Étant donné l’importance potentielle des problèmes respectifs pour l’enquête, les résumés des entrevues soulèvent des préoccupations. L’adj Tourout a déclaré lors de son témoignage qu’il avait examiné les résumés des entrevues, mais non les enregistrements,Note de bas de page 1996 et qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il le fasse. Des résumés incomplets ou inexacts impliquent que les superviseurs peuvent ne pas être tenus informés de détails importants. Dans l’éventualité où une enquête complète sur la négligence aurait été lancée, il aurait été important pour les enquêteurs de déterminer si les témoignages correspondaient au dossier documentaire.

648. Le rapport de l’entrevue du Capt Hannah permet d’illustrer pourquoi les enquêteurs doivent s’efforcer de mener des entrevues en équipe et de faire en sorte que les deux prennent des notes et les enregistrent. Il y a un malentendu évident dans le rapport et dans un document ultérieur qui aurait pu être évité si plus d’attention avait été accordée aux détails. Selon le rapport, le Capt Hannah avait affirmé que les dossiers médicaux du cpl Langridge indiquaient que ses tentatives de suicide remontaient à aussi loin que 2003.Note de bas de page 1997 En fait, le Capt Hannah avait déclaré : [traduction] « les problèmes [du cpl Langridge] remontent à aussi loin que 2003 », en faisant référence à ses diagnostics de troubles mentaux et de toxicomanie.Note de bas de page 1998 Parlant spécifiquement de tentatives de suicide antérieures à juin 2007, le Capt Hannah avait déclaré : [traduction] « Y en a-t-il d’autres où il aurait eu l’intention de faire quelque chose, ou a-t-il posé des gestes qui ne sont pas documentés? C’est possible, mais je ferais des conjectures ».Note de bas de page 1999 La mention erronée d’une tentative de suicide remontant à 2003 apparaît ensuite dans le résumé qu’a fait le cplc Ritco des documents médicaux du cpl Langridge, donnant à tort l’impression que les tentatives de suicide du cpl Langridge remontaient beaucoup plus loin dans le temps que ce n’était le cas en réalité.Note de bas de page 2000

649. Outre les problèmes liés aux résumés d’entrevues, un certain nombre de dates ont été mal enregistrées dans le dossier de l’enquête. Le sommaire du dossier en fournit un bon exemple, lorsqu’il note que : le cpl Rohmer a été interrogé le 8 avril 2008; le sgt Hiscock a été interrogé le 18 avril 2008; le cplc Fitzpatrick a été interrogé le 22 mars 2008; les demandes du cplc Ritco pour l’obtention des documents médicaux du cpl Langridge ont été agréées le 23 mars 2008.Note de bas de page 2001 En réalité : le cpl Rohmer a été interrogé le 18 mars 2008;Note de bas de page 2002 le sgt Hiscock a été interrogé le 18 mars 2008;Note de bas de page 2003 le cplc Fitzpatrick a été interrogé le 22 avril 2008;Note de bas de page 2004 et les demandes du cplc Ritco pour obtenir les documents médicaux du cpl Langridge ont été agréées le 23 avril 2008.Note de bas de page 2005 De telles erreurs établissent une chronologie erronée du déroulement de l’enquête. Cette chronologie inexacte dissimule le fait que l’enquête a comporté de longs intervalles. En réalité, aucune entrevue n’a été réalisée entre le 19 mars et le 22 avril 2008.Note de bas de page 2006 Les enquêteurs devraient faire preuve de prudence en s’assurant que leurs entrées dans le dossier correspondent exactement aux faits au cas où ils devraient se fier à ces entrées ultérieurement, par exemple pour se préparer en vue d’un procès.

650. Dans l’ensemble, les enquêteurs ont maintenu leurs carnets de notes de façon minutieuse et ils ont pris soin d’entrer leurs activités d’enquête dans le SISEPM. Cependant, un manque apparent d’attention aux détails a fait en sorte que certains éléments de preuve importants ne figuraient pas dans ces entrées. À l’avenir, les enquêteurs doivent s’assurer qu’ils portent une attention particulière à la fois au contenu et aux aspects techniques de leur travail, y compris les dates et les heures. S’ils ont besoin de s’appuyer sur leurs dossiers dans l’avenir, il est essentiel que ces dossiers soient exacts. Cela est aussi essentiel du point de vue d’une supervision et d’un contrôle adéquats des enquêtes.

Rapports de l’état du dossier

651. Les superviseurs du SNEFC étaient responsables de fournir des rapports au QG du SNEFC en vertu d’un nouveau système d’information élaboré au cours de la période où le Maj Frei était commandant adjoint du SNEFC. Le Maj Frei et le lcol Garrick, commandant du SNEFC à l’époque, ont mis en place un nouveau système de rapports entre les détachements et le QG du SNEFC, appelés rapports de l’état du dossier. Ces rapports étaient produits toutes les deux semaines par les différents détachements et ensuite transmis au QG pour que [traduction] « la direction [du SNEFC] ait connaissance de la situation de l’ensemble des enquêtes en cours ».Note de bas de page 2007 Les gestionnaires de cas devaient passer en revue leurs dossiers actifs avec l’adjum Watson et aider à produire les documents. Les rapports emploient une formule d’ordonnancement des priorités visant à [traduction] « indiquer où vous devez affecter vos ressources, en fonction de la priorité accordée à chaque enquête ».Note de bas de page 2008

652. Au moment de l’enquête de 2008, l’adjum Watson, à titre de conseiller supérieur de la PM, produisait les rapports pour le SNEFC RO.Note de bas de page 2009 Le premier rapport sur l’état du dossier faisant mention du décès du cpl Langridge a été envoyé un peu avant le 1er avril 2008.Note de bas de page 2010 Il indiquait que l’enquête en était [traduction] « aux premières étapes ».Note de bas de page 2011 Le deuxième rapport, en date du 1er avril 2008, ajoutait à cela que l’enquête était [traduction] « en cours et toutes les informations acquises seront partagées avec le département de la GRC de Morinville ».Note de bas de page 2012 Le troisième rapport, en date du 8 avril 2008, indique simplement que l’enquête se poursuit.Note de bas de page 2013 Un quatrième rapport, en date du 13 mai 2008, affirme que : [traduction] « Le dossier est peut-être en train de prendre une autre direction en raison de renseignements obtenus indiquant que le défunt était sous surveillance pour risque de suicide quand il s’est suicidé ».Note de bas de page 2014 Le rapport ajoute que les enquêteurs attendaient d’obtenir les dossiers médicaux du cpl Langridge.Note de bas de page 2015 Les rapports datés des 3 et 10 juin 2008 notent que tous les documents ont été examinés, que l’enquête est close et que le rapport final est en cours de rédaction.Note de bas de page 2016

653. Ces rapports d’état du dossier présentent de nombreux problèmes.

654. Le rapport du 1er avril 2008 indiquant que tous les renseignements seraient partagés avec le département de la GRC de Morinville est apparemment erroné. Le cplc Ritco n’était pas au courant de cela.Note de bas de page 2017 L’adj Tourout a suggéré que cela a pu être une [traduction] « faute de frappe » liée à une autre enquête en cours à l’époque.Note de bas de page 2018 Cette affirmation a continué à figurer dans tous les rapports d’état du dossier subséquents.Note de bas de page 2019

655. L’adjum Watson a expliqué que le SNEFC n’avait pas le pouvoir de produire un Report of Death (rapport de décès), requis pour tous les décès survenant en Alberta,Note de bas de page 2020 indiquant que l’aide de la GRC aurait pu être requise pour compléter le rapport de décès. Selon l’adjum Watson, ce qui s’est sans doute passé c’est que le ML a accepté le rapport du SNEFC comme rapport de décès, rendant inutile le suivi avec la GRC.Note de bas de page 2021 Il se peut que le détachement de la GRC de Morinville n’ait jamais été contacté à ce sujet – le dossier d’enquête note une conversation le 19 mars 2008 entre le cplc Ritco et la GRC, au cours de laquelle un membre de la GRC a dit qu’ils étaient [traduction] « mécontents de ne pas [avoir] été appelés [...] demandez à l’adjudant-maître d’appeler ».Note de bas de page 2022 Il ne semble pas qu’aucune information ait été partagée avec la GRC au sujet du décès avant cette date, et le moment où l’adjum Watson a avisé la GRC de la tenue de l’enquête (ou s’il l’a fait) ne ressort pas clairement du dossier.Note de bas de page 2023 Il se peut que la mention ci-dessus ait été insérée en faisant l’hypothèse qu’en raison de la question liée à l’autorité responsable de produire un rapport de décès, il y aurait un partage de fichiers, mais le rapport semble inexact sur les faits.

656. Le rapport d’état du dossier du 13 mai 2008 indiquant que le dossier était peut-être en train de prendre une [traduction] « autre direction »Note de bas de page 2024 soulève lui-même toute une série de questions. Il est apparu environ deux mois après le début de l’enquête. Toutefois, les enquêteurs ont initialement été informés que le cpl Langridge était peut-être sous surveillance pour risque de suicide au moment de son décès, lorsqu’ils se sont rendus sur les lieuxNote de bas de page 2025 ou le lendemain.Note de bas de page 2026

657. Le cplc Ritco ne savait pas ce que cette affirmation voulait dire, puisqu’il avait entendu des rumeurs sur la surveillance pour risque de suicide depuis le début de son enquête. Il a déclaré qu’il n’était pas sûr de ce que voulait laisser entendre la déclaration à l’effet que le dossier prenait peut-être une autre direction.Note de bas de page 2027

658. L’adj Tourout a expliqué qu’elle était censée indiquer que les enquêteurs se demandaient si le cpl Langridge était sous une surveillance pour risque de suicide afin de déterminer si une deuxième enquête sur la négligence devait être ouverte. Toutefois, rien n’a été étayé et, par conséquent, le dossier n’a pas finalement pris une autre direction.Note de bas de page 2028 L’adjum Watson, pour sa part, a déclaré que le changement de direction aurait voulu dire que les enquêteurs examinaient si le cpl Langridge était sous surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 2029

659. Le Maj Frei, commandant adjoint du SNEFC à l’époque, a déclaré que ce rapport lui suggérerait [traduction] « une alerte ayant incité les enquêteurs à s’orienter vers une autre piste d’enquête qu’il y aurait peut-être lieu d’explorer ».Note de bas de page 2030 La mise à jour laissait certes entendre que quelque chose avait changé entre le 8 avril et le 13 mai 2008, amenant les enquêteurs à croire que le cpl Langridge était peut-être sous surveillance pour risque de suicide, et la surveillance pour risque de suicide était un sujet clé dans la plupart sinon toutes les entrevues effectuées.Note de bas de page 2031 Le nouvel élément pourrait avoir été l’entrevue du SNEFC avec le cplc Fitzpatrick le 22 avril 2008, au cours de laquelle il avait parlé aux enquêteurs de la tentative avortée de mettre en place une surveillance pour risque de suicide à l’intention du cpl Langridge en mars 2008.Note de bas de page 2032

660. Dans l’ensemble, les rapports d’état du dossier dans cette affaire ne servent pas la fonction attendue. Les entrées ne sont pas toujours exactes et elles n’offriraient pas au QG du SNEFC une appréciation significative de la situation. Il est difficile de voir comment ces rapports sur l’état du dossier auraient pu servir à effectuer une surveillance valable de l’enquête. L’une des notations potentiellement importantes – révélant une nouvelle direction possible [traduction] « en raison de renseignements obtenus indiquant que le défunt était sous surveillance pour risque de suicide quand il s’est suicidé »Note de bas de page 2033 – est venue trop tard au cours du processus, le 13 mai 2008, soit bien après que l’enquête sur la surveillance pour risque de suicide ait été entreprise (et effectivement beaucoup plus proche de la conclusion de l’enquête, le 2 juin 2008, que du début de celle-ci). En outre, il n’y a pas eu de suivi sous la forme de rapports significatifs à l’intention du QG sur les conclusions tirées sur cet aspect de l’enquête.

4.1.6 Mandats de perquisition

661. Les enquêteurs ont accédé au casier de rangementNote de bas de page 2034 et à la JeepNote de bas de page 2035 du cpl Langridge, et y ont saisi des biens, sans avoir d’abord obtenu un mandat de perquisition.Note de bas de page 2036 La décision de procéder à ces perquisitions sans mandat soulève la question de savoir si une telle action avait un fondement adéquat, et la question préalable et peut-être plus troublante de la connaissance et de la compréhension que les enquêteurs avaient de leurs pouvoirs de perquisition et de saisie.

Les fouilles effectuées

662. Le 15 mars 2008, après le traitement de la chambre de la caserne où le corps du cpl Langridge a été trouvé, le cplc Ritco et le sgt Bigelow ont fouillé et saisi des articles se trouvant dans le casier du cpl Langridge dans la chambre des contrevenants.Note de bas de page 2037 Ils n’avaient pas la clé et ils [traduction] « ont dû ouvrir le casier de force [...] [Nous] avons dû couper le cadenas ».Note de bas de page 2038 Le 16 mars 2008, ils ont fouillé la Jeep du cpl Langridge et saisi certains objets.Note de bas de page 2039 Ils avaient trouvé les clés de la Jeep lors du traitement de la chambre de la caserne du cpl Langridge.Note de bas de page 2040 Dans les deux cas, les perquisitions et les saisies ont été effectuées sans avoir obtenu de mandats de perquisition.Note de bas de page 2041

663. Rien dans le dossier d’enquête n’indique que les enquêteurs ou leur gestionnaire de cas aient examiné la possibilité qu’il puisse être nécessaire d’obtenir un mandat de perquisition avant de procéder à l’une ou l’autre fouille. Il n’y a aucune preuve que la question ait été discutée au sein de l’équipe d’enquête au moment des fouilles. Il n’y a aucune preuve non plus que la question ait été soumise aux membres de la chaîne de commandement du SNEFC ou à un conseiller juridique. De même, il n’existe aucune preuve que l’enquêteur du ML ait été consulté sur ces questions.

Justifications fournies pour les fouilles

664. Les deux enquêteurs du SNEFC dans cette affaire ont affirmé lors de leur témoignage qu’ils ne croyaient pas que des mandats de perquisition étaient nécessaires. Le cplc Ritco, l’enquêteur en chef, a déclaré que, selon sa compréhension, il menait l’enquête au nom du cpl Langridge. En conséquence, il ne pensait pas qu’un mandat de perquisition était requis pour fouiller la Jeep afin d’y trouver des éléments de preuve liés au décès.Note de bas de page 2042 Le sgt Bigelow (qui a participé au traitement de la scène) croyait également qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir un mandat de perquisition, affirmant que [traduction] « La loi sur les coroners [en fait, la Fatality Inquiries ActNote de bas de page 2043 en Alberta] nous permet d’avoir accès à la scène elle-même, ainsi qu’à tous les autres endroits auxquels avait accès la personne en cause, que ce soit son casier au LdSH ou son véhicule ».Note de bas de page 2044

665. L’adj Tourout (le gestionnaire de cas) a fourni une explication différente. Interrogé sur le besoin possible d’obtenir un mandat, il a déclaré qu’étant donné que le cplc Ritco avait obtenu les clés de la Jeep du cpl Langridge, aucun mandat n’était nécessaire. Il a ajouté que puisque le casier était situé [traduction] « dans un lieu appartenant au MDN », et que les articles avaient été saisis afin de les [traduction] « protéger », aucun mandat n’était requis.Note de bas de page 2045 Lorsqu’on lui a demandé s’il voulait reconsidérer ses réponses, il a répondu qu’il pensait que le régiment avait fourni la clé du véhicule et donc autorisé l’accès. Dans son témoignage, l’adj Tourout a ajouté, [traduction] « en tant que policier, si nous avons une clé nous n’avons pas besoin d’un mandat »Note de bas de page 2046

666. Dans le texte de leurs observations finales, les personnes visées par la plainte soulignent que le cplc Ritco [traduction] « avait le pouvoir de fouiller la chambre de la caserne, la salle des contrevenants et la Jeep » sans mandat en vertu de ses pouvoirs de perquisition sur la scène du crime et des pouvoirs qui lui étaient conférés par le Fatality Inquiries Act.Note de bas de page 2047 Au cours de leur plaidoirie, les avocates des personnes visées par la plainte ont précisé que la position de ces dernières était que ces fouilles avaient été menées en vertu de la Fatality Inquiries Act.Note de bas de page 2048 Toutefois, elles ont déclaré qu’il ne serait pas approprié qu’elles prennent position sur la question de savoir si les articles avaient été saisis sur instruction du médecin légiste de l’Alberta, en notant que la Commission aurait à revoir les témoignages des personnes visées par la plainte pour déterminer ce point.Note de bas de page 2049

Incompatibilités entre les justifications et les faits

667. Les explications fournies par l’équipe d’enquête sont mutuellement incompatibles et ne semblent pas être étayées par les faits. La conviction exprimée par le cplc Ritco à l’effet qu’il menait l’enquête au nom du cpl Langridge ne semble pas avoir de fondement. Les enquêtes criminelles sont menées par des policiers pour faire respecter la loi, et non au nom des victimes, des personnes décédées ou du gouvernement.Note de bas de page 2050

668. L’explication de l’adj Tourout à l’effet que le régiment avait fourni aux enquêteurs l’accès à la Jeep n’est pas étayée par les faits. À vrai dire, la preuve montre que le cplc Ritco et le sgt Bigelow avaient simplement trouvé la clé parmi les effets personnels du cpl Langridge, l’avait conservée, puis l’avaient utilisée pour fouiller le véhicule.Note de bas de page 2051 Rien dans le dossier d’enquête ne démontre que l’unité ait été impliquée d’une manière quelconque dans la fouille du véhicule. En ce qui a trait au point de vue de l’adj Tourout à l’effet qu’un mandat n’était pas requis parce que le casier était situé dans un lieu appartenant au MDN, la Loi sur la défense nationale permet aux commandants d’émettre des mandats pour effectuer des recherches dans les quartiers d’habitation des FC, de même que dans les casiers et les espaces de stockage utilisés par les membres selon les dispositions du Code de discipline militaire lorsqu’ils sont convaincus qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les biens qui s’y trouvent peuvent fournir la preuve d’une infraction à la Loi. Dans de telles circonstances, les mandats émis par un commandant peuvent autoriser l’accès à ces lieux et la saisie des biens qui s’y trouvent.Note de bas de page 2052 Aucune observation n’a été faite par les plaignants ou par les personnes visées par cette plainte à l’égard des mandats émis par un commandant.

669. Les témoignages de l’adjum Watson (commandant par intérim du détachement du SNEFC RO) et du Maj Frei (commandant adjoint du SNEFC)Note de bas de page 2053 sont pertinents à la croyance exprimée par le sgt Bigelow que les enquêteurs étaient autorisés en vertu de la législation provinciale applicable aux ML de fouiller le casier et la Jeep. Tous deux ont affirmé que les policiers militaires n’étaient pas reconnus en vertu de la Police Act de l’Alberta. L’adjum Watson a déclaré qu’en conséquence, le ML [traduction] « n’a pas le pouvoir de donner des instructions à la police militaire ».Note de bas de page 2054 Le Maj Frei a ajouté que les policiers militaires n’étaient pas reconnus en vertu des lois provinciales sur les coroners (en Alberta, le Fatality Inquiries ActNote de bas de page 2055). Il a affirmé que le fait que la PM n’est pas reconnue en vertu de ces lois signifie que leur relation avec le ML était [traduction] « moins formelle » qu’elle devrait l’être idéalement.Note de bas de page 2056

670. À tout événement, il n’y a aucune indication dans le dossier d’enquête que les enquêteurs ont effectué des fouilles à ces endroits en vertu d’un tel pouvoir. Il n’y a aucune entrée ou note au dossier d’une quelconque discussion entre les membres de l’équipe d’enquête ou entre les enquêteurs et l’enquêteur du ML indiquant que cette question a été prise en considération. Il ne semble pas que la conviction du sgt Bigelow ait été partagée par les autres membres de l’équipe d’enquête ou par l’enquêteur du ML au moment où ces fouilles ont été effectuées.

Le droit relatif aux mandats de perquisition

671. L’affirmation du sgt Bigelow concernant les pouvoirs de la PM en vertu de la Fatality Inquiries Act, ainsi que la variante de cet argument exprimée dans les observations finales des personnes visées par la plainte, sont essentiellement des arguments juridiques au sujet des pouvoirs de perquisition et de saisie de la police.

672. Lorsqu’ils procèdent à des perquisitions et des saisies, les policiers sont généralement tenus d’avoir un mandat de perquisition.Note de bas de page 2057 Certaines exceptions à cette règle existent en vertu de la common law et de lois pour permettre aux policiers de perquisitionner et de saisir des biens sans mandat. En common law, la police possède des pouvoirs généraux pour mener des perquisitions et des saisies sans mandat, sur consentement.Note de bas de page 2058 Elle a aussi un pouvoir de fouille sans mandat accessoire à une arrestationNote de bas de page 2059 ou une détention.Note de bas de page 2060 Par ailleurs, en vertu du Code criminel, il y a une exception à l’exigence générale de détenir un mandat lorsque les conditions préalables à l’obtention d’un mandat de perquisition sont présentes, mais qu’il n’est pas possible en pratique d’en obtenir un à cause de circonstances exceptionnelles.Note de bas de page 2061 Les circonstances exceptionnelles englobent les situations où il y a une menace imminente de dommages corporels à une personne physique ou de perte ou de destruction d’éléments de preuve.Note de bas de page 2062

673. La Cour suprême du Canada a reconnu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que la protection de la vie privée s’applique aux véhicules automobiles et que des perquisitions sans mandat dans des véhicules automobiles ne peuvent être effectuées que si des circonstances exceptionnelles l’exigent.Note de bas de page 2063

674. La Fatality Inquiries Act permet aux enquêteurs du ML de mener des perquisitions sans mandat et de faire des saisies sans mandat à tout endroit où se trouve le corps faisant l’objet d’une enquête, en autant que les articles saisis [traduction] « peuvent être directement liés au décès ».Note de bas de page 2064 Les enquêteurs du ML comprennent (en dehors de ceux nommés à cette fonction en vertu de la loi) :Note de bas de page 2065 [traduction] « Chaque membre de la Gendarmerie royale du Canada ou d’un service de police ou un agent de la paix responsable de la prestation des services de police n’importe où en Alberta conformément à un arrangement ou à un accord conclu en vertu de l’alinéa 5(1)b) de la Police Act ».Note de bas de page 2066 Afin de procéder à une telle perquisition ou saisie sans mandat, un enquêteur du ML doit agir sur l’autorisation du ML.Note de bas de page 2067

Application aux faits

675. Il y a peut-être des arguments susceptibles de justifier les recherches effectuées dans cette affaire. Cependant, aucun n’a été présenté ni dans les témoignages des personnes visées par la plainte ni dans les observations présentées par leurs avocats. Ceux qui ont été avancés ne résistent pas à un examen attentif.

676. La thèse des personnes visées par la plainte à l’effet que les perquisitions et les saisies ont été effectuées en vertu des pouvoirs que la Fatality Inquiries Act confère aux enquêteurs semble aller à l’encontre de la position avancée par l’adjum Watson et le Maj Frei lors de leurs témoignages que la PM n’est pas reconnue en vertu de la Police Act de l’Alberta, ce qui semblerait les empêcher d’être autorisés à agir comme enquêteurs du ML. Le témoignage du Maj Frei, en particulier, confirme qu’il y a des doutes au sein même du SNEFC que cela puisse être invoqué comme une autorisation pour ses membres. En outre, la Commission n’a trouvé aucune preuve d’un arrangement ou d’un accord entre la province de l’Alberta et la PM laissant supposer que celle-ci constitue un corps de police reconnu en vertu de la Police Act ou que ses membres seraient autorisés à agir comme enquêteurs du ML.

677. Il n’y a aucune preuve indiquant que les enquêteurs ont été autorisés par le ML à effectuer des perquisitions ou des saisies sans mandat. Alors que le cplc Ritco a déclaré lors de son témoignage avoir fourni une liste des médicaments du cpl Langridge à l’enquêteur du ML, suite à sa demande, et que certains médicaments ont été retrouvés dans la Jeep,Note de bas de page 2068 rien n’indique que les enquêteurs aient été autorisés par le ML à fouiller la Jeep ou que celui-ci leur en ait donné instruction. Il n’y a aucune inscription dans le dossier d’enquête et la Commission n’a entendu aucune preuve à l’effet que le ML ou l’enquêteur du ML ait autorisé une fouille du casier de rangement. Rien d’indique que l’enquêteur du ML ait même été mis au courant de ces fouilles avant ou après le fait.

678. Les recherches n’ont pas été menées sur consentement ou accessoirement à une arrestation ou une détention. Il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles nécessitant une action urgente de la part des membres de la PM dans le but de répondre à une menace potentielle ou pour éviter la perte d’éléments de preuve. Les perquisitions ne semblent pas non plus avoir été menées conformément à ce que les avocats des personnes visées par la plainte ont présenté comme étant les [traduction] « pouvoirs de perquisition sur la scène du crime ».Note de bas de page 2069 Le casier se trouvait dans un autre bâtiment que celui où le corps du cpl Langridge a été trouvé, tandis que sa jeep était garée dans un espace de stationnement à l’extérieur. Il ne semble pas y avoir eu de soupçon que l’un ou l’autre de ces sites ait été lié d’une façon quelconque au décès ou aurait autrement fait partie de la [traduction] « scène du crime ». Même si les personnes visées par la plainte n’étaient pas dans l’erreur en faisant allusion à un pouvoir de perquisition sans mandat sur une « scène de crime », il est difficile de voir comment l’un de ces lieux pourrait y correspondre.

Conclusion

679. Un examen des témoignages et des documents disponibles semble indiquer que les perquisitions du casier et de la Jeep du cpl Langridge n’ont pas été effectuées avec une autorisation légale appropriée. Elles n’ont pas été autorisées par le ML ni menées au nom du ML ou en vertu de la Fatality Inquiries Act, et elles n’étaient pas autrement justifiées par la common law ou le Code criminel. Aucun argument soutenable reposant sur les faits ou le droit n’a été présenté pour justifier les perquisitions sans mandat.

680. Les différentes explications fournies à propos des pouvoirs autorisant ces perquisitions, ainsi que l’absence de toute indication dans le dossier ou de témoignage à l’effet que la question a été examinée avant que les perquisitions n’aient lieu, ne créent pas une bonne impression pour ce qui est de la connaissance qu’avaient les enquêteurs de leur autorisation légale en matière de perquisitions et de saisies. Cela n’est peut-être pas surprenant compte tenu de l’omission plus vaste de réfléchir aux raisons de mener des perquisitions en premier lieu, comme il est souligné ailleurs dans le présent rapport.Note de bas de page 2070 À tout le moins, les lacunes apparentes dans la compréhension des principes qui dictent quand et pourquoi des mandats sont requis pourraient refléter une compréhension insuffisante des procédures de base de la police.

681. Comprendre les exigences juridiques élémentaires pour effectuer des perquisitions et des saisies est un aspect essentiel du rôle des membres du SNEFC comme enquêteurs. Les règles jouent un rôle intégral en vue de garantir que la preuve est recueillie de manière à ce qu’elle puisse résister à un examen rigoureux et être admissible dans des procédures judiciaires au besoin. Les enquêteurs et leurs gestionnaires de cas auraient dû, à tout le moins, se demander si une consultation auprès de la chaîne de commandement du SNEFC ou d’un conseiller juridique était requise. La Commission est préoccupée par le fait que ces malentendus – y compris la croyance inquiétante que la simple possession d’une clé autorisait l’accès pour effectuer une perquisition sans mandat – aient persisté jusque dans les témoignages des personnes visées par la plainte lors de l’audience.

4.1.7 Retour des piècesNote de bas de page 2071

682. Les plaignants ont allégué que les membres du SNEFC ont omis de disposer des biens du cpl Langridge, saisis comme pièces à conviction lors de l’enquête sur son décès, lorsqu’ils ont conclu l’enquête. Ils allèguent en outre que les membres du SNEFC n’ont pas remis les biens aux plaignants en temps opportun.Note de bas de page 2072

683. preuve révèle que les membres du SNEFC ont effectivement omis de disposer des biens saisis comme pièces à conviction lors de la conclusion de l’enquête. Des processus adéquats n’étaient pas en place au sein du détachement pour s’assurer que les pièces soient retournées en temps opportun. Cependant, quand ils ont été informés de ce manquement, les membres du SNEFC ont pris des mesures raisonnables pour retourner les biens aux plaignants. Les retards subséquents semblent être survenus dans la restitution des biens par le régiment aux plaignants, mais les membres du SNEFC ne sont pas responsables pour ces retards.

Les biens saisis

684. Lors du traitement de la scène de la mort du cpl Langridge, les enquêteurs du SNEFC ont saisi 12 pièces, chacune comprenant entre un et six articles. Parmi les articles saisis, il y avait la note de suicide laissée par le cpl Langridge,Note de bas de page 2073 ses pièces d’identité et son téléphone cellulaire personnel, des brochures et de la documentation relative à l’abus de stupéfiants et d’alcool, des formulaires médicaux, une vidéo pour adultes et de la correspondance personnelle, y compris des cartes de prompt rétablissement.Note de bas de page 2074 D’autres pièces ont été saisies lors du traitement de la Jeep du cpl Langridge le lendemain, y compris des contenants de médicaments et de la documentation médicale.Note de bas de page 2075 Les biens saisis ont été entreposés temporairement dans le casier de rangement du cplc Ritco avant d’être transférés à la salle des preuves du SNEFC. Il ne semble pas que les enquêteurs aient examiné les pièces après les avoir saisies.Note de bas de page 2076 À l’issue de l’enquête, tous les biens saisis – sauf les pièces d’identité et la vidéo pour adultes, qui avaient été envoyées plus tôt au responsable des biens du LdSH – sont restés dans la salle des preuves du SNEFC.Note de bas de page 2077

Quelle était la politique de la PM concernant l’entreposage et la disposition des pièces?

685. Les CPTPM comprennent une annexe traitant de la collecte, du traitement, de la disposition et du retour des éléments de preuve dans les enquêtes de la PM.Note de bas de page 2078 Le conseiller supérieur de la PM a la responsabilité de superviser l’entreposage des éléments de preuve saisis. Il est chargé de nommer les responsables principal et secondaire des pièces à conviction et doit s’assurer que tous les éléments de preuve sont inspectés deux fois par an. Un inspecteur de la preuve qui doit être, au minimum, un militaire du rang supérieur et qui ne doit pas être le responsable principal ou secondaire des pièces à conviction, doit être nommé pour effectuer ces inspections. L’inspecteur de la preuve doit procéder à des examens complets de toutes les pièces détenues et soumettre un rapport au conseiller supérieur de la PM pour chaque examen. Ces examens incluent le devoir de s’assurer que tous les éléments de preuve en main sont traités conformément à la politique nationale de la PM et aux politiques particulières des laboratoires judiciaires locaux.Note de bas de page 2079

686. Le conseiller supérieur de la PM est également responsable de la disposition des pièces. Les CPTPM stipulent que, de manière générale, il faut disposer de toutes les pièces à l’expiration de la période d’appel d’une affaire judiciaire résultant d’une enquête.Note de bas de page 2080 Une exception à cette politique précise que : « Les éléments de preuve matériels saisis au cours d’une enquête qui n’ont pas servi de pièces à conviction à l’instance subséquente, n’ont pas à être conservés à titre de preuve. On peut disposer de ces articles de façon appropriée conformément à la loi ou les remettre à leur(s) propriétaire(s) légitime(s) ».Note de bas de page 2081 Lorsqu’il n’y a pas d’instance judiciaire résultant d’une enquête et que le propriétaire ne peut être identifié, on doit disposer des éléments de preuve dans l’année qui suit la clôture de l’enquête.Note de bas de page 2082

687. Au moment de disposer d’éléments de preuve, le conseiller supérieur de la PM doit demander à l’autorité responsable des instructions concernant la disposition de la preuve. Celle-ci est la personne ou l’organisme responsable en dernier ressort de déterminer si un élément de preuve sera restitué à son propriétaire après avoir été libéré par la PM.Note de bas de page 2083 Le pouvoir de disposer des éléments de preuve peut appartenir à un avocat militaire local, à un procureur de la Couronne, au GPA– Police, ou au commandant de l’unité impliquée dans une enquête, selon que des accusations ont été portées à l’issue d’une enquête, et dépendamment de quel tribunal a entendu toute cause subséquente.Note de bas de page 2084 Le conseiller supérieur de la PM demande à l’autorité responsable de la disposition de la preuve de préciser la méthode de disposition et de déterminer à qui appartient le bien.Note de bas de page 2085 Lorsque le propriétaire d’un bien est connu, le protocole habituel est de restituer le bien à cette personne.Note de bas de page 2086 Les CPTPM ne précisent pas la méthode de livraison ou même si la PM doit livrer directement les biens à leurs propriétaires légitimes ou par l’intermédiaire de l’autorité responsable de la disposition, ou par d’autres moyens.

688. Bien qu’elles ne soient pas rédigées aussi clairement qu’elles auraient pu l’être sur ce point, les CPTPM semblent indiquer qu’il faut demander l’autorisation de disposer des pièces dans tous les cas, même lorsqu’elles ne sont plus considérées nécessaires à une enquête ou ne seront pas utilisées dans une instance judiciaire.Note de bas de page 2087 La raison de cette exigence n’est pas claire. Les témoins du SNEFC qui ont comparu devant la Commission n’ont pas fourni d’explications cohérentes sur le processus applicable ou sa raison d’être.Note de bas de page 2088

Qu’est-ce qui aurait dû être fait dans ce cas?

689. Des biens ont été saisis sur la scène du décès du cpl Langridge parce que les enquêteurs croyaient apparemment qu’ils pourraient être pertinents à leur enquête sur la mort subite.Note de bas de page 2089 Le fait de détenir les éléments de preuve saisis alors que se poursuivait l’enquête sur la mort subite et sur la question de la surveillance pour risque de suicide n’était pas déraisonnable.Note de bas de page 2090

690. L’enquêteur principal a complété ses observations finales sur l’enquête le 2 juin 2008.Note de bas de page 2091 Son gestionnaire de cas a complété les observations finales du superviseur le 12 juin 2008, indiquant qu’il souscrivait aux mesures d’enquête prises.Note de bas de page 2092 L’adjum Watson, le conseiller supérieur de la PM et commandant par intérim du détachement du SNEFC RO, a approuvé le rapport d’enquête le 1er juillet 2008.Note de bas de page 2093 Il a distribué le rapport le jour même, accompagné d’une lettre de présentation détaillant les conclusions de l’enquête.Note de bas de page 2094 Le commandant adjoint du SNEFC a examiné le dossier le 3 juillet 2008 et a souscrit aux conclusions de l’enquête.Note de bas de page 2095 Aucune accusation n’a été déposée à la suite de l’enquête. Il ne semble pas que des accusations aient jamais été envisagées pour ce qui est des aspects de l’enquête portant sur la mort subiteNote de bas de page 2096 ou sur la surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 2097

691. Conformément à la politique de la PM, on peut disposer des biens saisis lorsque l’équipe d’enquête détermine qu’ils ne sont plus nécessaires à l’enquête. Il est possible qu’un examen de la preuve, effectué alors que l’enquête était en cours, ait amené les membres du SNEFC à conclure que certains éléments de preuve n’étaient pertinents à aucun des aspects de l’enquête qu’ils menaient. Cependant, les enquêteurs n’ont pas exclu la possibilité d’un acte criminel ni n’ont tiré de conclusions sur la question de la surveillance pour risque de suicide avant que l’enquête ne soit close.Note de bas de page 2098 Pour cette raison, l’équipe d’enquête aurait dû déterminer, au plus tard à la conclusion de l’enquête, que l’on pouvait disposer des éléments de preuve saisis.

692. Les CPTPM ne précisent pas quel événement ou document parmi les suivants marque la conclusion d’une enquête : les observations finales de l’enquêteur, les observations finales du superviseur du gestionnaire de cas, l’approbation du rapport par le commandant du détachement, l’examen par le commandant adjoint, ou autre chose. Bien qu’il soit possible que l’examen du commandant adjoint entraîne le renvoi d’un dossier à un détachement, le commandant adjoint n’a pas donné son approbation à la clôture de cette enquête.Note de bas de page 2099 L’approbation finale a été donnée par le commandant par intérim du détachement.Note de bas de page 2100 Elle est survenue lors de l’approbation du rapport, et l’enquête a été officiellement marquée comme étant conclue le 1er juillet 2008.Note de bas de page 2101 L’équipe d’enquête aurait dû entreprendre le processus de catalogage des éléments de preuve saisis pour préparer leur disposition à cette date. Compte tenu des circonstances de cette enquête – le cpl Langridge était membre du LdSH et aucune accusation n’a résulté de l’enquête – l’autorité responsable de la disposition des éléments de preuve en vertu de la politique de la PM était le commandant du LdSH.

Qu’est-ce qui a été fait dans ce cas?

693. À l’issue de l’enquête, rien n’a été fait par l’équipe d’enquête pour entreprendre le processus de disposition des biens du cpl Langridge. Aucune demande n’a été adressée à l’autorité responsable de la disposition, et il ne semble pas y avoir eu d’examen des biens détenus.

694. Le 29 septembre 2008, M. Fynes a envoyé un courriel au bureau du directeur des successions du JAG à Ottawa par le biais de son OD, le Maj Stewart Parkinson. Il s’est identifié comme étant l’exécuteur testamentaire de la succession du cpl Langridge et a demandé une copie de l’inventaire des biens du cpl Langridge gardés à la BFC d’Edmonton.Note de bas de page 2102 Mme Suzanne Touchette, qui travaillait au bureau du Directeur des successions du JAG, a répondu par courriel le 23 octobre 2008, avec copie au cplc Ritco, autorisant la remise des biens du cpl Langridge. Le courriel notait que le cplc Ritco avait déjà informé le Comité de règlement (CR) que 13 articles étaient encore sous la garde du SNEFC dans le cadre de l’enquête en cours. Elle demandait au cplc Ritco de confirmer que les pièces n’étaient plus nécessaires et, le cas échéant, de les libérer.Note de bas de page 2103

695. Le cplc Ritco a répondu le lendemain en demandant conseil auprès du sgt S.B. Miller du SNEFC RO.Note de bas de page 2104 Il a dit lors de son témoignage qu’il avait été informé que des [traduction] « cadres supérieurs » s’occuperaient de la libération de ces articles.Note de bas de page 2105 Une lettre destinée à l’autorité responsable de la disposition, le commandant du LdSH, a été rédigée, puis signée par l’adjum Watson le 31 octobre 2008.Note de bas de page 2106 L’identité de la personne qui a rédigé la lettre n’est pas précisée. L’adjum Watson a déclaré lors de son témoignage qu’il rédigeait habituellement ces lettres lui-même et demandait à l’enquêteur principal de dresser la liste des éléments de preuve, mais il ne se souvenait pas spécifiquement avoir rédigé cette lettre.Note de bas de page 2107 Le cplc Ritco ne se souvenait pas avec précision du rôle qu’il avait joué dans la production de la lettre, mais il a déclaré lors de son témoignage qu’il avait pu compiler la liste des articles à retourner.Note de bas de page 2108 Il savait qu’il avait au moins confirmé que les éléments de preuve entreposés n’étaient plus requis.Note de bas de page 2109

696. La lettre de l’adjum Watson signalait que l’enquête sur la mort du cpl Langridge était terminée, et mentionnait que l’autorité du commandant du régiment était requise afin de disposer des éléments de preuve, conformément aux politiques de la PM.Note de bas de page 2110 Elle notait qu’une fois l’autorisation accordée, les articles énumérés seraient retournés à la succession du cpl Langridge.Note de bas de page 2111 La lettre contenait une liste de 13 articles saisis lors de l’enquête,Note de bas de page 2112 mais elle ne faisait pas mention de la note de suicide, dont les Fynes ignoraient l’existence à ce moment-là.Note de bas de page 2113

697. Le 17 novembre 2008, M. Fynes a demandé que tous les articles, y compris ceux saisis par le SNEFC, soient retournés à la succession en un seul envoi. Le Capt Eric Angell, alors adjudant du LdSH, a accepté cette demande et semble avoir pris en charge le retour des biens du cpl Langridge à sa succession.Note de bas de page 2114

698. Le 21 janvier 2009, le commandant du LdSH a répondu à la demande d’autorisation du SNEFC de disposer des pièces.Note de bas de page 2115 Il a accordé l’autorisation et a ajouté que les articles pouvaient être remis au régiment pour être rassemblés avec les autres effets ayant appartenu au cpl Langridge.Note de bas de page 2116 Il a noté que les biens seraient envoyés à l’exécuteur testamentaire de la succession dès que possible, et il mentionnait le Capt Angell comme personne à contacter pour toute demande supplémentaire.Note de bas de page 2117

699. Le SNEFC a libéré les articles saisis le 26 janvier 2009.Note de bas de page 2118 Les articles ont été remis au régiment du LdSH pour être retournés à la succession avec le reste des biens du cpl Langridge. Cela marquait la fin de la participation du SNEFC à la restitution des biens du cpl Langridge.

700. Il n’est pas clair que les biens du cpl Langridge auraient dû être envoyés par le SNEFC RO directement à l’exécuteur testamentaire de la succession, ou si cela aurait dû être fait par l’entremise du régiment. Au moment de la conclusion de l’enquête, le régiment gardait toujours un certain nombre de biens du cpl Langridge, y compris sa Jeep. Compte tenu de la demande de M. Fynes, il semble qu’il n’était pas déraisonnable de passer par le régiment pour restituer les biens à la succession du cpl Langridge. Il n’y a aucune preuve indiquant que les retards survenus dans la rétrocession des biens, après qu’ils aient été libérés et remis au régiment, soient imputables aux actions des membres du SNEFC.

701. La Commission n’a recueilli que peu de témoignages en ce qui concerne les personnes chargées d’inspecter les éléments de preuve, et si le SNEFC RO utilisait leurs services pour effectuer les examens semestriels obligatoires des éléments de preuve détenus. Toutefois, le témoignage des membres du SNEFC laissait entendre que l’on n’accordait pas à cette époque beaucoup d’importance au retour des biens saisis. En discutant du retour de la note de suicide aux Fynes, le Maj Dandurand a dit dans son témoignage que, selon la pratique en vigueur à l’époque, les éléments de preuve étaient détenus [traduction] « jusqu’à ce qu’on en dispose ».Note de bas de page 2119 Il a affirmé que ces articles viendraient à l’attention des membres du SNEFC dans le cadre des examens périodiques des éléments de preuve, mais que ces derniers ne montraient pas beaucoup d’efficacité à retourner les biens rapidement.Note de bas de page 2120 Il a déclaré lors de son témoignage, [traduction] « il n’était pas rare que des éléments de preuve soient conservés pendant plusieurs années ».Note de bas de page 2121 De son côté, l’adjum Watson a déclaré dans son témoignage que l’inspection de la salle des pièces à conviction stipulée dans les politiques aurait été, [traduction] « en soi, un projet d’une durée d’un an », indiquant qu’il n’avait procédé à aucune inspection de ce genre alors qu’il occupait le poste de commandant par intérim du détachement.Note de bas de page 2122 Il a également expliqué que personne au sein du détachement n’avait été expressément chargé de la tâche de disposer des pièces, et il a noté que cette tâche avait été [traduction] « oubliée » dans de nombreuses enquêtes.Note de bas de page 2123 Il a ajouté qu’il n’envoyait pas régulièrement de demandes d’autorisation de disposer d’éléments de preuve.Note de bas de page 2124 Lors de son témoignage, il a affirmé que, n’eut été de la lettre de Mme Touchette, il n’aurait pas rédigé sa demande d’autorisation de disposer des pièces dans le cas présent.Note de bas de page 2125

Conclusion

702. L’équipe d’enquête dans cette affaire n’a pas disposé rapidement des pièces au moment de la conclusion de l’enquête. Ce manquement semble s’être produit par inadvertance. Lorsque le cplc Ritco a reçu le courriel de Mme Touchette, il a agi rapidement pour entreprendre le processus de disposition des biens du cpl Langridge. La lettre de l’adjum Watson demandant l’autorisation de disposer de ces biens a été envoyée peu de temps après, et le reste du délai correspond au temps mis par le régiment à répondre au SNEFC. Cependant, si Mme Touchette n’avait pas envoyé son courriel, il n’y a aucune indication que le SNEFC aurait pris des mesures pour retourner les pièces. La preuve recueillie lors de l’audience a révélé qu’il n’y avait pas de processus adéquat au sein du détachement pour disposer des éléments de preuve.Note de bas de page 2126 Les membres du SNEFC en charge du détachement portent la responsabilité pour cette défaillance de plus vaste portée.

703. Bien qu’ils n’aient pas disposé des pièces aussi rapidement qu’ils auraient dû le faire, les membres du SNEFC impliqués dans l’enquête ont réagi rapidement une fois qu’ils ont été informés de cette omission. Si la responsabilité de ne pas avoir disposé des biens immédiatement après la fin de l’enquête leur incombe, tout retard survenu après que les biens aient été remis au régiment n’était pas attribuable aux membres du SNEFC.

4.1.8 L’examen d’assurance de la qualité

704. Au début de juin 2009, suite à la découverte de la non-divulgation aux Fynes de la note de suicide du cpl Langridge, le SNEFC a entrepris un examen d’assurance de la qualité (AQ) du dossier d’enquête concernant l’enquête de 2008.Note de bas de page 2127 L’examen a été effectué par l’adj Ken Ross,Note de bas de page 2128 qui était alors l’adjudant-maître du détachement par intérim pour le SNEFC RO.Note de bas de page 2129

La politique d’examen d’AQ

705. Un examen d’AQ constitue un autre niveau potentiel de supervision d’une enquête. Selon l’IPO du SNEFC pertinente, le processus est destiné [traduction] « à assurer un niveau uniforme et élevé de service d’enquête [et] à faire en sorte que toutes les enquêtes du [SNEFC] sont menées avec un niveau élevé de professionnalisme et conformément à la loi, aux pratiques policières habituelles, à la réglementation et aux IPO ».Note de bas de page 2130

706. L’adjudant-maître ou l’adjudant du détachement a la responsabilité d’assurer le contrôle de la qualité et d’effectuer des examens d’assurance de la qualité au sein du détachement. Le processus d’examen d’AQ peut être déclenché lorsqu’une plainte est déposée, dans le cas d’un dossier complexe nécessitant une révision, ou au hasard.Note de bas de page 2131 Le processus d’examen comporte trois étapes : un examen physique du dossier, des recommandations portant sur des mesures correctives, et le suivi.Note de bas de page 2132 Il revient à l’adjudant-maître ou à l’adjudant du détachement de mener des séances de formation pour répondre aux questions soulevées au cours du processus d’examen d’assurance de la qualité. Une [traduction] « analyse après action » doit ensuite être transmise à l’adjudant-chef au QG du SNEFC au sujet de la formation et des résultats.Note de bas de page 2133

707. Après un examen d’assurance de la qualité, le gestionnaire de cas doit étudier le rapport d’AQ avec l’(les)enquêteur(s) concerné(s) et lui(leur) donner des conseils sur les lacunes relevées, en faisant rapport sur les mesures prises à l’adjudant-maître du détachement. Le gestionnaire de cas doit également s’assurer que tous les subalternes assistent à toutes les séances de formation découlant de l’examen d’assurance de la qualité ou les passent en revue, et il doit lui-même assister à toutes les séances de formation découlant de l’examen d’assurance de la qualité ou les passer en revue.Note de bas de page 2134 Les enquêteurs sont tenus de passer en revue le rapport d’assurance de la qualité avec leur superviseur et de fournir des commentaires ou des explications le cas échéant. En plus d’assister aux sessions de formation ou de les passer en revue, les enquêteurs doivent appliquer les leçons apprises et faire rapport à ce sujet à l’adjudant-maître ou à l’adjudant du détachement de façon continue.Note de bas de page 2135

Les conclusions de l’examen AQ

708. L’examen d’assurance de la qualité mené par l’adj Ross est daté du 19 juin 2009.Note de bas de page 2136 L’événement déclencheur de l’examen a été [traduction] « une plainte présentée par la famille du cpl Langridge qui était préoccupée par le manque de notoriété de la note de suicide et le délai survenu avant la remise de la note de suicide ».Note de bas de page 2137

709. Le rapport est divisé en quatre sections intitulées, respectivement [traduction] : Commentaires sur les procédures d’enquête, Commentaires sur les procédures administratives, Mesures prises pour corriger les problèmes de procédure découverts, et Recommandations.Note de bas de page 2138

Procédures d’enquête

710. La première phrase du premier paragraphe du rapport informe le lecteur que [traduction] « globalement, l’enquête menée s’est avérée techniquement correcte ».Note de bas de page 2139 Le lecteur apprend également que « les observations présentées ne se sont pas avérées avoir un impact direct sur l’intégrité de l’enquête dans ce dossier ».Note de bas de page 2140 On peut supposer que ces affirmations visaient à s’appliquer spécifiquement aux quatre observations citées dans la section portant sur les procédures d’enquête.

711. La Commission a constaté de nombreuses lacunes dans les mesures d’enquête prises en rapport avec le traitement de la scène du décès et la conduite de l’enquête en général.Note de bas de page 2141 En revanche, le contrôle de la qualité ne mentionne que deux procédures d’enquête qui reçoivent un commentaire critique apparent. Il note que les enquêteurs ont omis d’examiner et de prendre des photos et des vidéos de l’extérieur de l’édifice après avoir découvert que la fenêtre de la chambre du cpl Langridge au troisième étage était ouverte.Note de bas de page 2142 Il relève également l’omission d’authentifier la note de suicide ou d’obtenir des échantillons d’écriture à des fins de comparaison, mais semble affirmer ensuite que cela n’était peut-être pas nécessaire en raison des indicateurs de la scène et de l’opinion initiale de l’enquêteur du ML.Note de bas de page 2143 Une autre observation présentée dans cette section souligne que les enquêteurs n’ont pas donné suite au commentaire fait par les membres de la famille au sujet d’une personne qui, selon eux, aurait incité le cpl Langridge à prendre de la drogue et qu’ils ne voulaient pas voir à l’enterrement, en indiquant que cette information avait maintenant été transmise aux responsables du renseignement pour faire l’objet d’un suivi.Note de bas de page 2144 La dernière observation est une mention élogieuse pour l’utilisation appropriée des ressources dans la conduite des vérifications des antécédents.Note de bas de page 2145

712. L’accent mis sur la question de l’omission d’examiner le périmètre à l’extérieur de la fenêtre du troisième étage du cpl Langridge et sur l’omission d’authentifier la note de suicide est particulièrement frappant compte tenu du fait que les enquêteurs n’ont pas non plus eu recours à aucune mesure judiciaire pour l’examen des portes, des fenêtres, des accessoires de ligature ou des appareils de pendaison et qu’ils n’ont pas pris de mesures suffisantes pour protéger la scène contre la contamination.Note de bas de page 2146 Il n’y a aucun examen des procédures d’enquête survenues au cours des trois derniers mois de l’enquête, à l’exception possible des commentaires offerts à la section sur les procédures administratives, critiquant la tentative faite pour enquêter sur la négligence. Les deux autres observations semblent indirectement liées, au mieux, à des procédures d’enquête intervenues dans le traitement de la scène ou l’enquête sur le suicide.

713. Compte tenu des constatations limitées concernant les procédures d’enquête, il n’est pas surprenant que le rapport n’ait pas observé d’impact direct sur l’intégrité de l’enquête. Si cela veut dire que la validité de la conclusion du suicide par pendaison n’est pas remise en question par les lacunes citées, l’observation est juste. Cependant, au-delà de ce point, ni le fait d’avoir limité les carences à celles énumérées dans le rapport, ni les conclusions qui en découlent sur l’intégrité de l’enquête ou sa justesse technique, ne semblent justifiables.

Procédures administratives et recommandations

714. Comme on pourrait le penser de l’ensemble du rapport, la section sur les procédures administrativesNote de bas de page 2147 semble quelque peu hâtivement rédigée et il n’est pas facile de s’y retrouver. Il n’est pas toujours aisé de dire si les observations sont de simples observations factuelles ou constituent des commentaires critiques. L’importance attachée à une observation en particulier n’est pas toujours claire non plus. Les observations portant sur des écarts mineurs par rapport au protocole de tenue des dossiers sont entrecoupées de commentaires sur des questions qui constituent des lacunes importantes dans le dossier d’enquête. Les commentaires à propos de la note de suicide sont suivis d’un passage traitant de la disposition des éléments de preuve.

715. La section des recommandations peut se révéler d’un certain secours pour s’y retrouver et comprendre le sens que l’on a voulu donner à ces observations.Note de bas de page 2148 Du reste, cette section semble consister en une série de conclusions (suivies d’une seule recommandation) à l’égard de certaines des observations faites dans la section sur les procédures administratives.

716. Dans la section des recommandations, les problèmes inhérents aux mesures prises pour parvenir à la conclusion d’un suicide par pendaison sont relatés en ces termes :

[traduction]

  1. une articulation claire des mesures prises pour parvenir à ces constatations et ce en quoi elles consistaient;
  2. le maintien d’une direction délibérée pour l’enquête afin que seule la criminalité, ou son absence, demeure le point de mire, et pour éviter que le mandat de la Commission d’enquête ne soit pris en charge par le SNEFC;
  3. une décision consciente et éclairée a été prise quant au moment opportun de s’engager effectivement auprès de la famille pour l’informer de la situation de l’enquête et lui divulguer, comme cela a été fait, l’existence d’une lettre de suicide, quand lui permettre de voir cette note et quand il conviendrait de remettre la note originale à la famille.Note de bas de page 2149
Aucune articulation claire des mesures qui ont été prises pour arriver à ces conclusions

717. Cette conclusion semble liée à des commentaires critiques formulés dans la section sur les procédures administratives au sujet du Sommaire du dossier et des Observations finales qui se trouvent dans le dossier de l’enquête. La liste présentée concernant les constatations issues de la preuve qui n’ont pas été mentionnées dans ces documents est, pour l’essentiel, exacte et complète.Note de bas de page 2150 La preuve présentée devant la Commission incite à penser que ces omissions pourraient être imputables aux enquêteurs eux-mêmes, lesquels n’ont jamais regroupé les constatations issues de la preuve d’une manière analytique quelconque afin d’en arriver à la conclusion qu’il s’agissait d’un suicide ou pour écarter l’hypothèse d’un acte criminel.Note de bas de page 2151 Quoi qu’il en soit, cette conclusion apparaissant dans la section des recommandations semble justifiée.

Maintenir l’accent uniquement sur la criminalité

718. Cette conclusion est liée à la fois à un certain nombre des questions abordées dans la section sur les procédures administratives et à l’unique recommandation explicite contenue dans la section des recommandations, à savoir :

[traduction]

Il est recommandé que le gestionnaire de cas d’un dossier de suicide demeure centré sur le ‘quoi’ de l’enquête, en abordant tout au plus le ‘pourquoi’. En outre, il incombe au gestionnaire de cas de s’assurer que l’objet de l’enquête n’outrepasse pas le mandat du SNEFC plutôt qu’assumer, dans certains cas, le mandat de la CE.Note de bas de page 2152

719. Dans la mesure où elles donnent instruction aux enquêteurs de se concentrer sur le « quoi » plutôt que sur le « pourquoi » dans une enquête sur un suicide, l’observation et la recommandation vont toutes deux dans le sens des CPTPM en vigueur au moment de l’enquête.Note de bas de page 2153 En soi, il était approprié et justifiable de faire mention de cette approche dans le rapport d’AQ comme étant le cadre d’enquête approprié. Cependant, comme il est indiqué ailleurs dans le présent rapport, la preuve présentée devant la Commission établit que ce cadre ne reflète pas les meilleures pratiques.Note de bas de page 2154 Les questions en lien avec le « pourquoi » sont pertinentes et devraient être examinées dans une enquête sur une mort subite en plus des questions qui concernent le « quoi ».

720. La suggestion particulière à l’effet que l’enquête ne devrait porter que sur les questions de criminalité et non sur la négligence est moins justifiable dans ces commentaires, ainsi que dans des commentaires similaires formulés dans la section sur les procédures administratives. Dans ses observations au sujet du plan d’enquête que l’on retrouve à la section sur les procédures administratives, le rapport d’AQ fait valoir que l’étape 13 du PE concernant les [traduction] « actes de négligence potentiels ... résultant en une implication possible dans le décès » ne relève pas du mandat du SNEFC mais plutôt de celui d’une commission d’enquête.Note de bas de page 2155 Cette observation vient après une critique plutôt obscure du plan d’enquête parce qu’il n’énonce pas [traduction] « les éléments de l’infraction », mais tout en notant que cela n’a pas eu d’incidence sur l’intégrité de l’enquête parce que les enquêteurs ont démontré qu’ils [traduction] « avaient approché la mort subite avec un esprit ouvert, en ne se concentrant pas uniquement sur le suicide comme cause du décès ».Note de bas de page 2156

721. Comme il en est longuement question dans le présent rapport, la négligence fait clairement partie du mandat du SNEFC, dans l’optique tant des infractions au Code criminel liées à négligence pénale que des infractions d’ordre militaire touchant à la négligence dans l’exécution d’une tâche militaire et à la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.Note de bas de page 2157 L’enquête de 2008 comporte certaines déficiences quant à la façon dont la négligence a été examinée, mais la désignation de la négligence comme élément pertinent à l’enquête sur la mort du cpl Langridge n’en fait pas partie.Note de bas de page 2158

Communiquer avec la famille et divulguer la note de suicide

722. Dans cette affaire, l’examen d’AQ résulte des plaintes présentées par les Fynes sur la façon dont la note de suicide a été traitée. L’AQ décrit cette plainte de manière quelque peu inélégante, en disant qu’elle a trait au [traduction] « manque de notoriété de la note de suicide », ainsi qu’au délai survenu avant la remise de la note de suicide à la famille.Note de bas de page 2159

723. Un peu ensevelie au paragraphe 2(f) de la section sur les procédures administratives se trouve l’observation suivante :

[traduction]

Détaillé dans la zone de texte OF2 du Cp1c Ritco, au paragr. 61, il précise qu’à [traduction] « 17 h 00, le 9 avril 2008, M. CAUFIELD (ML) a retourné l’appel, pas besoin de rapporter les éléments, comme 10 des 11 analyses ont été effectuées. Il semble n’y avoir aucune preuve d’un acte criminel, donc à ce stade le dossier sera classé comme un suicide ». C’est à ce stade que les enquêteurs, en consultation avec le responsable du dossier, auraient pu envisager une rencontre avec la famille pour lui communiquer les points saillants de l’enquête à ce jour, ce qui aurait aussi constitué un moment opportun pour demander aux membres de la famille d’examiner la note de suicide pour vérifier l’authenticité de l’écriture et, peut-être, leur en remettre une copie. Si la décision a été prise de ne pas aller de l’avant avec une séance d’information à la famille jusqu’à ce qu’elle ait reçu le rapport officiel du ML, le certificat du médecin légiste a été reçu le 15 mai 2008, ce qui a fourni une conclusion définitive quant à la nature de la mort – un suicide;Note de bas de page 2160

724. Les problèmes liés aux retards survenus dans la divulgation de la note de suicide sont examinés ailleurs dans le rapport de la Commission.Note de bas de page 2161 Si l’opinion à l’effet que la note aurait dû être divulguée aux Fynes beaucoup plus tôt est clairement de mise, le moment suggéré pour le faire n’aurait pas satisfait à leur principale plainte, soit que les souhaits du cpl Langridge au sujet de ses funérailles ne leur avaient pas été dévoilés à temps pour qu’ils puissent les respecter.Note de bas de page 2162 La dimension pratique du moment suggéré pour faire cette divulgation soulève aussi la question de l’utilité des suggestions, à savoir que les Fynes auraient pu être consultés soit lorsque le ML a confirmé provisoirement que la mort était un suicide soit au moment de la détermination finale du ML. Consulter les Fynes sur l’authenticité de la note de suicide simultanément à la divulgation de la note aurait été logique si cela avait été fait avant les funérailles. Une fois que l’enquêteur du ML avait provisoirement ou définitivement confirmé que la mort du cpl Langridge était un suicide, des mesures destinées à authentifier la note auraient eu peu d’utilité pratique pour l’enquête.

725. La partie 2 de la section sur les procédures administratives renferme aussi deux observations sur les interactions du SNEFC avec les Fynes, sans formuler de commentaire ou de critique. Elle précise que le cplc Ritco a été informé qu’il n’était pas nécessaire de contacter Mme Fynes, et indique que lorsqu’il a parlé aux Fynes, ils n’ont pas parlé de l’existence de la note de suicide.Note de bas de page 2163 Dans la mesure où cela pourrait être interprété de manière à justifier la non-divulgation de la note de suicide ou à expliquer que des mesures pour contacter les Fynes n’ont pas été prises avant que ceux-ci ne communiquent avec le SNEFC, cela n’est pas approprié.Note de bas de page 2164

Mesures correctives

726. La section intitulée [traduction] « Mesures prises pour corriger les problèmes de procédure découverts » précède la section des recommandations, mais, à toutes fins pratiques, elle peut être considérée comme un prolongement logique de la conclusion au sujet de la note de suicide qui figure dans les recommandations.Note de bas de page 2165 Les correctifs dont il est question dans la section sur les mesures prises se limitent uniquement à la question de la note de suicide. Ainsi, elles ne traitent pas des problèmes d’enquête découverts par l’examen d’assurance de la qualité, mais plutôt de la plainte des Fynes sur le fond.

727. Le premier des deux paragraphes de cette brève section se lit comme suit :

[traduction]

À la suite de la plainte déposée par la famille du cpl LANGRIDGE [concernant] le retard à divulguer la note de suicide, la chaîne de commandement du SNEFC RO est devenue vivement consciente de la question de la divulgation des notes de suicide laissées sur place par des personnes décédées. En outre, une analyse et des discussions approfondies ont eu lieu sur les meilleures pratiques concernant l’obligation de prendre contact avec les familles des membres décédés, de concert avec leur OD respectif, et ont en fait assuré qu’une approche plus proactive était suivie [dans] les dossiers en cours d’enquête au SNEFC RO.Note de bas de page 2166

728. Le deuxième paragraphe, qui peut être interprété soit comme une recommandation issue de l’examen d’AQ soit comme un énoncé sur les mesures que le SNEFC a prescrit pour l’avenir, se lit comme suit :

[traduction]

En plus de ce qui précède, un compte rendu complet de l’AQ [en cause] sera incorporé à une journée de perfectionnement professionnel pour tous les enquêteurs et gestionnaires de cas (TTBD). Dans l’intervalle, un suivi et une gestion de cas plus rigoureux des questions de ce genre ont été/seront mis en œuvre. Enfin, le SNEFC RO attend avec impatience la nouvelle annexe proposée sur les services aux victimes, en voie d’élaboration, et qui, sur réception, sera diffusé lors d’une séance de perfectionnement professionnel.Note de bas de page 2167

729. La preuve qui se trouve devant la Commission semble jeter un doute sur ces passages, soit pour décrire des mesures déjà prises soit pour prédire ou recommander des mesures qui ne se sont pas encore concrétisées.

730. Il ne semble pas que le rapport ait été partagé avec les enquêteurs ou qu’une journée de perfectionnement professionnel ait eu lieu à la suite de cet examen d’AQ.Note de bas de page 2168 Le cplc Ritco a dit dans son témoignage qu’il avait parlé à l’adj Ross une fois, alors qu’on mettait la dernière main au rapport.Note de bas de page 2169 Il a affirmé avoir vu le rapport lui-même à un certain point,Note de bas de page 2170 mais le moment où il en aurait reçu une copie n’a pas été établi clairement. Le sgt Bigelow, quant à lui, a dit lors de son témoignage qu’il n’avait pas reçu de copie du rapport, et qu’aucun membre de la chaîne de commandement du SNEFC n’avait examiné le rapport avec lui.Note de bas de page 2171 L’adjum Watson n’avait également jamais vu le rapport avant la présente audience et il n’était pas au courant des recommandations qu’il contenait.Note de bas de page 2172 Le Maj Dandurand a affirmé dans son témoignage qu’il n’y avait pas eu de journée de perfectionnement professionnel consacrée au rapport au sein du détachement.Note de bas de page 2173

731. Comme exercice supplémentaire de supervision concernant l’enquête de 2008, le rapport d’AQ n’arrive pas à la hauteur.

4.1.9 Les conséquences de l’inexpérience

732. La preuve révèle que plusieurs des membres du SNEFC qui ont participé aux trois enquêtes menées dans ce dossier n’avaient qu’une expérience pratique limitée de la conduite d’une enquête sur une mort subite survenue au pays.Note de bas de page 2174 La Commission reconnaît que certains des membres avaient une expérience significative de la conduite d’enquêtes sur des décès au cours d’opérations de déploiement, notamment des décès sur le champ de bataille.Note de bas de page 2175 Toutefois, la Commission constate qu’il existe une différence importante entre la conduite de ces enquêtes et celle des enquêtes sur les décès dans un contexte national. Ainsi, l’expérience des membres du SNEFC dans la conduite des enquêtes sur des décès survenus au combat ne constituait pas une préparation adéquate pour la conduite des enquêtes sur des morts subites au Canada.

733. La preuve confirme que les membres du SNEFC ont reçu une formation structurée adéquate pour mener des enquêtes criminelles, y compris une formation pertinente au traitement des scènes de décès.Note de bas de page 2176 Il n’y a aucune indication que la formation officielle était déficiente ou insuffisante d’une quelconque façon.Note de bas de page 2177 Toutefois, la Commission constate que la seule formation structurée ne peut remplacer l’expérience pratique sur le terrain. C’est pourquoi les services d’enquêteurs aguerris ayant une solide expérience sont normalement requis pour fournir une assistance sur le terrain et donner de la formation à d’autres enquêteurs.

734. Le manque d’expérience des membres impliqués dans l’enquête sur la mort subite de 2008 était particulièrement frappant. L’enquêteur principal, le cplc Ritco, n’avait jamais mené une enquête sur un décès auparavant et ne s’était jamais occupé d’une scène de décès.Note de bas de page 2178 Son superviseur immédiat, l’adj Tourout, n’avait non plus jamais participé à la conduite ou à la supervision d’une enquête sur un décès.Note de bas de page 2179 Le sgt Bigelow, qui était présent sur la scène avec le cplc Ritco, avait été impliqué dans quatre à six enquêtes sur des décès alors qu’il était en détachement auprès de la GRC, ainsi que dans une enquête du SNEFC sur un suicide.Note de bas de page 2180 Il n’a joué qu’un rôle limité dans l’enquête de 2008.Note de bas de page 2181 L’adjum Watson, adjudant-maître et commandant par intérim du détachement, qui avait la responsabilité globale de la supervision de l’enquête, avait une expérience significative de la conduite d’enquêtes sur des décès survenus dans des zones de guerre, mais il avait peu d’expérience dans la conduite ou la supervision d’enquêtes sur des décès survenus au pays.Note de bas de page 2182

735. De nombreuses lacunes observées dans l’enquête de 2008 découlent directement du manque d’expérience des membres qui y ont participé. Au départ, l’enquête était insuffisamment ciblée et manquait d’objectifs clairs et d’un plan valable. Soucieux de conserver un esprit ouvert, les membres n’ont pas élaboré ou vérifié d’hypothèses et ont manqué de souplesse et de jugement pour réagir de façon appropriée à de nouveaux renseignements ou pour évaluer de manière critique les ambiguïtés et les contradictions qui ressortaient de la preuve.Note de bas de page 2183 La préoccupation dominante qui ressort clairement de vouloir éviter de tirer toute conclusion jusqu’à ce que le ML ait fait une détermination concluante, et peut-être même pas à ce point-là,Note de bas de page 2184 était en grande partie la conséquence de l’inexpérience. Les membres ont aussi éprouvé des difficultés à aligner leurs méthodes d’enquête en fonction de la preuve découverte et ne semblaient pas comprendre comment gérer correctement les objets saisis, y compris la note de suicide.Note de bas de page 2185 Les superviseurs n’avaient pas l’expérience nécessaire pour fournir aux enquêteurs une assistance et des conseils adéquats, et ils ont échoué dans cette tâche.

736. Bien que les membres du SNEFC aient eu un certain accès à de l’aide et à des conseils d’autres corps policiers, y compris un membre de la GRC détaché auprès du SNEFC,Note de bas de page 2186 ils n’ont pas demandé d’aide.Note de bas de page 2187 Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que des membres inexpérimentés soient en mesure de reconnaître leurs propres faiblesses ou besoins. Des mesures doivent être prises pour s’assurer que des enquêteurs ayant une solide expérience pratique soient impliqués dans la conduite et la supervision des enquêtes.

737. Ce qui préoccupe plus particulièrement la Commission est que le manque d’expérience des membres directement impliqués dans l’enquête de 2008 ne peut pas être considéré comme une situation ou un événement isolé.Note de bas de page 2188 Le sérieux manque d’expérience des personnes ayant participé à l’enquête de 2008 pourrait traduire le fait que le SNEFC ne mène des enquêtes sur la mort subite au pays que depuis 2005Note de bas de page 2189 et que, normalement, les incidents de mort dans des établissements de défense ne sont pas aussi fréquents que dans les grands centres urbainsNote de bas de page 2190 et qu’ils sont répartis sur l’ensemble du territoire canadien. Il n’est pas étonnant que les membres impliqués dans l’enquête de 2008 n’aient pas eu l’occasion d’acquérir une expérience approfondie.

738. Les manquements flagrants dans la conduite de l’enquête sur la mort subite décelés par la Commission n’ont aucunement été reconnus par le SNEFC ou ses membres. Au lieu de cela, lors de l’examen d’assurance de la qualité entrepris subséquemment par le détachement du SNEFC, l’enquête a été qualifiée de [traduction] « techniquement correcte ».Note de bas de page 2191 Les témoins du SNEFC, y compris ceux occupant des postes de commande, ont souscrit à cette conclusion.Note de bas de page 2192 Ils ont en outre indiqué dans leurs témoignages qu’ils étaient pleinement satisfaits des qualifications que possédait l’enquêteur principal pour diriger l’enquête, et qu’ils appuyaient toujours l’enquête qui avait été menée dans cette affaire.Note de bas de page 2193

739. Les personnes visées par la plainte ont fait valoir dans leurs observations finales que l’enquête concernant cette affaire avait été menée de façon rigoureuse et professionnelle.Note de bas de page 2194 Ils ont soutenu que toutes les politiques et procédures applicables avaient été suivies.Note de bas de page 2195 Ils ont en outre affirmé que l’enquêteur principal possédait les qualifications requises pour mener l’enquête, en raison de son expérience antérieure comme enquêteur au sein de la PM et du SNEFC, et qu’au besoin, il avait sollicité des conseils et une aide appropriés auprès d’autres membres.Note de bas de page 2196 Les opinions exprimées concordaient avec les témoignages des membres du SNEFC et de sa chaîne de commandement.Note de bas de page 2197

740. Selon les témoignages des membres de la haute direction, il ne semble pas que l’enquête menée dans cette affaire ait été considérée comme en deçà des normes attendues pour les enquêtes sur des morts subites menées par le SNEFC. Le manque d’expérience des membres impliqués n’a pas non plus été perçu comme étant préoccupant ou exceptionnel. Ni les graves manquements de l’enquête sur la mort subite relevés par la Commission, ni le manque d’expérience qui est à l’origine de ces lacunes n’ont été reconnus comme problématiques par les témoins du SNEFC qui ont comparu devant la Commission, et il n’y a aucune preuve indiquant que le SNEFC y ait donné suite. Cela conduit à faire l’hypothèse éventuelle que cette enquête a peut-être été menée conformément aux normes actuellement attendues au SNEFC pour la conduite des enquêtes sur les morts subites. Le cas échéant, cela est très préoccupant et met en relief la nécessité pour le SNEFC de prendre des mesures immédiates pour s’assurer que ses membres acquièrent une expérience suffisante pour mener des enquêtes sur des morts subites.

4.2 La note de suicide laissée par le cpl Langridge

1. Le cpl Stuart Langridge a laissé une note de suicide dans la pièce où son corps a été retrouvé. On peut y lire :

[traduction]

Désolé, mais je n’en peux plus. Je vous aime maman, Shaun, James, Mike, grand-maman, tante, Tom. Sachez que je devais faire cesser la souffrance. xoxo Stu

P.-S. Je ne mérite pas de funérailles spéciales, juste la famille. Merci.Note de bas de page 2198

2. La note a été saisie par les enquêteurs du SNEFC le 15 mars 2008.Note de bas de page 2199 Personne à l’époque n’a informé les parents du cpl Langridge – ni aucun autre membre de sa famille – du contenu ou même de l’existence de cette note. Les Fynes en ont été informés plus de 14 mois après la mort du cpl Langridge. Ils ne l’ont pas appris du SNEFC.

Divulgation de la note de suicide aux Fynes

3. Le 22 mai 2009, 14 mois après la mort du cpl Langridge, M. Fynes a reçu un appel téléphonique du Maj Bret Parlee, président de la CE convoquée par les FC pour enquêter sur la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 2200 La CE n’était pas liée à l’enquête du SNEFC sur ce décès, qui s’était conclue plus tôt. En mai 2009, le travail du Maj Parlee à la CE était presque terminé.Note de bas de page 2201 Les témoins avaient déjà été entendus et la rédaction du rapport en était à sa phase finale.Note de bas de page 2202

4. Au cours de la conversation téléphonique, le Maj Parlee a informé M. Fynes [traduction] « qu’il avait reçu une autorisation spéciale pour lui [M. Fynes] communiquer des informations au sujet d’un nouvel élément de preuve ».Note de bas de page 2203 Il a alors dit à M. Fynes que le cpl Langridge avait laissé une note avant de se suicider.Note de bas de page 2204 Il a lu la note à M. Fynes au téléphone.Note de bas de page 2205 C’était la première fois que les Fynes apprenaient l’existence de la note de suicide laissée par le cpl Langridge. À ce moment, aucune raison ne leur a été donnée pour expliquer pourquoi la note n’avait pas été divulguée plus tôt.

5. Le même jour, M. Fynes a écrit au Maj Stewart Parkinson, l’OD des Fynes, pour lui faire part de sa conversation avec le Maj Parlee et des renseignements qu’il leur avait transmis. M. Fynes a fait le commentaire suivant : c’est [traduction] « incroyable qu’il ait fallu plus de 14 mois avant d’apprendre cela ».Note de bas de page 2206 C’était aussi la première fois que le Maj Parkinson entendait parler de la note de suicide.Note de bas de page 2207

6. Après sa conversation avec M. Fynes, le Maj Parlee a rapporté : [traduction] « la nouvelle a été bien reçue au téléphone; cependant, le fait de ne pas leur avoir remis la note peu de temps après le décès pourrait provoquer une réaction ».Note de bas de page 2208 Dans son témoignage, il a expliqué que la conversation s’était bien déroulée, M. Fynes s’étant toujours comporté de manière professionnelle.Note de bas de page 2209 Il a ajouté qu’il « s’attendait à ce que lui et Mme Fynes soient en colère, comme n’importe qui le serait ».Note de bas de page 2210 Dans l’ensemble, il estimait que la réaction des Fynes avait été très modérée, compte tenu de la situation.Note de bas de page 2211

7. Mme Fynes a évoqué dans son témoignage l’effet que cette nouvelle avait eu sur elle :

[traduction]

J’ai été dévastée, pour être honnête. J’imaginais mon fils assis là faisant la liste des personnes qu’il pensait être importantes, des gens qui comptaient dans sa vie et qui se souciaient encore de lui. Désolée.

Et je pensais juste à cet endroit terriblement solitaire où il était quand il a écrit cette note, et puis personne ne s’est même soucié de penser que nous voudrions peut-être la voir.Note de bas de page 2212

8. En plus de la douleur évidente et de la souffrance qu’ils ont éprouvées en découvrant que les derniers mots de leurs fils ne leur avaient pas été communiqués, les Fynes ont également été bouleversés d’apprendre qu’ils n’avaient pu faire respecter les volontés exprimées par leur fils pour ses funérailles.Note de bas de page 2213 Le 26 mars 2008, bien avant que quiconque ne soit informé de la note de suicide, des funérailles militaires en bonne et due forme ont eu lieu pour le cpl Langridge. Dans son témoignage, M. Fynes a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[...] La dernière demande de notre fils, la dernière chose qu’il nous a dite était qu’il voulait avoir de simples funérailles familiales. Ses désirs, ses dernières volontés n’ont pas été respectées parce que nous n’étions pas au courant de ça...Note de bas de page 2214

Comment la note de suicide en est-elle venue à être divulguée?

9. Comme M. Fynes l’a dit dans son témoignage, [traduction] « n’eut été de la commission d’enquête, nous n’aurions jamais su que notre fils avait laissé une note de suicide ».Note de bas de page 2215 En effet, le SNEFC n’a pas pris les devants pour révéler l’existence de la note.

10. La note avait été saisie par le SNEFC la nuit où le cpl Langridge est décédé.Note de bas de page 2216 L’enquête du SNEFC s’est conclue en juin 2008.Note de bas de page 2217 Aucune mesure n’a été prise pour informer les Fynes de l’existence de la note. Environ six mois plus tard, les FC ont convoqué la CE pour faire enquête sur la mort du cpl Langridge. Le 26 janvier 2009, le Maj Parlee a écrit au commandant du détachement du SNEFC RO, le Maj Daniel Dandurand, pour lui demander une copie du rapport d’enquête du SNEFC aux fins de la CE.Note de bas de page 2218 Une copie expurgée du rapport lui a été remise le 3 février 2009.Note de bas de page 2219

11. Selon le Maj Parlee, la copie du rapport du SNEFC ne contenait aucune référence à la note de suicide.Note de bas de page 2220 Il a affirmé en avoir appris l’existence plus tard, dans une note de bas de page figurant sur le certificat de décès émis par la province de l’Alberta.Note de bas de page 2221 Il a expliqué qu’il avait reçu le certificat plus tard au cours de l’enquête de la CE.Note de bas de page 2222

12. La copie du rapport du SNEFC reçue par la présente Commission faisait mention de la note de suicide.Note de bas de page 2223 Toutefois, tel que l’ont soumis les avocats des personnes visées par la plainte, il n’y a aucune preuve que le SNEFC ait divulgué le dossier d’enquête complet à la CE.Note de bas de page 2224 En fait, le témoignage du Maj Parlee et la correspondance échangée à l’époque indiquent qu’il ne l’a pas fait. La Commission a examiné le certificat du médecin légiste en chef de l’Alberta et constaté qu’il était accompagné d’un formulaire d’examen externe, lequel contenait une mention de la note de suicide.Note de bas de page 2225 Le Maj Parlee a joint une copie de ce formulaire quand il a écrit au SNEFC pour lui demander la note.Note de bas de page 2226

13. Le 11 mars 2009, le Maj Parlee a écrit au Maj Dandurand :

[traduction]

Dans le cadre de la conduite de la CE [sur le décès du cpl] Langridge, je suis tombé sur un élément de preuve indiquant qu’une note de suicide avait été laissée dans la chambre du cpl Langridge. Le rapport du SNE ne fait état d’aucune note de suicide. Pouvez-vous confirmer qu’une note de suicide a été trouvée ou non dans la chambre du cpl Langridge pendant l’enquête du SNE ou de la PM?Note de bas de page 2227 [Caractères gras ajoutés]

14. Deux jours plus tard, le Maj Dandurand a répondu : [traduction] « vous feriez mieux de m’appeler à ce sujet ».Note de bas de page 2228 Le Maj Parlee a écrit de nouveau, indiquant qu’il s’attendait à ce que le Maj Dandurand exige qu’une demande officielle soit présentée et demandant à qui elle devait être adressée.Note de bas de page 2229

15. Le Maj Parlee a indiqué lors de son témoignage que sa première réaction en apprenant l’existence de la note avait été de la demander, puisqu’il considérait que la note était un élément de preuve pertinent pour la CE.Note de bas de page 2230 Il a également indiqué qu’il compatissait avec la famille et il a donc tenté de leur remettre la note.Note de bas de page 2231

16. Le Maj Parlee s’est souvenu avoir rencontré le Maj Dandurand pour discuter de la note de suicide après leur premier échange par écrit.Note de bas de page 2232 Il a déclaré que le Maj Dandurand avait alors exprimé l’avis que cet élément de preuve ne devait pas être rendu en raison de la réglementation du SNEFC.Note de bas de page 2233 Le Maj Dandurand n’a mentionné aucune enquête en cours et n’a pas expliqué pourquoi il avait fait référence à la note de suicide comme élément de « preuve ».Note de bas de page 2234

17. Le vendredi 13 mars 2009, le Maj Dandurand a écrit au Maj Parlee. Il lui a conseillé de transmettre la requête officielle concernant la note de suicide à son attention et a indiqué qu’il devait demander l’approbation d’Ottawa.Note de bas de page 2235 Il a ensuite transmis le courriel initial du Maj Parlee au GPA Police et au commandant adjoint du SNEFC, en notant que : [traduction] « la CE en question est à la recherche d’informations supplémentaires au-delà de ce que nous avons déjà fourni. Avons-nous l’autorité de divulguer la note de suicide? » Note de bas de page 2236 Le Maj Francis Bolduc, commandant adjoint, a demandé si cette question pouvait être reportée à la semaine suivante. Le Maj Dandurand a répondu par l’affirmative en indiquant : [traduction] « ils sont à la recherche d’éléments de preuve qui dépassent ce que nous donnons habituellement aux CE ».Note de bas de page 2237 Il a ajouté qu’il cherchait à obtenir l’approbation du GPA Police pour la divulgation de la note et voulait en informer le commandant adjoint.Note de bas de page 2238

18. Le lundi suivant, le 16 mars 2009, le Maj Parlee a envoyé une lettre officielle au commandant du SNEFC, demandant une copie certifiée conforme de la note de suicide trouvée dans la chambre du cpl Langridge.Note de bas de page 2239 Il a joint une copie du formulaire d’examen externe du Bureau du ML de l’Alberta et a indiqué que le formulaire faisait référence à la note de suicide.Note de bas de page 2240 Dans son témoignage, le Maj Parlee a expliqué qu’il comprenait la nécessité pour le Maj Dandurand de déterminer, auprès de sa chaîne de commandement, si la note de suicide pouvait être divulguée.Note de bas de page 2241 Il a affirmé que cela [traduction] « avait pris un temps considérable ».Note de bas de page 2242

19. Le 7 avril 2009, le Maj Parlee a envoyé un courriel de suivi demandant au Maj Dandurand s’il pouvait lui indiquer dans quel délai il pourrait recevoir la copie de la note.Note de bas de page 2243 Le 16 avril, le Maj Parlee a de nouveau écrit au Maj Dandurand pour savoir s’il avait entendu dire à quel moment il recevrait la note.Note de bas de page 2244 Le même jour, le Maj Dandurand a écrit au GPA Police, à Ottawa, avec copie au Maj Bolduc. Il a indiqué que la CE avait fait une demande [traduction] « pour obtenir une copie de la lettre de suicide saisie » et demandait si le détachement avait l’autorisation du GPA Police pour la lui remettre.Note de bas de page 2245 Quelques minutes plus tard, le GPA Police a répondu par l’affirmative et avisé le Maj Dandurand de remettre la copie à la CE.Note de bas de page 2246

20. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a expliqué qu’il considérait la demande de la CE comme étant inhabituelle.Note de bas de page 2247 Comme il y avait eu plusieurs demandes de la part de diverses CE dans la région en vue d’obtenir des preuves se trouvant parmi les pièces détenues par le SNEFC, le Maj Dandurand était prudent face à cette demande.Note de bas de page 2248 Il croyait que la CE était en droit de recevoir l’intégralité du dossier d’enquête, mais estimait que remettre des objets saisis posait un problème en raison du besoin d’assurer la continuité.Note de bas de page 2249 Il a supposé qu’une copie de la note de suicide avait été numérisée dans le dossier et fournie à la CE avec le rapport.Note de bas de page 2250 Il pensait que cela aurait été suffisant pour la CE.Note de bas de page 2251 Il ne pouvait pas s’expliquer pourquoi le Maj Parlee n’avait pas de copie de la note.Note de bas de page 2252 Il ne pouvait pas expliquer pourquoi il aurait été problématique d’envoyer une autre copie à la CE, ou pourquoi une autorisation était requise.Note de bas de page 2253

21. Le Maj Bolduc a expliqué que, selon sa compréhension, le Maj Dandurand demandait l’autorisation de divulguer la note de suicide à la CE conformément aux politiques applicables.Note de bas de page 2254 Le GPA Police avait la responsabilité de déterminer quels renseignements pouvaient être fournis aux CE.Note de bas de page 2255 Le Maj Bolduc a indiqué que la quantité d’information fournie dépendrait de ce qui était demandé. Il n’y avait pas de politique courante concernant la divulgation ou la non-divulgation des notes de suicide aux CE.Note de bas de page 2256 La règle générale était que la CE était en droit de recevoir tous les renseignements demandés, à moins que cela ne risque de nuire à une enquête policière en cours.Note de bas de page 2257

22. La CE a reçu la copie de la note de suicide du cpl Langridge le 17 avril 2009, un peu moins de six semaines après en avoir découvert l’existence.Note de bas de page 2258 Le Maj Dandurand ne pouvait se rappeler pourquoi il a fallu tout ce temps pour fournir la copie de la note.Note de bas de page 2259 Cinq autres semaines se sont écoulées avant que les Fynes ne soient informés de l’existence de la note de suicide. À ce moment, le SNEFC n’avait pris aucune mesure pour les informer.

23. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a indiqué qu’il croyait que la communication initiale du Maj Parlee correspondait à la première fois qu’il prenait connaissance de l’existence d’une note de suicide dans ce dossier.Note de bas de page 2260 Il avait pris le commandement du détachement en juillet 2008, peu de temps après que l’enquête sur la mort du cpl Langridge se soit conclue.Note de bas de page 2261 Il a dit lors de son témoignage que la communication du Maj Parlee ne l’avait pas incité à examiner le dossier.Note de bas de page 2262 Il s’était plutôt concentré sur la gestion de la demande de la CE.Note de bas de page 2263 Il n’est pas clair qu’à l’époque, le Maj Dandurand ait été au courant que la lettre de suicide n’avait pas été divulguée à la famille.Note de bas de page 2264 Il ne semble pas non plus qu’il ait pris de mesures pour vérifier si elle l’avait été. Il a affirmé dans son témoignage que la demande du Maj Parlee ne l’avait pas amené à interroger les membres ayant participé à l’enquête.Note de bas de page 2265 Il a déclaré que la demande [traduction] « me paraissait un peu bizarre et je crois que j’y ai jeté un coup d’œil, mais je ne peux -- je ne me souviens pas de l’attention que je lui ai accordée ».Note de bas de page 2266

24. Le Maj Bolduc a dit dans son témoignage qu’il n’avait pas été informé par le Maj Dandurand ou quelqu’un d’autre que la note de suicide n’avait pas été divulguée à la famille quand il a reçu de l’information au sujet de la demande de la CE.Note de bas de page 2267 De même, le lcol Gilles Sansterre, commandant du SNEFC, a noté que la correspondance du Maj Dandurand avec le GPA Police et le QG du SNEFC à ce sujet ne donnait aucune indication à l’effet que la note de suicide n’avait jamais été communiquée à la famille.Note de bas de page 2268 Il a affirmé lors de son témoignage que la demande de la CE concernant la note de suicide n’avait pas été portée à son attention à l’époque, que les divulgations à des CE étaient des questions de routine généralement réglées par le commandant adjoint et ne nécessitaient pas son intervention.Note de bas de page 2269

25. Pendant ce temps, le Maj Parlee, qui avait discuté directement avec le Maj Dandurand de la note de suicide, était bien conscient que la famille n’en connaissait pas l’existence. Dix jours après la réception de la copie de la note, il a commencé à se renseigner sur le processus de divulgation de la note aux Fynes. Le 27 avril 2009, il a écrit au Maj Serge Côté, conseiller du Centre de soutien pour les enquêtes administratives (CSEA) du MDM, en indiquant :

[traduction]

J’ai obtenu une note de suicide du SNE (il n’a pas été mentionné dans le rapport que nous l’avons reçue de leur part, quoi que le rapport a pu être expurgé). La famille ignore qu’il y avait une note de suicide... suis-je obligé en quelque manière de les informer à ce moment? Si ce n’est pas maintenant, quand (et qui devrait les informer)? Elle sera certainement utilisée comme élément de preuve dans le rapport.Note de bas de page 2270 [Caractères gras ajoutés]

26. Le lendemain, le Maj Parlee a fait un suivi en adressant un autre courriel au Maj Côté pour lui demander s’il avait une réponse au sujet de la note de suicide.Note de bas de page 2271 Dans son témoignage, le Maj Parlee a expliqué qu’il cherchait à obtenir l’avis du Maj Côté quant à l’opportunité de divulguer la note de suicide à la famille parce que [traduction] « c’était une situation tout à fait inhabituelle ».Note de bas de page 2272 La semaine suivante, le Maj Côté a répondu pour lui donner son avis. Il a fait valoir que [traduction] « compte tenu de l’interaction actuelle avec la famille », le Maj Parlee devrait s’entretenir avec le conseiller juridique de la CE, les Affaires publiques, et l’autorité de convocation de la CE pour déterminer s’il y a lieu d’informer la famille au sujet de la note de suicide, [traduction] « puisque cela pourrait ne pas les apaiser ».Note de bas de page 2273 Étant donné que la note de suicide faisait partie de la preuve de la CE, le Maj Côté a indiqué qu’elle serait révélée « en temps opportun » lorsque le rapport sera achevé.Note de bas de page 2274 Il a ajouté que la famille pourrait alors être informée à ce sujet après que le rapport ait été examiné par l’autorité de convocation.Note de bas de page 2275 Il est à noter qu’à la fin de la présente audience, les Fynes n’avaient pas encore été informés officiellement du rapport de la CE ni n’en avaient obtenu une copie finale.Note de bas de page 2276 Si cet avis avait été suivi, ils ignoreraient peut-être encore l’existence de la note de suicide de leur fils. Toutefois, une décision différente a prévalu.

27. Le 22 mai 2009, le Maj Parlee a appelé M. Fynes et lui a parlé de la note. Le même jour, il a avisé le Maj Côté que l’autorité de convocation de la CE l’avait autorisé à informer les Fynes de l’existence de la note de suicide du cpl Langridge.Note de bas de page 2277 Il a indiqué qu’il avait informé la famille par téléphone et qu’il leur fournirait une copie de la note.Note de bas de page 2278 Dans sa réponse, le Maj Côté lui a dit qu’il était préoccupé par le fait que l’on remette une copie de la note à la famille, car elle faisait partie de la preuve présentée devant la CE.Note de bas de page 2279 Il a noté que la famille n’obtiendrait qu’un exposé verbal sur les conclusions du rapport, et qu’on leur remettrait une copie expurgée du rapport après l’approbation du CEMD et avec l’accord de l’autorité de convocation.Note de bas de page 2280 Il a ajouté que le Maj Parlee devrait consulter son conseiller juridique d’abord s’il voulait toujours fournir une copie de la note à la famille.Note de bas de page 2281 La réponse du Maj Parlee a été expurgée dans les documents produits devant la présente Commission. Suite à cette réponse, le Maj Côté a indiqué que le Maj Parlee était [traduction] « prêt à poursuivre ».Note de bas de page 2282

28. Dans son témoignage, le Maj Parlee ne se souvenait pas des détails de ses discussions avec l’autorité de convocation sur cette question, mais il était [traduction] « tout à fait certain » que la question de savoir s’il fallait donner une copie de la note à la famille avait été discutée.Note de bas de page 2283 Dans un message qu’il a écrit dans les jours qui ont suivi la divulgation de la note aux Fynes, il a expliqué :

[traduction]

[...] Après avoir effectivement reçu la note j’ai informé l’autorité de convocation, qui a demandé l’avis de la conseillère juridique avant qu’elle ne soit remise aux [Fynes].

Techniquement, nous ne sommes pas tenus de fournir à la famille des éléments de preuve découverts au cours de la CE, cependant, en raison de l’importance évidente de cette pièce pour eux dans ce dossier, le commandant en a autorisé la divulgation.Note de bas de page 2284

L’obtention de la note de suicide originale

29. Le 27 mai 2009, la copie de la note de suicide du cpl Langridge est arrivée à la résidence des Fynes.Note de bas de page 2285 Selon le souvenir de M. Fynes :

[traduction]

[…] en premier lieu, lorsque nous avons été mis au courant de l’existence de la note de suicide, ils l’ont transmise -- ils ont envoyé la note par courrier Purolator au SNE à Esquimalt. Un capitaine l’a livrée en main propre à ma femme.

Je suis rentré du travail ce soir-là et l’enveloppe de Purolator reposait sur la table, non ouverte. Ma femme n’avait pu se résoudre à l’ouvrir.

Et je dois vous dire que lorsque nous avons ouvert cette enveloppe ensemble et que j’ai vu que c’était une photocopie avec un timbre de preuve, je suis sorti de mes gonds.Note de bas de page 2286

30. Ce soir-là, M. Fynes a écrit à son OD, le Maj Parkinson, pour demander la note originale :

[traduction]

Ci-jointe une copie (d’une photocopie) des adieux de Stuart à sa famille.

Que sa note ait été dissimulée et retenue à notre insu pendant plus de quatorze mois était cruel, inhumain et irrespectueux.

Je m’attends à ce que « l’original » nous soit remis immédiatement. Voulez-vous, s’il-vous-plaît, faire le nécessaire?Note de bas de page 2287 [Caractères gras ajoutés]

31. Le Maj Parkinson a transmis le message au Capt Eric Angell, l’adjudant du régiment du cpl Langridge, en lui demandant de donner suite à la requête de M. Fynes.Note de bas de page 2288 Le Capt Angell a communiqué avec le détachement du SNEFC pour savoir comment obtenir la note de suicide originale. Le 28 mai 2009, l’adj Ken Ross, l’adjudant-maître par intérim du détachement (enquêteur en chef),Note de bas de page 2289 a écrit au Capt Angell, avec copie au Maj Dandurand, au sujet de ce que les plaignants ont décrit comme une [traduction] « déclaration choquante ».Note de bas de page 2290 Il lui conseillait :

[traduction]

En ce qui concerne le souhait de la famille d’obtenir la note de suicide : la meilleure façon de procéder serait que l’OD de la famille présente une demande d’AI en leur nom.

Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à me contacter.Note de bas de page 2291

32. En réponse, le Capt Angell a indiqué qu’il était certain que l’adj Ross pourrait [traduction] « comprendre la nature délicate de cette demande ».Note de bas de page 2292 Le Capt Angell a précisé que la famille avait déjà une copie de la note et voulait obtenir l’original.Note de bas de page 2293 Une demande d’accès permettant d’obtenir uniquement une copie, il a noté que ce n’était pas une option viable et a demandé à l’adj Ross si d’autres avenues pouvaient être explorées.Note de bas de page 2294 Dans un message, également envoyé en copie au Maj Dandurand, l’adj Ross a répondu :

[traduction]

Nous apprécions le caractère délicat de cette affaire, cependant, la note originale est toujours retenue en preuve. Je ne prévois pas que la note originale soit remise. Cela étant dit, je vais poursuivre mes recherches une fois de retour au bureau demain.Note de bas de page 2295 [Caractères gras ajoutés]

33. Le lendemain, le Maj Dandurand a reçu l’autorisation du GPA Police à Ottawa de remettre la note de suicide originale.Note de bas de page 2296 À l’époque, il y a eu des communications au sujet de cette affaire impliquant le régiment des FC, la brigade en charge du régiment (1 GBMC) et la région en charge de la brigade (SOFT). Le Maj Dandurand a avisé le SOFT que le détachement remettrait la note le lundi suivant.Note de bas de page 2297 Le SOFT lui a demandé que l’adj Ross remette la note le plus tôt possible au personnel de la brigade, qui trouverait le moyen approprié de l’acheminer à la famille.Note de bas de page 2298 Dans son témoignage, le chef d’état-major du SOFT, le col Jamie Hammond, a indiqué que la réaction du Maj Dandurand en apprenant l’omission de divulguer la note de suicide avait été professionnelle.Note de bas de page 2299 Il a noté que le Maj Dandurand avait [traduction] « peut-être hésité un peu parce qu’il était préoccupé par la preuve et ce genre de choses », mais il estimait qu’en définitive, il était rapidement arrivé à la bonne conclusion et avait obtenu l’autorisation de remettre la note originale à la famille.Note de bas de page 2300

34. L’adj Ross, pour sa part, a indiqué qu’il s’occuperait, le lundi suivant, de prendre les mesures nécessaires avec le responsable des pièces de la preuve pour rendre la note originale.Note de bas de page 2301 Cependant, il ne semblait pas du tout satisfait de la tournure des événements. Il a écrit au Maj Dandurand :

[traduction]

J’étais sous l’impression que la famille avait fait une demande d’AI et avait subséquemment reçu la note. Cependant, c’est le Maj Hamilton-Brown [G1 de la brigade] qui a pris l’initiative de fournir une copie à la famille, ce qui n’était évidemment pas une très bonne copie, et je suppose que c’était la copie que nous lui avions remise? Il semblerait que ceux qui souhaitaient « bien faire » ont causé plus d’angoisse à la famille que de bien.Note de bas de page 2302 [Caractères gras ajoutés]

35. Le lendemain, le G1 de la brigade, le Maj Glen Hamilton-Brown, a écrit à l’adjudant du régiment LdSH, le Capt Angell, indiquant qu’il croyait que la note originale devait être livrée par le régiment, tel que les Fynes l’avaient demandé.Note de bas de page 2303 Le lundi 1er juin 2009, il a avisé le Capt Angell que le détachement du SNEFC lui remettrait la note originale à livrer aux Fynes.Note de bas de page 2304 La note a été remise au Capt Angell par l’adj Ross le jour même.Note de bas de page 2305 Le dossier du SNEFC indique que la restitution de la note avait été autorisée par le Maj Dandurand, sous l’autorité du commandant du régiment, et que la note avait été [traduction] « retournée à l’adjudant de l’unité à la demande de la famille ».Note de bas de page 2306

36. Le 3 juin 2009, le Maj Parkinson a livré la note de suicide originale aux Fynes.Note de bas de page 2307 Dans son témoignage, M. Fynes a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Et nous sommes retournés et avons exigé qu’on nous remette la note de suicide de notre fils, sa dernière communication avec nous, et elle nous a été remise peu après en personne par notre officier désigné, qui se trouvait dans la pièce et nous l’a passée en disant – je crois que ses mots exacts ont été : « Je n’ai pas de mots » [Caractères gras ajoutés]Note de bas de page 2308

Réactions immédiates

37. Après que les Fynes aient reçu la copie de la note et écrit à leur OD pour demander l’original, les nouvelles concernant cette affaire ont circulé rapidement parmi la direction des FC au niveau du régiment, de la brigade et de la région, parvenant même jusqu’au chef d’état-major de l’Armée de terre. Les commentaires de M. Fynes à l’effet qu’il avait été [traduction] « cruel, inhumain et irrespectueux » de retenir la note de suicide ont été communiqués à maintes reprises au sein des FC, donnant lieu à de nombreux échanges par courriel.Note de bas de page 2309 Plusieurs se sont dit choqués et incrédules, tandis que d’autres semblaient s’affairer à obtenir ou à fournir des explications, et que d’autres encore étaient préoccupés dans l’immédiat par l’impact de cette affaire au niveau des relations publiques.

38. Après avoir pris connaissance de la question, le Maj Hamilton-Brown a demandé à l’adjudant du régiment de parler au Maj Parlee et de rédiger une réponse au message des Fynes.Note de bas de page 2310 Le Maj Parlee a présenté sa version de la situation, en insistant sur le fait que le SNEFC n’avait pas informé la CE de l’existence de la note de suicide et n’avait pas non plus incluse celle-ci dans le rapport d’enquête expurgé qu’il avait fourni.Note de bas de page 2311 Il a suggéré que les Affaires publiques soient [traduction] « ramenées dans le dossier » pour préparer des réponses aux médias (RAM).Note de bas de page 2312 Le chef d’état-major du commandant de la brigade, le lcol Thomas Bradley, a commenté les points qui devaient être couverts dans la réponse :

[traduction]

Faisons en sorte que les aspects juridiques de la divulgation soient également mis en évidence dans la réponse.

Par exemple, si une personne donne une note de suicide à un médecin, la famille ne la voit jamais. Tout aussi important, une fois que nous avons obtenu ce document, bien que nous n’ayons eu aucune obligation de le faire, il leur a été communiqué.Note de bas de page 2313

39. Le Capt Angell a ensuite donné l’explication suivante au Maj Parkinson :

[traduction]

Le SNE a gardé la note de suicide comme élément de preuve au cours de son enquête, le LdSH (RC) [le régiment] en ignorait l’existence. Le Maj Parlee a découvert la note au cours de l’enquête de la CE et a obtenu une copie du document du SNE...Note de bas de page 2314 [Caractères gras ajoutés]

40. Lorsqu’elle a pris connaissance de cette affaire, Mme Norma McLeod, du Soutien aux blessés à Esquimalt, a fait le commentaire suivant :

[traduction]

La première pièce jointe est la lettre de suicide du militaire à sa famille dans laquelle il laissait des instructions spécifiques pour ses funérailles. Edmonton l’a remise à la famille plus de 14 mois plus tard. Je réserve mes commentaires sur cette question.

[...] Je ne sais pas si vous avez suivi ce qui s’est passé après le suicide du cpl Langridge à Edmonton, mais cela a été assez épouvantable pour la famille à Victoria. Cela va exploser dans les médias. [...] J’ai joint l’information pertinente que j’ai reçue à ce jour afin que vous puissiez avoir un aperçu du contexte général. Je voudrais discuter avec vous dès que possible puisqu’une intervention urgente est requise de votre part à Edmonton. La famille demande toujours des choses telles que les médailles, une copie de son dossier personnel, etc. Nous avons vraiment besoin de régler ce problème dès maintenant.Note de bas de page 2315 [Caractères gras ajoutés]

41. Dans le long message qu’il a écrit en réponse à certaines questions que Mme McLeod avait soulevées, le Maj Hamilton-Brown a indiqué que : [traduction] « La note est un sujet très chaud pour nous car nous sommes tout aussi surpris que les Fynes de certains aspects ».Note de bas de page 2316

42. Le message de Mme McLeod a été transmis dans l’ensemble des FC.Note de bas de page 2317 Le personnel à Ottawa et au SOFT a été informé de l’intérêt potentiel des médias, qu’elle avait souligné.Note de bas de page 2318 Il a été recommandé que la Direction des officiers des affaires publiques du SOFT soit mise au courant de la situation.Note de bas de page 2319 Par la suite, une fois que la nouvelle se soit rendue à des niveaux encore plus élevés, le directeur des Affaires publiques de l’Armée de terre (DAPAT) a été chargé d’assurer la liaison avec les Affaires publiques du SOFT afin de préparer les RAM [traduction] « pour quand ça sortira ».Note de bas de page 2320

43. Lorsqu’il a été informé de la question, l’officier des Affaires publiques du SOFT (OAP), le Maj David Muralt, a déclaré :

[traduction]

C’était la lettre dans laquelle le cpl Langridge disait au revoir à sa famille et lui donnait des instructions spécifiques pour ses funérailles. Une copie de la note a finalement été remise par quelqu’un, ici à Edmonton, à la famille 14 mois après son décès.Note de bas de page 2321

44. Après avoir reçu la nouvelle, le chef d’état-major de la région, le col Hammond, a immédiatement demandé :

[traduction]

Sommes-nous sûrs que personne n’en a donné une copie à un membre de la famille plus tôt (c’est un peu choquant si nous ne l’avons pas fait)?Note de bas de page 2322

45. Comparaissant devant la Commission, le col Hammond a commenté sa réaction au moment où il a appris que la note de suicide n’avait pas été divulguée :

Je pensais que c’était un peu choquant. Personnellement, je suis sidéré que la note de suicide n’ait pas été transmise à la famille dans les jours où nous avons appris qu’il y avait une note de suicide. Je pense que cela parle de soi-même. Pour moi, c’est impardonnable, et la famille a dit que cela était inhumain et irrespectueux. Et je pense que -- je ne sais pas si tout le monde dans les Forces canadiennes -- mais je pense que la plupart des gens dans les Forces canadiennes seraient d’accord avec cela.Note de bas de page 2323

46. Dans sa réponse à la question du col Hammond, le lcol Bradley a expliqué que le SNEFC était le seul à avoir une copie de la note de suicide et qu’il ne l’avait pas révélé à la CE.Note de bas de page 2324 Il a poursuivi :

[traduction]

Quand nous l’avons appris, nous avons rapidement compris que, bien que non mandaté pour le faire, il serait clairement dans l’intérêt de la famille de l’avoir, et aussi pour qu’elle ne le découvre pas seulement lorsque la documentation de la CE serait divulguée à la fin, et être alors vraiment mécontente.Note de bas de page 2325

47. Le col Hammond a informé le commandant du SOFT, le Bgén Michael Jorgensen, de la situation et a noté que l’officier des affaires publiques (OAP) préparait [traduction] « de nouvelles RAM » pour faire face au problème.Note de bas de page 2326 Il a également inclus le Maj Dandurand dans la conversation, lui demandant si la note originale pouvait être divulguée « le plus tôt possible », ajoutant qu’il faudrait « trouver un moyen pour s’assurer que cela ne se reproduise pas (une famille qui n’est pas mise au courant de son existence pendant 14 mois, dans des cas comme celui-là) ».Note de bas de page 2327 Il s’est rappelé avoir discuté de la question avec le Maj Dandurand à l’époque :

[traduction]

[...] Je ne me souviens pas exactement quand, mais je me souviens d’avoir eu une conversation téléphonique avec [le Maj] Dandurand et disant voyons donc, ce sont les Keystone Cops. Cela ne devrait pas se produire. Et c’est ce que j’ai dit dans le courriel que je lui ai envoyé en réponse, que nous devions trouver un moyen de s’assurer que cela ne se reproduise pas.Note de bas de page 2328 [Caractères gras ajoutés]

48. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a déclaré :

[traduction]

Je ne me souviens pas d’avoir lu nulle part dans un courriel une référence aux Keystone Cops. Et la raison pour laquelle je soulève cela est que si je l’avais lu, cela aurait certainement gâché nos relations.

Il n’y avait aucun doute dans mon esprit qu’il était très préoccupé par cela et, très rapidement, beaucoup d’opinions sur la question ont commencé à circuler au sein de la région de l’Ouest, et le sujet de la conversation dans laquelle je m’étais engagé avec le colonel Hammond est, ne soyons pas si prompts à critiquer et regardons ce qui se passe ici. Je voulais que les gens se calment. Et s’il avait fait référence aux Keystone Cops à l’époque – je me souviens exactement de l’endroit où j’étais quand j’ai discuté avec lui, j’étais sur le perron avant et j’utilisais mon BlackBerry, et s’il avait fait mention de cela, les voisins m’auraient entendu réagir.

Donc, il n’y a aucun doute qu’il était contrarié. [...] et il n’y a aucun doute que nous envisagions cela de deux angles différents, mais nous étions d’accord sur le fait que cela n’était pas acceptable et qu’il fallait y remédier.Note de bas de page 2329 [Caractères gras ajoutés]

49. Dans la réponse qu’il a écrite au col Hammond à l’époque, le Maj Dandurand a convenu que la famille [traduction] « aurait dû au moins être informée », mais il a ajouté qu’il examinerait le dossier pour savoir ce qui s’était passé parce que, selon son expérience, « dans ces circonstances, tout n’est pas toujours précis à 100 pour cent lorsque les choses sont initialement rapportées ».Note de bas de page 2330

50. Il y a eu beaucoup de confusion au sein des FC et du SNEFC au sujet de l’identité du PPP du cpl Langridge, et de la question de savoir si quelqu’un avait été informé de la note de suicide.Note de bas de page 2331 Le col Dominic McAlea, un officier du JAG à Ottawa, qui avait aussi été informé de l’affaire, a dit au chef d’état-major du CEMAT : [traduction] « cela peut être autant lié à la culture du SNE qu’au cloisonnement administratif des FC ».Note de bas de page 2332

51. La confusion et l’inquiétude concernant les relations publiques ne se limitaient pas à la direction des FC. La direction du SNEFC a réagi de façon similaire. Le 30 mai 2009, le Maj Dandurand a informé le commandant du SNEFC de l’affaire. Il a fait parvenir une copie du message qui suit à l’OAP du SNEFC, la Maj Paule Poulin, et a écrit :

[traduction]

Nous avons une situation qui pourrait attirer l’attention des médias. C’est à la suite d’une CE sur le suicide d’un de nos soldats et de parents alléguant [sic] qu’ils n’ont jamais été informés d’une note. Le personnel du SOFT était furieux jusqu’à ce que je leur dise que les événements ne s’étaient peut-être pas déroulés comme on l’avait initialement rapporté. Je vais regarder le rapport lundi dans le SISEPM pour déterminer si quelqu’un, le PPP, a été informé de la lettre et aussi si les parents en ont été informés. Ils ont une copie de la lettre; cependant, ils veulent l’original. Nous donnerons au PPP/au gardien et à l’exécuteur de la succession l’original dans la mesure où ils le veulent. Il peut s’avérer que les parents ne sont pas le PPP, ce qui pourrait être à l’origine de cette situation trouble.

Je voulais vous avertir au cas où quelque chose se produirait pendant le week-end. Malheureusement, les OAP de la côte Ouest et le 39 GBC prétendent que cela va « exploser » et n’ont pas fait preuve de calme selon ma lecture de leurs rapports initiaux.Note de bas de page 2333 [Caractères gras ajoutés]

52. La Maj Poulin, qui avait été mise au courant de l’affaire par l’OAP du SOFT,Note de bas de page 2334 a fait rapport sur l’information qu’elle avait reçue, illustrant encore davantage la confusion qui régnait sur ce qui s’était passé :

[traduction]

Apparemment, le soldat avait encore son ex-conjointe de fait comme premier PPP sur le formulaire AUP à l’époque. La famille s’est apparemment fait dire par un enquêteur de passer par l’AI pour obtenir la note.Note de bas de page 2335

53. La préparation des réponses aux médias (RAM) sur l’affaire est vite devenue une importante priorité à la fois pour le SNEFC et pour la région et la brigade des FC. Les RAM sont des ébauches de questions-réponses, des messages clés et des points de discussion utilisés par les porte-parole pour se préparer en vue des discussions avec les médias et pour déterminer quels renseignements peuvent être divulgués publiquement.Note de bas de page 2336 Dès l’instant où le message des Fynes sur l’omission de divulguer la note suicide de leur fils a commencé à circuler, le SNEFC et les OAP de la région ont été en contact pour discuter de la préparation des réponses aux médias.Note de bas de page 2337

54. Pendant les jours et les semaines qui ont suivi, le dossier documentaire a révélé qu’il y avait eu beaucoup d’activité et de discussions intenses pour coordonner les réponses aux médias et en préciser le contenu. Des centaines de pages de correspondance et des ébauches de RAM comportant de nombreuses révisions pour ce court laps de temps ont été produites devant la Commission.Note de bas de page 2338 De nombreuses autres discussions et réunions ont également eu lieu à ce sujet.Note de bas de page 2339 Il est clair que l’affaire a fait l’objet d’une attention considérable de la part de plusieurs organisations différentes au sein des FC, y compris aux plus hauts niveaux des cabinets du CEMD et du VCEMD.Note de bas de page 2340

55. Outre les communications entre les OAP de diverses unités et les observations formulées par les différentes chaînes de commandement sur les ébauches de RAM, les OAP ont présenté de nombreuses demandes de renseignements afin de comprendre et d’expliquer ce qui s’était passé. La direction du SNEFC a été impliquée. Le commandant adjoint, le Maj Bolduc, a noté qu’il y avait eu beaucoup de discussions et d’activité au QG du SNEFC au lendemain de la découverte de l’omission de divulguer la note sur « tout l’aspect médiatique qui était à fournir les réponses; à préparer nos lignes médiatiques; à répondre aux journalistes ».Note de bas de page 2341 Des renseignements ont également été compilés en préparation des requêtes prévues du bureau des Affaires parlementaires et du VCEMD.Note de bas de page 2342 La Maj Poulin est entrée en contact tôt avec le Maj Dandurand, demandant des précisions et un examen du dossier afin d’être en mesure de fournir des réponses.Note de bas de page 2343 Elle a également demandé des renseignements au Maj Bolduc et, par la suite, au lcol Sansterre.Note de bas de page 2344 Le SNEFC a participé à la rédaction des RAM du SOFT, mais a aussi par la suite produit ses propres RAM.Note de bas de page 2345

56. L’approche globale adoptée par le SNEFC dans ses réponses aux médias a été d’admettre les erreurs commises et de se concentrer sur les aspects positifs liés aux mesures prises pour l’avenir. Les messages de SNEFC comprenaient des expressions de regrets, des déclarations à l’effet que les procédures avaient été révisées, et des énoncés sur l’importance que le SNEFC accordait à l’aide aux victimes et à leurs familles.Note de bas de page 2346 Peu d’information a été fournie sur ce qui avait été à l’origine du problème. L’OAP du SNEFC allait par la suite utiliser l’incident de la note de suicide [traduction] « comme un bon exemple à des fins d’enseignement » en formant un OAP subalterne qui avait commencé à travailler au bureau l’année suivante, en indiquant : « c’est de cette manière que vous admettez que vous avez tort, et c’est correct de le faire ».Note de bas de page 2347

57. Il y a eu une forte préoccupation tout au long de cette période, tant au SNEFC qu’au sein des FC plus généralement, au sujet de la perception négative du public pouvant résulter de l’omission de divulguer la note. Lorsque le commandant de la brigade, le col K.A. Corbould, a d’abord examiné l’ébauche des RAM du SOFT, il a contesté le terme utilisé pour indiquer que le SNEFC avait d’abord « refusé » de divulguer la note.Note de bas de page 2348 Il a noté que cela ressemblait « trop à ‘nous’ contre ‘eux’ » et il a suggéré que les RAM soient révisées pour affirmer que le SNEFC « ne pouvait pas » divulguer la note.Note de bas de page 2349 Son chef d’état-major, le lcol Bradley, a suggéré :

[traduction]

Envisageons un libellé qui dirait quelque chose à l’effet que [conformément aux] politiques en vigueur, l’existence de cette note et sa divulgation étaient régies par les règles de la preuve et [qu’elle] n’aurait pas été divulguée à la CE ou à la famille. Récemment, en partie à cause des requêtes de cette CE, la règle a été modifiée pour permettre la divulgation de cette information.

Si tout le monde est d’accord, cette formulation met en lumière les changements positifs que le système a apportés.Note de bas de page 2350 [Caractères gras ajoutés]

58. Au cours des semaines suivantes, il y a eu encore un va-et-vient entre la région et le SNEFC lorsque la région « a ajouté son grain de sel » aux messages du SNEFC pour mettre en évidence l’omission du SNEFC d’informer le régiment ou la CE de l’existence de la note.Note de bas de page 2351 En fin de compte, le SNEFC n’a pas pris de mesures pour modifier les messages, puisqu’ils étaient censés se rapporter à la CE et n’étaient pas inexacts.Note de bas de page 2352

59. Lorsque la brigade a reçu un appel du journaliste David Pugliese, le 12 juin 2009, et a organisé une entrevue, le Maj Dandurand s’est dit préoccupé par la possibilité que M. Pugliese tente de « contourner » le SNEFC en interviewant un commandant des FC.Note de bas de page 2353 Il voulait que les questions sur les enjeux concernant le SNEFC soient plutôt adressées au commandant du SNEFC.Note de bas de page 2354 En définitive, le lcol Sansterre n’a pas participé à l’entrevue, mais il a fait modifier les RAM avant qu’elle n’ait lieu.Note de bas de page 2355

60. L’entrevue s’est déroulée le 16 juin 2009 avec l’OAP du SOFT.Note de bas de page 2356 Le 18 juin 2009, M. Pugliese a contacté l’OAP du SNEFC avec des questions de suivi.Note de bas de page 2357 Plus particulièrement, il a demandé si [traduction] « des mesures disciplinaires ont été prises à l’endroit des enquêteurs » en lien avec l’omission de divulguer la note.Note de bas de page 2358 La Maj Poulin [traduction] « a simplement répété dans sa réponse que les procédures étaient en cours de modification ».Note de bas de page 2359 Lorsque M. Pugliese a appelé une seconde fois au sujet des mesures disciplinaires, la Maj Poulin « a de nouveau parlé de processus ».Note de bas de page 2360 Quand il a été informé à ce sujet, le Maj Dandurand s’est montré préoccupé. Il a écrit :

[traduction]

L’insistance de M. Pugliese à demander des mesures disciplinaires doit être freinée, car il serait tout à fait inapproprié de prendre des mesures contre quiconque dans ce cas. Croyez-moi, s’il y avait une action disciplinaire appropriée […] qui devait être recommandée et appliquée, je serais le premier à le dire. Je soupçonne que ce sera la fin de ses questions; toutefois, si ça ne l’est pas, qu’est-ce que nous sommes prêts à dire à ce sujet?Note de bas de page 2361 [Caractères gras ajoutés]

61. Suite à cela, la couverture médiatique a été surveillée de près.Note de bas de page 2362 La Maj Poulin a noté que les messages du SNEFC exprimant des regrets, soulignant la révision des procédures et l’importance de l’aide aux victimes avaient été publiés.Note de bas de page 2363

62. Lorsque le lcol Sansterre a communiqué avec Mme Fynes peu de temps après,Note de bas de page 2364 la Maj Poulin était préoccupée par la possibilité que Mme Fynes contacte les médias à nouveau, et elle a immédiatement préparé une nouvelle réponse à ajouter aux RAM.Note de bas de page 2365 Lorsque les Fynes ont demandé une copie du rapport d’enquête, la Maj Poulin a indiqué qu’il serait [traduction] « important » de fournir le rapport le plus tôt possible, en ajoutant qu’elle espérait que le rapport n’aboutisse pas dans les médias.Note de bas de page 2366 Au cours de ses interactions subséquentes avec les Fynes, le lcol Sansterre a demandé à la Maj Poulin de [traduction] « scruter » une de ses réponses avant qu’il ne l’envoie.Note de bas de page 2367 La Maj Poulin a indiqué au cours de son témoignage qu’elle n’était pas habituellement consultée à propos des communications avec les familles.Note de bas de page 2368 Elle croyait qu’on avait sollicité son avis sur la formulation ou [traduction] « la façon dont les choses sont dites » en raison de l’intérêt manifesté antérieurement par les médias pour cette affaire.Note de bas de page 2369

63. Au cours des deux années qui ont suivi, la coordination des réponses aux médias chaque fois que l’affaire retenait l’attention publique a continué à donner lieu à une activité significative. Des centaines de pages supplémentaires de correspondance et de documents ont été produites.Note de bas de page 2370 Les messages du SNEFC au sujet de la note de suicide ont été incorporés à l’ensemble des RAM des FC visant à répondre à toutes les questions liées au dossier du cpl Langridge.Note de bas de page 2371 Elles ont été réitérées dans une déclaration publiée par le CEMD lui-même, après que Mme Fynes ait tenu une conférence de presse en octobre 2010.Note de bas de page 2372 Tout au long de cette période, le souci de l’image publique des FC et du SNEFC est demeuré constant, et beaucoup de temps, d’énergie et de ressources ont été dépensés pour préparer des réponses officielles. En comparaison, moins d’énergie et de ressources ont été consacrées à l’enquête visant à faire la lumière sur l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge.

Les faits : Comment l’omission de divulguer la note de suicide s’est-elle produite?

64. Une fois qu’on a découvert que la note de suicide du cpl Langridge n’avait pas été divulguée à sa famille pendant plus de 14 mois, l’étape suivante était évidemment de savoir comment cela avait pu arriver. Pendant les jours, les semaines et les mois qui ont suivi la découverte de l’omission de divulguer la note, le SNEFC et ses membres ont fourni des explications différentes au public, aux autres membres des FC et aux Fynes. Malheureusement, ces explications n’étaient pas toujours concordantes, ou même liées aux faits du dossier. La source ou le fondement de certaines d’entre elles demeure un mystère jusqu’à ce jour. Dans bien des cas, les explications ont été fournies avant que des mesures soient prises pour savoir ce qui s’était réellement passé.

65. Devant la Commission, les Fynes se sont plaints non seulement de l’omission de divulguer la note de suicide, qu’ils ont décrite comme [traduction] « inexcusable »,Note de bas de page 2373 mais aussi du fait que des membres du SNEFC aient donné plusieurs motifs inexacts pour expliquer et justifier leurs actions.Note de bas de page 2374 La preuve révèle que les efforts déployés par le SNEFC pour obtenir et fournir des informations précises sur les faits étaient loin de ce à quoi on aurait dû s’attendre dans les circonstances. Le SNEFC n’a pas constitué de dossier indiquant qu’il avait trouvé les raisons exactes de la non-divulgation de la note de suicide du cpl Langridge aux Fynes. Aucune explication claire n’a jamais été fournie à la famille. Ce que la Commission a appris au sujet de ce qui s’était passé à partir des témoignages entendus au cours de cette audience n’était pas compatible avec bon nombre des explications fournies antérieurement.

Expliquer ce qui s’est passé

66. Très peu de temps après que l’omission de divulguer la note de suicide ait été découverte, diverses explications ont commencé à être avancées par des membres du SNEFC.

67. Le 29 mai 2009, deux jours après le message initial des Fynes se plaignant de l’omission de divulguer la note, le Maj Dandurand a été en communication avec le col Hammond à ce sujet. Au cours de ces échanges, il a écrit :

[traduction]

Il est intéressant de noter que cette lettre est détenue à titre de preuve et nous n’avons pas l’habitude de divulguer ou de remettre une preuve dans une affaire, et la preuve est gardée pendant [plusieurs] années.Note de bas de page 2375 [Caractères gras ajoutés]

68. Le 30 mai 2009, le chef d’état-major de l’Armée de terre (CEMAT) a demandé au Grand Prévôt de la Force terrestre (GPFT) [traduction] « pourquoi le SNE a-t-il tenu pendant environ 14 mois la note à l’écart de la CE et de la famille ».Note de bas de page 2376 Le lcol Rod Lander était le GPFT à l’époque. Il a indiqué au cours de son témoignage que son rôle dans cette affaire était de recueillir des informations auprès du SNEFC et de les transmettre au commandant de l’armée, qui devait être mis au courant des problèmes afin de pouvoir répondre à toutes les plaintes futures sur la façon dont les FC avaient géré l’affaire.Note de bas de page 2377 Quand il a reçu la demande d’explication, le lcol Lander l’a transmise au lcol Sansterre et au GPFC.Note de bas de page 2378 Il a demandé au lcol Sansterre s’ils pouvaient discuter de la question le lundi suivant [traduction] « puisque le CEMAT va vouloir une réponse, et je veux m’assurer d’être bien informé ».Note de bas de page 2379

69. Le lundi suivant, le 1er juin 2009, le lcol Lander a donné l’explication suivante :

[traduction]

Ce sont les renseignements que j’ai à ce stade :

L’incident s’est produit le 15 mars 2008. L’enquête de la PM a été conclue en juillet 2008. Il semble que l’équipe d’enquête de la PM n’ait pas révélé l’existence de la note à la famille parce que, à son avis, cela n’aurait rien ajouté à l’information déjà transmise par le biais des services habituellement fournis aux victimes, et elle estimait que cela aurait même pu avoir un effet négatif. L’existence de la note a été révélée à la CE dans la documentation originale fournie par le SNEFC. La CE en a demandé une copie, qu’elle a reçue le 3 février 2009, après avoir obtenu la permission du GPA Police. Le commandant du détachement du SNEFC, région de l’Ouest, procède à un examen d’assurance de la qualité (AQ) détaillé du dossier et de l’enquête connexe, lequel devrait être conclu d’ici le 5 juin 2009. Il couvrira notamment la décision de l’équipe d’enquête de ne pas révéler l’existence de la note à la famille. La note originale n’est plus considérée comme un élément de preuve et est en voie d’être remise à la famille [conformément à] sa demande.

C’est un autre incident qui m’indique que le rôle des services aux victimes de la PM et son interaction avec d’autres organismes impliqués dans les soins / l’administration des blessés n’est toujours pas bien compris par toutes les parties concernées, ni ne fonctionne particulièrement bien dans tous les cas. Cela fera partie de l’examen d’AQ mentionné ci-dessus, et je vais discuter à nouveau de cette question avec le commandant du SNEFC lorsqu’il atterrira à Ottawa.Note de bas de page 2380 [Caractères gras ajoutés]

70. À la mi-juin 2009, une explication supplémentaire a été fournie dans une version révisée des RAM du SNEFC :

[traduction]

Si l’on insiste pour savoir si la note de suicide a été mentionnée lors de l’entrevue avec la mère et le beau-père du cpl Langridge.

La mère et le beau-père n’ont pas fait de demande à propos d’une note, et ils étaient au courant des conclusions du coroner sur les causes du décès. Ils n’ont pas fait de demande à propos d’une note et les enquêteurs n’en ont pas fait mention car l’enquête était toujours en cours...Note de bas de page 2381 [Caractères gras ajoutés]

71. Le 18 juin 2009, le Maj Dandurand a fourni une fois de plus une autre explication. Dans son message à la Maj Poulin concernant les questions de M. Pugliese sur les mesures disciplinaires, il a écrit :

[traduction]

En bref, l’enquêteur et l’équipe de gestion du cas ont tout fait de bonne foi et, en aucun moment, le bien-être de la famille n’a été écarté. Comme vous pouvez le constater, à moins qu’une personne ne vive une situation identique, une série d’hypothèses sont faites concernant ce qui est dans l’intérêt véritable de la famille. Ces hypothèses sont fondées sur des expériences personnelles à gérer de telles questions dans le passé, et ceux qui sont impliqués dans ce cas particulier ont acquis de l’expérience dans de nombreuses enquêtes passées sur des suicides. Nous le faisons constamment lorsqu’il s’agit de successions et du retour des effets personnels. Il y a des effets personnels que les familles des personnes décédées n’ont aucune raison de recevoir et, le cas échéant, nous prenons ces décisions prudemment au moment opportun. Retourner ces articles sert uniquement à ternir l’image qu’une mère, un conjoint, un proche garde du parent décédé. […]

Comme toujours, je soumets mon « point de vue » à votre attention en traitant de ces questions.Note de bas de page 2382 [Caractères gras ajoutés]

72. Lors de sa première rencontre avec les Fynes en novembre 2009, le Maj Dandurand avait donné une explication différente :

[traduction]

Tout d’abord, à l’époque, nous avions une politique où nous avions juste -- nous ne divulguions pas toutes ces notes, et vous devez comprendre qu’à ce moment, nous avions affaire à un décès, qui est considéré comme suspect.

Maintenant, jusqu’à ce que nous déterminions qu’en fait, nous avons affaire à un suicide et non à une mort suspecte, nous n’allons pas communiquer cette note.Note de bas de page 2383 [Caractères gras ajoutés]

73. Une autre explication a été fournie en janvier 2011. Les Fynes avaient transmis une série de questions aux FC, y compris une question portant spécifiquement sur l’omission de divulguer la note de suicide. La déclaration suivante était incluse dans la réponse qu’ils ont reçue :

[traduction]

La note de suicide trouvée près du caporal Langridge a été saisie dans le cadre de l’enquête criminelle sur la mort subite. À la conclusion de l’enquête, l’intention était de remettre la note de suicide aux parents du défunt. Cependant, cela n’a pas été fait aussi rapidement que cela aurait pu se faire.Note de bas de page 2384 [Caractères gras ajoutés]

74. Individuellement, ces explications n’ont apporté que peu de clarté. Prises ensemble, elles ont rendu difficile, voire impossible, une compréhension précise de ce qui s’était passé au sujet de la note de suicide du cpl Langridge et des raisons de sa non-divulgation.

Découvrir ce qui s’est passé

75. Le lcol Sansterre a été informé de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge le 30 mai 2009.Note de bas de page 2385 Il a indiqué au cours de son témoignage que la première action qu’il a aussitôt entreprise a été de [traduction] « rassembler les faits » pour comprendre ce qui était arrivé.Note de bas de page 2386 Dans ce but, il a ordonné que l’on procède à un examen d’assurance de la qualité de l’ensemble de l’enquête de 2008.Note de bas de page 2387 Il a expliqué :

[traduction]

[...] J’ai demandé que l’examen d’assurance de la qualité porte sur l’ensemble de l’enquête pour déterminer ce qui s’était passé et ce qui aurait pu être fait différemment, et pour s’assurer que si quelque chose avait mal fonctionné, cela ne se reproduise pas à nouveau.Note de bas de page 2388

76. Le Maj Bolduc a été informé de la question au même moment.Note de bas de page 2389 Il a indiqué que sa première réaction avait été d’attendre que les faits soient vérifiés, à savoir « est-ce que c’est vrai que la lettre n’a pas été donnée et c’est quoi les circonstances entourant tout cela ».Note de bas de page 2390 Il a expliqué qu’il n’était pas commun ou habituel pour un commandant d’ordonner un examen d’assurance de la qualité sur un dossier spécifique.Note de bas de page 2391 Dans ce cas, l’examen d’assurance de la qualité a été demandé en conséquence directe des événements entourant l’omission de divulguer la note de suicide.Note de bas de page 2392 Le Maj Bolduc a également expliqué que le commandant avait demandé une révision complète du dossier « pour voir [...] est-ce qu’il y a d’autres problèmes, est-ce qu’il y a d’autres choses qu’on avait pas fait correctement, est-ce qu’il y a d’autres problèmes autre que la note de suicide qui n’avait pas été remise à la famille ».Note de bas de page 2393 Pour sa part, le Maj Dandurand, a expliqué que l’examen d’assurance de la qualité visait [traduction] « à mettre en évidence les leçons que nous devons apprendre ».Note de bas de page 2394 Il a noté qu’il était entendu que l’enquête [traduction] « allait maintenant être remise en question » par suite de l’apparition de la note de suicide, et il a expliqué que la direction du SNEFC avait voulu s’assurer de posséder une connaissance approfondie de l’affaire, puisque celle-ci [traduction] « n’était pas aussi fraîche dans l’esprit de tout le monde que ce que nous permettrait d’obtenir un examen d’assurance de la qualité ».Note de bas de page 2395

77. En plus d’ordonner un examen d’AQ, le lcol Sansterre a également indiqué au cours de son témoignage qu’il s’était immédiatement entretenu avec le Maj Dandurand pour tenter de déterminer pourquoi la note de suicide avait été retenue.Note de bas de page 2396 Dans son témoignage, le Maj Bolduc a dit qu’il y avait eu de nombreuses discussions au sujet de la note de suicide au QG du SNEFC à l’époque « [pour] essayer de savoir, de comprendre les raisons pourquoi cela n’avait pas été remis [à la famille] ».Note de bas de page 2397 Parmi les questions discutées, il y avait : « Qu’est-ce qui s’est passé dans ce dossier-là; pourquoi les parents n’ont pas été informés qu’une note existait? Pourquoi que cela n’a pas été remis? » Note de bas de page 2398 Le commandant du SNEFC a participé à ces discussions et a également eu des entretiens séparés avec le Maj Dandurand sur la question.Note de bas de page 2399

78. Le 18 juin 2009, un peu plus de deux semaines après avoir découvert la note, le lcol Sansterre a eu une conversation téléphonique avec Mme Fynes.Note de bas de page 2400 Il n’avait pas encore reçu le rapport de l’examen d’assurance de la qualité à ce moment.Note de bas de page 2401 Il a dit à Mme Fynes qu’il ne savait pas [traduction] « comment cela a pu arriver », en précisant que le SNEFC « ira au fond des choses et nous allons élucider ce qui s’est passé ».Note de bas de page 2402

79. Au cours des échanges qui ont suivi la découverte de l’omission de divulguer la note, le Maj Dandurand aurait également dit séparément au chef d’état-major du SOFT, le col Hammond, qu’il se pencherait sur la question pour savoir ce qui était arrivé. Le 29 mai 2009, il a indiqué qu’il allait [traduction] « parler aux enquêteurs et examiner le dossier », et contacter le col Hammond la semaine suivante à ce sujet.Note de bas de page 2403 Dans son témoignage, le Maj Dandurand ne pouvait se rappeler quelles mesures avaient été prises au cours des jours suivants pour fournir des réponses au col Hammond, et il ne pouvait se rappeler l’avoir contacté pour lui donner des réponses [traduction] « sur cette question précise ».Note de bas de page 2404 Le col Hammond a dit dans son témoignage qu’il n’avait jamais reçu d’explication satisfaisante sur la raison pour laquelle la note n’avait pas été divulguée pendant 14 mois.Note de bas de page 2405 À l’époque, le Maj Dandurand n’a pas parlé aux enquêteurs ni examiné le dossier.Note de bas de page 2406 Il a expliqué qu’il comptait sur l’adj Ross pour recueillir des renseignements et les lui transmettre.Note de bas de page 2407 Il s’attendait à ce que l’adj Ross soit [traduction] « parfaitement au courant du dossier » et il s’est fié à lui.Note de bas de page 2408

80. L’adj Ross a participé aux premières discussions portant sur la demande des Fynes pour obtenir la note de suicide originale. À l’époque, il avait suggéré que les Fynes fassent une demande d’AI à cet effet. Il a ensuite été chargé de procéder à l’examen d’AQ demandé par le lcol Sansterre.Note de bas de page 2409 Le Maj Dandurand a expliqué que les examens d’AQ étaient généralement effectués par l’adjudant-maître du détachement [traduction] « en raison de leurs années d’expérience et [...] de leur capacité à faire preuve de sens critique », mais aussi parce qu’il fallait retirer la personne qui en était chargée de ses activités normales au sein du détachement pour une période de cinq à dix jours afin qu’elle se consacre exclusivement à l’examen.Note de bas de page 2410 Dans ce cas, l’examen d’AQ a été ordonné peu de temps après le 30 mai 2009 et achevé le 19 juin 2009.Note de bas de page 2411

81. L’adj Ross était bien conscient que l’examen d’AQ avait été entrepris en raison de l’omission de divulguer la note de suicide. Lorsque les questions des médias sont arrivées à ce sujet au cours de l’examen, l’adj Ross s’est fait demander une mise à jour et il a été informé que le dossier risquait d’être [traduction] « fortement médiatisé ».Note de bas de page 2412 Le rapport lui-même précisait que l’examen d’AQ avait été entrepris [traduction] « à la suite d’une plainte déposée par la famille du cpl Langridge qui était préoccupée par l’absence de visibilité de la note de suicide et le retard survenu dans la remise de la note de suicide du [sujet] ».Note de bas de page 2413 Pourtant, le rapport d’AQ ne renfermait aucune information sur ce qui s’était réellement passé en lien avec la note de suicide ni sur la raison pour laquelle elle n’avait pas été divulguée aux Fynes.

82. Le rapport débutait par une déclaration à l’effet que [traduction] « l’enquête dans sa totalité a été jugée techniquement valable » et renfermait une série de commentaires sur les « procédures d’enquête » et les « procédures administratives ».Note de bas de page 2414 Au total, un peu plus d’une page du rapport qui en comptait sept était consacrée à la note de suicide. Dans les commentaires sur les procédures d’enquête, le rapport notait qu’aucune mesure n’avait été prise pour comparer l’écriture sur la note avec l’écriture d’un échantillon connu du cpl Langridge, ou pour confirmer d’une autre manière l’authenticité de la note.Note de bas de page 2415 Toutefois, le rapport a conclu que les « indicateurs sur la scène » et les commentaires du ML sur la scène [traduction] « ont amené les enquêteurs à faire l’hypothèse [que la note] avait été rédigée par le défunt ».Note de bas de page 2416 Dans l’un des commentaires sur les procédures administratives, le rapport notait également qu’il n’y avait aucune mention de la note de suicide dans le sommaire du cas de l’enquête, indiquant qu’une référence à cet « élément clé » aurait « étayé davantage la cause du décès ».Note de bas de page 2417

83. Un commentaire distinct, toujours dans la section consacrée aux procédures administratives, était directement lié à la divulgation de la note de suicide. Il précisait :

[traduction]

f. Détaillé dans la zone de texte OF2 du Cp1c Ritco, au paragr. 61, il précise qu’à [traduction] « 17 h 00, le 9 avril 2008, M. Caufield (ML) a retourné l’appel, pas besoin de rapporter les éléments, comme 10 des 11 analyses ont été effectuées. Il semble n’y avoir aucune preuve d’un acte criminel, donc à ce stade le dossier sera classé comme un suicide ». C’est à ce stade que les enquêteurs, en consultation avec le responsable du dossier, auraient pu envisager une rencontre avec la famille pour lui communiquer les points saillants de l’enquête à ce jour, ce qui aurait aussi constitué un moment opportun pour demander aux membres de la famille d’examiner la note de suicide pour vérifier l’authenticité de l’écriture et, peut-être, leur en remettre une copie. Si la décision a été prise de ne pas aller de l’avant avec une séance d’information à la famille jusqu’à ce qu’elle ait reçu le rapport officiel du ML, le certificat du médecin légiste a été reçu le 15 mai 2008, ce qui a fourni une conclusion définitive quant à la nature de la mort – un suicide;Note de bas de page 2418

84. Un autre commentaire avait trait à des conversations téléphoniques que l’enquêteur principal, le cplc Matthew Ritco, avait eu avec les Fynes en mai 2008, avant que l’enquête ne soit conclue. Le rapport notait « en aucun moment au cours de l’une de ces conversations, l’existence d’une note de suicide n’a été discutée ».Note de bas de page 2419 L’explication suivante a été fournie :

[traduction]

En parlant avec le cplc Ritco, ce n’était pas un sujet qui dominait les discussions, et ni Mme ni M. Fynes n’avaient abordé le sujet ou posé de questions en ce sens...Note de bas de page 2420

85. La section consacrée à la conclusion du rapport comprenait trois recommandations. L’une concernait la note de suicide et suggérait simplement que l’on prenne [traduction] « une décision consciente et éclairée » sur le moment d’informer la famille de l’existence de la note de suicide, le moment où la famille pourrait voir la note et le moment où la note originale serait remise à la famille.Note de bas de page 2421

86. Le rapport ne fournissait aucun renseignement sur les véritables raisons de la non-divulgation de la note de suicide du cpl Langridge. Il ne précisait pas si cela découlait d’un oubli ou d’une décision consciente. Il ne renfermait aucune indication sur qui était responsable des décisions prises concernant la divulgation de la note, si de telles décisions avaient été prises et, le cas échéant, par qui, quand et pourquoi. Une fois le rapport en main, la chaîne de commandement du SNEFC n’aurait eu aucune autre information sur ce qui s’était passé en lien avec la note de suicide du cpl Langridge. Le lcol Sansterre a indiqué durant son témoignage qu’il n’avait rien trouvé dans le rapport d’AQ expliquant pourquoi la note de suicide n’avait pas été divulguée dans ce cas.Note de bas de page 2422 Il s’est rappelé avoir discuté du rapport avec les membres du personnel du QG, mais ne se souvenait d’aucune préoccupation soulevée par le rapport.Note de bas de page 2423

87. Le Maj Bolduc a dit au cours de son témoignage qu’il n’avait été impliqué dans aucune tentative visant à comprendre pourquoi la note de suicide n’avait pas été divulguée et croyait que le commandant du SNEFC et le commandant du détachement s’occupaient de cet aspect. Il a expliqué :

À ce moment-là, je me concentrais plutôt à essayer de trouver une façon pour pas que ça se reproduise. Alors, l’explication de pourquoi que c’est arrivé, je laissais ça entre le commandant du détachement et puis le colonel Sansterre à gérer. J’essaie plus de développer l’IPO, m’assurer qu’on ne refasse plus ce genre d’erreur-là.

Alors, la discussion du pourquoi, comment c’est arrivé, tout ça, ce n’était pas nécessairement ce qui m’avait été donné comme tâche, mais plutôt pour éviter que ça se reproduise.Note de bas de page 2424 [Caractères gras ajoutés]

88. Le lcol Sansterre a dit au cours de son témoignage qu’il n’avait pas personnellement interrogé les enquêteurs pour savoir ce qui s’était passé, ni demandé à quelqu’un d’autre de le faire.Note de bas de page 2425 Il pensait que cela avait été fait au cours de l’examen d’AQ.Note de bas de page 2426 Cependant, un seul des membres participant à l’enquête a été contacté lors de l’examen.Note de bas de page 2427

89. Dans son témoignage, le cplc Ritco s’est rappelé avoir été contacté par l’adj Ross, qui était [traduction] « en train de rédiger son rapport » à l’époque et voulait obtenir certaines précisions avant de le soumettre.Note de bas de page 2428 Le rapport ne fait état que des renseignements obtenus du cplc Ritco lors de l’examen sur les raisons pour lesquelles il n’avait pas été fait mention de la note au cours des conversations avec les Fynes.Note de bas de page 2429 Il ne contenait aucune indication à l’effet que le cplc Ritco (ou quelqu’un d’autre) avait été interrogé sur les raisons de la non-divulgation de la note de suicide à tout autre moment pendant ou après l’enquête.

90. Le gestionnaire de cas, l’adj Ross Tourout, et l’autre enquêteur impliqué dans la saisie de la note de suicide, le sgt Jon Bigelow, n’ont pas été interrogés par l’adj Ross lors de l’examen.Note de bas de page 2430 L’adjudant-maître et commandant par intérim du détachement qui avait la responsabilité globale de la supervision de l’enquête, l’adjum Barry Watson, n’a pas non plus été contacté.Note de bas de page 2431 Dans son témoignage, l’adjum Watson a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[...] Je n’ai jamais été consulté lorsque cette assurance de la qualité a été effectuée. Que j’étais ou non un membre de l’unité ou un membre d’une unité différente, j’étais le plus haut responsable sur place à l’époque, s’ils devaient faire une assurance de la qualité, alors que j’aurais dû être con… -- pas consulté, j’aurais dû être contacté pour parler de la conduite de l’enquête.Note de bas de page 2432

91. Le Maj Dandurand, le commandant du détachement, n’a pas non plus eu de discussion avec le sgt Bigelow, l’adj Tourout ou l’adjum Watson sur ce qui s’était passé en lien avec la note de suicide.Note de bas de page 2433 En fait, ces membres ont tous témoigné que personne ne leur avait jamais demandé d’explications avant la tenue de cette audience.Note de bas de page 2434

92. Le Maj Dandurand a témoigné qu’il avait eu une discussion avec le cplc Ritco au sujet de la note de suicide.Note de bas de page 2435 Cependant, il ne pouvait se rappeler quand la discussion avait eu lieu ou quel en était le contenu.Note de bas de page 2436 Aucun enregistrement n’a pu être retrouvé indiquant quelles explications il avait reçues du cplc Ritco, le cas échéant, sur ce qui s’était passé.

93. Au cours des mois suivant la découverte de l’omission de divulguer la note, le Maj Dandurand n’a pas non plus examiné le dossier pour savoir ce qui s’était passé.Note de bas de page 2437 Quand il l’a passé en revue des mois plus tard en préparation d’une rencontre avec les Fynes, il s’est concentré sur les expurgations effectuées dans le dossier, et il n’a pas [traduction] « fouillé en détail » le dossier ni ne s’est renseigné pour en savoir plus sur le processus exact qui avait fait en sorte que la note de suicide avait été conservée dans la salle des preuves aussi longtemps après les faits.Note de bas de page 2438

Que s’est-il passé?

94. La note de suicide a été localisée par les enquêteurs du SNEFC, soit le cplc Ritco et le sgt Bigelow, le 15 mars 2008, le jour de la mort du cpl Langridge. Ils ont trouvé la note sur le bureau peu de temps après être entrés dans la chambre où le corps du cpl Langridge a été trouvé.Note de bas de page 2439 Le sgt Bigelow a tout d’abord transcrit le contenu de la note dans son carnet.Note de bas de page 2440 La note a ensuite été saisie et placée dans un sac d’élément de preuve.Note de bas de page 2441 Elle a été traitée comme les autres pièces. Les enquêteurs portaient des gants lorsqu’ils l’ont manipulée.Note de bas de page 2442

95. Une copie de la note a été faite pour le médecin légiste de l’Alberta tandis que l’original de la note est resté dans le sac d’élément de preuve.Note de bas de page 2443 Le bureau du ML s’est contenté de prendre une photocopie de la note et n’a pas eu besoin de l’original.Note de bas de page 2444 À l’époque, il n’y a eu aucune discussion pour déterminer si et quand il fallait remettre la note à la famille.Note de bas de page 2445 Selon le témoignage de l’enquêteur du ML présent sur les lieux, le bureau du ML n’aurait eu aucune objection à ce qu’une copie de la note soit fournie à la famille, à n’importe quel moment, et n’avait pas besoin que le SNEFC conserve l’original pour quelque période que ce soit.Note de bas de page 2446

96. Après qu’une copie ait été fournie à l’enquêteur du ML, le cplc Ritco a gardé la note originale.Note de bas de page 2447 Quand il est retourné au détachement ce soir-là après le traitement de la scène, il l’a mise dans son casier temporaire des éléments de preuve.Note de bas de page 2448 Un journal de collecte d’éléments de preuve a été préparé, et la note de suicide a été inscrite comme pièce numéro 2.Note de bas de page 2449

97. L’adjum Watson, adjudant-maître et commandant par intérim du détachement, a été informé de l’existence de la note de suicide le jour où elle a été saisie.Note de bas de page 2450 L’adj Tourout, gestionnaire de cas pour l’enquête, a été mis au courant de la note dans les jours qui ont suivi.Note de bas de page 2451

98. Le cplc Ritco a déclaré qu’au cours des premiers jours de l’enquête, lui et l’adj Tourout ont discuté de l’opportunité de divulguer la note de suicide.Note de bas de page 2452 Ils se sont demandé si la note avait une valeur probante, qui était le plus proche parent et à qui la note devait être remise.Note de bas de page 2453 Ils se sont spécifiquement demandé si la note pouvait être divulguée ou si elle devait être gardée.Note de bas de page 2454 La décision a été prise de ne pas divulguer la note.Note de bas de page 2455 Les facteurs pris en compte dans cette décision incluent le fait que l’enquête en était aux premiers stades, la possibilité qu’un acte criminel ait été commis et l’incertitude entourant le statut marital du cpl Langridge.Note de bas de page 2456 Dans son témoignage, le cplc Ritco a expliqué :

[traduction]

En tant qu’enquêteur principal, j’estimais qu’on en était au début de l’enquête, que ça pourrait potentiellement être un élément de preuve. Alors, si nous avions remis la note de suicide originale à la famille, nous aurions pu laisser aller un élément de preuve potentiel.Note de bas de page 2457

99. À l’époque, les seules options envisagées ont été de remettre la note originale à la famille ou de ne pas la remettre.Note de bas de page 2458 Il n’y a eu aucune discussion sur l’opportunité d’informer la famille de l’existence de la note ou de lui en fournir une copie.Note de bas de page 2459

100. Il n’y avait aucune trace de cette discussion dans le dossier d’enquête ou dans le carnet de notes du cplc Ritco.Note de bas de page 2460 Plusieurs entrées dans le carnet de notes documentaient des séances d’information à l’intention de l’adj Tourout ou des discussions avec lui. La plupart incluaient une mention générale de l’objet des discussions, mais aucun détail sur leur contenu.Note de bas de page 2461 Aucune ne visait directement une discussion sur la note de suicide, mais le cplc Ritco a indiqué au cours de son témoignage qu’il se souvenait clairement d’avoir abordé ce sujet.Note de bas de page 2462 Dans son témoignage, l’adj Tourout ne s’est pas référé spécifiquement à une discussion avec le cplc Ritco, mais a confirmé qu’une décision avait été prise de ne pas remettre la note pendant les premières étapes de l’enquête. Lorsqu’on lui a demandé si l’équipe d’enquête avait envisagé la possibilité d’informer la famille sur les souhaits exprimés dans la note concernant les funérailles, il a déclaré :

[traduction]

Cela a certainement traversé notre esprit et c’est très malheureux qu’à ce moment-là, nous ne pouvions la publier, et nous nous sentons, évidemment nous nous sentons mal à ce sujet, mais à ce moment-là, c’était trop tôt, dans notre esprit, dans notre enquête, dans l’enquête du sergent Ritco.Note de bas de page 2463 [Caractères gras ajoutés]

101. L’adjum Watson ne se souvenait pas d’avoir participé aux discussions entourant la remise de la note de suicide à la famille.Note de bas de page 2464 Il croyait qu’on l’aurait consulté sur cette question.Note de bas de page 2465 Il ne se rappelle d’aucune question portée à son attention au cours de l’enquête qui aurait soulevé chez lui une quelconque interrogation.Note de bas de page 2466 Il a indiqué au cours de son témoignage qu’il n’avait aucune attente spécifique concernant la divulgation de la note et qu’il ne se souvenait pas que ces questions lui seraient alors venues à l’esprit.Note de bas de page 2467 Le sgt Bigelow n’était pas non plus au courant d’une décision de ne pas divulguer la note de suicide à la famille.Note de bas de page 2468 Il a expliqué que puisque son rôle dans l’enquête avait été circonscrit, il ne s’attendait pas nécessairement à en être avisé.Note de bas de page 2469

102. Le Matc Eric McLaughlin, qui a brièvement participé à l’enquête en tant que preneur de notes lors d’une entrevue avec des témoins, a dit dans son témoignage qu’il était au courant de l’existence de la note de suicide alors que l’enquête était en cours.Note de bas de page 2470 Il ne se souvenait pas comment il en avait pris connaissance, ni à quel moment.Note de bas de page 2471 Il n’a pas été impliqué dans les discussions au sujet de la note, et n’était au courant d’aucune mesure ou décision prise à propos de la divulgation de la note à la famille.Note de bas de page 2472

103. Le 20 mars 2008, cinq jours après la mort du cpl Langridge, le cplc Ritco a rencontré le Maj Earl Jared du régiment.Note de bas de page 2473 Alors qu’il quittait le bureau du Maj Jared, une personne qui s’est identifié comme le Slt Adam Brown, s’est approché de lui et lui a dit qu’il était l’OD de la conjointe de fait du cpl Langridge.Note de bas de page 2474 Il a alors mentionné au cplc Ritco avoir [traduction] « entendu dire qu’il y a une note » et a demandé s’il pouvait lui en parler.Note de bas de page 2475 Le cplc Ritco a répondu qu’il ne pouvait pas en parler pendant que l’enquête était en cours.Note de bas de page 2476 Dans son témoignage, le cplc Ritco a expliqué qu’il avait donné cette réponse parce qu’il ne savait pas qui était le Slt Brown quand il s’est approché de lui.Note de bas de page 2477 Même une fois que son identité a été confirmée, le cplc Ritco estimait qu’il ne devait pas lui fournir plus d’information.Note de bas de page 2478 Il a expliqué :

[traduction]

[...] Jusqu’à la fin de mon enquête, il n’était pas -- rien n’a été révélé. Je n’allais pas dire au lieutenant Brown qu’il y avait une note, même s’il était l’OD. La même chose [si] M. et Mme Fynes avaient eu une personne qui les assistait. Je ne lui dirais pas non plus. Si je devais informer qui que ce soit, ce serait directement la famille ou le plus proche parent.Note de bas de page 2479

104. L’adjum Watson était d’avis que le cplc Ritco lui aurait demandé conseil sur l’opportunité de révéler l’existence de la note de suicide au Slt Brown.Note de bas de page 2480 Il ne se souvenait pas avoir été consulté sur ce point.Note de bas de page 2481 L’adj Tourout, pour sa part, a déclaré qu’il n’était pas au courant que le Slt Brown s’était informé de l’existence de la note.Note de bas de page 2482

105. Le 2 avril 2008, environ deux semaines après la mort du cpl Langridge, le cplc Ritco a été contacté par l’adjum Rémi Mainville du régiment.Note de bas de page 2483 L’adjum Mainville était en charge de l’inventaire et de la manutention des effets personnels du cpl Langridge.Note de bas de page 2484 Il a demandé au cplc Ritco de lui fournir une liste des articles que le SNEFC avait gardés pour qu’il puisse l’inclure dans son inventaire.Note de bas de page 2485 Le lendemain, le cplc Ritco lui a remis une liste de quelques-uns des objets qu’il gardait.Note de bas de page 2486 La liste comprenait le BlackBerry du cpl Langridge, un livre des AA, une Bible et des cartes de bon rétablissement de la famille.Note de bas de page 2487 La note de suicide n’était pas inscrite ou mentionnée. Dans son message à l’adjum Mainville, le cplc Ritco a indiqué : [traduction] « après avoir passé [à travers] mes éléments de preuve, voici les seules choses que je pense pouvoir être des effets personnels : [...]. Les autres articles n’appartiennent pas personnellement au cpl Langridge. Si vous avez besoin de plus d’information, veuillez me le faire savoir ».Note de bas de page 2488 Dans son témoignage, le cplc Ritco a expliqué ses raisons pour ne pas avoir inclus la note de suicide dans la liste fournie à l’adjum Mainville :

[traduction]

[À] ce moment, j’estimais qu’il s’agissait d’une enquête en cours. Je faisais encore affaire à une mort subite. Je ne savais pas quelle direction cela prendrait. Je ne pensais pas que -- même si l’adjum Mainville s’occupait de ses effets personnels, je ne pensais pas qu’il avait besoin de savoir qu’il y avait une note de suicide.Note de bas de page 2489

106. L’adjum Watson ne se souvenait pas avoir été consulté sur la décision de ne pas inclure la note dans la liste remise au régiment.Note de bas de page 2490

107. Peu de temps avant d’envoyer la liste à l’adjum Mainville, le cplc Ritco a numérisé la note de suicide dans le dossier électronique de l’enquête.Note de bas de page 2491

108. Le 9 avril 2008, le cplc Ritco a retiré la note de suicide originale de son casier des éléments de preuve et l’a placée dans la salle des éléments de preuve du détachement.Note de bas de page 2492 Avant cette date, il n’avait sorti la note de son casier en aucun moment.Note de bas de page 2493

109. Rien d’autre n’a été fait avec la note de suicide jusqu’à ce que la CE découvre son existence en mars 2009.Note de bas de page 2494 La note n’a plus été mentionnée nulle part dans le dossier d’enquête ou dans les carnets des deux enquêteurs.Note de bas de page 2495 Aucune référence à la note ne se trouvait dans le plan d’enquête, le sommaire du cas ou les conclusions finales de l’enquête.Note de bas de page 2496 Aucun échantillon de l’écriture du cpl Langridge n’a été obtenu afin de la comparer à celle de la note.Note de bas de page 2497 La note n’a jamais été analysée pour y trouver des empreintes digitales.Note de bas de page 2498 Aucun autre test n’a été effectué pour en confirmer l’authenticité.

110. Rien n’indique que les membres du SNEFC impliqués aient eu l’intention de contacter la famille du cpl Langridge à quelque moment que ce soit pour les informer de l’existence de la note de suicide. Le 15 avril 2008, l’adj Tourout a dit au cplc Ritco qu’il n’était pas nécessaire de contacter la mère du cpl Langridge dans le cadre de l’enquête.Note de bas de page 2499 Le 27 mai 2008, le cplc Ritco a été avisé que l’adj Tourout et l’adjum Watson avaient déterminé qu’il n’était aucunement nécessaire de contacter la conjointe de fait du cpl Langridge.Note de bas de page 2500 Lorsque les Fynes ont fait un premier contact, le cplc Ritco a eu des conversations téléphoniques distinctes avec Mme et M. Fynes, le 5 et le 9 mai 2008.Note de bas de page 2501 Il n’a pas fait mention de la note de suicide.

111. Le cplc Ritco a conclu son enquête le 2 juin 2008.Note de bas de page 2502 L’adj Tourout a examiné le dossier le 12 juin 2008.Note de bas de page 2503 Le 1er juillet 2008, l’adjum Watson a approuvé le rapport et officiellement marqué le dossier comme étant conclu.Note de bas de page 2504 Le 3 juillet 2008, le commandant par intérim du SNEFC, le lcol Brian Frei, a examiné le dossier d’enquête.Note de bas de page 2505 Le lcol Frei était le commandant adjoint du SNEFC tout au long de l’enquête.Note de bas de page 2506 Il ne se souvenait pas précisément avoir été informé de la note de suicide au cours de l’enquête.Note de bas de page 2507 Il a indiqué dans son témoignage qu’en examinant le dossier, il aurait vu des mentions à l’effet que la note avait été saisie et qu’une copie avait été fournie au ML, et [traduction] « n’aurait pas pensé à quoi que ce soit de [...] plus au sujet de la note ».Note de bas de page 2508 Les références à la note de suicide trouvées dans le dossier n’ont pas soulevé d’interrogations pour lui.Note de bas de page 2509 Il n’a fait aucunement mention de la note dans l’entrée qu’il a inscrite au dossier après son examen.Note de bas de page 2510

112. Le lcol Bud Garrick, commandant du SNEFC jusqu’en juin 2008, ne se rappelait pas si on l’avait informé au sujet de la note de suicide dans cette affaire.Note de bas de page 2511 Il ne se rappelait pas non plus avoir demandé si une note avait été trouvée à l’époque.Note de bas de page 2512

113. Une fois l’enquête terminée, aucune mesure immédiate n’a été prise pour disposer des pièces retenues.

114. Le 23 octobre 2008, le cplc Ritco a été contacté au sujet de la restitution des effets personnels du cpl Langridge. Mme Suzanne Touchette, qui travaillait au bureau du Directeur des successions du JAG, à Ottawa, a envoyé un message à l’OD des Fynes et au président du Comité des règlements (CR), donnant l’autorisation au régiment de remettre les effets du cpl Langridge à son exécuteur testamentaire, M. Fynes.Note de bas de page 2513 Elle a affirmé que le cplc Ritco, qui avait également été mis en copie sur le message, [traduction] « avait informé le CR qu’environ 13 articles étaient retenus à l’appui de leur enquête en cours ».Note de bas de page 2514 Elle a demandé aux destinataires de s’assurer que les articles n’étaient plus utiles au SNEFC et avaient été restitués.Note de bas de page 2515 Elle a ajouté qu’il était important de s’assurer que tous les articles qui pourraient encore être requis par le SNEFC pour quelque raison soient éventuellement retournés à l’exécuteur testamentaire.Note de bas de page 2516

115. Lorsqu’il a reçu ce message, le cplc Ritco l’a envoyé au sgt S.B. Miller au détachement du SNEFC RO, lui demandant de donner des [traduction] « directives afin que les effets personnels du cpl Langridge dont nous n’avons plus besoin soient retirés de notre salle des éléments de preuve ».Note de bas de page 2517 En réponse, le cplc Ritco a indiqué lors de son témoignage qu’il avait été avisé que le processus de restitution des pièces serait pris en charge « par le personnel de direction ».Note de bas de page 2518 Avant cet échange, le cplc Ritco n’avait été impliqué dans aucune discussion sur la conservation ou la restitution des pièces depuis la conclusion de l’enquête.Note de bas de page 2519

116. À la suite de la requête du cplc Ritco, une lettre demandant l’autorisation de disposer de la preuve détenue par le SNEFC a été préparée.Note de bas de page 2520 La lettre était datée du 31 octobre 2008 et adressée au commandant du régiment du cpl Langridge.Note de bas de page 2521 Elle a été signée par l’adjum Watson.Note de bas de page 2522 Dans son témoignage, l’adjum Watson a expliqué que la demande d’autorisation d’aliénation avait été préparée parce que le détachement avait reçu une demande de restitution des biens du cpl Langridge.Note de bas de page 2523 Il a indiqué dans son témoignage que si cette demande n’avait pas été reçue du régiment, la lettre demandant l’autorisation de disposer des pièces n’aurait probablement jamais été rédigée par le détachement.Note de bas de page 2524

117. La lettre de l’adjum Watson indiquait que l’enquête sur la mort du cpl Langridge était terminée, et déclarait que l’autorisation du commandant du régiment était requise [traduction] « afin de disposer des éléments de preuve qui avaient été saisis au cours de cette enquête », conformément aux politiques de la PM applicables.Note de bas de page 2525 Il y était noté que les éléments énumérés seraient retournés à la succession du cpl Langridge une fois l’autorisation accordée.Note de bas de page 2526 La lettre contenait une liste de 13 articles saisis durant l’enquête.Note de bas de page 2527 La note de suicide ne figurait pas sur la liste.

118. L’adjum Watson a témoigné qu’il n’envoyait pas de façon régulière des demandes d’autorisation de disposition.Note de bas de page 2528 Il ne se rappelait pas qui avait préparé la demande dans ce cas.Note de bas de page 2529 Sa pratique normale aurait été de rédiger la lettre lui-même et de demander à l’enquêteur principal ou à un autre enquêteur de dresser la liste des éléments de preuve.Note de bas de page 2530 Le cplc Ritco ne se souvenait pas précisément, mais il a mentionné dans son témoignage qu’il pourrait avoir compilé la liste des articles à retourner.Note de bas de page 2531 À tout le moins, il savait qu’il avait contribué à la préparation de la demande et il était sûr qu’il avait au moins confirmé qu’il [traduction] « n’avait plus besoin de tout ce qui était dans notre salle des éléments de preuve en ce qui concerne des effets personnels ou des articles saisis ».Note de bas de page 2532

119. Le jour où la lettre a été envoyée, le cplc Ritco a ajouté une entrée au dossier et contacté l’adjum Mainville au régiment pour l’aviser.Note de bas de page 2533 Il a indiqué qu’une fois l’approbation accordée, le responsable de la preuve au sein du détachement communiquerait avec lui afin de faire le nécessaire pour qu’il prenne possession des effets du cpl Langridge.Note de bas de page 2534

120. Le 21 janvier 2009, le commandant du régiment, le lcol Derek Macaulay, a accordé l’autorisation de libérer les effets du cpl Langridge énumérés dans la lettre de l’adjum Watson.Note de bas de page 2535 Le 26 janvier 2009, les articles ont été remis à l’adjum Mainville par le responsable des pièces à conviction.Note de bas de page 2536 Comme elle n’était pas mentionnée dans la demande, la note de suicide n’a pas été remise à l’adjum Mainville.Note de bas de page 2537 Rien d’autre n’a été fait de la note de suicide jusqu’à ce que la CE en demande une copie.

Faire le point

121. Sur la base des témoignages entendus, il est clair que la note de suicide a été initialement saisie parce qu’elle était considérée comme une preuve pertinente à la détermination de la cause du décès du cpl Langridge.Note de bas de page 2538 Bien qu’il n’y ait pas eu de plan ou d’intention réelle d’analyser la note quand elle a été saisie, ou à tout autre moment au cours de l’enquête, Note de bas de page 2539 les membres du SNEFC impliqués croyaient que la note devait être retenue, traitée et conservée comme une pièce de la preuve durant l’enquête afin de s’assurer qu’elle soit disponible pour faire des analyses si un acte criminel était soupçonné ou s’il y avait des doutes au sujet de la cause du décès.Note de bas de page 2540 Aucune analyse n’a été faite parce que la possibilité qu’un acte criminel ait été commis ou que la note ne soit pas authentique ne constituait pas une préoccupation sérieuse.Note de bas de page 2541

122. Après la saisie de la note et la détermination hâtive par le cplc Ritco et l’adj Tourout que l’original ne pouvait être remis à la famille à ce stade, rien d’autre n’a été fait avec la note.Note de bas de page 2542 Comme il est rapidement devenu clair que le cpl Langridge s’était suicidé, la note a perdu de l’importance et a finalement été oubliée. Dans son témoignage, l’adj Tourout a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Malheureusement, comme j’ai témoigné auparavant et, je pense, le sergent Ritco et d’autres avant moi, la note de suicide a été oubliée. C’est regrettable. Je sais que des mesures ont été prises au sein du SNEFC pour corriger ce problème.

Je suis désolé. Je suis désolé, moi-même ainsi que tout le monde qui a témoigné. C’est malheureux, mais c’est arrivé.Note de bas de page 2543 [Caractères gras ajoutés]

123. Il a expliqué que lui et le cplc Ritco avaient oublié la note.Note de bas de page 2544 Son témoignage n’était pas tout à fait clair sur le moment précis où cela s’était produit. À certains moments, il semblait indiquer que c’était à la fin de l’enquête.Note de bas de page 2545 À d’autres, il a affirmé que c’était plus tôt. Plus particulièrement, il a expliqué que très vite après les tout premiers jours, la cible de l’enquête avait cessé d’être concentrée sur la possibilité qu’un acte criminel ait causé le décès, et il a indiqué que la note de suicide n’était pas pertinente aux autres aspects de l’enquête et qu’elle a été oubliée.Note de bas de page 2546 Il a également précisé que c’était parce que la note avait été oubliée qu’il n’y avait eu aucune discussion sur la possibilité de conclure l’enquête plus tôt afin de s’assurer que la famille soit informée plus rapidement.Note de bas de page 2547

124. Comme il ressort de l’examen du dossier effectué par la Commission, il semble qu’aucun des enquêteurs ne se soit rappelé de la note après que le cplc Ritco l’ait mise dans la salle des éléments de preuve le 9 avril 2008.Note de bas de page 2548 Outre les entrées liées à sa saisie, aucune entrée dans le dossier d’enquête de 714 pages ne faisait mention de la note de suicide. Même dans le plan d’enquête et le sommaire du cas (où le lcol Garrick et le lcol Frei s’attendaient tous les deux à y trouver une mention), il n’est aucunement question de la note. Note de bas de page 2549 Le sujet n’a pas été abordé au cours des entretiens, la note n’a pas fait l’objet d’analyses, il n’en a pas été question et son existence n’a été divulguée à personne. Le cplc Ritco n’a pas fait mention de la note lorsqu’il a parlé aux Fynes au début de mai, bien qu’au cours de son témoignage à l’audience, il estimait qu’il aurait dû le faire.Note de bas de page 2550 Il n’a fourni aucune explication pour ne pas avoir discuté de la note à ce moment-là. De l’ensemble de la preuve, il ressort clairement qu’il l’avait alors oubliée.

125. Lors de leur témoignage devant la Commission, les membres impliqués dans l’enquête semblaient tous d’accord sur le fait que la note de suicide originale devait être gardée jusqu’à la fin de l’enquête afin de s’assurer qu’elle soit disponible au cas où un test serait nécessaire.Note de bas de page 2551 Toutefois, ils ont exprimé des opinions différentes sur l’opportunité de divulguer l’existence de la note et d’en fournir une copie à la famille avant la fin de l’enquête. Certains pensaient que la famille aurait pu et aurait dû être informée de la note immédiatement ou à brève échéance, et qu’il n’y avait aucune raison ne pas en informer d’autres personnes, comme l’OD de Mme A ou le régiment.Note de bas de page 2552 D’autres étaient d’avis que la famille ne pouvait en être informée avant que la possibilité d’un acte criminel ne soit écartée ou que l’on ait jugé que la note n’était plus utile aux fins de la preuve et ils ne croyaient pas que le régiment ou quiconque aurait dû être mis au courant.Note de bas de page 2553

126. À plusieurs reprises au cours de son témoignage, le cplc Ritco a fait référence à l’absence d’une politique spécifique sur le traitement des notes de suicide comme une raison pour laquelle il ne pensait pas que la famille aurait pu ou aurait dû être informée de la note ou en recevoir une copie avant la fin de l’enquête.Note de bas de page 2554 Son témoignage n’était pas tout à fait clair sur ce point. D’une part, il a souligné qu’aucune politique ne prévoyait l’option d’aviser la famille du contenu de la note sans lui remettre l’original.Note de bas de page 2555 D’autre part, il a déclaré qu’en l’absence d’une politique explicite, il aurait pu trancher lui-même la question de la divulgation de la note, en consultation avec sa chaîne de commandement.Note de bas de page 2556 Il a également déclaré qu’il pensait que la note devait être traitée comme n’importe quel autre élément de la preuve parce qu’il n’existait pas de politique à cet effet.Note de bas de page 2557 Il n’a pu donner de raison en lien avec la preuve de ne pas divulguer l’existence de la note à la famille.Note de bas de page 2558

127. Quels que soient les points de vue exprimés au moment de leur témoignage sur ce qui aurait pu ou aurait dû être fait pour informer la famille au sujet de la note, ce qui apparaît clairement dans la preuve est qu’aucun de ces facteurs n’a effectivement été pris en considération par les membres impliqués dans l’enquête au moment des événements. La seule question examinée par le cplc Ritco et l’adj Tourout a été de savoir si la note originale pouvait être divulguée. La possibilité d’aviser la famille au sujet du contenu de la note sans lui remettre l’original n’a pas été discutée ou envisagée.Note de bas de page 2559 Le sgt Bigelow et l’adjum Watson n’ont pas participé aux discussions, et ils ont tous deux indiqué lors de leur témoignage que cette question ne leur avait pas traversé l’esprit à ce moment.Note de bas de page 2560 En fait, l’adjum Watson a affirmé que la seule raison pour laquelle la famille du cpl Langridge n’avait pas été informée au sujet de la note dès le début était [traduction] « qu’il ne m’est pas venu à l’esprit de la communiquer à la famille comme cela aurait dû l’être ».Note de bas de page 2561

128. La Commission estime que la raison pour laquelle les Fynes n’ont pas été informés de la note de suicide du cpl Langridge au cours de l’enquête est que personne au SNEFC ne pensait qu’ils devaient être mis au courant. Il est impossible de savoir quel aurait été le résultat si les membres du SNEFC s’étaient penchés sur cette question.

129. Quant à la note de suicide originale, elle n’a pas été remise à la famille une fois l’enquête conclue parce que, comme l’a dit le cplc Ritco, [traduction] « elle est passée à travers les mailles du filet ».Note de bas de page 2562

130. Le cplc Ritco avait supposé que la note serait transmise au terme de l’enquête dans le cours normal des choses.Note de bas de page 2563 Il croyait qu’un processus était en place pour disposer des pièces une fois qu’une enquête était conclue.Note de bas de page 2564 En réalité, l’adjum Watson a expliqué qu’un tel processus n’existait pas, et personne au détachement n’avait été chargé de s’assurer que les éléments de preuve soient restitués lorsqu’une enquête était conclue.Note de bas de page 2565 Il a noté que c’était une tâche [traduction] « qui a été négligée dans beaucoup d’enquêtes » et que cela « aurait dû être examiné davantage sur une base régulière ».Note de bas de page 2566 En conséquence, il est arrivé souvent que des pièces à conviction saisies lors d’enquêtes du détachement « demeurent simplement dans notre salle des éléments de preuve ».Note de bas de page 2567 Il a déclaré lors de son témoignage :

[traduction]

Si je peux faire la comparaison avec un détachement plus petit [...], leur volume d’éléments de preuve est passablement modeste; ils sont alors en mesure d’aller dans la salle et d’examiner leurs éléments de preuve et d’en disposer, et de demander l’autorisation d’en disposer sur une base régulière.

Le SNE [région de l’Ouest] détient une très grande quantité d’éléments de preuve. Donc, y sommes-nous allés autant que nous aurions dû pour demander l’autorisation d’en disposer pour une enquête ou une autre? Non.

Il y a des éléments de preuve conservés pour des enquêtes qui datent de plusieurs années au SNEFC de la région de l’Ouest.Note de bas de page 2568

131. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a confirmé que le détachement n’était [traduction] « pas très efficace pour ce qui est de disposer rapidement des éléments de preuve », et il a poursuivi en disant : « il n’est pas rare que des éléments de preuve soit conservés pendant plusieurs années ».Note de bas de page 2569 Il y a déjà eu une politique qui exigeait que le commandant du détachement procède à une inspection annuelle de la salle des éléments de preuve, ce qui signifiait techniquement qu’il devait passer en revue chaque élément de preuve et déterminer s’il était encore nécessaire de le garder.Note de bas de page 2570 Cependant, l’adjum Watson a fait remarquer au cours de son témoignage que cela aurait été [traduction] « en soi, un projet à temps plein » et a indiqué qu’il n’a pas fait une telle inspection quand il était commandant par intérim du détachement.Note de bas de page 2571

132. Le Maj Bolduc a également commenté, lors de son témoignage, les pratiques du SNEFC concernant les éléments de preuve saisis. En principe, il a expliqué que le responsable des éléments de preuve aurait dû être chargé de décider du retour des éléments de preuve et le commandant du détachement aurait dû avoir la responsabilité de vérifier régulièrement les dossiers.Note de bas de page 2572 En pratique, a-t-il indiqué, certains détachements procédaient plus rapidement que d’autres à la disposition des pièces, et certains ont effectivement attendu au cas où surgiraient de nouvelles informations, même si des accusations n’avaient pas été déposées.Note de bas de page 2573 Le lcol Robert Delaney, qui était commandant du SNEFC en 2011-2012, a dit dans son témoignage que le temps requis pour disposer des éléments de preuve dépendait de [traduction] « la charge de travail opérationnelle du détachement ».Note de bas de page 2574

133. Lorsque l’enquête sur la mort du cpl Langridge a été conclue en juin 2008, les pièces saisies sont simplement demeurées dans la salle des éléments de preuve, et rien n’a été fait pour les retourner à qui que ce soit. Parce que personne ne se souvenait de la note de suicide à ce moment-là, aucun des membres impliqués dans l’enquête n’a fait de suivi pour s’assurer qu’elle avait bien été remise à la famille à la fin de l’enquête.

134. Lorsque des mesures ont été prises trois mois plus tard pour rendre les pièces parce que le cplc Ritco avait par hasard été contacté par le directeur des successions, il y a eu un oubli de la part de l’enquêteur qui avait préparé la liste des articles à retourner – très probablement le cplc Ritco – et la note n’a pas été incluse.Note de bas de page 2575 Puisqu’elle avait été oubliée depuis longtemps, personne ne s’est rendu compte de son absence.Note de bas de page 2576

135. Sur la base des témoignages entendus au sujet des pratiques de gestion des éléments de preuve du détachement, il y a tout lieu de croire que, n’eut été de l’intervention de la CE, la note de suicide du cpl Langridge serait tout simplement demeurée dans la salle des éléments de preuve du SNEFC RO pendant des années, sans que personne n’en soit avisé.

Comprendre les explications

136. Ayant établi les raisons pour lesquelles la note de suicide du cpl Langridge n’a pas été communiquée à sa famille, il est évident que les faits sont difficiles à concilier avec la plupart des explications fournies à cet égard.

137. Tout d’abord, dans les jours qui ont suivi la découverte de l’omission de divulguer la note, le Maj Dandurand avait écrit que la note était [traduction] « conservée à titre de preuve » et il a expliqué qu’il n’était « pas dans les habitudes » du SNEFC de restituer des éléments de preuve puisqu’ils étaient généralement « retenus pendant [plusieurs] années ».Note de bas de page 2577 Nous savons que des membres impliqués dans l’enquête s’attendaient à ce que la note originale soit remise immédiatement après la fin de l’enquête.Note de bas de page 2578 Personne ne pensait qu’elle devait être retenue pour une quelconque période de temps, encore moins pendant plusieurs années. L’adjum Watson a affirmé qu’en pratique, les éléments de preuve finissaient souvent par rester dans la salle des preuves pendant des années après que des dossiers soient clos, mais que cela découlait de pratiques laxistes en matière de disposition des pièces et non d’une exigence de la politique applicable.Note de bas de page 2579

138. Le Maj Dandurand a déclaré qu’il croyait que la note était encore [traduction] « classée comme élément de preuve » au moment où il a fourni son explication.Note de bas de page 2580 Lorsqu’on lui a demandé de quel élément de preuve il s’agissait, il a expliqué :

[traduction]

Simplement comme une classification, pas nécessairement de quoi que ce soit parce que nous avions réfléchi à la question de savoir si nous devrions en disposer ou non à ce moment-là.Note de bas de page 2581

139. Il a indiqué que, selon lui, si le SNEFC avait conservé la note de suicide aussi longtemps après l’enquête alors que tous les autres effets personnels aient déjà été retournés, il la gardait [traduction] « seulement parce que c’était un élément de preuve ».Note de bas de page 2582 Cette interprétation et l’impression qu’il avait que les éléments de preuve étaient généralement conservés pendant plusieurs années provenaient d’une conversation qu’il avait eue avec des membres de son détachement qui possédaient de [traduction] « l’expérience dans ce domaine ».Note de bas de page 2583 Le Maj Dandurand n’avait jamais personnellement rencontré un tel problème auparavant.Note de bas de page 2584 Il n’avait pas eu l’occasion de parler avec les personnes impliquées dans l’enquête avant de fournir son explication, mais il avait discuté de la question avec l’adjum du détachement à l’époque, l’adj Ross, et ils étaient tous deux d’avis que la note de suicide était toujours classifiée comme élément de preuve, conformément aux procédures applicables aux preuves détenues à l’époque.Note de bas de page 2585 Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu que ce qu’il considérait alors comme étant la « politique » était, en fait, une pratique de conserver les notes de suicide comme éléments de preuve [traduction] « jusqu’à ce qu’il en soit disposé », ce qui se produirait [traduction] « lors d’un examen régulier » des éléments de preuve détenus où ces notes [traduction] « feraient surface ».Note de bas de page 2586 Il a également admis que la preuve finissait souvent par être [traduction] « conservée pendant plusieurs années » en raison de l’absence de processus efficace d’aliénation des éléments de preuve.Note de bas de page 2587 Sur la base de ces explications et de ce que le Maj Dandurand a écrit quand il a été informé de l’omission de divulguer la note, il semble que l’absence de procédures adéquates pour le retour des pièces était interprétée par la chaîne de commandement du détachement comme une exigence de la politique ou une meilleure pratique. Malheureusement, parce que c’était la façon dont les choses se faisaient, les membres et même la chaîne de commandement en sont venus à croire que c’était la façon dont les choses devaient se faire.

140. L’explication fournie par le lcol Lander quelques jours plus tard portait sur les raisons pour lesquelles l’existence de la note n’avait pas été révélée aux Fynes et indiquait que l’équipe d’enquête avait décidé de ne pas la divulguer parce que, [traduction] « à son avis, cela n’aurait rien ajouté à l’information déjà transmise par le biais des services habituellement fournis aux victimes, et elle estimait que cela aurait même pu avoir un effet négatif ».Note de bas de page 2588 Cela n’a aucun lien avec les événements qui se sont déroulés. Les Fynes n’ont ​​reçu aucune information – par l’intermédiaire des services d’aide aux victimes ou autrement – au sujet de l’enquête.Note de bas de page 2589 La seule décision prise lors de l’enquête a été de ne pas remettre la note originale. Les membres impliqués n’ont même jamais pensé à la possibilité d’aviser les Fynes de la note, et encore moins ont-ils décidé de ne pas le faire pour les raisons mentionnées.

141. Dans son témoignage, le cplc Ritco a indiqué qu’il n’avait [traduction] « rien à voir » avec les déclarations que referme l’explication du lcol Lander.Note de bas de page 2590 Il a noté que les informations disponibles auprès des services d’aide aux victimes n’ont jamais été un facteur qu’il avait pris en considération, et il a indiqué qu’il n’avait jamais cru que divulguer la note aurait pu avoir un effet négatif sur la famille.Note de bas de page 2591 Le sgt Bigelow n’était pas lui non plus au courant d’aucune décision ou réflexion visant à déterminer si le fait de révéler l’existence de la note aurait eu un effet négatif sur la famille.Note de bas de page 2592 L’adjum Watson, qui ignorait aussi qu’il y ait eu une telle détermination, se demandait où le lcol Lander avait obtenu cette information.Note de bas de page 2593

142. Le lcol Lander avait lui-même de la difficulté à donner un sens à l’explication qu’il avait avancée. Il a ainsi déclaré lors de son témoignage :

[traduction]

[...] à mon avis, de ce que je savais sur le cas, je ne vois pas pourquoi -- surtout si la note de suicide, si je comprends bien, était adressée à la famille, pourquoi ils n’auraient pas divulgué cela que tout de suite. Je n’ai pas compris ça.

Mais, encore une fois, c’était à la chaîne de commandement du SNE de démêler cela, pas à moi. Ma responsabilité était de m’assurer que le commandant de l’armée était informé du problème.Note de bas de page 2594

143. Puisque le lcol Lander ne détenait aucune information à ce sujet, il avait dû obtenir du SNEFC les renseignements figurant dans son explication. Dans son témoignage, il ne se rappelait pas à qui il avait parlé, mais il pensait qu’il devait s’agir du commandant du SNEFC ou de l’officier des opérations.Note de bas de page 2595 Le lcol Sansterre et le Maj Dandurand pensaient tous les deux qu’ils avaient parlé au lcol Lander à l’époque, mais ils ont nié avoir fourni les renseignements contenus dans son explication.Note de bas de page 2596 Le lcol Sansterre a dit dans son témoignage qu’il n’avait [traduction] « absolument aucune idée d’où [le lcol Lander] aurait pu avoir trouvé cette information ».Note de bas de page 2597 La source de l’explication du lcol Lander reste un mystère. Il est clair que l’information qu’il a reçue du SNEFC était inexacte ou a été très mal comprise, mais il reste impossible de savoir qui l’a fournie. L’explication renfermait également une autre déclaration inexacte indiquant que des informations sur l’existence de la note avaient été transmises à la CE avec la documentation originale fournie par le SNEFC, ce qui n’était en fait pas le cas.

144. L’explication ultérieure donnée dans la RAM sur les raisons pour lesquelles la note n’avait pas été mentionnée lors d’une entrevue avec les Fynes est également problématique. Tout d’abord, il n’y a pas eu « d’entrevue » avec les Fynes, mais plutôt de brèves conversations téléphoniques avec le cplc Ritco quand ils l’ont contacté. Deuxièmement, selon la RAM, les parents étaient au courant des conclusions du coroner sur les causes de la mort,Note de bas de page 2598 ce qui aurait été impossible puisque le rapport du ML n’avait pas encore été reçu lorsque le cplc Ritco s’est entretenu avec eux. Plus important encore, le reste de l’explication, indiquant que les Fynes n’avaient ​​pas fait de demande au sujet d’une note et que l’enquêteur ne l’avait pas mentionné [traduction] « étant donné que l’enquête était toujours en cours »Note de bas de page 2599 n’est pas compatible avec les explications fournies par le cplc Ritco lors de l’examen d’assurance de la qualité ou lors de son témoignage devant cette Commission. Alors que, selon le rapport de l’adj Ross, le cplc Ritco a bien mentionné que les Fynes n’avaient pas fait de demande au sujet de la note, il n’a jamais dit qu’il n’en avait pas révélé l’existence à ce moment parce que l’enquête était toujours en cours.Note de bas de page 2600 Au contraire, le point de vue qu’il a exprimé dans son témoignage était qu’il aurait dû en révéler l’existence.Note de bas de page 2601 La raison pour laquelle il ne l’a pas fait n’avait rien à voir avec le statut de l’enquête. C’était parce que la note avait été oubliée. Les témoins du SNEFC ne pouvaient pas confirmer la source de l’information contenue dans cette RAM, mais ils ont convenu qu’elle aurait été obtenue par l’OAP de quelqu’un au SNEFC qui connaissait le dossier, probablement le lcol Sansterre, le Maj Bolduc ou le Maj Dandurand.Note de bas de page 2602 Quant au contenu de l’information, le Maj Dandurand ne pensait pas qu’il était exact, alors que lcol Sansterre pour sa part n’y voyait aucune inexactitude.Note de bas de page 2603

145. L’explication fournie par le Maj Dandurand deux semaines plus tard, quand il a pris connaissance des questions sur les mesures disciplinaires, est surprenante.Note de bas de page 2604 Il a dit catégoriquement que l’enquêteur et l’équipe de gestion du cas avaient toujours agi de bonne foi et, en aucun moment, le bien-être de la famille n’avait été négligé. Il a ensuite parlé de la nécessité de faire des hypothèses dans l’intérêt véritable de la famille, basées sur l’expérience passée, en notant que les membres impliqués dans cette enquête [traduction] « ont acquis de l’expérience dans de nombreuses enquêtes passées sur des suicides ».Note de bas de page 2605 Il a discuté des décisions concernant le retour des effets personnels délicats qui pourraient causer de l’embarras et a conclu qu’aucune mesure disciplinaire n’était justifiée.Note de bas de page 2606

146. Cette explication ne reflétait pas les faits de l’affaire. Les membres impliqués dans cette enquête ne possédaient pas une vaste expérience de la conduite d’enquêtes dans des cas de suicide ou de mort subite. En fait, à la fois pour l’enquêteur principal et le gestionnaire de cas, il s’agissait de leur première enquête sur une mort subite.Note de bas de page 2607 Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu que ses déclarations à l’époque reposaient sur ses propres hypothèses, puisqu’il n’était pas au courant de l’expérience des membres concernés.Note de bas de page 2608 Quant à l’explication sur la nécessité de faire des hypothèses dans l’intérêt véritable de la famille, il n’existe aucune preuve indiquant que les membres du SNEFC impliqués aient jamais envisagé la possibilité d’aviser la famille au sujet de la note avant de lui fournir l’original, et leur décision de ne pas divulguer l’original en cours d’enquête était basée sur ce qui était considéré comme les besoins de l’enquête, et non les intérêts de la famille. Dans son témoignage, le Maj Dandurand n’a pu confirmer avoir parlé au cplc Ritco ou à toute autre personne impliquée dans l’enquête avant de fournir cette explication.Note de bas de page 2609 Il croyait que les décisions prises au sujet de la divulgation de la note étaient fondées sur ce que les enquêteurs considéraient être dans l’intérêt véritable de la famille, mais il ne se souvenait pas comment il était arrivé à cette conclusion.Note de bas de page 2610 Il a reconnu que les autres affirmations contenues dans son message sur la restitution des objets de nature délicate ou embarrassante étaient sans rapport avec la note de suicide ou avec cette enquête particulière.Note de bas de page 2611

147. Les explications fournies par le Maj Dandurand lors de sa rencontre de novembre 2009 avec les Fynes, qui évoquaient l’existence d’une « politique » empêchant de divulguer les notes de suicide, ne reflètent pas non plus les faits de cette affaire.Note de bas de page 2612 Quelle qu’ait pu être la politique à l’époque,Note de bas de page 2613 il est clair qu’elle n’avait rien à voir avec la « décision » des enquêteurs de ne pas informer la famille de l’existence et du contenu de la note. Bien que leurs opinions sur les politiques, les éléments de preuve et les exigences de l’enquête puissent avoir influencé la décision hâtive du cplc Ritco et de l’adj Tourout de ne pas publier la note originale,ils n’ont jamais envisagé la possibilité de divulguer l’existence de la note sans fournir l’original. En conséquence, les points de vue qu’ils ont pu exprimer concernant les politiques applicables en l’occurrence n’ont pu jouer un rôle dans ce qu’ils ont fait. Quant à l’adjum Watson, s’il avait porté son attention sur cette question, il estimait que rien n’empêchait la divulgation de la note, et il en aurait avisé la famille à un stade précoce de l’enquête.Note de bas de page 2614

148. Pour ce qui est de l’explication fournie en janvier 2011, affirmant que l’intention était de remettre la note aux Fynes à la fin de l’enquête, mais que [traduction] « cela n’a pas été fait aussi rapidement que cela aurait pu se faire »Note de bas de page 2615 cela ne correspond pas non plus tout à fait à ce qui s’est passé. Alors qu’au moins certains des membres concernés pensaient que la note serait retournée à la fin de l’enquête, au moment où celle-ci s’est conclue, il y a plus qu’un simple manque d’expérience qui a fait en sorte que la note n’a pas été remise. La note a été omise lorsque des mesures ont été prises pour retourner les effets personnels du cpl Langridge parce qu’elle avait alors été oubliée, et il n’y a aucune indication qu’elle aurait jamais été retournée si la CE n’en avait pas demandé une copie et ne l’avait pas remise aux Fynes. La source de l’information à la base de cette explication est inconnue. Le Maj Dandurand, dont le détachement était chargé de transmettre les renseignements à inclure dans ces réponses, a déclaré ne pas être personnellement au courant que quiconque ait eu l’intention de remettre la note de suicide à la conclusion de l’enquête.Note de bas de page 2616

Apprendre des erreurs passées

149. De toutes les explications fournies par les membres du SNEFC aux Fynes, au public ou à d’autres membres des FC, pas une seule ne comportait une réflexion complète et précise sur ce qui s’était passé dans ce cas. Sur la base des témoignages entendus devant la Commission, rien n’indique que cela résultait d’une intention de déformer les faits ou d’induire en erreur. Cependant, il y a des indications à l’effet que la chaîne de commandement du SNEFC n’a jamais en fait découvert pourquoi la note de suicide du cpl Langridge n’avait pas été divulguée. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas pu fournir d’explications cohérentes.

150. Mises à part les explications examinées ici, aucun dossier n’a été produit devant la Commission en lien avec les explications reçues par la chaîne de commandement du SNEFC sur ce qui s’était passé dans ce cas, et encore moins d’explications précises. La plupart des témoins du SNEFC qui ont comparu devant la Commission n’ont pu fournir de réponse.Note de bas de page 2617 Un témoin pensait qu’une « raison légitime » expliquait probablement pourquoi la note n’avait pas été remise tout de suite, mais il en ignorait la nature, tandis que d’autres considéraient qu’il s’agissait d’une erreur.Note de bas de page 2618 Mais personne ne savait exactement ce qui s’était passé.

151. Seuls deux membres de la chaîne de commandement, le lcol Sansterre et le Maj Dandurand, ont affirmé dans leur témoignage qu’ils savaient pourquoi la note de suicide du cpl Langridge n’avait pas été divulguée. Les explications qu’ils ont données n’étaient pas compatibles l’une avec l’autre.

152. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Je crois -- et c’est très difficile pour moi de le faire, de faire la différence entre ce que je sais maintenant et ce que je savais à l’époque en ce qui concerne cette [...]

Alors, cela aurait été – c’est probablement aux alentours de l’été que j’ai découvert -- ou que j’ai déterminé que la note n’avait pas été fournie, et quand j’ai demandé aux enquêteurs -- quand j’ai demandé aux gens et commencé à faire des recherches, l’explication qui a pris forme est que cela était un élément de preuve; tout le reste avait été retourné sauf quelques articles, mais dans l’opinion des gens cela était encore un élément de preuve.Note de bas de page 2619 [Caractères gras ajoutés]

153. Le lcol Sansterre a déclaré ce qui suit :

[traduction]

M. FREIMAN : [...] Assis ici aujourd’hui, savez-vous pourquoi la note de suicide n’a pas été remise?

LCOL SANSTERRE : Oui, ils l’ont recueillie comme élément de preuve et ils ont oublié de la remettre.

M. FREIMAN : Quand avez-vous initialement pris connaissance qu’elle avait été recueillie comme élément de preuve et oubliée?

LCOL SANSTERRE : Je n’ai -- je ne sais pas.

M. FREIMAN : Était-ce au cours de la présente procédure à la lumière de la preuve que nous avons entendue?

LCOL SANSTERRE : J’aurais -- J’aurais pensé que c’était avant, mais je ne peux pas en être sûr.Note de bas de page 2620

154. Selon la preuve, il ne semble pas que le lcol Sansterre ait été informé de ce qui s’était passé avant la tenue de cette audience. S’il l’avait été, le SNEFC et ses membres n’auraient pas continué à fournir les explications officielles incompatibles examinées par la Commission. Dans la mesure où la haute direction du SNEFC savait en fait ce qui s’était passé, il est clair qu’elle n’en a pas informé les membres de l’organisation ou de la chaîne de commandement. Le Maj Dandurand, qui commandait le détachement en cause, a continué de croire que si la note n’avait pas été remise, c’était parce qu’elle était considérée comme un élément de preuve qu’il fallait conserver. Cela ne reflète pas ce que croyaient effectivement les membres ayant participé à l’enquête, qui estimaient tous qu’il n’était pas nécessaire de conserver la note une fois l’enquête terminée. Au contraire, cela semble avoir été le reflet des croyances de l’adj Ross et du Maj Dandurand au sujet des politiques et des procédures applicables en matière de preuve.

155. N’ayant pas découvert ce qui s’était passé dans ce cas, il est difficile de comprendre comment la chaîne de commandement du SNEFC aurait pu prendre des mesures pour résoudre le problème. Au lendemain de la découverte de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge et tout au long de la période qui a suivi, jusqu’à leurs témoignages devant cette Commission et y compris ceux-ci, les membres de la chaîne de commandement du SNEFC ont insisté sur le fait que leur priorité était de s’assurer que cela n’arrive plus.Note de bas de page 2621 Cependant, une question se pose : Comment pouvaient-ils résoudre le problème s’ils ne savaient pas ce qui avait mal fonctionné? À la lumière des réponses qu’ils ont obtenues et fournies, il est difficile pour la Commission de voir comment ils auraient pu avoir la certitude que les mesures qu’ils mettraient en place règleraient ce qui avait mal tourné dans cette affaire.

156. En outre, après avoir enduré la douleur d’apprendre l’existence de la note de suicide quatorze mois après la mort de leur fils et constaté qu’ils n’avaient pu honorer ses souhaits funéraires, les Fynes avaient droit à une explication sur la façon dont cela avait pu se produire. Bien qu’ils aient posé la question à de très nombreuses reprises auparavant, au moment de leur témoignage devant la Commission, ils ne savaient toujours pas pourquoi la note de suicide de leur fils ne leur avait pas été divulguée.Note de bas de page 2622 Comme le SNEFC n’a pas pris les mesures adéquates pour savoir ce qui s’était passé, les Fynes n’ont pas reçu les réponses qu’ils étaient en droit d’avoir.

157. Plus grave encore, l’incapacité de fournir un compte rendu factuel de ce qui s’était passé, les explications contradictoires offertes et les tentatives de justifier ce qui s’était passé ont contribué à créer l’impression que l’on cherchait à minimiser la gravité du problème ou même à camoufler le problème. Cela pourrait avoir amené les Fynes à croire que la note avait été intentionnellement dissimulée au point de départ. Dans son témoignage, M. Fynes a dit qu’il croyait que l’omission de divulguer la note de suicide [traduction] « avait été une duperie bien calculée visant à protéger l’uniforme contre l’embarras ».Note de bas de page 2623 Il s’est expliqué ainsi :

[traduction]

Le fait qu’elle n’a même pas été divulguée au régiment quand il a demandé pourquoi les pièces du SNE étaient retenues me dit qu’ils la cachaient parce qu’elle soutenait la thèse que mon fils souffrait du SSPT, qu’il souffrait et qu’il ne pouvait plus supporter la douleur. C’est la vérité que révèle cette note et cela fait partie de l’effort de dissimulation.Note de bas de page 2624

158. Les membres impliqués dans l’enquête ont nié l’intention de cacher la note et offert de nombreuses, et sans doute sincères, excuses à ce sujet lors de leur témoignage.Note de bas de page 2625 Dans son témoignage, le cplc Ritco a affirmé ce qui suit :

[traduction]

[…] Ainsi, au terme de mon enquête, à la fin mai, [...] les articles auraient dû être retournés à leurs propriétaires légitimes.

De toute évidence, cela n’a pas été fait et, en tant qu’enquêteur principal -- je crois qu’il s’est écoulé 14 ou 15 mois avant qu’elle ne soit retournée à son propriétaire légitime, et, comme enquêteur principal, je dois assumer une partie de la responsabilité pour cela, pour le fait qu’elle aurait dû être retournée, mais elle ne l’a pas été.

Ce n’est pas que nous ayons délibérément essayé de ne pas la retourner. Elle est passée à travers les mailles du filet. Et, pour cela, je suis désolé. Aucune famille ne devrait avoir à pleurer la mort de leur fils, et ne pas savoir, ou de ne pas avoir à savoir, qu’il y a – qu’il y avait une note de suicide écrite par leur fils.

Nous n’avons pas fait exprès. Mais, en fin de compte, c’est arrivé.Note de bas de page 2626

159. La preuve entendue devant cette Commission ne soutient aucunement l’hypothèse qu’il y ait eu une tentative intentionnelle de la part des membres du SNEFC de cacher la note de suicide. La Commission estime que l’omission de divulguer la note ne découlait pas d’une tentative de dissimulation intentionnelle. Toutefois, la Commission constate également que l’incapacité de fournir une explication rapide et simple aux Fynes sur ce qui s’était passé a contribué à éveiller des soupçons et à alimenter la méfiance.

S’excuser

160. L’absence de réponses et les explications contradictoires fournies aux Fynes ont aussi probablement contribué à alimenter la dispute entre les Fynes et le SNEFC sur les excuses qui ont ou non été présentées aux Fynes. Ces derniers sont évidemment restés avec la forte impression qu’ils n’avaient pas reçu d’excuses ou, à tout le moins, s’il y en avait eu, qu’elles n’étaient pas suffisantes. Le débat s’est poursuivi au cours de la tenue de la présente audience.

161. Mme Fynes a déclaré dans son témoignage :

[traduction]

Q. Nous comprenons qu’à un moment donné, on vous a offert des excuses à propos de la note de suicide. Pouvez-vous nous en parler?

R. Non, je ne peux pas.

Q. Dans votre esprit, il n’y a pas eu d’excuses?

R. Non.Note de bas de page 2627

162. M. Fynes a indiqué dans son témoignage qu’un [traduction] « semblant d’excuse » avait été présenté par le Maj Dandurand, mais que ce dernier « avait immédiatement poursuivi en justifiant leurs actions, ce qui a complètement anéanti l’objet de toute reconnaissance de leur erreur ».Note de bas de page 2628 Il a soutenu que le Maj Dandurand, avait admis que « cela n’aurait pas dû arriver » et avait même fourni « une expression d’empathie », mais qu’il n’avait pas réellement présenté d’excuses.Note de bas de page 2629 M. Fynes a insisté sur le fait qu’aucune excuse officielle n’avait été offerte.Note de bas de page 2630 Il a déclaré dans son témoignage :

[traduction]

[Il] n’y a jamais eu d’excuses officielles pour cela du chef de la Défense ou de la chaîne de commandement ou directement du SNE. Il peut en avoir été question dans des conversations informelles.

Nous n’avons jamais reçu d’excuses adéquates pour ne pas avoir obtenu la note de suicide de notre fils, pour en avoir été privés et pour le fait que des biens personnels de notre fils n’apparaissaient même pas sur les listes de pièces à conviction. Elle en a été supprimée. Nous en avons seulement appris l’existence à cause de la Commission d’enquête.Note de bas de page 2631

163. M. Fynes était d’avis que les membres des FC avaient été effectivement empêchés de présenter des excuses à cause de la réglementation applicable.Note de bas de page 2632 À propos de la déclaration publique faite par le CEMD dans ce cas, laquelle comprenait une mention à l’effet que le GPFC [traduction] « regrettait profondément le retard survenu dans la divulgation de la note de suicide du cpl Langridge »,Note de bas de page 2633 M. Fynes a dit :

[traduction]

Si cela était des excuses, elles ont été faites à la presse, elles ne nous ont pas été adressées à nous. Elles ne nous ont jamais été adressées directement.Note de bas de page 2634

164. En revanche, le SNEFC et ses membres ont tous affirmé que de nombreuses excuses avaient été présentées aux Fynes. Au début de 2011, les réponses fournies aux Fynes par les FC déclaraient que le SNEFC avait [traduction] « présenté des excuses officielles à la famille » pour la divulgation tardive de la note.Note de bas de page 2635 Dans leurs observations finales, les avocats des personnes visées par la plainte ont fait valoir que le SNEFC [traduction] « avait reconnu à maintes reprises qu’il était inacceptable que la note de suicide n’ait été transmise à la famille que 14 mois après le décès lors de l’enquête de 2008 ».Note de bas de page 2636 Ils ont indiqué que le lcol Sansterre ainsi que le Maj Dandurand s’étaient excusés auprès des Fynes, reconnaissant que [traduction] « c’était à tort qu’ils avaient retardé la remise de la note de suicide » et avaient exprimé leurs regrets.Note de bas de page 2637 Ils ont ajouté que le CEMD avait également publié une déclaration pour présenter publiquement des excuses aux Fynes.Note de bas de page 2638

165. Sur la base des témoignages entendus, la Commission conclut que des excuses ont été présentées aux Fynes par le SNEFC. Lorsqu’il a parlé à Mme Fynes le 18 juin 2009, le lcol Sansterre lui a présenté des excuses.Note de bas de page 2639 Il a déclaré dans son témoignage :

[traduction]

J’ai dit, je suis vraiment désolé pour ce qui s’est passé, je ne sais pas comment cela est arrivé.

[...] Je me sentais certainement -- je me sentais très mal pour ce qui s’était passé et, à ce jour, je me sens toujours très mal à propos de ce qui s’est passé. Je veux dire, si nous pouvions remonter dans le temps, cela n’arriverait pas. Et je sais que, quand je lui ai parlé, je lui ai dit, je suis très désolé, je ne sais pas comment cela a pu arriver [...]Note de bas de page 2640

166. Au cours de ses rencontres avec les Fynes, le Maj Dandurand a également fait des déclarations clairement destinées à exprimer des regrets et des excuses. Il a convenu avec Mme Fynes qu’il ne pouvait y avoir aucune excuse pour cela, et il a affirmé qu’il [traduction] « ne remettait pas du tout en question la colère [des Fynes] ».Note de bas de page 2641 Il a aussi indiqué que le fait de ne pas avoir divulgué la note pendant plus d’un an après la conclusion de l’enquête était [traduction] « tout à fait inapproprié ».Note de bas de page 2642 Il a dit qu’il [traduction] « ne cesserait jamais de se sentir mal » au sujet de la divulgation tardive.Note de bas de page 2643 Il a déclaré que le SNEFC ne pouvait pas [traduction] « réparer le tort causé », mais pouvait seulement dire aux Fynes « cela ne se reproduira jamais », précisant que c’était là une opinion qu’il partageait avec le commandant du SNEFC, le lcol Sansterre.Note de bas de page 2644 Il a dit aux Fynes :

[traduction]

[...] Le fait que la lettre ait pris si longtemps, Shaun, Sheila, c’est une erreur. Une erreur. Vous comprenez? Cela n’aurait pas dû se produire.Note de bas de page 2645

167. En plus de ces excuses directes, il y a aussi eu des excuses publiques. Il y en a eu en juin 2009, lorsque le message transmis par l’OAP du SNEFC durant une entrevue avec les médias indiquant que le SNEFC « regrettait la situation » a été publié,Note de bas de page 2646 et il y en a eu d’autres en octobre 2010, lorsque la déclaration publique du CEMD indiquant que le GPFC [traduction] « regrettait profondément » le retard à transmettre la note a été diffusée.Note de bas de page 2647

168. Néanmoins, deux raisons expliquent pourquoi il n’est pas étonnant que les Fynes n’aient pas été satisfaits de ces excuses. Premièrement, elles n’ont pas été présentées au bon moment, ni de la bonne manière. Deuxièmement, certaines des excuses n’étaient pas sans réserve, mais ont plutôt été accompagnées ou suivies de déclarations qui tentaient de justifier certaines des choses qui s’étaient passées.

169. Lorsque l’histoire du cpl Langridge a commencé à vraiment attirer l’attention des médias à l’automne de 2010, des questions ont été posées par la chaîne de commandement des FC pour savoir si (et quand) des excuses avaient été présentées aux Fynes pour l’omission de divulguer la note de suicide.Note de bas de page 2648 Le GPFC a obtenu les renseignements suivants, qu’il a transmis à ses contacts au JAG et au VCEMD :

[traduction]

Mme Fynes a reçu des excuses personnelles, face à face, de la part du commandant (major) du détachement du SNE de la région de l’Ouest. Ces excuses et une explication des raisons du délai et de la façon dont le SNEFC préviendra que cela ne se reproduise ont été fournies au moment où la note originale de Stuart Langridge lui a été remise.Note de bas de page 2649 [Caractères gras ajoutés]

170. Malheureusement, ces renseignements n’étaient pas exacts.Note de bas de page 2650 Ils ont été fournis par suite d’une confusion et de malentendus de la part des membres du SNEFC chargés de recueillir des renseignements pour le GPFC.Note de bas de page 2651 En fait, lorsque les Fynes ont été informés par le Maj Parlee de l’existence de la note de leur fils, personne au SNEFC n’a communiqué avec eux. C’est le président de la CE, et non le SNEFC, qui a pris des dispositions pour leur remettre une copie de la note. Lorsqu’ils ont demandé l’original et que la question a été portée à l’attention de la chaîne de commandement du SNEFC, celui-ci n’a pris aucune mesure pour livrer personnellement la note ou présenter des excuses officielles.Note de bas de page 2652 Le premier contact avec le SNEFC a eu lieu trois semaines plus tard et n’a pas été fait en personne, mais par téléphone, lorsque le lcol Sansterre a parlé à Mme Fynes. Le contact face à face n’est survenu que plusieurs mois après.Note de bas de page 2653

171. Même l’appel du lcol Sansterre ne faisait pas partie d’un plan visant à présenter des excuses officielles et n’aurait probablement pas été perçu comme tel par les Fynes.Note de bas de page 2654 Le lcol Sansterre n’avait pas l’intention d’appeler directement les Fynes. Il essayait de rejoindre leur OD afin d’organiser une séance d’information, mais il s’est retrouvé à parler à Mme Fynes par suite d’une erreur dans l’information qui lui a été transmise sur la personne à contacter.Note de bas de page 2655 À ce moment, Mme Fynes a dit au lcol Sansterre qu’elle avait nettement l’impression que les mesures prises par le SNEFC pour entrer en contact avec les Fynes [traduction] « étaient attribuables aux médias ».Note de bas de page 2656 Bien que le lcol Sansterre ait fait ce qu’il fallait en présentant des excuses sans réserve une fois qu’il ait été au téléphone avec Mme Fynes, il semble que personne au SNEFC n’ait pensé à présenter des excuses à la famille avant ce contact accidentel. Lorsque l’OAP du SNEFC s’est fait demander au cours d’une entrevue avec les médias, peu avant l’appel du lcol Sansterre aux Fynes, [traduction] « pourquoi le SNEFC n’avait jamais appelé la famille pour s’excuser de ne pas lui avoir remis la note de suicide », elle n’avait pas de RAM sur la question et n’a pu donner de réponse.Note de bas de page 2657 Sur la base des RAM qu’elle avait en main, elle a seulement déclaré qu’elle était au courant « que la famille avait été interviewée selon le processus normal au début de l’enquête », ce qui, en soi, n’était même pas exact.Note de bas de page 2658 Les rapports qu’elle a soumis à la chaîne de commandement sur les questions qui lui avaient été posées, et la publication éventuelle d’un article dans la presse mentionnant que le SNEFC n’avait « jamais contacté la famille pour s’expliquer ou s’excuser », n’ont pas donné lieu à de nouvelles discussions au sein de la chaîne de commandement sur la nécessité de présenter des excuses officielles aux Fynes.Note de bas de page 2659

172. C’est en novembre 2009 qu’a finalement eu lieu le contact face à face entre les Fynes et le SNEFC, lors d’une rencontre avec le Maj Dandurand pour discuter de l’enquête du SNEFC sur la mort du cpl Langridge. Les expressions de regret du Maj Dandurand sur l’omission de divulguer la note de suicide au cours de cette rencontre et des rencontres subséquentes ont été assorties de réserves, c’est-à-dire d’autres déclarations qui semblaient indiquer qu’au moins certaines des actions liées au traitement de la note étaient justifiées. En particulier, le Maj Dandurand a affirmé qu’une note de suicide n’était jamais remise [traduction] « directement aux parents », mais qu’il fallait toujours la conserver pendant une certaine période de temps après le décès.Note de bas de page 2660 Selon le point de vue qu’il a exprimé, il n’était pas acceptable que la note ait été gardée pendant 14 mois, mais il ne croyait pas que le fait de l’avoir retenue initialement constituait une erreur, même si cela signifiait que les Fynes n’avaient pas été informés des volontés de leur fils concernant ses funérailles.Note de bas de page 2661 Il a précisé qu’il aurait été dangereux de divulguer les souhaits exprimés dans la note de suicide avant que la possibilité d’un acte criminel ait été écartée.Note de bas de page 2662

173. Lors d’un entretien ultérieur avec le Maj Parkinson, le Maj Dandurand a également fait les commentaires suivants :

[traduction]

MAJ DANDURAND : [...] Le problème, c’est qu’il y a bel et bien eu une reconnaissance de la part du SNE, vous savez quoi, qu’on aurait dû procéder un examen des pièces à conviction au moins à la conclusion du dossier, et nous aurions été en mesure de leur remettre la note à ce moment. Je crois que le dossier a été conclu dans les premiers trois mois.

Au moment où il est établi qu’un acte criminel peut être écarté -- [...] nous acceptons et nous avons changé nos pratiques que, oui, effectivement, c’est à ce moment-là.

La partie où je pense qu’il n’y aurait eu aucune incidence sur l’organisation des funérailles est que la détermination de l’absence de tout acte criminel n’avait pas encore été faite au moment des funérailles.

[…]

Et nous avons expliqué ça longuement et je vous explique cela maintenant parce que vous êtes toujours en contact avec Shaun et Sheila Fynes, et, drôlement -- pas drôlement, mais curieusement ça refait surface encore, même si nous leur avons déjà expliqué cela à deux reprises. [...]

Le problème est que, jusqu’à ce que cette détermination soit faite, [la note] est considérée comme un élément de preuve qui ne peut être divulgué, du point de vue de l’enquête de police. C’est peut-être frustrant pour la famille, mais s’il y avait eu un acte criminel, s’il y avait eu un acte criminel et que la note avait été falsifiée – [...] et qu’ils avaient alors agi sur cette base pour les funérailles – [...] ça aurait pu être tout aussi traumatisant. Ouais.

[...] Mais c’est comme...tant que nous acceptons que les circonstances, et je les ai décrites. Ce qui s’est passé, inacceptable -- [...] et nous avons changé cela. Cela ne se reproduira pas.

Ce qu’ils insinuent, qu’ils auraient dû être informés tout de suite --

MAJ PARKINSON : N’arriverait jamais.

MAJ DANDURAND : -- Je ne suis pas --

MAJ PARKINSON : Très peu probable.

MAJ DANDURAND : -- tout à fait sûr. Ce n’est pas une chose dans laquelle nous pouvons nous faire coincer, sur quoi on peut nous faire reculer, car ce n’est pas sain pour l’intérêt de l’enquête.Note de bas de page 2663 [Caractères gras ajoutés]

174. Dans leur témoignage, les Fynes ont indiqué clairement qu’ils n’avaient pas accepté les explications fournies par le Maj Dandurand.Note de bas de page 2664 Ils les ont essentiellement considérées comme des justifications après le fait, pour avoir omis de leur divulguer la note.Note de bas de page 2665 M. Fynes a déclaré que sur la base de son propre examen des dossiers du SNEFC, il ne croyait pas [traduction] « qu’il y avait eu un examen légitime de cette note au-delà de la trouver et de la cacher ».Note de bas de page 2666 Mme Fynes a déclaré que les membres du SNEFC [traduction] « essayaient de justifier » leur défaut de divulguer la note et elle a fait le commentaire suivant : [traduction] « il y avait beaucoup de verbiage et beaucoup d’excuses ».Note de bas de page 2667 Quand ils ont pris connaissance des observations faites au Maj Parkinson en écoutant l’enregistrement de l’entrevue, les Fynes ont été très offensés et ont qualifié les commentaires de [traduction] « très désobligeants », ce qui les a amenés à douter de la sincérité des regrets et de l’empathie exprimés par le Maj Dandurand lors de leur rencontre.Note de bas de page 2668 Mme Fynes a dit lors de son témoignage :

[traduction]

Comme il l’a alors dit, leur justification pour retenir la note était qu’ils devaient enquêter sur un acte criminel. Cela a été considéré comme un suicide dans les premières deux minutes et demi, je pense, après que l’on ait trouvé Stuart. Ils attendaient le rapport de toxicologie qui, je crois, est arrivée aux alentours de mai. Leur dossier a été fermé en juin.

J’ai lu beaucoup de documents concernant l’enquête sur la mort de Stuart et je n’ai pas encore vu quoi que ce soit qui constitue même le début d’une enquête sur l’éventualité qu’il aurait pu être assassiné. Ce n’est tout simplement pas là. Tout le monde savait que c’était un suicide, donc je ne vois nulle part qu’il y avait une quelconque justification pour que cette note soit retenue une seule minute.Note de bas de page 2669

175. En 2011, lorsque les Fynes ont demandé, [traduction] « Pourquoi le SNE ne comprend-t-il toujours pas qu’il n’y avait pas de justification légitime pour la dissimulation et la rétention abusive d’une note de suicide écrite par Stuart? », la réponse suivante a été préparée initialement par le détachement de la RO :

[traduction]

Cette question a été posée, elle a fait l’objet d’une réponse, et des excuses ont été présentées à la famille à deux reprises pour cette situation. Alors que la lettre aurait dû être remise à la famille (c.-à–d. à l’exécuteur testamentaire) à la conclusion de l’enquête, après un examen des éléments de preuves détenus, elle aurait été remise seulement après que l’on ait déterminé qu’elle n’avait aucune incidence sur l’enquête (c.-à–d. après avoir écarté un acte criminel, ou la pertinence de la note à cet égard). Au cours de l’entrevue avec les parents, il était clair qu’ils croyaient que cette note aurait dû être immédiatement mise à leur disposition et ils n’étaient pas d’accord avec l’explication fournie.Note de bas de page 2670 [Caractères gras ajoutés]

176. Bien que cette réponse n’ait finalement pas été transmise aux Fynes sous cette forme,Note de bas de page 2671 elle illustre le désaccord continu entre le SNEFC et les Fynes sur ce qui a été mal fait exactement, et à quel moment il aurait fallu présenter des excuses.

177. Tant dans leur témoignage que dans les allégations qu’ils ont faites devant la Commission, les Fynes ont également maintenu que l’une des « justifications erronées » fournies pour expliquer ou justifier les actions du SNEFC, était que la note de suicide devait être conservée après l’enquête parce qu’« il pourrait y avoir un appel »Note de bas de page 2672 Selon les allégations, cette déclaration aurait été faite lors d’une rencontre avec les membres du SNEFC.Note de bas de page 2673 Les relevés de notes des trois rencontres des Fynes avec le SNEFC ne contiennent aucune mention de la possibilité d’un appel.Note de bas de page 2674 La première rencontre n’a pas été enregistrée dans son intégralité.Note de bas de page 2675 Cependant, le Matc McLaughlin, qui était présent, ne pensait pas qu’il y avait eu une discussion quelconque sur la nécessité de conserver la note de suicide dans l’éventualité d’un appel, puisque cela ne s’appliquait pas dans ce cas, étant donné qu’aucune accusation n’avait été portée.Note de bas de page 2676 Le cplc David Mitchell, qui était présent lors des rencontres ultérieures, ne se rappelait pas non plus d’une quelconque discussion à ce sujet au cours des rencontres ou dans ses interactions avec les Fynes.Note de bas de page 2677 Comme l’a souligné M. Fynes lors de son témoignage, une politique exigeant la conservation de la preuve en cas d’appel avait été mentionnée par les FC dans l’une des réponses écrites aux Fynes en 2011.Note de bas de page 2678 La mention avait été incluse dans la réponse portant sur les raisons de ne pas retourner les pièces saisies à la fin de l’enquête – ce qui techniquement inclurait la note de suicide – mais pas dans la réponse liée spécifiquement à l’omission de divulguer la note de suicide.Note de bas de page 2679

178. Bien qu’il ne semble pas qu’il y ait eu une référence directe à la possibilité d’un appel pour justifier l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge, il est clair que la plupart des explications fournies aux Fynes ne sont pas tout à fait exactes, et certaines d’entre elles semblaient viser à justifier au moins quelques-unes des actions des membres du SNEFC dans le traitement de la note de suicide. En conséquence, il n’est pas surprenant que les Fynes soient restés avec l’impression générale que le SNEFC avait exprimé davantage de justifications que de regrets. Le fait que le SNEFC n’ait pas fourni d’excuses officielles aux Fynes immédiatement après la découverte de la note n’a pas aidé non plus.

179. À la lumière de ce qui s’est passé, les Fynes aurait dû recevoir des excuses plus officielles et en temps opportun. Tout d’abord, le SNEFC aurait dû faire des recherches pour vérifier si la note avait été remise à la famille dès qu’ils avaient été contactés par la CE au début de 2009. Immédiatement après avoir appris que la note n’avait pas été divulguée, des excuses officielles auraient dû être présentées aux Fynes par le GPFC ou son délégué, ou par le commandant du SNEFC. Le SNEFC aurait dû également offrir de remettre immédiatement la note de suicide originale aux Fynes en main propre. Enfin, des mesures auraient dû être prises sans délai pour savoir exactement ce qui s’était passé et fournir les explications nécessaires aux Fynes. À tout le moins, cela aurait dû faire l’objet d’autant d’attention que celle accordée aux aspects liés aux relations publiques dans cette affaire.

Révision des politiques et procédures

180. Dans toutes les déclarations produites pour le public et la plupart de ses communications avec les Fynes, le SNEFC a toujours maintenu que les politiques et les procédures avaient été révisées pour faire en sorte que la non-divulgation d’une note de suicide ne se reproduise pas. Pourtant, les témoignages entendus devant la Commission révèlent qu’il n’y avait pas, au sein du SNEFC, une compréhension claire et cohérente des politiques et des procédures qui s’appliquaient à l’époque, et si elles auraient empêché (ou nécessité) la divulgation de la note de suicide du cpl Langridge. Il n’a pas non plus été possible d’obtenir des réponses claires et cohérentes sur la nature exacte des procédures révisées.

Réponses aux médias et déclarations

181. Toutes les RAM produites par le SNEFC et d’autres organisations au sein des FC concernant la note de suicide contenaient une déclaration à l’effet que les politiques ou les procédures avaient été modifiées à la suite de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge.

182. Dans les premières RAM rédigées par le SOFT après que le problème ait fait surface, la déclaration suivante était incluse :

[traduction]

Une politique antérieure stipulait que tous les éléments de preuve d’une enquête ne pouvaient être remis à la famille du défunt qu’après qu’ils soient libérés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette politique a été modifiée et une copie de la note de suicide a été remise à la famille.Note de bas de page 2680 [Caractères gras ajoutés]

183. La version corrigée de la RAM produite par l’OAP du SNEFC contenait des affirmations similaires, mais avec plus de détails.Note de bas de page 2681 La section des renseignements généraux indiquait :

[traduction]

Le SNEFC avait recueilli la note comme élément de preuve et, initialement, ne pouvait pas la divulguer, en conformité avec les politiques en vigueur qui interdisent la divulgation informelle de ces renseignements aux membres de la famille sans passer par le processus d’accès à l’information. Récemment, en consultation avec la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, la famille, incluant le deuxième plus proche parent, peut demander le contenu des enquêtes du SNEFC par l’entremise de leur officier désigné. Bien que les documents doivent encore être expurgés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la famille n’est plus tenue de présenter une demande officielle en vertu des lois sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels.Note de bas de page 2682 [Caractères gras ajoutés]

184. Dans la section des questions et réponses, la déclaration suivante était incluse :

[traduction]

Au moment de l’enquête, la politique stipulait que tous les éléments de preuve d’une enquête ne pouvaient être divulgués à la famille qu’en passant par le processus de la Loi sur l’accès à l’information.Note de bas de page 2683 [Caractères gras ajoutés]

185. Environ deux semaines plus tard, les RAM ont été modifiées à la demande du lcol Sansterre.Note de bas de page 2684 L’explication au sujet des politiques applicables était différente, mais la déclaration indiquant que les politiques avaient été modifiées est demeurée. Les parties pertinentes de la section des renseignements généraux des RAM du SOFT indiquaient maintenant :

[traduction]

Le SNEFC a recueilli la note comme élément de preuve et n’en a malheureusement pas remis une copie à la famille immédiatement. Le SNEFC a, depuis, révisé ses procédures pour s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise pas.Note de bas de page 2685 [Caractères gras ajoutés]

186. Les politiques d’accès à l’information étaient abordées séparément, dans le cadre des déclarations sur les procédures d’accès aux rapports d’enquête du SNEFC, mais non en lien avec la divulgation de la note de suicide.Note de bas de page 2686 Dans la section des questions et réponses, l’information suivante a été ajoutée :

[traduction]

Q1. Pourquoi cela a-t-il pris 14 mois avant que la famille du cpl Langridge reçoive une copie de sa note de suicide?

A1. Le SNEFC a recueilli la note comme élément de preuve et n’en a malheureusement pas remis une copie à la famille immédiatement. Le SNEFC a, depuis, révisé ses procédures pour s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise pas. Une copie de la note aurait dû être fournie à la famille immédiatement, et l’original remis après la fin de l’enquête. Le SNEFC regrette la situation et a révisé ses procédures pour s’assurer que cela ne se reproduise pas.

La principale préoccupation des enquêteurs du SNEFC est d’aider les victimes (dans le cas de la mort d’un membre des FC, la famille), tout en préservant l’intégrité de l’enquête.Note de bas de page 2687 [Caractères gras ajoutés]

187. Dans les RAM spécifiques au SNEFC mises à jour simultanément,Note de bas de page 2688 les mêmes réponses ont été incluses, et l’un des « messages clés » était :

[traduction]

Le SNEFC a révisé ses procédures à l’égard de la divulgation de documents tels que les notes de suicide pour s’assurer que ce type de situation ne se reproduise pas.Note de bas de page 2689 [Caractères gras ajoutés]

188. Les RAM du SNEFC renfermaient également du contenu supplémentaire :

[traduction]

Si l’on insiste sur la procédure habituelle en ce qui a trait aux notes de suicide

Une copie de la note de suicide devrait être remise à la famille le plus tôt possible, à moins que cela ne risque de compromettre l’intégrité de l’enquête. La principale préoccupation des enquêteurs du SNEFC est d’aider les victimes (dans le cas de la mort d’un membre des FC, la famille), tout en préservant l’intégrité de l’enquête.Note de bas de page 2690 [Caractère gras dans l’original]

189. Le message indiquant que le SNEFC avait révisé ses procédures pour s’assurer que cette situation ne se reproduise pas a été inclus dans toutes les RAM ultérieures du SNEFC et des FC.Note de bas de page 2691 Il a été répété à chaque fois que le SNEFC s’est adressé aux médias et a été cité dans les articles publiés sur la question.Note de bas de page 2692 En octobre 2010, il figurait dans la déclaration publique faite par le CEMD au sujet de l’affaire.Note de bas de page 2693 La section pertinente, qui avait été préalablement approuvée par le GPFC, se lit comme suit :

[traduction]

J’aimerais également souligner que le Grand prévôt des FC regrette profondément d’avoir tardé à diffuser la lettre de suicide du cpl Langridge et que depuis le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) a revu ses procédures pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.Note de bas de page 2694 [Caractères gras ajoutés]

190. Lorsque cette Commission a amorcé son enquête d’intérêt public sur cette affaire en mai 2011, le message a de nouveau été inclus dans les mises à jour des RAM produites à l’époque.Note de bas de page 2695

191. Le SNEFC et ses membres ont également fait des déclarations au sujet de la révision des politiques et des procédures dans d’autres contextes. Lorsque le Maj Dandurand a rencontré les Fynes en novembre 2009, il a affirmé que les processus, les politiques et les procédures avaient été modifiés :

[traduction]

MAJ DANDURAND : [...] Il y a un domaine que vous avez mentionné, dès le début, et nous ne l’avons pas encore abordé : la note de suicide. D’accord?

La note de suicide -- Sheila, vous avez dit dans votre entrevue avec Matt, Matt Ritco [sic] que s’il y a quelque chose, ce que vous espérez, c’est que --

Mme FYNES : Il y ait des changements.

MAJ DANDURAND : Des changements.

M. FYNES : Que quelque chose de bon ressorte de cela.

Mme FYNES : Oui.

MAJ DANDURAND : J’espère -- j’espère vraiment que vous pourrez tirer une certaine satisfaction de ça, qu’il y a eu des changements à la suite de cela. Et je vais vous décrire ces changements. Tout d’abord, à l’époque, nous avions une politique où nous faisions juste -- nous ne divulguions pas toutes ces notes...Note de bas de page 2696 [Caractères gras ajoutés]

192. Lors d’une rencontre subséquente en mars 2010, le Maj Dandurand a dit aux Fynes que tout ce que le SNEFC pouvait faire au sujet de l’omission de divulguer la note suicide de leur fils était de [traduction] « corriger la situation pour l’avenir, et nous l’avons fait ».Note de bas de page 2697 Il a déclaré :

[traduction]

Je ne peux même pas arriver à décrire la quantité de discussions qui ont eu lieu autour de cela en vue de rectifier les choses.

Quelle est la prochaine mesure de politique à ce sujet? Et maintenant, nous l’avons.Note de bas de page 2698 [Caractères gras ajoutés]

193. En janvier 2011, l’information suivante a été fournie aux Fynes par le SNEFC (par le col Gérard Blais) en réponse à leur question sur l’omission de divulguer la note de suicide de leur fils :

[traduction]

Alors que la lettre aurait dû être remise à la famille (c.-à–d. à l’exécuteur testamentaire) à la conclusion de l’enquête, après un examen des éléments de preuves détenus, elle aurait été remise seulement après que l’on ait déterminé qu’elle n’avait aucune incidence sur l’enquête (c.-à–d. après avoir écarté un acte criminel, ou la pertinence de la note à cet égard). [...]

De toute évidence, la divulgation d’une telle note 14 mois après le décès ne correspond pas à la pratique normale et le SNEFC a officiellement présenté ses excuses à la famille pour cette omission. Il a également expliqué que cet événement a conduit à la révision et au « resserrement » de l’instruction permanente d’opération traitant de ce sujet. La probabilité que cela se reproduise est encore plus mince.Note de bas de page 2699 [Caractères gras ajoutés]

Quand et comment les procédures ont-elles été révisées?

194. Le lcol Sansterre a déclaré que l’une des premières mesures qu’il a prises lorsqu’il a appris l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge a été d’ordonner qu’une instruction permanente d’opération (IPO) sur les enquêtes de mort subite et les interactions avec la famille soit rédigée pour le SNEFC.Note de bas de page 2700 Auparavant, le SNEFC n’avait pas d’IPO sur ces questions.Note de bas de page 2701 Selon le lcol Sansterre, la rédaction de l’IPO aiderait à déterminer le moment approprié pour informer les familles de l’existence d’une note de suicide. Il a indiqué dans son témoignage :

[traduction]

C’est pourquoi l’IPO a été rédigée. Quel est le meilleur moment, et initialement, lorsque vous rencontrez la famille pour la première fois, quel type de renseignements fournissez-vous? L’objectif était de déterminer les meilleures pratiques et de les présenter en détail dans cette IPO.Note de bas de page 2702 [Caractères gras ajoutés]

195. Le lcol Sansterre a chargé le commandant du détachement de la région de l’Atlantique (RA) de la rédaction de l’IPO au début de juin 2009.Note de bas de page 2703 Il devait commencer à travailler immédiatement à la collecte de renseignements sur les meilleures pratiques dans d’autres forces de police et détachements du SNEFC et à la rédaction de l’IPO.Note de bas de page 2704 Le 22 juin 2009, il a demandé l’avis de ses collègues des autres détachements sur leurs expériences passées et les meilleures pratiques pour la conduite des séances d’information avec les familles.Note de bas de page 2705 Le 4 août 2009, il a fourni une mise à jour et indiqué qu’une ébauche serait prête d’ici deux semaines.Note de bas de page 2706 En novembre 2009, il a fait une présentation sur les questions non résolues aux membres de l’état-major et de la chaîne de commandement du détachement, mais il travaillait toujours sur l’ébauche de l’IPO qui devait être envoyée au QG du SNEFC.Note de bas de page 2707 Au début de 2010, l’ébauche de l’IPO n’était pas encore terminée. Le sgt Scott Shannon, qui travaillait au sein de la RA à l’époque, a été invité à fournir des commentaires et à participer à l’élaboration d’une annexe portant sur les séances d’information avec la famille.Note de bas de page 2708 En avril 2010, une ébauche révisée de l’IPO a été remise au commandant adjoint du SNEFC.Note de bas de page 2709 L’IPO n’a été finalisée qu’en octobre 2010.Note de bas de page 2710 Plus d’un an s’était alors écoulé depuis la découverte de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge.

196. Le lcol Sansterre a déclaré qu’il n’était pas préoccupé par le retard à finaliser l’IPO, compte tenu des autres tâches incombant au commandant du détachement de la RA et de la quantité de travail nécessaire à la préparation de cette IPO.Note de bas de page 2711 La preuve déposée devant la Commission montre que le processus d’élaboration d’une IPO peut être long et complexe, impliquant généralement la recherche des meilleures pratiques, un examen juridique et la traduction.Note de bas de page 2712 Selon le lcol Delaney, qui a remplacé le lcol Sansterre comme commandant du SNEFC en avril 2011,Note de bas de page 2713 le temps requis dépend d’un certain nombre de facteurs, y compris la charge de travail des membres concernés et le niveau de priorité accordé à la question.Note de bas de page 2714 Dans ce cas particulier, plusieurs ébauches ont été préparées, discutées et distribuées.Note de bas de page 2715

197. L’IPO finale promulguée en octobre 2010 était un document de 55 pages offrant des lignes directrices sur la conduite des enquêtes sur la mort subite, le traitement des scènes de décès, la collecte des éléments de preuve, la conduite des recherches aux alentours et des entrevues avec des témoins, l’examen des rapports d’autopsie et la conduite des séances d’information avec la famille.Note de bas de page 2716 Une annexe de sept pages consacrée à ces séances d’information renfermait des listes détaillées des points à examiner, vérifier, préparer et discuter lors des rencontres avec les familles.Note de bas de page 2717 Cependant, il n’y avait aucune mention de la divulgation des notes de suicide dans l’IPO ou dans l’annexe sur les séances d’information avec la famille.

198. Certains des points abordés dans l’IPO pourraient être considérés comme ayant un lien avec la divulgation des notes de suicide. La liste des points à prendre en considération dans la préparation de la séance d’information initiale avec la famille comprenait « le retour des objets personnels à l’issue de l’enquête, si possible », et les points à aborder au cours de la dernière séance d’information comprenaient l’examen des lieux et les éléments de preuve recueillis.Note de bas de page 2718 Une directive générale y était incluse en vue d’assurer que les renseignements diffusés au cours des séances d’information se limitaient au [traduction] « processus d’enquête et non à une activité liée à une enquête en cours », ce qui signifie que les détails d’une enquête ne devaient pas être discutés.Note de bas de page 2719 Toutefois, les personnes qui ont témoigné devant la Commission étaient unanimes à dire qu’aucun de ces points ne concernait la divulgation des notes de suicide, puisque ce sujet n’était tout simplement pas soulevé dans l’IPO.Note de bas de page 2720

199. Ce n’est pas avant juillet 2011, plus de deux ans après que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge ait été découverte, qu’une mention explicite de la divulgation des notes de suicide a été ajoutée à l’IPO.Note de bas de page 2721 À l’époque, le Maj Bolduc a expliqué qu’un examen annuel des IPO était en cours lorsque l’agent administratif, le Capt David Dey, avait suggéré que ce serait une bonne idée [traduction] « d’inclure la remise d’une copie de la note du défunt à la famille (dans les cas reconnus comme étant un suicide) dans l’IPO 237 » Note de bas de page 2722 Le Maj Bolduc a donné son accord, notamment parce qu’il a réalisé que plusieurs des membres de la chaîne de commandement qui étaient au courant de la question de la note de suicide dans ce cas avaient accepté d’autres fonctions ou étaient sur le point de passer à un autre poste.Note de bas de page 2723 Le Maj Bolduc a alors immédiatement procédé à la rédaction d’un court paragraphe, qui a été incorporé dans l’IPO avant la fin du mois.Note de bas de page 2724 Il se lit comme suit :

[traduction]

Toute note de suicide trouvée en présence d’une personne décédée est saisie dans le cadre de l’enquête criminelle sur la mort subite. À la conclusion de l’enquête, la note de suicide doit être remise au plus proche parent (PPP). En outre, le PPP doit être informé de l’existence de la note dès qu’il est pratique de le faire, et elle doit lui être remise, ou à la personne concernée, dès qu’elle n’est plus nécessaire à l’enquête.Note de bas de page 2725 [Caractères gras ajoutés]

200. Étant donné que le SNEFC avait commencé à faire des déclarations publiques en juin 2009 indiquant qu’il avait déjà révisé ses procédures pour s’assurer que l’omission de divulguer la note ne se reproduise pas – et que le Maj Dandurand avait fait des déclarations similaires aux Fynes en novembre 2009 – la question suivante se pose : Quelles modifications ont été apportées aux procédures du SNEFC entre juin 2009 et juillet 2011?

201. Le lcol Sansterre et le lcol Delaney ont tous les deux dit dans leur témoignage que des directives verbales émises par le commandant du SNEFC pouvaient servir à informer les membres des procédures à suivre ou à couvrir tout laps de temps requis pour l’élaboration ou la révision des IPO.Note de bas de page 2726 Le lcol Sansterre a expliqué qu’il n’était pas nécessaire que les procédures policières soient écrites pour être communiquées aux membres et appliquées.Note de bas de page 2727

202. Le lcol Delaney a indiqué que, pour des raisons pratiques, les directives verbales font généralement l’objet d’un suivi ou sont transmises par courriel [traduction] « pour s’assurer que l’information est diffusée en temps opportun », d’autant plus que les membres sont souvent en déplacement.Note de bas de page 2728 Il a aussi déclaré qu’il voudrait saisir l’essentiel de toute « instruction explicite » qu’il aurait donné dans un message écrit, notamment dans les cas où l’instruction représente « un écart par rapport à ce que nous faisons actuellement », est de nature technique ou touche une question particulièrement importante.Note de bas de page 2729 Le lcol Sansterre, pour sa part, a dit dans son témoignage que plusieurs procédures étaient communiquées verbalement aux enquêteurs, en particulier durant la formation ou lors des discussions portant sur la gestion des cas.Note de bas de page 2730

203. Les dossiers du SNEFC ne renferment aucune trace de correspondance, d’instructions, de directives ou de matériel d’enseignement ou de formation sur la procédure à suivre pour la divulgation des notes de suicide entre juin 2009 et juillet 2011.Note de bas de page 2731 Cependant, le lcol Sansterre, le Maj Bolduc et le Maj Dandurand ont tous affirmé dans leur témoignage que la question avait été longuement débattue, et ont déclaré à la Commission que les membres des détachements avaient été informés des problèmes survenus dans ce dossier et de la nécessité de s’assurer que cela ne se reproduise pas à nouveau, et qu’ils avaient reçu des instructions sur la procédure à suivre à l’avenir.Note de bas de page 2732 Notamment, le lcol Sansterre a affirmé qu’il avait abordé la question au début de juin 2009, lors d’une conférence des commandants de détachement réunissant des cadres supérieurs et les officiers commandants du QG du SNEFC et de tous les détachements.Note de bas de page 2733 Il a noté que ce sujet figurait [traduction] « parmi les premiers à l’ordre du jour », puisqu’il prenait l’affaire très au sérieux.Note de bas de page 2734 Il a donné une directive, [traduction] « avec prise d’effet immédiate », concernant le traitement des notes de suicide dans les cas à venir :

[traduction]

J’ai ordonné que, dès que cela était possible, les membres de la famille sachent au moins que la note existe, et qu’on leur fournisse soit une copie soit l’original, dès qu’il est possible de le faire.Note de bas de page 2735 [Caractères gras ajoutés]

204. À l’époque, le lcol Sansterre a également dit aux membres que les notes de suicide devaient être divulguées, et les familles informées, dès que les notes ne constituaient [traduction] « plus des éléments de preuve ».Note de bas de page 2736 Il a expliqué qu’il y avait eu ensuite des discussions sur le moment opportun d’informer la famille.Note de bas de page 2737 La directive du lcol Sansterre précisait qu’il fallait remettre une copie de la note à la famille [traduction] « dès qu’il était possible de le faire sans compromettre l’enquête ».Note de bas de page 2738 Cependant, il n’a pas donné d’orientation précise quant au moment où remettre l’original ou aviser la famille de l’existence de la note, parce que [traduction] « chaque cas est unique ».Note de bas de page 2739

205. Pour sa part, bien qu’il se souvenait de plusieurs discussions sur cette question au QG et au cours de téléconférences et de conférences avec les commandants de détachement, le Maj Bolduc, ne pouvait se rappeler précisément si la note de suicide avait été discutée lors de la conférence de juin 2009, ou s’il y avait eu une discussion à cette occasion sur la procédure à suivre en attendant que l’IPO soit rédigée.Note de bas de page 2740 Il n’avait également aucun souvenir précis de la directive exacte émise par le lcol Sansterre au sujet du traitement des notes de suicide.Note de bas de page 2741 Le Maj Bolduc s’est rappelé des discussions portant sur l’évaluation du moment opportun pour remettre une note de suicide, ou sur la signification précise de l’expression [traduction] « dès que possible », une fois qu’il avait été déterminé que la note n’était plus nécessaire aux fins de l’enquête.Note de bas de page 2742 Il se rappelait aussi de nombreuses discussions au cours desquelles le commandant avait fait comprendre à tous qu’il ne voulait pas que l’omission de divulguer une note de suicide se reproduise.Note de bas de page 2743

206. Dans son témoignage, le lcol Sansterre a expliqué que même s’il ne l’avait pas mise par écrit, la directive qu’il avait donnée au sujet de la divulgation la plus hâtive possible des notes de suicide [traduction] « serait devenue une procédure » à partir du moment où la question avait été discutée à la conférence des commandants de détachement en juin 2009.Note de bas de page 2744 Il a ajouté que la question de la divulgation des notes de suicide et la directive qu’il avait donnée ont continué à être discutées durant la plupart des téléconférences des commandants de détachement et des autres conférences des commandants de détachement au cours de l’année qui a suivi.Note de bas de page 2745

207. Le lcol Sansterre a expliqué qu’il comptait sur les commandants de détachement pour qu’ils comprennent ses instructions et les transmettent à leurs subordonnés.Note de bas de page 2746 Il ne s’attendait pas à ce que ceux qui avaient reçu sa directive la mettent par écrit, mais il pensait que des registres existeraient dans les comptes rendus des conférences des commandants de détachement et de téléconférences, en ajoutant qu’une fois l’IPO rédigée, [traduction] « ce serait clairement énoncé dans l’IPO ».Note de bas de page 2747 Il s’est avéré que les comptes rendus des conférences des commandants de détachement et des téléconférences renfermaient des références générales sur l’élaboration de l’IPO portant sur les rencontres avec les familles, mais aucune référence sur la divulgation des notes de suicide.Note de bas de page 2748 Et, à première vue, l’IPO elle-même ne fait pas non plus mention de la divulgation des notes de suicide.

208. Dans son témoignage, le Maj Bolduc a expliqué qu’il ne pensait pas qu’il était nécessaire que les procédures à suivre pour la divulgation des notes de suicide soient mises par écrit alors que l’IPO était en cours de révision, ou même qu’elles soient incluses dans l’IPO, parce que la question avait été discutée « de long en large », la chaîne de commandement avait « répondu à la question », le sujet était frais à l’esprit de tout le monde, la « leçon était vraiment ancrée » et tout le monde « avait compris le message ».Note de bas de page 2749 Il a indiqué que le paragraphe qu’il avait ajouté à l’IPO en juillet 2011 était généralement conforme à l’orientation déjà fournie et comprise par tous.Note de bas de page 2750 Le lcol Sansterre était également convaincu que le message avait été bien saisi, et il n’était pas préoccupé par l’absence de mention de la divulgation des notes de suicide dans l’IPO de 2010.Note de bas de page 2751 Il a déclaré que la nouvelle IPO avait été conçue pour répondre à tous les aspects de [traduction] « l’interaction avec les familles » et n’était pas « une IPO traitant spécifiquement des notes de suicide ».Note de bas de page 2752 Il a expliqué :

[traduction]

Eh bien, je veux dire, l’IPO n’était pas centrée sur les notes de suicide. L’IPO était axée sur la mort subite et sur la façon de traiter avec les familles ou les victimes d’une mort subite. Le fait qu’elle n’ait pas été mentionnée ici ne signifie pas que nous n’avons pas accordé une attention particulière au fait qu’il était question ou non des notes de suicide.

Je vois « Retour des effets personnels à la conclusion de l’enquête ». Nous aurions pu l’inclure là. Les effets personnels comprenaient les montres de la personne, peut-être, et d’autres articles. Nous aurions pu énumérer un tas d’articles, mais cela serait devenu encombrant. Je sais pertinemment que les commandants de détachement savaient que les effets personnels, les biens personnels, incluraient toutes les notes laissées par quelqu’un.Note de bas de page 2753

209. À première vue, cela est difficile à comprendre. La rédaction d’une IPO commandée par le commandant et la haute direction du SNEFC pour aborder la question des rencontres avec la famille était une conséquence directe de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge.Note de bas de page 2754 La rédaction de cette IPO a été considérée comme l’une des mesures prises pour assurer que l’omission de divulguer ces notes ne se reproduise plus.Note de bas de page 2755 Pourtant, lorsqu’il s’est avéré un an plus tard que l’IPO avait complètement escamoté la question de la divulgation des notes de suicide, les mêmes membres de la haute direction du SNEFC ont affirmé dans leur témoignage qu’il n’était pas nécessaire d’en faire état à tout événement. Pour donner un sens à cela, deux points doivent être compris. Premièrement, les politiques ou les procédures antérieures n’ont pas été perçues par la chaîne de commandement du SNEFC comme étant à l’origine de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge. Deuxièmement, le suivi au cas par cas pratiqué par la chaîne de commandement à la suite de l’incident était considéré comme la mesure la plus importante et la plus efficace prise pour remédier à la situation, ce qui rend les révisions en profondeur des politiques ou des procédures moins urgentes ou nécessaires.

210. Malgré les discussions sur la révision des procédures, il est clair que personne ne pensait que la note de suicide du cpl Langridge avait été retenue dans ce cas en raison des politiques et des procédures qui s’appliquaient à l’époque. Alors que la chaîne de commandement du SNEFC n’a jamais établi exactement ce qui s’était passé, personne ne croyait qu’une politique ou une procédure existante avait empêché la divulgation de la note de suicide pendant 14 mois. Les témoignages du lcol Sansterre et du Maj Bolduc ont été clairs sur ce point. Ils ont tous deux indiqué que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge avait été une [traduction] « erreur » commise dans ce cas, et « non une erreur avec les politiques ».Note de bas de page 2756 Ils ont également tous les deux affirmé à plusieurs reprises dans leur témoignage qu’il n’y avait jamais eu de politique, de pratique ou de procédure [traduction] « interdisant de remettre une note de suicide à une famille ».Note de bas de page 2757 En conséquence, le lcol Sansterre a expliqué qu’il [traduction] « ne s’agissait pas de changer une pratique. C’était une situation qui s’était produite ».Note de bas de page 2758

211. Seul le Maj Dandurand semblait croire que le fait de conserver la note de suicide était compatible avec les politiques ou les pratiques en vigueur au moment de l’enquête.Note de bas de page 2759 Lors de son témoignage, il a expliqué qu’il avait cru initialement que la politique applicable ou la pratique appropriée était de conserver la note comme élément de preuve pendant une longue période après l’enquête.Note de bas de page 2760 Pour cette raison, et sur la base de ses discussions avec l’adj Ross lors de la conduite de l’examen d’assurance de la qualité, il n’était pas convaincu que le détachement avait fait [traduction] « quoi que ce soit de mal » dans cette affaire et il était catégorique que des mesures disciplinaires auraient été « complètement inappropriées » parce qu’il pensait qu’il n’y avait rien qui indiquait que les enquêteurs avaient « outrepassé la norme », ou omis délibérément de suivre les pratiques normalement appliquées dans le traitement de la preuve.Note de bas de page 2761 Cependant, la compréhension du Maj Dandurand des politiques et des pratiques applicables a finalement changé, et il a reconnu que le défaut de divulguer plus tôt la note de suicide du cpl Langridge avait été une « erreur ».Note de bas de page 2762 Même avant qu’il en arrive à cette nouvelle perception de la divulgation de la note originale, il semblerait qu’il ait toujours été d’avis que l’omission de divulguer l’existence de la note était une erreur. Très tôt, il avait écrit au col Hammond en reconnaissant que la famille [traduction] « aurait au moins dû être informée ».Note de bas de page 2763

212. Afin de résoudre ce qui était perçu comme le véritable problème – c’est-à-dire, s’assurer que d’autres erreurs ne soient pas commises – la mesure la plus importante mise en place avait trait à la gestion des incidents au cas par cas. Après avoir entendu les discussions tenues au cours des conférences des commandants de détachement et des téléconférences sur le mécontentement exprimé par le commandant au sujet de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge et la directive claire qu’il a donnée à l’effet que cela ne se reproduise pas, on pouvait s’attendre à ce que les commandants de détachement, l’adjudant-maître et les gestionnaires de cas suivent les dossiers de près et gèrent les cas de manière à ce que la divulgation des notes de suicide ne soit plus inutilement retardée.Note de bas de page 2764 Pour être sûr que cela se fasse, le QG du SNEFC a décidé de s’impliquer directement. Le lcol Sansterre, lui-même ou par l’intermédiaire du Maj Bolduc, contactait le commandant du détachement à chaque fois qu’une nouvelle enquête sur une mort subite était ouverte et demandait si une note de suicide avait été trouvée et, le cas échant, ce qui serait fait à propos de sa divulgation.Note de bas de page 2765 Cette pratique s’est poursuivie jusqu’en décembre 2011, c’est-à-dire aussi longtemps que le Maj Bolduc est demeuré commandant adjoint du SNEFC, même si le lcol Sansterre avait été nommé à un nouveau poste en avril 2011.Note de bas de page 2766 En conséquence, comme le lcol Sansterre l’a expliqué, les membres du SNEFC chargés d’enquêter sur un suicide – qu’ils aient ou non été au courant de l’affaire Langridge, des directives émises par le commandant ou de l’IPO en cours d’élaboration et promulguée par la suite – connaissaient l’importance accordée à la divulgation des notes de suicide à cause des questions que leur posait leur chaîne de commandement.Note de bas de page 2767

213. Toutefois, comme le Maj Bolduc l’a finalement reconnu lui-même quand il a ajouté le passage sur les notes de suicide dans l’IPO, la gestion de cas ne pouvait à elle seule régler la question de façon permanente. Éventuellement, les personnes en charge changeraient, et pourraient ne pas être sensibilisées au problème. Par conséquent, il était nécessaire de définir la procédure à suivre et de la porter à l’attention de tous. Plus important encore, la capacité du SNEFC de s’assurer que les notes de suicide soient divulguées au moment opportun dépendait elle-même de sa capacité de déterminer ce qui constituait un moment opportun. Le SNEFC devait donc s’assurer que les membres concernés par le choix du moment opportun de divulguer une note de suicide dans un cas particulier – ou ceux chargés de superviser leurs actions – aient une compréhension commune de la façon de déterminer le moment opportun pour la divulgation. Sur ce dernier aspect, les éléments de preuve soumis à la Commission ont montré qu’il y avait des points de vue différents – et parfois contradictoires – parmi les membres du SNEFC et de sa chaîne de commandement. On ne peut dire avec certitude dans quelle mesure cela a changé après la découverte de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge.

Quelles étaient les anciennes procédures?

214. Les membres du SNEFC qui ont témoigné devant la Commission étaient tous d’accord pour dire qu’il n’y avait pas de politiques ou de procédures écrites explicites sur la divulgation des notes de suicide au moment de l’enquête sur la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 2768 Il y avait une politique générale de la PM concernant la gestion des éléments de preuve qui exigeait que toute preuve soit conservée « jusqu’à ce qu’elle ne soit plus requise et/ou jusqu’à ce que l’autorité pour en disposer ait été reçue ».Note de bas de page 2769 La politique énonçait différentes périodes d’attente avant de demander l’autorisation de disposer des pièces saisies lorsque des procédures judiciaires étaient en cours, ou si le propriétaire des articles ne pouvait être identifié, et précisait en outre que : « les éléments de preuves matériels saisis au cours d’une enquête qui n’ont pas servis [sic]de pièces à conviction à l’instance subséquente n’ont pas à être conservées [sic] à titre de preuve ».Note de bas de page 2770

215. Alors que les membres du SNEFC qui ont témoigné à l’audience étaient généralement au courant de cette politique, leurs points de vue sur l’opportunité et la façon de l’appliquer à des notes de suicide différaient sensiblement. Certains pensaient que la politique s’appliquait dans tous les cas et que les notes de suicide devaient toujours être traitées comme les autres éléments de preuve,Note de bas de page 2771 tandis que d’autres étaient d’avis que la politique ne s’appliquait que dans certaines circonstances ou pour une certaine période de temps, notamment si la note de suicide [traduction] « devenait un élément de preuve », ou pendant qu’un crime faisait l’objet d’une enquête.Note de bas de page 2772 Un membre a fait remarquer qu’en raison de l’avantage de la divulguer à la famille, la note de suicide ne devait pas nécessairement être traitée comme les autres éléments de preuve.Note de bas de page 2773 Lorsque la politique pouvait s’appliquer – ou s’appliquer pour une certaine période de temps –, les membres avaient des points de vue différents sur le moment où la note devait être divulguée. Certains estimaient que c’était à la fin de l’enquête ou une fois qu’il avait été décidé de ne pas porter d’accusation,Note de bas de page 2774 tandis que d’autres pensaient que c’était plus tôt, notamment lorsque : la note [traduction] « passait d’élément de preuve à renseignement »,Note de bas de page 2775 ou lorsque l’information reçue indiquait clairement que la mort était un suicide,Note de bas de page 2776 lorsqu’il avait été établi que la note n’était plus pertinente ou nécessaire à l’enquête,Note de bas de page 2777 lorsque la possibilité d’un acte criminel avait été écartée,Note de bas de page 2778 ou lorsque la note n’avait plus de valeur probante en tant qu’indice d’un acte criminel.Note de bas de page 2779

216. Outre leurs points de vue sur l’applicabilité des politiques régissant la preuve aux décisions relatives à la remise des notes de suicide originales, les membres interprétaient aussi différemment la pratique ou la procédure applicable pour déterminer le moment de divulguer l’existence et le contenu de ces notes. Le lcol Garrick, qui était le commandant du SNEFC à l’époque, pensait que l’existence de la note devait être communiquée [traduction] « immédiatement ».Note de bas de page 2780 Selon lui, le contenu ou une copie de la note devait aussi généralement être divulgué [traduction] « sans délai », à moins que l’information incluse ne soit utile à l’enquête en cours.Note de bas de page 2781 Il ne pensait pas que le simple fait de ne pas avoir reçu la confirmation officielle de la cause du décès était suffisant pour retarder la divulgation si les renseignements contenus dans la note n’étaient pas directement utiles à l’enquête.Note de bas de page 2782 L’adjum Watson, le commandant par intérim du détachement à l’époque, était d’avis que l’existence et le contenu de la note pouvaient être divulgués dans les jours suivant le décès, même si l’original était toujours conservé comme élément de preuve.Note de bas de page 2783 Le Maj Bolduc croyait que la pratique était de révéler l’existence et le contenu des notes de suicide une fois qu’il avait été déterminé que la mort était un suicide et que la note n’était plus nécessaire à l’enquête.Note de bas de page 2784 Le Maj Dandurand et le sgt Bigelow estimaient que le moment opportun était lorsque l’hypothèse d’un acte criminel avait été écartée.Note de bas de page 2785 Pour sa part, l’adj Tourout considérait, sur la base de [traduction] « l’expérience et la formation », que la procédure appropriée était de révéler l’existence et le contenu de la note de suicide seulement après avoir « déterminé avec certitude » la cause du décès.Note de bas de page 2786

217. Dans leur témoignage, le lcol Sansterre et le Maj Bolduc ont tous deux insisté sur le fait que la détermination du moment opportun pour divulguer ou remettre une note de suicide dépendait toujours des circonstances particulières du dossier, de l’expérience des enquêteurs et des gestionnaires de cas, et de leur opinion sur la pertinence de la note aux fins de l’enquête.Note de bas de page 2787

218. Certaines des divergences d’opinions entre les membres semblaient reliées à leur compréhension de ce qui était nécessaire pour écarter la possibilité d’un acte criminel. Dans leurs observations finales, les avocats des personnes visées par la plainte soutiennent que la politique du SNEFC en 2008 « stipulait qu’un acte criminel ne pouvait être exclu jusqu’à ce que le rapport du ML ait été reçu ».Note de bas de page 2788 La Commission n’a trouvé aucune preuve documentaire ou témoignage confirmant l’existence d’une telle politique. Sur la base de leurs témoignages, il semble qu’au moins le cplc Ritco et l’adj Tourout croyaient que la possibilité d’un acte criminel n’avait été exclue, dans ce cas, qu’à la toute fin de l’enquête.Note de bas de page 2789 Cependant, rien n’indique que cela était attribuable à une quelconque politique en vigueur à ce moment.

Quelles étaient les nouvelles procédures?

219. L’IPO de 2011 stipulait que l’existence de notes de suicide devait être divulguée [traduction] « dès qu’il est possible de le faire » et que les notes devaient être remises « dès [qu’elles n’étaient] plus nécessaires à l’enquête » ou « à la conclusion de l’enquête ».Note de bas de page 2790 Auparavant, le lcol Sansterre avait ordonné que la divulgation ait lieu [traduction] « dès que possible sans compromettre l’enquête ».Note de bas de page 2791 Le Maj Bolduc croyait que le langage utilisé dans l’IPO de 2011 reflétait cette directive.Note de bas de page 2792

220. Les points de vue sur le moment opportun pour divulguer une note de suicide ont continué à différer après que ces nouvelles procédures aient été mises en place.

221. Le Maj Bolduc croyait que la procédure était de divulguer l’existence et le contenu de la note dès que la possibilité d’un crime avait été écartée, ou qu’il avait été déterminé que la mort était un suicide et que la note n’était plus nécessaire à l’enquête.Note de bas de page 2793 Il a également indiqué que sa compréhension était que la note devait être divulguée une fois que toutes les circonstances qui l’entouraient avaient été éclaircies et qu’il avait été déterminé que la divulgation pouvait avoir lieu « sans nuire à l’enquête ».Note de bas de page 2794 Selon lui, il fallait dans tous les cas attendre que la possibilité d’un acte criminel soit écartée avant même d’informer la famille de l’existence de la note afin de « protéger l’intégrité de l’enquête criminelle qui est en cours ».Note de bas de page 2795 À son avis, un commentaire clair exprimé sur les lieux par le coroner indiquant que tout concordait avec un suicide n’était pas suffisant pour permettre la divulgation immédiate de la note, parce qu’elle ne devrait être divulguée que « quand l’enquêteur est satisfait qu’il n’y a pas de foul play ».Note de bas de page 2796 Son point de vue quant au moment où la note de suicide originale devait être remise était moins clair. Il a indiqué que la politique générale de la PM sur la gestion des éléments de preuve pouvait toujours s’appliquer lorsque la note était considérée comme un élément de preuve.Note de bas de page 2797 Il a affirmé que son intention en rédigeant le paragraphe de l’IPO en 2011 était de faire en sorte que la note originale soit retournée à la fin de l’enquête, mais il a dit également qu’une fois que l’hypothèse d’un acte criminel avait été exclue, la note pouvait être remise peu de temps après ou en même temps que la famille était informée de la note.Note de bas de page 2798

222. Le Maj Dandurand croyait toujours que le moment opportun pour divulguer la note et remettre l’original était lorsque la possibilité d’un acte criminel avait été écartée ce qui, à son avis, devait être au moins corroboré par des rapports informels ou préliminaires sur la cause du décès en provenance du bureau du coroner.Note de bas de page 2799 Il pensait que la divulgation n’aurait pas lieu immédiatement après avoir trouvé la note, mais [traduction] « quelques semaines après le début de l’enquête », à condition que la possibilité d’un acte criminel – ou le rôle ou l’importance de la note à cet égard – ait été écartée.Note de bas de page 2800

223. Le Matc McLaughlin pensait que la procédure était de ne pas divulguer une note de suicide lorsque la possibilité d’un acte criminel était envisagée.Note de bas de page 2801 Selon lui, lorsqu’il n’y avait aucun soupçon en ce sens, la note pouvait être divulguée dès le départ, sans attendre le rapport du ML confirmant la cause du décès.Note de bas de page 2802 Il pensait aussi que même s’il y avait des soupçons, cette décision dépendrait principalement du fait que la divulgation pouvait profiter ou nuire à l’enquête.Note de bas de page 2803

224. Le cplc Ritco croyait qu’en vertu des nouvelles procédures, la note de suicide devait être communiquée une fois qu’elle n’était plus considérée comme une [traduction] « pièce majeure de la preuve » ou qu’elle n’était « plus nécessaire » à l’enquête.Note de bas de page 2804 Il estimait qu’aussi longtemps que la possibilité d’un acte criminel n’avait pas été écartée, le fait de révéler l’existence d’une note de suicide pouvait poser un risque pour l’enquête.Note de bas de page 2805

225. Le lcol Sansterre pensait que la note serait divulguée dès qu’elle ne serait plus requise pour l’enquête, ce qui selon lui se produirait généralement lorsqu’il n’y aurait plus [traduction] « aucun soupçon » que la note puisse avoir été écrite par quelqu’un d’autre.Note de bas de page 2806 Il a indiqué que lorsqu’il n’y avait aucun soupçon qu’un crime avait été commis suite à un examen approfondi de la scène en consultation avec le ML, l’existence et le contenu de la note devaient être divulgués immédiatement.Note de bas de page 2807 Cependant, à son avis, il ne devait y avoir aucune divulgation « s’il y a un doute quelconque, voire un mince soupçon ».Note de bas de page 2808

226. Le lcol Delaney, qui a été commandant du SNEFC durant plus d’un an après que la nouvelle procédure ait été mise en place, a indiqué lors de son témoignage que la pratique consistait à informer la famille de l’existence de la note et à lui en fournir une copie [traduction] « très rapidement ».Note de bas de page 2809 Il a indiqué que cela se faisait généralement avant la fin de l’enquête, tandis que la note originale était souvent conservée jusqu’à la clôture du dossier.Note de bas de page 2810 Il a aussi expliqué que si l’affaire était [traduction] « un suicide classique », l’original pouvait être remis plus tôt, mais qu’il ne serait pas remis immédiatement si l’on soupçonnait un acte criminel.Note de bas de page 2811 Le lcol Frei, qui est devenu commandant du SNEFC en 2012, était d’avis que le moment approprié pour divulguer l’existence et le contenu d’une note de suicide dépendait d’un certain nombre de facteurs, y compris le contenu de la note, les circonstances du décès, le fait que la note puisse avoir une valeur probante et si son authenticité devait faire l’objet d’un examen.Note de bas de page 2812 Il pensait que la note serait divulguée plus tôt si son contenu n’avait aucun lien avec la preuve, et que le but de la nouvelle procédure était de permettre que la divulgation ait lieu avant de recevoir le rapport du ML lorsqu’il n’y avait par ailleurs aucun soupçon sur les circonstances du décès ou l’authenticité de la note.Note de bas de page 2813 À son avis, les décisions concernant le moment de divulguer l’existence et le contenu de la note et le moment de remettre la note originale étaient tout à fait distinctes.Note de bas de page 2814

227. Comme ils l’avaient fait lors de l’examen des pratiques et des procédures antérieures, le lcol Sansterre et le Maj Bolduc ont tous les deux insisté à plusieurs reprises sur le fait que la détermination du moment opportun de divulguer la note de suicide en vertu des nouvelles procédures serait spécifique à chaque dossier.Note de bas de page 2815 En définitive, il revenait aux enquêteurs et aux gestionnaires de cas, à la lumière de leur expérience, de déterminer quel était le meilleur moment dans chaque cas, avec l’approbation de la chaîne de commandement et en sachant clairement qu’ils auraient à fournir une solide justification de toute décision de retarder la divulgation.Note de bas de page 2816 Le Maj Bolduc n’a pas pu fournir une estimation du temps qu’il faudrait au SNEFC pour divulguer une note de suicide en vertu des nouvelles procédures, parce que les facteurs de variation étaient trop importants.Note de bas de page 2817 Il a souligné qu’il ne pouvait pas y avoir de « recette magique » ni d’échéancier fixe, étant donné qu’une directive trop rigide « met[trait] des barrières au travail de l’enquêteur » et nuirait à l’enquête.Note de bas de page 2818 Le lcol Frei était entièrement d’accord sur le fait que la détermination serait [traduction] « très spécifique à chaque cas ».Note de bas de page 2819 Il estimait que toute l’équipe d’enquête et probablement le commandant lui-même y participeraient.Note de bas de page 2820

228. En fin de compte, aucune définition claire des expressions « dès que cela est possible » ou « dès que possible » n’a pu être fournie.Note de bas de page 2821 Différents membres avaient des interprétations différentes – et parfois contradictoires – de ce qui était stipulé dans la « nouvelle » procédure.Note de bas de page 2822

Qu’est-ce qui a changé?

229. À la lumière de ces éléments, on peut se demander quel changement fondamental, le cas échéant, a été apporté lorsque les procédures du SNEFC ont été « révisées ». Tant avant qu’après la révision, les membres du SNEFC ont convenu que le moment opportun pour la divulgation des notes de suicide dépendait des circonstances de chaque cas, et ils étaient en désaccord ou avaient des opinions différentes et contradictoires sur la façon dont la décision devait être prise.

230. Dans la plupart des cas, les points de vue individuels des membres sur les critères à appliquer pour déterminer le moment opportun de divulguer une note de suicide sous les anciennes procédures et les nouvelles procédures étaient les mêmes. Les révisions ne semblent pas avoir changé leur opinion sur la façon de déterminer le moment opportun pour la divulgation d’une note. Le Maj Bolduc pensait que le moment approprié, en vertu des nouvelles procédures, était lorsqu’il avait été déterminé que la mort était un suicide et que la note n’était plus nécessaire pour l’enquête; il a déclaré « c’était ma compréhension aussi des politiques qu’on avait avant ».Note de bas de page 2823 Le Maj Dandurand pensait que le moment approprié pour divulguer une note de suicide sous l’ancienne et la nouvelle procédure était lorsque la possibilité d’un acte criminel avait été écartée.Note de bas de page 2824 Sur ce point, il a déclaré que l’ancienne politique était [traduction] « exactement la même que la nouvelle politique ».Note de bas de page 2825

231. Le lcol Garrick a affirmé que l’IPO de 2011 n’était pas une dérogation à la pratique qu’il s’attendait à voir suivre quand il était commandant du SNEFC en 2008.Note de bas de page 2826 Le lcol Sansterre pensait que l’IPO elle-même représentait une [traduction] « nouvelle politique » parce qu’il n’y avait jamais eu de politique écrite sur ce sujet auparavant.Note de bas de page 2827 Toutefois, il a déclaré dans son témoignage :

[traduction]

La procédure serait-elle différente? Je ne pense pas. Je pense que les procédures sont ce que nous sommes en train d’élaborer en détail. Je ne suis pas au courant d’autres suicides où nous avons retenu la note pour une période de temps aussi longue sans le faire savoir.Note de bas de page 2828 [Caractères gras ajoutés]

232. Le Maj Dandurand croyait que ce qui avait changé n’était pas tant les procédures elles-mêmes que [traduction] « la façon dont nous les appliquons ».Note de bas de page 2829 Il a également indiqué qu’une IPO écrite constituait un nouveau développement et a ajouté que la compréhension du SNEFC du processus de saisie et de restitution des éléments de preuve avait « évolué ».Note de bas de page 2830

233. Pour sa part, le Maj Bolduc a expliqué que la principale différence était le fait que le SNEFC n’avait pas auparavant vécu l’expérience d’omettre de divulguer une note de suicide.Note de bas de page 2831 Maintenant que cela s’était produit, la leçon diffusée était qu’une erreur avait été commise et que cela ne devrait pas se reproduire.Note de bas de page 2832

Les déclarations faites au sujet des procédures étaient-elles exactes?

234. La déclaration la plus souvent faite par le SNEFC après que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge ait été découverte – qui figure dans la déclaration publique du CEMD sur l’affaire – indiquait que le SNEFC [traduction] « a révisé ses procédures pour s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise pas ».Note de bas de page 2833 Le lcol Sansterre a déclaré lors de son témoignage qu’il était [traduction] « extrêmement » et « absolument » satisfait qu’il « s’agissait d’une déclaration véridique et exacte ».Note de bas de page 2834 Il a expliqué :

[traduction]

J’en ai parlé à chacune de ces conférences, et c’est pourquoi j’ai apporté ces documents avec moi. Il y a une perception qu’il y a des gens qui mentent, que ce soit le CEMD ou moi-même, et je prends cela très au sérieux. C’est pourquoi je suis venu ici aujourd’hui, en dehors de mon témoignage prévu plus tard, pour dire que ce n’est pas le cas.Note de bas de page 2835 [Caractères gras ajoutés]

235. Comme la preuve dans la présente procédure l’a démontré, la compréhension des membres du SNEFC sur le fond des « procédures » de divulgation des notes de suicide n’avait pas vraiment changé, et il n’y a eu aucune nouvelle procédure écrite pendant plus de deux ans après que l’omission de divulguer la note de suicide ait été découverte. Toutefois, sur la base de la preuve, il est également clair que lcol Sansterre et la chaîne de commandement du SNEFC croyaient que les procédures avaient été révisées lorsque les déclarations publiques ont été faites.

236. Dans leurs témoignages, le lcol Sansterre, le Maj Bolduc et le Maj Dandurand ont expliqué que les déclarations concernant la révision des procédures impliquaient de se référer aux discussions sur la question et à la « procédure pratique » ou aux « meilleures pratiques » tel qu’il ressortait de la directive émise par le commandant à l’époque, plutôt qu’à des politiques ou des procédures écrites.Note de bas de page 2836 Il ne fait aucun doute que la question a été longuement discutée et que le commandant a bien fait comprendre qu’il ne voulait pas qu’un tel manquement se reproduise. Mais surtout, comme le lcol Sansterre l’a dit dans son témoignage, en pratique, [traduction] « les procédures ont été modifiées à partir du moment où nous l’avons appris », car à partir de ce moment, dans tous les cas, le commandant s’est personnellement engagé à poser des questions sur les notes de suicide et leur divulgation.Note de bas de page 2837 Ce suivi par le QG, plus que l’élaboration des IPO et les directives ou les discussions sur le moment approprié de communiquer les notes de suicide, était ce que la chaîne de commandement considérait comme la révision des procédures. C’était la méthode choisie pour s’assurer que l’omission de divulguer une note de suicide ne se reproduise pas à nouveau, et c’était la raison pour laquelle ils ne voyaient pas la nécessité d’inclure une mention explicite sur les notes de suicide dans la première version de l’IPO.

237. De plus, comme l’a expliqué le lcol Sansterre, bien qu’il n’y ait pas nécessairement eu de changement de fond dans les procédures servant à déterminer le moment approprié de divulguer les notes de suicide – ou même la perception qu’un tel changement était requis – « l’accent » a certainement été mis pour s’assurer que les notes de suicide seraient divulguées dès que possible, et cela a été considéré comme étant la révision des procédures.Note de bas de page 2838 En conséquence, la Commission conclut que les déclarations publiques faites par le SNEFC à propos de la révision de ses procédures n’avaient rien de malhonnête.

238. De même, bien qu’elles auraient pu être plus claires sur ce point, les RAM ne visaient pas à donner l’impression que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge découlait d’un problème de politique plutôt que d’une erreur. Alors qu’elles n’énonçaient pas cela directement, le lcol Sansterre a indiqué dans son témoignage que le message transmis [traduction] « très subtilement » par les RAM en affirmant que, « malheureusement », le SNEFC n’avait pas divulgué initialement la note est que cette omission était le résultat d’une erreur.Note de bas de page 2839 Les OAP ont compris ce message et tant le SOFT que les OAP du SNEFC l’ont transmis aux médias durant les entrevues.Note de bas de page 2840

239. Cependant, il y a eu d’autres déclarations incluses dans les RAM et faites aux Fynes qui ont créé de la confusion et n’ont pas réussi à donner une image complète et exacte de la situation.

240. Tout d’abord, les déclarations contenues dans les versions initiales des RAM à l’effet que les politiques d’accès à l’information avaient empêché la divulgation de la note de suicide n’étaient manifestement pas exactes et n’étaient pas liées aux faits de cette affaire.Note de bas de page 2841 Le lcol Sansterre, le Maj Bolduc et le Maj Dandurand ont tous reconnu que ces déclarations résultaient d’une confusion au sujet du champ de politique pertinent, [traduction] « mélangeaient plusieurs questions » et « mêlaient des pommes avec des oranges ».Note de bas de page 2842 À l’époque, le Maj Bolduc avait exprimé des doutes quant à leur exactitude et demandé qu’elles soient vérifiées.Note de bas de page 2843 Le lcol Sansterre s’est également informé de la question.Note de bas de page 2844 En fin de compte, l’information n’a pas été communiquée aux médias puisqu’une nouvelle version de la RAM a été produite à la demande du lcol Sansterre avant que la première entrevue avec les médias ait lieu.Note de bas de page 2845

241. La déclaration indiquant qu’une copie de la note aurait dû être remise à la famille [traduction] « tout de suite », qui a été communiquée aux médias et publiée,Note de bas de page 2846 est plus problématique. Alors qu’elle correspondait à ce qui aurait dû être fait selon certains membres du SNEFC, elle était loin de faire l’unanimité au sein du SNEFC sur ce qui serait fait – ou devrait être fait – avec une note de suicide; par conséquent, elle n’aurait pas été une représentation fidèle de ce que les membres du public pouvaient légitimement s’attendre que le SNEFC fasse à l’avenir. En particulier, elle n’était pas compatible avec les opinions des membres de la chaîne de commandement à l’époque – le lcol Sansterre, le Maj Bolduc et le Maj Dandurand – qui avaient été consultés lors de la rédaction de la RAM.Note de bas de page 2847

242. Dans son témoignage, le lcol Sansterre a noté qu’à la place des mots [traduction] « tout de suite », il aurait été préférable de dire « dès que nous avons déterminé qu’elle ne compromettrait pas l’aboutissement de l’enquête ».Note de bas de page 2848 Il a ajouté qu’en réalité, à chaque fois qu’une note de suicide était saisie par le SNEFC, il y avait des discussions et parfois des débats « sur quand est ‘tout de suite’ ».Note de bas de page 2849 Le Maj Dandurand a expliqué son point de vue :

[traduction]

[T]out de suite, dans mon esprit, ne signifie pas nécessairement à la réception de la note. C’est immédiatement, sans délai, transféré à la personne à qui elle est adressée ou à l’exécuteur testamentaire.Note de bas de page 2850 [Caractères gras ajoutés]

243. Au lieu de cela, selon le Maj Dandurand, « tout de suite » signifierait [traduction] « quelques semaines après le début de l’enquête, pourvu qu’un acte criminel ait été écarté ».Note de bas de page 2851

244. Le Maj Bolduc pensait que [traduction] « tout de suite » serait « quand c’est possible de le faire puis que cela n’aura pas un impact sur l’intégrité de l’enquête ».Note de bas de page 2852 Il a expliqué que l’expression « tout de suite » était « plutôt la réponse médiatique, pas qui était gérée mais c’est à ce moment-là, la personne qui a écrit cette ligne-là pensant que c’était la chose à faire ».Note de bas de page 2853 Il ne pensait pas que ces mots reflétaient pleinement ou exactement l’instruction donnée par le commandant ou les procédures à suivre.Note de bas de page 2854

245. Le langage utilisé par le Maj Dandurand lors de sa rencontre de novembre 2009 avec les Fynes n’a pas non plus présenté un portrait tout à fait exact. Bien que son affirmation à l’effet que le SNEFC avait habituellement comme politique de ne pas divulguer les notes de suicideNote de bas de page 2855 ait probablement été le résultat de ses propres perceptions erronées sur les politiques applicables concernant le traitement de la preuve, elle a laissé les Fynes avec l’impression que, selon lui, le fait de ne pas divulguer la note de suicide de leur fils n’était pas une erreur, mais plutôt une pratique appropriée en vertu des politiques alors en place.Note de bas de page 2856 Il a aussi créé de la confusion et a encore miné la confiance déjà ébranlée des Fynes envers le SNEFC. Dans son témoignage, M. Fynes a déclaré ce qui suit :

[traduction]

[L]orsque j’entends dire qu’il y avait une politique de ne pas divulguer les notes de suicide, ça me donne des frissons de penser que d’autres familles peuvent ne jamais avoir été informées que leur proche leur avaient laissé une note si c’était en effet une pratique au sein du SNE.Note de bas de page 2857

246. Enfin, la réponse fournie par l’intermédiaire du col Blais en janvier 2011 n’était pas idéale. Sa description de ce qui aurait dû être fait – divulguer la note à la fin de l’enquête ou lorsqu’un acte criminel ou la pertinence de la note à cet égard avaient été exclus – n’apportait pas de précision sur le moment où l’on croyait que la note aurait dû être divulguée.Note de bas de page 2858 L’absence de consensus au sein du SNEFC sur ce point signifiait aussi que la réponse ne serait pas nécessairement précise, selon la personne qui avait la tâche de prendre la décision. Plus important encore, la réponse indiquait que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge avait conduit à la [traduction] « révision et au ‘resserrement’ de l’[IPO] à ce sujet ».Note de bas de page 2859 Cependant, quelles qu’aient été les autres révisions apportées aux procédures, il est clair qu’en janvier 2011, aucune IPO sur la divulgation des notes de suicide n’avait été révisée ou précisée.

247. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a indiqué qu’il pensait que l’IPO pouvait avoir été en [traduction] « cours de rédaction » quand cette réponse a été fournie.Note de bas de page 2860 Toutefois, la preuve a démontré que le paragraphe de l’IPO sur la divulgation des notes de suicide n’a été rédigé qu’en juillet 2011. En janvier 2011, il n’y avait aucun plan pour ajouter une référence à l’IPO alors en vigueur.

Les mesures prises ont-elles été suffisantes?

248. Lorsque l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge a été découverte, beaucoup de temps, d’énergie et de ressources ont été investis dans la préparation des réponses du SNEFC et des FC au public. Des centaines de pages de correspondance et de nombreuses ébauches de RAM ont été produites. Pendant ce temps, pas une seule page ou communication électronique ne semble avoir été écrite sur la procédure à suivre pour la divulgation des notes de suicide jusqu’à ce qu’un paragraphe ait été ajouté à l’IPO deux ans plus tard. Même alors, cela semble presque résulter d’une réflexion après coup, lorsqu’un agent administratif en a fait la suggestion. Auparavant, le seul document écrit qui traitait de la question de l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge en dehors des réponses aux médias ou des réponses aux Fynes est le rapport sur l’AQ de l’enquête de 2008.

249. Il n’y a aucun doute que de longs débats sur la question ont eu lieu au sein de la chaîne de commandement du SNEFC, et le commandant s’est personnellement impliqué dans le suivi des cas réels. Cependant, de nombreuses questions sont demeurées sans réponse.

250. Dans leur témoignage, le lcol Sansterre et le Maj Bolduc ont indiqué clairement qu’on accorderait beaucoup d’importance à l’expérience et aux évaluations des enquêteurs et des gestionnaires de cas ayant une connaissance immédiate de l’affaire dans la détermination du moment opportun pour divulguer une note de suicide.Note de bas de page 2861 En effet, aucun degré de surveillance de la chaîne de commandement ne pouvait suffire si les enquêteurs sur le terrain ne signalaient pas le problème en temps opportun et ne fournissaient pas l’information et les évaluations préliminaires requises pour procéder à cette détermination. Pour être en mesure de le faire, les enquêteurs devaient être conscients de la nature et de l’importance de la question et avoir au moins une certaine compréhension des facteurs pertinents à la décision à prendre. Pourtant, des mesures très limitées ont été prises dans ce cas pour sensibiliser les enquêteurs détenant les renseignements à la base de ces décisions importantes sur la nature du problème et les différentes considérations en présence.

251. Alors que la plupart des membres du SNEFC qui ont témoigné à l’audience savaient qu’il y avait eu des problèmes dans cette affaire au sujet de la divulgation d’une note de suicide,Note de bas de page 2862 et qu’ils étaient au courant de l’IPO révisée finalement produite en 2011,Note de bas de page 2863 plusieurs ne se souvenaient pas avoir été avisés des nouvelles directives sur cette question avant que l’IPO finalisée ait été distribuée.Note de bas de page 2864 Certains n’avaient même pas vu l’IPO de 2011 avant ces procédures, bien qu’ils aient reçu des instructions dans des cas spécifiques.Note de bas de page 2865 Même le sgt Shannon, qui a participé à la rédaction de la première IPO en 2010, ignorait que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge avait été une partie importante de l’élan mis à l’élaboration de l’IPO initialement, et ne connaissait pas la procédure en vigueur du SNEFC au sujet de la divulgation des notes de suicide.Note de bas de page 2866

252. Par ailleurs, la chaîne de commandement du SNEFC avait ordonné un examen d’AQ de l’enquête afin de commencer à prendre des mesures pour résoudre le problème. Le rapport n’a pas révélé ce qui avait effectivement causé l’omission de divulguer la note de suicide, mais il a traité de la question. Il a présenté des opinions sur le moment où la note aurait dû être divulguée dans ce cas, en soulignant la nécessité de prendre [traduction] « une décision consciente et éclairée » sur la divulgation des notes de suicide.Note de bas de page 2867 Dans leurs témoignages, le lcol Sansterre, le Maj Bolduc et le Maj Dandurand ont expliqué que le rapport d’AQ et ses recommandations faisaient partie des discussions tenues au sein de la direction du SNEFC sur l’élaboration de procédures concernant la divulgation des notes de suicide dans l’avenir.Note de bas de page 2868 Ils ont également expliqué que le rapport pourrait être utilisé pour communiquer les « leçons apprises » aux membres et aux détachements du SNEFC.Note de bas de page 2869 En effet, bien que les points de vue qu’il renfermait sur le moment approprié de la divulgation ne correspondaient pas nécessairement aux points de vue finalement adoptés par l’ensemble des membres de la chaîne de commandement,Note de bas de page 2870 faire circuler le bref rapport au sein de toute l’organisation aurait été un moyen pratique de s’assurer que tous les membres soient au courant qu’il y avait eu un problème et sachent que les procédures étaient examinées par la chaîne de commandement.

253. Toutefois, la portée de la diffusion du rapport n’est pas claire. La plupart des membres ayant participé à l’enquête n’avaient jamais vu le rapport avant cette audience et n’étaient pas au courant des recommandations qu’il contenait.Note de bas de page 2871 Le lcol Sansterre s’est rappelé que l’adjudant-chef du QG, qui était responsable de la coordination avec les adjudants-maîtres des détachements, était au courant du rapport, mais ni lui ni le Maj Bolduc ne pouvaient confirmer que le rapport avait été distribué aux détachements.Note de bas de page 2872 Le Maj Dandurand, pour sa part, estimait qu’au sein de son détachement, les « leçons apprises » figurant dans le rapport avaient été communiquées verbalement aux enquêteurs lors des réunions périodiques du détachement, tout en s’assurant que les gestionnaires de cas aient reçu le rapport.Note de bas de page 2873

254. Dans une section intitulée [traduction] « Mesures prises pour corriger les problèmes de procédure découverts », le rapport d’AQ indiquait ce qui suit :

[traduction]

À la suite de la plainte déposée par la famille du cpl Langridge [concernant] le retard à divulguer la note de suicide, la chaîne de commandement du SNEFC RO est devenue vivement consciente de la question de la divulgation des notes de suicide laissées sur place par des personnes décédées. En outre, une analyse et des discussions approfondies ont eu lieu sur les meilleures pratiques concernant l’obligation de prendre contact avec les familles des membres décédés, de concert avec leur OD respectif, et ont en fait assuré qu’une approche plus proactive était suivie [dans] les dossiers en cours d’enquête au SNEFC RO.

En plus de ce qui précède, un compte rendu complet de l’AQ [en cause] sera incorporé à une journée de perfectionnement professionnel pour tous les enquêteurs et gestionnaires de cas (TTBD). Dans l’intervalle, un suivi et une gestion de cas plus rigoureux des questions de ce genre ont été/seront mis en œuvre. Enfin, le SNEFC RO attend avec impatience le nouvel appendice proposé sur les services aux victimes, en voie d’élaboration qui, sur réception, sera diffusé lors d’une séance de perfectionnement professionnel.Note de bas de page 2874 [Caractères gras ajoutés]

255. Le lcol Sansterre a dit dans son témoignage qu’il n’avait [traduction] « aucun doute que si [l’adj Ross] l’avait écrit dans ses recommandations, cette journée de formation a eu lieu ».Note de bas de page 2875 Cependant, le Maj Dandurand a affirmé qu’il n’y avait pas eu de journée de perfectionnement professionnel consacrée au rapport ou aux nouvelles directives de politique concernant la gestion des notes de suicide.Note de bas de page 2876

256. Il n’y avait également aucune indication que la question de la divulgation des notes de suicide avait été incorporée dans quelque matériel de formation pour les nouveaux membres ou les membres déjà en poste. Pour la période de 2009 à 2011, une recherche a été faite dans les dossiers du SNEFC et aucun matériel d’enseignement ou de formation traitant de la question n’a été repéré.Note de bas de page 2877 La seule référence à la question a été trouvée dans une présentation que le Maj Bolduc a faite aux nouveaux membres du SNEFC en septembre 2009.Note de bas de page 2878 Cependant, il ne semble pas que des questions de fond y aient été abordées. Dans son témoignage, le Maj Bolduc a rappelé qu’il avait utilisé le cas du cpl Langridge – ainsi que d’autres cas « [où] on avait eu une très mauvaise couverture médiatique sur les choses qu’on avait faites ou des choses qu’on a dit on a commis des erreurs» – pour illustrer l’importance d’avoir des programmes d’assurance de la qualité et de « s’assurer qu’on fait bien notre travail ».Note de bas de page 2879 Il a parlé de la couverture médiatique entourant l’omission de divulguer la note de suicide afin de transmettre le message suivant : « Soyez certains que si on commet des erreurs, que ça va peut-être passer un petit peu plus aux nouvelles …» et « il y a des conséquences à toutes les actions qu’on fait. Puis, on est imputable dans tous les dossiers pour lesquels on enquête ».Note de bas de page 2880

257. En plus des mesures insuffisantes prises pour sensibiliser les membres à ces questions, il est clair que les discussions qui eurent lieu n’ont pas réussi non plus à susciter la compréhension commune nécessaire – même parmi les membres qui étaient au courant – des critères appropriés à utiliser pour déterminer le moment opportun de divulguer une note de suicide et la façon dont ces critères devraient être appliqués à des cas spécifiques. En conséquence, quand ils ont témoigné devant la Commission plus de trois ans après que l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge ait été découverte, les membres et la chaîne de commandement du SNEFC tenaient encore des interprétations différentes. S’ils avaient eu à prendre une décision avant le début de la présente audience quant au moment opportun pour divulguer une note de suicide, il est clair qu’ils ne seraient pas tous arrivés à la même réponse.

258. En outre, même les questions que les témoins du SNEFC ont eux-mêmes identifiées au cours de la présente audience comme devant encore être traitées n’ont pas été abordées promptement.

259. Lors de son témoignage en juin 2012, le Maj Bolduc a expliqué qu’il se pouvait que le paragraphe ajouté à l’IPO en 2011 nécessite une révision supplémentaire lors de l’examen annuel des IPO en juillet 2012 parce qu’il ne précisait pas assez clairement à qui la note de suicide devrait être remise.Note de bas de page 2881 Lors les discussions initiales, le lcol Sansterre avait donné instruction de remettre la note au PPP, tel que déterminé par les procédures administratives des FC.Note de bas de page 2882 Initialement, le SNEFC informait l’OD affecté à la famille et attendait qu’une décision soit prise quant à la personne qui devait recevoir la note avant de la lui remettre.Note de bas de page 2883 Subséquemment, le SNEFC a remis la note directement à la succession, ce que le Maj Bolduc considérait comme étant la procédure la plus appropriée.Note de bas de page 2884 Il a noté qu’en conséquence, il y avait eu des discussions au sujet du paragraphe de l’IPO – qui se réfère au PPP et à la personne à qui la note est adressée – et cet aspect a fait l’objet d’une vérification.Note de bas de page 2885

260. Lors de son témoignage en octobre 2012, le lcol Frei a relevé d’autres problèmes liés à l’IPO. Il a expliqué que celle-ci était en révision [traduction] « encore une fois », afin d’impliquer davantage le ML ou le coroner dans les discussions, qui se tiendraient au cas par cas, sur « comment et quand » divulguer le contenu de la note de suicide à la famille.Note de bas de page 2886

261. Pourtant, en juillet 2013, l’IPO n’avait toujours pas été révisée et elle est demeurée exactement identique à la mise à jour de juillet 2011.Note de bas de page 2887 Considérant le temps qu’il a fallu pour rédiger l’IPO et y ajouter le paragraphe devant porter sur les notes de suicide, cela n’est pas tout à fait surprenant.

Qu’est-ce qui aurait dû se passer?

262. Comme on pouvait s’y attendre, compte tenu des différents points de vue qu’ils ont exprimés sur les procédures à suivre pour la divulgation des notes de suicide de façon générale, les membres du SNEFC qui ont témoigné devant la Commission arboraient également des opinions différentes sur le moment où la note de suicide du cpl Langridge aurait dû être divulguée à ses parents. Comme l’ont reconnu les avocats des personnes visées par la plainte, il y a eu [traduction] « un débat considérable » parmi les membres du SNEFC sur le moment où la note aurait pu raisonnablement être divulguée.Note de bas de page 2888

263. Certains pensaient que la divulgation aurait pu se faire très tôt. Le lcol Garrick a déclaré dans son témoignage qu’il ne connaissait aucune raison qui aurait empêché, dans ce cas, les enquêteurs de pouvoir informer immédiatement la famille au sujet de la note.Note de bas de page 2889 L’adjum Watson était d’avis qu’une copie de la note aurait dû être remise à la famille dans les premiers jours, avant les funérailles (le 26 mars 2008), et que l’original aurait dû lui être remis à la fin de l’enquête.Note de bas de page 2890 Le lcol Sansterre croyait également que la famille aurait dû être informée de l’existence et du contenu de la note avant les funérailles, même si la note originale pouvait ne pas pouvoir lui être remise aussi rapidement.Note de bas de page 2891 Il a expliqué qu’il n’y avait aucune raison pour ne pas avoir divulgué la note dès le début de cette affaire, puisque les enquêteurs ont examiné la scène en consultation avec le ML et que rien ne laissait soupçonner qu’un crime avait été commis.Note de bas de page 2892

264. D’autres ont eu plus de difficulté à préciser un moment exact. Le cplc Ritco a indiqué dans son témoignage qu’il croyait que révéler l’existence de la note avant que l’hypothèse d’un acte criminel ait été écartée aurait pu compromettre l’enquête, et il a dit qu’il ne pensait pas qu’un acte criminel pouvait être exclu tant qu’il n’avait pas terminé son enquête (à la fin mai 2008).Note de bas de page 2893 Il a affirmé que, tant que subsistait la possibilité qu’un acte criminel ait été commis, il était également possible que la note ait pu être un faux.Note de bas de page 2894 Il a déclaré lors de son témoignage :

[traduction]

Il serait possible qu’il ne l’ait pas écrite. Je me serais senti vraiment, vraiment mal si -- et cela aurait été horrible si j’avais dit à la famille « Oui, nous avons trouvé une note de suicide, et c’est ce que votre fils a dit », pour découvrir après coup que mon enquête indiquait qu’il s’agissait d’un acte criminel et que quelqu’un d’autre avait écrit cela. Puis, il aurait fallu que je revienne voir la famille pour lui dire : « Vous savez quoi, j’ai fait une erreur. Ce n’était pas l’écriture de votre fils. Ce n’était pas la note de suicide de votre fils ».

Je dois donc -- comme agent de police, c’est une question de jugement.Note de bas de page 2895

265. Toutefois, le cplc Ritco a également indiqué lors de son témoignage qu’il ne pensait pas, en rétrospective, qu’il aurait compromis quoi que ce soit lors de l’enquête en informant la famille du contenu de la note et du fait que son authenticité n’avait pas encore été confirmée.Note de bas de page 2896 En fin de compte, il a dit qu’il croyait à tout le moins que si les « nouvelles » procédures détaillées dans l’IPO de 2011 avaient été en vigueur, il aurait dû divulguer la note aux Fynes et leur fournir une copie lorsqu’il a eu des conversations téléphoniques avec eux (les 5 et 9 mai 2008), puis il leur aurait remis l’original à la fin de l’enquête.Note de bas de page 2897 Il ne pouvait pas préciser le moment spécifique où la note n’était « plus requise », mais il pensait que la combinaison de tous les renseignements qu’il avait recueillis au début de mai 2008 aurait suffi pour conclure que l’existence de la note pouvait être divulguée à la famille.Note de bas de page 2898

266. Le sgt Bigelow, pour sa part, était initialement d’avis que le temps opportun pour divulguer la note de suicide aurait été soit lors de la réception de l’information du ML indiquant que la plupart des tests avaient été effectués et que la mort serait probablement déclarée comme résultant d’un suicide (le 9 avril 2008) ou sur réception du certificat final du ML (le 15 mai 2008).Note de bas de page 2899 En réponse à des questions supplémentaires, il a indiqué qu’il aurait peut-être pu avoir [traduction] « une forme de communication avec le plus proche parent » plus tôt au sujet des volontés funéraires exprimées dans la note, en particulier à la lumière des commentaires faits par le ML sur les lieux et en l’absence de toute autre indice d’acte criminel.Note de bas de page 2900 Il est toutefois demeuré inébranlable sur le fait que les aspects de la valeur probante de la note et la possibilité d’un acte criminel devaient être élucidés avant la divulgationNote de bas de page 2901

267. Pour d’autres, le moment précis survenait plus tard au cours de l’enquête, soit après les funérailles du cpl Langridge, qui eurent lieu le 26 mars 2008. Le Maj Dandurand croyait que le moment opportun pour divulguer la note était après que la possibilité d’un acte criminel ait été exclue, ce qui exigeait à son avis l’obtention de certains renseignements pertinents du ML.Note de bas de page 2902 Dans ce cas, il croyait que le 9 avril 2008, soit la date à laquelle les renseignements préliminaires ont été reçus du ML, aurait constitué le moment opportun.Note de bas de page 2903 Selon le témoignage du Maj Dandurand, il fallait envisager jusque-là l’hypothèse plausible que la note de suicide ait pu être falsifiée et ne pas renfermer les souhaits véritables du cpl Langridge.Note de bas de page 2904 Probablement en se référant aux problèmes de toxicomanie du cpl Langridge, le Maj Dandurand a expliqué que, compte tenu des événements survenus au cours de la dernière année de la vie du cpl Langridge, il n’aurait pas rejeté la possibilité d’une mise en scène laissant croire à un incident fâcheux.Note de bas de page 2905 Toutefois, il n’a pu offrir aucun élément de preuve découvert dans ce cas, lors du traitement de la scène ou après, indiquant que la mort avait été autre chose qu’un suicide.Note de bas de page 2906 Il a également été incapable de décrire une quelconque mesure prise par les enquêteurs afin d’étudier ou d’écarter la possibilité que la mort ait été mise en scène ou la note de suicide forgée.Note de bas de page 2907 Il a témoigné qu’il prendrait des empreintes digitales de la note et ferait une analyse de l’écriture s’il menait cette enquête aujourd’hui.Note de bas de page 2908

268. Le Maj Bolduc était également d’avis que la « bonne façon » de procéder dans ce cas aurait été de divulguer la note quand la confirmation informelle a été reçue du ML que le décès serait considéré comme un suicide (le 9 avril 2008).Note de bas de page 2909 De même, dans le rapport d’AQ, l’adj Ross a exprimé l’opinion que l’existence et le contenu de la note auraient dû être divulgués lorsque les renseignements ont été obtenus du ML (le 9 avril 2008), bien qu’il ait ajouté que la réception du certificat final du ML (le 15 mai 2008) aurait aussi été un moment approprié.Note de bas de page 2910 L’adj Tourout, pour sa part, croyait que la note n’aurait pu être révélée avant que la cause du décès soit déterminée.Note de bas de page 2911 Il a expliqué que les enquêteurs devaient garder un esprit ouvert jusqu’à ce qu’il ait été [traduction] « prouvé à 100 pour cent qu’il s’agit réellement d’un suicide », et il a indiqué que la réception du rapport du ML (le 15 mai 2008) aurait permis de confirmer et de déterminer la cause du décès.Note de bas de page 2912

269. Étant donné l’absence d’accord entre les témoins du SNEFC, il n’est pas surprenant que les avocats des personnes visées par la plainte aient pris comme position que la Commission ne devrait pas tenter de déterminer quand la note de suicide du cpl Langridge aurait dû être divulguée dans ce cas. Dans leurs observations finales, ils affirment que [traduction] « c’est un exercice dangereux à entreprendre parce qu’il est fait en rétrospective ».Note de bas de page 2913 Il est à noter que si les membres du SNEFC ne pouvaient s’entendre même après le fait – et sur la base d’une connaissance des plus complète de l’affaire – sur le moment indiqué pour divulguer une note de suicide, il est difficile de voir comment ils pourront parvenir à la décision appropriée dans les dossiers qui sont en cours, en se fondant sur une connaissance imparfaite et incomplète.

270. Sur la base des témoignages entendus à propos de ce que les enquêteurs du SNEFC savaient à l’époque où les événements se sont déroulés, la Commission constate que l’existence et le contenu de la note de suicide du cpl Langridge auraient dû être divulgués à sa famille quelques jours, voire quelques heures après sa mort, et certainement avant les funérailles. Dans ce cas, il n’y avait tout simplement aucune indication que la scène, le corps, ou toute autre information à la disposition des enquêteurs le 15 mars 2008, pouvait laisser penser que le décès était attribuable à autre chose qu’un suicide.Note de bas de page 2914

271. Comme l’a immédiatement reconnu l’enquêteur du ML qui s’est présenté à la scène, il n’y avait aucun signe d’un acte criminel.Note de bas de page 2915 Les renseignements reçus par les enquêteurs du SNEFC pendant les heures et les jours qui ont suivi ont confirmé encore ce qui était déjà évident en examinant la scène et le corps, puisqu’ils indiquaient clairement que le cpl Langridge avait parlé à plusieurs reprises et commis des tentatives de suicide dans les semaines et les mois précédents.Note de bas de page 2916

272. Comme l’a souligné M. Fynes dans son témoignage, la nécessité d’enquêter ou d’exclure un acte criminel aurait pu constituer une justification acceptable pour ne pas divulguer la note immédiatement s’il y avait eu [traduction] « une préoccupation légitime qu’il y avait autre chose qu’un simple suicide classique ».Note de bas de page 2917

273. Dans ce cas, la Commission est d’avis qu’il n’y avait pas de motif de se préoccuper de cette possibilité. Les éléments de preuve recueillis au 19 mars 2008 soutenaient massivement la conclusion que le cpl Langridge était mort à la suite d’un suicide, et il n’y avait aucune indication contraire d’aucune source.Note de bas de page 2918

274. En outre, les actions prises (ou non prises) par les membres du SNEFC au cours de l’enquête ne sont pas compatibles avec la notion qu’un acte criminel avait fait l’objet d’une enquête active ou que la note de suicide était considérée comme ayant une valeur probante.Note de bas de page 2919 Aucune mesure n’a été prise pour vérifier si une autre personne aurait pu être présente lors de la mort du cpl Langridge ou si celle-ci pouvait avoir été mise en scène. Très peu de mesures ont été prises pour vérifier si la scène de la mort avait été perturbée avant l’arrivée du SNEFC et, de façon similaire, des mesures limitées ont été prises pour déterminer où se trouvait le cpl Langridge durant les jours précédant son décès.Note de bas de page 2920 Après le 19 mars 2008, les mesures d’enquête et les entrevues avec des témoins n’étaient généralement même pas liées à la possibilité d’un acte criminel, puisque l’enquête a ensuite porté sur la question de la surveillance en cas de risque de suicide.Note de bas de page 2921 La note de suicide elle-même n’a été utilisée à aucune fin durant l’enquête.

275. Si la possibilité que la note de suicide n’ait pas été écrite par le cpl Langridge ou que la mort n’ait pas été un suicide avait réellement inquiété les enquêteurs – au point où ils jugeaient que la note ne pouvait pas être divulguée pour ces motifs –, ils auraient alors dû prendre des mesures immédiates pour que la note soit analysée afin de confirmer son authenticité. De toute évidence, il n’y a pas eu de préoccupation de cette nature dans cette affaire, ni d’ailleurs de motif d’en avoir. Dans la mesure où ils avaient même envisagé ces possibilités, les membres du SNEFC gardaient tout simplement la note originale « juste au cas » où de l’information surgirait plus tard pour jeter un nouvel éclairage nécessitant que la note soit soumise à des analyses.

276. Puisque tout est presque toujours « possible », la simple hypothèse abstraite d’une information quelconque apparaissant subséquemment pour mettre en doute la cause du décès ou l’authenticité de la note ne pouvait constituer une justification acceptable pour ne pas avoir informé les Fynes de l’existence de la note de suicide de leur fils dans ce cas. Il pourrait avoir été acceptable de conserver la note originale pour s’assurer qu’elle était disponible en vue d’être soumise à des analyses dans l’éventualité où surgiraient de nouveaux renseignements, mais sans information concrète indiquant qu’il y avait un motif de soupçon, il n’était pas acceptable de maintenir les Fynes dans l’ignorance de cette dernière communication de leur fils.

Cela pourrait-il se produire à nouveau?

277. Il semble peu probable qu’il y ait jamais un autre cas où le SNEFC retiendrait une note de suicide pendant 14 mois. L’accumulation d’erreurs et l’extrême inattention constatées dans ce cas sont caractéristiques d’une situation qui ne peut se produire qu’une seule fois. Pour le moment du moins, l’importance de la divulgation des notes de suicide continue de faire l’objet d’une sensibilisation accrue au sein du SNEFC, et un paragraphe des IPO donne instruction de divulguer dès que possible une note de suicide et de remettre l’original à la fin de l’enquête, au plus tard.Note de bas de page 2922 Cependant, les mesures mises en place demeurent insuffisantes pour prévenir la récurrence de l’une des conséquences les plus graves ayant affecté les Fynes : l’incapacité de répondre aux souhaits exprimés par leur fils dans sa note de suicide au sujet de ses funérailles.Note de bas de page 2923

278. Comme on l’a vu, les membres et la chaîne de commandement des SNEFC ne partagent pas une vision unanime du moment où les notes de suicide devraient être divulguées et comment la décision à cet égard doit être prise. Dans leurs observations finales, les avocats des personnes visées par la plainte ont insisté sur le fait que [traduction] « Tous les témoins du SNE ont convenu qu’aucune politique ne pourrait dicter le moment exact où une note peut être remise au PPP et que ce n’était en fin de compte [qu’une] question discrétionnaire liée à l’enquête dans chaque cas ».Note de bas de page 2924 Dans l’exercice de cette « discrétion », il ne semble pas que les membres du SNEFC aient reçu une quelconque directive sur la façon dont les souhaits concernant les funérailles exprimés dans une note devaient être pris en compte. Sur la base des éléments de preuve déposés devant la Commission, il y a lieu de s’inquiéter que de nombreux membres du SNEFC ne divulgueraient pas une note de suicide à temps pour s’assurer que les souhaits funéraires soient connus avant les funérailles.

279. Comme pour les opinions sur les procédures applicables avant et après cette affaire, les points de vue des témoins du SNEFC sur l’importance de faire connaître les vœux funéraires variaient.

280. Dans son témoignage, le Maj Bolduc a affirmé sans hésitation qu’une note de suicide ne pouvait jamais être divulguée avant que l’on ait écarté la possibilité d’un acte criminel, quel que soit le moment des funérailles et les souhaits funéraires exprimés dans la note.Note de bas de page 2925 Il a indiqué que « c’est possible que cela se fasse rapidement mais c’est possible que cela prenne plus de temps que les gens voudraient l’avoir ».Note de bas de page 2926 Il a affirmé dans son témoignage :

Puis je ne veux pas dire qu’on n’a pas de sentiments envers ce que la famille ressent, mais notre objectif c’est vraiment de trouver est-ce qu’il y a un crime qui a été commis, si oui, bien, il faut l’enquêter le crime. Mais si c’est un suicide, puis on détermine après les funérailles que c’était un suicide, c’est malheureux, mais je pense que l’objectif de la police, c’est vraiment de faire ce travail-là. [Caractères gras ajoutés]Note de bas de page 2927

281. Il a souligné qu’il n’y avait pas de règles ou de procédures spéciales prévoyant la divulgation précoce des instructions funéraires, et que tout dépendrait du fait qu’un acte criminel soit ou non soupçonné.Note de bas de page 2928 Si un tel soupçon existait, l’information contenue dans la note pourrait ne pas être divulguée avant les funérailles.Note de bas de page 2929 Le Maj Bolduc a expliqué que le SNEFC ne « fait [pas] justice à la famille » en « saut[ant] des étapes trop vite » et en s’exposant au risque de fournir de l’information d’une manière qui l’empêcherait plus tard de résoudre l’affaire.Note de bas de page 2930 À titre d’exemple, il a évoqué la possibilité qu’une personne ayant commis un crime écrive une note indiquant que le défunt souhaitait être incinéré dans le but de détruire les preuves.Note de bas de page 2931

282. Le Maj Dandurand a également déclaré dans son témoignage que la communication de la note avant les funérailles dépendait du fait que la possibilité d’un acte criminel ait été écartée.Note de bas de page 2932 Dans les explications qu’il avait fournies aux Fynes et au Maj Parkinson, il avait laissé entendre que la note serait rarement, voire jamais, divulguée avant les funérailles. Il avait dit aux Fynes que les notes de suicide ne pouvaient jamais être divulguées avant que l’on ait écarté la possibilité d’un acte criminel, et il avait précisé que cela pouvait survenir [traduction] « bien après les funérailles ».Note de bas de page 2933 Il avait décrit les procédures appropriées, qui impliquent que le SNEFC fasse les déterminations préliminaires et que la note soit ensuite présentée à la famille aux fins d’en vérifier l’écriture [traduction] « dans les semaines » suivant le décès.Note de bas de page 2934 Il avait dit au Maj Parkinson que la note de suicide du cpl Langridge [traduction] « n’aurait eu aucune incidence sur les arrangements funéraires » parce qu’un acte criminel n’avait pas encore été écarté quand les funérailles ont eu lieu.Note de bas de page 2935 Dans son témoignage, il a nié que la nécessité qu’exclure un acte criminel avant la divulgation rendrait [traduction] « très peu probable », en pratique, qu’une note de suicide soit présentée avant les funérailles.Note de bas de page 2936 Au lieu de cela, il a soutenu que la note pourrait être divulguée avant les funérailles si le ML [traduction] « renvoyait rapidement » les renseignements nécessaires, selon le moment où les funérailles avaient lieu.Note de bas de page 2937 Toutefois, il a également affirmé qu’il fallait recevoir des renseignements du ML pour qu’un acte criminel soit écarté, et il a admis qu’il n’avait jamais connu de cas où moins d’une semaine s’était écoulée avant que le ML communique les renseignements requis, ce qui correspond généralement au moment où ont lieu les funérailles.Note de bas de page 2938

283. Le sgt Bigelow a dit dans son témoignage qu’il n’avait jamais reçu de directives sur la façon de traiter les souhaits concernant les funérailles exprimés dans une note de suicide.Note de bas de page 2939 Il croyait qu’il devrait y avoir [traduction] « une forme de communication avec le plus proche parent » au sujet des souhaits funéraires contenus dans une note de suicide, mais il pensait tout de même que cela ne pouvait se faire qu’après avoir écarté la possibilité d’un acte criminel ou déterminé la valeur probante de la note.Note de bas de page 2940 Le cplc Ritco, pour sa part, a insisté sur le fait que la note n’aurait pas pu être divulguée avant les funérailles dans ce cas. Il a expliqué : [traduction] « J’en étais encore au tout [...] début de l’enquête. Je ne savais toujours pas ce qui s’était passé, si c’était un suicide, si c’était un acte criminel, nous n’étions que quelques jours après ».Note de bas de page 2941 L’adj Tourout abondait dans le même sens. Il a indiqué que [traduction] « [les enquêteurs] avaient certainement pensé » qu’il aurait été important pour la famille de connaître les souhaits exprimés dans la note au sujet des funérailles, mais il est demeuré inébranlable sur le fait que, selon lui, la note n’aurait toujours pas pu être divulguée.Note de bas de page 2942 Il estimait que la note n’aurait pas pu être remise avant les funérailles, même si une analyse des empreintes digitales en avait confirmé l’authenticité. Il a déclaré :

[traduction]

[...] cela aurait toujours été la même chose, [la note] aurait quand même été conservée comme preuve et il n’y aurait sans doute pas [eu] de détermination avant les funérailles. Mais, encore une fois, cela est regrettable et nous en sommes désolés, mais ce n’était tout simplement pas possible à ce moment.Note de bas de page 2943 [Caractères gras ajoutés]

284. L’adjum Watson, au contraire, a insisté pour dire que la note aurait dû être divulguée avant les funérailles.Note de bas de page 2944 À propos des volontés funéraires figurant dans la note, il a indiqué lors de son témoignage : [traduction] « Il aurait été bon de le savoir et il aurait été encore mieux que la famille le sache ».Note de bas de page 2945 Le lcol Garrick pensait également que les informations portant sur les souhaits funéraires devaient être divulguées [traduction] « immédiatement ».Note de bas de page 2946 De façon similaire, le lcol Sansterre croyait que, dans ce cas, les souhaits concernant les funérailles auraient dû être transmis à la famille.Note de bas de page 2947 En général, il était d’avis que la divulgation de l’existence et du contenu des notes de suicide devrait se faire immédiatement si aucun soupçon d’acte criminel n’existait après l’examen de la scène.Note de bas de page 2948

285. Le lcol Frei, qui était le commandant du SNEFC lorsque les audiences de la Commission ont pris fin, n’a pu fournir de détails sur la façon dont les souhaits au sujet des funérailles exprimés dans les notes de suicide seraient traités. Il a déclaré qu’il y aurait des cas où la divulgation de la note avant les funérailles serait possible et d’autres où elle ne le serait pas, selon les [traduction] « circonstances particulières [de chaque cas] ».Note de bas de page 2949

286. Dans l’ensemble, il est clair qu’à l’avenir, si une note de suicide renfermant des souhaits au sujet des funérailles était découverte par le SNEFC, la divulgation de la note avant les funérailles dépendrait des membres chargés de faire la détermination et d’assurer le suivi de l’affaire.

287. Une grande partie du problème résulte de la compréhension différente qu’avaient les membres du degré de soupçon qui justifierait le refus de divulguer la note et de ce que signifie, précisément, l’expression [traduction] « exclure un acte criminel ». Il semble que certains des membres ont tendance à se concentrer sur la nécessité de réfuter toute circonstance ou acte criminel potentiellement suspect, peu importe qu’il y ait au départ un motif sérieux de suspicion. Ainsi, ils voudraient obtenir des éléments probants confirmant que la mort était bien un suicide avant de divulguer même l’existence d’une note. Leur position implicite semble être qu’il ne faut pas divulguer la note jusqu’à ce qu’il ait été démontré que la divulgation ne pourrait avoir d’impact, et cela n’est possible qu’après avoir obtenu une confirmation suffisante que la mort résultait d’un suicide. En pratique, ce genre d’approche peut conduire à une divulgation tardive. Plusieurs des membres impliqués dans cette enquête ne croyaient pas qu’ils avaient exclu la possibilité d’un acte criminel jusqu’à la fin de l’enquête, même s’il n’y avait aucune raison de soupçonner cela au départ.Note de bas de page 2950 Pour d’autres membres, l’analyse semblait davantage axée sur la question inverse, à savoir s’il existait des preuves permettant de soupçonner qu’un acte criminel aurait pu avoir été commis. Leur position implicite semble être de communiquer la note sans devoir réfuter tous les scénarios possibles, à moins qu’il n’y ait une raison particulière de croire qu’elle ne devrait pas être divulguée immédiatement.

288. En général, il semble que la présence de souhaits funéraires dans une note de suicide et le moment des funérailles ne sont pas considérés par la plupart des membres du SNEFC comme un élément important pour décider du moment auquel la note peut être divulguée. Aucune instruction ou directive officielle n’a été émise à cet égard.

289. Il n’y a aucune garantie véritable que le SNEFC ait pris toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ce qui est arrivé aux Fynes dans ce cas ne se reproduise pas d’ici à ce que ses membres aient acquis une compréhension commune des critères qui doivent être appliqués pour déterminer quand les notes de suicide doivent être divulguées, et que la connaissance de ces critères soit diffusée de façon appropriée dans l’ensemble de l’organisation, y compris parmi les enquêteurs sur le terrain. Bien que les témoignages de membres d’autres forces de police entendus par la Commission aient démontré que l’élaboration de politiques uniformes ou strictes dictant, dans tous les cas, le moment exact où une note de suicide doit être divulguée ne serait pas un objectif réaliste – puisque les circonstances peuvent varier et, en fait, varient et que les décisions sont plus souvent qu’autrement prises en s’appuyant sur le simple bon sensNote de bas de page 2951 – certains principes doivent néanmoins être observés par le SNEFC dans l’établissement des procédures appropriées.

290. La position implicite devrait toujours favoriser une divulgation rapide de l’existence et du contenu d’une note de suicide. L’analyse devrait ensuite préciser s’il y a une raison de ne pas la divulguer. La détermination devrait se faire sur la base de preuves et de faits concrets, plutôt que de possibilités abstraites. Au lieu de se demander s’il a été établi que la mort était un suicide, la question à se poser est de savoir s’il y a réellement une raison concrète et réaliste justifiant quelque soupçon dans l’affaire. Comme cela semble être la pratique au moins parmi certains coroners et ML, il devrait y avoir une divulgation hâtive dans tous les cas où il n’y a pas de soupçon.Note de bas de page 2952 Même lorsqu’il y a un soupçon réaliste, les membres du SNEFC devaient rester concentrés sur la question de savoir si la divulgation de l’existence de la note pourrait nuire à l’enquête. Lorsqu’un préjudice réaliste à l’enquête ne peut être identifié, il ne devrait y avoir aucune raison de retarder la divulgation de la note. Lorsqu’une note renferme des volontés funéraires ou d’autres renseignements périmables, cela devrait être pris en compte dans la décision de la divulguer. Le cas échéant, s’il y a des soupçons et que la divulgation est par conséquent reportée, toutes les mesures possibles devraient être prises pour faire analyser immédiatement la note. Bien qu’il ne soit pas toujours possible d’obtenir une confirmation absolue de l’authenticité de la note avant les funérailles, une analyse préliminaire telle qu’une comparaison de l’écriture pourrait au moins fournir les indications requises afin d’établir si le niveau de soupçon est suffisant pour priver la famille de l’opportunité de donner suite à ce qui pourrait bien être les dernières volontés de l’être cher.

291. Il convient également de noter que ce n’est pas le rôle des membres du SNEFC de protéger la famille du « préjudice » qui pourrait découler d’une divulgation prématurée d’une note de suicide si, par la suite, il s’avérait que la note n’est pas authentique – une justification invoquée à plusieurs reprises au cours des témoignages devant la Commission et dans les explications fournies aux Fynes. Si les membres du SNEFC croient que la divulgation ne peut entraver l’enquête, mais qu’ils ont néanmoins une raison ou une autre de douter de l’authenticité de la note, ou craignent que des informations ultérieures puissent révéler que l’affaire est différente de ce qu’elle semblait être au premier abord, la procédure à suivre serait de divulguer l’existence et le contenu de la note à la famille en l’informant que la confirmation définitive de la cause du décès ou de l’authenticité de la note n’a pas encore été obtenue. Dans ces circonstances, la famille devrait avoir la possibilité de décider elle-même de l’opportunité de donner suite aux volontés exprimées dans la note.

292. Une fois que la famille a reçu une copie de la note, le SNEFC pourrait avoir besoin de conserver l’original pendant un certain temps. Le degré de soupçon requis pour justifier la rétention de l’original ne sera pas aussi élevé que celui qui serait requis pour justifier la non-divulgation de la note à la famille. Si la remise de l’original risque d’entraver l’enquête – notamment parce que la note pourrait ne plus être disponible aux fins d’analyse ou comme élément de preuve advenant que de nouvelles informations en montrent ultérieurement la nécessité – il y aurait justification de ne pas procéder immédiatement.

293. Un autre aspect de la question est le processus de disposition des éléments de preuve. Dans le cadre des politiques et des procédures en vigueur au moment de l’enquête sur la mort du cpl Langridge, la note de suicide aurait dû, à tout le moins, être retournée à la fin de l’enquête. Cependant, il n’y avait pas de processus adéquats en place au sein du détachement pour s’assurer de la disposition des éléments de preuve en temps opportun, et il arrivait souvent que des articles finissent par être conservés pendant des années tout simplement parce que personne ne s’occupait du processus d’élimination de la preuve. L’IPO de 2011 énonce clairement que la note originale doit être divulguée au plus tard à la fin de l’enquête. Cependant, on ne sait pas si, dans les faits, les pratiques des détachements du SNEFC en matière de disposition des éléments de preuve se sont améliorées. S’il arrivait de nouveau qu’une note de suicide « passe à travers les mailles du filet » au cours d’une enquête, ou que les membres n’aient pas déterminé qu’elle pouvait ou devrait être divulguée, la dernière précaution à prendre pour faire en sorte que la famille soit mise au courant de la note au moins avant qu’une année ou plus se soit écoulée, est de s’assurer d’avoir des processus adéquats pour retourner les articles saisis lorsqu’une enquête est close. L’histoire de cette affaire a démontré que les procédures ou les instructions écrites ne suffisent pas. Le SNEFC doit s’assurer que l’ensemble de ses détachements ont les ressources nécessaires et ont mis en place les mécanismes requis pour se disposer des éléments de preuve en temps opportun.

294. Tant que ces questions n’auront pas été abordées de manière appropriée par le SNEFC, personne, y compris la Commission, ne peut avoir la certitude que ce qui est arrivé à M. et Mme Fynes ne se reproduira jamais.

4.3 L’enquête de 2009 sur le PPPP

Introduction

1. Une part importante de l’ensemble des plaintes déposées par les Fynes à la CPPM concerne leur mécontentement face à l’enquête de 2009. L’origine de cette enquête était l’insatisfaction des Fynes suite à la décision d’accorder à Mme A le pouvoir de décision sur le déroulement des funérailles du cpl Stuart Langridge. Les Fynes estimaient qu’en raison du formulaire AUP complété par le cpl Langridge, qui les nommait premier et deuxième plus proche parent (PPP),Note de bas de page 2953 le régiment aurait dû plutôt reconnaître leur droit de prendre les décisions relatives aux funérailles.

2. Les Fynes ont formulé deux types de plaintes à cet égard. La première plainte est liée à leur mécontentement au sujet de la conduite des FC qui, à leur avis, ont accordé à tort à Mme A le pouvoir qui leur revenait. Ce mécontentement les a conduits à déposer une plainte auprès du SNEFC alléguant que les membres des FC impliqués dans la nomination de Mme A comme premier plus proche parent (PPPP) ont fait preuve de négligence et que, de ce fait, ils étaient coupables d’une infraction d’ordre militaire. Le deuxième aspect de leur mécontentement a trait à la manière dont le SNEFC a mené son enquête suite à leur plainte. Ce deuxième aspect constitue la plainte adressée à la Commission, alléguant que l’enquête de 2009 comportait des déficiences et des lacunes.

3. Bien qu’elles soient liées, les plaintes déposées par les Fynes auprès de la Commission concernant l’enquête de 2009 sont distinctes de celles portant sur les décisions des FC au sujet du PPPP et du pouvoir de prendre les décisions relatives à la planification des funérailles. Le présent rapport ne vise qu’à répondre directement à la plainte déposée par les Fynes auprès de la Commission selon laquelle l’enquête du SNEFC avait été inadéquate. Pour éclaircir cette question, il est nécessaire d’examiner la nature de la plainte des Fynes au SNEFC sur ce qui sera connu comme étant la « décision concernant le PPPP » prise par le régiment des FC.

4. La Commission a examiné les documents et les témoignages ayant trait à la question du PPPP et a consulté le droit applicable. Même si la Commission a conclu que la question sous-jacente de savoir qui a le droit de planifier des funérailles militaires est d’une grande complexité juridique, elle en est aussi venue à la conclusion que l’enquête du SNEFC sur la plainte des Fynes était tout à fait inadéquate. Ce chapitre traite des éléments suivants qui ont compromis l’enquête de 2009 :

La plainte

Plainte de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman

5. Les questions qui sont à la base de l’enquête de 2009 ont d’abord été portées à l’attention du SNEFC le 17 novembre 2009, lorsque le Ltv Michael Amirault de la région centrale du SNEFC a été contacté par Patrick Martel, un enquêteur du Bureau de l’ombudsman des FC.Note de bas de page 2954 M. Martel a alors dit au Ltv Amirault, qu’il avait reçu une plainte de Shaun et Sheila Fynes suite à la reconnaissance par le LdSH de Mme A comme conjointe de fait du cpl Langridge au moment de son décès, ce qui lui conférait certains droits et avantagesNote de bas de page 2955 y compris le pouvoir de planifier les funérailles du cpl Langridge.Note de bas de page 2956 M. Martel a laissé entendre qu’il était possible qu’une infraction d’ordre militaire ait été commise dans la détermination du PPPP du cpl Langridge.Note de bas de page 2957 Le Ltv Amirault a transmis cette information par téléphone au Maj Daniel Dandurand le même jour.Note de bas de page 2958 Il a également transmis la documentation fournie par le Bureau de l’ombudsman à l’appui des allégations concernant ce que le Maj Dandurand a décrit comme étant « la question du PPPP ».Note de bas de page 2959 M. Martel a été contacté par le SNEFC RO le 4 décembre 2009 afin de fixer un rendez-vous. Il a alors télécopié des documents complémentaires au Maj Dandurand à l’appui de ces allégations.Note de bas de page 2960 Un peu plus tard, soit le 18 décembre 2009, le Maj Dandurand et le Matc Eric McLaughlin ont rencontré les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman, M. Martel et Philippe Joly. Au cours de cette rencontre, M. Martel a fourni d’autres documents à l’appui des allégations, lesquels ont été consignés dans le dossier d’événement général (EG) par le Matc McLaughlin.Note de bas de page 2961

6. Au cours des premières étapes de l’enquête, le SNEFC considérait que les plaintes provenaient de l’ombudsman. Dans l’affectation du Matc McLaughlin rédigée par l’adj Blair Hart le 7 décembre 2009, il est écrit que le Matc McLaughlin [traduction] « procédera à l’évaluation de la pertinence d’une enquête sur la plainte venant de l’ombudsman ».Note de bas de page 2962 Le rapport d’état de dossier du 10 décembre 2009 indique, de façon similaire, [traduction] « une allégation a été présentée par l’ombudsman des FC ».Note de bas de page 2963

7. Le 12 février 2010, le Maj Dandurand a décidé que le SNEFC mènerait une enquête sur les allégations de négligence suite à [traduction] « l’examen des documents fournis aux enquêteurs du SNEFC RO par le Bureau de l’ombudsman des FC ».Note de bas de page 2964 Au cours d’un appel téléphonique le jour même, le Maj Dandurand a informé M. Fynes de la tenue de l’enquête en précisant que [traduction] « des enquêteurs du SNEFC RO avaient rencontré les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman qui leur ont fourni des documents qui ont amené le SNEFC à ouvrir cette enquête ».Note de bas de page 2965 Lors de sa rencontre avec les Fynes, le 3 mars 2010, le Maj Dandurand a expliqué que le Bureau de l’ombudsman examinait plusieurs questions et qu’il avait porté l’allégation relative au PPPP à l’attention du SNEFC, ce qui expliquait pourquoi le SNEFC était en contact avec eux.Note de bas de page 2966 En effet, au cours de ses premières conversations avec le Ltv Amirault, M. Martel a déclaré qu’il n’avait pas encore informé les Fynes qu’il était en contact avec le SNEFC.Note de bas de page 2967

8. À certains égards, les membres du SNEFC ont traité l’ombudsman comme s’il était le plaignant. Le cplc David Mitchell a contacté M. Martel le 18 février 2010, peu de temps après avoir été affecté au dossier, pour l’informer du changement de personnel et recueillir plus de renseignements sur les allégations.Note de bas de page 2968 Le SNEFC s’est engagé à ce moment-là à garder M. Martel informé de ce qui se passerait au cours de l’enquête et à communiquer avec lui pour plus d’information au besoin.Note de bas de page 2969 À d’autres égards, les membres du SNEFC n’ont pas traité l’ombudsman comme s’il était le plaignant. Après le premier contact du cplc Mitchell, M. Martel n’a pas été contacté à nouveau ni tenu au courant de l’enquête.Note de bas de page 2970 Le SNEFC n’a pas informé M. Martel de la conclusion de l’enquête ni ne lui a fourni de lettre d’information finale sur l’enquête.Note de bas de page 2971

La plainte des Fynes

9. Le 28 novembre 2009, les Fynes ont rencontré le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin. La rencontre avait pour but de présenter aux Fynes une séance d’information sur l’enquête de 2008.Note de bas de page 2972 Bien que le Maj Dandurand ait reçu les documents de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman avant la rencontre, il ne les a pas examinés en détail. Le Matc McLaughlin ne croyait pas qu’au moment de la rencontre avec les Fynes, il était au courant de tous les renseignements fournis initialement par l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman.Note de bas de page 2973

10. Lors de la rencontre, les Fynes ont soulevé des questions pertinentes à l’objet de la documentation fournie au SNEFC par M. Martel. Ils ont clairement exprimé leur préoccupation de n’avoir eu aucune participation aux décisions entourant les funérailles du cpl Langridge, même s’ils avaient été désignés PPPP et DPPP sur son formulaire AUP.Note de bas de page 2974 Ils ont également allégué que Mme A n’était pas la conjointe de fait du cpl Langridge au moment de son décès. À leur avis, c’est Mme Fynes qui aurait dû avoir le droit de disposer de la dépouille du cpl Langridge.Note de bas de page 2975

11. Il est difficile de connaître l’étendue de la discussion sur ces questions, car au moins une heure de l’entrevue n’a pas été enregistrée.Note de bas de page 2976 Les transcriptions des parties enregistrées de l’entrevue concernant ces allégations sont relativement courtes et ne comportent que quelques pages de texte.Note de bas de page 2977

12. L’allégation concernant la question du PPPP ressort du synopsis de la plainte rédigée par le Matc McLaughlinNote de bas de page 2978 le 12 janvier 2010, soit un mois et demi après la rencontre avec les Fynes.Note de bas de page 2979 Le synopsis de la plainte est un résumé de la rencontre de novembre 2009 avec les Fynes et ne fait pas référence à la plainte de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman. Par conséquent, il tend à indiquer que les Fynes étaient considérés comme les plaignants.

13. Dans le synopsis, le Matc McLaughlin indique qu’il a été chargé de mener une enquête sur l’allégation à l’effet que l’adjudant du LdSH a fait preuve de négligence en omettant de nommer Mme Fynes comme PPP. L’entrée dans le carnet de notes du Maj Dandurand pour la rencontre reflète de la même façon les allégations relatives à la détermination du PPPP et indique que le SNEFC enquêterait sur ces allégations.Note de bas de page 2980

14. Par la suite, les Fynes n’ont pas été contactés par le SNEFC au sujet l’enquête de 2009 avant le 12 février 2010, lorsque le Maj Dandurand a appelé M. Fynes pour l’informer du départ du Matc McLaughlin et lui dire que le SNEFC enquêterait sur l’allégation concernant le PPPP.Note de bas de page 2981 Les Fynes n’ont eu aucune nouvelle du SNEFC au sujet de leurs allégations jusqu’à leur entrevue du 3 mars 2010, qui devait être une occasion pour les Fynes de fournir des renseignements pertinents à leur plainte concernant le PPPP.

Qui était le plaignant?

15. Le SNEFC n’a pas conservé un compte-rendu clair de qui était officiellement considéré comme le plaignant, et dont les allégations faisaient l’objet d’une enquête. Les Fynes se sont éventuellement plaints que la note d’information écrite qu’ils ont reçue à la fin de l’enquête passait sous silence que la question du PPPP avait été portée à l’attention du SNEFC non seulement par les Fynes, mais également par le Bureau de l’ombudsman.Note de bas de page 2982

16. Dans leur témoignage, les membres du SNEFC ayant participé à l’enquête ont expliqué qu’ils considéraient l’ombudsman comme un tiers plaignant ou un intermédiaire qui a servi à relayer la plainte des Fynes au SNEFC.Note de bas de page 2983 Le Matc McLaughlin a décrit le Bureau de l’ombudsman comme étant [traduction] « l’organisme d’enquête qui a initialement procédé à un examen des [allégations] pour les Fynes ».Note de bas de page 2984

17. Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage que les annotations initiales au dossier identifiant l’ombudsman comme le plaignant ne doivent pas être interprétées comme ayant déterminé qui était, en fait, considéré et traité comme le plaignant par les enquêteurs.Note de bas de page 2985 Selon lui, rien n’a été influencé par ce fait.Note de bas de page 2986 Dans une certaine mesure, cela peut être vrai.

18. Dans un premier temps, l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman a porté à l’attention du SNEFC l’allégation concernant le droit de Mme A à certaines prestations. La question a ensuite été discutée par les Fynes lors de leur rencontre avec le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin, et a été abordée plus en détail lors de la rencontre subséquente avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman. L’ouverture de l’enquête semble avoir été fondée principalement sur les renseignements et les documents reçus de l’ombudsman, car relativement peu d’information a été communiquée au SNEFC par les Fynes sur les questions sous enquête avant mars 2010.

19. Du même coup, les Fynes étaient manifestement intéressés par le résultat de l’enquête. Ils ont porté la plainte à l’attention de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman, qui, de sa propre initiative, l’a soumise au SNEFC.Note de bas de page 2987 La plupart des renseignements que M. Martel a transmis au SNEFC provenaient des Fynes ou de leur officier désigné, le Maj Stewart Parkinson.Note de bas de page 2988

20. Le manque de clarté dans les notes au dossier concernant l’identité du plaignant a probablement eu peu de conséquences pratiques sur l’enquête étant donné que les allégations étaient essentiellement les mêmes. Toutefois, une tenue de dossiers appropriée de la part de la PM est toujours importante. Comme certains droits sont rattachés au statut de plaignant,Note de bas de page 2989 il aurait été préférable que le SNEFC établisse clairement l’identité de la partie plaignante dans le dossier d’enquête.

21. La confusion initiale entourant l’identification du plaignant n’a fait que s’intensifier au fur et à mesure que l’enquête progressait et que les membres du SNEFC cherchaient à comprendre les questions en litige.

L’évaluation du dossier d’enquête

But de l’évaluation du dossier d’enquête

22. Avant d’ouvrir une enquête, le SNEFC procède souvent à une évaluation des allégations (aussi appelée « enquête préliminaire ») pour déterminer s’il existe des motifs suffisants d’ouvrir une enquête criminelle en bonne et due forme.Note de bas de page 2990 L’évaluation consiste à entamer les premières étapes d’une enquête, notamment une recherche dans les dossiers et/ou des entrevues préliminaires, afin de déterminer si la plainte peut comporter la perpétration d’une infraction de nature militaire ou d’une infraction criminelle.Note de bas de page 2991 Une évaluation n’est pas nécessairement effectuée pour chaque enquête, et chaque évaluation effectuée pourra varier en longueur et en complexité.Note de bas de page 2992 L’évaluation peut aboutir à plusieurs résultats possibles :

Évaluation du dossier d’enquête sur la plainte de 2009

23. Il y a une incohérence dans le dossier d’EG de 2009 quant à savoir si la première étape pour donner suite aux allégations était une évaluation aux fins d’une enquête et, le cas échéant, quand elle s’est déroulée. Le synopsis de la plainte rédigé le 12 janvier 2010Note de bas de page 2994 et les notes du Maj Dandurand suite à la rencontre du 28 novembre 2009 avec les FynesNote de bas de page 2995 indiquent qu’une enquête allait être ouverte. L’entrée dans le carnet de notes du Maj Dandurand suite à la rencontre du 18 décembre 2009 avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman reflète son [traduction] « appréciation qu’il existe suffisamment de soupçons pour justifier une enquête ».Note de bas de page 2996 Cela incite à penser qu’à un certain moment en décembre, les enquêteurs croyaient qu’aucune autre mesure d’évaluation du dossier d’enquête n’était requise avant d’ouvrir une enquête. En revanche, l’affectation initiale du Matc McLaughlin, datée du 7 décembre 2009, précise qu’une évaluation du dossier d’enquête allait être entreprise dans un premier temps.Note de bas de page 2997 Le Matc McLaughlin l’a confirmé dans son témoignage.Note de bas de page 2998 Les résultats de l’évaluation du dossier d’enquête ont été consignés au dossier d’EG par le Maj Dandurand en février 2010.Note de bas de page 2999

24. Il semble que l’évaluation du dossier d’enquête qui a eu lieu reposait presque entièrement sur les renseignements reçus de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman, à la fois lors de ses premières rencontres avec le SNEFC et dans la documentation qu’il a fournie. Outre les quelques commentaires formulés à la rencontre du 28 novembre 2009 avec le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin, les Fynes n’ont pas fourni de renseignements importants sur leurs allégations avant que l’on inscrive au dossier que l’évaluation était terminée.

25. M. Martel a fourni au SNEFC trois séries de documents qu’il croyait pertinents en regard des allégations qu’il avait transmises au SNEFC : un premier lot le 17 novembre 2009;Note de bas de page 3000 un second le 4 décembre 2009;Note de bas de page 3001 et un troisième le 18 décembre 2009.Note de bas de page 3002 Les documents ont été catalogués par le Matc McLaughlin et numérisés dans le dossier d’EG par les enquêteurs.Note de bas de page 3003 Les documents reçus de M. Martel totalisaient environ 175 pages.Note de bas de page 3004 Ils comprenaient une copie remplie et valide du formulaire AUP du cpl Langridge datée de 2006 nommant les Fynes en tant que premier et second PPP ;Note de bas de page 3005 des extraits des politiques, des procédures et des directives de l’armée concernant la reconnaissance des unions de fait, la coordination des mesures en cas de décès et l’avis d’urgence personnelle;Note de bas de page 3006 et la déclaration solennelle militaire de l’union de fait du cpl Langridge et de Mme A.Note de bas de page 3007

26. En plus de recevoir les documents, le Matc McLaughlin et le Maj Dandurand ont rencontré les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman le 18 décembre 2009. En dépit de la mention dans le carnet de notes du Maj Dandurand à l’effet que le Matc McLaughlin était le « principal preneur de notes » au cours de la rencontre,Note de bas de page 3008 il n’existe aucun compte rendu de la rencontre. Le Maj Dandurand a écrit de brèves notes dans son carnet, probablement après la rencontre.Note de bas de page 3009 Mais il n’y a pas de notes, d’enregistrement audio, d’enregistrement vidéo ou de transcription pris au moment de la rencontre.

27. La rencontre du 18 décembre 2009 a duré environ deux heures et demi.Note de bas de page 3010 M. Martel a examiné une grande partie de la documentation avec le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin.Note de bas de page 3011 Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage que M. Martel a souligné les parties du Code de discipline militaire qui pourraient être prises en considération par le SNEFC, en plus de l’examen des documents. M. Martel a aussi fourni une liste des personnes impliquées.Note de bas de page 3012 En outre, ils ont discuté de la façon dont la situation matrimoniale du cpl Langridge au moment de son décès avait influé sur la détermination de son PPP.Note de bas de page 3013

28. Après la rencontre avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman, le Matc McLaughlin et le Maj Dandurand se sont réunis pour discuter de ce qu’il convenait de faire de tous les renseignements qu’ils avaient reçus à ce jour sur l’allégation.Note de bas de page 3014 Le Matc McLaughlin a indiqué lors de son témoignage que la prochaine étape dans l’évaluation du dossier d’enquête aurait été d’obtenir des copies des documents effectivement utilisés pour déterminer le PPP et d’évaluer les documents déjà fournis.Note de bas de page 3015 Il aurait alors tenté de déterminer si la plainte était recevable.Note de bas de page 3016

29. Le Matc McLaughlin n’a pas eu la possibilité de compléter les étapes qu’il a énumérées puisqu’il a été envoyé en mission à Haïti à la mi-janvier 2010.Note de bas de page 3017 À ce moment, il avait catalogué tous les documents reçus de M. MartelNote de bas de page 3018 mais n’en avait lu aucun. Il avait simplement trié les documents par titre en vue d’en faire la liste.Note de bas de page 3019 Il a indiqué lors de son témoignage qu’en cataloguant les documents, il voulait donner un sens au matériel que l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman avait fourni, et non déterminer de quelle manière ce matériel aurait une incidence sur l’enquête.Note de bas de page 3020 En outre, le Matc McLaughlin n’avait pas lu le dossier d’EG de 2008 ou d’autres documents pertinents.Note de bas de page 3021

30. En ce qui concerne les entretiens avec les Fynes et les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman, le Matc McLaughlin a déclaré qu’il avait résumé ce qui avait été rapporté au SNEFC pendant les rencontres.Note de bas de page 3022 On peut supposer que cela fait référence à deux documents dans le dossier d’EG – le synopsis de la plainte des Fynes et le bref résumé des renseignements obtenus lors de la rencontre avec M. Martel et M. Joly.Note de bas de page 3023 Le Matc McLaughlin n’était parvenu à aucune conclusion préliminaire avant de quitter, mais il a déclaré qu’il avait une bonne idée de ce qui devait faire l’objet d’une enquête.Note de bas de page 3024

31. Comme le cplc Mitchell, qui l’a remplacé, le Matc McLaughlin n’a jamais considéré importante la question de savoir qui avait le droit de prendre les décisions concernant les funérailles militaires, ou quel était le rôle du formulaire AUP dans l’identification de cette personne.

32. Pendant une période d’environ un mois après le départ du Matc McLaughlin, le Maj Dandurand était le seul enquêteur affecté à l’enquête. Durant ce temps, rien dans le dossier n’indique que le Maj Dandurand ait fait un travail quelconque dans le cadre de l’enquête.

33. Néanmoins, le 17 février 2010, le Maj Dandurand a consigné le résultat de l’évaluation aux fins d’une enquête dans le dossier d’EG.Note de bas de page 3025 L’entrée est antidatée au 12 février 2010,Note de bas de page 3026 sans doute la date à laquelle la décision relative à l’évaluation a été prise. L’entrée du Maj Dandurand se lit comme suit :

[traduction]

Suivant « l’examen des documents fournis aux enquêteurs du SNEFC RO par le Bureau de l’ombudsman des FC », il a été déterminé que le SNEFC mènera une enquête sur les allégations de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire. Les particularités de l’allégation sont centrées sur la décision de la chaîne de commandement à l’effet que la conjointe du cpl Langridge et non ses parents était le premier plus proche parent [...] le Maj Dandurand, commandant du détachement SNEFC RO, assumera la responsabilité en tant qu’enquêteur principal.Note de bas de page 3027

34. Il a aussi informé M. Fynes, lors d’un appel téléphonique le 12 février 2010, de la décision de procéder à l’enquête et de l’affectation du cplc Mitchell en remplacement du Matc McLaughlin.Note de bas de page 3028

35. L’entrée faite dans le dossier d’EG par le Maj Dandurand stipule expressément qu’un examen des documents de M. Martel avait conduit à la décision d’ouvrir une enquête complète. Cependant, il est difficile de dire si un enquêteur du SNEFC avait réellement lu les documents avant la décision d’ouvrir l’enquête et, le cas échéant, quand cela s’était fait. Le Matc McLaughlin n’avait pas lu les documents avant de quitter le dossier. Le cplc Mitchell avait examiné les documents et discuté de certains d’entre eux avec le Maj Dandurand, mais on ne sait pas avec certitude quand cela a eu lieu.Note de bas de page 3029 Cela aurait pu survenir au cours de leur première rencontre, le 12 février 2010, bien qu’il n’y ait aucune preuve de l’examen de quelque document.Note de bas de page 3030 Il est peu probable que le cplc Mitchell ait eu le temps d’examiner tous les documents avant l’évaluation du 12 février 2010 en raison du nombre de documents en cause et du fait qu’il n’a commencé à travailler sur ce dossier que le 12 février.Note de bas de page 3031

36. Le Maj Dandurand, pour sa part, ne se souvient pas d’avoir pris connaissance en détail du premier lot de documents, mais il a déclaré qu’il n’était pas rare qu’il ouvre une enveloppe contenant des documents et de les feuilleter.Note de bas de page 3032 Il n’y a aucune preuve dans le dossier d’EG indiquant qu’il ait lu les deux autres lots de documents remis par M. Martel, avant de rédiger l’évaluation préliminaire à l’enquête.

37. Certains de ces documents ont été examinés durant la rencontre avec M. Martel, mais l’étape de la lecture, de la compréhension et de la sélection indépendantes des documents importants par les enquêteurs du SNEFC ne semble pas avoir eu lieu dans le cadre de l’évaluation du dossier d’enquête. En fait, il semble probable que très peu de documents aient effectivement été lus par quiconque avant que l’on inscrive que l’évaluation était achevée.

38. L’approche du Maj Dandurand pour documenter le processus et les résultats de l’évaluation du dossier d’enquête contraste avec l’évaluation effectuée par le sgt Scott Shannon après qu’il ait repris le dossier comme enquêteur principal en septembre 2010.Note de bas de page 3033 L’évaluation du sgt Shannon est très détaillée et complète et comporte une chronologie des événements importants, ainsi que l’identification des politiques, des règlements et des documents importants. Elle renferme également des notes sur les mesures particulières prises par le sgt Shannon en vue de compléter l’évaluation.Note de bas de page 3034 Cet écart dans l’exécution et la documentation des deux évaluations met clairement en évidence le peu d’attention accordée à l’achèvement de l’évaluation initiale aux fins de l’enquête sur la plainte de 2009.

L’enquête Mitchell

39. Le cplc Mitchell a été affecté à l’enquête de 2009 à la mi-février 2010, après le départ en mission du Matc McLaughlin.Note de bas de page 3035 Comme le cplc Mitchell était alors stagiaire, le Maj Dandurand avait été désigné comme enquêteur principal.Note de bas de page 3036 En termes pratiques, cela signifiait que le cplc Mitchell devait faire les démarches dans le dossier,Note de bas de page 3037 tandis que le Maj Dandurand était chargé de la supervision et de la direction à mesure que le dossier progressait.Note de bas de page 3038 Le cplc Mitchell a complété son stage d’enquêteur du SNEFC à la fin de mars 2010.Note de bas de page 3039

Compréhension de la question soulevée dans l’allégation

40. En amorçant l’enquête, le cplc Mitchell et le Maj Dandurand ont tous les deux négligé une étape très importante dans leur compréhension de la question soumise à l’enquête. La frustration des Fynes au sujet du processus de désignation du PPPP était centrée sur le fait que même si Mme A n’était pas mentionnée sur le formulaire AUP,Note de bas de page 3040 elle avait été reconnue comme PPPP par le régiment et avait obtenu le pouvoir de décision finale pour les funérailles du cpl Langridge.Note de bas de page 3041

41. En enquêtant sur cette question, une première étape logique aurait été de chercher qui, de Mme A, des Fynes ou de quelqu’un d’autre (par exemple, l’exécuteur testamentaire du cpl Langridge), avait le droit de prendre les décisions finales au sujet des funérailles. L’enquête devait déterminer si le formulaire AUP donnait aux Fynes un droit quelconque à l’égard des funérailles, ou si d’autres documents, lois ou règlements des FC auraient indiqué qui avait le droit de prendre des décisions au sujet des funérailles. Un avis juridique aurait été utile pour éclaircir ces questions et déterminer à qui pouvait être légalement accordé le pouvoir de prendre les décisions au sujet des funérailles et comment cela pouvait être déterminé. Si les Fynes avaient raison d’affirmer que le droit de prendre des décisions concernant les funérailles leur revenait, la prochaine étape logique aurait été de déterminer qui avait décidé que Mme A était la personne autorisée à planifier les funérailles, et pourquoi.

42. Au lieu d’adopter cette approche, le cplc Mitchell et le Maj Dandurand ont simplement présumé que les Fynes, étant les PPPP et DPPP mentionnés sur le formulaire AUP, avaient le droit de prendre les décisions en ce qui concerne les funérailles. Par conséquent, l’objet initial de l’enquête visait uniquement la question de savoir qui avait pris la décision concernant le PPPP à la rencontre où étaient présents des officiers supérieurs du LdSH et les officiers désignés pour assister les Fynes et Mme A, tenue deux jours après la mort du cpl Langridge (« réunion de coordination des mesures en cas de décès »).Note de bas de page 3042 Le cplc Mitchell a déclaré que sa tâche était de déterminer qui, à cette réunion, avait pris la décision que Mme A était le PPP du cpl Langridge, sur la foi de quels renseignements, et comment cette décision était justifiée.Note de bas de page 3043 Il centrait son examen sur les décideurs et leurs actions, parce qu’il pensait que leur identification lui permettrait de déterminer si une infraction d’ordre militaire avait été commise.Note de bas de page 3044

43. Toutefois, si l’hypothèse initiale selon laquelle le formulaire AUP était un facteur déterminant pour établir qui avait le droit de planifier les funérailles était incorrecte (ce qui s’est avéré être le cas), il était peu probable que les étapes de l’enquête reposant sur cette hypothèse contribuent à régler la plainte, à moins que l’hypothèse n’ait été révisée en cours de route.

44. L’enquête du cplc Mitchell a été interrompue à mi-chemin, avant de pouvoir en tirer quelque conclusion.Note de bas de page 3045 Ni le cplc Mitchell ni le Maj Dandurand n’ont revu leur hypothèse au sujet de l’impact du formulaire AUP.

Plan d’enquête

45. Une des premières tâches du cplc Mitchell a été de préparer un plan d’enquête (PE).Note de bas de page 3046 Tel qu’indiqué dans son PE, une des principales tâches était de [traduction] « déterminer qui avait pris la décision concernant le PPP ».Note de bas de page 3047

46. Le cplc Mitchell a énuméré dans son PE les entrevues qu’il avait l’intention de faire.Note de bas de page 3048 La liste comprend le Maj Parkinson, l’OD des Fynes, afin de corroborer le récit des Fynes.Note de bas de page 3049 Le cplc Mitchell prévoyait aussi s’entretenir avec le Slt Adam Brown, l’OD de Mme A, parce qu’il avait assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décès.Note de bas de page 3050 Parmi les personnes qu’il voulait interroger, il y avait le Capt Mark Lubiniecki (adjudant de l’unité) et le lcol Pascal Demers (commandant du LdSH), parce qu’il croyait qu’ils avaient assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décès.Note de bas de page 3051 Il avait l’intention d’interroger tous ceux qui étaient présents à la réunion de coordination des mesures en cas de décès afin d’obtenir un tableau clair de ce qui s’était passé lors de cette rencontre.Note de bas de page 3052 Il voulait également interroger Mme A afin de clarifier sa situation matrimoniale avec le cpl Langridge.Note de bas de page 3053 Le cplc Mitchell a indiqué dans son témoignage qu’il avait aussi étudié la possibilité d’interroger de nombreuses autres personnes, mais sans les inscrire sur la liste, dont le cplc William Fitzpatrick (sous-officier responsable des écuries qui avaient trouvé de la documentation supplémentaire au sujet du cpl Langridge après son décès), la cplc Dianne Birt (commis de l’escadron du QG qui aurait participé aux discussions concernant les formulaires du cpl Langridge et son intention éventuelle de dissoudre son union de fait), M. Dirk Velthuizen (entrepreneur de pompes funèbres présent lorsque Mme A et des membres du régiment se sont rendus au salon funéraire) et le cpl Jon Rohmer (ami du cpl Langridge, également présent au salon funéraire).Note de bas de page 3054

47. Le cplc Mitchell a aussi inscrit dans son PE la tâche d’obtenir tous les documents pertinents.Note de bas de page 3055 Cependant, outre le rapport de la CE,Note de bas de page 3056 le PE ne précisait pas quels documents ou types de documents étaient considérés comme pertinents.

Entrevues avec des témoins

48. Les entrevues menées par le cplc Mitchell, conformément à son PE et à son approche générale des questions à élucider, semblaient toutes porter sur l’identification du ou des décideur(s) impliqué(s) dans le choix de Mme A comme PPPP.

L’entrevue avec le Maj Parkinson

49. La première entrevue a eu lieu avec le Maj Parkinson,Note de bas de page 3057 qui a précisé qu’on lui avait dit que les Fynes étaient le PPPP et le DPPP du cpl Langridge quand on lui a confié le rôle d’OD.Note de bas de page 3058 Cependant, lors de conversations ultérieures avec le Slt Brown, le Maj Dandurand et le Maj Earl Jared, il a été informé que Mme A était le PPPP.Note de bas de page 3059 Le Maj Parkinson a décrit en ces mots la réaction des Fynes lorsqu’ils ont appris qu’ils n’étaient pas les PPP du cpl Langridge : [traduction] ils étaient « écrasés comme des raisins ».Note de bas de page 3060

50. Le Maj Parkinson a également fourni au Maj Dandurand et au cplc Mitchell des informations sur qui a pris la décision concernant le PPPP.Note de bas de page 3061 Plus précisément, il a identifié le poste de la personne qui a pris cette décision.Note de bas de page 3062 Dans son témoignage, le cplc Mitchell a déclaré que le Maj Keith Reichert, qui était l’AJAG du régiment, avait été identifié comme étant le décideur soit par le Maj Parkinson soit par le Capt (anciennement Slt) Brown.Note de bas de page 3063 Cela a été confirmé par le témoignage du Maj Parkinson qui a indiqué dans son témoignage que le responsable de la décision concernant le PPP était l’AJAG.Note de bas de page 3064 Cependant, cette référence, et plusieurs autres, ont été expurgées par les avocats du MDN de la transcription de l’entrevue du Maj Parkinson avec le SNEFC qui a été mise à disposition de l’audience d’intérêt public.Note de bas de page 3065

L’entrevue avec le Capt Brown

51. La deuxième entrevue a été réalisée avec le Capt Brown, qui avait été l’OD de Mme A,Note de bas de page 3066 et avait assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décès.Note de bas de page 3067 Il a identifié plusieurs des autres participants à la réunion, y compris le Maj Trevor Cadieu, le Maj Jared, le Maj Dandurand et le quartier-maître régimentaire, l’adjum Rémi Mainville. Il y avait un autre participant dont le nom a été expurgé de la transcription par les avocats du MDN,Note de bas de page 3068 mais que le cplc Mitchell a identifié dans son témoignage comme étant l’assistant du Juge-avocat général, le Maj Reichert.Note de bas de page 3069 Le Capt Brown a dit qu’il avait demandé lors de la réunion qui aurait le dernier mot pour les arrangements funéraires et ont lui a dit que [traduction] « pour l’inhumation c’était la conjointe de fait [du cpl Langridge] ».Note de bas de page 3070 Le Capt Brown s’est rappelé qu’il n’y avait pas eu de discussion sur le fondement de cette décision lors de la réunion et que personne n’avait demandé de justification.Note de bas de page 3071 Le Capt Brown a déclaré en outre que quelqu’un avait souligné qu’un effort devrait être fait pour que les décisions concernant les funérailles soient prises conjointement par les Fynes et Mme A.Note de bas de page 3072 Il a également mentionné que le testament du cpl Langridge n’avait pas encore été trouvé et qu’il n’y en avait pas de copie à la réunion.Note de bas de page 3073

L’entrevue avec l’adj (à la retraite) Doucette

52. La troisième entrevue a été réalisée avec l’adj (à la retraite) Caroline Doucette, commis en chef du LdSH au moment de la mort du cpl Langridge. Elle avait peu d’information à fournir au sujet de la réunion de coordination des mesures en cas de décès, à laquelle elle n’avait pas assisté.Note de bas de page 3074 Elle était en congé lorsque l’information a été rassemblée à partir du dossier personnel du cpl Langridge et remise au Capt Lubiniecki.Note de bas de page 3075 Elle ne savait pas qui avait décidé que Mme A était le PPPP ni comment la décision avait été prise.Note de bas de page 3076 Le cplc Mitchell n’a pas interrogé l’adj (à la retraite) Doucette au sujet de sa communication par courriel en décembre 2008 avec le Capt Eric Angell, alors adjudant, dans lequel elle déclarait que le formulaire AUP avait toujours indiqué que les Fynes étaient les PPPP et DPPP. Le cplc Mitchell était en possession du courrielNote de bas de page 3077 et il a déclaré dans son témoignage qu’il considérait que le courriel avait de l’importance.Note de bas de page 3078

Examen incomplet et insuffisant de la documentation

53. Bien que le but visé par les entrevues du cplc Mitchell – à la fois réalisées et projetées – soit relativement clair, l’objectif de l’examen des documents qu’il a effectué l’est moins.

54. Lorsque le cplc Mitchell a été affecté à cette enquête, le dossier d’EG ne comprenait que les documents reçus de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman.Note de bas de page 3079 Conformément à son PE,Note de bas de page 3080 le cplc Mitchell a obtenu une copie du rapport de plus de 100 pages de la CE du Secteur de l’Ouest de la Force terrestre (SOFT).Note de bas de page 3081 Le Maj Dandurand a déclaré dans son témoignage que le rapport de la CE était, à son avis, utile à l’enquête parce qu’il pouvait fournir des renseignements généraux sur la vie du cpl Langridge.Note de bas de page 3082 En fait, le rapport ne donnait aucune information pertinente à l’allégation sur le PPP et le cplc Mitchell lui-même ne pensait pas qu’il était utile à l’enquête de 2009.Note de bas de page 3083

55. Le cplc Mitchell a également demandé au SOFT le rapport de l’ES menée sur les mesures administratives prises par l’unité après le décès du cpl Langridge.Note de bas de page 3084 Le cplc Mitchell a reçu les annexes de l’ES, qui comptaient plus de 575 pages et incluaient les questions posées aux témoins et leurs réponses, ainsi que toutes les preuves documentaires recueillies dans le cadre de l’ES.Note de bas de page 3085 Il manque au dossier d’EG une copie du rapport de l’ES elle-même, bien qu’il semble que le cplc Mitchell l’ait reçue.Note de bas de page 3086 Les références, qui ne semblent pas avoir été obtenues par le cplc Mitchell, manquent également.Note de bas de page 3087 Les références englobent une collection de 41 documents de politique, certains liés à l’allégation sur le PPPP,Note de bas de page 3088 la grande majorité ne faisant pas déjà partie du dossier d’EG.

56. Le cplc Mitchell n’a pas demandé le dossier personnel complet du cpl Langridge, qui aurait pu contenir d’autres formulaires pertinents à la détermination du PPPP. Même avec le dossier en main, il n’aurait pu aucunement prendre connaissance d’un autre formulaire AUP complété par le cpl Langridge dans le cadre du cours de Qualification élémentaire en leadership (QEL) qu’il a suivi en mars 2007. Ce formulaire, désignant Mme A comme PPPP,Note de bas de page 3089 aurait naturellement été conservé séparément du fichier personnel, dans un lieu géographique différent. La date de ce formulaire était postérieure à celle du formulaire AUP qui a servi de base aux allégations relatives au PPPP. Le cplc Mitchell a déclaré dans son témoignage que ce document aurait été pertinent et qu’il soulevait des questions qu’il aurait explorées.Note de bas de page 3090

57. Le cplc Mitchell n’a pas obtenu ou examiné le dossier d’EG de 2008, sauf les extraits contenus dans les documents reçus de l’ombudsman.Note de bas de page 3091 En conséquence, des documents pertinents contenus dans le dossier de 2008 – comme la note du Capt Lubiniecki écrite avant la réunion de coordination des mesures en cas de décès demandant si le cpl Langridge avait un testament,Note de bas de page 3092 et les notes d’un officier faisant rapport d’une conversation du 15 mars 2008 où le Capt Lubiniecki a dit à la PM qu’il était au courant que le cpl Langridge et sa conjointe [traduction] « s’étaient séparés pendant un certain temps »Note de bas de page 3093 – n’ont jamais été pris en compte dans l’enquête sur le PPPP.

58. Le cplc Mitchell a indiqué dans son témoignage qu’il avait examiné tous les éléments du dossier de 2009 – à la fois le matériel reçu de l’ombudsmanNote de bas de page 3094 et les documents qu’il avait recueillis.Note de bas de page 3095 Cependant, il n’a pas pris de notes ou autrement identifié aucun des documents ou des renseignements qu’il jugeait pertinents dans ce matériel. Par exemple, parmi les annexes de l’ES, le cplc Mitchell avait obtenu une copie du formulaire de prestations supplémentaires de décès (PSD)Note de bas de page 3096 et le testament du cpl Langridge,Note de bas de page 3097 ainsi que des courriels entre des membres de la chaîne de commandement à la fois immédiatement avant et peu de temps après la réunion de coordination des mesures en cas de décès,Note de bas de page 3098 mais on ne sait pas si ou comment ils ont été utilisés par le cplc Mitchell.

59. Le cplc Mitchell a également examiné des documents supplémentaires qui n’ont pas été numérisés dans le dossier. En conséquence, il y a une incertitude quant à la nature des documents obtenus et examinés au cours de l’enquête. Ainsi, le cplc Mitchell a effectué des recherches sur les politiques le 16 juillet 2010, mais les documents qu’il a inscrits dans son dossier d’EG, à savoir les Guides des avis de décès ou blessures et l’OAFC 24-1, ne font pas partie du dossier.Note de bas de page 3099 Dans son témoignage, il a reconnu que ces documents étaient pertinents et importants.Note de bas de page 3100 De même, le cplc Mitchell a affirmé qu’il avait probablement examiné d’autres documents de politique donnés en référence dans les Guides des avis de décès ou blessures, mais il n’y a pas de liste de ces documents, et ils n’ont pas été numérisés dans le dossier.Note de bas de page 3101

60. Le résultat global de la tenue incomplète des dossiers pour cette partie de l’enquête est qu’un nouvel enquêteur affecté au dossier ou même un superviseur examinant l’enquête n’aurait pas su quels documents avaient été obtenus, lesquels avaient été examinés et lesquels avaient été jugés pertinents. Le cplc Mitchell a reconnu candidement que l’examen des politiques n’était pas son point fort.Note de bas de page 3102 Néanmoins, il aurait pu être utile à d’autres enquêteurs qui ont travaillé sur le dossier de savoir plus précisément quels documents avaient été examinés et lesquels méritaient un examen plus approfondi, du moins selon le cplc Mitchell. Il semble que le cplc Mitchell n’ait pas reçu davantage d’aide et de conseils de ses superviseurs à cet égard.

Situation de l’enquête en septembre 2010

61. Le cplc Mitchell a quitté l’enquête en septembre 2010.Note de bas de page 3103 À ce moment-là, il avait obtenu des informations sur les personnes qui avaient assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décèsNote de bas de page 3104 et appris qu’il n’y n’avait pas de copie du testament du cpl Langridge lors de la réunion.Note de bas de page 3105

62. Toutefois, la question sur laquelle le cplc Mitchell avait axé l’enquête restait posée. Il avait rassemblé des preuves sur la question de la décision relative au PPPP,Note de bas de page 3106 mais il a déclaré qu’il n’était pas parvenu à une conclusion sur celui qui, en définitive, avait pris la décision.Note de bas de page 3107

63. En outre, certaines questions n’avaient pas été examinées car elles ne figuraient pas parmi celles qui, selon le Maj Dandurand et le cplc Mitchell, devaient être soumises à une enquête. Le cplc Mitchell n’était pas parvenu à établir qui avait le droit de prendre des décisions concernant les funérailles du cpl Langridge, comment la décision relative au PPPP aurait dû être prise, ou comment cette décision avait été prise.Note de bas de page 3108 La signification de l’expression « PPPP » n’a pas été éclaircie correctement et l’objet du formulaire AUP n’a pas été compris. Aucun avis juridique n’a été demandé sur ces questions. Quant à savoir si le cpl Langridge était dans une union de fait au moment de son décès, la question est également demeurée ouverteNote de bas de page 3109

64. Dans l’ensemble, après six mois d’enquête, peu de choses avaient été découvertes pour confirmer ou réfuter la plainte. Malgré les lacunes de son enquête, la Commission a été impressionnée par le témoignage franc du cplc Mitchell, et il est clair d’après la preuve qu’il a fait un effort honnête pour mener à bien la tâche qui lui avait été confiée. Cependant, il a reçu peu d’aide ou de conseils de quiconque dans sa chaîne de commandement.

Supervision de l’enquête Mitchell

65. Bien qu’il ait été officiellement chargé de l’enquête, à tout le moins pendant le stage du cplc Mitchell, et qu’il devait guider ce dernier, l’engagement réel du Maj Dandurand dans les activités d’enquête s’est limité à sa participation aux rencontres avec les FynesNote de bas de page 3110 et à l’entrevue avec le Maj Parkinson.Note de bas de page 3111 Il a rencontré le cplc Mitchell quand il a été affecté au dossier,Note de bas de page 3112 s’est entretenu avec lui pour discuter des documents reçus de l’ombudsman,Note de bas de page 3113 et l’a rencontré à nouveau pour dresser une liste de témoins potentiels à interroger.Note de bas de page 3114 Rien n’indique qu’il ait pris quelque mesure pour s’assurer que les questions devant être soumises à l’enquête soient correctement cernées et que les avis juridiques requis soient obtenus, le cas échéant. Pour ce qui est des contributions d’autres superviseurs de l’enquête, l’adj Hart a examiné le plan d’enquête du cplc Mitchell,Note de bas de page 3115 et l’adj Sean Bonneteau a examiné le carnet de notes du cplc Mitchell.Note de bas de page 3116 Bien que ces superviseurs aient indiqué dans leur témoignage qu’ils discutaient des enquêtes en cours avec les enquêteurs à chaque semaine,Note de bas de page 3117 et que le cplc Mitchell ait affirmé qu’il avait accès en tout temps au Maj Dandurand,Note de bas de page 3118 il n’y a aucune preuve indiquant que les superviseurs aient offert un encadrement ou des directives additionnels au cplc Mitchell, en dépit du fait que ce dernier était un nouveau membre du SNEFC.

L’enquête Shannon

66. Le sgt Shannon est officiellement devenu l’enquêteur principal dans l’enquête de 2009 le 7 septembre 2010, après le départ du cplc Mitchell.Note de bas de page 3119 Le Maj Dandurand a conservé un rôle de supervision limité dans le dossier, malgré le fait qu’il était le seul enquêteur à avoir participé de façon continue à l’enquête depuis le début, en novembre 2009. Le sgt Shannon n’a pas discuté de l’enquête avec le Maj Dandurand avant novembre 2010, alors qu’il avait reçu depuis près de deux mois le mandat d’enquêteur principal.Note de bas de page 3120 Le sgt Shannon n’a pas non plus discuté de l’enquête avec le cplc Mitchell avant son départ.Note de bas de page 3121 Plutôt, la compréhension initiale du sgt Shannon résulte essentiellement de son propre examen du dossier tel qu’il existait sur le SISEPM.Note de bas de page 3122 Le sgt Shannon a pour ainsi dire recommencé l’enquête.Note de bas de page 3123

L’approche du sgt Shannon

67. Le sgt Shannon a adopté une approche très littérale de la plainte. Tel qu’indiqué dans son plan d’enquête, il enquêtait sur l’allégation selon laquelle le Capt Lubiniecki avait désigné le mauvais PPP.Note de bas de page 3124 C’est la seule chose sur laquelle le sgt Shannon a tenté de faire enquête – qui était le bon PPPP. Il était assez clair qu’il n’enquêtait pas sur l’allégation ayant trait à qui avait le pouvoir de prendre les décisions au sujet des funérailles.Note de bas de page 3125

Formulaire d’avis d’urgence personnelle

68. Étant donné que les Fynes mettaient l’accent sur le formulaire AUP, il semble évident que l’examen de ce formulaire était la première chose à faire pour déterminer si les Fynes étaient le PPPP et le DPPP du cpl Langridge. Les Fynes et les enquêteurs précédents avaient simplement supposé que le PPPP et le DPPP, tel que mentionné sur le formulaire AUP signé le 26 septembre 2006,Note de bas de page 3126 étaient en droit d’être reconnus comme étant le PPP par le régiment et, ainsi, de pouvoir planifier les funérailles.

69. Le sgt Shannon a examiné le formulaire AUP et les instructions jointes. Le formulaire indique au bas de la page, [traduction] « ceci n’est pas un document juridique »Note de bas de page 3127, ce qui signifie sans doute que l’AUP n’accorde en soi aucun droit. Il identifie simplement les personnes à contacter en cas d’urgence.Note de bas de page 3128 Le sgt Shannon a également consulté l’OAFC 26-18, qui porte spécifiquement sur les avis d’urgence personnelle.Note de bas de page 3129 L’ordonnance précise que [traduction] « l’AUP a pour but d’assurer que, lorsqu’un militaire meurt, est blessé, tombe gravement malade ou est porté disparu, les personnes appropriées soient avisées ».Note de bas de page 3130 Le document indique également que le terme « plus proche parent » employé dans l’ordonnance n’est pas un terme juridique et ne doit pas être confondu avec l’héritier en droit.Note de bas de page 3131

70. Le sgt Shannon a conclu que le formulaire AUP n’avait aucun effet juridique en matière de droit au statut de PPPP et n’était pas pertinent à la question de l’avis en cas de décès ou de blessure grave.Note de bas de page 3132

Autres définitions du PPP

71. Ayant rejeté l’utilité du formulaire AUP dans la détermination du PPPP, le sgt Shannon a effectué ses propres recherches afin de déterminer le PPPP approprié. En fouillant la question, le sgt Shannon a examiné la définition énoncée dans l’OAFC 26-18, ainsi que dans les instructions accompagnant le formulaire AUP.Note de bas de page 3133 En outre, le sgt Shannon a consulté les guides du commandant et de l’OD qui renfermaient des exemples de personnes pouvant être considérées comme PPP.Note de bas de page 3134 Le sgt Shannon a rejeté toutes ces définitions. Il a rejeté les définitions du formulaire AUP et de l’OAFC 26-18 parce qu’il les considérait comme étant simplement [traduction] « des suggestions sur la façon dont le plus proche parent devrait être choisi aux fins de ce formulaire ».Note de bas de page 3135 De même, les définitions des guides du commandant et de l’OD ont été rejetées parce qu’elles étaient trop souples et n’offraient pas une méthode définitive pour déterminer le PPP.Note de bas de page 3136

72. Le sgt Shannon n’a pas identifié d’autres définitions de PPPP dans les ordonnances militaires ou les instructions qu’il a consultées. Dans son évaluation du dossier d’enquête, le sgt Shannon a dit clairement qu’il avait [traduction] « procédé à un examen formel de tous les énoncés de politique, règlements et documents pertinents des Forces canadiennes qui se rapportent à l’objet de cette enquête ».Note de bas de page 3137 Dans son témoignage, il a affirmé catégoriquement :

[traduction]

Il n’y a rien de tel, dans tout autre domaine du droit, que le premier plus proche parent et le deuxième plus proche parent, sauf dans l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes [OAFC] relative au formulaire AUP. [...]Je n’ai pas été en mesure d’identifier toute autre référence juridique [aux] expressions « premier plus proche parent » et « deuxième plus proche parent ».Note de bas de page 3138

73. La recherche du sgt Shannon concernant le PPPP englobait également des sources externes aux FC et au droit militaire, dont d’autres lois fédérales et la loi provinciale. Le sgt Shannon a décrit ses recherches comme étant fondées sur [traduction] « tous les corpus juridiques disponibles ».Note de bas de page 3139 Dans son témoignage, il a déclaré qu’il n’avait pas été en mesure de trouver un [traduction] « document concluant d’une page indiquant que le gouvernement du Canada ou une province ait établi une liste ou un ensemble de règles en bonne et due forme pour définir le PPP ».Note de bas de page 3140

74. Le sgt Shannon a indiqué dans son témoignage qu’il avait étudié la common law et le droit civil (plus précisément, le droit des délits).Note de bas de page 3141 Au cours de cette recherche, il [traduction] « a pu déterminer qu’il n’y avait pas de règle ou de processus formel visant à définir le PPP ».Note de bas de page 3142

75. Ayant conclu qu’il n’y avait pas de définition juridique du PPPP ou du PPP, le sgt Shannon s’est tourné vers une source tout à fait différente – les coutumes de la société. À la suite de ses recherches, il a déterminé que le processus de définition des PPP repose largement sur ces coutumes.Note de bas de page 3143 Il a affirmé que, selon les coutumes sociales, le conjoint est la personne responsable dans les cas où un membre de la famille est en difficulté ou a besoin d’aide.Note de bas de page 3144 Le conjoint est la personne qui devrait prendre les décisions ou assumer la responsabilité de l’individu.Note de bas de page 3145 Dans son témoignage, le sgt Shannon a expliqué :

[traduction]

Notre société détermine qui serait le représentant de la famille et, selon nos coutumes, c’est le conjoint. Si vous allez parler à une personne mariée, elle a un conjoint. Si vous avez des problèmes avec cette famille et que quelque chose arrive au conjoint, vous n’allez pas essayer de retrouver ses parents. La conjointe est là.Note de bas de page 3146

76. Pour en arriver à cette conclusion, le sgt Shannon ne s’est pas appuyé sur une quelconque source externe. Il a cru que sa propre évaluation personnelle des coutumes de la société constituait une base adéquate pour répondre à une question juridique.Note de bas de page 3147 Il a néanmoins indiqué dans son témoignage qu’il revient en fin de compte à un juge de rendre « cette décision juridique » en cas de conflit au sujet de qui est le PPP parce qu’il n’existe pas de définition ou de procédure formelle pour la détermination du PPP Note de bas de page 3148 Toutefois, aux fins de la présente enquête, le sgt Shannon s’est appuyé exclusivement sur sa propre interprétation des coutumes sociales.

77. Le sgt Shannon a déclaré que ces coutumes dépendent de la façon dont la société définit la famille. À titre d’exemple, dans une société principalement chrétienne anglo-saxonne, la famille serait constituée du conjoint, des parents, des frères, des sœurs, des belles-sœurs, des beaux-frères, etc. Pour d’autres cultures dans le Canada actuel, seul un homme peut-être le PPP.Note de bas de page 3149 Il était d’accord sur le fait que, peu importe la communauté examinée, plus d’une personne pouvait être le PPP.Note de bas de page 3150 Cependant, il estimait que le conjoint aurait préséance comme PPP dans 99 pour 100 des cultures que l’on trouve au Canada.Note de bas de page 3151

78. À son avis, l’interprétation coutumière de « conjoint » comprend le « conjoint de fait ». Dans cette situation, il n’y a donc pas de différence entre les personnes légalement mariées et celles qui ont rempli une déclaration solennelle d’union de fait des FC.Note de bas de page 3152 Dans les deux cas, aucun autre membre de la famille n’a préséance sur le conjoint.Note de bas de page 3153

79. Le sgt Shannon croyait qu’un conjoint de fait était l’équivalent d’un conjoint, qui était l’équivalent du PPP.Note de bas de page 3154 En employant cette notion du PPP, la seule question à résoudre était forcément de savoir si la relation du cpl Langridge avec Mme A était une union de fait, telle que définie par l’armée, au moment de la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 3155 Le cas échéant, Mme A était bien le PPPP du cpl Langridge. Le sgt Shannon ne voyait aucune différence entre l’allégation à l’effet que le PPP avait été mal désigné et l’allégation à l’effet que la conjointe de fait avait été mal identifiée.Note de bas de page 3156

Situation matrimoniale du cpl Langridge et de Mme A

80. En abordant la question de la situation matrimoniale du cpl Langridge, le sgt Shannon s’est demandé uniquement si une union de fait existait selon les règles et les règlements militaires.Note de bas de page 3157 Dans son évaluation du dossier d’enquête,Note de bas de page 3158 le sgt Shannon a identifié la politique et les règlements pertinents à la question de la situation de conjoint de fait du cpl Langridge au moment de son décès. Il a identifié deux ordonnances différentes précisant quand une union de fait n’était plus jugée valide par les FC. La première indique que la relation est considérée comme étant terminée lorsque le militaire et sa conjointe sont séparés depuis trois mois, et elle impose au membre des FC l’obligation d’aviser le commandant de la date à partir de laquelle la relation ne remplit plus les conditions de reconnaissance par les FC.Note de bas de page 3159 Le sgt Shannon a également repéré une deuxième instruction, qui précise que la seule façon pour un membre des FC de mettre fin à une union de fait est d’aviser le commandant par écrit en utilisant le formulaire spécifié.Note de bas de page 3160 Ces deux directives existaient lorsque le cpl Langridge est décédé; par conséquent, à ce moment, l’union de fait aurait pu être interrompue par l’une ou l’autre action.Note de bas de page 3161 Le sgt Shannon avait la conviction que le cpl Langridge était toujours dans une union de fait avec Mme A au moment de son décès parce qu’ils n’avaient pas été séparés pendant trois mois et que le cpl Langridge n’avait déposé aucune documentation informant le commandant que la relation avait pris fin.

81. Le sgt Shannon était d’avis que [traduction] « la preuve était assez claire »Note de bas de page 3162 sur le fait que le cpl Langridge et Mme A étaient temporairement séparés au moment de sa mort, mais qu’ils n’avaient pas été séparés depuis plus de trois mois.Note de bas de page 3163 Le sgt Shannon a déterminé la date de la séparation en se fondant principalement sur un seul document, qu’il a décrit comme une déclaration solennelle du propriétaire à l’effet que le cpl Langridge et Mme A avaient cessé d’être financièrement co-responsables de leur résidence commune le 11 février 2008.Note de bas de page 3164 Il a considéré que la responsabilité financière d’une résidence où le couple avait vécu était une preuve de cohabitation continue.Note de bas de page 3165 Puisque le 11 février 2008 ne précédait pas de trois mois la date de la mort du cpl Langridge, soit le 15 mars 2008, il a conclu que le cpl Langridge et Mme A n’avaient pas été séparés pour une période de trois mois ou plus, comme l’exige l’ordonnance des FC.Note de bas de page 3166 Il ne s’est pas préoccupé de savoir si le cpl Langridge ou Mme A avaient réellement vécu dans la résidence jusqu’au 11 février 2008. Il a estimé qu’il s’agissait légalement de leur résidence commune jusqu’au jour où ils ont cessé conjointement d’en être mutuellement responsables.Note de bas de page 3167 Pour lui, ce fait, de même que le fait que leurs effets personnels se trouvaient dans la résidence, était suffisant pour établir la continuité de l’union de fait dans les trois mois précédent le décès du cpl Langridge.Note de bas de page 3168

82. En établissant qu’au moment de sa mort, la relation du cpl Langridge avec Mme A était une union de fait, le sgt Shannon croyait qu’il avait déterminé qui était le PPPP. Il avait répondu à l’allégation comme il l’avait interprétée.

« Nouvelle » allégation de Mme Fynes – manque de participation à la planification des funérailles

83. Alors que son enquête était déjà avancée, le sgt Shannon a ajouté de son propre gré une allégation concernant le rôle des Fynes dans les funérailles. Il a affirmé dans son témoignage :

[traduction]

[...] Cependant, j’ajouterais que lors de la conférence de presse de novembre [2010] de Mme Fynes, elle a fait une allégation publique à l’effet que les Forces canadiennes avaient permis à d’autres membres de planifier les funérailles de son fils. En entendant cette allégation publique, j’ai élargi la portée de mon enquête pour y intégrer cette nouvelle allégation.Note de bas de page 3169

84. Cette « nouvelle » allégation visait expressément la préoccupation des Fynes au sujet du rôle de Mme A dans la planification des funérailles.Note de bas de page 3170 Le sgt Shannon a compris que Mme Fynes se plaignait de ne pas avoir participé à la planification des funérailles de son fils.Note de bas de page 3171

85. À noter que cette allégation particulière n’est mentionnée ni dans le plan d’enquête du sgt Shannon,Note de bas de page 3172 ni dans son évaluation du dossier d’enquête,Note de bas de page 3173 ni dans sa présentation PowerPoint à la chaîne de commandement à la conclusion du dossier.Note de bas de page 3174 Il a expliqué dans son témoignage qu’au moment où il a préparé la présentation, il avait déjà déterminé à sa propre satisfaction que cette allégation n’était pas fondée et il ne voyait donc aucun besoin d’en faire mention.Note de bas de page 3175 En fait, la première fois où il a été mentionné que cette allégation particulière faisait partie de l’enquête du sgt Shannon est lors de son témoignage. Il est inhabituel d’enquêter sur une allégation sans en prendre note dans le dossier et sans y consigner une conclusion. Il est aussi étonnant qu’une enquête sur de « nouvelles » allégations soit entreprise sur la foi d’une conférence de presse sans jamais prendre contact avec la personne qui a fait l’allégation.

86. Le sgt Shannon a indiqué dans son témoignage que Mme Fynes avait communiqué avec Mme A, à la fois par téléphone et par l’entremise de son OD, afin de prendre des décisions concernant les funérailles avant que le régiment reconnaisse que le pouvoir en la matière revenait à Mme A. Le sgt Shannon a interprété cette action comme si Mme Fynes avait [traduction] « fait des déclarations à l’effet qu’elle allait planifier les funérailles conjointement avec [Mme A] ».Note de bas de page 3176 Il a affirmé que Mme Fynes avait, le lendemain du décès du cpl Langridge, pris la même décision que le régiment concernant la personne qui pourrait donner des instructions sur le déroulement des funérailles.Note de bas de page 3177 Il était d’avis que Mme A, du fait qu’elle était la conjointe, avait reçu des communications de Mme Fynes et qu’un accord était intervenu sur la façon dont le service funéraire se déroulerait.Note de bas de page 3178 Il a ainsi expliqué :

[traduction]

Si vous regardez l’ensemble des circonstances dans ce cas, Mme Fynes, dès le premier jour, quand elle a appris que son fils était décédé, a fait part à [Mme A], à titre de plus proche parent, de ses souhaits sur ce qui se passerait aux funérailles, par l’intermédiaire de son officier désigné. Donc, avant même qu’elle soit informée de la décision des Forces canadiennes, elle a instinctivement compris que la conjointe de son fils serait la personne qui s’occuperait de ces questions. C’est la seule conclusion logique que vous pouvez tirer du fait qu’elle a exprimé ses désirs et les a transmis de manière diplomatique et polie à la conjointe de son fils.Note de bas de page 3179

87. Le sgt Shannon estimait en outre que les Fynes avaient fait un apport important aux funérailles et que Mme A avait donné suite à tous leurs souhaits concernant les funérailles.

[traduction]

Le dossier est également très clair; le dossier documentaire, et en particulier les notes personnelles de l’officier désigné de Mme Fynes, indiquent qu’il n’y a pas un souhait formulé par Mme Fynes en ce qui concerne le dernier souvenir de son fils qui n’a pas été agréé par [Mme A]. [Mme A] a ensuite transmis les souhaits de la famille au régiment par le biais de son officier désigné. Le régiment a répondu à ces souhaits.Note de bas de page 3180 [Caractères gras ajoutés]

88. Sur la question précise de la participation des Fynes à la planification des funérailles, le sgt Shannon a conclu qu’il n’y avait aucun fondement à l’allégation selon laquelle ils en avaient été exclus.Note de bas de page 3181

Problèmes soulevés par l’enquête du sgt Shannon
Mauvaise interprétation de l’allégation

89. Au cours de leurs entretiens respectifs avec le SNEFC, les Fynes et les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman ont soulevé plusieurs questions différentes. Cependant, la question devant donner lieu à une enquête, telle qu’identifiée par le Maj Dandurand dans l’évaluation du dossier d’enquête, était la décision confirmant Mme A, et non les Fynes, comme le PPPP du cpl Langridge.Note de bas de page 3182 Il n’y avait pas de définition explicite des expressions « premier plus proche parent » et « plus proche parent » lorsque la plainte a été formulée, et il n’y a pas eu de vérification du lien qui pouvait exister entre le fait d’être reconnu comme PPPP et la capacité de planifier les funérailles. Pourtant, il semble que toutes les personnes ayant participé à l’enquête avant le sgt Shannon partageaient la conviction que la personne reconnue comme PPPP avait le droit de planifier les funérailles d’un membre des FC.Note de bas de page 3183 Les termes PPP et PPPP avaient été utilisés par les enquêteurs, le régiment et les plaignants pour désigner la personne qui avait le pouvoir de décision finale sur les funérailles.

90. Les Fynes ont été bouleversés par la désignation du PPPP en raison des conséquences de cette décision sur la planification des funérailles.Note de bas de page 3184 Dans leur second entretien avec le SNEFC, Mme Fynes a expliqué le problème de cette manière : [traduction] « Quand nous sommes allés aux funérailles, comme elle [Mme A] était le premier plus proche parent et pouvait prendre les décisions, elle a fermé le cercueil, elle est arrivée ... elle a tout décidé ».Note de bas de page 3185 Les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman et le Maj Dandurand ont confirmé qu’il y avait eu une discussion lors de leur rencontre au sujet de la personne qui aurait été le PPPP approprié aux fins de la planification des funérailles.Note de bas de page 3186

91. Les membres de la chaîne de commandement du régiment ont établi dans leur témoignage qu’à leur avis, [traduction] « le plus proche parent a le droit de planifier et de coordonner les funérailles »Note de bas de page 3187 et que les conséquences de la décision relative au PPP [traduction] « sont importantes en termes d’influence sur le déroulement des funérailles ».Note de bas de page 3188 Cette compréhension du rôle du PPPP est corroborée dans les ORFC, qui précisent que des funérailles militaires seront accordées à un membre décédé des FC dans les cas où le plus proche parent le souhaite.Note de bas de page 3189 Par suite de la reconnaissance par le régiment de Mme A comme PPPP, les membres de la chaîne de commandement ont indiqué dans leur témoignage que le régiment aurait reconnu automatiquement les souhaits de Mme A s’il y avait eu une divergence entre ce que les Fynes et Mme A avaient voulu pour les funérailles.Note de bas de page 3190

92. Le SNEFC, au moins avant l’arrivée du sgt Shannon dans le dossier, avait cette compréhension du rôle du PPPP. La plainte initiale qui se trouve dans le dossier d’enquête mentionne que Mme A avait été nommée PPP et que [traduction] « cette décision privait les Fynes du droit de prendre des dispositions pour les funérailles de leur fils ».Note de bas de page 3191 Le cplc Mitchell a expliqué que, selon lui, le PPPP était [traduction] « la personne la mieux en mesure de s’assurer que soient respectées les dernières volontés de la personne décédée pour ses funérailles ou sa succession ».Note de bas de page 3192 Le Matc McLaughlin a été un peu plus circonspect sur le rôle exact du PPP, affirmant qu’il ne connaissait pas les conséquences qui découlent du fait d’être nommé PPP Note de bas de page 3193 bien que, dans cette affaire, cela ait eu pour effet de permettre à Mme A de prendre les arrangements funéraires.Note de bas de page 3194 Le Maj Dandurand croyait aussi que l’une des conséquences de la désignation de Mme A comme PPP a été de lui permettre de prendre les décisions à propos des funérailles.Note de bas de page 3195 Le Maj Dandurand a décrit la décision concernant le PPP comme étant la décision à partir de laquelle tout le reste découle, y compris la capacité de planifier les funérailles.Note de bas de page 3196 En fait, le Maj Dandurand n’avait même pas demandé que soit précisée la signification de « plus proche parent » au regard de la planification des funérailles étant donné que, pour lui, les conséquences de la décision relative au PPPP semblaient évidentes dans ce cas.Note de bas de page 3197 Jusqu’à ce stade de l’enquête, aucun enquêteur n’avait sérieusement remis en question le lien entre le PPPP et la planification des funérailles. Il était clair également que la planification des funérailles était un sujet de préoccupation pour les plaignants.

93. Cependant, l’essence même de l’allégation n’est pas reflétée dans le dossier d’EG. Bien que le synopsis de la plainte initiale comprenne l’allégation selon laquelle la nomination de Mme A comme PPP [traduction] « a privé les Fynes du droit de prendre des dispositions pour les funérailles de leur fils »,Note de bas de page 3198 le résumé subséquent de la rencontre avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman,Note de bas de page 3199 l’évaluation du dossier d’enquête faite par le Maj DandurandNote de bas de page 3200 et le plan d’enquête du cplc MitchellNote de bas de page 3201 font tous référence seulement à une enquête sur la négligence possible en lien avec la prise de décision concernant le PPPP. L’allégation des Fynes ayant trait à qui avait le droit de planifier les funérailles n’y figurait pas.

94. La compréhension qu’avait le sgt Shannon des allégations provenait de son examen des documents pertinents à l’enquête. Toutefois, si l’allégation relative à la planification des funérailles était implicite, mais non explicitement énoncée, le sgt Shannon n’aurait pas pu déterminer ce qui aurait dû être visé par l’enquête. Néanmoins, il était de la responsabilité du sgt Shannon, à titre de nouvel enquêteur principal, de clarifier ce qui aurait dû faire l’objet de l’enquête.

95. Le sgt Shannon a pris connaissance du dossier seulement en effectuant ce qu’il considérait être un examen approfondi de son contenu. Bien qu’il ait insisté, dans le processus de transmission du dossier, sur la nécessité de lire tous les documents figurant au dossier et qu’il ait affirmé l’avoir fait,Note de bas de page 3202 il y a eu quelques exceptions notables à son présumé examen exhaustif du dossier. Cela pourrait avoir contribué à sa compréhension imparfaite des allégations.

96. Le sgt Shannon a indiqué dans son témoignage qu’il était tenu d’examiner tous les documents dans le dossier, y compris tous les enregistrements audio et vidéo.Note de bas de page 3203 Cependant, il n’a pas écouté les enregistrements des trois entretiens avec les Fynes.Note de bas de page 3204 Au lieu de cela, il a simplement examiné les résumés d’entrevue et les notes.Note de bas de page 3205 Notamment, les deuxième et troisième entretiens avec les Fynes représentent plus de cinq heures de bandes sonores, ce qui équivaut à 360 pages de transcription.Note de bas de page 3206 Pourtant, il n’y a que quatre pages de résumés de ces entrevues dans le dossier d’EG.Note de bas de page 3207 Les résumés écrits sont beaucoup moins complets que les enregistrements audio; beaucoup de détails ne sont pas inclus et n’auraient pas été connus du sgt Shannon. Ce dernier aurait dû écouter tous les enregistrements audio afin de s’assurer de bien comprendre les véritables allégations des Fynes. En outre, la possibilité de tenir une nouvelle entrevue avec les Fynes aurait dû être envisagée.

97. Étant donné qu’il n’existe aucun enregistrement audio et aucune note prise sur place à la rencontre de décembre 2009 avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman, le sgt Shannon n’a pas pu bénéficier d’un compte rendu exhaustif de ce qui s’était passé lors de cette rencontre. Toutefois, il aurait été possible de contacter M. Martel pour discuter des allégations formulées lors de sa rencontre avec le SNEFC, ou d’en discuter avec les membres du SNEFC qui étaient présents. Au lieu de cela, la décision a été prise de ne pas communiquer avec M. Martel qui, du moins sur papier, était identifié comme le plaignant.

98. Le sgt Shannon n’a rencontré le Maj Dandurand qu’environ deux mois après le début de son enquête,Note de bas de page 3208 lors de la séance d’information que le sgt Shannon a présentée à l’équipe de commandement, quelque temps après avoir tiré ses conclusions sur les allégations. Le sgt Shannon a dit dans son témoignage que, quand la réunion a débuté, il avait la conviction qu’il [traduction] « n’avait pas réussi à franchir le seuil d’un simple soupçon qu’une personne des Forces canadiennes ait commis une infraction définie par le Code criminel du Canada ou par le Code de discipline militaire ».Note de bas de page 3209 Même si, lors de son témoignage, il a affirmé qu’il gardait l’esprit ouvert et était inquisiteur,Note de bas de page 3210 on peut se demander si cette réunion a eu une incidence sur la compréhension qu’avait le sgt Shannon des allégations. Les conclusions issues de l’enquête incitent à penser que ce n’est pas le cas.

99. Plutôt que de rechercher des sources primaires pour clarifier ou vérifier sa compréhension de l’allégation, le sgt Shannon s’est appuyé sur sa propre lecture des documents pertinents pour comprendre les allégations. Il a formulé la question soumise à l’enquête simplement comme étant de déterminer si Mme A, en tant que conjointe de fait du cpl Langridge, était son PPP au moment de son décès.Note de bas de page 3211 Certes, les Fynes ont eux-mêmes souvent exprimé leur plainte simplement en termes de statut de PPPP. Cependant, il demeure que l’essence de la plainte portait sur la planification des funérailles et cela aurait dû être l’objet de l’enquête.

100. L’allégation concernant qui avait le droit de planifier les funérailles n’a pas été prise en considération. Il n’importe pas de savoir si le conjoint était l’équivalent du PPPP si ce dernier n’avait pas le droit de planifier les funérailles. Cependant, personne ne s’est jamais demandé si le PPPP avait le droit de planifier les funérailles. Le lien entre le PPPP et le pouvoir de planifier les funérailles n’a jamais été établi, ni considéré comme important. D’après son témoignage, le Maj Dandurand considérait qu’à l’époque, la question ultime était de savoir quels facteurs étaient entrés en jeu dans la décision du commandant concernant l’identité du PPP.Note de bas de page 3212 Toutefois, si le PPPP n’a pas le pouvoir de planifier les funérailles, déterminer qui est le PPPP ne répond pas à l’allégation faite par les Fynes et par l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman. Aucune analyse n’a été effectuée pour savoir si Mme A était la bonne personne pour planifier les funérailles et si le régiment avait été négligent dans la reconnaissance de ce droit.

101. L’ajout par le sgt Shannon de la « nouvelle » allégation traduit aussi sa compréhension erronée de la principale préoccupation des Fynes. La formulation de la « nouvelle » allégation par le sgt Shannon n’abordait toujours pas la question centrale de savoir qui avait le droit de planifier les funérailles. Le sgt Shannon a centré étroitement son attention sur la question de savoir si les Fynes avait eu une contribution quelconque aux funérailles, pas de savoir s’ils avaient été privés du pouvoir de décision qui leur revenait dans ce cas. C’est là une compréhension inadéquate des allégations réelles des plaignants et des questions qui nécessitaient une enquête.

Analyse juridique incomplète et déficiente

102. L’enquête visant à déterminer qui avait le droit de planifier les funérailles du cpl Langridge était juridiquement complexe. Une recherche méticuleuse aurait dû être faite pour trouver toutes les ordonnances, les politiques et les directives pertinentes des FC potentiellement applicables à la question de la planification des funérailles et à la reconnaissance des unions de fait. En outre, une recherche aurait dû être faite pour vérifier si une loi provinciale ou fédérale existait sur l’une ou l’autre de ces questions. Une analyse minutieuse devait être entreprise afin de déterminer quelle loi s’appliquait dans les circonstances. Pour ce type d’évaluation détaillée de l’allégation ayant trait au PPPP, la formation spécialisée d’un avocat était requise. Cependant, malgré son manque de formation, le sgt Shannon a entrepris d’effectuer lui-même l’analyse juridique.

103. La Commission est d’avis que le présumé examen exhaustif de la loi pertinente fait par le sgt Shannon était incomplet et incohérent. Il a omis un certain nombre d’ordonnances et de politiques pertinentes des FC, en partie parce qu’il n’a pas reconnu la pertinence de la réglementation traitant des funérailles. Il a également rejeté de façon inappropriée la pertinence de la loi provinciale en mettant l’accent sur le principe général selon lequel les militaires ne sont pas tenus d’appliquer la loi provinciale et le SNEFC n’a aucun pouvoir d’enquêter sur des infractions à une loi provinciale.

104. La thèse centrale du sgt Shannon lors de l’enquête – que la situation de conjoint de fait était l’équivalent du PPP – n’est probablement pas soutenable en droit. Cette hypothèse centrale, autour de laquelle son enquête s’articulait, n’a jamais été validée par un avocat. S’il était inexact de conclure qu’un conjoint de fait, tel que défini par les FC, est l’équivalent d’un PPPP, alors toute l’enquête était déficiente.

Compréhension incomplète du formulaire AUP

105. L’enquête du sgt Shannon a commencé avec le formulaire AUP. Bien qu’il ait été convaincu que l’objet de ce formulaire était simple et facile à déterminer,Note de bas de page 3213 un examen attentif montre qu’il y a des messages contradictoires au sujet du statut de PPPP, tel qu’identifié sur le formulaire AUP.

106. Le sgt Shannon n’a pas réussi à repérer les anomalies dans le formulaire AUP. Le formulaire n’est pas clair. Il permet une identification distincte du PPPP et du DPPP, et de la personne à contacter pour un avis d’urgence personnelle,Note de bas de page 3214 mais il ne décrit pas le but ou le rôle du PPP. Si le formulaire visait principalement à servir pour les avis d’urgence, pourquoi identifier le PPPP et le DPPP sur celui-ci? Pourquoi désigner les PPP sur ce formulaire s’ils n’ont pas de statut particulier?

107. Le sgt Shannon a également omis de reconnaître la pertinence de la partie de l’OAFC 26-18 qui stipule que [traduction] « La personne désignée comme PPP ou la personne habilitée à recevoir un AUP doit être en mesure de prendre des décisions en cas d’urgence, surtout en ce qui regarde les dispositions à prendre pour les funérailles et l’enterrement ».Note de bas de page 3215 De toute évidence, dans cette ordonnance, on a pris pour acquis que les arrangements funéraires seraient du ressort du PPPP ou de la personne désignée comme contact sur le formulaire AUP.

108. Compte tenu de ce manque de clarté, les membres des FC peuvent être excusés de ne pas avoir une compréhension du formulaire AUP aussi claire que celle du sgt Shannon. Il était généralement entendu que le PPPP, tel que nommé sur le formulaire AUP, avait le droit de planifier les funérailles d’un membre décédé. Cette interprétation était même partagée par les membres du SNEFC,Note de bas de page 3216 en particulier le Maj Dandurand, qui a cru tout au long de sa carrière que le PPPP, tel que nommé sur son formulaire AUP, aurait une influence sur des choses [traduction] « telles que la planification de mes funérailles, s’il m’arrivait quelque chose de fâcheux ».Note de bas de page 3217 Pour cette raison, il semble au moins plausible que le formulaire AUP ait pu avoir une certaine utilité dans la détermination des intentions du cpl Langridge concernant la personne qui aurait le pouvoir de décision sur ses funérailles.

109. Le sgt Shannon n’a pas tenu compte des anomalies dans le formulaire AUP et l’OAFC 26-18, qui font voir que le PPP a un rôle différent de celui de la personne à contacter en cas d’urgence et, en particulier, une certaine responsabilité pour les funérailles et l’inhumation. Par conséquent, son analyse du formulaire AUP était incomplète. L’aide d’un conseiller juridique aurait dû être sollicitée en vue d’obtenir une analyse complète du formulaire AUP.

Omission d’obtenir un avis juridique sur la recherche du PPPP

110. La Commission est d’avis que le sgt Shannon aurait dû demander un avis juridique pour s’assurer que les recherches qu’il avait menées sur le rôle du PPP étaient complètes. En dépit de ses affirmations contraires, le sgt Shannon a omis d’identifier certaines des ordonnances des FC renfermant une définition du PPPP. Par exemple, le sgt Shannon n’a pas repéré l’OAFC 24-5 « Obsèques, inhumation et services des sépultures », qui donne une définition du PPP à utiliser aux fins de cette ordonnance.Note de bas de page 3218 La DOAD 7011-0 sur les successions militaires et les effets personnels renferme également une définition du PPP.Note de bas de page 3219 Il se peut que PPPP soit un terme technique particulier dans le contexte juridique militaire. Le sgt Shannon n’a pas demandé d’avis juridique pour confirmer que les définitions du PPPP dans les ordonnances militaires pourraient toutes être ignorées sans conséquence, ou pour vérifier si ses conclusions concernant l’utilité des définitions du PPPP contenues dans les ordonnances militaires étaient soutenables.

111. Les sources exactes consultées durant l’enquête ne sont pas répertoriées dans le dossier d’EG et l’on ignore quels textes de loi fédéraux ou provinciaux ou quelle jurisprudence ont été consultés pour les recherches du sgt Shannon. Par conséquent, nous ignorons si, dans le cadre de cette recherche, le sgt Shannon a pris connaissance de Fasken c. Fasken,Note de bas de page 3220 une cause entendue devant la Cour suprême du Canada en 1953 qui traite du sens de l’expression « plus proche parent ». Cette cause, la plus récente entendue par la Cour suprême à ce sujet, affirme qu’en common law, et en l’absence de dispositions législatives à l’effet contraire, les liens de parenté par le sang sont déterminants dans le statut de plus proche parent et, s’il n’y a pas d’enfant, les parents survivants sont les plus proches parents, même s’il y a des frères et sœurs vivants.

Non reconnaissance du rôle de l’exécuteur testamentaire dans la planification des funérailles

112. Élément significatif, tout en reconnaissant que l’exécuteur testamentaire avait un rôle important à jouer après la mort d’une personne, le sgt Shannon a complètement ignoré la pertinence du rôle de l’exécuteur testamentaire aux fins de son enquête parce que celle-ci ne portait pas sur qui avait la charge de planifier les funérailles.Note de bas de page 3221 Il n’a pas tenu compte des ordonnances et des politiques des FC concernant l’exécuteur testamentaire ni celles qui sont pertinentes à la question de la planification des funérailles. Notamment, lors de son témoignage, le sgt Shannon a reconnu ne pas avoir inclus la DOAD 7011 dans sa recherche.Note de bas de page 3222 Il s’agit d’une omission importante étant donné que l’ordonnance précise que [traduction] « L’exécuteur testamentaire ou le liquidateur de la succession nommé dans le testament est, sous réserve des législations provinciales, autorisé à avoir la garde de la dépouille. L’exécuteur testamentaire ou le liquidateur de la succession n’est pas nécessairement le PPP du défunt »Note de bas de page 3223. Le Manuel d’administration des pertes fait aussi mention du rôle de l’exécuteur testamentaire, indiquant que [traduction] « l’officier désigné, avec l’aide de l’aumônier, discutera des dispositions concernant l’inhumation avec l’exécuteur testamentaire de la succession ».Note de bas de page 3224

113. Contrairement à ce que croyaient le régiment, les Fynes, et les enquêteurs précédents, ces directives indiquent que le PPPP n’avait pas le droit de prendre des décisions concernant l’inhumation de la dépouille du cpl Langridge. Cependant, d’autres documents de politique des FC laissent penser que le PPP a le droit de planifier les funérailles, tandis que d’autres encore font état d’un rôle à la fois pour le PPP et l’exécuteur testamentaire dans la planification des funérailles.Note de bas de page 3225 Cependant, du fait que la recherche du sgt Shannon était incomplète et qu’il ne comprenait pas que les allégations portaient sur la planification des funérailles, il n’a pas examiné comment ces diverses politiques des FC s’agençaient.

114. Fait intéressant, la question du rôle de l’exécuteur testamentaire a fait surface dans l’enquête, mais pas à la suite des travaux de recherche ou des conclusions juridiques du sgt Shannon. Cette question s’est plutôt posée lors de la réunion de l’équipe de commandement du SNEFC au début de novembre 2010. Suite à cette réunion, le sgt Shannon a reçu instruction d’enquêter sur [traduction] « le rôle de l’exécuteur d’un testament des FC dans le processus de planification des funérailles d’un membre des FC » dans les des entrevues de suivi avec les experts en la matière, la sgt Carole Pelletier et le capc Charles Gendron.Note de bas de page 3226 La Matc Tania Gazzellone, qui a aidé le sgt Shannon dans la conduite des entrevues, a posé des questions au sujet du rôle de l’exécuteur testamentaire, et les deux experts ont estimé que l’exécuteur testamentaire jouerait un rôle quelconque dans la planification des funérailles.Note de bas de page 3227 Toutefois, dans une situation hypothétique très similaire à celle du cpl Langridge, les experts ont indiqué qu’il serait préférable que ces questions soient soumises au JAG.Note de bas de page 3228 Apparemment, le sgt Shannon n’a pas jugé nécessaire de suivre ce conseil.

Applicabilité de la loi provinciale

115. Le sgt Shannon a écarté l’applicabilité de la loi provinciale aux questions sous enquête. Plus précisément, il a écarté le recours au droit provincial comme fondement possible à l’établissement d’un manquement à une obligation militaire, un élément nécessaire pour qu’il y ait une infraction au Code de conduite militaire de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire.Note de bas de page 3229 Selon son évaluation, il n’avait [traduction] « aucune compétence ou intérêt en matière de législation provinciale et celle-ci n’avait aucun effet sur les actes ou la conduite des membres des Forces canadiennes ».Note de bas de page 3230 Alors que le sgt Shannon a convenu qu’une partie de l’allégation des Fynes était qu’une décision relative à la nomination du PPPP avait été prise sans tenir compte des lois provinciales, il a soutenu qu’il ne serait pas approprié de tenir les suspects potentiels responsables de connaître les lois provinciales et de s’y conformer.Note de bas de page 3231 Il a affirmé qu’il avait répertorié de façon claire et concise les règles, les règlements et les ordonnances militaires applicables à ce cas, et conclu que les lois provinciales ne pouvaient pas servir de fondement à l’imposition d’une obligation liée à des activités militaires.Note de bas de page 3232

116. L’affirmation selon laquelle la loi provinciale n’était pas pertinente à l’enquête est discutable. En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, les questions relatives à la propriété, aux testaments et aux successions, ainsi qu’à la situation matrimoniale, relèvent toutes de la compétence législative provinciale.Note de bas de page 3233 Ainsi, à première vue,les lois provinciales et la jurisprudence provinciale interprétant la common law peuvent être potentiellement pertinentes, sinon déterminantes, en regard de ces questions. Une loi fédérale valide (y compris d’ordre militaire) prévaudra sur une loi provinciale valide en cas de conflit. Cependant, quant à déterminer s’il y a conflit, si les lois respectives ont été valablement édictées d’un point de vue constitutionnel, et si des lois apparemment contradictoires peuvent être conciliées, ce sont là des questions juridiques complexes et subtiles. L’affirmation catégorique contenue dans la lettre d’information finale aux Fynes à l’effet que [traduction] « l’enquête n’a tenu compte d’aucune loi provinciale comme source de référence parce que la LDN a préséance en droit sur la législation provinciale »Note de bas de page 3234 repose sur une simplification exagérée.

117. Dans leurs discussions avec le SNEFC, les Fynes avaient soulevé la question de la pertinence de la loi provinciale à l’allégation portant sur la planification des funérailles.Note de bas de page 3235 L’enquêteur du Bureau de l’ombudsman a fourni au SNEFC des copies de ce qu’on croyait être la législation provinciale pertinente.Note de bas de page 3236 La loi provinciale n’aurait pas dû être écartée du revers de la main.

118. Le rejet par le sgt Shannon de la loi provinciale signifie qu’il mettait de côté deux textes de loi de l’Alberta potentiellement pertinents – la Funeral Services ActNote de bas de page 3237 et la Adult Interdependent Relationship Act.Note de bas de page 3238 La Funeral Services Act est la loi provinciale concernant la disposition des dépouilles humaines en Alberta. Bien qu’il n’y ait rien dans cette loi indiquant qui a le droit de planifier les funérailles d’une personne décédée, le règlement renferme des directives concernant qui a le droit de disposer de la dépouille  du défunt. La première personne ayant le droit de disposer de la dépouille est le représentant personnel désigné dans le testament du défunt.Note de bas de page 3239 L’expression « représentant personnel » n’est définie ni dans la loi ni dans le règlement, mais signifie probablement l’exécuteur testamentaire nommé dans le testament. M. Fynes a éventuellement été reconnu par les FC comme étant l’exécuteur testamentaire du cpl Langridge.Note de bas de page 3240 Cette loi, et cette disposition en particulier, ont été portées à l’attention du SNEFC au début de l’enquête et figurent dans les documents reçus de l’ombudsman.Note de bas de page 3241

119. La Adult Interdependent Relationship Act définit le droit au statut de partenaires adultes interdépendants pour les résidents de l’Alberta.Note de bas de page 3242 Bien qu’un langage différent soit utilisé, « partenaire interdépendant » semble être une autre expression pour désigner un « conjoint de fait ». En vertu des dispositions de cette loi, Mme A et le cpl Langridge n’étaient pas des partenaires interdépendants, n’ayant rempli aucune des conditions préalables nécessaires (vivre ensemble pendant une période de trois ans, avoir eu des enfants ou avoir conclu un accord interdépendant entre adultes en vertu de la loi).Note de bas de page 3243 Selon les Fynes, si Mme A n’était pas la partenaire interdépendante du cpl Langridge dans le cadre du droit provincial, elle n’était pas sa conjointe.Note de bas de page 3244 Si les Fynes avaient raison, même en acceptant la conclusion du sgt Shannon selon laquelle le PPP équivalait à un conjoint qui équivalait à un conjoint de fait, Mme A ne pouvait pas être son PPPP.

Omission d’enquêter sur la personne au sein de la chaîne de commandement qui a pris la décision relative au PPPP

120. L’omission du sgt Shannon d’enquêter sur la question de savoir qui a nommé ou reconnu Mme A comme PPPP découle de sa conclusion erronée qu’elle était clairement le bon PPP et de son opinion selon laquelle le cpl Langridge avait lui-même déterminé son PPP simplement en participant à une union de fait.Note de bas de page 3245

121. Le sgt Shannon a indiqué dans son témoignage que l’armée s’appuie sur les documents administratifs remplis par les membres pour révéler les circonstances familiales individuelles de chaque membre.Note de bas de page 3246 Dans le cas présent, le cpl Langridge avait rempli une déclaration solennelle d’union de fait des FC avec Mme A en décembre 2007. Comme la thèse du sgt Shannon était que le PPPP était l’équivalent du conjoint et du conjoint de fait, il a conclu que l’armée n’avait aucun rôle à jouer en vue de mettre Mme A en position d’exercer les droits, privilèges et responsabilités associés au PPPP. Il était d’avis que le cpl Langridge avait déjà fait une telle déterminationNote de bas de page 3247 et que l’armée n’a fait que respecter ses volontés.Note de bas de page 3248 Ainsi, le sgt Shannon n’a pas jugé qu’il était pertinent pour son enquête de déterminer qui, au sein du régiment, avait pris la décision relative au PPPP ou comment cette décision avait été prise.

122. Cette conclusion est difficile à comprendre et comporte une mesure de raisonnement circulaire. Pour le sgt Shannon, la seule décision pertinente était la décision du cpl Langridge de s’engager dans une union de fait avec Mme A. Cette décision a mené à ce que Mme A soit son PPPP. Toutefois, ce raisonnement semble ignorer que la « décision » en cause est celle de reconnaître Mme A comme PPPP, et non la décision du cpl Langridge de faire de Mme A sa conjointe de fait. Quelqu’un au sein de l’armée devait décider si la déclaration d’union de fait du cpl Langridge désignait effectivement Mme A comme PPPP. Quelqu’un a dû reconnaître le droit de Mme A au statut de PPPP pour que ce statut prenne sa signification.

123. Il semble que c’est précisément ce genre de décision qui a été communiquée dans un courriel du lcol Demers avant la réunion de coordination des mesures en cas de décès, le 17 mars 2009, en ces termes : [traduction] « compte tenu de la documentation au dossier, il semble que [Mme A] soit le PPPP; nous devons donc donner suite à ses souhaits ».Note de bas de page 3249 Le sgt Shannon a dit dans son témoignage qu’il ne s’agissait pas d’une décision concernant qui était le PPPP, mais d’une directive du commandant.Note de bas de page 3250 Qu’il s’agisse d’une directive ou d’une décision, ce message semble bien constituer une preuve pertinente pour déterminer qui, au sein du régiment, a pris la décision relative au PPPP. Cependant, le sgt Shannon a complété son enquête sur la question en concluant que la décision relative au PPPP était exclusivement celle du cpl Langridge.

Omission d’interroger des acteurs clés

124. Ayant attribué la décision du PPPP au cpl Langridge, le sgt Shannon n’a pas interrogé les acteurs clés dans le processus décisionnel. Dans son plan d’enquête, le sgt Shannon a identifié quatre entrevues à réaliser concernant l’allégation relative au PPP – Le Maj Cadieu, le lcol Demers, le Maj Reichert et le Capt Lubiniecki.Note de bas de page 3251 À l’exception du Maj Reichert, le sgt Shannon considérait chacun de ces officiers comme un suspect dans le cadre de son enquête.Note de bas de page 3252 Cependant, le sgt Shannon n’a jamais fait d’entrevue avec eux.

125. Dans son témoignage, il a affirmé que le critère du « soupçon raisonnable » l’a conduit à décider de n’interroger aucune des personnes identifiées comme suspects.Note de bas de page 3253 Il a expliqué que, pour invoquer son autorité et son pouvoir à titre de policier, il devait y avoir un soupçon raisonnable que les personnes à interroger avaient commis un crime. Étant donné qu’il n’a établi en aucun moment qu’il y avait un motif raisonnable de croire qu’une infraction avait eu lieu, il n’a interrogé aucune des personnes identifiées comme suspects.Note de bas de page 3254

126. Cette logique est erronée. Le sgt Shannon a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’importuner les officiers identifiés comme suspects potentiels en les soumettant à des entrevues parce qu’à son avis, ils n’avaient joué aucun rôle dans une éventuelle infraction. Cependant, la tenue d’entrevues aurait permis de préciser s’ils avaient en fait joué un rôle quelconque ou possédaient des renseignements utiles qui auraient éclairci toute erreur factuelle sur ce qui s’était passé à la réunion de coordination des mesures en cas de décès et la façon dont la décision concernant le PPPP avait été prise.

127. En outre, l’interprétation du sgt Shannon de son pouvoir d’interroger les suspects n’était pas partagée par d’autres membres du SNEFC. Le cplc Mitchell était prêt à interroger tous ceux qui avaient assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décès, y compris les suspects identifiés.Note de bas de page 3255 Lorsqu’il a appris, au cours de son entrevue avec le Capt Brown, que ce dernier avait assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décès, il a fait une mise en garde.Note de bas de page 3256 Le sgt Shannon aurait pu procéder de la même manière en interrogeant d’autres personnes visées par la plainte.

128. Étant donné que les entrevues avec la police ont toujours un caractère volontaire, la question du manque d’« autorité » du sgt Shannon pour procéder à des entrevues en l’absence de soupçons suffisants ne se posait pas.

129. Le sgt Shannon aurait pu s’appuyer sur les preuves factuelles recueillies à partir d’entrevues ou de documents. Cependant, à l’exception de deux entrevues avec des experts, toute l’enquête du sgt Shannon a porté sur un examen documentaire. Il a choisi de ne pas interroger les témoins identifiés dans son plan d’enquête parce qu’il considérait que les dossiers et les documents étaient beaucoup plus précis que des dépositions faites par des témoins des années après les événements.Note de bas de page 3257 Dans ce cas particulier, le sgt Shannon avait la conviction que les documents étaient plus éloquents que les motsNote de bas de page 3258 et, tandis que les témoins avaient fourni de nombreuses versions différentes des événements, les documents permettaient d’éliminer les « parasites ».Note de bas de page 3259 Selon le sgt Shannon, l’information contenue dans les documents était noir sur blanc et exposait les événements de sorte que l’on ne pouvait remettre en question ce qui s’était passé.Note de bas de page 3260 Le sgt Shannon a présumé que les documents établissaient de façon manifeste qui avait fait quoi et quand. Il a rejeté les entrevues avec des témoins comme source d’information valable, même si des renseignements importants et non disponibles autrement auraient pu être obtenus en parlant à certaines des personnes impliquées dans les événements en question.

Enquête insuffisante sur la situation de l’union de fait

130. En ce qui concerne la partie de son enquête visant à établir si le cpl Langridge était engagé dans une union de fait à la date de son décès, il aurait été utile que le sgt Shannon procède à des entrevues avec les témoins des faits avant d’arriver à la conclusion qu’il y avait une preuve de cohabitation. Il y a de nombreuses entrevues qui auraient pu et qui auraient dû être menées. Le sgt Shannon n’a pas interrogé Mme A, même s’il semble tout à fait probable qu’une entrevue avec celle-ci aurait fait ressortir des renseignements importants sur l’état de sa relation avec le cpl Langridge au moment de son décès, et quand (ou même si) ils avaient cessé de cohabiter. Un bref entretien avec Mme Fynes aurait pu être utile pour confirmer quand elle avait aidé le cpl Langridge à déménager du logement qu’il avait en commun avec Mme A. Le sgt Shannon a ignoré le besoin d’interroger Mme Fynes parce qu’elle avait déjà été interrogée à plusieurs reprises,Note de bas de page 3261 mais non sur la question de la situation matrimoniale du cpl Langridge. De même, une entrevue avec le père William Hubbard, qui avait participé au déménagement des biens de la résidence que partageaient le cpl Langridge et Mme A, aurait pu se révéler utile.Note de bas de page 3262

131. Le sgt Shannon ne s’est fié qu’aux résumés produits suite aux entretiens avec les Fynes.Note de bas de page 3263 En conséquence, il n’a pas eu accès à l’information fournie par les Fynes concernant la situation de l’union de fait du cpl Langridge avec Mme A. Les enregistrements sonores renfermaient un certain nombre d’allégations potentiellement pertinentes de la part de Mme Fynes, notamment que : la chaîne de commandement était au courant que le cpl Langridge et Mme A avaient rompu parce qu’ils avaient fait une déclaration verbale devant le Maj Jared;Note de bas de page 3264 Mme A avait demandé une ordonnance d’interdiction à l’endroit du cpl Langridge;Note de bas de page 3265 le ministère des Anciens combattants avait présumé que le cpl Langridge était célibataire au moment de son décès;Note de bas de page 3266 leur relation a pris fin lorsque le cpl Langridge a quitté le centre de traitement en résidence au début de janvier 2008.Note de bas de page 3267 Aucune de ces informations ne figure dans les résumés rédigés par le cplc Mitchell, mais elles auraient toutes pu être pertinentes à la question de la cohabitation du cpl Langridge avec Mme A.

132. Le sgt Shannon a conclu qu’il n’y avait pas de déclaration solennelle mettant fin à l’union de fait, comme l’exige la politique des FC, dans les documents non signés trouvés derrière le classeur après la mort du cpl Langridge (sujet abordé plus en détail ci-dessous). Pour le sgt Shannon, l’absence d’un tel document signifiait que le cpl Langridge n’envisageait pas de mettre fin à sa relation avec Mme A.Note de bas de page 3268

133. Cependant, il y avait des preuves laissant supposer l’existence possible d’un tel document. Dans son entrevue avec le cplc Mitchell au cours de cette enquête, l’adj (à la retraite) Doucette dit qu’après Noël 2008, le cplc Fitzpatrick avait dit au cplc Birt que le cpl Langridge voulait mettre fin à son union de fait et, en conséquence, le cplc Birt a réuni les formulaires nécessaires, qu’il a remis au cplc Fitzpatrick à l’intention du cpl Langridge.Note de bas de page 3269 Dans son témoignage, le cplc Fitzpatrick a confirmé que le cpl Langridge lui avait dit que lui et Mme A s’étaient séparés et qu’il lui avait remis des formulaires vierges à remplir. Son témoignage n’établit pas clairement si le formulaire de dissolution y figurait, mais il a bel et bien remis au cpl Langridge une série de formulaires.Note de bas de page 3270 Quatre formulaires partiellement remplis, ne comprenant pas le formulaire de dissolution de l’union de fait, ont été trouvés par le cplc Fitzpatrick derrière son classeur après la mort du cpl Langridge. Alors que les formulaires auraient dû été envoyés au greffier,Note de bas de page 3271 le cplc Fitzpatrick a déclaré que le cpl Langridge avait également la possibilité de retourner les formulaires remplis directement à lui ou à quelqu’un qu’il connaissait dans le bureau parce que le cpl Langridge avait été transféré du bureau du cplc Fitzpatrick au magasin du quartier-maître du régiment peu de temps après avoir reçu les formulaires.Note de bas de page 3272

134. Le sgt Shannon a simplement accepté qu’étant donné qu’aucun formulaire n’avait été trouvé, il n’en existait pas. Il n’a pas cherché plus loin. Il est tout à fait possible que le cpl Langridge ait décidé de ne pas mettre fin officiellement à sa relation avec Mme A, et qu’il n’ait donc jamais rempli le formulaire de dissolution. Cependant, dans tous les autres formulaires trouvés, le cpl Langridge avait indiqué que les prestations devaient être versées à ses parents. Compte tenu de l’importance du formulaire de dissolution pour la question de la situation de l’union de fait du cpl Langridge, le sgt Shannon aurait certainement dû faire des efforts pour s’assurer qu’un tel formulaire n’existait pas. Cela aurait pu comprendre un examen de l’entrevue de l’adj (à la retraite) DoucetteNote de bas de page 3273 et une entrevue avec le cplc Birt et le cplc Fitzpatrick.

135. Le sgt Shannon aurait pu parler à des membres du régiment au sujet de l’endroit où le testament original du cpl Langridge avait été trouvé puisqu’il n’a pas été découvert pendant les premiers jours qui ont suivi son décès.Note de bas de page 3274 Comme le SNEFC et le régiment avait tous les deux égaré des documents importants dans cette enquête et celle de 2008, le sgt Shannon aurait dû, par mesure de prudence, enquêter pour s’assurer qu’il n’existait aucun formulaire de dissolution.

136. Au bout du compte, il est possible que le sgt Shannon ait eu raison de conclure qu’en vertu de la loi militaire, une union de fait existait encore au décès du cpl Langridge. Les conditions requises par les FC pour mettre fin à la relation pourraient ne pas avoir été remplies. Toutefois, pour en arriver à cette conclusion, le sgt Shannon a ignoré de nombreuses sources de preuves pertinentes. Son enquête factuelle sur l’union de fait a été bâclée. La conclusion à laquelle en est arrivé le sgt Shannon est peut-être correcte, mais elle a néanmoins été étayée par une preuve incomplète.

Enquête inadéquate sur les intentions des Fynes pour la planification des funérailles

137. De même, le sgt Shannon n’a pas effectué une enquête factuelle approfondie sur la participation des Fynes à la planification des funérailles. Ses conclusions s’appuient sur des hypothèses fondamentales quant aux intentions de Mme Fynes pour les funérailles du cpl Langridge et à son rôle véritable dans la prise de décisions concernant les funérailles et la disposition de la dépouille du cpl Langridge. Ces hypothèses ne reposaient sur rien de ce que les Fynes avaient dit et n’étaient pas corroborées par les faits.

138. Il est difficile de comprendre comment le sgt Shannon pouvait connaître les intentions de Mme Fynes à propos de qui planifierait les funérailles puisqu’il ne lui avait jamais parlé de sa participation à la planification des funérailles ni écouté les entrevues faites avec les Fynes par le SNEFC. Les Fynes n’ont jamais exprimé quelque intention de laisser Mme A planifier seule les funérailles. Ils ont plutôt accepté le fait que Mme A ait l’autorité de planifier les funérailles quand ils ont appris que le régiment l’avait reconnue comme PPPP. Ils ont estimé qu’ils n’avaient aucun choix quant à la personne qui planifierait l’inhumation.Note de bas de page 3275

139. En outre, l’interprétation du sgt Shannon des faits concernant les intentions de Mme Fynes pour la planification des funérailles est discutable. Ainsi, l’appel téléphonique de Mme Fynes à Mme A dans les jours qui ont suivi la mort du cpl Langridge n’a probablement pas été perçu par Mme Fynes (ou même Mme A) comme une acceptation de la part de Mme Fynes du fait que le pouvoir de planifier les funérailles avait été attribué à Mme A. En effet, l’appel était, au moins en partie, motivé par le désir des Fynes de rassurer Mme A en lui disant que les dettes du cpl Langridge seraient payées.Note de bas de page 3276

140. Le sgt Shannon a aussi erré en pensant que tous les souhaits des Fynes concernant les funérailles avaient été respectés. Ils ont clairement fait des concessions à Mme A sur plusieurs aspects importants. Les principales concessions concernaient des négociations au sujet du drapeau à placer sur le cercueil du cpl Langridge et l’inhumation ou l’incinération de la dépouille. Les Fynes souhaitaient que le drapeau régimentaire soit utilisé.Note de bas de page 3277 Dans les communications entre les OD, Mme A avait exprimé sa préférence pour l’incinération. Cependant, Mme A était prête à céder sur cette question si le drapeau canadien plutôt que celui du régiment était placé sur le cercueil.Note de bas de page 3278 Puisque la question de la façon dont on disposerait de la dépouille touchait profondément Mme Fynes,Note de bas de page 3279 elle a accepté la demande de Mme A afin d’éviter que le corps soit incinéré.Note de bas de page 3280 Quand le drapeau a été retiré du cercueil lors des funérailles, il a été remis à Mme A.Note de bas de page 3281 Les Fynes pensaient fermement qu’ils auraient dû le recevoir.Note de bas de page 3282 Mme A a également vu la dépouille une dernière fois avant les funérailles, ce qui n’a pas été le cas pour les Fynes,Note de bas de page 3283 et Mme A a fermé le cercueil.Note de bas de page 3284

141. La preuve révèle que Mme Fynes a fait des compromis sur des questions qui la touchaient profondément. Le sgt Shannon aurait été mis au courant de ces faits s’il avait rencontré les Fynes pour discuter des allégations, revu leurs entrevues précédentes et soigneusement examiné les documents qui faisaient partie du dossier d’EG.

Conclusion au sujet de l’enquête sur la plainte concernant le PPPP

142. En définitive, l’équipe de commandement a approuvé les conclusions auxquelles était parvenu le sgt Shannon dans ce dossier.Note de bas de page 3285 Ils étaient satisfaits de son enquête et de l’analyse des allégations et confiants que les conclusions du sgt Shannon étaient appropriées.Note de bas de page 3286 L’adj Hart l’a résumé ainsi, en réponse à l’allégation des Fynes à la CPPM à l’effet que les deux enquêtes de 2009 et 2010 étaient inadéquates et n’avaient pas répondu aux questions qui devaient faire l’objet d’une enquête :

[traduction]

Je suis pleinement convaincu que ces enquêtes ont été menées à bien. Il va toujours y avoir des différences [sic] d’opinion chez les gens quant à ce qu’ils souhaitent voir accompli. Cependant, lorsque nous avons examiné ce dossier, lorsque nous avons examiné les circonstances qui ont prévalu ici, ces questions d’une manière neutre, ne cherchant pas à jeter le blâme d’un côté ou de l’autre et les avons envisagées à la lumière des allégations qui ont été faites, je suis à l’aise avec la façon dont ces enquêtes ont abouti. Je n’ai aucune réserve à ce sujet.Note de bas de page 3287

143. Le sgt Shannon et l’équipe de commandement étaient tout à fait confiants en arrivant à la conclusion que l’enquête devait être close et qu’aucune accusation ne devait être portée. Même si cette conclusion était correcte, des erreurs fondamentales ont été faites dans la gestion de l’enquête.

144. Alors que le sgt Shannon a correctement identifié la nécessité d’examiner les hypothèses concernant l’utilisation du formulaire AUP faite par les enquêteurs précédents et les plaignants, il n’a pas réussi à identifier la question qui était au centre de la plainte. Il a plutôt ciblé très étroitement son enquête sur la question de savoir si Mme A était la conjointe de fait du cpl Langridge au moment de son décès. Les droits accompagnant la reconnaissance comme PPPP, notamment celui de planifier les funérailles, n’ont pas été examinés. Bien qu’ils n’aient pas précisé leur plainte de manière particulièrement claire et qu’ils l’aient fondée sur l’hypothèse que le formulaire AUP était central à la détermination de la question, les Fynes étaient en définitive préoccupés par le fait que la tâche de planifier les funérailles avait été confiée à quelqu’un qui n’était pas en droit de le faire.

145. Après que l’enquête ait été bien engagée, le sgt Shannon a pris en considération l’allégation supplémentaire au sujet de la planification des funérailles. L’enquête sur cette allégation n’a toutefois porté que sur la participation des Fynes à la planification des funérailles et n’a jamais abordé la question essentielle de savoir qui aurait dû être en droit de planifier les funérailles.

146. En raison du manque de compréhension de la plainte, les questions pertinentes n’ont pas été posées au cours de l’enquête. Le rôle de l’exécuteur testamentaire n’a pas été jugé pertinent aux questions visées par l’enquête, ni l’identité de la personne ou des personnes qui ont effectivement pris la décision concernant le PPPP. Ni l’une ni l’autre de ces questions ne faisait partie de l’enquête.

147. Comprendre la plainte et tout l’éventail des questions qui devaient être examinées constituait une tâche difficile et complexe. Cependant, il aurait été important d’identifier correctement l’allégation relative à qui avait le droit de planifier les funérailles du cpl Langridge.

148. Une lacune fondamentale de l’enquête est l’omission de demander un avis juridique.Note de bas de page 3288 Une fois précisé le fondement de l’allégation, la nécessité d’obtenir un avis juridique aurait dû apparaître de façon évidente. Les questions concernant qui peut être un PPPP, quels sont les droits qui se rattachent à ce statut, et qui a le droit de planifier les funérailles sont toutes des questions juridiques complexes mettant en interaction plusieurs ordonnances et politiques militaires ainsi qu’un examen du droit provincial ou même de jugements antérieurs. Ces questions nécessitaient une intervention juridique.

149. Au lieu de cela, toutes les analyses ont été faites par le sgt Shannon lui-même. En dépit du fait qu’il n’avait aucune formation juridique, le sgt Shannon était convaincu qu’il possédait l’expertise nécessaire pour tirer des conclusions de nature juridique en rapport avec l’enquête.Note de bas de page 3289 Il a ainsi déclaré dans son témoignage :

[Traduction]

J’ai décidé de ne pas demander d’aide ou d’avis juridique parce que je ne croyais pas que cela était nécessaire. Je croyais que mon évaluation de la formulation des ordonnances et des règlements était exacte, logique et clairement énoncée, puis la façon dont je les ai articulés a été corroborée par l’examen approfondi du major Dandurand, [et] de l’équipe de commandement.Note de bas de page 3290

150. Un avis juridique aurait été disponible si les enquêteurs l’avaient demandé. Le cplc Mitchell avait demandé et obtenu un avis juridique sur l’enquête de 2010.Note de bas de page 3291 Un officier du JAG affecté au Bureau du commandant du SNEFC était disponible pour donner des avis et répondre à des questions concernant les affaires sous enquête.Note de bas de page 3292 Le Maj Dandurand a confirmé que les enquêteurs étaient au courant de l’existence de ces ressources et que s’ils avaient craint de s’aventurer dans des domaines hors de leur expertise, ils n’auraient pas hésité à y recourir.Note de bas de page 3293 Aucune justification acceptable n’a été fournie pour ce manquement à obtenir un avis juridique.

151. L’enquête a également souffert d’autres lacunes. Dans le cadre de l’enquête sur l’union de fait et le rôle joué par les Fynes dans la planification des funérailles, il n’y a eu aucune entrevue avec des témoins des faits. Les hypothèses qui ont été formulées ne pouvaient être corroborées par les faits véridiques.

152. En fin de compte, il se peut que le sgt Shannon ait eu raison de conclure qu’en aucun cas la conduite des membres des FC ne pouvait être considérée comme une infraction d’ordre militaire. Toutefois, ce n’était pas parce que Mme A était le bon PPPP. Au contraire, la loi militaire sous-jacente à la question du PPPP et celle de la planification des funérailles et son interaction avec la loi provinciale peuvent avoir été assez imprécises et complexes pour qu’un décideur qui est parvenu à une conclusion erronée ne puisse être considéré comme négligent dans l’exécution d’une tâche militaire.

153. Dans la mesure où les décideurs des FC ont obtenu un avis juridique au moment de prendre une décision, même si cette décision s’avérait mal fondée en droit, il est peu probable que cela ait constitué une infraction d’ordre militaire puisque le fait d’agir sur la foi d’un avis juridique pourrait bien annuler la négligence. En revanche, si un conseiller juridique avait déterminé que Mme A devrait se voir attribuer le pouvoir de décision au sujet des funérailles, il ou elle aurait pu être reconnue coupable de négligence dans l’exécution de son devoir militaire de donner un tel avis. Cette possibilité n’a jamais été envisagée, et encore moins examinée.

154. Le fait qu’il pourrait ne pas y avoir de motifs de porter des accusations en lien avec la décision de nommer Mme A comme PPPP et de lui donner le pouvoir de planifier les funérailles ne dispense pas ceux qui ont mené l’enquête de leur responsabilité pour la façon inadéquate dont l’enquête a été menée. La plainte des Fynes contre la chaîne de commandement n’était peut-être pas recevable en droit, mais leur allégation contre le SNEFC au sujet de la façon dont l’enquête sur leur plainte s’est déroulée est bien fondée.

Autres plaintes au SNEFC

155. En plus de la plainte générale concernant la reconnaissance de Mme A comme PPPP du cpl Langridge, et l’effet de cette reconnaissance sur la prise de décisions relatives aux funérailles du cpl Langridge, les Fynes ont exprimé trois autres préoccupations qui pourraient soutenir des accusations pour des infractions de nature criminelle ou militaire :

  1. Les infractions potentielles commises par Mme A et les deux membres des FC qui l’accompagnaient lors de sa visite à l’entrepreneur de pompes funèbres, y compris une conduite qui pourrait avoir constitué une fraude sous la forme de faux renseignements fournis dans le but d’obtenir des prestations;Note de bas de page 3294
  2. La conduite criminelle ou les infractions de nature militaire potentielles en lien avec la documentation égarée du cpl Langridge, retrouvée après sa mort, mais avant ses funérailles;Note de bas de page 3295
  3. Une allégation selon laquelle un officier du JAG a émis un avis sur la situation de la relation entre le cpl Langridge et Mme A en s’appuyant sur un document de politique désuet.Note de bas de page 3296

156. La plainte des Fynes à la CPPM allègue que le SNEFC a omis de traiter de façon appropriée les questions nécessitant une enquête et n’a pas enquêté sur certaines questions spécifiquement portées à son attention.Note de bas de page 3297

157. Les Fynes ont eu raison de penser que ces allégations n’ont reçu, au mieux, qu’une attention superficielle. Étant donné la conclusion du sgt Shannon à l’effet que Mme A était bien le PPPP du cpl Langridge, cela n’est pas étonnant. Il est possible qu’aucune de ces plaintes supplémentaires adressées au SNEFC n’ait pu soutenir d’accusations pour des infractions de nature pénale ou militaire. Ce résultat ne justifie pas l’omission du SNEFC d’informer les Fynes en temps opportun des motifs de la décision de ne pas faire enquête sur les deux premières allégations supplémentaires, ni, pour ce qui est de la troisième allégation, cela ne justifie l’omission de s’assurer que la plainte a été analysée correctement, ce qui correspond en fait à l’essence des préoccupations des Fynes.

L’enregistrement du décès

158. Dès qu’ils ont reçu le premier certificat de décès, les Fynes ont systématiquement exprimé leurs préoccupations auprès des FC concernant l’enregistrement du décès du cpl Langridge.Note de bas de page 3298 Lorsqu’on leur a remis un certificat de décès après l’inhumation, les Fynes se sont plaint que les renseignements figurant sur ce formulaire au sujet de la résidence du cpl Langridge, de sa situation matrimoniale et du PPP étaient tous inexacts.Note de bas de page 3299 Certaines modifications ont été apportées aux certificats de décès subséquents par l’entrepreneur de pompes funèbres après avoir consulté le Capt Brown.Note de bas de page 3300 Les Fynes étaient d’avis que M. Fynes, en sa qualité d’exécuteur testamentaire, ne pouvait pas procéder à l’administration de la succession du cpl Langridge à cause des inexactitudes apparaissant sur le certificat d’enregistrement du décès.Note de bas de page 3301Les Fynes se sont également plaint qu’il était irrespectueux pour le cpl Langridge d’avoir été enterré alors que les documents étaient inexacts.Note de bas de page 3302 En raison de leur profonde préoccupation à ce sujet, ils ont finalement demandé et obtenu une ordonnance ex parte modifiant l’enregistrement de décès pour retirer la désignation de Mme A comme conjointe de fait du cpl Langridge, modifier l’adresse de résidence permanente et changer l’identité de la source des renseignements figurant dans l’enregistrement du décès, de Mme A à Mme Fynes.Note de bas de page 3303

159. En ce qui concerne le certificat d’enregistrement du décès, les Fynes allèguent que les FC ont joué un rôle en fournissant (ou en permettant que soient fournis) des renseignements inexacts à l’entrepreneur de pompes funèbres. Plus précisément, ils ont fait valoir que Mme A avait fourni de faux renseignements et que les deux membres des FC qui l’accompagnaient n’avaient pas réagi en l’entendant dire des choses qui étaient [traduction] « clairement et manifestement fausses ».Note de bas de page 3304 Ils ont soutenu que des infractions pourraient avoir été commises par Mme A quand elle a donné des informations inexactes,Note de bas de page 3305 et que des infractions pourraient aussi avoir été commises par les deux militaires présents lorsque ces informations ont été fournies.Note de bas de page 3306 Ils ont maintenu que si M. Fynes était allé au salon funéraire à la place de Mme A, les erreurs commises sur le certificat d’enregistrement du décès auraient pu être évitées.Note de bas de page 3307 En outre, les Fynes ont laissé entendre que Mme A avait fourni des informations erronées, notamment en ce qui concerne sa situation matrimoniale, pour établir son admissibilité aux prestations monétaires découlant de la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 3308 Ils ont également allégué que l’entrepreneur de pompes funèbres avait tenté de leur donner une copie du premier certificat de décès – qui s’est avéré inexact – lors des funérailles, mais que quelqu’un en uniforme l’avait arrêté et lui avait dit d’attendre le retour des Fynes à Victoria avant de le leur remettre.Note de bas de page 3309

Documents égarés

160. Les Fynes ont soulevé des préoccupations distinctes auprès du SNEFC au sujet des documents administratifs concernant le cpl Langridge qui ont été trouvés derrière le classeur du cplc Fitzpatrick après la mort du cpl Langridge. Il y avait quatre documents : un testament,Note de bas de page 3310 un formulaire de désignation de récipiendaire de la Croix du Souvenir,Note de bas de page 3311 un formulaire d’avis d’urgence personnelleNote de bas de page 3312 et un formulaire de prestations supplémentaires de décès.Note de bas de page 3313 Chacun de ces documents avait trait à l’administration des affaires du cpl Langridge après sa mort. Même si aucun des documents n’était entièrement rempli, chacun nommait les Fynes comme bénéficiaires des prestations ou des responsabilités particulières qu’il conférait. Le testament trouvé derrière le classeur, dans lequel le cpl Langridge modifiait son exécuteur testamentaire, nommant son beau-père, Shaun Fynes, à la place de son ami, David White, revêt une importance particulière. Les FC ont finalement jugé que ce testament était valide en vertu des dispositions de la Wills Act de l’Alberta,Note de bas de page 3314 mais M. Fynes n’a été informé du changement d’exécuteur testamentaire que près de deux mois après la découverte du second testament.Note de bas de page 3315

161. Les Fynes ont allégué que la question de savoir comment et où ces documents ont été retrouvés ne passait même pas [traduction] « le test  de la dérision »,Note de bas de page 3316 laissant peut-être entendre qu’ils pensaient que les documents avaient été délibérément dissimulés pour une raison liée à la décision concernant le PPPP, mais en alléguant certainement une inconduite dans la disparition initiale et la découverte subséquente de ces documents.Note de bas de page 3317

Aucune enquête sur ces deux questions

162. Ni l’allégation portant sur l’enregistrement du décès, ni celle concernant les documents administratifs égarés n’ont été examinées dans le cadre de l’enquête de 2009. Ces allégations ne faisaient pas partie du synopsis de la plainte initiale, de l’une ou l’autre des évaluations du dossier d’enquête, des plans d’enquête du cplc Mitchell ou du sgt Shannon, ni de la présentation PowerPoint finale. De brèves mentions de ces deux questions figurent au dossier d’EG dans des notes au sujet d’une conversation téléphonique avec l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman,Note de bas de page 3318 ainsi que dans certains documents fournis par l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman qui sont inclus dans le dossier.Note de bas de page 3319 Il y a aussi une mention de la question de l’enregistrement du décès dans la déclaration des plaignants.Note de bas de page 3320 En revanche, ces questions ont été discutées en détail par les Fynes et le SNEFC à plusieurs reprises au cours de l’enquêteNote de bas de page 3321 et elles ont été portées à l’attention du SNEFC à la fois par l’enquêteur du Bureau de l’ombudsmanNote de bas de page 3322 et le Maj Parkinson.Note de bas de page 3323 Les enquêteurs du SNEFC auraient dû être au courant de ces questions.

163. Il est possible que les allégations n’aient pas fait partie de l’enquête parce qu’elles étaient considérées comme de simples conséquences de la décision relative au PPPP. Tant les Fynes que les enquêteurs ont identifié la décision du PPP comme étant au cœur du litige car [traduction] « tellement de choses dépendaient de cette décision sur le plan administratif ».Note de bas de page 3324 Le Maj Dandurand a décrit les questions sous enquête de la façon suivante :

[traduction]

Mon interprétation de ce que nous allions examiner dans cette enquête était la négligence dans l’exécution d’une tâche militaire en ce qui a trait au premier – à la détermination du premier plus proche parent; à partir de là, à l’époque, notre compréhension était que tout le reste en découlait.Note de bas de page 3325

164. Puisque l’enquête est parvenue à la conclusion que Mme A était le bon PPPP et donc, qu’aucune erreur n’avait été commise dans cette désignation, il semble que les enquêteurs aient conclu qu’il n’y avait alors aucun besoin d’enquêter sur les allégations qui ont suivi.

165. Lors de ses premiers entretiens avec les Fynes, le Maj Dandurand a déclaré que d’autres organismes et instances administratives s’occupaient de l’ensemble de leurs préoccupations administratives. Il a mentionné que le Bureau de l’ombudsman,Note de bas de page 3326 la Commission d’enquête et l’Enquête sommaireNote de bas de page 3327 examinaient l’éventail complet des questions soumises. Il a utilisé une analogie avec les Fynes, soit que la partie de l’enquête dont s’occupait le SNEFC ne représentait qu’environ cinq centimètres sur le mètre de questions qu’ils avaient soulevées.Note de bas de page 3328 Cependant, il leur a donné l’assurance que le SNEFC étudierait toute question de nature pénale.Note de bas de page 3329

166. Au cours de leur témoignage, les enquêteurs ont invoqué d’autres raisons pour ne pas avoir enquêté sur ces allégations particulières. Le sgt Shannon a écarté la question du certificat de décès car, à son avis, il n’y avait pas de lien de cause à effet entre les actions des membres des FC et l’efficacité des opérations des FC, ce qui est un élément nécessaire pour établir une infraction d’ordre militaire.Note de bas de page 3330 En ce qui concerne les documents égarés, le Matc McLaughlin a déclaré qu’il n’aurait pas donné suite à cette question parce que le cplc Fitzpatrick n’avait pas égaré délibérément les documents et qu’en conséquence, il ne voyait aucune indication qu’une infraction d’ordre militaire avait été commise.Note de bas de page 3331 Le sgt Shannon ne considérait pas les documents égarés comme pertinents, parce qu’ils n’étaient pas entièrement remplis et qu’à son avis aucun de ces documents ne modifiait la situation de l’union de fait du cpl Langridge.Note de bas de page 3332 Il convient de signaler que le cplc Mitchell avait fait un examen préliminaire de ces deux aspects, posant des questions au sujet du certificat de décès et des documents égarés au cours d’entrevues qu’il a menées avec des témoins.Note de bas de page 3333

167. Il semblerait que l’omission du SNEFC d’enquêter et de tirer des conclusions sur les allégations concernant le certificat de décès et les documents égarés était en grande partie une conséquence de l’enquête déficiente qui a eu lieu sur la question du PPPP. Si la question avait été interprétée comme étant liée à la planification des funérailles, les allégations supplémentaires des Fynes auraient constitué un volet plus évident de l’enquête. Les questions concernant les renseignements que Mme A a fournis pour l’enregistrement du décès ont surgi parce que les FC ont désigné Mme A pour qu’elle se rende au salon funéraire, accompagnée de membres des FC, afin de prendre des décisions au sujet des funérailles. Les faits concernant les documents égarés peuvent ne pas avoir été soumis à une enquête en partie parce que ces documents n’ont pas été considérés comme étant pertinents, mais le contenu du testament nouvellement trouvé aurait eu un impact direct sur la planification des funérailles, tandis que d’autres documents peuvent très bien avoir témoigné des intentions du cpl Langridge quant à la personne qui devait prendre les décisions à propos de ses funérailles.

La question de la compétence

168. Les enquêteurs ont également justifié l’absence d’enquête sur les allégations supplémentaires en affirmant qu’elles outrepassaient la compétence du SNEFC.Note de bas de page 3334 Même si cela peut être vrai pour certaines de ces allégations, les allégations ayant trait au rôle joué par les FC en aidant à transmettre des renseignements prétendument erronés semblent, à première vue du moins, relever de la compétence potentielle du SNEFC. Si ces allégations ne relevaient pas du mandat ou de la compétence du SNEFC, les plaignants auraient dû en être informés. Le Maj Dandurand a indiqué aux Fynes lors de leur dernier entretien que, pour que l’enquête parvienne à sa conclusion dans un délai raisonnable, elle devait être centrée sur l’allégation de négligence.Note de bas de page 3335 Toutefois, les Fynes n’ont jamais été informés qu’il n’y aurait pas d’enquête sur les allégations concernant le certificat de décès et les documents égarés. Le sgt Shannon a noté, pour ce qui est des allégations relatives au certificat de décès, que s’il avait lui-même reçu la plainte, il aurait avisé les Fynes de communiquer avec le Service de police d’Edmonton.Note de bas de page 3336 Les allégations de cette nature déposées par un plaignant doivent être traitées, selon le sgt Shannon, en procédant de la façon suivante :

[traduction]

[...] Dans de nombreuses situations, la police reçoit des rapports de citoyens, et dès le tout premier contact, il est clair que ce que le citoyen signale à la police n’est pas un crime, ou que la question ne relève de la police. Il revient alors au professionnalisme du policier d’informer le citoyen et lui suggérer des solutions possibles pour que la personne puisse obtenir l’aide dont elle a besoin.Note de bas de page 3337

169. Si le SNEFC n’avait pas l’intention d’enquêter sur les allégations au-delà de la question du PPPP, les Fynes auraient dû en être informés clairement. Dans le cas des questions concernant Mme A et le certificat de décès, cela aurait pu leur permettre de poursuivre leur démarche auprès d’une autre instance, peut-être plus appropriée.

170. Le SNEFC ne doit pas s’en remettre à d’autres organismes ou instances pour enquêter ou pour résoudre de manière appropriée des problèmes relevant de sa compétence ou de son mandat. Le SNEFC devrait déterminer de façon autonome si une allégation justifie l’ouverture d’une enquête criminelle sur des questions ou des personnes relevant de sa compétence, indépendamment de toute autre enquête entreprise et de ses résultats.

171. La question de la participation potentielle de membres des FC à la divulgation d’informations inexactes aux fins du certificat de décès et celle des documents égarés ont été examinées dans le cadre de l’ES sur les aspects administratifs. Cependant, cela ne dégageait pas le SNEFC de l’obligation de mener sa propre enquête sur les aspects pénaux de ces plaintes, ni de l’obligation d’informer les Fynes dans un délai raisonnable des motifs de toute décision prise de ne pas faire enquête.

La question de l’avis juridique du JAG sur la situation matrimoniale du cpl Langridge

172. Presqu’au début de l’enquête de 2009, une plainte a été déposée concernant une décision qui aurait été formulée dans une lettre du lcol Bruce King, un officier supérieur du JAG, au sujet de la situation matrimoniale du cpl Langridge. Tel qu’enregistré dans le dossier d’enquête, le synopsis de la plainte se lit comme suit :

[traduction]

Enfin, [les Fynes] étaient préoccupés par une décision rendue par un agent du JAG qui a officiellement fait savoir que le cpl Langridge et [Mme A] étaient toujours engagés dans une union de fait au moment du décès de ce dernier. Les Fynes croient que l’officier du JAG a cité une politique qui avait été abrogée lorsqu’il a rendu sa décision.Note de bas de page 3338

173. À première vue, cette plainte comporte plusieurs vices évidents. La participation du lcol King à l’affaire Fynes n’a ​ commencé qu’après la convocation de la Commission d’enquête, pour laquelle le lcol King a agi comme conseiller juridique.Note de bas de page 3339 Les discussions qui ont influé sur la reconnaissance par les FC de Mme A comme conjointe de fait du cpl Langridge s’étaient déroulées plusieurs mois avant que la CE ne soit convoquée. Le lcol King a écrit une lettre à l’avocate des Fynes, en partie en réponse aux allégations des Fynes sur les conséquences pour eux des renseignements inexacts fournis aux fins du certificat de décès. Toutefois, cette lettre est datée du 20 mars 2009,Note de bas de page 3340 soit plus d’un an après la décision de l’armée de reconnaître Mme A comme PPPP du cpl Langridge. La lettre de mars 2009 porte clairement la mention « sans préjudice », indiquant qu’elle a été envoyée dans le cadre de discussions portant sur un règlement éventuel. Comme telle, sur la base du « privilège lié aux négociations en vue d’un règlement », ni la lettre ni son contenu ne peut être invoqué pour quelque fin que ce soit en dehors des discussions en vue d’un règlement.

174. Il est difficile de voir comment la lettre du lcol King peut être considérée comme une décision sur la situation de l’union de fait du cpl Langridge ou comment, compte tenu de sa date, une telle décision peut être liée factuellement à quelque conséquence dont auraient souffert les Fynes.

175. Au-delà de ces incongruités, il peut y avoir des raisons de douter de l’exactitude de la plainte formelle telle qu’enregistrée dans le dossier d’EG. Dans l’entrée initiale, aucune mention n’est faite de l’identité de l’officier du JAG impliqué et, plus important encore, du moment où le présumé avis juridique erroné a été donné ou dans quel contexte.Note de bas de page 3341 Suite à la rencontre du SNEFC avec l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman, la plainte a été élaborée davantage afin d’identifier spécifiquement l’agent du JAG – le lcol King – et d’identifier aussi une lettre du lcol King à l’avocate des Fynes comme étant une [traduction] « copie de la décision rendue par le lcol King au sujet de la situation d’union de fait du cpl Langridge ».Note de bas de page 3342

176. Il n’est pas possible de savoir exactement quelle plainte au sujet de l’officier du JAG les Fynes ont adressée directement au SNEFC. La seule discussion sur la question qui s’est déroulée entre les Fynes et le SNEFC n’a pas été enregistrée. Cette discussion a eu lieu dans le contexte d’une longue conversation après la première entrevue des Fynes avec le SNEFC, mais les parties prenant part à la discussion avaient quitté la pièce où s’était tenue l’entrevue et le système d’enregistrement avait été fermé. Le Matc McLaughlin a déclaré qu’au cours de la discussion non enregistrée, les Fynes n’ont ​mentionné aucun nom ni aucune autre information réelle outre le fait qu’un officier du JAG avait cité une politique abrogée.Note de bas de page 3343

177. Le Maj Dandurand a expliqué dans son témoignage que la question s’est concrétisée pour lui après la rencontre avec l’ombudsman,Note de bas de page 3344 et il a compris que la question sous enquête était de savoir si un avis erroné avait été donné par un juriste (présumé être le lcol King) durant la réunion de coordination des mesures en cas de décès ou au commandant.Note de bas de page 3345 Il a pensé que c’était à la suite de cet avis que la décision concernant le PPPP avait été prise et que les Fynes se sont vu refuser le pouvoir de décision finale sur les funérailles du cpl Langridge. Cela semble être une interprétation raisonnable de la plainte étant donné la préoccupation des Fynes au sujet de la question de la planification des funérailles.

178. La compréhension du Maj Dandurand de la nature de la plainte des Fynes est beaucoup plus logique que la plainte formelle enregistrée dans le dossier d’EG. Il y a eu une réunion de coordination des mesures en cas de décès. Un officier du JAG (autre que le lcol King) était présent.Note de bas de page 3346 Un avis juridique a vraisemblablement été fourni.Note de bas de page 3347 Suite à cette réunion, la décision de reconnaître Mme A comme PPPP a été ratifiée.Note de bas de page 3348 Cette série de faits semble laisser ouverte la possibilité de l’existence de motifs plausibles pour une accusation de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire par la personne ayant fourni l’avis juridique. Si l’avis juridique a servi de fondement à la décision concernant le PPPP, s’il était erroné et a causé un préjudice aux Fynes et s’il s’est révélé nettement en deçà de la norme attendue d’un avocat dans les circonstances, il se peut qu’une infraction ait été commise. Toutefois, aucune enquête n’a été effectuée, ce qui ne permet pas de faire d’autres conjectures sur une éventuelle accusation.

179. Comme l’a souligné le Maj Dandurand dans son témoignage, lorsqu’une plainte est portée à l’attention d’un membre du SNEFC, ce dernier devrait [traduction] « au moins valider si la personne se plaint formellement. Nous posons alors la question : Est-ce ce sur quoi vous portez plainte? »Note de bas de page 3349 Cela semble être un conseil judicieux, surtout lorsque les faits d’une affaire soulèvent des questions sur la validité de la plainte telle que formulée. Dans le cas présent, les enquêteurs ne semblent pas avoir saisi l’importance de cette étape fondamentale. Au contraire, les premiers enquêteurs semblent s’être fiés aux renseignements fournis par l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman pour clarifier la plainteNote de bas de page 3350 plutôt que de tenter de vérifier les allégations des Fynes, dans des circonstances où, en autant que le SNEFC était concerné, l’ombudsman n’était pas le véritable plaignant.

180. En tout temps, l’enquête semble s’être fondée exclusivement sur la plainte formelle énoncée dans le dossier d’EG. L’approche adoptée par le sgt Shannon pour accomplir son travail d’enquête était très littérale. Il semble que le sgt Shannon ne se soit jamais demandé comment une lettre écrite plusieurs mois après que le statut de Mme A comme conjointe de fait du cpl Langridge ait été reconnu par les CF – et portant explicitement la mention « sans préjudice » – pouvait être interprétée comme une décision au sujet de la situation matrimoniale de cette dernière. Au lieu de cela, il a simplement cherché à savoir si la politique sur laquelle reposait cette « décision » avait été abrogée au moment des faits.Note de bas de page 3351 Après avoir déterminé que l’ordonnance n’avait pas été abrogée à la date du décès du cpl Langridge,Note de bas de page 3352 le sgt Shannon n’a procédé à aucune autre mesure d’enquête, concluant simplement que l’allégation visant le lcol King n’était pas fondée.

181. Aucun des enquêteurs affectés au dossier n’a mené d’enquête sur l’objet réel de la plainte, à savoir l’avis juridique qui a conduit à la décision concernant le PPPP.

182. Compte tenu des incongruités de la plainte formelle, un effort aurait dû être fait pour s’assurer que la plainte faisant l’objet de l’enquête correspondait bien aux questions véritables qui troublaient les Fynes et aux questions réellement soulevées par les faits. Il aurait également été utile que les enquêteurs demandent un avis juridique sur la signification et les conséquences de la lettre de mars 2009.

Conclusion au sujet de l’enquête sur les autres plaintes

183. Au cours de son enquête de 2009, le SNEFC n’a pas enquêté sur plusieurs des principales allégations exprimées par les Fynes. S’il y avait eu une plus grande clarté dans le dossier d’EG lui-même et parmi les enquêteurs quant à l’importance de la question de la planification des funérailles, les autres préoccupations soulevées par les Fynes auraient pu faire l’objet d’une enquête plus appropriée. Les plaintes en apparence incongrues auraient dû être éclaircies avec les Fynes avant d’être rejetées après seulement une enquête superficielle. Si la décision avait été prise qu’il n’y aurait pas d’enquête sur certaines questions, elle aurait dû être communiquée clairement aux Fynes.

Supervision et tenue des dossiers

L’importance de la supervision d’une enquête

184. La supervision fait partie intégrante de la bonne gestion d’une enquête jusqu’à sa conclusion. Dans toute enquête, un leadership et une surveillance sont nécessaires pour s’assurer que les préoccupations du plaignant sont traitées pleinement et convenablement. Dans ce cas, les superviseurs ont adopté une approche passive. Ils ont peut-être parlé aux enquêteurs et vérifié le SISEPM régulièrement, mais ils ont laissé les enquêteurs mener l’enquête comme ils l’entendaient avec une direction et une supervision limitées. Si une telle approche peut être appropriée dans certaines circonstances, elle ne l’était pas pour cette enquête. Un ensemble complexe d’allégations et de faits, l’absence de continuité dans le dossier et la mauvaise tenue des dossiers nécessitaient davantage – et non moins – de surveillance et de contrôle. Le rôle central du superviseur est de bien connaître les détails de l’enquête, d’apporter sa contribution et de donner une orientation.

Responsabilité de la supervision de l’enquête

185. Les enquêteurs étaient supervisés au départ par l’adjudant des opérations qui a agi, en fait, comme gestionnaire de cas.Note de bas de page 3353 L’adj Hart a occupé ce poste depuis le début de l’enquête jusqu’en juillet 2010, période au cours de laquelle le Matc McLaughlin et le cplc Mitchell ont travaillé sur le dossier. L’adj Bonneteau a assumé cette fonction à l’été 2010, peu avant que le sgt Shannon devienne l’enquêteur principal.Note de bas de page 3354

186. L’adjudant des opérations affectait les enquêteurs aux dossiers et présentait au commandant du détachement des mises à jour sur les enquêtes sous la forme de rapports hebdomadaires de l’état des dossiers et en participant à des séances d’information avec l’équipe de commandement.Note de bas de page 3355 L’adjudant des opérations avait également la responsabilité d’examiner et de superviser le déroulement des enquêtes pour s’assurer qu’elles procédaient sans délai et de manière appropriée.Note de bas de page 3356

187. L’adjudant des opérations s’est fié, en partie, aux discussions informelles avec les enquêteurs pour superviser les activités dans le cadre de l’enquête. Au cours de l’enquête, l’adj Hart et l’adj Bonneteau ont tous deux eu des contacts réguliers avec les enquêteurs pour discuter de l’état d’avancement et des prochaines étapes prévues de l’enquête.Note de bas de page 3357 S’il y avait des questions sur ce qui avait été fait, le superviseur aurait parlé à l’enquêteur.Note de bas de page 3358

188. Les superviseurs s’appuyaient aussi sur les entrées faites dans le SISEPM par les enquêteurs pour contrôler et superviser le dossier.Note de bas de page 3359 Les superviseurs avaient un accès illimité au SISEPM et pouvaient entrer dans le système à tout moment pour vérifier le dossier et obtenir plus d’information ou en faire l’examen dans l’optique de l’assurance de la qualité.Note de bas de page 3360 Dans son témoignage, l’adj Bonneteau a expliqué que sa compréhension initiale de l’enquête provenait de la lecture et de l’examen du dossier.Note de bas de page 3361 Il passait aussi en revue quotidiennement tous les dossiers en cours pour s’assurer de la continuité de l’activité dans chaque dossier.Note de bas de page 3362

189. Pour toute la durée de l’enquête de 2009, le Maj Dandurand était le commandant du détachement. Bien que les activités au jour le jour n’aient pas nécessairement été portées à son attention,Note de bas de page 3363 il aurait été mis au courant d’événements critiques ou imprévus.Note de bas de page 3364 Le Maj Dandurand, comme l’adjudant des opérations, s’en remettait aux réunions quotidiennes informelles avec les membres de son équipe de commandement pour demeurer informé des dossiers.Note de bas de page 3365 L’adjudant des opérations et l’équipe de commandement se réunissaient à chaque semaine avec le commandant du détachement et faisaient rapport sur les enquêtes en cours.Note de bas de page 3366 Le commandant du détachement était responsable de recueillir ces renseignements et d’informer la chaîne de commandement au sujet des développements importants.Note de bas de page 3367

190. Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage que le commandement ne procédait généralement pas de façon purement linéaire au sein du SNEFC et de la PM. Bien que les ordres descendent le long de la chaîne de commandement, [traduction] « il est reconnu que le commandement est assuré en équipe ».Note de bas de page 3368 Néanmoins, le Maj Dandurand, en tant que commandant du détachement, avait la responsabilité ultime de la conduite de toutes les enquêtes et la charge d’évaluer si les mesures prises au cours d’une enquête étaient raisonnables.Note de bas de page 3369 La décision finale de clore une enquête reposait également sur le commandant du détachement.Note de bas de page 3370

191. Les enquêteurs s’attendaient à être surveillés et à ce que leur travail soit examiné et vérifié par l’équipe de supervision.Note de bas de page 3371 Comme l’a noté le cplc Mitchell :

[traduction]

Les décisions que nous prenons sont toujours – je ne dirais pas remises en question, mais vérifiées et renforcées tout au long de notre chaîne de commandement... Les dossiers sont examinés systématiquement. Ils sont examinés constamment par le gestionnaire de cas – désolé, le chef d’équipe, tandis que le gestionnaire de cas devrait faire l’examen des dossiers du début jusqu’à la fin.Note de bas de page 3372

192. Le rôle de l’équipe de commandement était d’analyser les actions des enquêteurs et de leur fournir une orientation.Note de bas de page 3373 Comme l’a souligné le lcol Gilles Sansterre, le commandant du SNEFC, ce sont les superviseurs qui doivent assurer le leadership et guider la conduite de l’enquête.Note de bas de page 3374

Participation passive des superviseurs

193. Même si l’on s’attendait à un engagement au niveau de la supervision au cours des enquêtes, le rôle joué par les superviseurs dans ce cas n’a pas consisté à faire une évaluation continue de l’enquête, mais s’est plutôt limité à une observation détachée. L’adj Hart pas plus que l’adj Bonneteau n’aimait gérer les enquêtes au niveau des détails.Note de bas de page 3375 Comme l’a expliqué l’adj Hart dans son témoignage :

[traduction]

L’enquêteur est la personne qui est chargée de mener l’enquête. C’est la personne qui va, comme on dit, au fond des choses. Mon travail consiste seulement à surveiller, à partir d’une perspective plus globale, ce qu’ils font et de suivre le déroulement de l’enquête pour s’assurer qu’elle progresse. [...] Lorsqu’ils reçoivent initialement une affectation, les enquêteurs ont la tâche d’examiner la plainte et de rédiger leur plan d’enquête initial. Une fois ce plan d’enquête rédigé, nous le passons en revue pour s’assurer qu’ils ont compris ce qu’on attend d’eux, puis, à partir de là, ils peuvent aller de l’avant avec leur enquête.Note de bas de page 3376

194. En termes pratiques, les superviseurs n’interrogent pas les enquêteurs à chaque étape de l’enquête, pas plus qu’ils ne refont une enquête sur les allégations.Note de bas de page 3377 Comme l’a noté l’adj Bonneteau dans son témoignage, ce n’était pas le rôle de l’adjudant des opérations de [traduction] « tenir chaque enquêteur par la main », parce qu’alors les dossiers ne seraient jamais achevés.Note de bas de page 3378 Un stagiaire serait supervisé davantage qu’un enquêteur expérimenté, comme le sgt Shannon, qu’on laisserait simplement faire son travail.Note de bas de page 3379

195. Le Maj Dandurand avait un rôle unique dans la supervision de cette enquête. En fin de compte, il n’était pas seulement commandant du détachement, mais aussi enquêteur sur le dossier. Initialement, sa participation à l’enquête était très importante, mais après mai 2010, son implication à titre d’enquêteur ou de superviseur est devenue beaucoup plus limitée. Par la suite, il a assisté à la séance d’information de l’équipe de commandement au début de novembre 2010 et à la présentation PowerPoint finale en février 2011, et il a examiné le dossier et signé la lettre de clôture envoyée aux Fynes en mai 2011. Bien qu’il ait été tenu informé des jalons critiques de l’enquête, il a affirmé qu’après une première séance d’information, [traduction] « les enquêteurs ont acquis une certaine compréhension et profitent de l’expérience du groupe dans le déroulement des enquêtes, et ils se mettent alors au travail ».Note de bas de page 3380 Le Maj Dandurand pourrait avoir servi [traduction] « d’élément de continuité dans ce dossier »,Note de bas de page 3381 un rôle utile compte tenu de la rotation du personnel au cours de l’enquête. Mais, pour un certain nombre de raisons, sa contribution à l’enquête a été très limitée au cours de la dernière année d’activité dans ce dossier.

196. Il est important de souligner qu’une approche passive au niveau de la supervision des enquêtes n’est pas nécessairement mauvaise. Elle permet aux enquêteurs expérimentés de se mettre à la tâche de mener réellement l’enquête, et démontre une confiance à l’égard des capacités des enquêteurs. Bien qu’une approche passive en matière de surveillance ait été populaire au sein de l’équipe de commandement du détachement du SNEFC RO, elle ne convenait pas dans ce cas. Cette enquête exigeait un examen plus approfondi de la matière sous enquête. Les allégations étaient très complexes et tout examen sérieux des conclusions auxquelles en sont arrivés les enquêteurs nécessitait une compréhension des allégations et de ce qui devait être fait pour qu’elles donnent lieu à une enquête complète.

197. Dans l’ensemble, étant donné l’absence d’encadrement et de surveillance des superviseurs, les allégations n’ont jamais été bien comprises ou articulées, des faits pertinents n’ont pas été découverts, un avis juridique approprié n’a pas été sollicité, et les conclusions n’ont pas été remises en question de manière appropriée.

Défaut de comprendre l’allégation et les questions sous enquête

198. L’adj Hart, l’adj Bonneteau et le Maj Dandurand comprenaient tous que l’allégation portait sur la question de savoir si l’armée avait nommé le mauvais PPPP, ce qui avait eu pour conséquence de priver les Fynes du pouvoir de planifier les funérailles de leur fils.Note de bas de page 3382 Cependant, cela n’a pas été étudié parce que la compréhension qu’avait le sgt Shannon de la plainte s’est limitée à trouver la signification de PPPP, croyant que la plainte portait sur la conjointe de fait. Ces différentes conceptions de l’allégation relative au PPPP auraient dû ressortir d’un examen attentif de la part d’un superviseur informé. Afin d’offrir des commentaires utiles sur le déroulement de l’enquête, il incombait aux superviseurs de s’assurer d’abord qu’ils comprenaient ce sur quoi les enquêteurs enquêtaient.

199. L’adj Hart et l’adj Bonneteau ne semblent pas avoir bien saisi l’objet de l’enquête. Ils semblent avoir présumé que les questions importantes soulevées par les allégations avaient déjà fait l’objet d’une enquête, sans d’abord vérifier ce que les enquêteurs avaient examiné. Lorsqu’on lui a demandé si le sgt Shannon aurait dû chercher à déterminer qui était l’exécuteur testamentaire, l’adj Bonneteau a indiqué dans son témoignage que cela [traduction] « faisait partie de l’enquête du sgt Shannon, donc de ce qu’il était censé faire, pas moi...Je suppose qu’il a bel et bien examiné la question ».Note de bas de page 3383 De même, lorsqu’on lui a demandé si la base à partir de laquelle on pouvait déterminer si Mme A était la conjointe de fait aurait dû être la loi provinciale plutôt que la déclaration solennelle militaire, l’adj Hart a déclaré : [traduction] « C’est un aspect que mes enquêteurs examinaient et ce n’était pas un aspect sur lequel j’ai moi-même enquêté ».Note de bas de page 3384 Alors que le sgt Shannon a examiné superficiellement tant la loi provinciale que l’identité de l’exécuteur testamentaire, ces questions n’ont pas constitué une partie substantielle de l’enquête. Si l’enquête avait mis l’accent comme il le fallait sur la planification des funérailles, ces questions seraient ressorties de manière évidente.

Supervision inadéquate des plans d’enquête et manque de suivi

200. Les plans d’enquêtes élaborés par le cplc Mitchell et le sgt Shannon, approuvés respectivement par l’adj Hart et l’adj Bonneteau, révèlent deux approches fort différentes. Les fonctions de l’adjudant des opérations et celles du commandant du détachement comprenaient l’approbation ou la modification de ces plans et leur renvoi aux enquêteurs pour qu’ils soient mis en application.Note de bas de page 3385 Le plan d’enquête du cplc Mitchell était fondé sur des entrevues, et il a affirmé lors de son témoignage qu’il voulait interroger toutes les personnes qui avaient assisté à la réunion de coordination des mesures en cas de décès.Note de bas de page 3386 L’enquête du sgt Shannon s’écartait de façon manifeste de cette approche.

201. L’équipe de commandement a décidé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à des entrevues au-delà de celles faites avec des experts en la matière,Note de bas de page 3387 ce qui corroborait la conclusion du sgt Shannon à l’effet que les documents étaient suffisamment explicites.Note de bas de page 3388 Cependant, l’équipe de commandement ne savait pas que le sgt Shannon n’avait pas retrouvé tous les documents pertinents,Note de bas de page 3389 et il n’avait aucun moyen de déterminer si le sgt Shannon était allé assez loin pour découvrir tous les documents disponibles.Note de bas de page 3390 Des témoins potentiellement importants tels que les participants à la réunion de coordination des mesures en cas de décès, et des témoins civils comme Mme A et l’entrepreneur de pompes funèbres, n’ont jamais été interrogés, tandis que des informations importantes, notamment sur la façon dont la décision concernant le PPPP avait été prise et par qui, n’ont jamais été recueillies.

202. Il y a eu une certaine tentative de fournir une orientation lors de la réunion de l’équipe de commandement de novembre 2010. À cette réunion, l’équipe de commandement a remis en question comme il se devait les conclusions tirées par le sgt Shannon.Note de bas de page 3391 En conséquence, le sgt Shannon a apporté des modifications à son plan d’enquête et ajouté huit questions nécessitant un examen plus approfondi.Note de bas de page 3392 Sur cette base, lui et la Matc Gazzellone ont mené des entrevues avec deux experts en la matière, à Ottawa, afin de trouver des réponses aux questions en suspens et de [traduction] « déterminer si son interprétation des politiques, directives et ordonnances était la bonne ».Note de bas de page 3393 Le sgt Shannon a donné un compte-rendu à l’adj Bonneteau après ces entrevuesNote de bas de page 3394 tandis que le Maj Dandurand a reçu la version simplifiée des entrevues.Note de bas de page 3395 Cependant, il ne semble pas y avoir eu de suivi significatif à des fins de contrôle de ce qui avait été véritablement appris au sujet des questions qui intéressaient l’équipe de commandement. Aucun document n’a été produit dans le dossier d’EG ou ailleurs en réponse aux huit questions en suspens.Note de bas de page 3396 En dépit de l’opinion exprimée par le sgt Shannon que la présentation PowerPoint finale avait répondu à toutes ces questions,Note de bas de page 3397 ce n’était clairement pas le cas.Note de bas de page 3398

203. Si les superviseurs avaient réfléchi aux véritables questions, il aurait été évident que la question concernant [traduction] « le rôle de l’exécuteur d’un testament des FC dans le processus de planification des funérailles d’un membre des FC »Note de bas de page 3399 n’avait pas obtenue de réponse. En fait, les spécialistes en la matière ont affirmé que, dans des circonstances similaires à celles de l’enquête, ils s’en seraient remis à l’expertise du JAG.Note de bas de page 3400 Les conclusions du sgt Shannon devaient être remises en question par ses supérieurs. La réception passive d’une présentation de diapositives n’équivaut pas à une surveillance ou à un examen véritable.

Omission de remettre en question de manière adéquate les conclusions

204. La décision de clore l’enquête a été prise peu de temps après que les entrevues avec des experts en la matière aient eu lieu en novembre 2010.Note de bas de page 3401 Au bout du compte, les superviseurs ont accepté la conclusion du sgt Shannon à l’effet que le PPPP était l’équivalent du conjoint et du conjoint de fait. Toutefois, ils ne comprenaient pas comment il en était arrivé à cette conclusion. Quand on lui demandé s’il avait la même compréhension du PPP que le sgt Shannon, à savoir que le PPP était l’équivalent du conjoint, l’adj Bonneteau a simplement répondu :

[traduction]

[...] Lorsque le sgt Shannon a été affecté comme enquêteur principal dans cette enquête, étant un enquêteur expérimenté j’avais adopté une approche passive, et cela lui a permis de faire son travail. [...] ce n’était pas mon rôle de regarder par-dessus son épaule et d’examiner chaque petit aspect de son enquête.Note de bas de page 3402

205. Le Maj Dandurand ne pouvait pas non plus se souvenir où ni quand le sgt Shannon aurait expliqué le lien entre le PPP et le conjoint de fait,Note de bas de page 3403 de toute évidence une conclusion critique pour l’enquête. Même si les superviseurs n’ont pas à regarder par-dessus l’épaule de leurs subordonnés, ils doivent poser des questions pour aller au fond des choses et obtenir des réponses satisfaisantes avant de déterminer qu’une enquête puisse être close. Une foi aveugle dans les capacités, le professionnalisme et l’expertise de l’enquêteur principal n’est pas suffisante.

Omission d’obtenir un avis juridique

206. Si l’on ne peut s’attendre à ce que les superviseurs soient des spécialistes en la matière ou aient une connaissance intime de chaque détail, ils devraient savoir quand une enquête est complexe et quelle expertise extérieure appropriée pourrait être utile en faisant enquête sur des allégations. La Commission n’a connaissance d’aucun élément de preuve indiquant que les superviseurs ont recommandé de solliciter un avis juridique. Ni l’adj Bonneteau ni le Maj Dandurand ne pensait qu’un avis juridique était nécessaire à l’époque.Note de bas de page 3404 Bien que l’adj Hart ait déclaré dans son témoignage qu’il aurait consulté le procureur militaire régional s’il avait été l’enquêteur principal, il n’a fait cette suggestion à personne relevant de sa supervision.Note de bas de page 3405 Plutôt que de recommander d’obtenir une aide juridique comme ils sont en droit de le faire,Note de bas de page 3406 les superviseurs s’en sont remis au jugement des enquêteurs, affirmant que les enquêteurs étaient toujours libres de demander des avis juridiques.Note de bas de page 3407 Ni le sgt Shannon ni les superviseurs impliqués dans cette enquête n’étaient des avocats. Pourtant, les conclusions tirées au sujet de l’applicabilité de la loi provinciale, de la signification du PPP sur la base de coutumes sociales plutôt que du droit existant, ainsi que du rôle de l’exécuteur testamentaire étaient toutes des questions d’ordre juridique. Il était de la responsabilité des superviseurs de ne pas simplement faire dévier vers les enquêteurs l’obligation de demander des avis juridiques, mais de veiller à ce que les allégations aient fait l’objet d’une enquête complète et adéquate et d’avoir recours aux services d’un avocat lorsque cela est approprié.

Rôle du QG du SNEFC

207. Le QG du SNEFC n’a pas été impliqué dans l’enquête sur les allégations, s’occupant de fonctions plus administratives telles que la coordination et l’approbation des procédures, la supervision stratégique et le contrôle de la qualité.Note de bas de page 3408 Bien qu’il puisse avoir été approprié pour le commandant de ne pas s’immiscer dans les détails de chaque enquête du SNEFC, cette enquête particulière était différente. Elle était juridiquement et factuellement complexe, surtout que les plaignants avaient des rapports généralement difficiles avec le SNEFC et les FC. Néanmoins, à l’instar des autres superviseurs concernés par cette enquête, le personnel du QG a adopté une approche passive en matière de surveillance, ce qui signifie qu’il n’était pas informé du déroulement de l’enquête et n’a pas fourni d’orientation ou de directive pour sa conduite.

208. Le lcol Sansterre, qui était le commandant du SNEFC durant toute l’enquête de 2009 sauf le dernier mois,Note de bas de page 3409 a expliqué que le commandant ne supervisait pas les enquêtes au jour le jour – il revenait au commandant adjoint, le Maj Francis Bolduc, de l’informer des détails lorsqu’il était nécessaire de le faire.Note de bas de page 3410 Le lcol Sansterre était au courant des grandes lignes de cette enquête : le fait que l’enquête avait été ouverte, les séances d’information mensuelles sur l’état du dossier, et quand elle a été close.Note de bas de page 3411 Il ne pouvait pas se rappeler si le commandant adjoint lui avait présenté des exposés oraux sur l’enquête et il ne se souvenait pas d’avoir été informé de quelque question tout au long du déroulement de l’affaire.Note de bas de page 3412 Il n’avait qu’une vague idée des allégations relatives au PPPP et à l’avocat du JAG, et croyait à tort que les préoccupations des Fynes au sujet des renseignements erronés fournis au salon funéraire étaient sous enquête.Note de bas de page 3413 Il comprenait que la décision de clore le dossier reposait sur la conclusion que le PPP avait été correctement nommé, mais il ne comprenait pas en détail le fondement de cette conclusion.Note de bas de page 3414

209. Le lcol Sansterre a reconnu dans son témoignage qu’il n’était pas [traduction] « allé en profondeur » dans l’enquête.Note de bas de page 3415 Néanmoins, il a nié avoir adopté une approche passive en matière de surveillance. Au contraire, il a affirmé qu’il ne micro-gérait pas les enquêtes, mais préférait plutôt « habiliter les gens travaillant pour moi à faire leur travail ».Note de bas de page 3416 Le lcol Sansterre a expliqué son manque d’implication dans cette enquête précise et le peu de connaissance qu’il en avait comme étant dû, en partie, au fait que quelque 180 dossiers passaient par le SNEFC au cours d’une année. Il a aussi déclaré dans son témoignage qu’il aurait eu une meilleure connaissance du dossier s’il avait abouti au dépôt d’accusations parce que les affaires publiques auraient alors été impliquées.Note de bas de page 3417

210. La seule initiative de supervision du QG dans ce dossier a été en lien avec l’ES. Le lcol Sansterre a indiqué qu’il pensait que lui et le Maj Dandurand avaient probablement eu une discussion au cours de laquelle il avait conseillé au Maj Dandurand de parler au président de l’ES pour s’assurer que l’enquête du SNEFC ait préséance sur l’ES.Note de bas de page 3418 Sur le plan pratique, cela signifiait que le lcol Sansterre pouvait s’attendre à ce que la discussion englobe la question de déterminer s’il y avait des témoins que l’ES devait interroger et de confirmer que le SNEFC aurait accès à ces témoins avant l’ES.Note de bas de page 3419 Même si le lcol Sansterre se souvenait d’une rencontre avec le président de l’ES, il ne possédait pas le « niveau de détail » requis pour savoir pourquoi l’ES avait été autorisée à procéder à des entrevues avec des témoins des mois avant le SNEFC, même des entrevues avec quelques-uns des témoins nommés plus tard dans le plan d’enquête du cplc Mitchell.Note de bas de page 3420 Le SNEFC aurait pu demander que l’ES soit interrompue si les deux enquêtes traitaient des mêmes questions. Et, dans cette enquête, il y avait clairement un chevauchement.Note de bas de page 3421

211. En dépit d’avoir reconnu cela comme un problème potentiel et de faire une demande spécifique au Maj Dandurand concernant le maintien d’une enquête distincte, il ne semble pas y avoir eu de suivi pour déterminer si le « conflit » entre les mandats des deux organismes d’enquête avait été réglé et si la capacité du SNEFC de mener une enquête indépendante avait eu la priorité. Alors qu’une connaissance des activités au jour le jour des enquêtes en cours ait pu dépasser la portée des tâches du commandant du SNEFC, dans le cas présent, la nécessité de veiller à l’indépendance des enquêtes en cours par rapport aux autres instances des FC aurait dû engager l’attention soutenue du commandant.

Tenue des dossiers

212. Lorsqu’une approche passive est adoptée en matière de surveillance, il devient important de tenir des registres précis pour que les superviseurs à tous les niveaux puissent suivre et évaluer l’évolution de l’enquête à tout moment. De plus, lorsqu’il y a de nombreux changements de personnel, des dossiers précis deviennent une nécessité absolue pour le personnel nouvellement arrivé, notamment dans les cas où il y a peu ou pas de chevauchement entre les enquêteurs et peu d’indication de séances d’information ou de passation des dossiers. Toutefois, le SNEFC a lamentablement échoué dans la tenue de dossiers précis et détaillés acceptables pour les fins de cette enquête; des événements n’ont pas été consignés et des dossiers importants étaient inexacts ou incomplets. Malgré leur dépendance avouée à l’égard du SISEPM comme source d’information continue sur le dossier, les superviseurs ont fait peu pour s’assurer que des dossiers complets soient conservés, se contentant d’apporter des modifications grammaticales aux entrées dans les zones de texte.

Omission d’enregistrer les entrevues

213. Une mauvaise tenue des dossiers était évidente dès le début de l’enquête, avec l’enregistrement incomplet des entrevues avec les plaignants et, partant, des allégations. Seulement la moitié de la première entrevue avec les Fynes, en novembre 2009, a été effectivement enregistrée. Les estimations de la durée totale de l’entrevue variaient de trois heures à quatre heures et demie, ce qui signifie qu’une partie de l’entrevue avec les Fynes, soit au moins une heure et peut-être jusqu’à deux heures et demie, n’a pas été enregistrée.Note de bas de page 3422 L’explication fournie était qu’une fois la partie officielle de la rencontre terminée, l’entretien s’est poursuivi dans le corridor, à l’extérieur du bureau du Maj Dandurand.Note de bas de page 3423 Puisque le Matc McLaughlin était allé faire une copie de l’enregistrement de la première partie de l’entrevue pour les Fynes, cette dernière partie de l’entrevue n’a pas été enregistrée.Note de bas de page 3424 Il n’y a pas de raison évidente expliquant pourquoi le Maj Dandurand n’aurait pu demander que les Fynes retournent dans son bureau et que l’on attende le Matc McLaughlin avant de poursuivre la discussion. Malgré l’assurance donnée par le Maj Dandurand dans un courriel à l’officier des affaires publiques du SNEFC que la rencontre avait été enregistrée afin [traduction] « que rien ne soit oublié ou omis de notre côté »Note de bas de page 3425, une partie importante de la discussion s’est déroulée sans enregistrement, y compris l’allégation des Fynes concernant l’officier du JAG.Note de bas de page 3426

214. La rencontre avec l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman n’a pas non plus été enregistrée. Le Matc McLaughlin y a vu une simple rencontre entre deux organismes d’enquête pour discuter des renseignements à transmettre au SNEFC.Note de bas de page 3427 Ainsi, les seuls renseignements consignés au moment de cette rencontre sont de brèves notes écrites dans le carnet de notes du Maj Dandurand.Note de bas de page 3428 L’explication du Matc McLaughlin pour avoir omis de prendre des notes au cours de la rencontre est qu’elle portait simplement sur une revue des documents.Note de bas de page 3429

215. Ces explications ne sont pas satisfaisantes. Le SNEFC ne considérait pas simplement l’ombudsman comme un autre organisme d’enquête mais, dans certains documents, comme le plaignant aux fins de l’enquête. Dans les circonstances, un enregistrement audio complet ou, à tout le moins, des notes détaillées de la rencontre auraient dû être faits. Les allégations qui sont à la base de l’enquête, ainsi que d’autres préoccupations sur lesquelles le SNEFC a décidé de ne pas faire enquête, ont été discutées lors de cette rencontre.Note de bas de page 3430 Si un dossier plus complet de la rencontre avait été constitué, il aurait été à la disposition des enquêteurs et des superviseurs pour examen en vue de s’assurer que les allégations, telles que consignées au dossier et comme objet de l’enquête, correspondaient aux préoccupations exprimées par les plaignants.

Omission d’identifier des suspects potentiels

216. Un autre exemple de négligence dans la tenue des dossiers est l’omission d’identifier par écrit des suspects potentiels concernant l’allégation relative au PPPP. Les Fynes croyaient fermement que le Capt Lubiniecki était responsable de la décision qui a permis à Mme A d’obtenir le statut de PPPP.Note de bas de page 3431 Cependant, dans leur témoignage à l’audience, certains enquêteurs ont déclaré qu’ils savaient que des gens plus haut gradés dans la chaîne de commandement étaient probablement responsables de la décision finale concernant l’identité du PPP.Note de bas de page 3432 Néanmoins, la seule personne jamais mentionnée comme suspect qui ait été identifiée nommément dans le dossier d’EG était le Capt Lubiniecki.Note de bas de page 3433 Il en est demeuré ainsi même après les entrevues avec le Capt Brown et le Maj Parkinson, au cours desquelles ils ont fourni de l’information sur les personnes présentes à la réunion de coordination des mesures en cas de décès, et celles qui avaient été impliquées dans la décision concernant le PPP.Note de bas de page 3434 Dans son témoignage, le sgt Shannon a déclaré qu’il avait identifié trois suspects (le Capt Lubiniecki, le lcol Cadieu et lcol Demers), et qu’il avait ciblé le lcol Demers comme étant celui qui avait pris la décision au sujet du PPP.Note de bas de page 3435 Si le sgt Shannon a noté les trois noms (et celui du Maj Reichert) dans son plan d’enquête comme étant ceux des personnes qu’il faudrait éventuellement interroger, il n’a identifié par écrit que le Capt Lubiniecki comme suspect.Note de bas de page 3436 Il n’existe aucune preuve que le sgt Shannon ou l’un des autres enquêteurs tentaient délibérément de protéger des gens plus haut gradés et, en fait, leur témoignage indique nettement le contraire.Note de bas de page 3437 Toutefois, le fait demeure qu’en dépit d’avoir identifié expressément trois suspects, seul le nom de celui ayant le grade le plus bas apparaît effectivement dans les pièces du dossier d’EG.

Omission de consigner les mesures, les analyses et les plans d’enquête

217. Selon une des IPO du SNEFC, révisée vers la fin de l’enquête, les zones de texte dans un dossier d’EG devraient être le reflet du plan d’enquête et être mises à jour au fur et à mesure que progresse l’enquête.Note de bas de page 3438 Selon l’IPO, il faut éviter les [traduction] « entrées vagues ou le fait de ne pas créer d’entrée pour certains aspects des activités d’enquête [car elles] mènent à des malentendus, des liens mal établis ou des omissions  ».Note de bas de page 3439 Pourtant, en dépit de cette directive claire dans l’IPO, à de nombreuses reprises les enquêteurs n’ont pas consigné les étapes ou les analyses qu’ils avaient entreprises. Dans son témoignage, l’adj Hart a reconnu avec franchise ce qui suit :

[traduction]

Si nous devions réellement nous asseoir et enregistrer tout ce qui arrive dans un dossier, nous passerions tout notre temps à écrire plutôt qu’à mener l’enquête. Donc, oui, il y aura toujours des mesures d’enquête, il va y avoir des raisonnements qui peuvent ou non être consignés au dossier. Cela dépend de ce que l’enquêteur estime pertinent à l’enquête.Note de bas de page 3440

218. Si les mesures d’enquête n’ont pas toutes été enregistrées dans le dossier, on ignore comment les superviseurs ou les enquêteurs nouvellement arrivés pouvaient se fier au dossier d’EG pour avoir un compte rendu des mesures d’enquête qui avaient effectivement été prises. Ainsi, l’adj Bonneteau ne savait pas que le sgt Shannon avait ajouté une nouvelle allégation à l’enquête concernant la participation des Fynes à la planification des funérailles sur la foi d’une conférence de presse donnée par Mme Fynes.Note de bas de page 3441 L’allégation n’a pas été consignée au dossier d’EG pour que l’adj Bonneteau puisse l’examiner. Dans son témoignage, l’adj Bonneteau ne semblait pas préoccupé par le fait qu’il n’était pas au courant de tout un pan de l’enquête, affirmant qu’il s’agissait simplement d’une forme différente de la même plainte, qui était déjà sous enquête.Note de bas de page 3442 Cette attitude démontre à quel point l’adj Bonneteau était peu familier avec la portée limitée de l’enquête du sgt Shannon, qui se concentrait seulement sur la participation des Fynes aux funérailles et non sur qui avait réellement le droit de planifier les funérailles.

219. Des événements clés n’ont pas non plus été enregistrés dans le dossier d’EG. Les zones de texte dans le dossier d’EG ne précisent pas que l’équipe de commandement ait rencontré le sgt Shannon au début de novembre 2010 pour examiner ses conclusions, ni que celle-ci avait soulevé des questions précises à cette rencontre, lesquelles devaient donner lieu à une enquête plus approfondie.Note de bas de page 3443 Alors que les notes du sgt Shannon indiquent qu’il avait été chargé de préparer une séance d’information pour la chaîne de commandement à la fois sur l’enquête de 2009 et celle de 2010,Note de bas de page 3444 il n’y a aucune mention dans le dossier de la décision de conclure l’enquête après les entrevues avec les experts, ni du raisonnement qui avait amené le sgt Shannon à recommander que l’enquête soit conclue.Note de bas de page 3445 À part une copie de la présentation PowerPoint, il n’y a aucune trace d’autres notes qui auraient été prises durant la réunion de l’équipe de commandement de février 2011.Note de bas de page 3446

Documentation inexacte ou incomplète des mesures d’enquête

220. Même lorsque les mesures d’enquête ont été consignées au dossier d’EG, les informations contenues dans les entrées n’étaient pas toujours exactes. Cela ressort particulièrement de déclarations de témoins produites après les entrevues. Alors que la précision aurait dû être un sujet de préoccupation accrue, comme ni les superviseurs ni les enquêteurs nouvellement arrivés n’ont écouté les bandes audio et vidéo des entrevues, il y avait beaucoup d’exemples de renseignements non enregistrés ou enregistrés incorrectement.

221. Dans la déclaration du témoin faisant suite à l’entrevue avec le Capt Brown,Note de bas de page 3447 on ne retrouve aucune mention du fait qu’il ait dit avoir peut-être fourni des renseignements qui se sont révélés par la suite inexacts, lesquels ont servi à produire le certificat d’enregistrement du décès lorsqu’il a accompagné Mme A au salon funéraire.Note de bas de page 3448 C’était précisément une des sources de préoccupation des Fynes, et même si le cplc Mitchell a posé des questions à ce sujet durant l’entrevue et que des renseignements pertinents ont été fournis, cela n’a pas été mentionné dans la déclaration du témoin.

222. Dans la déclaration du témoin de l’experte, la sgt Pelletier,Note de bas de page 3449 le sgt Shannon a omis de noter que la sgt Pelletier a dit qu’elle s’en remettrait au JAG lorsqu’on lui a présenté une situation hypothétique durant l’entrevue (pas de testament, les parents nommés sur le formulaire AUP, l’existence d’une conjointe de fait) et qu’on lui a demandé de faire des commentaires sur qui aurait le pouvoir de planifier les funérailles.Note de bas de page 3450 Lorsqu’on lui a demandé si la déclaration solennelle d’union de fait créait un droit quelconque pour le conjoint, la sgt Pelletier a répondu qu’elle ne savait pas et qu’elle n’était pas experte dans les aspects juridiques de la situation.Note de bas de page 3451

223. Dans la déclaration du témoin de l’autre expert, le capc Gendron, le sgt Shannon a surestimé l’expertise du capc Gendron. Dans son témoignage, le capc Gendron a affirmé que la description à son sujet dans la déclaration du témoin, à savoir [traduction] « l’expert en matière de soutien aux blessés et de mesures administratives connexes prescrites par les politiques et les règlements des FC » était « probablement un peu embellie ».Note de bas de page 3452 Le sgt Shannon a également omis de noter, dans la déclaration du témoin qu’il a préparée sur la base de l’entrevue avec le capc Gendron, que lorsqu’on lui a présenté une situation hypothétique correspondant aux faits sous enquête durant l’entrevue, le capc Gendron a déclaré qu’étant donné que cette situation ne figurait pas parmi celles qui relevaient de sa direction, tout commentaire de sa part serait uniquement une opinion personnelle.Note de bas de page 3453 Il n’a pas non plus noté la déclaration du capc Gendron à l’effet que s’il avait été le commandant dans cette situation hypothétique, il aurait consulté le JAG.Note de bas de page 3454

Conclusion concernant la tenue des dossiers et la supervision

224. Dans l’ensemble, la tenue des dossiers dans cette enquête était de piètre qualité. En examinant le dossier, les superviseurs ne semblent pas avoir été particulièrement soucieux d’assurer la cohérence, l’exhaustivité ou l’exactitude des renseignements enregistrés. Par contre, ils semblent s’être préoccupés de la qualité grammaticale et du format approprié des entrées faites dans le dossier d’EG.Note de bas de page 3455 Certes, c’est là une exigence des IPO – [traduction] « La grammaire, le contenu, l’orthographe, la rigueur de l’enquête, et les éléments essentiels du SISEPM font tous partie du processus de validation [de l’adj/sgt des opérations/chef d’équipe] ».Note de bas de page 3456 Mais cela demeure beaucoup moins important que l’objectif de tenir un dossier complet et précis. Vu l’importance de pouvoir se fier aux documents et aux textes du dossier d’EG, les superviseurs auraient dû faire des efforts pour s’assurer que le dossier de l’enquête soit tenu minutieusement.

225. Il s’agissait d’une enquête complexe. Une enquête appropriée sur les plaintes nécessitait une compréhension complète des allégations, une analyse juridique fouillée et des entrevues détaillées avec les témoins. Cette enquête exigeait des superviseurs qu’ils assurent une surveillance active reposant sur une connaissance approfondie de l’enquête au fur et à mesure qu’elle progressait. Au lieu de cela, les superviseurs ont choisi une approche beaucoup moins interventionniste. Plutôt que de fournir l’orientation et la surveillance nécessaires, ils semblaient ne pas vouloir être perçus comme des micro-gestionnaires. Les changements au niveau du personnel et de piètres pratiques de tenue des dossiers ont rendu l’enquête encore plus difficile.

226. Les conséquences se reflètent dans le déroulement insatisfaisant de cette enquête. Comme l’a souligné lui-même le Maj Dandurand dans l’une des entrevues avec les Fynes, [traduction] « à la fin de la journée, vous pouvez déléguer la responsabilité vers le bas, mais si vous êtes la personne qui délègue cette responsabilité vers le bas, vous êtes réellement responsable de ce qui est accompli ».Note de bas de page 3457 Les superviseurs doivent en définitive accepter une part de responsabilité pour les carences de cette enquête.

Délai d’exécution 

227. La plainte à l’origine de l’enquête de 2009 a d’abord été portée à l’attention du SNEFC RO le 17 novembre 2009, lorsque le Ltv Amirault de la région centrale du SNEFC a contacté le Maj Dandurand pour l’aviser d’une plainte qu’il avait reçue de l’enquêteur du Bureau de l’ombudsman.Note de bas de page 3458 La dernière activité inscrite au dossier, autre que le transfert d’éléments de preuve, était une lettre envoyée le 6 mai 2011 à M. et Mme Fynes pour les informer des conclusions de l’enquête.Note de bas de page 3459 Le dossier a été actif pendant 535 jours, soit près d’un an et demi. Les Fynes se sont plaint à la CPPM du temps excessivement long mis à compléter l’enquête.Note de bas de page 3460

Retards

228. Il y a eu trois périodes importantes de retard dans le déroulement de l’enquête. La première a été une période d’inactivité de près de deux mois entre la rencontre avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman, le 18 décembre 2009,Note de bas de page 3461 et la fin de l’évaluation du dossier d’enquête par le Maj Dandurand, le 12 février 2010.Note de bas de page 3462 Le Matc McLaughlin avait compilé les documents reçus des enquêteurs du Bureau de l’ombudsman, mais c’est à peu près tout ce qui a été fait durant cette période. Ce retard n’a jamais vraiment été expliqué, sauf pour ce qui est de l’envoi du Matc McLaughlin en mission à Haïti. Dans son témoignage, ce dernier a expliqué que cette affectation signifiait qu’il devait tout abandonner pour s’équiper et être prêt avant son départ d’Edmonton à la mi-janvier.Note de bas de page 3463 Il n’y a pas eu d’explication sur l’absence d’activité entre la mi-janvier et la mi-février, période durant laquelle le Maj Dandurand était la seule personne affectée au dossier.

229. La deuxième période de retard est survenue durant l’enquête du cplc Mitchell, qui s’est déroulée plutôt lentement. L’activité d’enquête entre la mi-mars et septembre 2010 n’a comporté que trois entrevues de témoinsNote de bas de page 3464, de même que l’obtention et l’examen du rapport de l’ES.Note de bas de page 3465

230. Les Fynes ont exprimé à plusieurs reprises leur insatisfaction à l’égard de la progression de l’enquête durant l’entrevue du 5 mai 2010 avec le cplc Mitchell et le Maj Dandurand.Note de bas de page 3466 À peu près au même moment, la chaîne de commandement des FC a aussi demandé quand les enquêtes connexes à la commission d’enquête, y compris l’enquête du SNEFC, serait complétées.Note de bas de page 3467 Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage que l’enquête avait mis l’accent sur les éléments suivants :

[traduction]

[...] [la] liste de surveillance du grand prévôt en tant que dossier qui suscitait l’intérêt des FC au sens où il faisait l’objet d’un suivi par le vice-chef d’état-major de la Défense et le grand prévôt, qui devaient être en mesure d’en faire rapport périodiquement, ce qui est la raison pour laquelle cette liste de surveillance existe. Et je dois dire qu’à mon avis, il y avait un effort pour tenter d’en arriver à une conclusion dans l’enquête. C’était peut-être une des questions qui se posait en marge au sujet non seulement de cette enquête, mais d’autres, de dire de quoi avez-vous besoin afin d’obtenir ça – pour avancer à un rythme plus rapide.Note de bas de page 3468

231. En considérant les retards survenus au cours de l’enquête du cplc Mitchell, il convient de noter que ce dernier a déclaré qu’il n’était pas disponible pour travailler à l’enquête entre le 10 et le 21 mai 2010 parce qu’il était alors en formation.Note de bas de page 3469 Il a aussi expliqué qu’il avait été retiré du dossier à la mi-août pour aller suivre un cours commençant au début de septembre 2010.Note de bas de page 3470 Il a admis d’emblée qu’il n’était pas particulièrement compétent dans l’examen des politiques et qu’il y avait une quantité énorme de documents à examiner dans ce dossier.Note de bas de page 3471 Le Maj Dandurand a convenu que l’enquête était parmi les plus complexesNote de bas de page 3472 et qu’elle englobait [traduction] « une multitude de questions ».Note de bas de page 3473

232. Il a également été avancé pour expliquer ce délai que le détachement était alors très occupé et ne disposait pas d’un personnel suffisant. Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage qu’en mai 2010, il y avait environ 50 enquêtes ouvertes réparties entre neuf enquêteurs.Note de bas de page 3474 Le cplc Mitchell a confirmé qu’il n’y avait pas beaucoup d’enquêteurs et qu’ils étaient constamment en déplacement.Note de bas de page 3475 Le Maj Dandurand a déclaré que si le QG avait émis une directive pour que l’on procède plus rapidement dans cette enquête, il aurait fallu mettre en attente d’autres dossiers ou augmenter le personnel pour une période de deux à six mois.Note de bas de page 3476

233. La dernière période de retard s’est produite entre le moment où la décision a été prise de fermer le dossier et la date où il a effectivement été clos. Il y a des éléments de preuve contradictoires sur la date de la décision de clore l’enquête. On sait que cette décision a été prise au plus tard le 10 décembre 2010, lorsque, selon les enregistrements qui se trouvent dans le dossier, le sgt Shannon a été chargé de préparer un exposé PowerPoint pour l’équipe de commandement sur les enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 3477 La décision pourrait même avoir été prise plus tôt. La dernière entrevue a eu lieu le 17 novembre 2010, avec le capc Gendron.Note de bas de page 3478 Il n’y a eu aucune autre activité d’enquête après cette date. Dans un affidavit produit devant la Commission, M. Martel, du Bureau de l’ombudsman, a indiqué qu’il avait parlé au Maj Dandurand « à la fin de l’automne 2010 » et qu’on lui avait dit que l’enquête était pratiquement terminée et que le dossier était sur le point d’être clos.Note de bas de page 3479 La fermeture formelle du dossier s’est produite beaucoup plus tard, soit le 6 mai 2011, lorsque les Fynes ont reçu une lettre signée par le Maj Dandurand les informant du résultat de l’enquête.Note de bas de page 3480

234. Durant la période de près de cinq mois qui s’est écoulée entre la prise de décision et la conclusion effective de l’enquête, le sgt Shannon a eu la responsabilité de produire la présentation sur diapositives pour l’équipe de commandement et aussi de rédiger la lettre finale destinée aux Fynes.Note de bas de page 3481 Il a complété ces deux tâches rapidement.

235. La date de la séance d’information à l’intention de l’équipe de commandement dépendait de la disponibilité du Maj Dandurand.Note de bas de page 3482 Une fois la date fixée, le sgt Shannon a terminé la présentation au cours d’un week-end.Note de bas de page 3483

236. Il y a eu une tentative pour organiser une séance d’information verbale pour les Fynes, mais lorsque ces derniers ont demandé que leur avocat soit présent, la décision de l’annuler a été prise rapidement.Note de bas de page 3484 Le sgt Shannon a ensuite été chargé de rédiger la lettre finale aux Fynes le 24 février 2011;Note de bas de page 3485 il a produit une ébauche et l’a envoyée au Maj Dandurand pour approbation le 3 mars 2011.Note de bas de page 3486

237. Le retard important à ce stade de l’enquête est imputable principalement au Maj Dandurand, à la fois pour ce qui est de l’organisation de la séance d’information à l’intention de l’équipe de commandement et de la signature de la lettre finale aux Fynes.Note de bas de page 3487

238. À ce moment, la haute direction des FC et celle du SNEFC étaient impatientes de voir l’enquête se terminer. Le 14 février 2011, le col Gérard Blais, qui avait été chargé de préparer une réponse coordonnée des FC aux préoccupations non satisfaites des Fynes, s’est informé de la date à laquelle les enquêtes du SNEFC étaient censées être achevées, en indiquant que toutes les enquêtes en cours devraient être conclues dès que possible.Note de bas de page 3488 Le même jour, le Maj Bolduc, commandant adjoint du SNEFC, a demandé au Maj Dandurand de confirmer ses plans concernant les enquêtes en cours, étant donné que février 2011 avait été choisi pour informer la famille.Note de bas de page 3489 Le 17 février 2011, le Maj Bolduc a fait un suivi dans un autre courriel au Maj Dandurand en précisant qu’ils [traduction] « doivent terminer le plan et compléter ces dossier[s] en vue la séance d’information à l’intention de la famille, qui aura lieu très prochainement. Je dirais que c’est l’une de vos principales priorités ».Note de bas de page 3490

239. La séance d’information à l’intention de l’équipe de commandement a eu lieu le 18 février 2011.Note de bas de page 3491 Le 8 mars 2011, le texte de la lettre destinée aux Fynes avait été approuvé par le QG du SNEFC, et il avait été décidé que la lettre serait signée par le Maj Dandurand.Note de bas de page 3492 Le 11 avril 2011, le lcol Robert Delaney, alors commandant du SNEFC, a envoyé un courriel au Maj Dandurand pour lui demander si la lettre destinée aux Fynes avait été signée et envoyée.Note de bas de page 3493 Le 27 avril 2011, le lcol Delaney a de nouveau envoyé un courriel au Maj Dandurand pour lui demander si la lettre avait été envoyée.Note de bas de page 3494 Ce jour-là, la lettre a finalement été postée, soit près de deux mois après avoir été approuvée.Note de bas de page 3495 La lettre n’est pas parvenue à destination et a été renvoyée au SNEFC le 5 mai 2011 parce que l’adresse postale était incomplète. La lettre est finalement arrivée à la bonne adresse le 6 mai 2011.Note de bas de page 3496

240. Pour expliquer le retard survenu dans la présentation PowerPoint et dans la conclusion du dossier, le Maj Dandurand a déclaré qu’il voulait tenir des séances d’information à la fois sur l’enquête de 2009 et sur l’enquête de 2010 parce que les dossiers étaient étroitement liés, et il pensait que les Fynes voudraient obtenir toutes les réponses en même temps.Note de bas de page 3497 Toutefois, il n’a pu clarifier ce raisonnement à la lumière du fait que, selon les rapports hebdomadaires de l’état du dossier, l’enquête de 2010 avait été marquée « à conclure » la semaine du 14 août 2010,Note de bas de page 3498 plusieurs mois avant la décision de conclure l’enquête de 2009. Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage que des urgences médicales dans sa famille au début de 2011 l’avaient empêché d’accorder au dossier toute son attention, et qu’il avait dû s’en remettre à son commandant adjoint, l’adjum Terry Eisenmenger.Note de bas de page 3499

241. Une gestion plus ferme du dossier était requise de la part du Maj Dandurand pour clore cette enquête rapidement. À l’exception de l’adj Hart, il était le seul membre du SNEFC à avoir été impliqué dans le dossier du début jusqu’à la fin. Il avait pris l’appel de la plainte initiale et avait mené à la fois la première entrevue avec les Fynes et la rencontre avec les enquêteurs du Bureau de l’ombudsman. En tant que commandant du détachement, il avait reçu les résumés hebdomadaires de la cause, qui comportaient un onglet montrant le nombre de jours écoulés depuis le début de l’enquête. Il était conscient de la frustration des Fynes devant la lenteur de l’enquête et de la volonté de ses propres supérieurs de conclure le dossier. Il était responsable de la liaison avec sa structure de commandement afin de s’assurer qu’il disposait des ressources nécessaires pour terminer les enquêtes en cours dans les meilleurs délais.

242. Même sous l’angle des responsabilités d’enquête qui incombaient au Maj Dandurand dans ce dossier, il y a eu des retards importants. La période d’inaction allant de la mi-janvier à la mi-février 2010, durant laquelle il était le seul enquêteur affecté au dossier, est demeurée inexpliquée. Il y a eu d’autres retards à la fois en lien avec la présentation sur diapositives et l’envoi de la lettre finale aux Fynes, qui ont éventuellement nécessité l’intervention du commandant du SNEFC. Bien qu’il puisse y avoir eu des circonstances personnelles au début de 2011 qui ont empêché le Maj Dandurand de fermer le dossier sans délai, le commandant adjoint du détachement aurait dû être en mesure de faire avancer l’enquête.

243. En tant que superviseur, l’adj Hart aurait aussi pu être plus proactif en veillant à ce que l’enquête progresse plus rapidement alors que le cplc Mitchell avait la charge du dossier. Lorsqu’il a été affecté au dossier, le cplc Mitchell était une nouvelle recrue au sein du SNEFC. Il a admis qu’il avait éprouvé des difficultés en faisant des recherches au niveau des politiques, et que l’enquête était complexe sur le plan du droit et des politiques. L’adj Hart et le Maj Dandurand étaient les deux seuls superviseurs disponibles au sein de l’équipe de commandement à l’époque.Note de bas de page 3500 Le cplc Mitchell aurait dû avoir accès à un meilleur soutien, ce qui aurait permis de faire progresser l’enquête plus rapidement.

Conclusion au sujet du délai d’exécution

244. Les conséquences de ne pas avoir terminé cette enquête en temps opportun ont été significatives. La durée de l’enquête a eu pour conséquence que cinq enquêteurs différents ont été affectés au dossier à divers moments. Trois enquêteurs principaux ont successivement pris en charge le dossier, le Matc McLaughlin, le cplc Mitchell et le sgt Shannon mais, apparemment, il y a eu peu de communications directes entre l’enquêteur qui quittait et celui qui arrivait dans le dossier. Par conséquent, l’enquête repartait du début chaque fois qu’il se produisait un changement de personnel. Bien que cela ait permis aux nouveaux enquêteurs de se faire leur propre opinion du dossier, le travail d’enquête sur les plaintes en a été retardé. Le Maj Dandurand, qui aurait pu assurer la continuité, n’a pas pris part aux activités d’enquête après l’entrevue avec les Fynes en mai 2010.

245. La durée de l’enquête a conduit les plaignants à perdre confiance dans l’ensemble du processus d’enquête. Comme M. Fynes l’a expliqué dans son témoignage, [traduction] « nous sommes arrivés à un point où nous avons senti qu’on nous ignorait. Il n’y avait aucune activité dans le dossier ».Note de bas de page 3501 Une enquête inutilement longue a incité les plaignants à mettre en doute l’engagement du SNEFC envers le processus d’enquête. Ce résultat était en grande partie évitable.

246. Dans l’ensemble, il revient aux superviseurs de veiller à ce que les enquêtes soient complétées dans un délai raisonnable.Note de bas de page 3502 Dans le cas présent, cette responsabilité incombait en bout de ligne au Maj Dandurand en tant que commandant du détachement.

4.4 L’enquête de 2010 sur la négligence criminelle

Allégations

1. Shaun et Sheila Fynes ont présenté un certain nombre d’allégations devant la Commission concernant la conduite de l’enquête de 2010 du SNEFC faisant suite à leurs plaintes contre des membres de la chaîne de commandement du régiment du LdSH et de la communauté médicale militaire au sujet du traitement du cpl Stuart Langridge avant son décès. Ils allèguent que le SNEFC n’a pas abordé de manière appropriée les questions sur lesquelles il devait faire enquête et a omis d’enquêter de manière appropriée sur les infractions d’ordre militaire que pourraient avoir commis des membres de la chaîne de commandement du régiment du LdSH.Note de bas de page 3503 Ils allèguent également que le SNEFC a omis d’enquêter sur leurs allégations à l’effet que le LdSH n’avait pas suivi les politiques de prévention du suicide et avait omis de mener des ES après les tentatives de suicide du cpl Langridge.Note de bas de page 3504 Les Fynes allèguent que l’enquête visait à exonérer les membres du LdSH de toute responsabilité pour la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 3505 Ils allèguent de plus que les membres du SNEFC ayant participé à l’enquête n’avaient pas les compétences, le professionnalisme, l’expérience et la formation nécessaires pour mener cette enquête.Note de bas de page 3506 Enfin, les Fynes allèguent que l’enquête n’a pas été complétée dans un délai raisonnable.Note de bas de page 3507

La plainte des Fynes au SNEFC

2. Ce dossier d’enquête a été ouvert à la suite des plaintes déposées par les Fynes auprès de membres du détachement du SNEFC RO sur la culpabilité alléguée des FC dans la mort de leur fils. Les Fynes ont allégué que des membres de la chaîne de commandement du LdSH et de la communauté médicale militaire ont fait preuve de négligence pour ce qui est des soins prodigués au cpl Langridge avant sa mort et ont été négligents en ne prévenant pas son décès.Note de bas de page 3508 Les allégations portaient essentiellement sur les soins que le cpl Langridge a reçus à la base militaire et les conditions qui lui ont été imposées en mars 2008, peu de temps avant sa mort, et/ou la présumée surveillance pour risque de suicide mise en place par le LdSH.

3. Le 22 avril 2010, le Maj Daniel Dandurand a informé l’adj Blair Hart par courriel qu’il avait été contacté par les Fynes, et que ces derniers [traduction] « voulaient déposer une plainte/allégation de négligence criminelle contre les personnes qui étaient chargées de la garde du cpl Langridge ».Note de bas de page 3509 Le 5 mai 2010, le Maj Dandurand et le cplc David Mitchell ont rencontré les Fynes à la BFC Esquimalt afin de recevoir leur plainte.Note de bas de page 3510 Les Fynes leur ont fourni un exposé détaillé de leurs plaintes et des faits qui, selon eux, les justifiaient.

4. Mme Fynes était préoccupée par les soins médicaux que le cpl Langridge avait reçus des systèmes médicaux civil et militaire. La preuve indique que, dans la nuit du 31 janvier 2008 ou tôt le 1er février, le cpl Langridge a glissé une corde autour de son cou pour tenter de se pendre, dans sa maison,Note de bas de page 3511 et le 1er février 2008, il a été admis à l’Hôpital Royal Alexandra, pour un court séjour suite à une crise.Note de bas de page 3512

5. Au cours de la rencontre du 5 mai, Mme Fynes a dit aux enquêteurs que le cpl Langridge avait tenté de se suicider le 1er février et avait été transporté à l’hôpital.Note de bas de page 3513 Elle a fait mention des notes cliniques et du formulaire 1 de certificat d’admission remplis par la Dre Melissa Butler, médecin à la clinique de la base où le cpl Langridge s’était présenté ce matin-là, dans lesquels ont été notées ses idées suicidaires et ses tentatives de suicide antérieures.Note de bas de page 3514 Mme Fynes a dit que le cpl Langridge avait obtenu son congé de l’hôpital le 4 février 2008, en dépit d’une nouvelle tentative de suicide peu de temps avant (en fait, la veille au soir).Note de bas de page 3515 Mme Fynes a prétendu que des membres du personnel hospitalier procédant aux formalités de sortie du cpl Langridge lui ont fait signer une note de congé indiquant qu’il quittait l’hôpital contre l’avis du médecin alors qu’en fait, il en était expulsé.Note de bas de page 3516 Le lendemain, le cpl Langridge s’est rendu en voiture à l’Alberta Hospital Edmonton (AHE), où il a été admis pour une période de trente jours.Note de bas de page 3517 La plainte des Fynes était centrée sur l’implication du LdSH dans les soins prodigués au cpl Langridge et sur les enquêtes qui ont suivi son décès.

6. Selon les Fynes, vers la fin de son séjour à l’AHE, le cpl Langridge a tenté de faire des plans pour s’inscrire à un programme de désintoxication dans un établissement de traitement en résidence.Note de bas de page 3518 Il a offert de rester à l’AHE comme patient volontaire jusqu’à ce qu’une place soit disponible au centre de désintoxication et de défrayer les coûts de ses déplacements.Note de bas de page 3519 Malgré cela, il a reçu l’ordre de sa chaîne de commandement de quitter l’AHE et de revenir à la base. Le Dr Bernard Sowa, son médecin traitant à l’AHE, qui avait accepté de le garder comme patient volontaire, a dit dans son témoignage devant la CE qu’il avait appelé la base et confirmé que le cpl Langridge avait reçu l’ordre d’y retourner.Note de bas de page 3520 Selon les Fynes, cet ordre a été donné en dépit du fait que le cpl Langridge avait montré des signes d’amélioration vers la fin de son séjour, comme en témoignent ses dossiers cliniques.Note de bas de page 3521

7. Les Fynes ont allégué que le jour où le cpl Langridge est sorti de l’hôpital, soit le 5 mars 2008, il a été transporté directement à la base pour assister à une séance de thérapie de groupe dirigée par Dennis Strilchuk, où, compte tenu du malaise que provoquait chez lui cette forme de thérapie, il a fait une crise d’angoisse, quitté la séance et s’est effondré dans le stationnement.Note de bas de page 3522 D’après ce qu’ils ont compris, M. Strilchuk aurait perdu son sang-froid devant le cpl Langridge et l’aurait exempté de suivre la thérapie.Note de bas de page 3523 Les Fynes ont également allégué que le régiment n’aurait pas dû avoir la responsabilité de veiller sur la santé du cpl Langridge :

[traduction]

[…] le régiment n’aurait jamais dû être responsable de lui. Il était malade. Il aurait dû être à l’hôpital. […] le régiment n’aurait jamais dû avoir la responsabilité de sa garde. Ils étaient les mauvaises personnes, faisant la mauvaise chose.Note de bas de page 3524

8. Les Fynes ont allégué que le LdSH n’avait aucun plan pour l’hébergement du cpl Langridge, même s’il lui avait donné l’ordre de retourner à la base, et ils ont affirmé qu’entre le 5 et le 7 mars 2008, il a vécu dans sa voiture.Note de bas de page 3525 Ils ont fait valoir que l’absence d’un tel plan était attestée par deux affidavits que les FC leur ont fournis lorsqu’ils tentaient de faire modifier le certificat de décès du cpl Langridge. Ces affidavits auraient indiqué des adresses différentes pour le cpl Langridge, dont l’une seulement correspondait au Centre de service, où on l’avait obligé à vivre avant sa mort. Selon eux, cela témoigne du fait que le régiment ignorait où vivait le cpl Langridge.Note de bas de page 3526

9. Les Fynes ont également allégué que le cpl Langridge a été contraint, le 7 mars 2008, d’accepter une série de conditions restreignant ses mouvements et ses activités sous de faux prétextes. Ils ont affirmé que les conditions ont été présentées au cpl Langridge par le LdSH comme une forme d’encadrement ou d’accommodement, alors qu’il s’agissait, en fait, de mesures disciplinaires.Note de bas de page 3527 À l’appui de cette allégation, M. Fynes a cité un passage du rapport de l’enquête de 2008 sur la mort subite, dans laquelle l’adjuc Douglas Ross, le sergent-major régimentaire (SMR), avait affirmé que ces conditions étaient des ordres et que des accusations pourraient être portées contre le cpl Langridge s’il ne s’y conformait pas.Note de bas de page 3528 M. Fynes a allégué qu’il y avait d’autres documents révélant que ces conditions avaient été « imposées » au cpl LangridgeNote de bas de page 3529 et que le cplc William Fitzpatrick avait reçu l’ordre de commencer à tenir un dossier de discipline. Selon les allégations, ces conditions auraient forcé le cpl Langridge à vivre au Centre de service, de sorte que son encadrement disciplinaire était public et gênant, et équivalait à une manœuvre pour le déstabiliser et le provoquer à agir de façon à justifier son renvoi des FC.Note de bas de page 3530 Selon M. Fynes, le cpl Langridge a été contraint d’accepter les conditions imposées parce que le respect de ces conditions était la seule façon de pouvoir aller dans un centre de désintoxication,Note de bas de page 3531 même si (comme il l’a soutenu en faisant mention de l’entrevue avec le Capt Mark Lubiniecki au cours de l’enquête de 2008),Note de bas de page 3532 la décision à l’effet qu’il n’irait pas en désintoxication avait déjà été prise. De l’avis même de M. Fynes, [traduction] « Ils le niaisaient ».Note de bas de page 3533 Pendant ce temps, toujours selon lui, le LdSH avait décidé de tenir un dossier afin de documenter les motifs de renvoi pour manquement à la discipline.Note de bas de page 3534

10. Ceux qui étaient responsables de l’application des conditions les auraient présentées comme ayant été imposées à la demande du cpl Langridge, malgré le fait que ces conditions étaient des ordres. Les Fynes ont fait valoir qu’il avait été contraint de les accepter parce que l’AHE ne pouvait le réadmettre comme patient volontaire après qu’il ait quitté l’établissement, et qu’il avait été renvoyé à plusieurs reprises de l’Hôpital Royal Alexandra après y avoir été admis en état de crise.Note de bas de page 3535

11. Ils ont allégué en outre que le Capt Richard Hannah avait été négligent en imposant les conditions sans être suffisamment informé des problèmes de santé du cpl Langridge. Ils ont invoqué la déposition du Capt Hannah lors de l’enquête de 2008 du SNEFC, dans laquelle il a indiqué qu’il ne savait pas si le cpl Langridge avait reçu un diagnostic de SSPT, ce qui prouvait qu’il n’était pas en position d’approuver les conditions.Note de bas de page 3536 Ils ont affirmé que le Capt Hannah n’avait jamais rencontré le cpl Langridge avant d’imposer ces conditions et qu’il ne l’a rencontré que pendant dix minutes à cet effet.Note de bas de page 3537

12. Selon les allégations, le cpl Langridge aurait protesté en disant qu’il n’avait pas accepté les conditions et qu’il voulait qu’elles soient changées après qu’elles lui aient été imposées. Les Fynes ont dit aux enquêteurs qu’il avait assisté à la revue des malades le 11 mars 2008 et demandé que les conditions soient assouplies car il se sentait embarrassé. Lorsque sa requête a été refusée, il a affirmé qu’il préférerait s’enlever la vie que de retourner à son unité aux conditions imposées.Note de bas de page 3538 Le cpl Langridge aurait de nouveau exprimé son désaccord avec les conditions le 14 mars 2008. Il a appelé les Fynes pour leur dire qu’il était gêné par les conditions et qu’il en avait parlé au Capt Lubiniecki. Le cpl Langridge les a informés que le Capt Lubiniecki lui avait dit que s’il passait à travers le week-end, la chaîne de commandement examinerait la possibilité d’assouplir les conditions. Le cpl Langridge a également indiqué qu’on lui avait dit qu’il irait à Homewood (un centre de réadaptation et de traitement de la toxicomanie en résidence en Ontario) dans deux à trois semaines.Note de bas de page 3539

13. Les Fynes ont déclaré qu’ils avaient contacté le régiment quelques jours avant la mort du cpl Langridge et qu’on leur avait dit qu’il était sous une forme de [traduction] « surveillance pour risque de suicide »,Note de bas de page 3540 qu’il vivait dans la chambre des contrevenants et qu’il était en sécurité.Note de bas de page 3541 M. Fynes a soutenu que le LdSH avait été négligent à cet égard parce que, soit le cpl Langridge était, au moment de sa mort, sous surveillance pour risque de suicide mais que le protocole n’avait pas été suivi ou comportait des lacunes, soit il aurait dû être sous surveillance pour risque de suicide si, en fait, il ne l’était pas.Note de bas de page 3542 Les Fynes ont affirmé qu’ils n’ont su qu’après son décès qu’on avait assigné au cpl Langridge une chambre de caserne (la pièce où il s’est suicidé).Note de bas de page 3543 Ils ont également affirmé que les témoins entendus par la CE ont déclaré que, dans l’armée, il n’y avait rien qui s’apparentait à une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 3544

14. Finalement, les Fynes ont présenté des allégations à l’effet que le commandement du LdSH ne s’était pas conformé aux exigences des FC concernant la prévention du suicide. Ils ont allégué que le commandant du LdSH était tenu d’avoir en place un protocole de prévention du suicide et que [traduction] « s’il avait été appliqué dans ce cas, alors il était déficient. Si, par contre, il n’avait pas été appliqué, cela prouvait qu’il y avait eu négligence ».Note de bas de page 3545 Ils ont également déclaré que toute tentative de suicide devait donner lieu à une enquête sommaire (ES), mais dans le cas du cpl Langridge, même s’il y avait eu une ES après sa tentative de suicide de juin 2007, il n’y en avait pas eu d’autres à la suite de ses autres tentatives de suicide connues.Note de bas de page 3546

15. L’essence de la plainte ressort d’un commentaire de Mme Fynes au Maj Dandurand et au cplc Mitchell :

[traduction]

Je pense qu’en fin de compte, il était [...] leur soldat, Vrai? En définitive, il appartenait à l’armée. Vous signez sur la ligne pointillée, vous savez que vous appartenez à l’armée. Et si l’armée vous dit de faire quelque chose, vous le faites. Et vous le faites sans poser de questions, n’est-ce pas? Mais il y a ce contrat qui comprend deux parties. Et tout comme Stuart avait l’obligation de faire ce que l’armée lui disait, l’armée avait la responsabilité de veiller sur lui.

Ils ne pourront jamais dire qu’ils ne savaient pas qu’il était malade ou suicidaire. Mais nous maintenons que ce qu’ils ont choisi de faire, c’est de voir un ivrogne, un toxicomane, et ils allaient le faire sortir par la porte arrière.Note de bas de page 3547

16. Peu après, Mme Fynes a été encore plus directe, déclarant: [traduction] « Ils l’ont tué ».Note de bas de page 3548 M. Fynes, de façon similaire, a dit au Maj Dandurand et au cplc Mitchell [traduction] « Je vais me rendre jusqu’à ma tombe [en étant convaincu] qu’ils ont tué notre fils [...] ».Note de bas de page 3549

17. Mme Fynes a dit aux enquêteurs que leur plainte avait été déposée contre la chaîne de commandement du cpl Langridge.Note de bas de page 3550 Lorsqu’on lui a demandé qui, selon elle, avait été traduction] « le plus responsable et le plus négligent, » elle a nommé l’adjuc Ross et le Capt Hannah.Note de bas de page 3551 M. Fynes a également blâmé [traduction] « [c]elui qui a pris la décision de retirer le [cpl Langridge] de l’hôpital »; Mme Fynes a affirmé qu’elle croyait qu’il s’agissait du Capt Lubiniecki.Note de bas de page 3552 M. Fynes est intervenu pour dire qu’il ne croyait pas que cette décision avait été prise par le Capt Lubiniecki.

18. En déposant leur plainte, les Fynes ont identifié plusieurs problèmes liés à l’enquête de 2008 sur la mort subite et à la CE subséquente, qui démontraient selon eux que les enquêteurs donnant suite à leurs plaintes actuelles ne devraient pas s’appuyer sur les rapports de ces enquêtes. Mme Fynes a fait observer, et le Maj Dandurand en a convenu, que la CE, dans sa démarche, visait un autre but que celui d’une enquête policière.Note de bas de page 3553

19. Au-delà de la différence d’objectif, les Fynes ont affirmé que la CE n’était d’aucune utilité aux fins de l’enquête du SNEFC en raison d’un certain nombre de problèmes de procédure. Mme Fynes a allégué que toute l’enquête avait été ‘scénarisée’, soutenant que les témoignages contradictoires n’ont pas été contestés pour déterminer ce qui était exact, et que l’enquête tendait à rechercher des éléments de preuve établissant que le cpl Langridge était un toxicomane, de manière à exonérer la chaîne de commandement de toute responsabilité pour sa mort.Note de bas de page 3554 M. Fynes a étayé cette allégation en soulignant le fait que le médecin qui avait diagnostiqué que le cpl Langridge souffrait du SSPT n’a pas été appelé à témoigner devant la CE.Note de bas de page 3555 En outre, Mme Fynes a allégué qu’ils n’avaient pas été autorisés à participer à l’un ou l’autre des processus en dépit d’une exigence à l’effet que les CE doivent permettre la participation des familles des personnes décédées aux interrogatoires et aux discussions.Note de bas de page 3556 Elle a également affirmé avoir entendu une conversation, un soir après les audiences de la CE, où le commandant de l’escadron du cpl Langridge, le Maj Jared, aurait dit au président de la CE, [traduction] « Eh bien, comment êtes-vous censé vous débarrasser de ces foutus gens? ».Note de bas de page 3557

20. Mme Fynes s’est plainte qu’il y avait des incohérences dans les dépositions des témoins entendus lors de l’enquête de 2008 sur la mort subite et que celles-ci n’avaient pas été approfondies. De plus, elle s’est plainte d’inexactitudes dans le rapport.Note de bas de page 3558 Elle a fait référence au rapport d’enquête comme étant généralement [traduction] « un travail de sape entrepris pour tenter de dégager des gens de leur responsabilité ».Note de bas de page 3559

21. En supplément de leur plainte verbale, les Fynes ont déposé une plainte écrite,Note de bas de page 3560 datée du 5 mai 2010 et remise au cours de l’entrevue,Note de bas de page 3561 adressée au Maj Dandurand en qualité de commandant du détachement du SNEFC RO, et signée par M. Fynes. La lettre indique que M. Fynes demandait formellement au SNEFC de mener une enquête plus approfondie sur les circonstances de la mort subite du cpl Langridge. Elle fait mention de l’« alinéa 215(1)c) et des articles 217.1 et 219.1 »Note de bas de page 3562 du Code criminel du Canada comme étant potentiellement applicables à cette cause. Ces dispositions traitent de l’obligation de fournir les choses nécessaires à l’existence, du devoir des superviseurs de prendre des mesures pour prévenir les lésions corporelles à toute personne travaillant sous leur direction, et de la négligence criminelle (même si, en fait, la négligence criminelle est traitée dans les articles 219 et 220 du Code criminel, et non dans l’article 219.1).Note de bas de page 3563 La lettre renferme un certain nombre d’allégations qui font écho à la plainte verbale, selon lesquelles soit le cpl Langridge avait été placé sous surveillance pour risque de suicide et que cette mesure s’est révélée déficiente, soit qu’il aurait dû être soumis à une surveillance appropriée s’il ne l’était pas.Note de bas de page 3564 On peut y lire : [traduction] « la mort de Stuart était absolument évitable si on lui avait donné le traitement médical auquel n’importe quel soldat a droit. L’absence de traitement et les mesures disciplinaires imposées n’étaient pas seulement cavalières, à mon avis il y a eu négligence criminelle ».Note de bas de page 3565

Assurances fournies par les enquêteurs du SNEFC

22. Au moment de l’enregistrement de la plainte des Fynes, le Maj Dandurand a fait de nombreuses promesses au sujet de l’enquête et de la façon dont elle se déroulerait.Note de bas de page 3566 Elles concernaient principalement : la manière dont l’enquête se déroulerait, y compris sa portée et le nombre d’enquêteurs; l’implication de l’équipe de commandement; un plan d’examen des documents et des témoins; et la participation des Fynes dans l’affaire comme témoins.

23. La première assurance donnée aux Fynes était à l’effet que le SNEFC était tenu d’enquêter sur leurs allégations après qu’ils aient déposé une plainte officielle.Note de bas de page 3567 Mme Fynes a demandé au Maj Dandurand [traduction] « Donc ma question, alors, pour vous, est : une fois que nous faisons formellement cette allégation [...] y a-t-il obligation pour vous de faire enquête? »Note de bas de page 3568 Le Maj Dandurand a répondu « Oui ».Note de bas de page 3569 Mme Fynes a alors demandé [traduction] « Vous devez enquêter? »Note de bas de page 3570 et le Maj Dandurand a de nouveau répondu « Oui ».Note de bas de page 3571

24. Le Maj Dandurand a dit aux Fynes qu’un nouveau dossier d’EG serait créé :

[traduction]

[...] afin que nous puissions dire que la portée de l’enquête est la suivante. Parce que nous examinons les éléments de l’infraction [qu’]implique une allégation, puis nous poursuivons dans cette voie d’enquête.

Il ne fait aucun doute qu’il y aura un réexamen de tous les documents. Ce que nous voulons faire est de nous assurer que, s’il y a quelque chose qui s’est faufilé dans un témoignage de la commission d’enquête par-ci ou un bout de papier ou une preuve par-là, cela ne nous échappera pas.

Donc, nous réexaminons tout ce qui est disponible, puis nous partons à la recherche d’autres choses, comme si nous disions, « Vous savez quoi, personne n’a jamais pensé à poser cette question, et nous allons le faire, nous allons recueillir ça et... ».Note de bas de page 3572

25. Le Maj Dandurand a dit aux Fynes que l’enquête serait menée selon un modèle de gestion des cas graves, une forme d’enquête comportant ce qu’il a appelé le [traduction] « triangle de commandement », qui est employé lorsque la taille du dossier l’exige.Note de bas de page 3573 Le Maj Dandurand a expliqué que la gestion des cas graves suppose le recours à trois enquêteurs ou plus, et qu’elle était nécessaire dans ce cas en raison [traduction] « non seulement du volume des entrevues qui doivent être faites, mais de la manière et de l’ordre dans lesquels ils doivent se produire ».Note de bas de page 3574 Bien qu’il ait évoqué qu’il pourrait affecter deux enquêteurs, le Maj Dandurand a dit qu’il croyait que l’affaire prendrait beaucoup plus d’ampleur et il aurait [traduction] « besoin d’analyser le travail qui doit être fait par rapport à cela dans le but d’enquêter sur les trois infractions du [Code criminel] qui se posent ici ».Note de bas de page 3575 Il a expliqué que la gestion des cas graves est utilisée pour maintenir le rythme, la direction et la progression d’une enquête.Note de bas de page 3576

26. Le Maj Dandurand a affirmé que le SNEFC agirait aussi rapidement que possible dans cette enquête, mais il a laissé entendre que les activités pourraient être lentes au début en raison de l’énorme quantité de recherches nécessaires.Note de bas de page 3577 À plusieurs reprises au cours de l’entretien, il a dit aux Fynes qu’ils seraient tenus au courant des progrès de l’enquête toutes les deux semaines,Note de bas de page 3578 mais il a pris soin de les avertir de tempérer leurs attentes quant à ce qui pourrait être réalisé dans un délai de deux semaines.Note de bas de page 3579 Il est allé plus loin en disant aux Fynes que lui et le cplc Mitchell serait en contact [traduction] « [...] littéralement. Non seulement pour les mises à jour. Nous allons probablement vous demander votre avis également ».Note de bas de page 3580

27. Le Maj Dandurand a indiqué clairement aux Fynes que, même si la CE sera examinée, elle ne sera pas considérée comme un fait par les enquêteurs. Il a affirmé qu’il s’agissait [traduction] « d’une première étape » pour les enquêteurs,Note de bas de page 3581 leur permettant de voir ce que les témoins avaient dit afin de formuler des questions et des pistes d’exploration et d’interroger les témoins à nouveau.Note de bas de page 3582

28. Les Fynes ont reçu deux assurances spécifiques en ce qui concerne des questions qu’ils avaient identifiées comme ayant été laissées en suspens suite à l’enquête de 2008, la CE et l’ES. Le cplc Mitchell a dit aux Fynes qu’il enquêterait sur le lieu où vivait le cpl Langridge avant sa mort, car ils s’étaient plaints que des renseignements contenus dans l’ES étaient erronés.Note de bas de page 3583 Le Maj Dandurand a également dit aux Fynes qu’il découvrirait pourquoi le cpl Langridge vivait dans le bureau de service, car ils s’étaient plaints que cette question demeurait non résolue.Note de bas de page 3584

29. Le Maj Dandurand a souligné que le SNEFC considérait ce cas comme étant très important, comme en témoignait le fait qu’il soit personnellement venu en avion recueillir la plainte des Fynes.Note de bas de page 3585 Il a fait une assurance générale à l’égard de l’enquête, en précisant :

[traduction]

Je vous fais cette promesse, si je dis qu’une accusation est justifiée et que j’ai des motifs raisonnables [probables], tels que définis par l’ensemble des pratiques de la police, je déposerai cette accusation.

De même, si je dis que l’accusation n’est pas fondée, je serai en mesure de justifier cette affirmation.

L’enquête sera menée  sans parti pris, jusqu’à ce que nous obtenions la vérité. Nous allons découvrir la vérité sur ce qui s’est passé.

[…]

Et tout ce à quoi que nous pouvons nous engager devant vous est que c’est ce que nous faisons. L’excellence, la recherche de la vérité et le sens du devoir – ces trois choses – sont sources de fierté au sein du SNE.Note de bas de page 3586

Traduire les paroles en action

30. Au sortir de la rencontre de mai 2010 avec M. et Mme Fynes, il était évident que le Maj Dandurand reconnaissait que les Fynes souhaitaient une enquête distincte et complète concernant la possibilité que des membres du LdSH et de la communauté médicale militaire aient été coupables de négligence criminelle dans la mort de leur fils.Note de bas de page 3587 Mme Fynes est allée jusqu’à demander au Maj Dandurand de retenir de leur rencontre le message que [traduction] « j’ai vraiment besoin de regarder de plus près ».Note de bas de page 3588 Les déclarations du Maj Dandurand indiquent qu’il comprenait également que l’enquête proposée suite à leurs plaintes ne devait pas reposer sur les renseignements contenus dans le rapport de la CE et que l’on devait aller plus loin.Note de bas de page 3589 La CE n’avait pas été menée avec les mêmes objectifs ou selon la norme requise pour une enquête de police. En outre, Les Fynes ont dit catégoriquement qu’ils n’étaient pas convaincus par les explications offertes concernant le traitement du cpl Langridge.Note de bas de page 3590 Ils ont affirmé que les témoins entendus par la CE diraient [traduction] « [...] tout ce qui pourrait écarter le risque d’être puni [...] » et que ces témoins craignaient en fait d’être impliqués dans la négligence.Note de bas de page 3591 Le Maj Dandurand a clairement indiqué aux Fynes qu’il comprenait que le rapport de la CE ne pouvait pas être accepté d’emblée. Il leur a dit que même si le rapport et ses annexes pouvaient servir de point de départ, le SNEFC aurait à interroger directement les témoins concernés et à revoir chaque document.Note de bas de page 3592 Dans la même veine, il a affirmé plus tard dans son témoignage qu’il savait que le rapport de la CE ne pouvait constituer à lui seul un dossier factuel suffisant pour l’enquête sur la négligence criminelle.Note de bas de page 3593

31. Le Maj Dandurand était également conscient que les Fynes ne croyaient pas qu’il pouvait se fier au rapport de l’enquête de 2008 sur la mort subite. Les Fynes ont insisté auprès du Maj Dandurand et du cplc Mitchell sur le fait qu’ils croyaient que le rapport de l’enquête de 2008 sur la mort subite était gravement déficient parce qu’il était incomplet, inadéquat et souvent inexact.Note de bas de page 3594 Mme Fynes est allée jusqu’à dire [traduction] « [qu’]il y a un tas de fumier là-dedans, dois-je vous dire ».Note de bas de page 3595 Le Maj Dandurand a expliqué aux Fynes qu’un enquêteur doit prendre en considération tous les renseignements recueillis et les consigner au dossier, même si ces renseignements sont faux, afin de s’assurer que rien n’a été omis.Note de bas de page 3596

32. Avec la reconnaissance expresse du Maj Dandurand du travail d’enquête rigoureux qui serait nécessaire pour enquêter sur les allégations graves des Fynes, il restait à voir comment le cplc Mitchell et l’équipe d’enquête du SNEFC RO mettraient cette interprétation – en fait, cet engagement – en pratique.

33. Peu de temps après l’entrevue d’enregistrement de la plainte de M. et Mme Fynes, les membres du SNEFC RO ont commencé à étudier les conséquences de leurs allégations dans l’optique d’une enquête. Le cplc Mitchell a esquissé un plan approximatif dans son carnet de notes à la fin de l’entretien qui indique qu’il envisageait : 1) d’ouvrir un dossier d’EG; 2) de faire des recherches dans la jurisprudence liée aux articles du Code criminel visés par les plaintes; 3) de demander les annexes de la CE.Note de bas de page 3597 Le 7 mai 2010, le cplc Mitchell a enregistré la plainte initiale dans le SISEPM, notant que le SNEFC RO assumait la responsabilité de l’enquête, et qu’il avait [traduction] « [...] été chargé de faire enquête sur l’allégation à l’effet que la CdC du LdSH (RC) et la communauté médicale avaient été négligents en ne fournissant pas un soutien approprié au cpl Langridge ».Note de bas de page 3598

34. Au cours de l’entretien avec les Fynes, il n’y a eu aucune indication que le processus d’enquête que le Maj Dandurand a décrit aux Fynes serait subordonné à une quelconque étape préalable, ou que l’enquête promise ne serait finalement pas ce qui a suivi.Note de bas de page 3599 Quoi qu’il en soit, le travail initial sur le dossier a été limité. Le 10 mai 2010, cinq jours seulement après la rencontre avec les Fynes, la décision a été prise de demander un avis juridique avant de prendre d’autres mesures. Le cplc Mitchell a dit dans son témoignage qu’il s’était assis avec le Maj Dandurand et qu’ils avaient procédé à une séance de [traduction] « remue-méninges » comportant une discussion de ce qui était connu au fil des trois enquêtes;Note de bas de page 3600 à cette discussion ou à une autre, ils ont considéré le volume de travail [traduction] « que nécessitait globalement la situation ».Note de bas de page 3601 Il se souvient que lui et le Maj Dandurand ont convenu qu’il procéderait à une évaluation du dossier avant de procéder à toute enquête et ils ont décidé de demander un avis juridique. Le cplc Mitchell a également affirmé dans son témoignage que, selon sa compréhension, ils avaient jugé inutile d’adopter l’approche de la gestion de cas grave dans ce dossier.Note de bas de page 3602 Le cplc Mitchell a contacté la Maj Anne Litowski le 10 mai pour obtenir une [traduction] « évaluation juridique ».Note de bas de page 3603 Entre le 10 mai et le 21 mai 2010, le cplc Mitchell n’était pas disponible pour travailler activement sur le dossier puisqu’il avait reçu instruction de terminer son cours de QEL.Note de bas de page 3604 Un rapport de l’état du dossier du SNEFC RO en date du 12 mai 2010 indique qu’une évaluation a été menée sur le dossier, les documents de la CE et de l’ES ont été passés en revue et la complexité d’une enquête sur les infractions alléguées et la gravité de ces infractions étaient [traduction] « basses ».Note de bas de page 3605

35. Dans les jours qui ont suivi l’entrevue avec les Fynes, l’adj Hart, le gestionnaire de cas initial du dossier, a eu une discussion avec le Maj Dandurand et le cplc Mitchell au sujet des allégations.Note de bas de page 3606 Lui-même avait tout au plus [traduction] « une compréhension élémentaire » des circonstances de la mort du cpl Langridge, étant seulement au courant que le cpl Langridge vivait dans le secteur de l’unité, devait se rapporter périodiquement et faisait l’objet [traduction] « d’une certaine forme d’assistance et de surveillance pour l’aider durant cette période ».Note de bas de page 3607 Ne sachant que cela, il croyait que les infractions alléguées n’étaient pas appropriées.Note de bas de page 3608 L’adj Hart a dit dans son témoignage que le consensus des enquêteurs, après ce premier examen sommaire, était qu’ils ne croyaient pas que les allégations pouvaient s’appliquer dans ce cas, affirmant [traduction] « [...] à la lumière de notre expérience d’enquêteur, depuis le temps que nous faisons ce travail, il ne semblait pas que ces accusations ou ces questions constituaient un sujet approprié d’enquête ».Note de bas de page 3609 L’adj Hart a déclaré qu’à la suite de cette évaluation initiale par le SNEFC RO,Note de bas de page 3610 la décision a été prise « assez rapidement » que la plainte des Fynes ne pouvait pas être justifiée.Note de bas de page 3611

36. Lorsqu’il a été interrogé sur le témoignage de l’adj Hart, le Maj Dandurand a affirmé qu’il se souvenait d’avoir discuté des allégations avec l’adj Hart et le cplc Mitchell,Note de bas de page 3612 mais il a souligné qu’il souhaitait favoriser au sein du bureau du SNEFC RO un climat de franche discussion dans l’interprétation du Code criminel.Note de bas de page 3613 Il a expliqué que de telles allégations représentaient un terrain inconnu pour lui, et il ne voulait pas trancher d’un côté ou de l’autre si des infractions de négligence criminelle étaient applicables. Il a affirmé qu’il voulait d’abord obtenir un avis externe, et il a nié que cette discussion signifiait que [traduction] « nous nous prédisposions pour ce qui est de notre état d’esprit dans cette enquête ».Note de bas de page 3614 Malgré la conclusion rapide de l’adj Hart, le Maj Dandurand a réitéré que ces points de vue n’avaient pas teinté son évaluation de l’enquête dès le début, déclarant : [traduction] « Et c’est ce qui fait la beauté d’une unité des crimes majeurs; vous pouvez avoir des opinions divergentes, et je pense que c’est ce qui fait sa force ».Note de bas de page 3615

37. Il y a des raisons de penser que la discussion entre les membres du SNEFC RO a tout de même eu un certain impact sur l’orientation et la vigueur des actions qui ont suivi dans ce dossier. En réalité, très peu a été fait, et cela contraste fortement avec les nombreuses assurances données par le Maj Dandurand pendant la rencontre de mai 2010 avec les Fynes. Agissant sur instruction de ses supérieurs donnant suite aux discussions antérieures, le cplc Mitchell n’a essentiellement fait que deux choses dans ce dossier, les deux en mai 2010. Premièrement, il a compilé certains documents qu’il a reconnus comme pertinents aux fins de l’évaluation. Deuxièmement, il a renvoyé l’affaire pour obtenir un avis juridique.

38. Le Maj Dandurand a déclaré dans son témoignage qu’il s’était appuyé sur les interprétations et l’expérience de son équipe d’enquête et sur les avis reçus de l’extérieur pour justifier la conclusion que les infractions ne pourraient pas être validées.Note de bas de page 3616 Cette décision aurait pu se justifier dans la mesure où les interprétations étaient fondées sur une base factuelle suffisante.

39. Le cplc Mitchell a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas examiné chaque document pertinent dans le cadre de son évaluation. Il a expliqué que c’était parce qu’il se sentait suffisamment familiarisé avec les faits de la cause suite à son travail dans l’enquête de 2009.Note de bas de page 3617 Il a déclaré que pour en arriver à sa propre opinion initiale dans cette affaire, il avait examiné :Note de bas de page 3618 un extrait du résumé de l’entrevue du SNEFC avec le cpl Rohmer lors de l’enquête de 2008;Note de bas de page 3619 le résumé de l’entrevue de 2008 du SNEFC avec le Capt Lubiniecki;Note de bas de page 3620 un document rédigé par le cplc Ritco et intitulé « MED DOC TIMINGS »;Note de bas de page 3621 une ébauche du rapport de la CE;Note de bas de page 3622 et un certificat d’admission (formulaire 1) rempli pour le cpl Langridge le 1er février 2008 par le Dr Butler à la BFC Edmonton accompagné de deux pages de notes médicales manuscrites de la clinique de la base rédigées le 1er février et le 4 février 2008.Note de bas de page 3623 Ces documents n’ont pas été numérisés dans le dossier de l’enquête de 2010, et le cplc Mitchell a admis qu’il aurait dû le faire pour le bénéfice de toute personne lui succédant dans ce dossier.Note de bas de page 3624

40. Le cplc Mitchell n’a pas inclus le dossier d’EG de 2008 dans cette compilation. En fait, il a dit dans son témoignage qu’il n’avait jamais lu le dossier de 2008.Note de bas de page 3625 Au cours de son examen, il ne fait référence qu’au résumé de cas de 2008 et à quelques autres extraits (dont ceux énumérés ci-dessus) numérisés dans le dossier d’EG de 2009.Note de bas de page 3626 Le cplc Mitchell a dit dans son témoignage qu’il n’avait pas examiné tous les documents au moment où il les a compilés parce que son cours de QEL est survenu en mai 2010.Note de bas de page 3627 La seule activité qu’il a entreprise avant que son temps ne soit occupé par le cours a été de rassembler ces documents et d’envoyer sa demande d’avis juridique.Note de bas de page 3628

41. Mis à part ces documents, le cplc Mitchell n’a, à aucun moment, examiné ou compilé expressément des documents pour s’assurer qu’il possédait des renseignements complets sur la connaissance qu’avait la chaîne de commandement du cpl Langridge de ses tentatives de suicide antérieures.Note de bas de page 3629 Il n’a pas cherché de documents portant spécifiquement sur la possibilité que le cpl Langridge ait souffert du SSPT.Note de bas de page 3630 Le cplc Mitchell n’a pas compilé de renseignements précis sur l’existence ou l’absence d’une surveillance pour risque de suicide au-delà des documents énumérés ci-dessus.Note de bas de page 3631 Il n’a pas fait enquête ou cherché des renseignements en rapport avec l’allégation de Mme Fynes à l’effet qu’on lui avait donné l’assurance que le cpl Langridge était en sécurité et faisait l’objet d’une surveillance permanente.Note de bas de page 3632 Le cplc Mitchell n’a pas non plus spécifiquement cherché et compilé de renseignements sur les allégations à l’effet que le cpl Langridge pouvait avoir été privé de soins médicaux.Note de bas de page 3633 Il n’a pas non plus enquêté ou cherché des renseignements sur les raisons à l’origine des conditions imposées au cpl Langridge ou sur les liens entre le travail assigné au cpl Langridge et son idéation suicidaire.Note de bas de page 3634 Le cplc Mitchell a dit dans son témoignage que ces questions auraient été explorées si la décision avait été prise de mener une enquête ultérieure.

42. Le cplc Mitchell n’a identifié aucun suspectNote de bas de page 3635 ni interrogé aucun témoin,Note de bas de page 3636 il n’a pas parlé aux enquêteurs affectés à l’enquête de 2008 sur la mort subite ni même tenté d’obtenir les annexes renfermant les témoignages et la preuve de la CE,Note de bas de page 3637 comme il avait initialement prévu de le faire. Le cplc Mitchell a reconnu dans son témoignage qu’il n’avait pas pris de mesures d’enquête au-delà de compiler des documents et d’envoyer une demande d’avis.Note de bas de page 3638

43. L’évaluation du cplc Mitchell semble aussi avoir porté uniquement sur les infractions au Code criminel énumérées dans la lettre de M. Fynes. Le cplc Mitchell a déclaré que toute infraction d’ordre militaire, telle que la négligence dans l’exécution d’une tâche militaire, aurait été considérée uniquement si, après examen des infractions pénales, la décision avait été prise de mener une enquête.Note de bas de page 3639

44. Cela est un peu difficile à comprendre. Les infractions au Code de discipline militaire n’auraient pas découlé, ou été tributaires, de l’établissement des éléments pertinents aux infractions en vertu du Code criminel. La Partie III de la Loi sur la défense nationale (LDN) énonce le Code.Note de bas de page 3640 L’article 124 de la LDN stipule que : « L’exécution négligente d’une tâche ou mission militaire constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ».Note de bas de page 3641 Le paragraphe 129(1) de la LDN, qui aurait aussi pu être pertinent,stipule que « Tout acte, comportement ou négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ».Note de bas de page 3642 L’article 129 est souvent invoqué quand il existe un doute qu’une accusation plus grave en vertu de la LDN (par exemple en vertu de l’art. 124) est appropriée.Note de bas de page 3643

45. Les Fynes ont fait valoir que les membres de la chaîne de commandement du LdSH avaient une obligation de diligence envers le cpl Langridge de par leur position et qu’ils avaient enfreint la norme de diligence en lui ordonnant de quitter l’hôpital et en lui imposant des conditions douteuses. Une allégation similaire a été formulée contre les membres de la communauté médicale militaire. Les Fynes ont aussi expressément affirmé qu’il y avait une politique au sein des FC enjoignant les commandants à appliquer un protocole de prévention du suicide. En omettant de mettre en place ou de suivre un tel protocole, les Fynes allèguent que la chaîne de commandement du LdSH a failli en regard de la norme de diligence. Si elles étaient corroborées, ces allégations auraient pu vraisemblablement constituer des infractions d’ordre militaire, et celles-ci auraient dû être évaluées parallèlement aux infractions au Code criminel.

46. Le 10 mai 2010, le cplc Mitchell a demandé un avis juridique concernant les allégations des Fynes.Note de bas de page 3644 Par suite des revendications de privilège invoquées par le ministre de la Défense nationale,Note de bas de page 3645 nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir quels documents ont été envoyés. Nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir quels avis ont subséquemment été fournis aux enquêteurs du SNEFC.

47. Quels que soient les documents envoyés, le conseiller juridique ne pouvait avoir accès à plus de documents que ceux réunis par les enquêteurs eux-mêmes. L’adj Hart s’est dit en accord avec la proposition selon laquelle la qualité de l’avis juridique obtenu au sujet de l’applicabilité d’une accusation donnée, dans un ensemble donné de circonstances, ne serait aussi bonne que celle de l’information fournie sur ces circonstances particulières.Note de bas de page 3646 L’adj Hart a déclaré qu’il était satisfait qu’un effort exhaustif ait été fait pour déterminer les circonstances pertinentes avant l’évaluation du SNEFC RO et l’évaluation juridique ultérieure.Note de bas de page 3647 Cependant, il a aussi affirmé dans son témoignage que, dans la mesure où tous les documents compilés et envoyés pour obtenir une évaluation externe pourraient avoir inclus des documents de l’enquête de 2008, il n’y aurait pas eu d’indication que les Fynes avaient formulé des objections quant à la manière dont cette enquête avait été menée.Note de bas de page 3648 Le Maj Dandurand a déclaré qu’il était « absolument » d’avis que, pour obtenir une bonne analyse juridique, il fallait s’assurer d’avoir un dossier factuel complet pouvant être consulté.Note de bas de page 3649 Le Maj Dandurand a déclaré que la CE n’aurait pas constitué un dossier factuel adéquat aux fins de l’évaluation, du moins « [p]as indépendamment ».Note de bas de page 3650 Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait que l’enquête de 2008 constituait un dossier factuel adéquat, le Maj Dandurand a dit dans son témoignage qu’il croyait que [traduction] « [l]a totalité de nos enquêtes aurait été ce que nous nous serions attendus de prendre en considération ».Note de bas de page 3651

48. En réalité, cependant, les documents que le cplc Mitchell a réunis comme étant nécessaires au dossierNote de bas de page 3652 étaient très limités dans leur portée et leurs détails. Même si l’ensemble du dossier D’EG de 2008 avait été examiné et mis à la disposition d’un conseiller externe, la Commission est arrivée à la conclusion que l’enquête de 2008 sur la mort subite comportait de sérieuses lacunes et était extrêmement limitée dans sa compréhension et son évaluation de la négligence potentielle.Note de bas de page 3653 Dans ce cas, les enquêteurs ont ignoré de nombreux témoins importants, ils sont arrivés à des conclusions douteuses et ils n’ont pas réussi à formuler ou à explorer certaines questions importantes – notamment en ce qui concerne les dernières semaines du cpl Langridge, les décisions à propos de son traitement et les dispositions prises par le LdSH et la communauté médicale militaire pour assurer sa surveillance et prendre soin de lui tout en veillant à sa sécurité.

49. Pour la plupart, les allégations faites par les Fynes lors de leur entretien avec le Maj Dandurand et le cplc Mitchell n’ont pas été explorées plus avant ou même considérées dans le cadre de l’enquête de 2008. En particulier, le dossier d’EG de 2008 ne contenait aucun renseignement sur les allégations suivantes :

50. La CE était également une source de renseignements factuels inacceptable aux fins de l’évaluation du SNEFC et une source de renseignements non fiable pour la formulation de tout avis juridique. Elle était constituée des conclusions des FC sur l’affaire, fondées sur leur propre enquête. Les faits n’avaient pas été recueillis selon des méthodes policières ou avec des objectifs d’enquête policière. N’ayant pas obtenu les annexes, les enquêteurs n’ont même pas eu accès à la preuve réellement réunie, (aussi imparfaite soit-elle), et ils n’ont pu vérifier par eux-mêmes si la manière dont elle avait été recueillie comportait des lacunes. Les membres du SNEFC ont pu avoir accès uniquement à la description de la preuve de la CE, lorsque cette preuve a été utilisée pour étayer ses conclusions.

51. L’expression [traduction] « fruit de l’arbre vénéneux » a été utilisée lors du témoignage des personnes visées par la plainte,Note de bas de page 3655 et l’adj Hart a indiqué qu’il comprenait que cette expression voulait dire les renseignements incriminants obtenus lors d’entrevues obligatoires au cours desquelles les témoins ne reçoivent pas de mise en garde, et qui seraient donc inadmissibles dans une poursuite ultérieure.Note de bas de page 3656 Il comprenait également que cela signifie que cette preuve contaminée ne pouvait même pas être utilisée comme point de départ de l’enquête subséquente du SNEFC. Compte tenu des faiblesses de la preuve et des risques de l’utiliser, l’adj Hart a affirmé dans son témoignage qu’il était dangereux de s’appuyer sur une CE en vue de constituer une base factuelle pour une enquête.Note de bas de page 3657

52. S’appuyer sur ces documents aurait été complètement inapproprié sous l’angle de l’indépendance ainsi que dans la perspective de l’enquête elle-même.Note de bas de page 3658 Le Maj Dandurand a indiqué dans son témoignage qu’il croyait que l’on pouvait néanmoins se fier « jusqu’à un certain point » à certains des renseignements contenus dans la CE, et que les renseignements seraient pondérés en faisant une évaluation.Note de bas de page 3659 L’adj Hart a affirmé dans son témoignage qu’il n’était au courant d’aucune circonstance où le SNEFC [traduction] « [...] s’appuierait strictement sur cette information sans la corroborer lui-même ».Note de bas de page 3660 L’adj Sean Bonneteau a supposé que l’enquêteur principal aurait seulement utilisé la CE comme source d’« information générale » et croyait que chaque enquêteur savait quel poids accorder aux documents qu’il examine, mais il a déclaré que si une partie de l’information devait être utilisée dans une enquête criminelle, elle serait effectivement un fruit de l’arbre vénéneux.Note de bas de page 3661

53. L’absence de renseignements complets et exacts sur les circonstances qui sont à l’origine des allégations signifie que l’avis juridique aurait été d’une utilité restreinte comme fondement à toute évaluation aux fins d’enquête par le SNEFC RO.

Conclusion de l’« évaluation »

54. Il n’y a presque pas eu d’activité dans le dossier après mai 2010. Le 17 août 2010, le cplc Mitchell a contacté M. Fynes pour faire le point. Il a indiqué au Maj Dandurand qu’il avait [traduction] « parlé à Shaun. Tout s’est bien passé. Il semblait être reconnaissant. Je lui ai expliqué exactement ce dont nous avons parlé et il était satisfait de l’explication ».Note de bas de page 3662 Ni le cplc MitchellNote de bas de page 3663 ni le Maj DandurandNote de bas de page 3664 ne pouvaient se rappeler ce qui avait été dit à M. Fynes, bien que le cplc Mitchell se soit rappelé lors de son témoignage qu’il aurait fourni une mise à jour [traduction] « quant au point où j’en étais arrivé » et qu’il avait avisé M. Fynes qu’un autre enquêteur prendrait en charge le dossier.Note de bas de page 3665 Le souvenir qu’a M. Fynes de la dernière mise à jour est que le cplc Mitchell a affirmé qu’il voulait obtenir des avis de ses supérieurs.Note de bas de page 3666

55. À ce stade, toutefois, il semble que les membres du SNEFC RO avaient déjà décidé de clore le dossier. Un rapport d’état du dossier daté du 14 août 2010Note de bas de page 3667 concernant l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle indique simplement [traduction] « Dossier à conclure ».Note de bas de page 3668 Le cplc Mitchell a été retiré du dossier à la mi-août, car il devait aller suivre la partie de son cours de QEL qui se donne en résidence en septembre 2010, en vue d’entreprendre un détachement auprès de la GRC en novembre suivant.Note de bas de page 3669 Aucun rapport de quelque activité n’apparaît dans le dossier tout au long de l’automne 2010. En effet, l’adj Bonneteau, qui est devenu l’adj des opérations du SNEFC RO à l’été 2010, a affirmé dans son témoignage que sa compréhension était qu’il n’y avait aucune enquête au-delà de l’obtention d’un avis juridique.Note de bas de page 3670

56. Un courriel envoyé en octobre 2010 par le Maj Francis Bolduc, commandant adjoint du SNEFC, confirme que la décision selon laquelle aucune accusation n’était justifiée avait été prise quelque temps auparavant. Dans son message du 28 octobre 2010 au GPFC, le col Timothy Grubb, le Maj Bolduc l’avisait que l’évaluation aux fins d’enquête était terminée et avait mené à la conclusion que [traduction] « rien n’indique qu’une infraction au Code de discipline militaire ou qu’une infraction pénale telle que la négligence criminelle causant la mort pouvait s’être produite ».Note de bas de page 3671

57. Le Maj Dandurand a dit dans son témoignage que c’était en fin de compte lui qui avait pris la décision de fermer le dossier et de ne pas aller plus loin.Note de bas de page 3672 Il a affirmé qu’il serait probablement arrivé à la conclusion que les accusations n’avaient aucun mérite après [traduction] « avoir reçu des avis de sources externes ».Note de bas de page 3673 En raison des revendications du privilège du secret professionnel de l’avocat faites au nom du ministre de la Défense nationale, la Commission ne connaît pas et ne peut pas connaître le contenu de l’avis externe. Les dates du rapport d’état du dossier et du courriel du Maj Bolduc permettent d’établir que l’évaluation du SNEFC a été complétée à l’automne 2010 et probablement avant la mi-août 2010.

Séance d’information du sgt Shannon

58. Le sgt Scott Shannon a rejoint le SNEFC RO comme chef d’équipe en août 2010.Note de bas de page 3674 Il n’a pas participé à l’enquête de 2010 avant l’hiver 2010-2011. À ce moment, l’adj Bonneteau a chargé le sgt Shannon de préparer une séance d’information pour la chaîne de commandement du SNEFC RO à la fois sur l’enquête de 2009 et celle de 2010.Note de bas de page 3675 Le sgt Shannon a dit dans son témoignage qu’on lui avait confié cette tâche en février 2011,Note de bas de page 3676 bien que son carnet de notes laisse penser qu’il en avait été chargé le 10 décembre 2010.Note de bas de page 3677 Quoi qu’il en soit, son travail aurait clairement été éclairé par ce qui avait été fait auparavant et par les décisions prises antérieurement.

59. Le sgt Shannon a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Ainsi, après avoir reçu cette tâche, j’ai lu le dossier, le peu d’information qui était disponible.

J’ai consulté la lettre renfermant les allégations qui avait été présentée au SNE par M. Fynes. J’ai effectué un examen indépendant et approfondi des allégations qui y étaient formulées.

J’ai fait une évaluation des trois articles du Code criminel identifiés dans sa lettre.

J’ai fait un examen approfondi de la jurisprudence en lien avec l’allégation spécifique de négligence criminelle causant la mort.

Puis, j’ai déterminé, après ma propre analyse indépendante du Code criminel et de la jurisprudence disponible, que ces infractions ne s’appliquaient pas dans cette situation; par conséquent, la tâche de validation de l’infraction, qui fait partie de la séquence d’une enquête générale, n’a pas été concluante, et c’est pourquoi il n’était pas nécessaire d’effectuer tout autre type d’enquête dans cette affaire.Note de bas de page 3678

60. Les efforts du sgt Shannon doivent être interprétés en contexte. La décision avait déjà été prise de clore le dossier. Son rôle était de produire une présentation PowerPoint expliquant à sa chaîne de commandement ce qui avait déjà été décidé.Note de bas de page 3679 Le cplc Mitchell n’a jamais été remplacé par un nouvel enquêteur principal quand il a été retiré du dossier en août 2010. Il est juste d’en déduire que c’est parce que cela n’était pas nécessaire. Le rôle du sgt Shannon n’était pas de mener une enquête ou même de faire avancer le dossier, et il est évident qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il le fasse. Le sgt Shannon n’aurait pas eu assez de temps pour accomplir quelque chose du genre. Au plus tôt, il aurait commencé à travailler sur la séance d’information à la mi-décembre 2010, juste avant le début des vacances de Noël, et (en plus de sa charge de travail habituelle) le temps qu’il pouvait consacrer à cette tâche aurait été partagé avec la séance d’information sur l’enquête de 2009. Quel que soit le temps qu’il a finalement consacré à la séance d’information de 2010, le témoignage du sgt Shannon incite à penser qu’il a fait l’essentiel de sa recherche et de la préparation à ses heures, durant les week-ends qui ont précédé la séance d’information.Note de bas de page 3680 Il n’y avait rien de plus à faire dans la perspective de l’enquête, et ce n’est tout simplement pas le cas que le sgt Shannon a mené une enquête supplémentaire. En fait, la tâche du sgt Shannon était d’expliquer le processus de réflexion sous-jacent à la décision de clore le dossier sans pousser l’enquête plus loin.

61. Le sgt Shannon a affirmé que son rôle [traduction] « [...] s’était borné à faire une évaluation théorique de la plainte », soulignant qu’il avait limité son analyse à la plainte écrite de M. Fynes.Note de bas de page 3681 Il a également indiqué dans son témoignage qu’il considérait avoir fait son travail indépendamment des garanties ou des représentations concernant la conduite de l’enquête présentées par le Maj Dandurand aux Fynes.Note de bas de page 3682 Dans le cas de la promesse du Maj Dandurand de revoir tous les documents en détail et de réinterroger des témoins, le sgt Shannon a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas pris ces mesures parce qu’il n’était jamais allé au-delà de l’analyse de l’infraction.Note de bas de page 3683 Le sgt Shannon a également déclaré qu’il ne croyait pas que ce cas satisfaisait aux exigences relatives à l’utilisation de l’approche de la gestion des cas graves.Note de bas de page 3684 En fait, il n’a jamais parlé au Maj Dandurand de ses attentes par rapport à l’enquête.Note de bas de page 3685

62. Au cours de l’AIP, on a demandé au sgt Shannon comment il s’était préparé pour la séance d’information. Il a déclaré avoir d’abord identifié les éléments de chacune des trois infractions au Code criminel mentionnées par M. Fynes, puis il a ensuite consulté la jurisprudence figurant dans l’édition annotée du Code criminel utilisée par les policiers afin d’acquérir une meilleure compréhension de ces lois.Note de bas de page 3686 Étonnamment, le sgt Shannon a dit dans son témoignage [traduction] « [...] il est clair que la conduite définie dans ces textes de lois ne s’applique d’aucune façon au cas présent ».Note de bas de page 3687 Lorsqu’on lui a demandé si cela voulait dire qu’il ne croyait pas qu’il était nécessaire de procéder à un examen des faits en main avant de décider si les infractions n’était pas applicables aux allégations, il a répondu que c’était exact.Note de bas de page 3688 Il a élaboré en disant que [traduction] « [l]a conduite définie dans ces trois articles ne s’applique d’aucune façon aux incidents et à l’historique de cette affaire ».Note de bas de page 3689

63. Le 18 février 2011, le sgt Shannon a présenté son exposé à l’équipe de commandement du SNEFC RO à l’aide d’une présentation PowerPoint.Note de bas de page 3690 Dans la section « Allégations » de la présentation, il y a une liste des trois articles du Code criminel mentionnés dans la lettre de M. Fynes,Note de bas de page 3691 suivie d’un très bref résumé des allégations de M. Fynes. La présentation indique que [traduction] « M. Fynes n’accuse pas une personne en particulier de la négligence alléguée, et M. Fynes ne fournit aucune ‘nouvelle’ preuve à l’appui des allégations ».Note de bas de page 3692 La présentation résume ensuite les conclusions du sgt Shannon concernant chaque infraction alléguée, ainsi que sa conclusion finale à l’effet qu’aucune de ces allégations n’était fondée.

« Validation de l’infraction » par le sgt Shannon

64. En produisant la présentation PowerPoint qui devait préciser le fondement de cette conclusion, le sgt Shannon a utilisé un cadre d’analyse qu’il a appelé la [traduction] « validation de l’infraction » Comme il l’a expliqué, cette évaluation a consisté à préciser les éléments d’une infraction et à [traduction] « [...] faire un examen de chaque élément de preuve afin de déterminer si nous pouvons ou non établir les éléments de l’infraction ».Note de bas de page 3693 En ce qui a trait à l’enquête de 2010, le sgt Shannon a indiqué dans son témoignage qu’il a :

[traduction]

[...] déterminé les éléments de chacune des trois infractions au Code criminel identifiées par M. Fynes, puis il a procédé à un examen de la jurisprudence et du droit afin d’établir si la substance de ces trois dispositions de la loi cadrait avec les circonstances de l’affaire telles que je les connaissais à ce moment-là.Note de bas de page 3694

65. Le sgt Shannon n’a fait aucune nouvelle enquête.Note de bas de page 3695 La Commission interprète le témoignage du sgt Shannon comme indiquant qu’il croyait qu’il avait procédé à un examen suffisamment approfondi du droit et des faits pour se sentir confiant de l’exactitude de sa présentation. Il a déclaré dans son témoignage qu’il ne lui était aucunement nécessaire de revoir le dossier documentaire avant de faire cette évaluation, puisqu’il était satisfait de s’appuyer sur les connaissances qu’il avait acquises au cours d’un examen antérieur. Si la présentation PowerPoint visait simplement à résumer la pensée et les conclusions d’autres personnes, cette façon de procéder était raisonnable. Si la présentation PowerPoint pouvait être fondée sur l’analyse de la preuve documentaire faite par le sgt Shannon lui-même, elle serait beaucoup plus difficile à justifier. Le sgt Shannon a examiné des documents clairement liés aux allégations de négligence criminelle, y compris le dossier de l’enquête de 2008 et l’ébauche de rapport de la CE.Note de bas de page 3696 Cependant, cet examen portant sur plusieurs centaines de pages de documents avait été fait des mois auparavant, dans le cadre d’une autre enquête sur la nomination du PPPP après le décès du cpl Langridge.Note de bas de page 3697 Cela serait tout à fait inadéquat aux fins d’analyser un dossier dont l’objet est la conduite des FC en matière de traitement médical et de soutien au cours de la période qui a précédé le suicide du cpl Langridge.

66. À la lumière des conclusions de la Commission quant à l’insuffisance de la base factuelle de l’exercice de validation de l’infraction, il n’est pas nécessaire de traiter en détail de l’analyse juridique contenue dans la présentation PowerPoint. De façon générale, cependant, cette analyse juridique axée sur les éléments des trois infractions au Code criminel considérés soulève un certain nombre d’interrogations.

Obligation de fournir les choses nécessaires à l’existence

67. Pour ce qui est de l’allégation de M. Fynes à l’effet que les FC ont omis de fournir les choses nécessaires à l’existence, la présentation du sgt Shannon précise que l’alinéa 215(1)c) du Code criminel [traduction] « crée une obligation légale de fournir les soins nécessaires aux personnes à charge, en raison de la détention, de l’âge, d’une maladie ou d’un trouble mental ».Note de bas de page 3698 Elle souligne que la personne prise en charge ne doit pas pouvoir se soustraire à cette charge et être incapable de pourvoir aux nécessités de la vie : nourriture, vêtements, hébergement et soins médicaux.Note de bas de page 3699 Elle conclut qu’aucun des éléments de l’infraction liés à l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence n’est corroboré par les faits dans la présente affaire.Note de bas de page 3700

68. Dans son témoignage, le sgt Shannon a élaboré sur son analyse, exprimant l’opinion que le cpl Langridge n’était pas en détention parce qu’il n’était pas sous arrestation légale. Le sgt Shannon a soutenu que les conditions ne constituaient pas une détention puisque le cpl Langridge était libre d’aller et venir. Il devait se rapporter à toutes les deux heures. Dans l’intervalle, il pouvait aller partout où il le souhaitait ».Note de bas de page 3701 Le sgt Shannon a affirmé que le cpl Langridge pouvait se retirer du régiment en désobéissant aux [traduction] « ordres légitimes » auxquels il était soumis et pouvait devoir « faire face aux conséquences » s’il choisissait d’agir ainsi.Note de bas de page 3702 C’est là une interprétation inhabituelle de l’expression « être libre d’aller et venir. » Le sgt Shannon a poursuivi en disant qu’il n’est pas arrivé à la conclusion que le cpl Langridge était à la charge du LdSH en raison de troubles mentaux, car il ne croyait pas que le cpl Langridge ait déjà été diagnostiqué pour un trouble mental. Il a dit dans son témoignage qu’il n’avait pas pris de mesures pour vérifier si le cpl Langridge avait reçu un tel diagnostic, se fiant à ce qu’il se rappelait de son examen du dossier.Note de bas de page 3703 Il a ajouté qu’il ne pouvait pas dire si des idées suicidaires ou l’alcoolisme et la toxicomanie peuvent entrer dans la définition de troubles mentaux, déclarant à deux reprises : [traduction] « Je ne suis pas un psychiatre ».Note de bas de page 3704 Le sgt Shannon n’avait tout simplement pas suffisamment de faits pour évaluer la signification de « trouble mental » dans le contexte de la négligence criminelle. Dans la mesure où ils auraient même été pris en considération lors de la validation de l’infraction, les dossiers médicaux figurant dans le dossier d’EG de 2008 étaient incomplets, et le sgt Shannon n’a pas cherché à obtenir d’autres dossiers des hospitalisations civiles du cpl Langridge.

69. Le sgt Shannon a dit dans son témoignage qu’il ne s’était pas demandé si prendre des mesures pour s’assurer que le cpl Langridge ne puisse pas se suicider relevait de l’obligation de fournir les choses nécessaires à l’existence, car il n’est pas possible de comprendre pourquoi le cpl Langridge s’est enlevé la vie.Note de bas de page 3705 Bien qu’il ait reconnu qu’il était possible d’envisager le risque qu’une personne se suicide, il ne pouvait pas voir le lien entre cela et une discussion sur l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence.Note de bas de page 3706 Il convient de noter ici, au moins en passant, que la jurisprudence laisse penser que l’expression « nécessités de la vie » peut englober « la protection de la personne contre un préjudice ».Note de bas de page 3707 Par conséquent, une évaluation de cette obligation juridique complexe était fort probablement nécessaire.

Devoir des personnes qui dirigent le travail

70. La présentation PowerPoint considère également les devoirs des personnes qui dirigent le travail, à la lumière de l’article 217.1 du Code criminel. Elle conclut qu’aucun des éléments de cette infraction ne s’applique dans le cas présent.Note de bas de page 3708 Elle précise :

[traduction]

71. La présentation poursuit en énonçant ce qui suit :

[traduction]

72. Dans son témoignage, le sgt Shannon a élaboré sur son processus de réflexion dans l’analyse de cet article. Il a déclaré que l’essence de l’infraction est un manquement ou la non-conformité à l’obligation légale de prendre des mesures raisonnables pour éviter des lésions corporelles à une personne dans des circonstances où l’employeur dirige le travail.Note de bas de page 3711 Il a reconnu que le rapport officier-subalterne est une forme de relation employeur-employé.Note de bas de page 3712 Il avait auparavant affirmé dans son témoignage qu’il s’était appuyé sur les déclarations du Capt Lubiniecki et du Capt Hannah comme preuve que le cpl Langridge avait accepté les conditionsNote de bas de page 3713 et il a dit catégoriquement que le consentement du cpl Langridge devait être pris en considération en déterminant si les conditions lui avaient été imposées.Note de bas de page 3714 Le sgt Shannon a réitéré que le cpl Langridge était dans sa chambre de caserne et non au travail au moment de son décès.Note de bas de page 3715 Il a ajouté que cet article du Code criminel ne s’appliquait pas si le cpl Langridge s’était enlevé la vie en raison des conditions qui lui étaient imposées au travail mais pendant qu’il n’était pas au travail.Note de bas de page 3716 Même devant la conclusion de la CE à l’effet que le cpl Langridge était « en service » au moment de son décès,Note de bas de page 3717 le sgt Shannon ne semble pas avoir envisagé la question de savoir si les conditions obligeant le cpl Langridge à résider sur la base et à se rapporter à toutes les deux heures, qui s’appliquaient au moment de son décès, signifiaient que le cpl Langridge était « au travail » quand il est mort.

73. Le sgt Shannon en a finalement conclu qu’aucun aspect des tâches associées à l’emploi du cpl Langridge n’a contribué à son décès. À son avis, le fait que le cpl Langridge ait déclaré aux professionnels de la santé qu’il préférerait s’enlever la vie que de retourner à son unité ne crée pas un lien entre les fonctions de son emploi et les circonstances de sa mort.Note de bas de page 3718

Négligence criminelle causant la mort

74. La présentation aboutit également à la conclusion qu’aucun des éléments de l’infraction de négligence criminelle causant la mort n’a été corroboré par les faits de la présente affaire.Note de bas de page 3719 Elle note que [traduction] « la négligence criminelle peut découler d’un acte ou d’une omission, si l’accusé avait l’obligation légale d’accomplir l’acte omis. Si l’acte ou l’omission montre une insouciance déréglée ou téméraire envers la vie ou la sécurité d’autrui, cela équivaut à de la négligence criminelle ».Note de bas de page 3720 Dans la discussion portant sur l’infraction, la présentation souligne [traduction] « l’absence de preuve indiquant qu’un membre des FC aurait contribué individuellement au processus de prise de décision du cpl Langridge » et le fait qu’« aucun membre des FC n’avait eu connaissance des intentions du cpl Langridge le 15 mars 08 ».Note de bas de page 3721 L’analyse conclut en notant qu’une organisation peut être tenue criminellement responsable en tant que partie à une infraction de négligence criminelle si un de ses membres agissant dans le cadre de ses pouvoirs a contribué à la négligence ou en a été la cause.Note de bas de page 3722

75. Bien que le sgt Shannon ait conclu qu’il n’y avait aucune preuve indiquant qu’un membre des FC avait contribué au processus décisionnel du cpl Langridge,Note de bas de page 3723 il ne semble pas s’être demandé s’il fallait effectivement que quelqu’un connaisse l’intention précise du cpl Langridge le jour où il s’est suicidé en tant qu’élément nécessaire de l’infraction, plutôt que de savoir seulement que le cpl Langridge représentait un danger pour lui-même à ce moment.Note de bas de page 3724 Interrogé sur son opinion à cet égard, il a déclaré : [traduction] « dans cette situation, la date essentielle et la seule date importante serait le 15 mars, parce qu’avant le 15 mars, le Caporal Langridge était parmi nous ».Note de bas de page 3725

76. Le sgt Shannon a dit à la Commission qu’à la lumière de son examen de la jurisprudence et de son analyse des éléments de l’infraction, il était parvenu à la conclusion que les actions du LdSH ne pouvaient pas constituer une négligence criminelle causant la mort car il n’avait pu trouver de précédent permettant d’établir un tel lien dans un cas de suicide.Note de bas de page 3726 Par contre, il a reconnu qu’un précédent ne constitue pas une exigence lorsqu’une accusation s’applique à un nouvel ensemble de faits.Note de bas de page 3727 Il a aussi reconnu que les actions décrites dans la plainte de M. Fynes [traduction] « pouvaient constituer de la négligence, bien qu’il ait déterminé que ce n’était pas le cas dans la présente affaire.Note de bas de page 3728 Le sgt Shannon a déclaré qu’il croyait que c’était une [traduction] « hypothèse logique » que de considérer qu’il existe une [traduction] « obligation générale pour les supérieurs des Forces canadiennes de protéger leurs subordonnés contre un préjudice prévisible ».Note de bas de page 3729 Cependant, suite à sa validation de l’infraction, il ne croyait pas qu’il y avait un motif pour pousser plus loin l’enquête sur cette question.Note de bas de page 3730

Le fondement factuel

77. Les éventuelles erreurs de droit dans la présentation PowerPoint sont secondaires au fait que les conclusions qui y sont énoncées reposent sur un ensemble discutable de faits souvent compris de manière incomplète ou reposant sur de fausses hypothèses. Dans la mesure où l’exercice de validation des infractions devait être fondé sur – dans les mots du sgt Shannon – [traduction] « tous les éléments de preuve » à sa disposition,Note de bas de page 3731 cet ensemble de faits n’était aucunement fiable. Aucune enquête sur les faits n’a été menée, et les faits cités ou implicitement invoqués dans la présentation ne pouvaient provenir que d’un dossier documentaire inadéquat ou d’hypothèses n’ayant pas de fondement documentaire.

78. Le témoignage du sgt Shannon dans lequel il affirme qu’il était inutile d’examiner les documents pertinents avant d’entreprendre l’évaluation de l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle a de quoi préoccuper. La décision du sgt Shannon de s’en remettre à son souvenir d’un examen de plusieurs centaines de pages de documents, effectué des mois auparavant dans le cadre d’une autre enquête, ne saurait raisonnablement être considérée comme adéquate. Cet examen antérieur portait sur des documents liés aux dossiers d’EG de 2008 et 2009 ainsi que sur des documents relatifs à l’ES.Note de bas de page 3732 Dans la mesure où une partie des documents recueillis pour l’enquête de 2009 était pertinente aux questions soulevées par l’enquête de 2010, ces documents ne pouvaient se trouver que dans le rapport de la CE. Comme il a été dit ailleurs,Note de bas de page 3733 le rapport de la CE ne saurait, en soi ou possiblement d’aucune manière, être une source appropriée pour une enquête de police, quelles que soient les circonstances. Son statut problématique se trouve amplifié par le fait que seul le rapport lui-même, renfermant les conclusions de la CE, a été numérisé dans le SISEPM, mais non les annexes qui contenaient les véritables éléments de preuve qui auraient mené à ces conclusions. Quant au dossier d’EG de 2008, l’un des motifs de la demande des Fynes pour la tenue d’une enquête indépendante, qui est devenue l’enquête de 2010, était leur insatisfaction à l’égard de l’enquête de 2008, y compris l’inexactitude alléguée de certains faits et, à leur avis, des conclusions douteuses. La Commission a conclu que l’enquête de 2008 était déficiente, notamment en raison d’une enquête factuelle incomplète de la question de la négligence et d’une mauvaise compréhension de la façon dont la négligence peut se manifester dans les circonstances de l’affaire. Quoi qu’il en soit, il semble que le fait de procéder à une nouvelle enquête, même à l’étape de l’évaluation, en commençant par accepter sans complément d’enquête les faits et les conclusions contestées par les plaignants soit un exercice voué à l’échec.

79. Les validations d’infractions ou les évaluations aux fins d’enquête surviennent à un stade très préliminaire d’une enquête. Elles visent à déterminer si, sans pousser plus loin l’enquête, on en sait assez pour être justifié de conclure que les infractions envisagées ne peuvent pas être étayées. Ce sont des techniques souvent employées pour écarter les plaintes frivoles ou vexatoires.Note de bas de page 3734 Dans le cas présent, étant donné le manque de données fiables dans le dossier documentaire, une autre approche possible serait d’examiner si, dans l’hypothèse où tous les faits allégués par les plaignants sont vrais, il serait tout de même impossible de satisfaire à tous les éléments de l’infraction considérée. S’il s’avère impossible de satisfaire à tous les éléments d’une infraction, même lorsque la véracité des faits allégués a été établie, il est inutile de pousser plus loin l’enquête. Sinon, à moins qu’il n’existe d’autres motifs valables pour exercer un pouvoir discrétionnaire de ne pas enquêter, l’enquête devrait procéder et examiner réellement les faits. Ce qui ne peut être fait est d’ignorer simplement les faits allégués ou supposer qu’ils sont faux, sans autre forme d’enquête.

80. Il semble que ce soit précisément ce que le sgt Shannon a fait. Les allégations des Fynes n’ont pas été considérées comme étant vraies aux fins de l’analyse. Soit que les faits sur lesquels le sgt Shannon s’est appuyé étaient précisément ceux que les Fynes jugeaient non fiables, soit qu’il s’est appuyé uniquement sur des hypothèses.

81. À la lumière de son témoignage, il est clair que le sgt Shannon n’a même pas envisagé toutes les allégations factuelles présentées par M. et Mme Fynes au cours de leur entrevue avec le Maj Dandurand et le cplc Mitchell.Note de bas de page 3735 En fait, il n’a pas écouté l’enregistrement de l’entrevue.Note de bas de page 3736 Ainsi, il n’aurait été au courant que des allégations décrites dans les résumés et les notes figurant au dossier.Note de bas de page 3737 Il n’aurait pas été au courant des allégations faites au sujet de la surveillance pour risque de suicide, des conditions imposées au cpl Langridge, des mesures disciplinaires imposées au cpl Langridge, ou de l’effet préjudiciable que ces conditions avaient eu sur le cpl Langridge.Note de bas de page 3738 Le sgt Shannon a déclaré qu’il n’aurait examiné ces allégations que si son enquête avait franchi le stade de la validation de l’infraction.Note de bas de page 3739 Ce n’est pas la procédure appropriée à suivre pour la validation d’une infraction.

82. La conclusion inévitable est que la « validation de l’infraction » faite par le sgt Shannon n’avait pas un fondement factuel adéquat.

Infractions militaires

83. Les membres des FC sont soumis au Code criminel de même qu’à un système de justice militaire pénal décrit dans la partie III de la LDN et connu sous le titre de Code de discipline militaire.Note de bas de page 3740 Le SNEFC peut enquêter et porter des accusations pour des infractions criminelles et des infractions militaires.Note de bas de page 3741

84. Quelle que soit la validité de l’exercice décrit dans la présentation PowerPoint pour la validation des infractions au Code criminel, aucun exercice similaire n’est énoncé dans la présentation en regard de toute infraction potentielle au Code de discipline militaire. Même si les plaignants n’ont fait mention que des infractions au Code criminel dans leur lettre de plainte, la police ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un plaignant connaisse toutes les catégories juridiques que pourraient impliquer les faits ayant donné lieu à une plainte. Les plaignants établissent des faits qui, à leur avis, démontrent qu’un préjudice a été commis. Il revient à la police de déterminer si ces faits correspondent à une faute reconnue en droit. Dans le cas de la police militaire, le droit applicable englobe le Code de discipline militaire. Plusieurs des plaintes formulées par les Fynes indiquent qu’une enquête sur des infractions militaires potentielles était nécessaire, et il semble que cela n’ait jamais été envisagé sérieusement au stade de l’évaluation.

85. Lorsqu’on lui a demandé si le fait d’envisager des infractions militaires comme alternatives à des infractions au Code criminel relevait de la politique ou d’une pratique personnelle, le sgt Shannon a affirmé qu’il prenait généralement en considération les infractions militaires qui pouvaient s’appliquer.Note de bas de page 3742 Dans le cas présent, il a dit dans son témoignage qu’il avait envisagé l’application possible de l’infraction de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire, mais qu’il avait pu l’exclure en écartant l’infraction de négligence criminelle, parce qu’il considérait que les éléments étaient très similaires.Note de bas de page 3743 Il n’y a rien dans le dossier d’enquête faisant état d’une telle analyse et celle-ci ne figure pas non plus dans la présentation PowerPoint. En fait, il n’y a aucune mention des infractions au Code de discipline militaire dans le dossier ou dans les documents se rapportant à l’enquête de 2010 autrement que dans les rapports d’état de dossier au QG SNEFC.Note de bas de page 3744

Analyse manquante dans l’évaluation

86. Chacune des infractions au Code criminel potentiellement applicables et chacune des infractions militaires potentiellement applicables, telles que l’art. 124 et le paragr. 129(1) de la LDN, ont en commun la notion d’une obligation de faire ou de ne pas faire quelque chose et celle d’une conduite en violation de cette obligation. Pour chacune, il existe également une norme en fonction de laquelle l’infraction alléguée doit être mesurée, mais aussi un élément moral requis d’intention ou d’insouciance.Note de bas de page 3745 Quant à savoir si les éléments de l’une ou l’autre des infractions pourraient effectivement être établis, cela dépendrait bien sûr de la preuve. Au moment de la validation des infractions par le sgt Shannon, il n’y avait pas suffisamment de faits consignés au dossier documentaire pour établir ou réfuter l’un ou l’autre de ces éléments. En l’absence d’un dossier factuel fiable, l’alternative aurait été de se demander si, en supposant que les allégations des Fynes étaient vraies, il serait encore possible de conclure que les éléments de l’infraction en question ne pouvaient pas être établis. En regardant tous les éléments des infractions au Code criminel envisagées, ainsi que les éléments constitutifs des infractions militaires potentiellement pertinentes, si les faits allégués par les Fynes durant l’entrevue du 5 mai 2010 sont véridiques, il n’est pas du tout évident qu’un de ces éléments n’aurait pu être établi.

87. Si l’on devait assumer que les allégations formulées par les Fynes lors de l’entrevue du 5 mai étaient vraies, alors si l’armée avait le contrôle complet sur le cpl Langridge, et s’il était vrai que le cpl Langridge avait été contraint d’accepter les conditions et qu’il n’avait pas d’autre choix que de s’y conformer, et s’il était vrai qu’à la connaissance de l’armée il détestait ces conditions au point où il préférait s’enlever la vie plutôt que de continuer à s’y conformer, alors on pourrait en conclure que l’armée avait, dans les circonstances, le devoir d’assurer la sécurité du cpl Langridge.

88. Alternativement, si l’armée savait ou aurait dû savoir qu’à défaut d’une surveillance étroite, le cpl Langridge risquait de tenter de se suicider, et si, malgré cette connaissance, l’armée lui a ordonné de sortir de l’hôpital où il était étroitement surveillé, et si, dans le passé, l’armée avait pris des mesures, à l’endroit du cpl Langridge ou d’autres personnes, pour assurer une « surveillance pour prévenir un suicide » ou une autre forme de surveillance étroite similaire, alors, sur cette base, il pourrait sans doute être possible de conclure que l’armée était dans l’obligation de lui fournir le genre de surveillance étroite qui garantirait sa sécurité.

89. Cela ne veut ne pas dire qu’une infraction aurait été établie. Chacune des allégations présumées véridiques aurait encore à être prouvée dans les faits, et il se pourrait bien que l’une ou plusieurs de ces allégations ne soient pas étayées par un examen des faits. Il y aurait aussi d’autres problèmes à résoudre, y compris mais sans s’y limiter le besoin d’établir la norme de diligence requise pour évaluer si la conduite en cause n’a pas satisfait à cette norme. Les faits pourraient également ne pas démontrer que le comportement visé par la plainte a un quelconque lien avec la mort du cpl Langridge. Il se pourrait enfin que la preuve ne permette pas de démontrer les éléments moraux requis pour établir l’intention délibérée ou l’insouciance qui s’appliquent aux infractions respectives.

90. Tout ce qu’aurait démontré un exercice de validation d’infraction reposant sur l’hypothèse que les allégations des Fynes étaient vraies est qu’il était téméraire de supposer, sans pousser plus loin l’enquête, qu’aucune accusation ne pouvait être justifiée sur la base des faits allégués. Si une enquête plus approfondie était ensuite entreprise, son but serait de déterminer si les allégations étaient effectivement vraies et, le cas échéant, si des accusations étaient justifiées.

91. La validation d’infraction faite par le sgt Shannon était un exercice sérieusement déficient, inadéquat et incomplet qui a, de toute évidence, puisé dans les processus déficients, inadéquats et incomplets qui l’ont précédé. L’analyse juridique est discutable et repose souvent sur des faits inexacts ou incomplets et des hypothèses sans fondement. Cela peut faire naître le doute qu’il n’y a tout simplement jamais eu une intention de procéder à une enquête.

92. Si le SNEFC procédait effectivement à une nouvelle enquête et ne s’en tenait pas à recycler les conclusions de la CE et/ou de l’enquête de 2008, il n’était pas approprié, au moment d’évaluer les infractions au Code criminel ou au Code de discipline militaire, d’accepter simplement et sans autre forme d’enquête que les faits n’étaient pas compatibles avec les allégations des Fynes.

Défaut de faire enquête

93. Le 4 mars 2011, l’adj Bonneteau a rédigé le résumé de cas pour l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle :

[traduction]

Le 5 mai 2010, au SNEFC RO, M. Fynes a demandé qu’une enquête soit entreprise sur la manière dont le cpl Langridge a été traité par des membres non identifiés des Forces canadiennes, qu’il soupçonne d’avoir éventuellement contribué à la mort du cpl Langridge le 15 mars 2008. En outre, M. Fynes allègue que les traitements et/ou les soins médicaux inadéquats reçus par le cpl Langridge de la part de la communauté médicale des Forces canadiennes et du LdSH (RC) ont également contribué à sa mort. Dans sa plainte écrite, M. Fynes fait expressément référence à l’al. 215(1)c) – Responsabilité de fournir les nécessités de la vie, à l’art. 217.1 – Devoir des personnes dirigeant les travaux et à l’art. 219 – Négligence criminelle en contravention du Code criminel du Canada [sic].Note de bas de page 3746

94. Le 4 mars 2011, l’adj Bonneteau a également rédigé les conclusions de l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle :

[traduction]

Cette enquête a révélé qu’il n’existe aucune preuve permettant de penser qu’un membre de la communauté médicale des Forces canadiennes ou un membre du LdSH (RC) a commis les infractions au Code criminel du Canada détaillées dans la lettre de M. Fynes. [sic]

Étant donné qu’aucune autre mesure d’enquête n’a été prévue par le SNEFC RO, cette enquête est close.Note de bas de page 3747

95. Dans son témoignage, l’adj Bonneteau a admis que lorsqu’il a écrit [traduction] « il n’existe aucune preuve », il voulait dire qu’aucun élément de preuve transmis au conseiller juridique par le cplc Mitchell n’a été considéré suffisant pour corroborer l’allégation à l’effet qu’un membre des FC ou de la communauté médicale militaire a commis une infraction au Code criminel.Note de bas de page 3748 Il a également reconnu que ces éléments de « preuve » avaient été obtenus uniquement par un examen de la documentation.Note de bas de page 3749

96. Le sgt Shannon a envoyé une lettre aux Fynes présentant un bref résumé des conclusions des dossiers d’EG de 2009 et 2010Note de bas de page 3750 le 3 mars 2011,Note de bas de page 3751 et celle-ci a été signée par le Maj Dandurand le 27 avril 2011.Note de bas de page 3752 En ce qui concerne l’enquête de 2010, la lettre dit :

[traduction]

Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes pour la région de l’Ouest (SNEFC RO) a terminé deux enquêtes complètes et détaillées concernant la conduite présumée de membres des Forces canadiennes envers votre fils, le cpl Stuart Langridge. Les allégations avaient été présentées au SNEFC RO verbalement et par écrit par vous. […]

EG 2010 – 12005 – Diverses infractions au Code criminel […]

Cette enquête a porté sur les allégations que vous avez présentées par écrit le 5 mai 2010. Dans votre correspondance, vous avez demandé au SNEFC d’examiner les actions de membres non identifiés des Forces canadiennes concernant les questions soulevées par les traitements médicaux et les soins fournis au cpl Langridge. Dans votre lettre, vous faisiez référence à trois infractions prévues dans le Code criminel du Canada; […]

Conclusions de l’enquêteur principal

Après un examen complet de tous les renseignements et éléments de preuve réunis concernant la manière dont le cpl Langridge a reçu des soins médicaux et la manière dont il a reçu un soutien personnel de membres des Forces canadiennes, la norme requise pour établir que l’une ou l’autre des infractions notées a été commise par un membre des Forces canadiennes n’a pas été satisfaite avec la preuve recueillie.

L’enquêteur principal, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, n’a pas été en mesure d’établir de « motifs raisonnables et probables » pour qu’un membre des Forces canadiennes ait commis les infractions mentionnées dans votre exposé écrit du 5 mai 2010. Ainsi, l’enquêteur principal n’a pas recommandé qu’une accusation soit portée au terme de cette enquête.

J’ai examiné les arguments de l’enquêteur principal dans cette affaire et je suis d’accord avec la conclusion qu’aucune accusation ne soit recommandée en vertu de la Loi sur la défense nationale ou du Code criminel du Canada.Note de bas de page 3753

97. Les éléments de preuve dont dispose la Commission ne supportent pas les affirmations selon lesquelles il y a eu un examen et une évaluation approfondis de tous les renseignements et éléments de preuve.Note de bas de page 3754 Les enquêteurs n’ont pas réuni suffisamment de faits pour tirer des conclusions au sujet de l’évaluation. Les membres du SNEFC n’ont ni procédé à l’expérience mentale de supposer que les faits allégués étaient vrais afin de voir s’ils pourraient alors établir les éléments d’une infraction au Code criminel ou au Code de discipline militaire, ni mené une enquête véritable pour confirmer ou infirmer les faits allégués, ni n’ont autrement constitué un ensemble de faits indépendant et adéquat pour appuyer les conclusions auxquelles ils sont parvenus. Au lieu de cela, ils semblent avoir simplement supposé ce qui devait être prouvé de manière à pouvoir fermer le dossier de la plainte des Fynes.

98. Le Maj Dandurand a reconnu dans son témoignage que si l’on supposait que tous les faits allégués par les Fynes étaient véridiques, il ne serait pas évident qu’une infraction en vertu du Code criminel ou une infraction militaire ne pourrait être établie.Note de bas de page 3755 Il a aussi reconnu qu’il lui incombait ainsi qu’à son équipe de mener une enquête au point où ils pourraient confirmer ou infirmer ces allégations. Cependant, il croit aussi que c’est précisément ce qu’ils ont fait.Note de bas de page 3756 Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer son point de vue à l’effet que le SNEFC avait enquêté sur ces allégations et déterminé qu’elles étaient fausses, le Maj Dandurand a déclaré qu’il avait la conviction que l’examen de l’enquête de 2008 sur la mort subite [traduction] « avait fait ressortir pour nous des faits pertinents en la matière et nous les avons pris en considération ».Note de bas de page 3757

99. Dans la hâte pour clore le dossier, les membres du SNEFC n’ont jamais fait les choses qu’ils avaient promis de faire. Le Maj Dandurand a avoué qu’il n’a jamais découvert [traduction] « la vérité sur ce qui s’était passé ».Note de bas de page 3758 Qui plus est, ils ont même fait ce qu’ils avaient promis de ne pas faire, comme d’accepter d’emblée les enquêtes précédentes et s’appuyer sur celles-ci aux fins de l’évaluation.

100. L’enquête de 2008 était clairement déficiente et a laissé de nombreuses contradictions et divergences inexpliquées. À elle seule, elle ne pouvait tout simplement pas constituer une base de faits suffisante pour que les enquêteurs puissent y puiser pour former leurs conclusions. Malgré cela, et malgré le fait que le dossier d’EG de 2008 ne contenait que des résumés d’interrogatoires de témoins et les documents recueillis par les enquêteurs dans ce que les Fynes ont allégué (et que la preuve démontre) être une enquête problématique, le Maj Dandurand semble avoir cru que lui et son équipe d’enquêteurs étaient en mesure de tirer de ce dossier une évaluation fiable des allégations faites par M. et Mme Fynes et de conclure que ces allégations étaient sans fondement. Cependant, le Maj Dandurand n’a pu dire pour quelles allégations en particulier on en est arrivé à la conclusion qu’elles étaient sans fondement.Note de bas de page 3759

101. Lorsqu’on a demandé au Maj Dandurand ce qui s’était passé pour que l’enquête de 2010 s’écarte des assurances données aux Fynes à l’effet que, pour établir la vérité, il était nécessaire d’interroger les témoins qui avaient été interrogés au cours des enquêtes antérieures, de ne rien accepter d’emblée, de revoir tous les documents en détail, et, effectivement, de monter une enquête vaste et complexe pour s’assurer que les enquêteurs avaient établis adéquatement les faits. Le Maj Dandurand a reconnu que son point de vue initial, fondé sur les allégations et les préoccupations des Fynes au sujet des enquêtes antérieures, était que le SNEFC RO procéderait vraisemblablement à une enquête criminelle. Il a dit dans son témoignage qu’il n’avait pas, à cette époque, prévu que les infractions seraient considérées comme non applicables.Note de bas de page 3760 Encore une fois, cela ressemble à un raisonnement circulaire. La seule façon dont les infractions pourraient être considérées comme non applicables serait d’établir un ensemble de faits fiable. Si les faits précédemment constatés ont été remis en question par les Fynes et étaient incomplets, il semblerait difficile de conclure que les infractions n’étaient pas applicables sur la base des faits, et soutenir ensuite qu’aucune enquête factuelle n’était nécessaire parce que les infractions étaient inapplicables.

102. Encore une fois, rien de tout cela ne vise à insinuer qu’une accusation en vertu du Code criminel ou pour une infraction militaire aurait été étayée. Une enquête sur les faits aurait bien pu confirmer des faits susceptibles de contrer l’un ou plusieurs des éléments nécessaires à une éventuelle infraction, et/ou des lacunes subsistant dans la preuve auraient pu rendre impossible le dépôt d’une accusation. Il y aurait eu également la question de la mens rea, qui est l’élément moral de l’infraction. Comme il ressort de l’analyse de la façon dont la négligence a été étudiée dans l’enquête de 2008,Note de bas de page 3761 même s’il était possible de démontrer dans les circonstances qu’il y avait une obligation pour les FC de protéger le cpl Langridge contre un préjudice prévisible et que les FC ont failli à cette obligation, il se pourrait bien que l’importante question de la démonstration de l’état d’esprit requis de la part de ceux qui auraient manqué à leur devoir continue de se poser. À défaut de disposer d’une telle preuve, il n’aurait pas été possible de justifier une accusation, et encore moins d’envisager une condamnation. Il se pourrait donc qu’une enquête approfondie aurait débouché sur la conclusion tout à fait justifiable qu’aucune accusation ne devrait être portée en regard des allégations des Fynes. Les activités du SNEFC en réponse à ces allégations ne correspondent pas à une enquête de ce genre, ou même à une enquête tout court.

103. Il est compréhensible que les enquêteurs aient voulu adopter une approche prudente en ce qui a trait aux allégations formulées par les Fynes. Ces allégations n’avaient rien d’ordinaires et une décision à l’effet que des accusations de négligence criminelle ou quasi-criminelle pourraient être déposées sur cette base aurait bien pu constituer un précédent. Cela ne justifie cependant pas la décision de les écarter du revers de la main sans approfondir l’enquête.

104. En fin de compte, les membres du SNEFC ont non seulement procédé à une évaluation déficiente, mais ils ont aussi failli à respecter les engagements pris envers les Fynes et ne leur ont même pas fourni une explication de leurs conclusions.Note de bas de page 3762

Questions particulières qui n’ont pas donné lieu à une enquête

105. Même si plusieurs des allégations présentées par les Fynes lors de l’entretien du 5 mai 2010 ont été traitées, bien qu’imparfaitement, dans l’enquête de 2008, certaines de ces allégations n’ont jamais été traitées par le SNEFC. Quelle que soit la justification pour ne pas avoir mené une enquête plus approfondie sur les questions déjà abordées d’une certaine manière dans l’enquête de 2008, il n’y avait aucune justification pour ne pas faire enquête sur les allégations directes de fait qui n’avaient jamais été examinées auparavant.

Le congé du cpl Langridge de l’AHE

106. Une question qui n’a pas été explorée de manière significative au cours de l’enquête de 2008 est celle de l’hospitalisation du cpl Langridge et de son retour à la base. Cela veut dire qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements pour évaluer l’allégation des Fynes à l’effet que le cpl Langridge a été forcé de retourner à la base contre son gré. Il existe des preuves que le cpl Langridge voulait demeurer à l’AHE au terme du séjour de 30 jours auquel il s’était engagé, mais que son unité lui a ordonné de quitter l’établissement, ou qu’il a autrement estimé qu’il n’avait pas le choix que de retourner à la base s’il voulait obtenir un traitement pour sa toxicomanie. Les enquêteurs du SNEFC disposaient, dans le dossier de l’enquête de 2008, de l’avis de congé du Dr Sowa de l’AHE, rédigé le 4 mars 2008.Note de bas de page 3763 Avec la note d’admission, cela établissait clairement que le cpl Langridge avait été admis pour une durée de 30 jours. Cependant, ils ne disposaient pas du rapport sommaire de congé produit subséquemment par le Dr Sowa. Ce rapport indiquait que le cpl Langridge avait accepté de demeurer à l’hôpital comme patient volontaire jusqu’à ce que des dispositions puissent être prises pour qu’il prenne part à un programme de désintoxication :

[traduction]

Notre plan était de le garder à l’hôpital jusqu’à ce qu’il puisse être rendu directement à l’armée.

[…]

Malheureusement, l’armée a appelé pour nous informer [...] qu’elle [...] voulait effectivement le ramener à la garnison et se chargerait de prendre des dispositions pour qu’il soit inscrit à un programme de désintoxication. Cela nous a plutôt surpris car Stuart avait manifesté sa volonté de rester avec nous à l’hôpital jusqu’à ce que cela puisse se faire. Cependant, à la suite de cette requête, il a été escorté le lendemain de la date d’expiration de ses certificats directement à la garnison militaire et remis à son sergent, ce qui est survenu  le 5 mars 2008 [sic].Note de bas de page 3764 [Caractères gras ajoutés]

107. Le Dr Sowa a corroboré ces faits dans son témoignage devant la Commission. Il était prêt à garder le cpl Langridge comme patient volontaire jusqu’à ce que les dispositions qu’il essayait de prendre avec le centre de désintoxication soient confirmées. Le Dr Sowa a affirmé qu’il avait compris que le régiment voulait plutôt que le cpl Langridge retourne à la base et cela l’a surpris :

[traduction]

Eh bien, pas nécessairement [surpris par] l’armée, mais, en général, oui, nous avons de la difficulté à renvoyer les patients. Et vraiment avec lui, ce n’était pas comme si je poussais pour le renvoyer. J’ai vraiment, vous savez, ce que je disais est que les 30 jours sont écoulés, nous n’avons pas nécessairement à renouveler les certificats, il est prêt à rester ici mais il doit s’engager dans un programme de traitement comme j’en avais déjà arrangé. Et puis, quand la destination finale aurait était organisée, il pouvait y aller directement. Nous n’avions aucun problème avec ça. Si, au cours de son séjour de deux semaines les choses prenaient un tournant négatif, nous avions toujours la possibilité de demander à nouveau des certificats pour lui.

Mais remarquez que j’étais plus souple avec lui.Note de bas de page 3765

108. Le Dr Sowa a dit dans son témoignage qu’il avait compris que le régiment avait son propre programme de traitement de la toxicomanie sur la base et que le cpl Langridge prendrait part à ce programme à son retour. Dans deux semaines, des dispositions seraient prises pour l’envoyer dans un centre de traitement de la toxicomanie en résidence. Il estimait que l’objectif du traitement était important, parce que la dépendance du cpl Langridge était un enjeu clé, et il a été surpris par l’obligation de le renvoyer à la base avant d’aller en traitement puisque le cpl Langridge était déjà à l’hôpital et pouvait s’y rendre directement à partir de là. Le Dr Sowa a dit dans son témoignage qu’il avait confirmé la décision du LdSH de voir le cpl Langridge retourner à la base auprès de « Leo », qu’il croyait être un infirmier ou un conseiller de l’équipe médicale de la base (probablement Leo Etienne, conseiller en alcoolisme et toxicomanie).Note de bas de page 3766

109. Il y avait également des renseignements sur le congé du cpl Langridge de l’AHE dans une déclaration solennelle à l’appui d’une demande de prestations de survivante faite en juillet 2009 par Mme A.Note de bas de page 3767 Le document indique ce qui suit :

[traduction]

Après les 30 jours [en tant que patient], la certification de Stuart a été passée en revue. Son médecin a demandé que Stuart reste à l’hôpital pour une autre période de 30 jours. Stuart voulait y demeurer, car il faisait enfin des progrès et il a dit qu’il avait peur de quitter l’établissement.

L’armée a demandé que Stuart soit renvoyé sous ses soins, à la base, où il serait obligé de vivre sous une étroite surveillance pendant deux semaines. À ce moment, l’armée s’engagerait à envoyer Stuart dans un autre centre de traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie. Stuart devait obligatoirement passer ce temps à la base pour que l’armée continue à l’assister dans son traitement.Note de bas de page 3768 [Caractères gras ajoutés]

110. Si les enquêteurs qui ont procédé à l’enquête de 2008 ou à celle de 2010 avaient obtenu les dossiers de l’AHE ou parlé au Dr Sowa, à M. Etienne ou à Mme A, ils auraient pu apprendre que le cpl Langridge a très bien pu recevoir l’ordre de quitter l’AHE et de retourner à la base, et de se conformer à toutes les mesures que le régiment avait décidé de lui imposer, ou, à tout le moins, ils auraient bien pu avoir des raisons de croire que c’était le cas. Cependant, la possibilité que le cpl Langridge ait reçu l’ordre de retourner à l’unité n’a jamais été examinée par le SNEFC.

Le devoir de mettre en œuvre des protocoles de prévention du suicide et le devoir de convoquer des enquêtes sommaires

111. Le cplc MitchellNote de bas de page 3769 et le sgt Shannon n’ont jamais examiné l’allégation essentiellement distincte selon laquelle le commandant du LdSH avait l’obligation de mettre en œuvre et de suivre certains protocoles de prévention du suicide et ne l’avait pas fait. Les Fynes ont allégué que le LdSH n’avait pas de protocole de prévention du suicide (ce qui était incontestablement requis) et a omis de tenir une ES après chacune des tentatives de suicide connues du cpl Langridge (ce qu’il était incontestablement tenu de faire). Le cplc Mitchell a témoigné que l’allégation ne [traduction] « sonnait même pas une cloche ».Note de bas de page 3770

112. L’OAFC 19-44 stipule que l’intervention en cas de risque de suicide – définie comme étant [traduction] « l’utilisation de moyens, comme la confrontation, la consultation d’un spécialiste et l’hospitalisation, dans le but de lutter contre le suicide et les tentatives de suicide »Note de bas de page 3771 – commence dès que des signes de comportement suicidaire potentiel sont observés pour la première fois chez une personne. Elle requiert que les signes et les symptômes de suicide potentiel soient immédiatement portés à l’attention du personnel médical ou certaines autres personnes si du personnel médical n’est pas disponible. Les commandants des bases et les commandants doivent [traduction] « établir des plans d’intervention appropriés afin d’assurer une intervention rapide, coordonnée et efficace lorsqu’une personne présente des signes de comportement suicidaire ».Note de bas de page 3772 Le SNEFC n’a jamais étudié la possibilité que l’omission d’élaborer et de mettre en œuvre de tels plans d’intervention puisse constituer une conduite négligente.

113. Le lcol Pascal Demers a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait institué aucune politique d’intervention, s’inspirant plutôt des directives de l’OAFC 19-44 en tant que « politique nationale ».Note de bas de page 3773 Une disposition de ce document précise que les commandants ont la responsabilité de s’assurer que la prévention du suicide reçoive la priorité appropriée au sein de l’unité.Note de bas de page 3774 Le lcol Demers a indiqué que la portée des programmes éducatifs en place en 2007 et 2008 visant à reconnaître et à réagir aux signes et symptômes d’un comportement suicidaire prenait la forme d’un counseling par les pairs pour un « certain nombre de soldats ».Note de bas de page 3775 Le lcol Demers a précisé que la prévention du suicide était également abordée à certaines réunions régulières sur la sécurité, où l’on invitait les membres qui éprouvaient des idées suicidaires à demander une aide médicale.

114. L’allégation d’avoir omis de mettre en œuvre une politique de prévention du suicide n’est pas une affaire banale. La preuve révèle que le cpl Langridge affichait un comportement classique associé à un risque élevé de suicide juste avant qu’il s’enlève la vie, notamment de donner ses biens.Note de bas de page 3776 Le lien entre les comportements tels que donner ses biens et l’intention suicidaire est explicitement abordé par les FC dans l’OAFC 19-44Note de bas de page 3777 et aurait vraisemblablement fait partie du genre de formation sur la sensibilisation au suicide envisagée par l’OAFC 19-44.

115. Le SNEFC semble n’avoir rien fait pour enquêter sur cette allégation.

116. Les paragraphes 12 et 13 de l’OAFC 24-6Note de bas de page 3778 exigent qu’une ES soit convoquée après une tentative de suicide. Le lcol Demers a dit dans son témoignage qu’il ne croyait pas qu’il y avait une quelconque latitude et [traduction] « qu’il doit toujours y avoir une enquête ».Note de bas de page 3779 Il a confirmé qu’il s’attendait à ce qu’un membre de la chaîne de commandement ou toute autre personne en autorité qui a connaissance d’une tentative de suicide signale celle-ci et qu’une ES soit convoquée. La preuve indique que la chaîne de commandement était effectivement au courant de plusieurs tentatives de suicide de la part du cpl Langridge;Note de bas de page 3780 pourtant, une seule ES, portant sur une seule tentative, a été tenue. Le SNEFC n’a jamais enquêté pour vérifier si la chaîne de commandement du LdSH avait connaissance des autres tentatives de suicide du cpl Langridge et si l’omission de signaler ces tentatives et de mener une ES après chacune de celles-ci pouvait constituer une conduite négligente.

Promptitude

117. Les plaintes à l’origine de l’enquête de 2010 ont été formellement déposées le 5 mai 2010. Il y a eu initialement de l’activité entre le 5 et 12 mai 2010. Puis, il y a eu une activité nominale en août 2010 lorsque l’évaluation a été complétée et que le dossier a évidemment été présumé conclu. L’activité suivante dans le dossier a eu lieu quand le sgt Shannon a reçu instruction de produire une présentation PowerPoint. En supposant que le sgt Shannon ait été chargé de rédiger cette présentation en décembre 2010, comme il est indiqué dans ses notes, et non en février 2011, comme il l’a indiqué dans son témoignage, une estimation généreuse permet de dire qu’il y a peut-être eu 60 jours d’activité sur une période de près d’un an au cours de laquelle le dossier était ouvert.

118. Même s’il était déjà clair en août 2010 que très peu serait accompli dans le cadre de l’enquête, le dossier de 2010 est resté ouvert et a continué à être répertorié dans les rapports d’état de dossier et annoté [traduction] « à conclure » jusqu’au 2 mai 2011.Note de bas de page 3781 Le Maj Bolduc a affirmé dans son témoignage que le dossier est demeuré ouvert au cas où l’enquête de 2009 fournirait des preuves permettant de modifier l’évaluation.Note de bas de page 3782 Un rapport d’état de dossier du SNEFC RO daté du 15 novembre 2010 indiquait à nouveau que le dossier devait être conclu et la rubrique « Date de la dernière activité » mentionnait seulement [traduction] « En attente de la conclusion du dossier d’EG 09-34538 ».Note de bas de page 3783 Il est difficile de voir clairement comment la preuve se rapportant à la détermination du plus proche parent du cpl Langridge pourrait être considérée pertinente à la question de la culpabilité éventuelle pour son décès. Même s’il est vrai que les conclusions de l’enquête de 2010 n’étaient pas bien étayées et étaient prématurées et qu’en fait beaucoup plus aurait dû être fait par les enquêteurs, il est tout aussi inacceptable que le dossier ait langui et soit resté ouvert sans activité ou compte rendu.

119. Comme il est indiqué ailleurs dans ce rapport,Note de bas de page 3784 les Fynes n’ont pas été régulièrement informés de l’état d’avancement du dossier. Ils ont indiqué clairement qu’ils ne s’attendaient pas à recevoir des mises à jour à toutes les deux semaines, mais qu’ils devaient être tenus au courant des développements significatifs. Néanmoins, ils ont dû contacter le SNEFC RO pour leur rappeler cette responsabilité. Après un début d’enquête prometteur et que les plaignants aient clairement manifesté leur méfiance et leur manque de foi à l’égard des Forces canadiennes et des enquêtes préalables, les délais et les communications sporadiques rencontrés ont semblé être du pareil au même.

120. Généralement, il est de la responsabilité des superviseurs de veiller à ce que les enquêtes soient complétées en temps opportun.Note de bas de page 3785 Dans le cas présent, cette responsabilité incombait en définitive au Maj Dandurand à titre de commandant du détachement.

4.5 Interactions du SNEFC avec les Fynes

1. Plusieurs des allégations de la présente plainte se rapportent aux interactions du SNEFC avec les Fynes.Note de bas de page 3786 Les plaintes englobent un certain nombre de questions, dont l’omission alléguée de fournir régulièrement des mises à jour ou des séances d’information; les informations ou les explications insuffisantes, inexactes ou inappropriées fournies aux Fynes par le SNEFC; enfin, l’annulation d’une séance d’information verbale au sujet des enquêtes. Pour évaluer ces allégations, il importe de comprendre l’historique des interactions entre le SNEFC et les Fynes, entre le moment où le SNEFC est devenu impliqué, soit le jour de la mort du cpl Langridge en mars 2008, jusqu’à la conclusion des dernières enquêtes au printemps de 2011.

2. Établir une bonne communication avec les plaignants est important. Parfois, cela permet de résoudre des problèmes avant qu’ils ne donnent lieu à des plaintes. Lors de son témoignage devant la Commission, on a demandé à Mme Fynes quelles mesures les FC auraient pu prendre pour que les Fynes soient satisfaits ou pour répondre à leurs préoccupations. Elle a répondu que tout ce qu’ils avaient toujours vraiment voulu, c’était que quelqu’un s’assoit avec eux, ait une discussion honnête sur ce qui s’était passé et donne une indication que des leçons devaient être tirées de cette affaire.Note de bas de page 3787 Elle a déclaré :

[traduction]

[...] mais notre préoccupation principale était que quelqu’un fasse preuve d’un peu d’honnêteté envers nous et nous montre quelles leçons avaient été tirées. C’est tout.Note de bas de page 3788

3. Selon Mme Fynes, si cela avait été fait, [traduction] « l’affaire se serait arrêtée là ».Note de bas de page 3789

4. Il est possible que si les contacts entre le SNEFC et les Fynes avaient été plus fréquents ou plus productifs, certaines des autres plaintes n’auraient pas été déposées devant la Commission. Quoi qu’il en soit, ces questions ont leur importance. La manière dont un service de police interagit avec les victimes et les plaignants constitue une partie essentielle de son travail. À cet égard, la performance du SNEFC dans ses interactions avec les Fynes a été moins que brillante.

4.5.1 Premier contact

L’enquête de 2008

5. Il y a eu peu de contact entre les Fynes et le SNEFC au cours de l’enquête de 2008. Ni Mme Fynes ni M. Fynes n’ont été contactés par quelqu’un du SNEFC pour leur demander de fournir des renseignements pertinents qu’ils auraient pu avoir, ou pour les informer des progrès ou des résultats de l’enquête. En effet, si ce n’était de l’initiative des Fynes eux-mêmes de communiquer avec l’enquêteur principal, il n’y aurait eu aucun contact pendant l’enquête de 2008 ou immédiatement après.

6. Au cours du premier mois suivant le décès du cpl Langridge, le principal enquêteur du SNEFC, le cplc Matthew Ritco, n’a pas tenté de contacter la mère ou le beau-père du cpl Langridge dans le cadre de l’enquête. Il a d’abord considéré que les Fynes pourraient potentiellement être interviewés.Note de bas de page 3790 Cependant, le gestionnaire de cas et l’adjudant-maître du détachement ont décidé le 15 avril 2008 qu’il n’était pas nécessaire de les contacter.Note de bas de page 3791 M. Fynes a été surpris de ne pas avoir été formellement interrogé lors de l’enquête de 2008. Il a déclaré :

[traduction]

Si vous enquêtez sur l’état de notre fils, sa santé, et sa vie et son passé récents avant sa mort au point où vous envahissez ses dossiers médicaux et de santé mentale personnels, il serait peut-être pertinent de parler à ses proches au sujet de son état et des conditions dans lesquelles il vivait.Note de bas de page 3792

7. Il faut ajouter à cela que c’est M. Fynes qui a contacté le SNEFC et non l’inverse. Il a pris contact en mai 2008. Il a indiqué dans son témoignage qu’il était inquiet au sujet de la disposition possible de la Jeep du cpl Langridge par le régiment LdSH et qu’il avait alors appelé le SNEFC, à Edmonton, et demandé à parler à l’enquêteur chargé de faire enquête sur la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 3793 Quelques jours plus tard, il a reçu un appel du cplc Ritco, dont la préoccupation immédiate, selon le témoignage de M. Fynes, était de savoir comment M. Fynes avait appris son nom.Note de bas de page 3794 Dans son témoignage, le cplc Ritco a expliqué qu’il avait trouvé un message sur son bureau lui demandant de contacter les Fynes.Note de bas de page 3795 Quand il a appelé, il a d’abord rejoint Mme Fynes, avec qui il a parlé pendant environ 40 minutes.Note de bas de page 3796 Quelques jours plus tard, il a également eu une conversation avec M. Fynes qui a duré un peu plus de 30 minutes.Note de bas de page 3797 Apparemment, ces conversations n’avaient pas été planifiées. Bien que certains renseignements utiles à l’enquête aient été fournis par les Fynes pendant ces conversations, peu d’efforts ont été faits de la part du cplc Ritco pour obtenir des renseignements ou poser des questions de suivi, et aucune entrevue formelle n’a eu lieu avec M. ou Mme Fynes.Note de bas de page 3798 Dans son témoignage, M. Fynes a indiqué qu’à son avis, rien dans sa conversation avec le cplc Ritco n’était utile à l’enquête de 2008, sauf le fait qu’il s’attendait à ce que le téléphone du cpl Langridge soit vérifié.Note de bas de page 3799

8. Le déroulement de l’enquête n’a pas été un sujet de discussion lors des conversations téléphoniques du cplc Ritco avec les Fynes. Selon les notes du cplc Ritco, M. Fynes a indiqué qu’il n’appelait pas dans le but d’obtenir des renseignements confidentiels sur la façon dont l’enquête se déroulait.Note de bas de page 3800 Aucune information n’a été fournie aux Fynes sur les progrès de l’enquête à quelque autre moment au cours de l’enquête. Le lcol Robert Delaney, qui est devenu le commandant du SNEFC après la fin de l’enquête de 2008, a indiqué dans son témoignage que le contact avec les victimes ou les plaignants pouvait généralement être pris à l’initiative du coordonnateur de l’aide aux victimes (CAV) ou des enquêteurs.Note de bas de page 3801 Il a expliqué que les enregistrements des appels effectués par le CAV étaient consignés dans un registre des activités conservé par le CAV, tandis que les enregistrements des appels effectués par les enquêteurs étaient intégrés aux notes et entrées inscrites dans le dossier d’EG.Note de bas de page 3802 Les avocats de la Commission ont demandé une copie de tout registre des activités conservé par le CAV dans lequel auraient été enregistrés les contacts avec les Fynes au cours des trois enquêtes du SNEFC.Note de bas de page 3803 Aucun registre n’a été produit.Note de bas de page 3804 Des preuves déposées devant la Commission indiquent que les Fynes auraient refusé l’aide des services aux victimes du SNEFC lorsque l’offre leur en a été faite en novembre 2009.Note de bas de page 3805 Cependant, il n’y a aucune preuve démontrant que de tels services leur aient été offerts pendant ou immédiatement après l’enquête de 2008. Selon la preuve, les appels téléphoniques des Fynes au cplc Ritco ont été les seuls contacts entre les Fynes et le SNEFC au cours de l’enquête de 2008, et ils n’ont donné lieu à aucune mise à jour sur le déroulement de l’enquête ou toute autre information à ce sujet.

9. Lorsque l’enquête s’est conclue en juin 2008, aucune tentative n’a été faite pour contacter les Fynes dans le but de les aviser ou de tenir une quelconque séance d’information sur les conclusions de l’enquête.Note de bas de page 3806 L’adjudant-maître du détachement à l’époque, l’adjum Barry Watson, a déclaré qu’il [traduction] « ne lui était pas venu à l’esprit » d’informer la famille pour qu’elle puisse tourner la page sur l’affaire.Note de bas de page 3807 Il a expliqué, qu’après avoir consulté les IPO du SNEFC, il considérerait maintenant qu’un des objectifs d’une enquête sur une mort subite était d’aider la famille à tourner la page. Cependant, à l’époque, il n’y a pas songé et il était incapable de se rappeler exactement pourquoi.Note de bas de page 3808 Il a indiqué qu’il lui incombait, à titre de commandant du détachement par intérim pour la région de l’Ouest du SNEFC au cours de la période pertinente, de déterminer si une séance d’information à la famille devait avoir lieu et, le cas échéant, de l’organiser.Note de bas de page 3809 Il a ajouté que la décision prise antérieurement de ne pas parler à la mère du cpl Langridge parce que cela n’était pas nécessaire n’avait aucun lien avec la question de savoir si une séance d’information devrait avoir lieu, mais était uniquement fondée sur une évaluation de la possibilité qu’elle ait des renseignements utiles à fournir au cours de l’enquête.Note de bas de page 3810

10. Le sgt Jon Bigelow, qui a participé à l’enquête sur la mort subite, a indiqué qu’il ne pouvait pas dire si le fait de prendre contact avec la famille était une pratique courante, mais il a noté que [traduction] « cela aurait dû être fait »Note de bas de page 3811 Interrogé pour savoir si c’est quelque chose qui lui était venu à l’esprit à l’époque, il a répondu :

[traduction]

Je voudrais dire ceci : j’aimerais croire que cela aurait été une des idées ou une des pensées qui aurait dû se matérialiser.

[...]

Oui, à un moment donné, la famille aurait dû être avisée qu’une enquête était en cours, j’en conviens, et pour obtenir de l’information générale au sujet du défunt.Note de bas de page 3812

11. L’adjum Watson a expliqué que l’annonce au plus proche parent et les relations avec la famille ne faisaient pas partie du rôle du SNEFC en 2008, mais relevaient uniquement de l’unité militaire.Note de bas de page 3813 Jusqu’à ce moment, il n’avait tenu aucune séance d’information avec la famille dans aucune des enquêtes sur une mort subite auxquelles il avait participé.Note de bas de page 3814 Il semble que dans l’esprit des membres du SNEFC impliqués – s’ils ont même réfléchi à cette question – la séance d’information à l’intention de la famille au terme de l’enquête devait être tenue par l’unité du cpl Langridge, le régiment LdSH. Il n’y a aucune preuve devant la Commission de l’existence d’un protocole formel entre le SNEFC et le régiment prévoyant une telle procédure. Il n’y a aucune indication dans le dossier d’EG que le SNEFC ait contacté le régiment pour discuter de la nécessité de tenir une séance d’information pour la famille, ou du contenu éventuel d’une telle rencontre. Le seul contact avec l’unité à l’issue de l’enquête a eu lieu le 1er juillet 2008, lorsque l’adjum Watson a transmis le rapport au commandant du LdSH conformément à la procédure habituellement suivie dans toutes les enquêtes du SNEFC.Note de bas de page 3815 Il n’y a aucune indication d’un contact de suivi de la part de l’unité pour s’assurer qu’une séance d’information ait lieu et, en fait, il semble que l’unité n’ait jamais fourni de séance d’information aux Fynes à propos de l’enquête de 2008. Ni Mme Fynes ni M. Fynes n’ont mentionné avoir reçu une telle séance d’information de la part du régiment LdSH ou de l’OD qui leur avait été assigné par le régiment.Note de bas de page 3816

12. Mme Fynes a mentionné dans son témoignage que le seul contact qu’elle avait eu en rapport avec l’enquête de 2008 sur la mort subite, hormis sa conversation téléphonique avec le cplc Ritco, datait de novembre 2009, lorsque les Fynes avaient rencontré pour la première fois le Maj Daniel Dandurand et le Matc Eric McLaughlin.Note de bas de page 3817 M. Fynes a déclaré qu’il n’y avait eu aucune séance d’information sur l’enquête de 2008 ni contact avec le SNEFC en dehors de sa conversation avec le cplc Ritco au sujet de la Jeep du cpl Langridge.Note de bas de page 3818 L’OD des Fynes, le Maj Stewart Parkinson, a également comparu au cours de l’audience. Son témoignage ou les notes détaillées et les dossiers qu’il a conservés tout au long de ses fonctions d’OD ne font état d’aucun renseignement qu’il aurait reçu au sujet de la progression ou de la conclusion de l’enquête du SNEFC, ni de demande de fournir aux Fynes une séance d’information sur l’enquête.Note de bas de page 3819 Il ne semble pas que le Maj Parkinson ait reçu d’information utile à propos de l’enquête de 2008. En fait, il semble que le peu de renseignements qu’il a obtenus au sujet de l’enquête aient été erronés. La seule mention dans son témoignage en lien avec l’enquête de 2008 relate qu’il croyait que le SNEFC avait tenté d’avoir accès à l’ordinateur du cpl Langridge et n’y avait rien trouvé.Note de bas de page 3820 En réalité, le SNEFC n’a jamais obtenu l’ordinateur du cpl Langridge et n’y a pas eu accès.Note de bas de page 3821 À défaut d’avoir obtenu des renseignements exacts, le Maj Parkinson n’était pas en mesure de fournir une séance d’information aux Fynes au sujet de l’enquête.

13. L’omission de donner des renseignements aux Fynes au sujet de l’enquête sur le décès de leur fils n’était pas propice à l’établissement de bonnes relations. Cela a probablement contribué à empirer les choses tant pour les Fynes que pour le SNEFC lorsque l’omission de divulguer la note de suicide du cpl Langridge a été découverte l’année suivante. Les Fynes auraient dû être traités conformément aux protocoles en vigueur concernant les victimes et les plaignants. Ils auraient dû être avisés de l’existence de l’enquête et recevoir des mises à jour sur sa progression ainsi qu’une séance d’information une fois l’enquête conclue.

14. Les CPTPM et l’une des IPO du SNEFC énoncent les principes que doit suivre le SNEFC dans le traitement des victimes et des plaignants.Note de bas de page 3822 Le chapitre 5, à l’annexe F, des CPTPM, précise que la PM « traitera de façon équitable les victimes d’actes criminels en leur communiquant immédiatement toute information utile, en les orientant vers des organismes d'aide et en restant accessible à la victime tout au long de l’enquête ».Note de bas de page 3823 Il prévoit également qu’un suivi doit être fait au minimum à tous les 30 jours.Note de bas de page 3824 L’IPO du SNEFC sur cette question incorpore plusieurs des mêmes principes et prévoit des rappels aux deux semaines.Note de bas de page 3825

15. Les membres de la famille d’un soldat faisant l’objet d’une enquête sur une mort subite doivent être classés comme « victimes ». Une définition restrictive ou légaliste du terme n’est pas utile. Dans bien des cas, on ne peut savoir immédiatement si un crime a été commis en lien avec le décès ou il peut être évident que la mort résulte d’un suicide. L’IPO du SNEFC prévoit déjà qu’une personne qui [traduction] « semble être la victime d’un crime contre la personne doit être traitée comme telle » indépendamment de « tout avis juridique ».Note de bas de page 3826 La conclusion éventuelle d’une enquête ou le dépôt d’une poursuite ne devrait pas avoir d’impact sur le niveau d’information, de courtoisie et de contact offert par la police à la victime apparente. Lorsque le SNEFC enquête sur un décès, la famille du défunt devrait être contactée et recevoir régulièrement de l’information. Comme dans toute enquête, le niveau d’information fourni à la famille devra évidemment être rajusté s’il y a des risques de compromettre l’enquête, en particulier lorsque des membres de la famille peuvent être considérés comme des suspects. Cependant, dans un cas comme celui-ci, où il est rapidement apparu que la mort était attribuable à un suicide et qu’aucun acte suspect n’était en cause, il n’y avait aucune raison de ne pas fournir plus d’information aux Fynes.

16. La pratique antérieure selon laquelle l’unité militaire fournissait une séance d’information à la famille au terme d’une enquête sur la mort subite – si c’était là réellement la pratique suivie par le SNEFC – n’était pas adéquate. Elle devrait être abandonnée complètement. Cette pratique n’était pas idéale dans l’optique de maintenir l’indépendance du SNEFC et de promouvoir la confiance envers l’indépendance du SNEFC.Note de bas de page 3827

17. La preuve recueillie au cours de la présente audience révèle que les renseignements fournis aux unités des FC au sujet des enquêtes du SNEFC sont assez limités. Lorsque le rapport d’enquête est transmis au commandant de l’unité au terme d’une enquête, seulement trois documents sont envoyés : le synopsis de la plainte, le sommaire de cas et les conclusions finales, tels que modifiés par les gestionnaires de cas.Note de bas de page 3828 Laissant de côté pour le moment la question des passages expurgés par les gestionnaires de cas,Note de bas de page 3829 il est clair que les renseignements généraux contenus dans le sommaire de cas et dans les conclusions finales seraient insuffisants pour préparer et tenir une séance d’information adéquate à l’intention de la famille sur les faits découverts durant l’enquête, les conclusions tirées et le raisonnement à l’appui de ces conclusions. En se fondant uniquement sur le sommaire de cas et les conclusions finales pour tenir une séance d’information sur l’enquête de 2008, il n’aurait pas été possible de fournir des renseignements au sujet de la note de suicide laissée sur la scène, ou de l’enquête menée par le SNEFC en vue de déterminer si le cpl Langridge faisait effectivement l’objet d’une surveillance pour risque de suicide.Note de bas de page 3830

18. En outre, du strict point de vue des perceptions, il ne semble pas approprié pour une unité dont des membres ont été mis sous enquête dans le cadre des événements entourant un décès – comme c’était le cas pour le régiment LdSH, au moins en ce qui concerne la question de la surveillance pour risque de suicide – d’être chargée d’informer la famille des résultats de l’enquête, qu’il ait ou non été conclu qu’une faute avait été commise.

19. Après la conclusion de l’enquête de 2008, le SNEFC a élaboré une IPO spécifique sur la conduite des enquêtes sur une mort subite, laquelle traite des séances d’information à l’intention du plus proche parent. L’IPO indique que le premier contact avec la famille d’une personne décédée sera établi en personne par un adjudant ou un officier de grade supérieur du détachement du SNEFC de la région, nommé par le commandant du détachement.Note de bas de page 3831 Il prévoit que deux séances d’information avec la famille – une rencontre initiale et une séance d’information finale – seront menées en présence de l’OD nommé par les FC.Note de bas de page 3832 La section traitant de la séance d’information finale établit clairement que ces rencontres doivent comprendre une description des conclusions auxquelles l’enquête a abouti, ainsi qu’une discussion du calendrier de l’enquête et des divers éléments soumis à celle-ci.Note de bas de page 3833

20. Les séances d’information finales avec la famille devraient être plus qu’une simple notification de la conclusion de l’enquête. Elles doivent être perçues comme une occasion pour la famille de se renseigner sur les faits révélés au cours de l’enquête et de comprendre les conclusions et le raisonnement à l’appui de celles-ci. Pour cette raison, la présentation devrait être faite par des membres du SNEFC qui sont familiers avec l’enquête et en mesure de répondre aux questions de la famille.

21. La Commission considère que l’IPO actuelle est un pas dans la bonne direction pour ce qui est de communiquer avec la famille au cours d’une enquête sur un décès. La conduite d’une séance d’information telle qu’envisagée par l’IPO constitue une bonne approche. Toutefois, il conviendrait de réexaminer l’exigence énoncée dans l’IPO à l’effet que l’OD de la famille soit présent lors des séances d’information de la famille.Note de bas de page 3834 Dans bien des cas, la participation de l’OD est utile parce qu’il permet de maximiser le soutien offert à la famille. Par contre, comme l’OD est nommé par les FC – généralement par l’unité de la personne décédée – des précautions doivent être prises pour que la famille n’interprète pas sa présence comme un signe de manque d’indépendance du SNEFC par rapport aux FC. Il serait donc préférable de permettre à la famille de décider si la présence de l’OD est souhaitable ou non, en particulier dans les cas où des questions litigieuses opposent la famille aux FC, ou lorsque celle-ci croit ou prétend que les FC ont une certaine part de responsabilité dans le décès. En plus des séances d’information prévues par l’IPO, des mises à jour périodiques devraient être offertes, semblables à ce qui se fait pour les victimes ou les plaignants dans d’autres enquêtes.

22. Il est important que la conduite des séances d’information – et, plus généralement, la communication de renseignements aux familles, aux victimes et aux plaignants – soit considérée par les membres du SNEFC comme faisant partie intégrante de leurs fonctions et responsabilités. L’interaction avec les victimes et les plaignants et, en cas de décès, les proches du défunt – par le truchement du CAV ou directement par les enquêteurs impliqués – fait partie des fonctions habituelles des policiers. En effet, lorsque des représentants d’autres corps policiers ont témoigné devant la Commission à propos de la conduite des enquêtes sur un décès, le Sgt é‑m Jon Bigelow, du Service de police d’Edmonton, a mentionné la notification du plus proche parent comme l’une des tâches principales des agents de police participant à une enquête sur une mort non suspecte.Note de bas de page 3835 L’inspecteur-détective William Olinyk, de la Police provinciale de l’Ontario, a aussi fait mention de la conduite de séances d’information avec la famille pour répondre à ses questions.Note de bas de page 3836

23. Le soutien positif accordé aux victimes et aux plaignants et les interactions avec ceux-ci peuvent contribuer à renforcer la confiance envers les organismes chargés de l’application de la loi. Le SNEFC a un rôle à jouer en aidant les commandants des FC et les FC en général à maintenir l’ordre et la discipline, mais il assume le même rôle que les services de police civils en prodiguant une assistance directe aux victimes et aux plaignants concernés par les enquêtes qui relèvent de sa compétence. Les membres du SNEFC devraient s’efforcer de fournir des renseignements suffisants, en temps opportun, et de maintenir un niveau approprié de contact. Cela semble refléter l’esprit de la récente IPO du SNEFC sur la conduite des enquêtes dans les cas de mort subite.

La divulgation de la note de suicide

24. Après la clôture de l’enquête de 2008, du point de vue des Fynes, la prochaine question à examiner était le fait qu’ils avaient été informés 14 mois après le décès du cpl Langridge que celui-ci avait laissé une note de suicide. À ce moment, le SNEFC a de nouveau raté une occasion d’établir la communication et de fournir de l’information et un soutien aux Fynes.

25. En avril 2009, suite à une requête expresse de la CE, le SNEFC RO lui a remis une copie de la note de suicide.Note de bas de page 3837 Le SNEFC n’a pas, au même moment, fourni une copie de la note aux Fynes et ne les a pas avisés de l’existence ou du contenu de la note. C’est le président de la CE, le Maj Bret Parlee, qui, le 22 mai 2009, a avisé les Fynes de l’existence de la note de suicide.Note de bas de page 3838 Quelques jours plus tard, ils en ont reçu une photocopie.Note de bas de page 3839 Celle-ci a été envoyée par le président de la CE et non par le SNEFC.Note de bas de page 3840

26. Le 27 mai 2009, les Fynes ont contacté leur OD, le Maj Parkinson, pour lui demander la note originale.Note de bas de page 3841 Il s’en est suivi un échange de correspondance entre le régiment, la brigade, la région, le SNEFC et l’OD pour tenter de savoir ce qui s’était passé et remettre aux Fynes l’original de la note de suicide.Note de bas de page 3842 L’adjudant du régiment LdSH, le Capt Eric Angell, a contacté l’adj Ken Ross du détachement du SNEFC, qui a d’abord répondu que la [traduction] « meilleure façon de procéder » pour obtenir la note serait que l’OD des Fynes présente une demande d’accès à l’information.Note de bas de page 3843 Lorsque le Capt Angell a fait valoir que cela ne serait d’aucune utilité puisque la famille voulait la note originale, l’adj Ross a expliqué que l’original était encore conservé comme élément de preuve et il a indiqué qu’il ne prévoyait pas que la note originale puisse leur être rendue, mais qu’il ferait d’autres demandes.Note de bas de page 3844 Le 29 mai 2009, le SOFT a demandé au Maj Dandurand, le commandant du détachement du SNEFC RO, si l’original de la note pouvait être libéré et envoyé à la famille dans les meilleurs délais.Note de bas de page 3845 Il a indiqué qu’il venait de recevoir du QG du SNEFC le pouvoir de le faire et qu’il remettrait la note originale le lundi suivant.Note de bas de page 3846 Le SOFT lui a demandé de remettre la note au personnel de la brigade qui [traduction] « trouverait la manière appropriée de l’acheminer à la famille ».Note de bas de page 3847 Le Capt Angell a été avisé que le SNEFC lui remettrait l’original [traduction] « afin de le faire parvenir aux Fynes tel qu’ils l’avaient demandé ».Note de bas de page 3848 Le 1er juin 2009, la note a été transmise au Capt Angell par le SNEFC RO.Note de bas de page 3849 La note originale a été remise aux Fynes le 3 juin 2009 par leur OD, le Maj Parkinson.Note de bas de page 3850

27. M. Fynes a témoigné au sujet de la séquence d’événements entourant la remise de la note de suicide en mai et juin 2009 :

[traduction]

Vous savez, en premier lieu, lorsque nous avons été mis au courant de la note de suicide, ils l’ont transmise -- ils ont envoyé la note par courrier Purolator au SNE à Esquimalt. Un capitaine l’a livrée en main propre à ma femme.

Je suis rentré du travail ce soir-là et l’enveloppe de Purolator reposait sur la table, non ouverte. Ma femme n’a pu se résoudre à l’ouvrir.

Et je dois vous dire que lorsque nous avons ouvert cette enveloppe ensemble et que j’ai vu que c’était une photocopie avec un timbre de preuve, je suis sorti de mes gonds.

Et nous sommes retournés et avons exigé qu’on nous remette la note de suicide de notre fils, sa dernière communication avec nous, et elle nous a été remise peu après en personne par notre officier désigné, qui se trouvait dans la pièce et nous l’a passée en disant – je crois que ses mots exacts ont été : « Je n’ai pas de mots ».Note de bas de page 3851

28. Tout au long des quelques jours qui se sont écoulés entre le moment où les Fynes ont reçu la copie de la note de suicide et celui où l’original leur a été remis, un grand nombre de courriels ont été échangés sur cette question entre les différents acteurs en cause.Note de bas de page 3852 Dans le cadre de ces échanges, le courriel initial des Fynes demandant qu’on leur remette la note originale a été transmis aux membres du SNEFC, y compris le Maj Dandurand, commandant du détachement du SNEFC RO, et le lcol Gilles Sansterre, commandant du SNEFC.Note de bas de page 3853 Ce message ne laisse aucun doute sur l’état d’esprit des Fynes lorsqu’ils reçurent la copie de la note de leur fils plus de 14 mois après son décès. On peut y lire :

[traduction]

Ci-jointe une copie (d’une photocopie) des adieux de Stuart à sa famille.

Que sa note ait été dissimulée et retenue à notre insu pendant plus de quatorze mois, était cruel, inhumain et irrespectueux.

Je m’attends à ce que « l’original » nous soit remis immédiatement [...]Note de bas de page 3854 [Caractères gras ajoutés]

29. Pendant ce temps, le SNEFC n’avait toujours pris aucune mesure pour contacter les Fynes. Aucune excuse ou explication n’a été fournie lorsque la note de suicide originale a finalement été livrée aux Fynes. En fait, quelques semaines se sont écoulées avant qu’il n’y ait un quelconque contact. Le SNEFC n’a même pas fait livrer en main propre la note de suicide aux Fynes. Plus tard, lorsque le sujet a attiré l’attention des médias, en octobre 2010, des questions ont été posées pour savoir si, et à quel moment, les Fynes avaient reçu des excuses du SNEFC. Le GPFC a alors été informé que Mme Fynes avait reçu des [traduction] « excuses en personne » du commandant du détachement du SNEFC RO, le Maj Dandurand, et que [traduction] « des excuses et une explication des raisons justifiant le délai, et de la façon dont le SNEFC préviendrait que cela se reproduise avaient été fournies au moment où la note originale de Stuart Langridge lui avait été remise ».Note de bas de page 3855 Les témoignages entendus au cours de la présente audience ont révélé que cette information était inexacte. Le Maj Dandurand a convenu que c’était [traduction] « tout à fait inexact »,Note de bas de page 3856 et il a précisé dans son témoignage qu’aucune excuse n’a été donnée aux Fynes par le SNEFC lorsque la note de suicide leur a été livrée en juin 2009.Note de bas de page 3857 Il a ajouté que ce n’est qu’en novembre 2009, lors d’une rencontre avec les Fynes, que ces excuses leur ont été présentées en personne.Note de bas de page 3858

30. Le premier contact direct entre le SNEFC et les Fynes est survenu trois semaines après qu’ils aient reçu la note de suicide originale, lorsque le commandant du SNEFC à l’époque, le lcol Sansterre, a téléphoné par inadvertance à la résidence des Fynes.Note de bas de page 3859 M. Fynes a indiqué qu’il s’agissait de leur premier contact direct avec le SNEFC sur les questions liées à l’enquête sur la mort subite.Note de bas de page 3860 Le 18 juin 2009, le lcol Sansterre a téléphoné à la résidence des Fynes et a eu une conversation avec Mme Fynes.Note de bas de page 3861 Il voulait appeler l’OD des Fynes, le Maj Parkinson, mais on lui avait donné par erreur le numéro de téléphone des Fynes.Note de bas de page 3862 Dans son témoignage, le lcol Sansterre a expliqué que le but de l’appel était de communiquer avec l’OD des Fynes afin d’organiser une rencontre avec ces derniers pour que le SNEFC [traduction] « qui, de toute évidence, n’avait pas donné d’information aux Fynes jusqu’à ce jour, puisse les rencontrer, les renseigner et leur donner un compte rendu sur l’enquête ».Note de bas de page 3863 Le lcol Sansterre a dit dans son témoignage qu’il s’était excusé à propos de la note de suicide au cours de sa conversation téléphonique avec Mme Fynes.Note de bas de page 3864 Mme Fynes a affirmé que le lcol Sansterre [traduction] « a parlé brièvement de la note et a confirmé que nous l’avions maintenant en main ».Note de bas de page 3865 Elle ne se souvenait pas précisément de ce qui avait été dit à propos de la note, mais a affirmé de façon catégorique que ni elle ni M. Fynes n’ont jamais reçu d’excuses « de personne » pour l’omission de divulguer la note de suicide.Note de bas de page 3866

31. Le lcol Sansterre était au courant de la question de la note de suicide depuis au moins le 30 mai 2009,Note de bas de page 3867 mais n’a pas immédiatement pris de mesures pour que le SNEFC contacte les Fynes et leur présente des excuses et une explication. Il n’est pas clair que l’objectif initial de son appel destiné à l’OD des Fynes visait notamment à leur présenter de telles excuses. Le lcol Sansterre a souligné dans son témoignage que le but premier de l’appel était de fixer un rendez-vous avec les Fynes afin qu’un membre du SNEFC de la région de l’Ouest leur fournisse de l’information pertinente.Note de bas de page 3868 Il n’a pas précisé sur quoi porterait la séance d’information envisagée, mais a indiqué qu’il était vraiment préoccupé au sujet de l’incident de la note de suicide et, qu’en conséquence, il s’était impliqué personnellement pour tenter de contacter l’OD, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant au cours de son mandat de commandant du SNEFC.Note de bas de page 3869

32. Bien qu’il ait été approprié que le lcol Sansterre s’excuse quand il a parlé à Mme Fynes le 18 juin 2009 – et la Commission accepte son témoignage lorsqu’il affirme avoir dit qu’il était désoléNote de bas de page 3870 – il est étonnant que cette action simple et évidente ne semble pas être passée sur l’écran radar du SNEFC avant ce contact fortuit entre le lcol Sansterre et Mme Fynes. Cela est d’autant plus déconcertant à la lumière de la quantité de temps et d’énergie qu’il a fallu au SNEFC pour répondre aux médias et faire un suivi de la couverture médiatique entourant cette question.Note de bas de page 3871 Il est clair que le SNEFC a été grandement préoccupé par l’impact de cet événement sur son image publique et qu’il a pris des mesures pour s’expliquer et exprimer ses regrets publiquement. Malheureusement, aucune mesure semblable n’a été prise dans l’immédiat pour présenter aux personnes les plus touchées, M. et Mme Fynes, de tels explications et regrets.

33. La Commission est d’avis que, lorsqu’il a appris en mai 2009 que la note de suicide n’avait pas été communiquée ou remise aux Fynes, le SNEFC aurait dû prendre immédiatement des mesures pour a) remettre personnellement la note de suicide aux Fynes; b) s’excuser immédiatement de façon officielle; c) déterminer exactement ce qui s’était passé et fournir les explications nécessaires aux Fynes.Note de bas de page 3872 Ces mesures auraient dû être considérées comme prioritaires et il aurait fallu qu’elles reçoivent une attention au moins égale à celle accordée aux aspects liés aux relations publiques.

34. Il est évidemment souhaitable qu’un tel retard à divulguer une note de suicide par le SNEFC ne se reproduise jamais. Cependant, si une situation similaire devait se répéter à l’avenir, ou si une autre erreur malencontreuse était commise par le SNEFC, entraînant une détresse sérieuse chez des victimes, des plaignants ou des membres du public, des leçons devraient être tirées de cet incident. Des mesures immédiates doivent être mises en place pour présenter des excuses officielles aux personnes touchées, avec toutes les explications nécessaires sur la façon dont une telle erreur a pu se produire.

4.5.2 Obtention du rapport d’enquête de 2008

35. Après l’absence initiale de communication au cours de l’enquête de 2008 et le choc de la découverte de la note de suicide, les relations entre le SNEFC et les Fynes se sont quelque peu améliorées lorsque le lcol Sansterre est intervenu personnellement et leur a donné l’assurance qu’ils obtiendraient une copie du rapport d’enquête de 2008 du SNEFC. Cependant, les relations ne tardèrent pas à se dégrader à nouveau lorsque les Fynes reçurent des versions très expurgées du rapport d’enquête de 2008. Cela a donné lieu à une plainte spécifique alléguant que le SNEFC avait « indûment dissimulé [...] des renseignements » aux Fynes en leur remettant une copie de son rapport renfermant de « nombreuses expurgations sans qu’il n’y ait aucune justification en droit ni que la protection de la confidentialité n’entre en jeu ».Note de bas de page 3873

La demande et la première version du rapport

36. Dans la soirée du 18 juin 2009, suite à la conversation de Mme Fynes avec le lcol Sansterre, M. Fynes a envoyé un courriel au lcol Sansterre lui demandant une copie du dossier du SNEFC concernant l’enquête sur la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 3874 Mme Fynes a déclaré que le lcol Sansterre s’était montré [traduction] « très obligeant » en répondant à cette demande.Note de bas de page 3875 Le lendemain, il a avisé les Fynes, qu’il avait présenté une demande à la Section de l’accès à l’information de la police militaire, en indiquant que la collecte de documents avait commencé. Le lcol Sansterre a informé les Fynes que le processus comporterait [traduction] « un examen approfondi du rapport afin de déterminer s’il y avait quelque problème en lien avec la Loi sur la protection des renseignements personnels qui nécessiterait des expurgations ».Note de bas de page 3876 Il a aussi laissé entendre qu’une séance d’information pourrait être organisée avec les enquêteurs du SNEFC une fois que les Fynes auraient reçu le rapport.Note de bas de page 3877 Le 29 juin 2009, il a informé les Fynes que le processus de divulgation du dossier avait été complété par la Direction de la politique policière de la PM et que le dossier avait été envoyé au Directeur, Accès à l’information et protection des renseignements personnels (DAIPRP) pour approbation finale.Note de bas de page 3878 Il a ajouté qu’il avait demandé une estimation du temps requis et attendait une réponse.Note de bas de page 3879 Le 27 juillet 2009, il a indiqué que le dossier avait été renvoyé par le DAIPRP et serait expédié sous peu.Note de bas de page 3880 Les Fynes ont reçu la première copie du rapport du SNEFC le 29 juillet 2009.Note de bas de page 3881

37. Mme Fynes a décrit ce document comme étant [traduction] « très abrégé », comptant environ 260 pages, « pour la plupart fortement expurgées ».Note de bas de page 3882 M. Fynes a indiqué que cette version représentait environ 40 pour cent du rapport de plus de 500 pages [traduction] « et je ne pouvais pas arriver à comprendre pourquoi il y avait tant d’expurgations ».Note de bas de page 3883

38. En effet, le dossier contenait énormément d’expurgations. Aux fins de la présente audience, une copie complète et non expurgée du dossier d’EG de l’enquête de 2008 sur la mort subite a été produite. Le dossier totalise 714 pages.Note de bas de page 3884 En revanche, le dossier remis aux Fynes ne comptait que 270 pages.Note de bas de page 3885 La justification de certaines des expurgations est difficile à saisir. Plusieurs déclarations de M. Fynes lui-même – faites au cours de sa conversation téléphonique avec le cplc Ritco – ont été expurgées.Note de bas de page 3886 Tous les résumés et références aux entrevues avec des témoins, y compris ceux des entrevues avec le Capt Mark Lubiniecki, la cplc Erin Bowden, le cpl Jon Rohmer, le sgt Trent Hiscock, le cpl Roger Hurlburt, le cplc William Fitzpatrick, l’adjum Douglas Ross et le Capt Richard Hannah, ont été expurgés.Note de bas de page 3887 Les 105 pages de notes des policiers figurant dans le dossier d’enquête manquent entièrement.Note de bas de page 3888 La documentation concernant les pièces saisies, et comment et quand on en a disposé a aussi été expurgée.Note de bas de page 3889 L’entrée détaillant le traitement de la scène, ainsi que le registre de collecte de la preuve dans lequel étaient consignés tous les articles saisis, ont été expurgés. Seule la copie de la note de suicide – qui avait déjà été fournie aux Fynes – n’a pas été expurgée, ainsi que des copies de certains formulaires médicaux saisis.Note de bas de page 3890

39. Dans un cas qui a particulièrement irrité les Fynes, le récit du sgt Hiscock de l’instruction qu’il a donnée de décrocher le corps du cpl Langridge a été expurgé. Le sommaire de cas du cplc Ritco renferme la phrase suivante au sujet des renseignements recueillis au cours de son entrevue avec le sgt Hiscock : [traduction] « Le cpl Hurlburt est revenu et l’a informé qu’il avait trouvé le cpl Langridge dans sa chambre, pendu par le cou; le sgt Hiscock a demandé au cpl Hurlburt de retourner sur les lieux, de le décrocher et d’attendre l’aide du personnel d’urgence [sic] ».Note de bas de page 3891 Dans la copie du dossier fourni aux Fynes, les mots « et de le décrocher » ont été expurgés.Note de bas de page 3892 M. Fynes a vivement réagi à cette expurgation.Note de bas de page 3893 Il a déclaré au cours de son témoignage qu’à son avis il s’agissait [traduction] « d’une expurgation illégale », puisqu’elle ne visait pas à protéger des renseignements personnels, la sécurité nationale ou des techniques d’enquête, mais plutôt à éviter que le SNEFC ne soit dans l’embarras.Note de bas de page 3894

40. Après avoir reçu cette copie du dossier, M. Fynes a écrit au lcol Sansterre en lui disant : [traduction] « ma première réaction en a été une de stupéfaction, en constatant que plus de la moitié du dossier avait été retranché ».Note de bas de page 3895 Il a noté que ses propres remarques avaient été expurgées, de même que des renseignements sur les pièces constituant la preuve.Note de bas de page 3896 Il a ajouté qu’il s’était [traduction] « retrouvé à se demander ce qui était dissimulé à la vue, et pourquoi? »Note de bas de page 3897 En réponse, le lcol Sansterre a assuré M. Fynes que toutes les expurgations avaient été faites par du [traduction] « personnel formé et familier avec la Loi sur la protection des renseignements personnels, à l’emploi du Directeur, Accès à l’information et protection des renseignements personnels [DAIPRP] ».Note de bas de page 3898 Il a ajouté que le SNEFC n’avait pas l’intention de cacher des renseignements, en indiquant que c’était la raison pour laquelle une séance d’information menée par le personnel du SNEFC familier avec le dossier était offerte.Note de bas de page 3899 M. Fynes a réitéré son inquiétude. Il a indiqué que le cpl Langridge l’avait désigné sur son formulaire AUP comme étant la personne habilitée à recevoir ses renseignements personnels et noté que le rapport ne portait pas sur des questions qui concernent des renseignement protégés ou de l’information ayant trait à la sécurité nationale puisque le ML avait confirmé que le décès était la conséquence d’un suicide.Note de bas de page 3900 Il a affirmé qu’il demeurait [traduction] « préoccupé par ce qui a été retenu, et surtout par ce qui justifie le manque de transparence. »Note de bas de page 3901

41. Deux semaines plus tard, à la mi-août 2009, M. Fynes a de nouveau écrit au lcol Sansterre, expliquant que lui et Mme Fynes n’étaient pas en mesure de formuler des questions intelligentes avec [traduction] « seulement 40 pour cent de votre rapport ».Note de bas de page 3902 Il s’est référé à l’expurgation de l’instruction de décrocher la dépouille du cpl Langridge et a écrit : [traduction] « la vie privée de qui est protégée ici? L’étendue de cette expurgation n’est ni acceptable ni justifiable ».Note de bas de page 3903 Il notait que les gens qui avaient procédé aux expurgations n’avaient probablement pas réalisé qu’il avait été désigné comme représentant personnel du cpl Langridge. Il a demandé l’aide du lcol Sansterre pour obtenir une copie moins expurgée du rapport.Note de bas de page 3904 En réponse, le lcol Sansterre a informé M. Fynes qu’il avait transmis ses préoccupations au DAIPRP du MDN, en lui expliquant que c’est ce bureau [traduction] « qui est responsable des parties retranchées de votre rapport et qui est le mieux placé pour répondre à votre requête ».Note de bas de page 3905 Il a écrit à la Directrice de l’AIPRP, Mme Julie Jansen, en indiquant qu’il [traduction] « sollicitait son avis sur la façon de répondre » au courriel de M. Fynes, qu’il avait transmis à la Directrice.Note de bas de page 3906

42. Le 17 septembre 2009, le lcol Sansterre a envoyé à M. Fynes la réponse de la directrice adjointe par intérim du DAIPRP, Mme Marie Carle. La réponse précisait que le DAIPRP avait l’autorité déléguée pour administrer les questions en lien avec la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle poursuivait en disant que la position du DAIPRP était que le formulaire AUP autorisait seulement la divulgation des renseignements personnels qui existaient au moment de la signature, et [traduction] « [a]lors, un formulaire AUP ne peut servir à autoriser la sortie du rapport de la police militaire ou de tout autre rapport paru après la mort d’une personne ».Note de bas de page 3907 En conséquence, Mme Carle a expliqué que la seule disposition autorisant la divulgation de renseignements personnels dans ce cas est l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 3908 – qui prévoit la communication de renseignements personnels lorsque, de l’avis du responsable de l’institution, des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée. Elle a indiqué que [traduction] « le DAIPRP a exercé son autorité dans ce cas afin de divulguer des renseignements personnels qui aideraient la famille à comprendre les circonstances entourant la mort du caporal Stuart Langridge ».Note de bas de page 3909

43. Le lendemain, M. Fynes a écrit au lcol Sansterre. Il lui a dit avoir été surpris par la position du DAIPRP selon laquelle un formulaire AUP permet l’accès à l’information existant seulement au moment de sa signature, en soulignant qu’il n’y avait pas d’annotation à cet effet sur le formulaire et [traduction] « qu’en suivant cette logique, le formulaire AUP en entier serait toujours désuet et ne pourrait pas être exécuté ou invoqué en cas de blessure, de maladie ou de décès ».Note de bas de page 3910 M. Fynes notait qu’il comprenait que le lcol Sansterre n’était que le « messager ». Cependant, il a affirmé qu’il n’acceptait pas la position du DAIPRP et a mentionné que les Fynes n’obtenaient pas ce qu’il fallait pour pouvoir tourner la page.Note de bas de page 3911 Dans son témoignage, M. Fynes a réitéré ses objections à l’interprétation proposée du formulaire AUP, en indiquant qu’elle rendait invalide le consentement que comporte le formulaire AUP, qui est destiné à être utilisé dans le cas de décès ou de blessure d’un soldat.Note de bas de page 3912

44. Le lcol Sansterre a transmis le message de M. Fynes au DAIPRP et discuté de la question au téléphone avec des membres du personnel du DAIRPR.Note de bas de page 3913 Des discussions parallèles ont également eu lieu au sein du SOFT, la région en charge du régiment du cpl Langridge. Cela a amené le lcol Bruce King à s’impliquer; celui-ci avait agi à titre de conseiller juridique de la CE sur la mort du cpl Langridge et devait agir par la suite comme conseiller juridique auprès de l’éventuelle ES en prévision d’un litige en lien avec des questions administratives postérieures au décès.Note de bas de page 3914 Lorsque M. Fynes a écrit au lcol Sansterre pour se plaindre des expurgations et de la réponse du DAIPRP, il a envoyé une copie de son message à son OD, le Maj Parkinson.Note de bas de page 3915 Le Maj Parkinson a transmis le message à ses supérieurs à Vancouver, qui à leur tour l’ont fait suivre à des destinataires du SOFT du 1 GBMC, demandant que soit confirmée [traduction] « l’interprétation du formulaire AUP concernant les questions d’accès à l’information dans le cas d’un membre tué ou blessé ».Note de bas de page 3916 Une demande a alors été faite de communiquer avec le JAG pour obtenir une réponse.Note de bas de page 3917 Après une série de courriels impliquant le lcol King, qui ont été expurgés dans les documents produits devant la Commission, il y a eu un courriel, daté du 29 septembre 2009, de Mme Carle au lcol King indiquant que le DAIPRP allait tenir une réunion de la direction le lendemain à ce sujet et notant que le lcol King devrait obtenir une réponse bientôt.Note de bas de page 3918

45. Le 27 octobre 2009, après que les Fynes l’aient contacté afin d’organiser une séance d’information à la fin de novembre, le lcol Sansterre leur a transmis une nouvelle réponse qu’il avait reçue de Mme Carle.Note de bas de page 3919 Dans ce message, Mme Carle indiquait que le DAIPRP reconnaissait que le formulaire AUP [traduction] « faisait l’objet d’interprétations différentes » et qu’en conséquence « nous devons reconsidérer la divulgation du rapport complet de la police militaire ».Note de bas de page 3920 Mme Carle n’a pu fournir une estimation du temps nécessaire pour compléter le travail, mais a indiqué que le dossier était traité en priorité.Note de bas de page 3921 En date du 12 novembre 2009, le lcol Sansterre a écrit qu’il n’avait toujours pas été en mesure de savoir du DAIPRP quand le rapport serait divulgué.Note de bas de page 3922 Il soulignait qu’il n’avait aucun contrôle sur le moment où le rapport serait rendu disponible, mais indiquait que des membres du SNEFC seraient tout de même disponibles pour fournir une séance d’information aux Fynes à la fin de novembre, tel que demandé.Note de bas de page 3923

Révision des expurgations : la deuxième version du rapport

46. La deuxième version du rapport a été remise au SNEFC par le DAIPRP le 20 novembre 2009 et elle a été livrée aux Fynes la semaine suivante.Note de bas de page 3924 Dans la lettre d’accompagnement, datée du 23 novembre 2009, le lcol Sansterre avisait M. Fynes que [traduction] « le rapport reçu de l’Accès à l’information et la protection des renseignements personnels » était joint.Note de bas de page 3925 Au total, cinq mois se sont écoulés entre la demande initiale des Fynes pour obtenir le dossier, en juin 2009, et la réception de cette version en novembre 2009.

47. Mme Fynes a indiqué dans son témoignage que le deuxième rapport reçu était [traduction] « beaucoup plus complet », même s’il y avait encore « des tonnes de pages retranchées, beaucoup de lignes expurgées », y compris des renseignements sur les Fynes ou que les Fynes possédaient déjà.Note de bas de page 3926 M. Fynes a affirmé que cette version était moins expurgée, estimant qu’environ 80 pour cent du rapport était maintenant divulgué, mais en notant aussi que les Fynes avait reçu, depuis, une autre version qui comprenait les notes des policiers.Note de bas de page 3927

48. La deuxième version du rapport comptait 476 pages,Note de bas de page 3928 soit près du double de la première. Le dossier renfermait désormais des renseignements sur les entrevues avec les témoins,Note de bas de page 3929 ainsi que certaines informations sur les pièces constituant la preuve.Note de bas de page 3930 La mention ayant trait à l’instruction de décrocher la dépouille du cpl Langridge n’était plus expurgée.Note de bas de page 3931 Cependant, les notes des policiers manquaient toujours ou étaient expurgées en totalité,Note de bas de page 3932 et certains des commentaires faits par M. Fynes lui-même au cplc Ritco demeuraient expurgés.Note de bas de page 3933 Parmi les autres renseignements qui étaient toujours expurgés dans la deuxième version du rapport, il y avait : des informations sur les contacts du cplc Ritco avec le SPE pour obtenir les rapports sur le cpl Langridge;Note de bas de page 3934 les requêtes du cplc Ritco pour avoir accès aux dossiers médicaux et de santé mentale du cpl Langridge et toutes les interactions s’y rapportant;Note de bas de page 3935 le plan d’enquête du cplc Ritco;Note de bas de page 3936 les renseignements sur l’heure d’arrivée du ML à la garnison de la PM et l’heure d’arrivée du ML et des enquêteurs du SNEFC à la chambre du cpl Langridge le jour de son décès;Note de bas de page 3937 les extraits du résumé de l’entrevue de la cplc Bowden sur ses discussions avec le SMR au sujet de l’utilisation de l’expression [traduction] « surveillance pour risque de suicide »;Note de bas de page 3938 les renseignements sur la demande faite par le SNEFC pour une analyse du BlackBerry du cpl Langridge;Note de bas de page 3939 l’esquisse faite par le cplc Ritco de la pièce où le cpl Langridge a été trouvé;Note de bas de page 3940 la lettre au LdSH pour obtenir l’autorisation de disposer des pièces de la preuve conservées par le SNEFC, et de l’information au sujet de la rédaction de cette lettre, y compris la liste des pièces envoyée au LdSH avec la demande d’autorisation;Note de bas de page 3941 enfin, l’entrée indiquant que le commandant par intérim du SNEFC à ce moment avait examiné le rapport et souscrivait aux conclusions de l’enquête.Note de bas de page 3942

49. Les Fynes ne pouvaient pas savoir exactement quels renseignements avaient été expurgés ni pourquoi, mais ils demeuraient préoccupés par l’ampleur des expurgations faites dans cette deuxième version du rapport.Note de bas de page 3943 Ils ont néanmoins convenu de rencontrer les membres du SNEFC le 28 novembre 2009 pour discuter de l’enquête.Note de bas de page 3944

Qui est responsable des expurgations?

50. Chaque fois que les Fynes se sont plaints des expurgations faites dans le rapport de 2008, les membres du SNEFC qu’ils ont contactés leur ont dit que cela ne relevait pas de leur responsabilité, mais plutôt de celle du DAIPRP, et ils ont indiqué n’avoir pratiquement rien à dire sur les expurgations. Les témoignages entendus au cours de cette audience révèlent que la situation était en réalité un peu plus complexe. Par conséquent, ces explications n’étaient pas tout à fait exactes.

51. Tout au long de ses rapports avec les Fynes sur cette question, le lcol Sansterre a réitéré à maintes reprises qu’il n’était pas responsable des décisions prises concernant les expurgations faites dans le rapport, qu’il n’avait aucun contrôle sur le moment auquel le rapport serait fourni par le DAIPRP et qu’il transmettrait au DAIPRP les préoccupations des Fynes au sujet des expurgations, ce qu’il a d’ailleurs fait.Note de bas de page 3945 Au cours de la séance d’information de novembre 2009, le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin ont fourni des explications similaires. Le Maj Dandurand a assuré les Fynes que la version du rapport qu’ils avaient maintenant reçu avait été expurgée [traduction] « conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels ».Note de bas de page 3946 Il leur a dit que le DAIPRP avait expurgé la première copie du rapport qu’ils avaient reçue, et que le DAIPRP expurgeait tous les rapports.Note de bas de page 3947 Le Maj Dandurand a insisté sur le fait que la police militaire n’était pas responsable des expurgations apportées aux deux versions du rapport, affirmant : [traduction] « alors vos questions concernent le DAIPRP, pas nous. Je comprends parfaitement votre frustration, mais je ne peux pas intervenir ».Note de bas de page 3948 Plus tard, il a ajouté :

[traduction]

Voici l’ironie, ou peut-être la nature bizarre de cela – [...] Ce n’est pas à moi de le dire. Cette divulgation du rapport à votre attention est une question qui concerne la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels. Celle-ci est tout à fait distincte de la police militaire

[...]

Cela n’a rien à voir avec – ils le font pour l’ensemble du ministèreNote de bas de page 3949 [Caractères gras ajoutés]

52. Il a expliqué le processus comme suit :

[traduction]

[...] Je ne suis pas un spécialiste de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le service du DAIPRP l’est, ce qui explique pourquoi – l’un des domaines où nous avons une participation dans les expurgations a trait aux tactiques employées par la police-- pour des raisons évidentes; n’est-ce pas ?

La méthodologie que nous employons pour faire notre travail est protégée par la confidentialité -- ou en vertu de la législation.

Donc, ce que nous faisons, c’est que nous surlignons les parties que nous croyons être liées aux tactiques, et nous leur remettons en nous disant -- ils connaissent les aspects relatifs à la confidentialité, à la dimension nationale -- ou même les aspects de la sécurité nationale -- […] Mais le DAIPRP détient l’autorité -- c’est pourquoi cela est surligné. Nous ne masquons pas le texte, pour ensuite le photocopier et l’envoyer. Nous le surlignons parce qu’ils ont le dernier mot. Ils l’examineront puis diront, à leur avis, après avoir fait des expurgations dans plusieurs rapports de la police militaire, non, ce que vous demandez ne peut être censuré, nous allons l’inclure. Ou encore ils peuvent dire, oui, vous avez raison, et ils le retranchent.Note de bas de page 3950

53. Cette explication générale est conforme à la preuve entendue à l’audience sur le processus généralement suivi lorsque des demandes d’accès à l’information sont reçues pour obtenir des renseignements de la PM.Note de bas de page 3951 Cependant, elle n’est pas entièrement conforme à la façon dont les choses se sont passées dans ce cas.

54. Ce que la preuve a révélé au cours de l’audience est qu’avant l’examen et l’expurgation du dossier par le DAIPRP, une sélection avait été faite – intentionnellement ou non – par l’analyste de la PM qui a imprimé le dossier. Mme Jansen, qui avait été la Directrice de l’AIPRP depuis les huit dernières années lorsqu’elle a comparu devant la Commission, a expliqué que son bureau n’avait pas accès au SISEPM, le système électronique utilisé par le SNEFC pour conserver les données.Note de bas de page 3952 Lorsqu’un rapport du SNEFC est demandé, le personnel de la PM imprime ou produit une version PDF du dossier, laquelle est ensuite envoyée au DAIPRP pour examen et expurgation, au besoin.Note de bas de page 3953 Dans ce cas, le nombre total de pages du rapport fourni par la PM au DAIPRP était de 578,Note de bas de page 3954 en comparaison des 714 pages du rapport produit durant cette audience.Note de bas de page 3955 Mme Jansen n’a pu expliquer l’écart entre les deux dossiers.Note de bas de page 3956 Un examen des dossiers révèle que, mis à part le nombre restreint de pages ajoutées subséquemment lorsque le Maj Dandurand a modifié les conclusions finales,Note de bas de page 3957 l’écart est surtout imputable au fait que les notes des policiers incluses dans la copie du dossier transmise à la Commission étaient absentes ou censurées dans la copie envoyée au DAIPRP en réponse à la demande des Fynes.Note de bas de page 3958 Il y a aussi un écart dans la quantité de renseignements inclus dans la section détaillant la manutention des pièces de la preuve.Note de bas de page 3959

55. La sgt Arlene Bomback-Fortin, coordonnatrice de l’AIPRP au QG du Groupe de la PM, a témoigné devant la Commission pour aider celle-ci à comprendre ce qui avait été envoyé au DAIPRP et le raisonnement sous-jacent. La sgt Bomback-Fortin n’a pas été personnellement impliquée dans la préparation du dossier remis au DAIPRP dans ce cas. Un autre employé, qui ne travaillait plus pour la PM au moment de l’audience et qui n’était pas disponible pour témoigner, était responsable de cette version particulière.Note de bas de page 3960 La sgt Bomback-Fortin a expliqué, à la lumière de son expérience depuis qu’elle s’est jointe à la Section de l’AIPRP de la PM, en 2010, que l’ensemble du rapport serait remis au DAIPRP sur réception d’une demande de la famille adressée au DAIPRP ou directement au SNEFC.Note de bas de page 3961 Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi les notes des policiers comprises dans le rapport de 2008 produit devant la Commission n’avaient pas été incluses dans la version du dossier imprimée pour le DAIPRP suite à la requête présentée par les Fynes au lcol Sansterre; Note de bas de page 3962 elle ne pouvait pas non plus expliquer pourquoi les quelques pages de notes de policiers qui avaient été imprimées – ainsi que quelques autres documents – avaient été expurgés en totalité avant que le dossier soit envoyé au DAIPRP.Note de bas de page 3963 Elle ne connaissait aucune politique empêchant l’inclusion des notes des policiers.Note de bas de page 3964 Elle ne pensait pas qu’il était probable que les notes n’aient pas encore été numérisées au moment de l’impression du rapport.Note de bas de page 3965 En effet, le peu de renseignements qui ont pu être obtenus à ce sujet indiquent qu’une grande quantité de notes avaient été numérisées antérieurement.Note de bas de page 3966 La sgt Bomback-Fortin et son collègue, M. Karl Beaulieu, qui était le gestionnaire de l’application SISEPM, estimaient aussi qu’il était peu probable que les notes n’aient pas été incluses en raison d’un problème d’impression, puisqu’elles ont été imprimées dans la version du dossier remise à la Commission.Note de bas de page 3967 Certains membres du SNEFC impliqués à l’époque croyaient que les notes des policiers n’étaient normalement pas divulguées en réponse à une demande visant à obtenir des renseignements de la PM.Note de bas de page 3968 Toutefois, en l’absence du témoignage de l’employé responsable de l’impression, la raison pour laquelle les notes n’ont pas été incluses dans ce cas ne peut être confirmée.

56.  L’écart dans le nombre de pages concernant les renseignements sur les pièces de la preuve a été expliqué par la manière dont l’impression a été faite, ainsi que par certaines activités survenues subséquemment dans le dossier. Seules les informations sur la saisie et la disposition subséquente des pièces à conviction ont été imprimées dans la version du dossier envoyé au DAIPRP. Les détails liés à la chaîne de possession et aux transferts de chaque pièce – y compris la note de suicide – n’ont pas été inclus.Note de bas de page 3969 Le SISEPM a révélé qu’une autre version du dossier, celle-ci comprenant les détails de la chaîne de possession des pièces et comptant 623 pages plutôt que 578, avait été imprimée en juin 2009.Note de bas de page 3970 On ne sait pas ce qui a été fait avec cette version, mais ce n’est pas celle qui a été envoyée au DAIPRP et, par la suite, remise aux Fynes.Note de bas de page 3971

57. Bien que certains aspects de ce qui a été fait restent flous, il est clair que ce qui a été envoyé au DAIPRP ne correspondait pas au dossier intégral du SNEFC. Il est également clair que le DAIPRP n’a pas participé à cette sélection initiale. Cela relevait de la responsabilité de la police militaire.

58. En ce qui concerne le pouvoir de décision sur les expurgations ajoutées au rapport après que celui-ci ait été envoyé au DAIPRP, la Commission a entendu le témoignage de la Directrice de l’AIPRP elle-même, Mme Jansen, sur le processus en place à l’époque. Mme Jansen a expliqué qu’en tant que DAIPRP du MDN, son rôle était d’appliquer les lois sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels au nom du ministre de la Défense nationale.Note de bas de page 3972 Elle a expliqué qu’elle représentait l’autorité déléguée pour le MDN en vue de s’assurer que les lois étaient respectées, et, qu’à ce titre, elle était impliquée dans les décisions prises concernant la divulgation et l’expurgation des renseignements.Note de bas de page 3973 Mme Jansen a décrit les deux types de demandes d’information pouvant être reçues : les demandes officielles et les demandes informelles. Une demande officielle d’accès à l’information doit être adressée au bureau du DAIPRP. Lorsque la demande porte sur des renseignements de la PM, le DAIPRP les obtient directement de la PM, parfois accompagnés des suggestions de la PM au sujet des expurgations ayant trait aux techniques policières, et prend ensuite une décision finale quant à l’information qui sera divulguée.Note de bas de page 3974 En revanche, les demandes informelles n’ont pas à être adressées au DAIPRP.Note de bas de page 3975 Lorsque la PM ou le SNEFC reçoit une telle demande, chacun a le pouvoir de publier ses propres dossiers sans informer ou consulter le DAIPRP.Note de bas de page 3976 Cependant, ils doivent s’assurer que des renseignements personnels ne sont pas divulgués en contravention de la législation applicable.Note de bas de page 3977 Dans certains cas, la PM consultera le DAIPRP sur ce qui peut être divulgué en réponse à une demande informelle, et le DAIPRP fournira un avis à la PM à ce sujet.Note de bas de page 3978 Dans de tels cas, le DAIPRP fait des recommandations et c’est la PM qui prend les décisions requises sur les renseignements à divulguer.Note de bas de page 3979 Cependant, à la lumière du témoignage de Mme Jansen sur les faits pertinents à cette affaire, dans certaines circonstances l’avis du DAIPRP est obligatoire.

59. La demande de M. Fynes concernant le dossier d’enquête sur la mort subite a été considérée et traitée comme une demande informelle.Note de bas de page 3980 Le dossier a été transmis au DAIPRP par la PM qui [traduction] « demandait notre avis pour voir si nous avions quelque chose à proposer, s’il y avait des renseignements personnels que nous devrions expurger ».Note de bas de page 3981 Cependant, Mme Jansen a indiqué que la détermination des renseignements pouvant être divulgués dans l’intérêt public en vertu de l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels – le critère employé pour expurger la première version du rapport – avait été faite par le DAIPRP, sans consultation de la PM.Note de bas de page 3982 Elle a ajouté que dans un cas comme celui-ci impliquant une enquête sur une mort subite, les recommandations ou les avis que le DAIPRP fournirait à la PM seraient fondés sur les opinions de la Directrice de l’AIPRP quant à ce qui est dans l’intérêt public de divulguer.Note de bas de page 3983 Elle a précisé qu’après avoir consulté le DAIPRP, la PM est en fait tenue de suivre ses recommandations, à tout le moins quand il s’agit de questions liées à la divulgation de renseignements personnels et à l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels.Note de bas de page 3984 En d’autres termes, lorsqu’une demande informelle est reçue par le SNEFC, la PM peut décider de divulguer l’information sans consultation. Toutefois, si elle demande l’avis du DAIPRP, elle est tenue de suivre l’avis reçu. La PM peut donc procéder à plus d’expurgations que ne le recommande le DAIPRP, mais pas à moins.Note de bas de page 3985

60. Selon Mme Jansen, une autre distinction entre les processus officiel et informel, est que, pour les demandes officielles, la PM est tenue de fournir au DAIPRP l’ensemble du rapport, tandis que dans le cas d’une demande informelle, elle n’a qu’à fournir les renseignements pour lesquels elle a décidé de demander l’avis du DAIPRP.Note de bas de page 3986

61. À la lumière de ces témoignages, il semble que, dans le cas présent, la police militaire et le DAIPRP étaient toutes deux responsables des expurgations faites dans le rapport remis aux Fynes. La PM a fait une première sélection de certains renseignements lors de l’impression du rapport – décidant essentiellement d’exclure les notes des policiers – et elle a pris ensuite la décision de demander l’avis du DAIPRP sur les expurgations apportées aux renseignements personnels figurant dans la sélection faite par la PM. Une fois que cet avis a été demandé, le DAIPRP est alors essentiellement devenu l’arbitre de l’expurgation minimale nécessaire concernant les parties du dossier qui lui avaient été soumises. Tel qu’indiqué dans la lettre d’accompagnement envoyée par le DAIPRP au SNEFC avec la deuxième version du rapport, les expurgations finales effectuées par le DAIPRP étaient les mêmes que celles qui auraient été faites dans le rapport si une demande officielle avait été reçue et traitée par le DAIPRP.Note de bas de page 3987 Pour ce qui est des parties du rapport initialement envoyées au DAIPRP par la PM, la divulgation était faite par le DAIPRP, et le DAIPRP était responsable des expurgations parce que la PM avait choisi de consulter le DAIPRP.

62. Peut-être en raison de la complexité du processus, plusieurs membres du SNEFC impliqués avaient une compréhension différente de qui était responsable de quelles expurgations. Le Matc McLaughlin a affirmé dans son témoignage qu’il croyait que le DAIPRP avait la responsabilité de prendre les décisions pour toutes les expurgations.Note de bas de page 3988 Il croyait que lui et le Maj Dandurand ne pouvaient rien faire au sujet des plaintes des Fynes concernant les expurgations parce que, ayant mené l’enquête, cette section de la PM n’avait pas le pouvoir de prendre de telles décisions. C’est le DAIPRP qui aurait eu ce pouvoir.Note de bas de page 3989 Le Maj Dandurand avait la même compréhension. Il a déclaré dans son témoignage que le DAIPRP détenait en définitive la « carte maîtresse », malgré que le coordonnateur de l’AIPRP de la PM pouvait demander certaines expurgations.Note de bas de page 3990 Cependant, il a reconnu que le DAIPRP n’était pas en mesure de débattre les points de vue de la PM à l’effet que certains documents ou renseignements révélaient des techniques policières.Note de bas de page 3991 Le Maj Dandurand ne pensait pas que la PM pouvait seule décider de ne pas produire certaines parties d’un rapport, et il n’était pas au courant que le dossier transmis au DAIPRP par la PM était incomplet.Note de bas de page 3992 Il n’était pas intervenu pour faire ou proposer des expurgations dans le rapport de 2008, et n’avait pas participé à la sélection des parties du dossier devant être envoyées au DAIPRP.Note de bas de page 3993 Il a déclaré dans son témoignage qu’aucun membre du SNEFC RO n’avait été impliqué et, qu’au meilleur de ses souvenirs, [traduction] « personne au sein du SNE n’avait eu accès à cela »Note de bas de page 3994 Il a également affirmé qu’il n’a jamais découvert pourquoi l’instruction de décrocher la dépouille avait été expurgée, et il n’a pas fait de recherches à ce sujet.Note de bas de page 3995 Il semble que le Maj Dandurand n’ait pas pris de mesures pour régler l’une ou l’autres des plaintes des Fynes sur ces points, outre de leur fournir une explication de sa compréhension du processus, puisqu’il croyait que le SNEFC n’était pas responsable des décisions concernant les expurgations.

63. Le lcol Sansterre, pour sa part, a affirmé qu’il ignorait qu’il y avait un processus officiel et un processus informel pour les demandes de renseignements.Note de bas de page 3996 Il était au courant du changement de procédure permettant aux familles qui souhaitaient obtenir des copies des rapports du SNEFC de présenter directement la demande au SNEFC par l’intermédiaire de leur OD, plutôt que de devoir soumettre une demande officielle d’accès à l’information.Note de bas de page 3997 Cependant, il ne savait pas que la PM ou le SNEFC auraient alors le choix de consulter ou non le DAIPRP sur les expurgations et de décider des parties du dossier qui devaient être fournies. Il ignorait quelles parties du rapport de 2008 avaient, en fait, été envoyées au DAIPRP pour expurgation. Il croyait que la Section de l’accès à l’information de la PM jouait un rôle en lien avec les renseignements ayant trait aux techniques policières, mais il ne savait pas exactement comment fonctionnait ce processus.Note de bas de page 3998 Selon sa compréhension, lors de la réception de la demande des Fynes, le SNEFC a remis le rapport au DAIPRP, qui l’a ensuite renvoyé au SNEFC avec des expurgations.Note de bas de page 3999 Le lcol Sansterre croyait que le SNEFC ne prendrait pas ses propres décisions sur ce qu’il convenait de divulguer parce que [traduction] « la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels sont des lois très complexes », et que le DAIPRP est l’organisme qui [traduction] « applique la loi pour nous. C’est l’organisation au sein du ministère qui se charge de faire respecter les dispositions de ces lois ».Note de bas de page 4000 Quand il s’est rendu compte que M. Fynes était mécontent des expurgations, le lcol Sansterre était d’accord avec certaines de ses plaintes et l’a aidé dans ses démarches en vue d’obtenir du DAIPRP une copie modifiée.Note de bas de page 4001 Néanmoins, le lcol Sansterre croyait qu’au bout du compte, le SNEFC ne pouvait pas annuler les décisions prises par le DAIPRP.Note de bas de page 4002

64. La preuve a révélé qu’une partie du personnel de la Section de l’AIPRP de la PM avait une meilleure compréhension du processus et du pouvoir décisionnel concernant les expurgations. Le gestionnaire de l’AIPRP de la PM qui était en charge du traitement de la demande des Fynes, M. Austin Ambrose, a écrit un message au DAIPRP indiquant que la demande initiale des Fynes avait été [traduction] « traitée comme une demande informelle d’accès à des renseignements personnels en vertu de l’alinéa 8(2)m) », en précisant qu’il semblait que le « SNEFC était considéré, dans ce cas, comme le gardien du dossier et l’autorité responsable de sa divulgation ».Note de bas de page 4003 M. Ambrose a affirmé qu’il pensait que l’on pourrait « dégager le SNEFC » en traitant la correspondance de M. Fynes comme une demande officielle présentée au DAIPRP. Il a demandé au DAIPRP d’en assumer la responsabilité et d’être le point de contact avec les Fynes.Note de bas de page 4004 Le lcol Sansterre, qui avait reçu une copie du message original, a répondu qu’il voulait rester le point de contact avec la famille et il a indiqué, [traduction] « la famille est au courant que je ne suis pas responsable de la divulgation du rapport ».Note de bas de page 4005 Pour sa part, la directrice adjointe par intérim du DAIPRP, a répondu que, dans ce cas, le DAIPRP avait [traduction] « accepté d’examiner le rapport complet de la PM, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et de remettre une copie à M. Fynes par l’entremise du lcol Sansterre ».Note de bas de page 4006 Elle a ajouté que si les Fynes souhaitaient obtenir le rapport complet de la PM, « ils devraient être informés de la nécessité de présenter une demande en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels directement à notre bureau ».Note de bas de page 4007 Leur requête serait alors considérée comme une demande officielle et le DAIPRP traiterait directement avec la famille.Note de bas de page 4008

65.  Malgré le fait qu’il ait reçu une copie de cette correspondance (et qu’il aurait pu acquérir une meilleure compréhension du processus applicable s’il s’était renseigné au sein du QG de la PM), il est clair que le lcol Sansterre était sincère lorsqu’il disait comprendre que l’expurgation du rapport du SNEFC était uniquement du ressort du DAIPRP. Quand il a été contacté par M. Fynes au sujet des expurgations faites dans la première version du rapport, il a écrit à la Directrice de l’AIPRP pour demander conseil sur la façon de répondre en indiquant : [traduction] « il est évident que l’expéditeur me confond, à titre de commandant du SNEFC, comme si j’avais une autorité ou responsabilité quelconque dans la divulgation de l’enquête ».Note de bas de page 4009 De toute évidence, peu importe ce que le personnel de l’AIPRP de la PM aurait pu savoir, le lcol Sansterre n’était pas au courant qu’il existait un certain pouvoir discrétionnaire au sujet de la divulgation de renseignements dans le cas des demandes informelles, et il ne savait pas qu’une sélection avait été faite lorsque le dossier a été envoyé au DAIPRP. Tout au long du processus de divulgation aux Fynes du rapport de 2008, le lcol Sansterre a tenté d’être aussi serviable et courtois que possible envers eux. M. Fynes a déclaré lors de son témoignage :

[traduction]

Je pense que le colonel Sansterre faisait un effort sincère pour nous être utile et pour justifier que leurs actions avaient été professionnelles [...]Note de bas de page 4010

66. Effectivement, le lcol Sansterre a fourni des réponses et des mises à jour en temps opportun et il a expliqué le processus du mieux qu’il le pouvait, selon la compréhension qu’il en avait.

67. La Commission constate maintenant que certains des renseignements fournis par le lcol Sansterre et le Maj Dandurand aux Fynes n’étaient pas tout à fait exacts. Cependant, cela découlait simplement d’un manque de compréhension de la part de ces membres du SNEFC et non d’une quelconque intention d’induire les Fynes en erreur. Il est regrettable que les responsables des interactions avec les Fynes sur cette question n’aient pas eu accès à une meilleure information. Mme Jansen a indiqué dans son témoignage qu’il y avait au sein du service du DAIPRP une section chargée de la formation des autres organisations du MDN, y compris la PM, sur les questions relatives à la divulgation de renseignements. En conséquence, elle déclaré qu’elle était confiante que les membres de la PM possédaient une formation suffisante pour procéder à la divulgation de renseignements en réponse aux demandes informelles sans consulter le DAIPRP, et qu’ils savaient quand une consultation était requise.Note de bas de page 4011 La preuve recueillie au cours de la présente audience a révélé que si les membres de la Section de l’AIPRP de la PM pouvaient posséder certaines des connaissances nécessaires grâce à cette formation, ce n’était pas le cas des autres membres du SNEFC traitant directement avec des plaignants qui présentent des demandes officielles de renseignements. Dans le cas présent, rendre cette information plus largement accessible au SNEFC aurait peut-être permis aux membres concernés de fournir une information plus exacte aux Fynes en réponse à leurs préoccupations, et peut-être même de répondre à certaines des questions entourant les expurgations qui résultaient directement de la sélection faite par la PM au moment de l’envoi du dossier au DAIPRP.

Les expurgations étaient-elles justifiées?

68. Les expurgations faites dans les deux versions du rapport de 2008 remises aux Fynes étaient considérables. La Commission ne se propose pas d’examiner chacune d’elles en détail. Cependant, un certain nombre d’expurgations sont particulièrement préoccupantes et méritent d’être commentées.

69. Tout d’abord, l’expurgation de toutes les notes des policiers dans les deux versions du rapport présentées aux Fynes a été décidée par la PM et non par le DAIPRP. La Commission ne trouve aucune justification à cette expurgation qui englobe plus de 100 pages de documents. Lorsque les Fynes ont soulevé cette question à leur première rencontre avec les membres du SNEFC, le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin leur ont donné l’assurance que les notes des policiers ne pouvaient pas être divulguées par le biais d’une demande d’accès à l’information.Note de bas de page 4012 Dans son témoignage, le Matc McLaughlin a indiqué que cela correspondait à la compréhension qu’il avait et qu’il continuait à avoir de cette question.Note de bas de page 4013 Lorsqu’on lui a demandé où il avait obtenu cette information, il a expliqué :

[traduction]

Elle n’est pas spécifique à une formation, donc nous pouvons exclure cela. Je n’ai jamais reçu aucune formation réelle axée sur le DAIPRP ou quelque chose du genre.

Mais les notes des policiers traitent souvent de tactiques policières, de méthodes d’interrogation, et ces choses-là ne sont généralement pas divulguées. Donc, de sérieuses expurgations doivent être faites. Les notes contiennent toutes des renseignements personnels confidentiels.

En règle générale, ma compréhension, en se basant sur la quantité d’information qui se trouve dans les notes des policiers, est que cela ne serait généralement pas disponible dans le rapport de toute façon.

Non, les notes des policiers ne sont pas divulguées sur la base de cette pratique. Cela me semble logique parce qu’il y a simplement trop de choses dans les notes des policiers que vous ne souhaitez pas voir divulguer.

Les raisons véritables pour lesquelles ces renseignements ne sont pas divulgués seraient disponibles auprès des coordonnateurs de l’AIPRP.Note de bas de page 4014

70. Lors de son témoignage, le Maj Dandurand a également confirmé qu’il croyait lui-même que les notes des policiers n’étaient pas accessibles par le biais de demandes d’accès à l’information.Note de bas de page 4015

71. En revanche, Mme Jansen a affirmé que le DAIPRP n’avait pas comme politique générale d’expurger toutes les notes des policiers. Plutôt, le contenu des notes est examiné et seules les parties correspondant à un critère reconnu d’expurgation – comme les renseignements personnels ou les techniques policières – sont expurgées.Note de bas de page 4016 Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi les notes des policiers avaient été retranchées des deux versions du rapport remises aux Fynes.Note de bas de page 4017 Le Maj Gord Wight de la direction de la PM responsable de la Section de l’AIPRP a précisé dans son témoignage le processus actuellement suivi pour la divulgation de renseignements de la PM. Il a affirmé que la PM rassemble tous les éléments du dossier, y compris les carnets de notes des policiers, lorsqu’une demande officielle est reçue en vertu de la législation.Note de bas de page 4018 Il a ajouté qu’il n’existe aucune politique globale recommandant que les carnets de notes soient expurgés entièrement dans le cours normal des choses.Note de bas de page 4019 Au lieu de cela, la PM recommandera certaines expurgations en fonction du contenu de l’information.Note de bas de page 4020 La raison de l’exclusion des notes des policiers de la copie du rapport envoyée au DAIPRP, et par la suite aux Fynes, demeure incertaine dans le cas présent. Cependant, à la lumière de la preuve, il est clair que cette expurgation n’était pas appropriée.

72. Une autre expurgation particulièrement problématique, comme l’a souligné M. Fynes à plusieurs reprises – est celle de l’instruction de décrocher le corps du cpl Langridge. La preuve indique que cette expurgation particulière a été faite par le DAIPRP et qu’elle a été annulée, comme il se devait, dans la deuxième version du rapport remise aux Fynes. Mme Jansen a expliqué que le DAIPRP considérait que les renseignements personnels concernant le cpl Langridge figurant dans le rapport ne pouvaient être divulgués pour une période de 20 ans parce qu’ils appartenaient au défunt.Note de bas de page 4021 En conséquence, le DAIPRP a fait des expurgations dans le rapport conformément à l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels ce qui, a expliqué Mme Jansen, [traduction] « laissait à ma discrétion de juger s’il était dans l’intérêt du public de publier ce genre d’information ».Note de bas de page 4022 Elle a expliqué que l’instruction de décrocher le corps du cpl Langridge, même si elle suivait immédiatement un passage non censuré mentionnant qu’on l’avait trouvé [traduction] « pendu par le cou »Note de bas de page 4023 serait expurgée conformément au critère de l’intérêt public appliqué par la Directrice de l’AIPRP [traduction] « en guise de considération et de respect pour la famille ».Note de bas de page 4024 Elle a ajouté que « c’est un passage qui pourrait être très pénible à lire pour les parents ou la famille ».Note de bas de page 4025 Elle a enfin précisé que « je considérerais de ne pas divulguer tout ce qui pourrait être difficile à lire pour la famille ».Note de bas de page 4026

73. En faisant ces déterminations d’intérêt public au sujet des renseignements qui aideraient la famille à comprendre les circonstances de la mort,Note de bas de page 4027 des renseignements qu’il serait pénible pour la famille d’apprendre, ou des renseignements qui devraient être expurgés par égard pour la famille,Note de bas de page 4028 Mme Jansen a indiqué que le DAIPRP ne consulte pas la famille qui demande les renseignements pour savoir quelles sont ses préférences et quel genre de renseignements elle estime devoir obtenir.Note de bas de page 4029 Les membres de la PM qui ont mené l’enquête ne sont pas non plus consultés.Note de bas de page 4030

74. M. Fynes estimait que l’instruction de décrocher le cpl Langridge avait été censurée pour éviter que la PM ne se retrouve dans l’embarras.Note de bas de page 4031 La preuve a révélé que ce n’était pas le cas. L’expurgation a été faite par le DAIPRP. Les membres du SNEFC impliqués dans l’enquête ne sont pas intervenus pour appliquer ou recommander cette expurgation. En outre, il n’y a aucune indication que le SNEFC savait, au moment de la plainte des Fynes, combien de temps le corps du cpl Langridge avait été laissé pendu, de sorte qu’il est difficile d’imaginer comment la mention de l’instruction de décrocher le corps pourrait avoir été considérée par quiconque comme embarrassante. Toutefois, cela ne signifie pas que cette expurgation était appropriée. Au contraire, elle était à la fois regrettable et inutile. Elle a créé l’impression que le SNEFC tentait de dissimuler des renseignements, et il était presque impossible de l’expliquer rationnellement. Le processus par lequel le DAIPRP fait des expurgations en fonction de sa perception de ce que la famille a besoin de savoir, sans être au courant de ses attentes ou sans l’avoir consultée et sans être familiarisé avec les détails de l’affaire, ne pouvait que mener éventuellement à des résultats aussi absurdes. Dans ce cas, il a entraîné une expurgation injustifiée qui a contribué à miner la confiance des Fynes envers le SNEFC.

75. L’application de cette décision discrétionnaire de la Directrice de l’AIPRP concernant l’information que les Fynes pouvaient recevoir résultait directement de l’interprétation faite par le DAIPRP du formulaire AUP. Étant donné qu’ils ne considéraient pas que le consentement à la divulgation de renseignements personnels s’étendait aux renseignements postérieurs à la signature du formulaire ou au décès, ils ont déterminé que seule l’analyse en fonction de l’intérêt public s’appliquait pour autoriser la divulgation du rapport du SNEFC. Le SNEFC n’est pas intervenu dans cette interprétation, et quelques-uns des membres impliqués semblaient en désaccord avec celle-ci. Ainsi, le Maj Dandurand a expliqué aux Fynes que lorsqu’il a reçu la première version du rapport expurgé, il pensait qu’il y avait eu une erreur au niveau du processus d’expurgation comme si une demande d’accès à l’information avait été faite par un tiers, au lieu de reconnaître que M. Fynes, en tant que PPPP du cpl Langridge, avait le droit d’obtenir de l’information à son sujet.Note de bas de page 4032 Dans son témoignage, il a indiqué que [traduction] « l’hypothèse qu’il a faite immédiatement » après avoir examiné le rapport remis aux Fynes était qu’il y avait eu une « erreur administrative », parce que les Fynes, en tant que plus proche parent et exécuteur testamentaire, avaient le droit de recevoir un rapport expurgé [traduction] « comme si le caporal Langridge avait lui-même demandé ce rapport ».Note de bas de page 4033 Le Maj Dandurand a fait valoir lors de son témoignage qu’il avait tenté de remédier à la situation quand il a reçu le rapport, en précisant qu’il avait contacté son QG pour suggérer que le SNEFC entame des discussions avec le DAIPRP afin d’obtenir un rapport moins expurgé à remettre aux Fynes.Note de bas de page 4034

76. Dans son témoignage, Mme Jansen a réitéré son point de vue, à titre de Directrice de l’AIPRP, que le consentement à divulguer des renseignements personnels figurant sur le formulaire AUP ne peut pas s’appliquer à des renseignements qui n’existaient pas au moment de la signature du formulaire ou, à tout le moins, qui n’existaient pas au moment du décès de la personne, y compris les CE et les enquêtes de la PM subséquentes au décès.Note de bas de page 4035 Toutefois, elle a ajouté que la situation n’était pas claire :

traduction]

J’aurais souhaité que cela soit aussi clair et que nous ayons pu prendre une décision à la lumière de quelque chose d’aussi évident, mais nous devions travailler avec le formulaire AUP qui n’était pas clair et donnait l’impression qu’il autorisait tout quand son objet était de donner accès uniquement à de l’information restreinte, ce qui signifie que nous avons dû travailler avec ce genre de situation à l’époque.Note de bas de page 4036

77. Néanmoins, elle a confirmé que le DAIPRP avait avisé la PM que le formulaire AUP ne pouvait autoriser la divulgation de renseignements produits après la mort du cpl Langridge.Note de bas de page 4037 Le changement de position subséquent, qui a conduit à la deuxième version du rapport remis aux Fynes, ne témoignait pas d’un changement global de la politique du DAIPRP quant à l’interprétation du formulaire AUP. Au contraire, Mme Jansen a expliqué qu’une décision avait été prise d’adopter une approche différente spécialement pour ce cas, parce que [traduction] « tout acte est sujet à interprétation et toute loi est sujette à interprétation ».Note de bas de page 4038 Ce changement d’approche de la part du DAIPRP est le principal facteur expliquant l’écart entre le nombre de pages que comptaient la première version et la seconde version du rapport remis aux Fynes, et il explique en grande partie pourquoi le rapport avait presque doublé de taille d’une version à l’autre.Note de bas de page 4039 En conséquence, la plupart des expurgations douteuses faites par le DAIPRP dans la première version ont été retirées de la deuxième version.

78. Il convient de noter que, dans ce cas particulier, les membres du SNEFC impliqués ont plaidé pour que plus de renseignements soient divulgués, ce qui pourrait avoir contribué à la décision du DAIPRP d’adopter une approche différente. Cependant, il n’y a eu aucun changement général de politique au DAIPRP.Note de bas de page 4040 En conséquence, les demandes futures de rapports d’enquête sur une mort subite seront traitées de la même manière que la demande initiale des Fynes, même si le formulaire AUP comporte un consentement signé concernant la divulgation de renseignements.Note de bas de page 4041 La plus récente version du formulaire AUP n’offre plus le choix de signer un tel consentement, de sorte que toute demande impliquant un membre des FC qui aurait signé un nouveau formulaire AUP serait traitée conformément à la décision discrétionnaire de la Directrice de l’AIPRP quant aux renseignements qui devraient être divulgués dans l’intérêt public.Note de bas de page 4042 Rien dans la preuve n’indique que le SNEFC ait pris des mesures pour remettre en cause cette approche générale ou plaider pour une approche différente en ce qui a trait à la divulgation aux familles des rapports d’enquête sur des décès.

79. Une autre expurgation que les membres du SNEFC impliqués dans ce dossier semblent avoir perçue comme étant inappropriée a trait aux commentaires faits à l’enquêteur par M. Fynes lui-même, qui ont été censurés dans le texte. Le lcol Sansterre a indiqué dans son témoignage qu’il était d’accord avec certaines des plaintes de M. Fynes car [traduction] « il y avait des choses expurgées qui étaient ses propres renseignements personnels ».Note de bas de page 4043 Le Maj Dandurand pensait que des erreurs avaient été commises dans l’expurgation de la première version du rapport, en notant plus particulièrement la personne qui avait fait la demande et le fait que ses propres déclarations ne devraient pas être expurgées.Note de bas de page 4044 Lors de sa rencontre avec les Fynes, il a émis l’hypothèse que le responsable du bureau chargé d’expurger la deuxième version du rapport avait probablement compris qu’elle était destinée au représentant personnel du cpl Langridge, mais n’avait pas compris que M. Fynes était la personne qui avait fait la demande,Note de bas de page 4045 ce qui expliquerait pourquoi les propres déclarations de M. Fynes ont été expurgées.

80. Mme Jansen a indiqué que le DAIPRP n’expurge généralement pas les commentaires faits par le demandeur à un enquêteur, à moins que ces commentaires ne portent sur une autre personne.Note de bas de page 4046 Pour ce qui est des enregistrements vidéo des entrevues menées par le SNEFC, elle a indiqué que le DAIPRP divulguait normalement la totalité de l’enregistrement à la personne interviewée [traduction] « sans faire aucune coupure que ce soit ».Note de bas de page 4047 Dans le cas présent, seuls les commentaires de M. Fynes au sujet de Mme A ont été expurgés dans la deuxième version du rapport.Note de bas de page 4048 Ces expurgations auraient été faites, selon ce qui a été noté, parce que les renseignements portaient sur une personne autre que celle qui avait demandé l’information.Note de bas de page 4049 Dans la première version, beaucoup plus de renseignements avaient été censurés, y compris les commentaires de M. Fynes au cplc Ritco au sujet du téléphone cellulaire du cpl Langridge, de l’espoir qu’il avait que les personnes qui avaient vendu de la drogue au cpl Langridge fassent l’objet d’une enquête, de ses remarques sur l’état de la résidence du cpl Langridge et des arrangements pris avec le régiment pour son déménagement, ainsi que l’ensemble de ses commentaires à propos des funérailles.Note de bas de page 4050 Les motifs invoqués pour ces expurgations étaient que les renseignements portaient sur des techniques policières ou concernaient une autre personne.Note de bas de page 4051 Mme Jansen ne pouvait affirmer avec certitude si les expurgations résultaient des suggestions de la PM ou des décisions du DAIPRP.Note de bas de page 4052 Il convient de noter que le chapitre pertinent des CPTPM applicables à l’époque renfermait une section énonçant que « toute personne qui fait une déclaration a droit à une copie de cette déclaration, dans son format original, conformément aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels ».Note de bas de page 4053

81. Il est difficile de comprendre pourquoi de l’information fournie par M. Fynes au SNEFC devait être censurée du rapport qui lui a été remis. La notion selon laquelle cette information pouvait être couverte par une exemption pour les techniques policières met à l’épreuve la crédulité. Même s’il ne revient pas à la Commission de porter un jugement sur les aspects juridiques de l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, censurer des renseignements portant sur une autre personne semble aussi insensé lorsque l’expurgation vise les propres commentaires de M. Fynes à l’enquêteur. Pour ces raisons, la Commission estime que les expurgations de la déclaration de M. Fynes dans la première version du rapport n’étaient pas été justifiées, et les expurgations figurant dans la deuxième version sont, au mieux, discutables. Il est difficile de dire si c’est le DAIPRP, la PM ou les deux qui sont responsables de ces expurgations particulières. Les membres du SNEFC visés par cette plainte n’étaient certes pas d’accord avec elles.

82. D’autres expurgations portaient sur des renseignements essentiels à tout lecteur qui voudrait acquérir une bonne compréhension de l’enquête. Le cas le plus important a trait à l’expurgation complète du plan d’enquête du cplc Ritco, pour le motif que cela révélerait des techniques policières.Note de bas de page 4054 Selon la preuve, il est probable, mais non confirmé, que cette expurgation a été recommandée par la PM et acceptée par le DAIPRP. Il est difficile de voir comment la divulgation du plan d’enquête pour une enquête conclue, comme dans le cas présent, risquerait de révéler des techniques policières. En revanche, sans ce document, il aurait été difficile pour les Fynes de comprendre le rapport d’enquête et les questions examinées.

83. Les deux paragraphes suivants du résumé de l’entrevue avec la cplc Bowden ont également été expurgés :

[traduction]

d) elle est allée déjeuner et, à son retour au LdSH, elle a été interrogée par le cplc Fitzpatrick qui lui a demandé ce qu’elle avait fait puisque le SMR du LdSH voulait la voir dans son bureau;

e) elle s’est rendue au bureau du SMR, où elle a été interrogée sur qui lui a donné la permission d’utiliser le mot « suicide » dans son courriel, elle a expliqué que personne ne lui avait donné la permission et qu’elle ne faisait que suivre l’instruction du cplc Fitzpatrick de répondre à sa demande par courriel;Note de bas de page 4055

84. Il s’agissait d’une information importante obtenue par le SNEFC au cours de son enquête sur la question de la surveillance pour risque de suicide. L’expurgation de ce renseignement de la copie du dossier remise aux Fynes nuirait à leur compréhension des circonstances décrites par le témoin. Le motif invoqué pour cette expurgation était qu’il s’agissait d’un renseignement personnel concernant une personne autre celle qui avait demandé l’information.Note de bas de page 4056 Cette justification est difficile à accepter. Le renseignement avait trait à ce que les témoins avaient fait dans le cadre de leurs fonctions et l’expurgation de ces renseignements risquait de donner l’impression que l’on tentait d’empêcher la divulgation publique du mécontentement de la chaîne de commandement du LdSH à propos de l’utilisation de l’expression [traduction] « surveillance pour risque de suicide ». À la lumière de la preuve, il est probable que cette expurgation ait été appliquée par le DAIPRP parce que le motif invoqué avait trait à la protection de la vie privée et non aux méthodes policières.

85. L’entrée indiquant que le commandant par intérim du SNEFC avait examiné le rapport et souscrit aux conclusions de l’enquête a aussi été expurgée.Note de bas de page 4057 Le motif invoqué dans ce cas était que l’information pouvait révéler des techniques policières.Note de bas de page 4058 Encore une fois, cela est difficile à comprendre et, ici également, il aurait été utile pour les Fynes de savoir que la chaîne de commandement du SNEFC avait examiné et approuvé les conclusions qui les préoccupaient. Étant donné le lien avec les techniques policières, cette expurgation était probablement le résultat d’une recommandation de la PM.

86. Les renseignements relatifs à la manutention des pièces à conviction ont été expurgés dans les deux versions du rapport. Une partie de cette information n’avait même pas été imprimée par la PM lorsque le rapport a été envoyé au DAIPRP. La partie imprimée a été expurgée complètement pour le motif que cela révélerait des techniques policières.Note de bas de page 4059 Mme Jansen a expliqué que ce type d’information était généralement expurgé par le DAIPRP à la demande de la PM, parce qu’elle se rapportait à des [traduction] « preuves et techniques d’enquête ».Note de bas de page 4060 Elle a indiqué que la pratique habituelle du DAIPRP était de consentir à l’expurgation de tous les renseignements concernant les pièces, même après la conclusion d’une enquête.Note de bas de page 4061 Même si les renseignements détaillés à propos de la chaîne de possession de chaque objet saisi ait probablement été de peu d’intérêt pour les Fynes, la justification de l’expurgation de cette information dans le cas d’une enquête conclue est douteuse. Il n’y a tout simplement aucune justification pour expurger complètement même les articles saisis, la date de la saisie et les renseignements sur leur disposition dans le cas présent. Au minimum, les Fynes auraient pu être intéressés à en savoir davantage sur le moment où la note de suicide de leur fils a été saisie et ce que l’on en avait fait exactement au cours de l’enquête. Il n’y avait aucune raison de censurer cette information dans leur copie du rapport.

87. En conclusion, de nombreuses expurgations effectuées dans les deux versions du rapport n’ont pas été justifiées ou sont pour le moins difficiles à comprendre. La responsabilité en incombe à la fois à la PM et au DAIPRP. Dans certains cas, il n’est pas possible de déterminer qui a pris la décision. Là où la PM n’était pas directement responsable des expurgations, il demeure que c’est elle qui a pris la décision de demander conseil au DAIPRP avant de divulguer le rapport – qu’elle ait ou non été au courant ou en faveur de l’approche employée par le DAIPRP, ou même qu’elle ait su qu’un choix s’offrait en rapport avec la recherche d’un avis.

88. De façon plus générale, le SNEFC et la PM n’ont pas cherché à remettre en question le processus existant, ce qui a restreint sensiblement leur pouvoir de décision en ce qui a trait à la divulgation de leurs propres renseignements.Note de bas de page 4062 Par conséquent, le SNEFC s’est finalement retrouvé dans une position embarrassante, ayant fourni aux Fynes deux versions du rapport, la deuxième renfermant plus du double d’information, et les raisons des expurgations étant difficiles et parfois impossibles à expliquer. Au bout du compte, il a fallu cinq mois pour que les Fynes obtiennent une copie du rapport de l’enquête sur la mort de leur fils qui contenait encore beaucoup d’expurgations injustifiées. L’information manquante, s’ajoutant aux tergiversations sur les expurgations et au retard concomitant à remettre le rapport aux Fynes, ne pouvait faire autrement que de donner l’impression d’un manque de transparence et de volonté de la part du SNEFC à fournir des renseignements. Survenant tout juste après la divulgation tardive de la note de suicide, ces incidents malheureux ne pouvaient que nuire à tout effort en vue d’établir une relation de confiance et une communication franche entre les Fynes et le SNEFC.

4.5.3 La séance d’information de novembre 2009

89. Le 28 novembre 2009, près de 18 mois après que l’enquête ait été conclue, le SNEFC a tenu une séance d’information avec les Fynes au sujet de l’enquête de 2008 portant sur la mort de leur fils.Note de bas de page 4063 Le but de la séance d’information, dans la perspective du SNEFC, était principalement d’apaiser les Fynes, dont le mécontentement s’était accentué suite à la découverte de la note de suicide et des expurgations faites dans le rapport d’enquête. En effet, cette rencontre en face-à-face représentait une occasion pour le SNEFC de remédier à certains de ses manquements passés, en particulier l’absence de contacts avec les Fynes et l’omission de leur communiquer des renseignements utiles. Malheureusement, la conduite de la séance d’information et les événements qui ont suivi n’ont fait qu’illustrer à nouveau les problèmes reliés au défaut d’établir une bonne communication avec les plaignants.

90. Lors de la séance d’information, les Fynes ont exprimé la plupart des plaintes qu’ils ont subséquemment présentées devant la Commission à propos de l’enquête de 2008. Les réponses qu’ils ont reçues ont contribué à nourrir plutôt qu’à calmer leurs frustrations. Si les plaintes avaient été mieux traitées au moment de leur réception, il se peut que certaines d’entre elles au moins ne se soient pas retrouvées devant cette audience. Au lieu de cela, une occasion clé d’établir un dialogue ouvert avec les Fynes n’a pas été saisie, et la séance d’information elle-même est devenue la source de préoccupations supplémentaires et d’éventuelles plaintes.

But de la séance d’information

91. La décision de tenir une séance d’information a été prise au niveau du QG du SNEFC.Note de bas de page 4064 Le Maj Dandurand, le commandant du détachement chargé de mener la séance d’information, a déclaré lors de son témoignage qu’il était d’accord qu’une séance d’information était nécessaire.Note de bas de page 4065 Dans ses notes, il a indiqué que le but de la rencontre était de fournir aux Fynes une séance d’information sur l’enquête et de répondre à leurs questions.Note de bas de page 4066 Dans son témoignage, il a expliqué que, de son point de vue, le résultat souhaité était de [traduction] « faire en sorte que la famille[] ait l’occasion de poser toutes les questions et d’avoir un dialogue ouvert et franc avec nous au sujet de l’enquête ».Note de bas de page 4067

92. Lors de son témoignage, le Maj Dandurand ne pouvait se rappeler s’il était au courant des préoccupations des Fynes avant la rencontre.Note de bas de page 4068 Il savait qu’ils avaient reçu une copie du rapport d’enquête et qu’elle avait été « fortement expurgée ».Note de bas de page 4069 Il savait également qu’il y avait d’autres questions en litige. Il avait contacté le Maj Parlee, qui avait présidé la Commission d’enquête sur la mort du cpl Langridge, avant la rencontre pour s’enquérir de toute préoccupation que les Fynes avaient pu lui communiquer au sujet du SNEFC ou du rapport d’enquête.Note de bas de page 4070 Le Maj Parlee l’a informé que la principale préoccupation des Fynes concernait probablement la note de suicide, pourquoi elle ne leur avait pas été divulguée pendant si longtemps, et pourquoi ils n’en avaient pas immédiatement reçu une copie. Il a également indiqué que les Fynes demanderaient probablement des détails précis sur le traitement de la scène où le corps du cpl Langridge avait été trouvé, et qu’ils pourraient avoir des questions au sujet des effets personnels du cpl Langridge.Note de bas de page 4071

93. Le Matc McLaughlin, l’autre membre du SNEFC chargé de participer à la séance d’information, a dit lors de son témoignage qu’il avait été informé par le Maj Dandurand des raisons de la rencontre avec les Fynes.Note de bas de page 4072 Il comprenait que le but était de fournir aux Fynes une séance d’information sur l’enquête de 2008 parce qu’ils avaient demandé d’avoir l’occasion d’en discuter.Note de bas de page 4073 D’après les renseignements qu’il a reçus du Maj Dandurand, il a aussi compris avant la rencontre que les Fynes étaient [traduction] « insatisfaits de certaines parties de ce qui avait été fait dans l’enquête Ritco » et que la séance d’information serait l’occasion pour les membres du SNEFC de discuter de ces questions avec eux.Note de bas de page 4074 En particulier, on lui a dit que le délai survenu avant la divulgation de la note de suicide était une question problématique qu’il lui faudrait aborder lors de la rencontre, selon le Maj Dandurand.Note de bas de page 4075 Mise à part cette question, le Matc McLaughlin n’était au courant d’aucune autre question spécifique que les Fynes soulèveraient ou dont ils discuteraient en lien avec l’enquête.Note de bas de page 4076

94. Dans son témoignage, le lcol Sansterre a indiqué qu’il ne savait pas ce que le Maj Dandurand avait prévu de discuter à la rencontre, ni n’avait eu de discussion à ce sujet, mais il a supposé que ce dernier informerait la famille sur le dossier et répondrait à leurs questions.Note de bas de page 4077 Il a noté que la tenue de séances d’information en personne avec les familles au sujet d’une enquête conclue n’était pas à une pratique habituelle à l’époque.Note de bas de page 4078

95. Il est clair que cette séance d’information à l’intention des Fynes a été ordonnée par le QG du SNEFC plus d’un an après que l’enquête ait pris fin en raison des circonstances particulières de cette affaire. Les membres du SNEFC en charge au QG et au détachement savaient avant la séance d’information que les Fynes contestaient une partie de ce qui avait été fait ou n’avait pas été complété par le SNEFC et ils espéraient que l’information contribuerait à apaiser la frustration des Fynes à cet égard. La séance d’information donnait suite à l’offre faite initialement par le lcol Sansterre, à l’été 2009, pour que des enquêteurs du SNEFC ou du [traduction] « personnel du SNEFC familier avec le dossier » présente une séance d’information aux Fynes sur l’enquête policière.Note de bas de page 4079 Cette offre suivait directement la découverte de la note de suicide.Note de bas de page 4080 Elle a été réitérée en réponse aux fortes objections exprimées par M. Fynes devant les expurgations faites dans le rapport.Note de bas de page 4081 Le Maj Dandurand était également conscient de ces questions.Note de bas de page 4082 Il avait contacté l’OD des Fynes, le Maj Parkinson, peu de temps après l’appel initial du lcol Sansterre aux Fynes et lui avait demandé de « sonder » la satisfaction des Fynes à propos de la rapidité de la réception du rapport de 2008.Note de bas de page 4083 Le Maj Parkinson l’avait avisé que les efforts du SNEFC [traduction] « contribueraient pour beaucoup à réparer les torts », mais en ajoutant que les Fynes étaient une famille difficile à satisfaire.Note de bas de page 4084 Le Maj Dandurand avait fait rapport au lcol Sansterre, lui disant qu’il comprenait les frustrations des Fynes et espérait que lui et ses collègues pourraient [traduction] « mettre fin à ces frustrations en autant que le SNEFC était concerné ».Note de bas de page 4085

Préparation de la séance d’information

96. Aucun des deux membres du SNEFC qui ont mené la séance d’information n’avait participé à la conduite de l’enquête de 2008. Le Maj Dandurand est devenu commandant du détachement en juillet 2008,Note de bas de page 4086 après la conclusion de l’enquête. Il avait participé aux discussions entourant la découverte de la note de suicide en 2009,Note de bas de page 4087 mais n’avait pas été préalablement impliqué dans le dossier. Le Maj Dandurand a été chargé de la conduite de la séance d’information en raison de son poste. Dans son témoignage, il a expliqué que les séances d’information à l’intention de la famille étaient généralement dirigées par les commandants de détachement ou [traduction] « le plus haut gradé possible dans la chaîne de commandement ».Note de bas de page 4088 Le Matc McLaughlin, pour sa part, était enquêteur au détachement depuis 2007.Note de bas de page 4089 Il avait participé brièvement en prenant des notes durant une entrevue réalisée au cours de l’enquête de 2008, mais n’avait pas d’autre participation dans l’affaire.Note de bas de page 4090 Il a déclaré avoir été invité à participer à la rencontre parce qu’il travaillait encore au détachement et qu’il était disponible à ce moment.Note de bas de page 4091 Il a expliqué qu’une partie de la raison de sa présence était aussi [traduction] « de pouvoir parler de mon expérience et de mon expertise en tant qu’enquêteur s’ils avaient des questions concernant le processus et les procédures et techniques d’enquête », puisque le Maj Dandurand était commandant du détachement mais non enquêteur au sens large.Note de bas de page 4092 Lorsque la rencontre a eu lieu, le Matc McLaughlin occupait un poste d’enquêteur au SNEFC depuis deux ans.Note de bas de page 4093

97. Le cplc Ritco, l’enquêteur principal pour l’enquête de 2008, était encore membre du SNEFC lorsque la séance d’information a eu lieu, mais il était en détachement auprès de la GRC à ce moment.Note de bas de page 4094 Lors de son témoignage, on a demandé au Maj Dandurand pourquoi le cplc Ritco n’était pas présent à la séance d’information. Il a répondu qu’il n’était pas de coutume au SNEFC que l’enquêteur en charge du dossier assiste à ces rencontres.Note de bas de page 4095 Le Matc McLaughlin a déclaré qu’il n’était pas au courant des raisons et n’avait jamais eu de discussion à ce sujet.Note de bas de page 4096 Lorsque Mme Fynes a indiqué durant la séance d’information que le cplc Ritco aurait dû être présent pour répondre à leurs questions, le Maj Dandurand a rétorqué qu’il ne pouvait pas [traduction] « parler de cette décision ».Note de bas de page 4097 Aucune autre explication n’a été fournie aux Fynes ou à la Commission.

98. En préparation de la rencontre, le Maj Dandurand a passé en revue le dossier de l’enquête de 2008.Note de bas de page 4098 Il a expliqué que son objectif était d’acquérir une bonne compréhension de l’ensemble des renseignements figurant au dossier, puisque certains d’entre eux seraient expurgés de la copie destinée aux Fynes. Il a déclaré qu’il voulait être en mesure de parler des thèmes généraux abordés dans les parties expurgées, afin d’assurer les Fynes que rien n’avait été expurgé autre que pour des motifs touchant à la sécurité nationale, aux pratiques policières et aux renseignements personnels.Note de bas de page 4099 Il ne semble pas que le Maj Dandurand ait eu des discussions avec le cplc Ritco ou les autres membres du SNEFC impliqués dans l’enquête de 2008 en vue de la rencontre. Il s’est rappelé d’une conversation avec le cplc Ritco au sujet de l’enquête après la rencontre, et peut-être une autre lorsque l’omission de divulguer la note de suicide a été découverte, mais n’a fait mention d’aucune discussion spécifique en préparation de la rencontre.Note de bas de page 4100 Il n’a pas discuté de l’enquête de 2008 avec le sgt Bigelow ou l’adj Ross Tourout, puisqu’ils avaient déjà quitté le détachement au moment où il en a assumé le commandement.Note de bas de page 4101 La seule question sur laquelle le Maj Dandurand s’est renseigné avant la rencontre a trait à l’entrée dans le rapport d’enquête indiquant que la chambre du cpl Langridge était [traduction] « en désordre ».Note de bas de page 4102 Le Maj Dandurand s’est fait dire que cela signifiait « un mode de vie de célibataire » plutôt qu’une chambre « saccagée ».Note de bas de page 4103 Lors de son témoignage, il ne pouvait se rappeler à qui il avait parlé de cela, mais pensait qu’il en avait probablement discuté avec le Matc McLaughlin avec qui il travaillait en étroite collaboration afin de préparer la rencontre.Note de bas de page 4104

99. Pour sa part, le Matc McLaughlin n’a pas examiné le dossier avant la séance d’information.Note de bas de page 4105 Il n’a pas non plus discuté de l’enquête avec le cplc Ritco ou d’autres enquêteurs impliqués dans le dossier.Note de bas de page 4106 Il a affirmé dans son témoignage que sa seule tâche en vue de la rencontre avait été de vérifier quelles étaient les pièces encore gardées dans la salle des éléments de preuve du détachement.Note de bas de page 4107 Le Maj Dandurand a précisé qu’il avait demandé au Matc McLaughlin de s’enquérir de [traduction] « l’état exact des éléments de preuve conservés à ce moment-là » dans le dossier d’enquête de 2008.Note de bas de page 4108 Le Matc McLaughlin a indiqué que cela avait été fait [traduction] « pour s’assurer que tout ce qui devait être retourné ou éliminé » l’avait été effectivement, de sorte que seules les pièces de la police comme les enregistrements d’entrevues et les témoignages soient conservées.Note de bas de page 4109 Selon lui, ce genre de vérification était de pratique courante.Note de bas de page 4110 Pour faire ce travail, le Matc McLaughlin a consulté les registres de continuité de la preuve afin d’y découvrir quels éléments de preuve étaient encore conservés.Note de bas de page 4111 Il a ensuite signé pour apporter tous les articles.Note de bas de page 4112 Il a expliqué que le but de l’opération était de pouvoir confirmer aux Fynes que le SNEFC conservait dans la salle des éléments de preuve uniquement ce qui [traduction] « était la propriété du SNE comme les vidéos, les déclarations, etc. ».Note de bas de page 4113 Le Matc McLaughlin a remis les articles au Maj Dandurand aux fins d’examen et en a discuté avec lui, car le Maj Dandurand voulait connaître avant la rencontre tout ce qui était encore conservé.Note de bas de page 4114

Déroulement de la séance d’information

100. La rencontre avec les Fynes a duré environ quatre heures,Note de bas de page 4115 et ce sont les Fynes qui ont principalement pris la parole.Note de bas de page 4116 Les discussions ont été très variées et, parfois, difficiles à suivre. La frustration des Fynes était palpable. M. Fynes a déclaré lors de son témoignage : [traduction] « à leur crédit, [les membres du SNEFC] ont écouté la litanie de nos plaintes ».Note de bas de page 4117 Plusieurs de ces plaintes n’étaient pas liées à l’enquête du SNEFC.Note de bas de page 4118 Pour la plus grande partie, les membres du SNEFC ont écouté en silence en tentant de comprendre la chronologie des événements et les préoccupations des Fynes. D’autres préoccupations étaient directement liées à l’enquête du SNEFC. Les membres du SNEFC ont participé plus activement aux discussions portant sur ces préoccupations.

101. Les Fynes venaient de recevoir une version moins expurgée du rapport de l’enquête de 2008.Note de bas de page 4119 Lors de la séance d’information, ils ont exprimé de nombreuses préoccupations et formulé plusieurs plaintes concernant la conduite de cette enquête. Leurs plaintes comprenaient :

102. Pendant ou après la séance d’information, le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin n’ont pris aucune mesure pour que ces plaintes soient portées à l’attention de l’Unité des normes professionnelles pour examen. Ils n’ont pas prévenu les Fynes de l’existence d’un processus de traitement des plaintes. Au lieu de cela, ils ont tenté de régler directement les questions soulevées. Cependant, n’ayant pas participé à l’enquête, ils étaient souvent incapables de répondre aux questions des Fynes ou de leur fournir des renseignements factuels pertinents à leurs préoccupations. Les discussions ont porté sur des explications et des justifications de nature générale. Certains des renseignements fournis n’étaient pas tout à fait exacts ou applicables aux faits de la présente affaire. Dans d’autres cas, les membres ont promis d’obtenir des réponses supplémentaires, mais ne les ont jamais fournies.

103. En réponse aux plaintes et aux questions portant sur les raisons pour lesquelles le corps du cpl Langridge avait été laissé pendu, le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin ont expliqué que le contrôle de la scène et le droit de prendre de telles décisions revenaient au ML.Note de bas de page 4134 Le Maj Dandurand a également souligné que les membres du SNEFC traitent les scènes avec impartialité et ne connaissent pas la personne concernée, de sorte que tout retard à décrocher le corps du cpl Langridge n’aurait pu être le résultat d’un manque de respect à l’égard du cpl Langridge en tant qu’individu.Note de bas de page 4135 Bien que cela soit correct dans l’abstrait, aucun des deux membres ne savait qui, en fait, était responsable de la décision du moment de décrocher le corps du cpl Langridge ou pourquoi le corps n’avait pas été décroché plus tôt.Note de bas de page 4136 Le Maj Dandurand a dit aux Fynes qu’il devait parler à l’enquêteur principal afin d’obtenir une réponse à ces questions.Note de bas de page 4137

104. Le Maj Dandurand a également donné la description suivante de l’autorité du ML sur la scène :

[traduction]

Voici la réalité -- le fait est, Sheila, que le médecin légiste exerce le contrôle sur la scène [...] À vrai dire, ce n’est pas ma scène jusqu’à ce qu’il arrive, et jusqu’à ce qu’il dise ce qui doit de se passer. Et en fait [...] la police militaire suit ses instructions à la lettre. Je veux dire, elle va le faire -- s’il dit « Faites ça, », alors nous le faisons. S’il dit « Prenez cette bouteille. », « Prenez cette bouteille de 26 onces. », « Prenez ce contenant de pilule. », alors que c’est ce que nous faisons.

[...]

Et puis, une fois qu’il – ou elle – est satisfait, une fois qu’ils sont convaincus que leurs instructions ont été suivies et qu’ils ont établi ce qui s’est produit, alors nous reprenons la scène et nous pouvons passer à toutes les autres procédures pénales/judiciaires que nous devons appliquer.Note de bas de page 4138

105. Cela ne correspond pas aux faits réels dans cette affaire. Les enquêteurs impliqués dans l’enquête de 2008 n’ont pas suivi les instructions du ML afin de déterminer quelles pièces devaient être saisies ou comment traiter la scène.Note de bas de page 4139

106. En ce qui concerne la note de suicide, le Maj Dandurand a regretté qu’autant de temps se soit écoulé avant la divulgation de la note une fois l’enquête conclue, mais il a insisté sur la nécessité de retenir la note pendant une certaine période de temps après le décès.Note de bas de page 4140 Les explications du Maj Dandurand – qui ont généralement été interrompues et n’ont jamais été achevées – ont porté sur la façon dont les politiques et les pratiques du SNEFC ont été modifiées à la suite de cette affaire.Note de bas de page 4141 Il a dit aux Fynes qu’il y avait à l’époque une politique dictant de ne pas divulguer ces notes jusqu’à ce qu’on détermine que la mort résultait effectivement d’un suicide, affirmant : [traduction] « vous devez comprendre qu’à l’époque, lorsque vous aviez affaire à un décès, celui-ci était considéré comme suspect ».Note de bas de page 4142 Il a commencé à décrire ce qui serait fait dans le cadre des pratiques actuelles, indiquant que la note ne serait toujours pas disponible jusqu’à ce que l’on ait exclu la possibilité d’un acte suspect, ce qui, selon lui, ne pouvait survenir [traduction] « que bien après les funérailles », mais donnant certainement l’impression qu’elle serait remise beaucoup plus tôt que dans le cas des Fynes.Note de bas de page 4143 En ce qui concerne la mention explicite dans la note de suicide du cpl Langridge concernant ses souhaits pour les funérailles, le Maj Dandurand a dit :

[traduction]

Mais voilà, le fait est que si -- s’il s’agissait d’un acte criminel, et qu’il y avait ça qui était resté derrière, et que vous étiez passé à l’action là-dessus?Note de bas de page 4144

107. Les explications du Maj Dandurand ne comportaient aucune mention des raisons précises pour lesquelles la note de suicide du cpl Langridge n’avait pas été divulguée aux Fynes. Il ne leur a pas dit si cela découlait d’un oubli ou d’une décision délibérée prise à l’époque, et si une décision avait été prise, sur quoi elle reposait. Il n’a pas non plus indiqué que la possibilité d’un acte suspect avait été effectivement exclue dans ce cas – ou aurait pu l’être – avant les funérailles du cpl Langridge.

108. En ce qui concerne les plaintes et les questions des Fynes sur les raisons pour lesquelles l’enquête du SNEFC avait pris tant de temps et été aussi détaillée, le Maj Dandurand a donné des explications générales sur la charge de travail du SNEFC et la nécessité de garder l’esprit ouvert.Note de bas de page 4145 Il a également indiqué que le SNEFC ne [traduction] « mettait pas tous ses œufs dans le même panier » en se fiant à 100 pour cent aux conclusions du coroner, sans enquête indépendante.Note de bas de page 4146 Le Maj Dandurand n’a pas fourni de détails sur ce qui faisait l’objet d’une enquête durant les trois mois qu’a durés l’enquête sur la mort du cpl Langridge. Il n’a fait aucunement mention de l’enquête sur la question de la surveillance pour risque de suicide, qui était devenue le sujet principal d’enquête dès les premiers jours et qui n’était pas liée à la confirmation du suicide comme cause de décès.Note de bas de page 4147

109. Le Maj Dandurand a donné en exemple une étape qui pourrait devoir être complétée par le SNEFC avant de se fier à la conclusion du ML que le décès résultait d’un suicide, en parlant d’un examen potentiel de l’extérieur de l’édifice, sans doute dans le but de déterminer si quelqu’un d’autre aurait pu être présent lorsque le cpl Langridge est décédé.Note de bas de page 4148 En l’occurrence, il s’agit d’une étape qui n’a jamais été entreprise. Cette omission a été explicitement critiquée dans un rapport de l’assurance de la qualité de l’enquête, que le Maj Dandurand avait reçu en juin 2009.Note de bas de page 4149 Lorsque cet exemple a été employé durant la rencontre, les Fynes n’ont ​​pas été informés que cette étape n’avait pas été exécutée dans le cas du décès de leur fils, ni qu’il avait été établi par la suite qu’elle aurait dû l’être.

110. Lorsque M. Fynes a remis en question une mention dans la correspondance antérieure à l’effet que le SNEFC détenait [traduction] « environ 13 pièces à conviction », le Maj Dandurand a dit aux Fynes que [traduction] « notre système [SISEPM] ne ment pas ».Note de bas de page 4150 Il a ensuite indiqué que le Matc McLaughlin avait signé pour toutes les pièces qui étaient encore conservées.Note de bas de page 4151 Le Maj Dandurand et Matc McLaughlin ont tous les deux assuré les Fynes que les pièces restantes étaient liées à l’enquête policière – par exemple les notes et les vidéos des policiers – et n’étaient pas des effets personnels du cpl Langridge.Note de bas de page 4152 Mme Fynes a demandé expressément s’il y avait des effets personnels du cpl Langridge et le Matc McLaughlin a répondu : [traduction] « Non, nous n’en avons pas. Les effets personnels sont tous partis, ils ont tous été retournés ».Note de bas de page 4153 Cela ne répondait pas aux préoccupations des Fynes au sujet de la description initiale du nombre de pièces saisies. Aucune autre information n’a été fournie sur le nombre réel de pièces saisies ou la raison pour laquelle elles n’ont pas été retournées aux Fynes immédiatement après la clôture de l’enquête.

111. On ignore également si les déclarations concernant les pièces conservées étaient tout à fait exactes. En faisant l’examen des pièces avant la rencontre, le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin avaient découvert, en plus des notes et des vidéos des policiers, que le SNEFC détenait encore quatre autres pièces : un distributeur de pilule, une bouteille de pilules vide, un paquet de pilules à bulle, et une copie d’un formulaire médical pour le cpl Langridge saisis dans sa Jeep.Note de bas de page 4154 Aucune explication n’a été fournie quant à la raison pour laquelle, lorsque ce sujet a été abordé avec les Fynes durant la séance d’information, ils avaient reçu l’assurance que seules des [traduction] « pièces de la police » avaient été conservées, et n’avaient pas été informés de l’existence de ces autres articles. Dans leur témoignage, tout ce que le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin ont déclaré était qu’ils ne considéraient pas ces articles comme des effets personnels.Note de bas de page 4155 Ils ont expliqué que certaines pièces contenaient des médicaments d’ordonnance, ce qui était le motif de ne pas les renvoyer à la famille, mais ils n’ont pu fournir d’explication claire ou cohérente de la raison pour laquelle les autres articles n’ont pas été retournés.Note de bas de page 4156 Le Maj Dandurand a déclaré lors de son témoignage qu’il pensait à ce moment que le SNEFC RO conservait tous les autres articles [traduction] « conformément à notre politique sur la preuve et que, par conséquent, nous étions en droit de les avoir ».Note de bas de page 4157 Il n’a pas demandé – avant ou après la rencontre – les raisons pour lesquelles ces articles étaient encore retenus dans la salle des éléments de preuve presque un an et demi après la conclusion de l’enquête, ou les raisons pour lesquelles ils n’ont pas été répertoriés avec les autres articles dont on avait disposé après la conclusion de l’enquête.Note de bas de page 4158

112. Quant aux préoccupations soulevées par les Fynes au sujet de la mention des problèmes de discipline sur le certificat du ML, le Maj Dandurand a dit aux Fynes que, bien qu’il y ait eu initialement une note au dossier d’enquête indiquant que l’on soupçonnait que le cpl Langridge était un contrevenant, cette note avait été retirée durant l’enquête, et il a été précisé qu’il n’était pas un contrevenant.Note de bas de page 4159 Aucune information n’a été fournie sur ce que les enquêteurs du SNEFC avaient en fait dit au ML, et si leurs commentaires étaient la source de la mention apparaissant sur le certificat.

113. À propos des expurgations faites dans le rapport d’enquête, le Maj Dandurand et le Matc McLaughlin ont donné des explications générales sur le processus – y compris une déclaration à l’effet que les notes des policiers n’étaient généralement pas divulguées, ce qui s’est avéré inexact – mais ils n’ont pu fournir aucune information sur les raisons particulières expliquant les expurgations faites dans le rapport.Note de bas de page 4160 De façon générale, leur message était que le SNEFC n’était pas responsable des décisions sur les expurgations et qu’il ne pouvait rien faire à ce sujet.Note de bas de page 4161 Cette explication ne reflète pas le véritable processus suivi dans ce cas pour faire les expurgations au rapport d’enquête de 2008.Note de bas de page 4162

Le suivi

114. Dans le premier paragraphe des notes prises par le Maj Dandurand au sujet de la séance d’information, il a écrit : [traduction] « le but de l’entrevue était de leur fournir une séance d’information [...] et de s’assurer que leurs questions avaient trouvé réponse ou qu’elle avaient été notées pour y répondre ultérieurement ».Note de bas de page 4163 Lors de la rencontre, le Maj Dandurand a rassuré les Fynes à plusieurs reprises en leur disant qu’il répondrait à toutes leurs questions et préoccupations.Note de bas de page 4164 Il a notamment déclaré qu’ils devraient être pleinement satisfaits des réponses données à toutes les requêtes liées aux responsabilités du SNEFC, ou que celles-ci seraient notées en vue d’y répondre plus tard.Note de bas de page 4165 Il s’est également engagé expressément à obtenir des réponses à certaines questions particulières. Ainsi, il a indiqué qu’il allait parler à son commandant « le lundi matin » pour discuter des préoccupations des Fynes concernant les conclusions finales.Note de bas de page 4166 Il a aussi promis de parler au cplc Ritco afin de pouvoir expliquer aux Fynes la raison pour laquelle le corps avait été laissé pendu si longtemps.Note de bas de page 4167

115. Deux jours après la rencontre, le Maj Dandurand a écrit à l’OAP du SNEFC.Note de bas de page 4168 Il a fait le point sur la rencontre et indiqué ce qui suit :

[traduction]

Nous avons beaucoup de questions auxquelles répondre et nous en avons dressé une liste à partir de l’enregistrement de l’entrevue (j’ai enregistré l’entrevue afin que rien ne soit oublié ou omis de notre côté). Je prévois maintenant répondre à [ces] questions; toutefois, je tiens à envoyer mes réponses au commandant et à vous pour obtenir vos suggestions. Je vous contacterai demain.Note de bas de page 4169

116. Le même jour, le Matc McLaughlin a rédigé un courriel renfermant une liste de questions que les Fynes avaient posées durant la séance d’information.Note de bas de page 4170 Dans son témoignage, le Maj Dandurand a expliqué qu’il avait demandé au Matc McLaughlin de produire cette liste afin de s’assurer qu’ils auraient [traduction] « des références rapides » pour répondre aux préoccupations des Fynes.Note de bas de page 4171 Le Matc McLaughlin a expliqué que le courriel tentait d’énumérer et de départager les questions, et qu’il avait été rédigé sur la base des souvenirs qu’il avait de la rencontre et de son examen de l’enregistrement audio pour la partie de la rencontre qui avait été enregistrée.Note de bas de page 4172

117. Dans son courriel, le Matc McLaughlin notait que les questions énumérées étaient celles qui concernaient le SNEFC et son enquête.Note de bas de page 4173 Il ajoutait que les Fynes avaient également fait des commentaires sur le processus de la CE, mais que ceux-ci n’avaient pas été énumérés parce que le rapport de la CE n’avait pas encore été divulgué.Note de bas de page 4174 Les 15 éléments suivants étaient énumérés :

[traduction]

118. Malgré les intentions exprimées par le Maj Dandurand et ses plans initiaux de répondre à toutes les questions des Fynes, les activités de suivi ont été limitées.

119. Le Maj Dandurand a fait un suivi des questions soulevées au sujet des conclusions finales. Il a parlé au commandant du SNEFC et a suggéré que les conclusions devraient refléter la cause du décès, [traduction] « être brèves et représenter factuellement ce qui est survenu, sans exprimer d’opinions ».Note de bas de page 4176 Le 2 mars 2010, à la veille du jour où devait avoir lieu la deuxième rencontre avec les Fynes,Note de bas de page 4177 le Maj Dandurand a inscrit une note dans le dossier d’enquête de 2008 pour indiquer que le lcol Sansterre avait donné l’autorisation de modifier les conclusions finales de l’enquête.Note de bas de page 4178 Dans son témoignage, il a expliqué que cela avait probablement été fait à ce moment-là parce qu’il était en train de se rattraper dans ses tâches administratives et pour s’assurer que tout soit fait avant la deuxième rencontre, mais que cela ne correspondait pas nécessairement au moment où il avait eu une discussion avec le lcol Sansterre sur cette question.Note de bas de page 4179 Incidemment, le Matc McLaughlin a indiqué lors de son témoignage que le Maj Dandurand lui avait dit avant la pause de décembre 2009 que les conclusions finales seraient réécrites pour répondre aux préoccupations de M. Fynes.Note de bas de page 4180

120. Les nouvelles conclusions finales, également datées du 2 mars 2010 et rédigées par le Maj Dandurand, indiquaient simplement qu’il avait été déterminé, après examen de la scène et des entrevues subséquentes et en s’appuyant sur les conclusions du ML, qu’il n’y avait pas d’indice d’acte suspect dans la mort du cpl Langridge et que le décès était présumé être un suicide.Note de bas de page 4181 L’entrée correspondante dans le dossier d’EG décrivait les deux éléments jugés problématiques par les Fynes et indiquait que les conclusions seraient réécrites et que la nouvelle version constituerait les conclusions finales officielles du rapport.Note de bas de page 4182 Lors de sa rencontre du 3 mars avec les Fynes, le Maj Dandurand leur a présenté les nouvelles conclusions.Note de bas de page 4183 Il a expliqué que les conclusions originales demeureraient au dossier, mais que cette nouvelle version correspondait maintenant aux conclusions finales officielles.Note de bas de page 4184 Les Fynes ont indiqué qu’ils n’avaient pas contesté cette façon de procéder,Note de bas de page 4185 et ils ont remercié le Maj Dandurand à plusieurs reprises d’avoir modifié les conclusions.Note de bas de page 4186

121. Il y a eu également un suivi de la question des photos prises par le SNEFC de la Jeep du cpl Langridge. Lors de sa deuxième rencontre avec les Fynes, le Maj Dandurand leur avait remis les photos prises peu de temps après le décès, lesquelles pourraient être utilisées pour démontrer que la Jeep n’était pas dans le même état lorsque le régiment l’a retournée.Note de bas de page 4187 Les membres du SNEFC ont également fait enquête dans le but d’assurer un suivi des questions soulevées à propos de l’utilisation du BlackBerry.Note de bas de page 4188

122. En outre, le Maj Dandurand a porté une partie des préoccupations des Fynes à l’attention du SOFT au cours d’une réunion consacrée aux questions considérées comme périphériques à l’enquête du SNEFC.Note de bas de page 4189 Après la rencontre avec les Fynes, le Maj Dandurand avait écrit dans son carnet que les préoccupations qu’ils avaient exprimées seraient transmises aux responsables de la CE car elles n’entraient pas dans le mandat du SNEFC.Note de bas de page 4190 Au cours de sa réunion avec le SOFT, il a communiqué plusieurs des préoccupations des Fynes, notamment : les questions sur l’état de la Jeep et la remise des biens du cpl Langridge par le régiment; les coûts qu’ils avaient engagés pour faire corriger le certificat de décès du cpl Langridge; le coût des frais juridiques occasionnés par la tenue de la rencontre avec le conseiller juridique de la CE; les questions entourant l’attribution de la Croix du Souvenir aux Fynes et la reconnaissance du cpl Langridge au Mémorial du Secteur de l’Ouest; ainsi que les questions soulevées par les Fynes sur certains commentaires qu’ils avaient entendus au cours du déroulement de la CE.Note de bas de page 4191 Dans son témoignage, le Maj Dandurand a expliqué qu’il avait porté les questions qu’il [traduction] « considérait ne pas être pertinentes d’un point de vue pénal » à l’attention du SOFT parce qu’il croyait que celui-ci serait en mesure d’y remédier.Note de bas de page 4192 Toutes ces questions étaient sans rapport direct avec l’enquête antérieure du SNEFC.

123. Les préoccupations directement liées à l’enquête de 2008 n’ont pas fait l’objet du même (ou d’un quelconque) suivi. Outre les modifications apportées aux conclusions finales, il n’y a aucune preuve indiquant que des mesures ont été prises pour y répondre.

124. Lorsqu’on lui a demandé quel suivi avait été fait pour répondre aux questions soulevées par les Fynes, le Matc McLaughlin a expliqué qu’il s’était concentré à faire enquête sur les allégations relatives au PPPP.Note de bas de page 4193 Il a décrit les autres questions soulevées à propos de l’enquête 2008 comme étant de nature « administrative » et a indiqué que le Maj Dandurand était chargé du suivi de toutes ces questions.Note de bas de page 4194 Il a expliqué :

[traduction]

[C]es questions seraient traitées parce qu’elles ne sont pas des questions d’enquête, ce sont des questions administratives. Ils veulent des actions et des réponses sur certaines d’entre-elles parce qu’elles ont rapport à l’enquête menée par le caporal-chef Ritco.

[...]

Ainsi, celles-ci sont confiées au commandant du détachement pour qu’il puisse assurer la liaison avec les autorités supérieures, que ce soit au sein de notre propre chaîne de commandement ou à l’extérieur de cette chaîne de commandement, afin de déterminer comment nous allons répondre à ces questions. Donc, c’est de son ressort.Note de bas de page 4195

125. Le Matc McLaughlin n’était pas au courant de la façon dont le Maj Dandurand envisageait de répondre à ces questions.Note de bas de page 4196 Après avoir remis la liste des questions, il n’a pas été impliqué dans le suivi sur ces questions.Note de bas de page 4197 Il ne savait pas si les Fynes avaient finalement reçu une réponse quelconque avant son déploiement en mission, en janvier 2010, ou subséquemment.Note de bas de page 4198

126. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a confirmé qu’aucune réponse écrite n’avait été produite aux questions énumérées dans le courriel du Matc McLaughlin.Note de bas de page 4199 Le lcol Sansterre ne se rappelait pas avoir reçu une liste de questions des Fynes ou des réponses proposées.Note de bas de page 4200

127. Sur les 15 questions énumérées dans le courriel du Matc McLaughlin, huit ont fait l’objet d’une certaine forme de suivi ou, à tout le moins, ont été discutées entre le Maj Dandurand et le SOFT. Les sept questions restantes, ainsi que d’autres questions ne figurant pas dans la liste du Matc McLaughlin mais soulevées par les Fynes durant la rencontre – toutes directement liées à l’enquête de 2008 du SNEFC – n’ont pas été abordées. En conséquence, outre les discussions limitées qui ont eu lieu pendant la séance d’information, les questions posées sur les points suivants demeurent sans réponse :

128. Les Fynes posaient encore plusieurs de ces mêmes questions plus d’un an après, au moment où le col Gérard Blais a été nommé comme point de contact pour toutes les questions liées aux FC.Note de bas de page 4201

129. En particulier, le Maj Dandurand n’a pas repris contact avec les Fynes après la séance d’information, comme il l’avait promis, pour répondre à leur interrogation sur le fait que le corps du cpl Langridge était resté pendu pendant le traitement de la scène, ou pour expliquer pourquoi il avait fallu attendre aussi longtemps avant de le décrocher, et il n’a pas non plus posé ces questions au cplc Ritco. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a indiqué qu’il ne pouvait pas se rappeler s’il avait fourni aux Fynes une réponse à cette question.Note de bas de page 4202 Il a eu une discussion avec le cplc Ritco après la rencontre, mais il ne se souvenait pas lui avoir posé une question précise ou obtenu une explication claire au sujet du temps qui s’était écoulé avant que le corps du cpl Langridge ne soit décroché.Note de bas de page 4203 Au lieu de cela, il a indiqué qu’il avait demandé au cplc Ritco de lui fournir une description de la séquence des événements qui s’étaient déroulés.Note de bas de page 4204 Au cours de sa rencontre suivante avec les Fynes, en mars 2010, la question a été abordée à nouveau et le Maj Dandurand a indiqué qu’il ne pouvait pas expliquer le raisonnement des premiers intervenants de la PM, qui avait fait en sorte que le corps n’avait pas été décroché plus tôt, car il n’avait pas posé la question.Note de bas de page 4205 Il n’a donc pas fourni d’explication sur les raisons pour lesquelles le corps n’avait pas été décroché plus tôt après l’arrivée des enquêteurs du SNEFC. Les Fynes posaient toujours la question en janvier 2011.Note de bas de page 4206

130. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a admis que [traduction] « le suivi était clairsemé et ne correspondait pas à la norme de suivi que nous en serions venu à attendre d’un détachement du SNE ».Note de bas de page 4207 Il n’a fourni aucune information supplémentaire pour expliquer le manque de suivi de son plan initial, qui était de fournir des réponses aux questions des Fynes. Il a été interrogé pour savoir si les questions énumérées dans le courriel du Matc McLaughlin avaient été abordées lors des rencontres subséquentes avec les Fynes. En réponse, il a indiqué qu’il croyait que certaines questions avaient été discutées, mais en notant qu’il lui faudrait parcourir la liste plus attentivement pour confirmer s’il avait répondu à chacune des questions de manière spécifique.Note de bas de page 4208 Dans l’ensemble, il a indiqué durant son témoignage qu’il avait globalement l’impression que les questions énumérées avaient [traduction] « pour la plupart » été abordées au cours des rencontres ultérieures avec les Fynes.Note de bas de page 4209 Après avoir examiné les transcriptions de ces deux rencontres, il semble clair pour la Commission que même si plusieurs sujets ont été soulevés à nouveau par les Fynes – à la fois pour tenter d’obtenir des réponses et pour exprimer leur mécontentement – les discussions ont continué à porter essentiellement sur des explications ou des justifications générales.Note de bas de page 4210 Aucune autre réponse factuelle précise n’a été fournie aux questions énumérées.

Les plaintes concernant la conduite de l’enquête de 2008

131. La Loi sur la Défense nationale établit le processus qui doit être suivi lorsque des plaintes concernant la conduite de membres de la police militaire sont déposées. La Loi prévoit que ces plaintes peuvent être présentées oralement ou par écrit à un certain nombre de personnes désignées, ainsi qu’à tout « policier militaire ».Note de bas de page 4211 Le policier militaire qui reçoit la plainte a un certain nombre d’obligations, notamment, si la plainte n’est pas formulée par écrit, de la mettre par écrit, et de « veille[r] à ce qu’en soient avisés, dans les meilleurs délais » le GPFC et le président de la CPPM.Note de bas de page 4212 En vertu de la Loi, le GPFC est alors chargé de traiter la plainte (dans la pratique, ces fonctions sont déléguées au commandant adjoint du Gp PM FC).Note de bas de page 4213 Le GPFC a le pouvoir de déterminer si la plainte peut être réglée à l’amiable et de tenter une telle résolution si cela est jugé approprié.Note de bas de page 4214 Le GPFC a également le pouvoir de déterminer si une enquête portant sur la plainte est nécessaire.Note de bas de page 4215 Lorsqu’une enquête a lieu, c’est le personnel des Normes professionnelles du GPFC qui se charge de la mener, et le GPFC détermine ensuite les mesures à prendre pour régler la plainte.Note de bas de page 4216 Si le plaignant n’est pas satisfait des résultats de l’enquête du GPFC – ou de la décision du GPFC de ne pas faire enquête –il peut renvoyer la plainte à la CPPM pour examen.Note de bas de page 4217 Dans certains cas, – en particulier lorsque le président de la CPPM estime que cela servirait l’intérêt public – la CPPM, plutôt que le GPFC, aura la responsabilité de mener l’enquête initiale sur la plainte.Note de bas de page 4218

132. La politique en vigueur pour guider les membres de la PM au moment de la séance d’information fournie aux Fynes soulignait l’importance de conseiller les plaignants au sujet du processus de traitement des plaintes. Le chapitre 13 des CPTPM précisait que des membres du public communiquaient souvent avec la PM pour demander des explications sur des incidents ou des politiques spécifiques, cherchant à obtenir de l’information plutôt qu’à déposer une plainte.Note de bas de page 4219 Dans de tels cas, la politique encourageait les membres de la PM à répondre aux questions et à fournir une assistance dans la préparation d’un formulaire de plainte si la personne souhaitait toujours déposer une plainte après avoir reçu de l’information. La politique stipulait ce qui suit :

Il faut informer le plaignant que si les réponses ne le satisfont pas, la plainte sera étayée sur par lui ou par le policier militaire sur le formulaire de plainte et envoyée au Grand Prévôt adjoint – Normes professionnelles pour qu’il prenne les mesures voulues.Note de bas de page 4220 [Caractères gras ajoutés]

133. La politique réaffirmait également l’obligation légale de transmettre les plaintes au GPFC, en précisant que « si un policier militaire reçoit une plainte, il doit l’envoyer au GPFC ».Note de bas de page 4221

134. Les plaintes déposées par les Fynes au sujet de la conduite de l’enquête de 2008 n’ont pas été transmises au GPFC ou à la CPPM. Les Fynes n’ont pas été avisés, pendant ou après la séance d’information, de l’existence d’un processus de traitement des plaintes surveillé par un organisme civil.Note de bas de page 4222 M. Fynes a déclaré lors de son témoignage avoir appris l’existence d’un tel organisme plus d’un an plus tard par le biais d’une recherche sur Internet.Note de bas de page 4223 C’est après avoir fait cette découverte que les Fynes ont déposé leur plainte initiale devant la Commission, qui comprend plusieurs des allégations qu’ils avaient déjà faites au cours de la séance d’information.Note de bas de page 4224

135. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu que bon nombre des préoccupations exprimées par les Fynes lors de la séance d’information étaient des plaintes au sujet d’une enquête menée par le SNEFC.Note de bas de page 4225 Cependant, il a déclaré qu’il ne croyait pas que ces plaintes devaient être transmises aux autorités pertinentes ou traitées comme des plaintes.Note de bas de page 4226 Il a déclaré qu’il avait affaire à une famille ayant [traduction] « beaucoup de questions » et qui avait peut-être un [traduction] « manque de compréhension des enquêtes contemporaines » et de la manière dont le SNEFC menait ses enquêtes.Note de bas de page 4227 En conséquence, il a affirmé qu’il ne croyait pas que leurs commentaires constituaient des plaintes formelles, mais considérait plutôt qu’elles [traduction] « nécessitaient une discussion ».Note de bas de page 4228 Il a indiqué qu’il [traduction] « faisait une évaluation de la situation et essayait de tenir une séance d’information avec la famille ».Note de bas de page 4229 Il a expliqué :

[traduction]

Je peux dire que mon but lors de cette première rencontre était de pouvoir établir de bons rapports avec eux, de faire en sorte qu’ils quittent avec des réponses à leurs questions en sentant que leurs interactions correspondaient à ce qu’ils attendaient d’une unité des crimes graves, et non pas, au premier signe de mécontentement de leur part sur un point, de faire demi-tour en leur disant ‘c’est très bien que vous soyez venus me rencontrer, mais voici un autre numéro de téléphone où vous pourrez exprimer vos doléances’, car il était très évident à ce moment-là qu’ils n’étaient pas satisfaits de leurs interactions avec les Forces canadiennes en plus d’être frustrés, et mon objectif n’était pas de faire cela, il était -- ainsi, une des pensées qui m’a traversé l’esprit est qu’il est apparu très tôt lors de notre première interaction qu’ils connaissaient très bien -- que mon interprétation a été qu’ils connaissaient très bien les différents organismes auxquels ils avaient accès, et même si je ne leur ai pas demandé s’ils connaissaient l’existence de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, je n’avais aucun doute qu’ils la connaissaient.

C’était une hypothèse de ma part.Note de bas de page 4230

136. Le Maj Dandurand a également indiqué que, selon son expérience, avant qu’une plainte soit rapportée, les membres du SNEFC vérifiaient normalement si la personne avait l’intention de porter plainte officiellement : [traduction] « Nous posons la question : Est-ce là ce dont vous vous plaignez? ».Note de bas de page 4231 Dans ce cas, il n’a pas posé la question parce que, comme il l’a expliqué, il ne pensait pas qu’il avait affaire à des plaintes éventuelles.Note de bas de page 4232

137. Le lcol Sansterre, pour sa part, n’était pas au courant des détails de toutes les questions soulevées lors de la rencontre avec les Fynes. Il a reçu un exposé verbal du Maj Dandurand après la rencontre et il a été informé de certaines des questions des Fynes, notamment au sujet des conclusions finales, de la note de suicide, du traitement de la dépouille du cpl Langridge, ainsi que du caractère intrusif et de la durée de l’enquête de 2008.Note de bas de page 4233 Il ne pouvait pas se rappeler si l’on avait envisagé de traiter ces questions comme des plaintes à l’endroit du SNEFC et de les renvoyer aux autorités concernées.Note de bas de page 4234 Il croyait que le Maj Dandurand fournirait des réponses aux questions soulevées par les Fynes.Note de bas de page 4235 Le lcol Sansterre avait une compréhension claire des politiques et des obligations de la PM lorsque des plaintes potentielles sont reçues, mais il a expliqué que les questions que lui avait rapportées le Maj Dandurand comme ayant été soulevées par les Fynes ne lui apparaissaient pas comme des plaintes déposées par la famille, mais plutôt comme des demandes de renseignements.Note de bas de page 4236 Il a déclaré : [traduction] « qu’elles étaient des questions que [le Maj] Dandurand allait discuter avec eux – obtenir des réponses et les aborder avec eux ».Note de bas de page 4237 Il ne pouvait pas confirmer si le Maj Dandurand avait, en fait, traité de ces questions à la satisfaction des Fynes.Note de bas de page 4238

138. Après avoir examiné la séance d’information et le suivi limité subséquent, il apparait clairement à la Commission que les préoccupations des Fynes n’ont pas été abordées par les membres du SNEFC. Dans bien des cas, aucune information répondant aux préoccupations n’a été fournie. Dans d’autres cas, des explications ont été données, mais les Fynes ont indiqué en termes clairs au cours de la séance d’information elle-même et dans les rencontres ultérieures qu’ils ne les acceptaient pas.

139. Les Fynes ont ouvertement contesté les explications selon lesquelles le ML avait la responsabilité de décider quand il convenait de décrocher le corps du cpl Langridge.Note de bas de page 4239 Lors de leur rencontre du 3 mars 2010 avec le Maj Dandurand, ils ont indiqué que M. Fynes s’était renseigné auprès du Bureau du Solliciteur général de l’Alberta et qu’en conséquence, il estimait que c’était le SNEFC qui avait compétence sur ce point.Note de bas de page 4240 Ils ont réitéré leur ferme opinion qu’il avait été irrespectueux de laisser le corps du cpl Langridge pendre pendant si longtemps.Note de bas de page 4241 Au cours de la séance d’information initiale, M. Fynes a ouvertement contesté l’affirmation du Maj Dandurand selon laquelle le SNEFC abordait les scènes avec impartialité, faisant valoir plutôt que l’approche du SNEFC pour le traitement de la scène dans ce cas avait été entachée depuis le début par la conviction que le cpl Langridge était un contrevenant.Note de bas de page 4242 Il n’est pas étonnant que le Maj Dandurand ait dit lors de son témoignage qu’il n’avait pas l’impression que les Fynes étaient satisfaits des réponses données à leurs questions à propos du temps mis à décrocher le corps du cpl Langridge.Note de bas de page 4243

140. Mme Fynes a aussi indiqué clairement au cours de la séance d’information qu’elle n’acceptait pas les raisons avancées afin d’expliquer pourquoi l’enquête du SNEFC avait pris tant de temps et était si détaillée. Elle a affirmé :

[traduction]

Donc, vous me dites que [vous envisagez] au départ l’hypothèse que Stuart a peut-être été assassiné, ou que Stuart s’est peut-être suicidé, et c’est ce sur quoi vous enquêtiez pendant des mois?

Je trouve ça très difficile à croire. Je suis désolée, c’est ce que je crois.Note de bas de page 4244 [Caractères gras ajoutés]

141. Tout au long de la rencontre, elle a répété avec force qu’elle ne croyait pas que quiconque au SNEFC pensait que le cpl Langridge avait été assassiné, affirmant [traduction] « Je ne crois pas ça ».Note de bas de page 4245 Elle a dit clairement qu’elle ne voyait pas pourquoi une enquête aussi élaborée était nécessaire.Note de bas de page 4246 Il a finalement été proposé de passer à un autre sujet, M. Fynes déclarant : [traduction] « nous allons simplement convenir que nous sommes en désaccord ».Note de bas de page 4247 Plus tard au cours de l’entrevue, Mme Fynes a ajouté ce qui suit, laissant peu de doutes sur son opinion :

[traduction]

Mais, vous savez quoi? Quand quelqu’un me dit : « Eh bien, vous savez, nous avons dû faire une vaste enquête pour nous assurer qu’il s’était suicidé », je trouve cela offensant. Comme je l’ai dit, tout le monde sur la base savait que Stuart s’était suicidé. Tout le monde. Vous n’aviez pas besoin de faire ça.Note de bas de page 4248 [Caractères gras ajoutés]

.

142. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu qu’il ne croyait pas que cette question ait été ou pouvait être résolue par des discussions. Il a expliqué :

[traduction]

Et nous tournions en rond et en rond et en rond, discutant de ça pour être juste d’accord sur le fait que nous étions en désaccord.

[...]

Mais au bout du compte, ce n’était pas une question qui, à mon avis, allait être facilement résolue.Note de bas de page 4249

143. En ce qui concerne la note de suicide, les Fynes ont déclaré qu’ils ne considéraient pas les expressions de regret du Maj Dandurand comme une excuse pour ce qui s’était passé, et encore moins une excuse suffisante ou adéquate.Note de bas de page 4250 Au cours de la séance d’information elle-même, Mme Fynes a interrompu l’explication du Maj Dandurand sur les changements de politique, en déclarant : [traduction] « Mais qu’est-ce que cela fait pour nous? Quel est l’impact sur ce que nous ressentons? »Note de bas de page 4251 Elle a ensuite dit clairement qu’elle n’avait pas accepté les explications fournies sur les raisons pour lesquelles la note n’avait pas été divulguée immédiatement :

[traduction]

D’accord, je vais seulement dire cela une fois, puis j’en aurai terminé avec la question de la note, parce que je ne me laisserai pas convaincre d’envisager cela autrement que de la façon dont je l’envisage déjà : D’accord, mon fils a eu une dernière communication avec moi. Je ne crois pas une seconde, et je ne vais jamais croire, que quiconque sur cette base ait pensé qu’il y avait eu autre chose qu’un suicide dans cette chambre ce jour-là. Et je ne crois pas que qui que ce soit, même pour un bref instant, ait pensé cela. Et je pense que s’attendre à ce que nous y croyons -- je pense que c’est presque une insulte à notre intelligence.

[...]

Je crois que -- je crois que c’était cruel, je pense que c’était vraiment cruel. Je pense que, tout au plus, tout ce dont vous aviez besoin était une copie de cette note [...]Note de bas de page 4252 [Caractères gras ajoutés]

144. Le Maj Dandurand était conscient que ses explications n’avaient pas apaisé les préoccupations des Fynes. Dans son témoignage, il a confirmé [traduction] « qu’il y avait une atmosphère de mécontentement durant toute cette discussion ».Note de bas de page 4253 Il a également discuté de cela avec l’OD des Fynes, le Maj Parkinson, lors d’une entrevue en mars 2010. Il a alors indiqué que les Fynes avaient été informés à plusieurs reprises que la note n’aurait pu avoir une quelconque incidence sur les arrangements funéraires parce que la détermination relative à un éventuel acte suspect n’avait pas encore été faite à ce moment, mais qu’ils continuaient à soulever cette question et [traduction] « [...] à insinuer qu’ils auraient dû être informés immédiatement – ».Note de bas de page 4254

145. M. Fynes a aussi fermement maintenu sa plainte au sujet de l’approche initiale du SNEFC dans cette affaire et de l’impact qu’il croyait que cela avait eu sur le certificat du ML, en dépit des explications du Maj Dandurand.Note de bas de page 4255

146. En ce qui concerne les conclusions finales, M. Fynes a exprimé ses préoccupations de façon vigoureuse au cours de la rencontre. Il avait allégué que les conclusions étaient [traduction] « partie intégrante de l’avilissement du [cpl Langridge] » et visaient à le blâmer pour son état et son décès tout en disculpant du même coup l’armée.Note de bas de page 4256 Il s’était plaint non seulement de la présence continue de ces conclusions dans le rapport, mais du fait qu’elles avaient été arrêtées dès le début. Il avait demandé directement des excuses : [traduction] « [...] je voudrais voir cela corrigé, et je voudrais que l’on s’excuse pour cela. L’erreur est humaine, la dissimulation est inexcusable ».Note de bas de page 4257 Les mesures prises par le SNEFC en réponse à ces plaintes ont été de supprimer des conclusions finales les mentions concernant la toxicomanie, les problèmes de santé mentale et l’assistance fournie par l’Unité.Note de bas de page 4258 Cependant, il n’y a eu aucune reconnaissance que les premiers commentaires qui se trouvaient dans les conclusions étaient erronés sur le fond, et aucune excuse n’a été présentée pour le fait qu’ils aient été initialement inclus dans le rapport. Il n’est pas surprenant que cette question ait continué à faire partie des plaintes des Fynes.Note de bas de page 4259 Dans son témoignage devant la Commission, M. Fynes a déclaré que, bien que les conclusions aient été [traduction] « officiellement supprimées » dans le rapport, [traduction] « elles reflétaient un état d’esprit qui disculpait l’armée et imputait le blâme à la victime ».Note de bas de page 4260 Compte tenu de la manière dont les Fynes avaient exprimé leurs préoccupations au cours de la séance d’information, il était à prévoir que simplement modifier les conclusions sans admettre aucune erreur ne serait pas suffisant pour régler cette plainte.

147. À la lumière de ce qui précède, il est étonnant que les membres du SNEFC aient continué à considérer les plaintes des Fynes comme des demandes de renseignements ou des sujets qui pourraient être abordés ou réglés par la discussion. Il est difficile de comprendre pourquoi ils n’ont pas rapporté ces plaintes une fois qu’il est devenu clair que les Fynes n’acceptaient pas les explications fournies, qu’aucune autre mesure ne serait prise pour fournir des renseignements supplémentaires, et que les Fynes continuaient à réitérer leurs préoccupations. Cela dit, sur la foi des témoignages entendus, la Commission conclut qu’il n’y a pas eu de tentative délibérée de faire échouer le processus de traitement des plaintes dans ce cas. Il semble plutôt que cet aspect ait été négligé au beau milieu d’une tentative pour traiter des multiples questions soulevées au cours de la séance d’information – certaines étant liées à de nouvelles plaintes nécessitant une enquête du SNEFC, d’autres ayant trait à la conduite de membres des FC sans lien avec le SNEFC, et d’autres encore directement liées à l’enquête antérieure du SNEFC. Il semble également que le Maj Dandurand et le lcol Sansterre avaient la conviction sincère (mais erronée) que pour résoudre ces questions, il suffisait d’en discuter. En outre, la connaissance qu’avait le lcol Sansterre de l’ensemble des questions soulevées n’était pas aussi complète ou détaillée.

148. Néanmoins, que le Maj Dandurand ait tenté de répondre aux préoccupations des Fynes directement était problématique. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas enquêté sur ce qui préoccupait les Fynes dans l’enquête de 2008, le Matc McLaughlin a déclaré :

[traduction]

Regardons cela d’abord sous l’angle de la transparence. Maintenant j’ai travaillé avec le sergent Ritco, j’ai parlé avec le sergent Ritco à ce moment, pendant tout le temps que j’ai été au SNE, Ritco a été là aussi. Ainsi, (a) il y a un conflit d’intérêt si j’enquête sur un des enquêteurs avec qui je travaille, cela n’a pas de sens, je ne peux pas le faire.

[...]

Donc, je me suis concentré sur les allégations réelles présentées, les nouvelles allégations au sujet de la non-exécution de tâches militaires. Ainsi, cela ne m’amènerait pas à faire enquête afin de déterminer si le sergent Ritco avait fait du bon travail, du mauvais travail, un travail à moitié bâclé, des choses comme ça, cela ne m’amènerait pas là, donc – et cela a du sens.Note de bas de page 4261 [Caractères gras ajoutés]

149. Tandis que le Matc McLaughlin croyait que le Maj Dandurand, en tant que commandant du détachement, pouvait faire enquête et répondre à ces questions,Note de bas de page 4262 le fait est que les plaintes des Fynes portaient sur la conduite de membres du SNEFC que le Maj Dandurand connaissait aussi personnellement. Certaines des allégations étaient très graves, mettant en cause l’intégrité et les motivations des enquêteurs.

150. Le Maj Dandurand avait déjà exprimé des opinions tranchées sur l’intégrité des membres ayant participé à l’enquête. Dans un courriel à l’OAP du SNEFC daté du 18 juin 2009, il avait écrit :

[traduction]

En bref, l’enquêteur et l’équipe de gestion du cas ont tout fait de bonne foi et en aucun moment le bien-être de la famille n’a été écarté. [...] L’insistance de M. Pugliese à demander des mesures disciplinaires doit être freinée, car il serait tout à fait inapproprié de prendre des mesures contre quiconque dans ce cas. Croyez-moi, s’il y avait une action disciplinaire appropriée qui devait être recommandée et appliquée, je serais le premier à le dire.Note de bas de page 4263

151. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a discuté du fondement des convictions exprimées dans cette correspondance et a réitéré son point de vue :

[traduction]

Le fondement serait que les enquêteurs avec qui j’ai eu le plaisir de travailler ont toujours agi de bonne foi et n’auraient eu aucune arrière-pensée dans tout ce qu’ils auraient jamais eu à faire.Note de bas de page 4264

152. Il a également partagé certaines de ces opinions avec les Fynes au cours d’une rencontre tenue ultérieurement avec eux en mars 2010, affirmant :

[traduction]

Pour le [cplc Ritco], il a tout abordé avec énergie, et je peux vous dire que, de tous mes enquêteurs, il est l’un des plus -- bien, il est l’un des plus compétents que j’ai.Note de bas de page 4265

153. Il y a une raison pour avoir un processus distinct de traitement des plaintes. L’examen des plaintes par une section des Normes professionnelles distincte, supervisée par un organisme indépendant, donne aux plaignants une certaine confiance que leurs plaintes seront examinées et réglées objectivement et de manière indépendante. Compte tenu de ses relations professionnelles avec les personnes faisant l’objet des plaintes, la participation du Maj Dandurand ne pouvait pas offrir ces mêmes garanties, quelle que soit la sincérité ou la bonne foi qui aient motivé ses efforts.

154. Certains des événements dont se plaignaient les Fynes sont survenus après que le Maj Dandurand ait assumé le commandement du détachement et soulevaient des questions qui pouvaient relever de sa responsabilité. Les plaintes concernant l’omission de retourner des éléments de preuve dans un délai raisonnable après la clôture de l’enquête et l’omission de divulguer la note de suicide pendant 14 mois étaient liés à des événements qui s’étaient produits ou poursuivis après juillet 2008, lorsque le Maj Dandurand avait pris le commandement du détachement.Note de bas de page 4266 En tant que commandant du détachement, ses responsabilités englobaient la conduite des inspections semestrielles des éléments de preuve conservés,Note de bas de page 4267 qui pourraient avoir eu un impact sur la remise de la note de suicide et d’autres pièces.Note de bas de page 4268 En conséquence, le traitement des plaintes des Fynes sur ces points pourrait avoir mis en question – directement ou indirectement – la propre conduite du Maj Dandurand depuis qu’il avait pris le commandement du détachement.

155. Pour toutes ces raisons, il est inquiétant de constater que lorsque les Fynes ont présenté leurs plaintes, le Maj Dandurand ait entrepris de faire lui-même sa propre tentative en vue de résoudre les problèmes. Que le Maj Dandurand ait fait mention, lors de son témoignage devant la Commission, de sa propre évaluation du bien-fondé des plaintes des Fynes pour expliquer pourquoi il ne les avait pas rapportées est tout aussi préoccupant. Il a affirmé :

[traduction]

Je pense que si j’avais cru à ce moment qu’il y avait un écart marqué par rapport aux pratiques normales, j’aurais alors renvoyé le dossier à un autre organisme pour qu’il enquête ou j’aurais recommandé [sic] que nous nous chargions nous-mêmes de faire enquête.Note de bas de page 4269

156. En revanche, le lcol Sansterre a déclaré que la perception par un membre de la PM que la plainte n’était pas fondée ne constituerait pas un motif légitime pour ne pas renvoyer la plainte aux autorités compétentes.Note de bas de page 4270 En effet, à la fois la Loi sur la Défense nationale et la politique de la PM applicable à l’époque stipulaient clairement que la décision de qualifier une plainte de frivole, vexatoire et/ou de mauvaise foi – et ne nécessitant donc pas une enquête plus approfondie ou une résolution – appartenait au GPFC et non au membre de la PM recevant la plainte.Note de bas de page 4271 En outre, la connaissance qu’avait le Maj Dandurand des faits pertinents aux questions soulevées par les Fynes n’était pas suffisante pour lui permettre d’évaluer s’il y avait un [traduction] « écart marqué par rapport aux pratiques normales » dans ce cas.

157. Les plaintes des Fynes auraient dû être renvoyées pour enquête. À tout le moins, les Fynes auraient dû être informés des recours à leur disposition par le biais du processus de traitement des plaintes.

Relations publiques et séances d’information avec la famille

158. Dans une affaire comme celle-ci, il était inévitable que le SNEFC s’inquiète d’une éventuelle publicité négative. Tout au long des événements dans le cas présent, l’attention des médias a toujours suscité une intense activité au SNEFC afin de fournir des réponses et de mettre en place de nouvelles mesures, à la fois au niveau des procédures internes et pour communiquer avec les Fynes.Note de bas de page 4272 Ces préoccupations pourraient ne pas avoir été totalement absentes de l’esprit du lcol Sansterre lorsqu’il a donné instruction au Maj Dandurand de fournir de l’information aux Fynes, ou de l’esprit du Maj Dandurand lorsqu’il l’a fournie.

159. La divulgation tardive de la note de suicide en juin 2009 a suscité l’attention des médias. Le Maj Dandurand et le lcol Sansterre avaient tous deux été impliqués dans la préparation des réponses aux médias sur cette question.Note de bas de page 4273 Le premier contact avec les Fynes et l’offre initiale de fournir la séance d’information font partie des efforts visant à améliorer les relations à la lumière de ce qui s’était passé. Le lundi matin qui a suivi immédiatement la séance d’information, le Maj Dandurand a écrit à l’officier des affaires publiques du SNEFC, lui demandant : [traduction] « Veuillez me dire que je ne suis PAS dans les journaux ce matin, après la séance d’information que j’ai donnée à la famille samedi ».Note de bas de page 4274 Il a ensuite décrit la séance d’information, indiquant que la discussion avait duré environ quatre heures et demie, que la famille avait très bien exposé ses points et n’avait pas haussé le ton. Il a conclu : [traduction] « De ce point de vue, je crois que l’objectif de la rencontre a été atteint ».Note de bas de page 4275 Il a également indiqué qu’il avait l’intention de fournir ses ébauches de réponses aux questions des Fynes à la fois au commandant du SNEFC et à l’OAP pour obtenir leur rétroaction.Note de bas de page 4276 Le lcol Sansterre avait aussi demandé l’avis de l’OAP sur ses communications antérieures avec les Fynes.Note de bas de page 4277 Dans les deux cas, l’OAP a déclaré lors de son témoignage qu’il n’était pas habituel qu’elle soit consultée pour donner son opinion sur les communications avec les familles.Note de bas de page 4278 Elle croyait qu’on avait sollicité son avis à propos de la formulation des mots ou de [traduction] « la façon dont les choses sont dites » en raison de l’intérêt que les médias avaient accordé antérieurement à cette affaire.Note de bas de page 4279

160. Les membres du SNEFC concernés ne peuvent être blâmés d’aucune façon pour avoir reconnu la réalité évidente des relations publiques. Il n’était certainement pas inapproprié qu’ils aient voulu préserver l’image du SNEFC et tenter de la réhabiliter aux yeux des Fynes, en raison à la fois de la fierté qu’ils éprouvent pour l’institution qu’ils servent et du fait qu’ils sont conscients de l’attention potentielle du public ou d’une éventuelle publicité négative. Cependant, à certains moments, parce que l’on considérait que cette question pouvait attirer l’attention des médias et être embarrassante, le souci de préserver l’image du SNEFC semble être devenu exagéré. Tout au long des événements qui sont survenus avant, pendant et après la séance d’information, on peut constater qu’une trop grande importance a parfois été accordée à cet aspect, au détriment d’autres exigences clés. Les efforts étaient souvent consacrés à défendre les actions du SNEFC au lieu de fournir des réponses substantielles.

161. En préparation pour la séance d’information, le Maj Dandurand a examiné attentivement les passages expurgés du dossier dans le but de rassurer les Fynes sur le fait que rien n’avait été expurgé qui ne devait pas l’être. On a demandé au Matc McLaughlin de procéder à un examen détaillé des pièces encore conservées afin de pouvoir donner aux Fynes l’assurance qu’aucune pièce qui aurait dû leur être retournée n’était encore conservée. Pendant ce temps, aucun effort n’a été fait dans le but de trouver les raisons pour lesquelles la note de suicide de leur fils ne leur a pas été divulguée pendant 14 mois, et pourquoi aucune réponse ne leur a été fournie à ce sujet.

162. Dans le suivi effectué après la séance d’information, la seule mesure prise pour répondre aux préoccupations des Fynes sur l’enquête de 2008 du SNEFC a été exécutée d’une manière qui évitait expressément de reconnaître toute erreur sur le fond. Dans la note ajoutée au dossier d’EG pour expliquer les modifications apportées aux conclusions finales, les passages à supprimer étaient décrits et accompagnés de la mention suivante : [traduction] « bien que ceux-ci peuvent avoir été découverts au cours du processus d’enquête, ces faits ne sont pas directement liés à l’objectif principal de l’enquête, tel que défini dans le plan d’enquête ».Note de bas de page 4280 À la fois en conversant avec les Fynes et lors de son témoignage devant la Commission, le Maj Dandurand a expliqué la suppression des commentaires en faisant référence à leur pertinence plutôt qu’à leur exactitude factuelle.Note de bas de page 4281

163. Ce raisonnement qui a présidé à la modification des conclusions n’a pas comporté un examen des plaintes sous-jacentes formulées par les Fynes, qui affirmaient que les commentaires eux-mêmes étaient inexacts et peut-être même biaisés. En outre, la notion selon laquelle les commentaires n’étaient pas pertinents à l’enquête ou liés à son objectif principal laisse perplexe. Les commentaires portaient sur la toxicomanie, la santé mentale et le soutien fourni par l’Unité. Tous ces aspects étaient directement liés à ce qui était, en fait, l’objet de l’enquête, à la fois dans son exécution et tel que représenté dans le plan d’enquête.Note de bas de page 4282 Dans leurs conclusions finales, les avocats des personnes visées par la plainte ont défendu les conclusions finales originales et expliqué les raisons pour lesquelles elles avaient été modifiées, comme suit :

[traduction]

Le [cplc] Ritco a écrit dans ses conclusions finales que le cpl Langridge « souffrait de dépendance à l’alcool et à la cocaïne, ce qui l’a amené à avoir des problèmes de santé mentale ». Ces déclarations sont fondées sur les éléments de preuve qu’il avait devant lui provenant des dossiers médicaux et de l’explication des dossiers qu’il a reçus du [Capt] Hannah...

Le [cplc] Ritco avait mis ces détails dans son rapport pour fournir à ceux qui le liraient une compréhension de l’information qu’il avait recueillie concernant ce qui était arrivé au cpl Langridge. Ce n’était pas pour discréditer le cpl Langridge en aucune façon. Par compassion pour les Fynes, les conclusions finales ont été modifiées ultérieurement. [...] Note de bas de page 4283 [Caractères gras ajoutés]

164. Cette tentative de satisfaire ou d’apaiser les Fynes sans admettre aucune erreur était conforme à l’approche globale de la séance d’information.

165. Au cours de la séance d’information elle-même, des références aux pratiques et aux procédures générales plutôt qu’aux faits précis de cette affaire ont été utilisées pour défendre la conduite antérieure du SNEFC. Cela n’est pas surprenant puisque les deux membres qui ont présenté la séance d’information n’avaient pas participé à l’enquête et n’avaient pas reçu un exposé détaillé de la part de ceux qui avaient été impliqués. Dans bien des cas, ils n’auraient pas été conscients que certaines de leurs déclarations générales ne représentaient pas fidèlement la façon dont les choses s’étaient déroulées effectivement au cours de l’enquête. Recourir à des membres ayant une meilleure connaissance de l’affaire aurait pu rendre les discussions plus concrètes et significatives, mais la décision a été prise de ne pas le faire.

166. Au moment de la séance d’information donnée aux Fynes, le SNEFC n’avait pas de politique précise sur les séances d’information fournies aux familles dans le cas des enquêtes sur une mort subite. Comme l’a expliqué le Maj Dandurand, la pratique voulait que de telles séances d’information soient menées par des officiers supérieurs, plutôt que par les enquêteurs impliqués. L’IPO du SNEFC élaborée subséquemment stipule expressément que les contacts avec la famille et les séances d’information doivent être faites en personne par un membre du détachement ayant le grade d’adjudant ou un grade supérieur, nommé par le commandant du détachement.Note de bas de page 4284 On ne connaît pas les raisons à l’origine de cette politique ni la pratique similaire suivie auparavant.

167. Le sgt Scott Shannon, qui a participé à la rédaction de l’IPO, a indiqué lors de son témoignage que sa compréhension des raisons pour ne pas faire participer les enquêteurs à la séance d’information initiale offerte à la famille était de veiller à ce qu’ils ne soient pas distraits de la tâche à accomplir.Note de bas de page 4285 Il n’a pas expliqué pourquoi ils n’avaient pas participé à la dernière séance d’information, si ce n’est d’indiquer que cette séance devait être menée par les membres qui avaient présenté la séance d’information initiale parce [traduction] « qu’un lien avait été établi ».Note de bas de page 4286

168. Lors d’une conférence des commandants de détachement du SNEFC tenue en mai 2011, le commandant du détachement de la Région de l’Atlantique, qui avait été chargé d’élaborer la nouvelle IPO traitant des enquêtes sur une mort subite, a présenté un exposé sur les séances d’information à l’intention des familles.Note de bas de page 4287 Il a noté que le transfert à la chaîne de commandement de la responsabilité des contacts avec la famille avait enlevé aux enquêteurs une source de distractions durant leur enquête.Note de bas de page 4288 En ce qui concerne la dernière séance d’information, il a déclaré qu’il revenait à la chaîne de commandement de décider qui devait la présenter.Note de bas de page 4289 Il a indiqué que l’enquêteur principal pouvait présenter la séance d’information, mais en précisant qu’il devrait [traduction] « s’en tenir [au] script » de façon rigoureuse.Note de bas de page 4290 Il a aussi noté que lorsque « la famille entre en interaction, la chaîne de commandement intervient et traite avec celle-ci ».Note de bas de page 4291

169. Quelles que soient les raisons pour lesquelles il reviendrait à des membres de rang supérieur de présenter les séances d’information à la famille, il est peu probable qu’ils aient une connaissance factuelle détaillée de l’affaire ou soient en mesure de fournir des réponses complètes et précises aux questions de la famille. La Commission ne voit aucune raison de ne pas faire participer l’enquêteur principal à la séance d’information finale destinée à la famille dans tous les cas où cela est possible. Même lorsque l’enquêteur a changé de poste ou de détachement, on devrait s’efforcer de le faire participer à la séance d’information.

170. Dans la mesure où l’approche du SNEFC pour la séance d’information présentée aux Fynes était motivée en partie par le souci de préserver l’image du SNEFC, on peut seulement constater qu’elle a été complètement improductive. Les Fynes se sont plaints à la Commission que le SNEFC ne leur avait pas fourni des renseignements adéquats en temps opportun et qu’il avait participé aux efforts plus vastes des FC en vue de ne pas divulguer certains renseignements.Note de bas de page 4292 Ils ont également fait valoir que les membres du SNEFC avaient fourni des justifications erronées pour expliquer ou justifier les mesures prises par le SNEFC, se référant spécifiquement aux explications avancées à propos de la note de suicide, au traitement de la dépouille du cpl Langridge, aux renseignements contenus dans le certificat du ML et au retour des pièces constituant la preuve.Note de bas de page 4293 Bien que certaines allégations en lien avec ces plaintes ne concernaient pas uniquement – et, dans certains cas, aucunement – les discussions qui ont eu lieu au cours de la séance d’information de novembre 2009, une bonne part de ces discussions ont contribué à créer l’impression chez les Fynes –justifiée dans certains cas – que les renseignements qui leur étaient fournis n’étaient pas complets ou exacts, que leurs questions ne recevaient pas les réponses attendues, et que les explications qu’ils refusaient d’accepter leur étaient offertes pour justifier le comportement du SNEFC.

171. La Commission reconnaît que l’exaspération des Fynes s’était déjà sensiblement cristallisée au moment où cette séance d’information a eu lieu, en partie à cause de l’omission du SNEFC de communiquer avec eux plus tôt et en partie à cause des autres problèmes qu’ils éprouvaient avec les FC. Par conséquent, il aurait été difficile, voire impossible, de répondre entièrement à leurs préoccupations ou de changer leur point de vue. Néanmoins, il n’était pas inévitable que la séance d’information échoue entièrement à répondre aux préoccupations des Fynes. À tout le moins, elle aurait pu être approchée d’une manière qui aurait évité de faire surgir de nouvelles préoccupations.

172. Même en tenant compte de toutes les difficultés rencontrées par le SNEFC, l’approche adoptée pour répondre aux préoccupations des Fynes est difficile à comprendre. Dans le cas présent, installer les Fynes dans une pièce avec deux membres du SNEFC qui n’avaient pas une connaissance suffisamment détaillée du dossier de leur fils, qui leur ont fourni des justifications générales au lieu de répondre à leurs questions, et qui leur ont promis des réponses qu’ils n’ont jamais transmises constituait le pire scénario possible. Cela ne pouvait qu’exacerber une situation déjà tendue. Malheureusement, les réponses fournies aux plaintes des Fynes sur la conduite passée du SNEFC n’ont souvent servi qu’à illustrer l’importance d’avoir un processus distinct pour faire enquête sur les plaintes.

4.5.4 Les enquêtes de 2009 et de 2010 – Entrevues, mises à jour et séance d’information

173. Au cours de la séance d’information de novembre 2009, en plus des questions soulevées à propos de l’enquête de 2008, les Fynes ont également discuté de leurs préoccupations au sujet de la désignation de Mme A comme PPPP du cpl Langridge, ce qui lui donnait l’autorité de planifier ses funérailles.Note de bas de page 4294 Un enquêteur du bureau de l’ombudsman du MDN/FC avait aussi porté cette question à l’attention du SNEFC.Note de bas de page 4295

174. Quelques semaines après la séance d’information de novembre, soit le 12 février 2010, le Maj Dandurand a contacté M. Fynes pour l’aviser que le SNEFC avait décidé d’ouvrir une enquête sur les allégations de négligence dans la détermination du PPPP du cpl Langridge.Note de bas de page 4296 Il a également indiqué que le cplc David Mitchell remplacerait le Matc McLaughlin, qui avait été envoyé en mission depuis la dernière rencontre.Note de bas de page 4297 Peu de temps après, le 3 mars 2010, une entrevue a eu lieu avec les Fynes pour discuter de cette nouvelle enquête (l’enquête de 2009 sur le PPPP).Note de bas de page 4298 Le 5 mai 2010, une autre entrevue a eu lieu pour discuter d’une autre nouvelle enquête, l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle.Note de bas de page 4299 Ces enquêtes sont restées ouvertes jusqu’au printemps de 2011, lorsque les Fynes ont reçu une lettre expliquant la décision du SNEFC de ne pas porter d’accusations dans ces dossiers.

175. Au cours de la présente procédure, les Fynes ont formulé des allégations précises sur l’omission du SNEFC de leur communiquer des renseignements adéquats et actuels au cours des enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 4300 Ils se sont notamment plaints du manque de mises à jour ou de communications régulières, de l’annulation d’une séance d’information verbale sur les enquêtes, du retard à fournir la note d’information écrite offerte en remplacement, et du contenu de cette séance d’information.Note de bas de page 4301

176. La preuve qui se trouve devant la Commission a révélé qu’il y a eu clairement un manquement de la part des membres du SNEFC à entretenir des contacts réguliers et à fournir des renseignements aux Fynes au cours de ces enquêtes. Pour aggraver les choses, les membres du SNEFC ont pris des engagements directs envers les Fynes sur les mises à jour qu’ils fourniraient et la manière dont ils allaient effectuer les enquêtes. Aucun de ces engagements n’a été respecté et les Fynes n’ont reçu aucune explication.

Les entrevues et les promesses

177. Lors de l’entrevue du 3 mars 2010, les préoccupations et les allégations des Fynes au sujet de la question du PPPP ont été discutées en détail.Note de bas de page 4302 Le Maj Dandurand a fait plusieurs déclarations au sujet de l’enquête à mener. Il a indiqué :

[traduction]

[...] nous avons des documents et, très franchement, les documents nous amènent seulement jusqu’à un certain point, à mon avis.

Et en tant qu’enquêteur, je veux découvrir autant que je peux sur ce qui s’est passé au sujet de cette décision sur le PPPP.

Nous avons tellement examiné de choses que nous avons fait des hypothèses, mais ces hypothèses doivent être mises en veille, afin que nous traitions exactement de ce qui s’est passé, parce que tout l’intérêt de l’enquête est d’arriver à la vérité sur ce qui s’est produit.Note de bas de page 4303 [Caractères gras ajoutés]

178. Le Maj Dandurand avait dit aux Fynes que le SNEFC procéderait à des entrevues afin de savoir comment la décision du PPPP avait été prise. Il a déclaré qu’il [traduction] « allait fouiller, et demander à tout le monde ce qui s’était passé et pourquoi, au sujet de la décision relative au plus proche parent ».Note de bas de page 4304 Il a expliqué que le SNEFC interrogerait ceux qui étaient impliqués dans la décision de savoir comment et pourquoi elle avait été prise.Note de bas de page 4305 Lorsque Mme Fynes a suggéré que le lcol Bruce King, l’officier du JAG qui avait écrit à leur avocat, devrait être sur la liste des personnes à interroger, le Maj Dandurand avait indiqué qu’il était [traduction] « déjà là, ne vous inquiétez pas ».Note de bas de page 4306 Il avait également déclaré que le SNEFC interrogerait le cpl Rohmer et l’officier désigné de Mme A.Note de bas de page 4307 Lorsque les Fynes ont dit craindre que les renseignements fournis au SNEFC par les témoins ne soient pas complets et exacts, le Maj Dandurand leur a assuré que les techniques d’entrevue appropriées seraient utilisées :

[traduction]

Mais Sheila, je veux aussi que ceci soit clair, afin, je l’espère, d’apaiser certaines de vos -- peut-être de vos inquiétudes, Je suis assez libre dans la façon dont nous parlons ici, mais certains de nos témoins ne vont pas avoir ce luxe, de parler aussi librement.

Il y aura une entrevue très structurée. Nous allons utiliser -- nous allons utiliser tous les outils d’enquête. [...] Donc, vous savez, ce que j’aime penser -- mes charmes et ma bonne mine ne seront pas au premier plan, ce sera certainement nos tactiques d’enquête les plus avancées.Note de bas de page 4308 [Caractères gras ajoutés]

179. Le Maj Dandurand a également discuté de la liste des personnes sur lesquelles le SNEFC avait l’intention d’enquêter. Il a noté que l’adjudant du régiment n’était pas la seule personne d’intérêt, en soulignant, [traduction] « il y a une chaîne de commandement ».Note de bas de page 4309 Il a expliqué qu’il ne croyait pas qu’une seule personne aurait pris la décision dans un cas comme celui-ci, et a noté que le SNEFC se pencherait sur le rôle joué par le greffier en chef, le SMR, le commandant de l’escadron du cpl Langridge, et le commandant du régiment.Note de bas de page 4310

180. En outre, le Maj Dandurand a expliqué que des changements administratifs pourraient résulter de l’enquête du SNEFC, même si des accusations n’étaient pas portées :

[traduction]

L’un des -- l’une des choses intéressantes -- [...] qui ressortent d’une enquête criminelle de la police militaire, ou d’une enquête sur une infraction au code de discipline militaire, est que, par exemple, si aucune accusation n’est portée, cela ne signifie pas -- [...] que tout s’arrête là. [...]

[C]e qui est livré avec mon rapport ce n’est pas uniquement, « Ouais, nous ne pouvions rien faire ». J’ai mis une lettre d’accompagnement à ce sujet, elle va à chaque commandant, elle va à tous les départements au QGDN et -- inutile de préciser que toutes les autres choses qui en ressortent sont prises en compte dans le rapport. C’est ce qu’il y a de merveilleux au sujet du rapport. Même si une accusation n’est pas déposée, toutes les données sont là, tous les éléments de preuve sont là pour dire : « Vous savez quoi? La raison pourquoi -- je ne peux pas prouver que vous avez volé cette arme, mais je peux prouver ceci : une unité a été négligente dans ses consignes administratives pour perdre cette arme ». [...]

Donc, alors qu’ils ne sont pas coupables de négligence criminelle, ils sont administrativement négligents, et tout d’un coup, on commence à taper des doigts, et des procédures se mettent à changer, et cette unité est soumise à une vérification tous les six mois pour les deux prochaines années.

Mon point étant que, même dans ce cas particulier, hypothétiquement, si je ne peux pas satisfaire aux éléments de l’infraction pour négligence, un de mes facteurs déterminants dans cela est que quelqu’un aurait dû savoir que les premiers plus proches parents, était M. et Mme Fynes.Note de bas de page 4311 [Caractères gras ajoutés]

181. Mme Fynes a dit lors de son témoignage que ce qu’elle avait retenu de cette rencontre était que le SNEFC enquêtait toujours sur la question.Note de bas de page 4312 Elle a déclaré qu’elle et M. Fynes ont dit aux membres du SNEFC qu’ils avaient encore beaucoup de questions, et les membres du SNEFC leur ont assuré qu’ils étaient toujours en train d’enquêter et qu’ils leur fourniraient éventuellement des réponses.Note de bas de page 4313

182. Au cours de la rencontre suivante, qui s’est tenue le 5 mai 2010, l’enquête sur le PPPP a été discutée de nouveau. Le cplc Mitchell a dit aux Fynes qu’il essayait de déterminer quand la décision sur le PPPP avait été rendue et par qui.Note de bas de page 4314 Il a indiqué qu’il achevait son examen de l’ES relatif à l’administration postérieure au décès du cpl Langridge et a noté qu’en conséquence, la liste des personnes qu’il envisageait d’interroger [traduction] « s’allongeait de jour en jour ».Note de bas de page 4315 Il a expliqué que les renseignements qu’il avait examinés lui avaient permis d’identifier d’autres personnes qui pourraient avoir été impliquées dans la décision relative au PPPP et il a indiqué qu’il se servait de l’ES pour préparer ses propres entrevues et trouver des renseignements qu’il pourrait utiliser pour confronter les témoins si nécessaire.Note de bas de page 4316 Le Maj Dandurand a également dit aux Fynes :

[traduction]

Maintenant, l’information peut être dans une enquête sommaire; cependant, si quelqu’un a fourni des renseignements à l’enquêteur, cet enquêteur n’est pas un policier militaire. Nous avons besoin d’aller parler à cette personne. Et nous avons, comme vous le savez, une façon de poser les questions -- [...] et de traiter avec les choses et les enquêtes, et c’est aussi, en grande partie, à l’appui de notre indépendance, parce que nous pourrions ne pas arriver à la même conclusion ou formuler les mêmes théories qu’une enquête sommaire.Note de bas de page 4317 [Caractères gras ajoutés]

183. Le Maj Dandurand a également indiqué que l’adjudant du régiment, le Capt Mark Lubiniecki, n’avait pas encore été interrogé parce que le SNEFC n’était pas [traduction] « encore arrivé à ce stade de l’enquête ».Note de bas de page 4318 Dans l’ensemble, il a assuré aux Fynes que l’enquête était menée de manière approfondie :

[traduction]

Et tout ce que je vous demande, c’est de faire preuve de patience pour que nous passions à travers ça très méthodiquement pour s’assurer qu’à la fin de l’enquête, lorsque nous compléterons notre rapport, qu’il soit final, qu’il n’y ait plus aucun point d’interrogation.

Et comme vous l’avez vu dans notre travail d’enquête, nous ne ménagerons aucun effort.Note de bas de page 4319 [Caractères gras ajoutés]

184. Le reste de l’entrevue du 5 mai a été consacré à discuter des nouvelles allégations de négligence criminelle des Fynes en lien avec la mort du cpl Langridge, lesquelles ont conduit à l’enquête de 2010.Note de bas de page 4320 Pendant l’entrevue, le Maj Dandurand a commenté ses intentions quant à la conduite de cette enquête, en affirmant :

[traduction]

Il ne fait aucun doute qu’il y aura un réexamen de tous les documents. Ce que nous voulons faire est de nous assurer que, s’il y a quelque chose qui s’est faufilé dans un témoignage de la commission d’enquête par-ci ou un bout de papier ou une preuve par-là, cela ne nous échappera pas.

Donc, nous réexaminons tout ce qui est disponible, puis nous partons à la recherche d’autres choses, comme si nous disions « Vous savez quoi, personne n’a jamais pensé à poser cette question, et nous allons le faire, nous allons recueillir ça et [...] ».Note de bas de page 4321 [Caractères gras ajoutés]

185. Le Maj Dandurand a dit aux Fynes que l’enquête serait menée en conformité avec le modèle de gestion des cas graves (GCG).Note de bas de page 4322 Il a expliqué :

[traduction]

Je regarde ça et je dis -- mon instinct en ce moment me dit que ce n’est pas une enquête majeure banale avec laquelle nous traitons, dans le sens que je peux y assigner deux enquêteurs. Je soupçonne que cela deviendra plus grand -- [...] et j’ai besoin d’analyser le travail qui doit se faire à cet égard dans le but d’enquêter sur ces trois choses ici.

Et juste sur la base de mon expérience et de mon instinct, je pense qu’il y aura plus qu’une équipe de deux hommes traitant de cela. [...]

Mais la seule chose qui est certaine, c’est que la décision d’aller dans cette voie n’est pas bureaucratique, elle est dans l’intérêt de l’efficacité en raison de la reconnaissance du fait qu’elle est si étendue.

Les trois choses qui doivent être maintenues par le gestionnaire de cas est la rapidité, l’orientation et le débit [...]

Alors, elle va procéder aussi rapidement que possible. Ce que je soupçonne dès le début, est que la recherche sera de grande envergure pour que les enquêteurs et l’équipe d’enquête puissent faire le tour de ces questions.Note de bas de page 4323 [Caractères gras ajoutés]

186. En plus de la quantité de données à examiner, le Maj Dandurand a parlé du nombre d’entrevues à mener, et de la préparation nécessaire pour ces entrevues :

[traduction]

Dans ce cas, nous avons tellement d’informations à analyser de manière systématique et à prendre en compte que nous ne voulons pas y revenir six fois, effectivement nous -- « Cela a été analysé, d’accord. Cela ne l’a pas été. OK ».

Si vous avez plus de deux gars sur une enquête, tout de suite, vous pouvez imaginer -- [...] les problèmes de communication qui vont se poser. Nous devons faire en sorte que la rapidité de l’enquête demeure maximale, que la direction de l’enquête reste centrée sur ce qui doit être fait, et que le débit, en d’autres termes la communication au sein de l’équipe, soit maintenu.

La minute où vous employez trois enquêteurs ou plus, vous entrez dans ce qui est considéré comme un modèle de gestion des cas graves pour l’enquête et dans les milieux policiers, il y a les aspects théoriques de cela qui, dans le cas présent, vont au-delà du volume d’entrevues à réaliser, pour englober la manière et l’ordre dans lequel elles doivent se dérouler.

Et comme Dave le dit, vous devez avoir fait vos devoirs de sorte que lorsque vous posez cette question, vous savez déjà quelles sont les trois réponses qui pourraient -- [...] être données lorsque vous entrez dans cette salle. Et c’est pourquoi nous faisons autant de vérifications approfondies, de sorte que lorsque nous abordons cette entrevue -- rien n’est pire, quand vous posez une question, que s’il y a une réponse surprise, non? Rien de pire.

Vous voulez connaître toute théorie ou itération possible de la réponse qui pourrait résulter de cette question, puis voir où cette réponse vous amène. Et sur la base de ce que vous supposez que certaines de ces réponses peuvent être, vous anticipez votre prochaine étape.

C’est ce que nous sommes formés à faire, et c’est pourquoi je dis que c’est énorme. C’est énorme en termes de volume d’activité qui doit se produire, et c’est aussi énorme en termes d’importance. Je veux dire, c’est pourquoi cela est confié au SNE [...]Note de bas de page 4324 [Caractères gras ajoutés]

187. Le Maj Dandurand a également assuré les Fynes que le SNEFC ne s’appuierait pas sur les conclusions de la CE.Note de bas de page 4325 Il a indiqué que puisque [traduction] « nous ne pouvons rien accepter d’emblée », le SNEFC aurait à « passer point par point, minute par minute, au travers de cette CE ».Note de bas de page 4326 Il a expliqué que les témoignages de la CE seraient examinés de façon critique et utilisés par les membres du SNEFC pour formuler leurs propres questions.Note de bas de page 4327 Il a expressément déclaré que le SNEFC rencontrerait à nouveau les témoins de la CE.Note de bas de page 4328

188. Dans l’ensemble, le Maj Dandurand s’est engagé à mener une enquête vigoureuse et approfondie :

[traduction]

Je vous fais cette promesse, si je dis qu’une accusation est justifiée et que j’ai des motifs raisonnables [probables], tels que définis par l’ensemble des pratiques de la police, je déposerai cette accusation.

De même, si je dis que l’accusation n’est pas fondée, je serai en mesure de justifier cette affirmation.

L’enquête sera menée sans parti pris, jusqu’à ce que nous obtenions la vérité. Nous allons découvrir la vérité sur ce qui s’est passé.Note de bas de page 4329 [Caractères gras ajoutés]

189. Au cours de l’entrevue du 5 mai, la question des mises à jour devant être fournies aux Fynes par le SNEFC a également été discutée. Les Fynes n’avaient pas reçu de mise à jour sur l’enquête de 2009 depuis la rencontre du 3 mars 2010.Note de bas de page 4330 Mme Fynes a indiqué qu’ils n’avaient [traduction] « aucune idée de ce qui se passe » parce qu’ils n’avaient pas été contactés.Note de bas de page 4331 Elle a ajouté qu’ils éprouvaient une grande frustration, parce qu’ils [traduction] « ne cessent d’être ignorés et ignorés et ignorés » par l’armée.Note de bas de page 4332 M. Fynes a affirmé qu’il ne se plaignait pas du manque de mises à jour du SNEFC en particulier, car ce n’était pas une chose dont ils avaient convenu avec le SNEFC, mais il a noté que le manque général d’information des FC a contribué à aggraver leur frustration.Note de bas de page 4333 Le Maj Dandurand a assuré les Fynes que le SNEFC [traduction] « augmenterait la fréquence de nos mises à jour ».Note de bas de page 4334 Il a indiqué que le cplc Mitchell pourrait appeler les Fynes toutes les deux semaines pour leur présenter une mise à jour.Note de bas de page 4335 Les Fynes ont tous deux indiqué que cela « serait formidable ».Note de bas de page 4336

190. Plus tard au cours de l’entrevue, M. Fynes a précisé qu’il n’avait pas insisté pour recevoir un appel toutes les deux semaines.Note de bas de page 4337 Au lieu de cela, il a insisté sur l’importance de recevoir des renseignements significatifs sur l’affaire, plutôt que de simples appels de courtoisie. M. Fynes voulait que le contact soit régulier, afin qu’ils ne soient pas ignorés, mais il a surtout voulu que les mises à jour soient significatives.Note de bas de page 4338 Dans son témoignage, il a expliqué : [traduction] « [...] pour être juste, je n’ai jamais demandé qu’ils se conforment à des mises à jour aux deux semaines; j’ai demandé seulement qu’ils soient réguliers, parce que j’avais été prévenu par d’autres personnes qu’un appel téléphonique vous arrivait toutes les deux semaines, mais qu’il n’y avait rien à signaler ».Note de bas de page 4339

191. Au cours de l’entrevue, il a dit aux membres du SNEFC que les mises à jour pouvaient être faites au moment [traduction] « où elles sont dues ou lorsqu’il est approprié de le faire ».Note de bas de page 4340 Il a également précisé ses attentes sur le contenu des mises à jour :

[traduction]

J’ai parlé à un autre père [...] ce père en particulier, quelques semaines auparavant nous avions eu une longue discussion, et il était mis au courant sur une base régulière, mais après plusieurs mois, la frustration s’est installée parce qu’il m’a dit qu’il recevait un appel téléphonique sur une base régulière, mais qu’aucune information n’était transmise. [...]Alors, lorsque vous utilisez le mot « information », j’aime entendre ça.

Désolé, mais s’il n’y a pas d’information ou rien de nouveau, je comprends ça, mais je ne veux pas que quelqu’un coche une case « Eh bien nous avons appelé les Fynes aujourd’hui et nous leur avons dit qu’il n’y a rien de nouveau pour eux ». Maintenant, si cela dure pendant six mois, ce n’est pas -- [...] ce n’est pas assez, Non?Note de bas de page 4341 [Caractères gras ajoutés]

192. En réponse, Le Maj Dandurand a indiqué [traduction] « absolument pas, non » et a assuré M. Fynes d’une chose, le SNEFC était « vraiment bon » quand il s’agissait « de faire avancer les dossiers ».Note de bas de page 4342

193. Le Maj Dandurand a réitéré son engagement à fournir des mises à jour régulières à plusieurs reprises au cours de l’entrevue, déclarant [traduction] « Tout ce que je peux contrôler, c’est le domaine dans lequel je fonctionne, et nous avons fait allusion au fait que nous avons manqué à notre engagement de vous tenir au courant. C’est fait. Les choses ont changé ».Note de bas de page 4343

194. Il a aussi promis qu’il y aurait un « flux ouvert de communication ».Note de bas de page 4344 Il a expliqué [traduction] « nous allons vous fournir une mise à jour. Et il se peut que pour cette période de deux semaines, elle ne soit pas aussi volumineuse que vous l’avez supposé, mais ce sera [traduction] [...] une mise à jour tout de même. Et [...] elle sera transparente; c’est la ligne de base ».Note de bas de page 4345

195. Lorsque Mme Fynes a indiqué qu’elle avait l’impression que leurs plaintes étaient [traduction] « toujours en veilleuse », le Maj Dandurand et le cplc Mitchell l’ont tous les deux assurée que le dossier n’était pas en veilleuse au SNEFC.Note de bas de page 4346 Le cplc Mitchell s’est excusé de ne pas avoir appelé les Fynes plus tôt, et leur a assuré qu’il travaillait autant qu’il le pouvait sur le dossier.Note de bas de page 4347

196. Durant l’entrevue, les Fynes ont indiqué clairement aux membres du SNEFC combien il était important pour eux de ne pas être ignorés au cours des enquêtes. Lorsque le Maj Dandurand s’est dit préoccupé que les mises à jour régulières du SNEFC ne deviennent, en leur rappelant constamment ces questions, un facteur de stress pour les Fynes, Mme Fynes a indiqué que ce ne serait pas le cas.Note de bas de page 4348 Elle a insisté [traduction] « Ce qu’il importe vraiment que vous sachiez, est que ce qui est stressant pour nous est de ne pas recevoir d’information, c’est le fait d’être ignorés. Parce que nous en avions jusque-là avec cette situation ».Note de bas de page 4349

197. En réponse, le Maj Dandurand a assuré Mme Fynes [traduction] « que cela n’arriverait pas avec nous. Et c’est pourquoi je suis ici ».Note de bas de page 4350

198. Ayant reçu ces assurances, les Fynes étaient en droit d’attendre, à tout le moins, que le SNEFC reste en contact avec eux et les tiennent informés de l’avancement des enquêtes. Ils pouvaient aussi s’attendre à ce que l’affaire soit prise au sérieux et que des enquêtes à grande échelle soient effectuées, tel que l’avait affirmé le Maj Dandurand. Alors qu’il n’aurait pas été raisonnable pour eux de s’attendre à ce que les conclusions du SNEFC correspondent à leurs souhaits, les Fynes pouvaient certainement espérer qu’on leur fournisse une explication complète de ces conclusions, fondées sur l’ensemble du travail d’enquête terminé et tous les éléments de preuve recueillis. Malheureusement, les événements ne se sont pas déroulés comme on aurait pu s’y attendre sur la base des promesses qui avaient été faites lors des entrevues.

Défaut de fournir des mises à jour régulières

199. Au cours de la période qui a suivi immédiatement l’entrevue du 5 mai 2010, un effort avait été fait pour communiquer avec les Fynes de façon régulière. Cependant, la fréquence des mises à jour a diminué rapidement, et les Fynes ont fini par recevoir très peu d’information sur les enquêtes.

200. Le 25 mai 2010, le cplc Mitchell a contacté M. Fynes pour faire une mise à jour.Note de bas de page 4351 Il a signalé qu’il avait terminé son examen des documents de l’ES pour l’enquête de 2009, et planifierait des entrevues avec des témoins sous peu.Note de bas de page 4352 En ce qui concerne l’enquête de 2010, il a signalé qu’il avait [traduction] « soumis le dossier à une révision juridique ».Note de bas de page 4353

201. Le 23 juin 2010, le cplc Mitchell a parlé à M. Fynes encore une fois, lui fournissant une [traduction] « mise à jour sur l’avancement du dossier » pour chacune des enquêtes.Note de bas de page 4354 La nature de l’information fournie n’a pas été enregistrée dans les dossiers d’EG.Note de bas de page 4355 Le lendemain, M. Fynes a contacté le cplc Mitchell par courriel pour s’enquérir de l’ES menée par les FC, et également pour exprimer son inquiétude devant la possibilité que l’ébauche du rapport de la CE ne serve à étayer l’enquête de 2010.Note de bas de page 4356 Le cplc Mitchell lui a répondu le 5 juillet 2010. Il a indiqué qu’à sa connaissance, une seule ES avait été effectuée et, en réponse aux préoccupations au sujet du rapport de la CE, il a noté que le conseiller juridique du SNEFC était [traduction] « au courant que la CE en était encore à l’étape de l’ébauche non approuvée ».Note de bas de page 4357

202. Aucun autre contact n’a été initié par le SNEFC au cours des semaines qui ont suivi. Le 16 août 2010, M. Fynes a contacté le cplc Mitchell, par courriel, une copie étant adressée au Maj Dandurand.Note de bas de page 4358 Il a noté qu’ils ne s’étaient pas parlé depuis juin et indiqué qu’il apprécierait recevoir une mise à jour.Note de bas de page 4359 Le cplc Mitchell a contacté M. Fynes le lendemain.Note de bas de page 4360 Il n’y a aucune trace dans le dossier du contenu de la conversation. Dans un courriel qu’il a envoyé au Maj Dandurand à l’époque, le cplc Mitchell a rapporté qu’il avait [traduction] « parlé à Shaun. Tout s’est bien passé. Il semblait être reconnaissant. Je lui ai expliqué exactement de ce dont nous avons parlé et il était satisfait de l’explication ».Note de bas de page 4361

203. Dans son témoignage, le Maj Dandurand ne pouvait pas se rappeler de la discussion qu’il avait eue avec le cplc Mitchell, et n’était pas en mesure de fournir plus d’information sur la mise à jour qu’aurait faite le cplc Mitchell.Note de bas de page 4362 Le cplc Mitchell se rappelait seulement qu’il avait fourni [traduction] « une mise à jour d’où j’en étais », et avisé M. Fynes qu’un autre enquêteur prendrait en charge le dossier, puisque le cplc Mitchell s’en allait en formation et serait ensuite transféré hors de l’unité.Note de bas de page 4363

204. Pour sa part, M. Fynes ne pouvait pas se rappeler du moment exact, mais se souvenait avoir reçu deux mises à jour du cplc Mitchell. Dans la première, le cplc Mitchell l’informait que le SNEFC avait renvoyé l’affaire à ses conseillers juridiques.Note de bas de page 4364 Dans la deuxième mise à jour, le cplc Mitchell lui a dit que [traduction] « ce n’est pas que les conseillers juridiques retardent son enquête, mais il était maintenant à la recherche de conseils de ses supérieurs ».Note de bas de page 4365

205. Après la mise à jour du 17 août, le cplc Mitchell n’a eu aucun autre contact avec les Fynes. Le dossier a été confié au sgt Scott Shannon en septembre.Note de bas de page 4366 Le 17 septembre 2010, le sgt Shannon a contacté Mme Fynes pour l’informer qu’il était désormais l’enquêteur principal.Note de bas de page 4367 Dans son témoignage, il s’est rappelé avoir transmis ses coordonnées à Mme Fynes et lui avoir donné un aperçu général de ses qualifications.Note de bas de page 4368 Il s’est également rappelé lui avoir dit qu’il en ferait son dossier prioritaire.Note de bas de page 4369 Dans son témoignage, Mme Fynes a indiqué que le sgt Shannon a été [traduction] « très gentil » durant la conversation, et lui a dit qu’il avait pris en charge le dossier du cplc Mitchell et le lirait au cours du week-end.Note de bas de page 4370 Elle s’est rappelé qu’il a également dit qu’ils allaient entendre parler de lui à nouveau [traduction] « dès le prochain jour ouvrable ».Note de bas de page 4371

206. Les Fynes n’ont ​​pas eu de nouvelles du sgt Shannon, ou de tout autre membre du SNEFC avant février 2011, lorsque les enquêtes ont été conclues et que les Fynes ont été contactés pour organiser une séance d’information.Note de bas de page 4372

207. Dans son témoignage, le sgt Shannon a expliqué qu’il était au courant de l’engagement qui avait été pris antérieurement de fournir aux Fynes des mises à jour régulières.Note de bas de page 4373 Cependant, le Maj Dandurand l’a avisé qu’il fournirait les mises à jour lui-même.Note de bas de page 4374 En conséquence, le sgt Shannon ne pensait pas qu’il devait contacter les Fynes jusqu’à ce qu’il soit chargé de le faire à la fin de l’enquête.Note de bas de page 4375 Il a déclaré qu’il sentait qu’il avait rempli son engagement envers Mme Fynes en faisant de ce dossier sa priorité.Note de bas de page 4376

208. Les deux gestionnaires de cas ayant participé à la supervision des enquêtes se sont rappelé que le Maj Dandurand avait demandé que l’on ne communique plus avec les Fynes.Note de bas de page 4377 L’adj Sean Bonneteau croit que cette directive avait été donnée après la tenue de la conférence de presse de Mme Fynes à la fin d’octobre 2010.Note de bas de page 4378 Il a déclaré lors de son témoignage que le Maj Dandurand avait alors [traduction] « donné instruction que nous [...] n’ayons pas de contact téléphonique avec elle jusqu’à nouvel ordre ».Note de bas de page 4379

209. Au cours de son témoignage, le Maj Dandurand a confirmé avoir dit au sgt Shannon de ne pas contacter les Fynes, car il s’en chargerait lui-même.Note de bas de page 4380 Il a également confirmé que cette directive résultait de la conférence de presse de Mme Fynes.Note de bas de page 4381 Cependant, il a affirmé dans son témoignage qu’en définitive, l’absence de contact n’avait [traduction] « rien à voir » avec la conférence de presse.Note de bas de page 4382 Il a expliqué [traduction] « qu’à ce stade, je n’avais pas l’impression qu’il s’agissait d’une chose dont je voulais que mes enquêteurs se préoccupent. En tant que commandant du détachement, je voulais assumer moi-même cette responsabilité, et j’avais tout à fait l’intention d’assurer la communication; toutefois, les choses ont pris de la distance et je ne l’ai jamais fait ».Note de bas de page 4383

210. Le Maj Dandurand a reconnu qu’il n’avait pas respecté son engagement de fournir des mises à jour régulières.Note de bas de page 4384 Il a expliqué que c’était [traduction] « une totale omission de ma part »,Note de bas de page 4385 et déclaré :

[traduction]

Lorsque j’ai eu ces discussions avec M. et Mme Fynes, j’avais proposé toutes les deux semaines et, très vite, cela a changé pour : non, non, juste au moment où il y a un -- on n’en a pas besoin toutes les deux semaines, juste lorsqu’il y a un développement. Et nous avons convenu de cela.

J’avais perdu la trace du temps tout au long, et non seulement cela, mais j’ai supposé aussi que d’autres entreraient en contact, jusqu’à un certain point, où je croyais que ce serait à moi de prendre contact avec eux.Note de bas de page 4386 [Caractères gras ajoutés]

211. De tous les membres du SNEFC impliqués dans ces enquêtes, le cplc Mitchell est le seul qui, à tout le moins, a tenté de prendre contact avec les Fynes régulièrement. Néanmoins, il n’a fourni que deux mises à jour, et n’a contacté M. Fynes à nouveau qu’après avoir reçu une demande spécifique. Dans son témoignage, le cplc Mitchell a reconnu qu’il n’avait pas été en mesure de remplir l’engagement de contacter les Fynes toutes les deux semaines.Note de bas de page 4387 Il a expliqué que c’était en raison de sa charge de travail et de l’horaire de ses déplacements.Note de bas de page 4388 L’engagement réel convenu avec M. Fynes n’était pas de prendre contact toutes les deux semaines, mais plutôt de fournir des mises à jour régulières. Avec trois mises à jour en quatre mois, le cplc Mitchell n’a peut-être pas tout à fait atteint le niveau de contact régulier attendu par les Fynes, mais il a au moins agi en ce sens et a réussi davantage, parmi tous les membres impliqués, à remplir l’engagement pris.

212. Dans l’ensemble, le dossier des actions du SNEFC en vue de garder les Fynes informés de l’avancement des enquêtes est extrêmement médiocre. Au cours de la période de neuf mois qui s’est écoulée entre la rencontre de mai 2010 et la conclusion des enquêtes en février 2011, les Fynes n’ont été contactés qu’à quatre reprises. Trois des appels constituaient des mises à jour réelles, l’autre n’ayant été qu’un simple appel de courtoisie de la part du sgt Shannon. L’un des trois autres contacts a dû être demandé expressément par M. Fynes. Entre l’appel de courtoisie du sgt Shannon et le contact établi à la fin de l’enquête, cinq mois complets se sont écoulés sans aucun contact.

213. Il n’est pas étonnant que Mme et M. Fynes aient tous deux déclaré avoir l’impression que le SNEFC n’avait pas rempli sa promesse de fournir des mises à jour régulières.Note de bas de page 4389 En conséquence, ils ont eu le sentiment d’être ignorés par le SNEFC.Note de bas de page 4390 Mme Fynes a déclaré lors de son témoignage [traduction] « C’était comme tout le reste qui concerne tout ce qui est administratif, après le décès de Stuart ce n’était que du pareil au même pour nous, être ignorés, et le major Dandurand l’a fait avec le sourire aux lèvres, mais le fait est que nous n’avons eu aucune réponse et que nous avons été ignorés autant que possible ».Note de bas de page 4391

214. Il est difficile de comprendre comment cette incapacité à prendre contact et à fournir des renseignements aurait pu être raisonnablement justifiée. Les explications entendues au cours de cette audience n’ont révélé aucune justification acceptable. Le Maj Dandurand a mentionné qu’il a dû s’occuper d’urgences familiales au début de 2011.Note de bas de page 4392 Cela pourrait expliquer, dans une certaine mesure, sa propre omission de prendre contact, du moins pendant la dernière partie de l’enquête. Cependant, cela n’explique toujours pas pourquoi d’autres membres n’ont pas été chargés de fournir les mises à jour.

215. Les politiques en vigueur au moment des enquêtes prévoyaient des mises à jour régulières destinées aux plaignants de la part des enquêteurs du SNEFC ou des officiers chargés de l’aide aux victimes. La politique générale de la PM prévoyait un contact tous les 30 jours, alors que l’IPO du SNEFC prévoyait des rappels par le coordonnateur de l’aide aux victimes toutes les deux semaines.Note de bas de page 4393 Dans cette affaire, les Fynes ont apparemment refusé une offre de services d’aide aux victimes.Note de bas de page 4394 En conséquence, l’obligation stipulée dans l’IPO du SNEFC d’établir un contact toutes les deux semaines pourrait ne pas s’être appliquée. Toutefois, au minimum, la politique générale exigeant qu’un contact soit fait tous les 30 jours aurait dû être suivie. Plus important encore, les membres du SNEFC avaient pris l’engagement explicite de fournir des mises à jour régulières. Le non-respect de cet engagement a constitué une grave omission de la part du détachement et de son commandant, le Maj Dandurand.

216. L’omission était particulièrement grave dans ce cas parce que les Fynes avaient expressément précisé combien il était éprouvant pour eux de ne pas recevoir les mises à jour attendues. Ils avaient dit au SNEFC qu’il n’y avait rien de pire pour eux que d’être tenus dans l’ignorance. Pourtant, le SNEFC n’a établi aucun contact pendant des semaines et des mois, laissant les Fynes avec le sentiment d’être ignorés et mis à l’écart, ce qui était exactement ce qu’ils avaient dit vouloir éviter au SNEFC.

Défaut de fournir des renseignements substantiels sur les enquêtes

217. Au cours de l’entrevue du 5 mai 2010, M. Fynes a insisté sur l’importance qu’on lui fournisse des renseignements substantiels sur les enquêtes, plutôt que de simplement recevoir des appels téléphoniques à intervalles réguliers. En fin de compte, il a dit dans son témoignage qu’il avait l’impression que les quelques mises à jour qu’il avait reçues du SNEFC n’avaient aucun contenu.Note de bas de page 4395 M. Fynes a expliqué : [traduction] « Nous n’avons jamais vraiment eu d’information sur une enquête en cours ni sur les raisons pertinentes; nous avons juste été essentiellement ignorés ».Note de bas de page 4396

218. Les mises à jour fournies par le cplc Mitchell renfermaient quelques renseignements sur les mesures immédiates prises dans chacune des enquêtes. Cependant, tout au long des mois qui suivirent l’entrevue du 5 mai, les Fynes n’ont jamais reçu d’information leur permettant de comprendre ce qui se passait réellement au cours des enquêtes, quelles décisions avaient été prises sur la façon dont elles étaient approchées ou sur la base de quel raisonnement certaines conclusions préliminaires avaient été tirées ou pourquoi il avait été décidé de ne pas suivre certaines pistes. Principalement à cause du silence du SNEFC pendant la plus grande partie des enquêtes, et du peu d’information incluse dans les mises à jour présentées aux Fynes, ceux-ci n’ont ​​jamais en fait obtenu de renseignements substantiels sur les progrès des enquêtes.

219. Cela était particulièrement malheureux en regard des déclarations faites par les membres du SNEFC sur la façon dont les enquêtes seraient menées. Ces engagements, qui contrastent avec la façon dont les choses se déroulaient effectivement, faisaient en sorte qu’il était d’autant plus nécessaire pour le SNEFC de tenir les Fynes informés. Après avoir reçu des garanties précises sur la manière dont les enquêtes seraient menées, et en l’absence d’information contraire, les Fynes pouvaient raisonnablement supposer que les choses se déroulaient comme prévu et comme promis. Au minimum, ils étaient certes en droit de s’attendre à être informés lorsque survenait un changement d’approche important. Le défaut de fournir des renseignements dans cette affaire était de nature à créer l’impression que les enquêtes progressaient tel qu’indiqué durant les entrevues avec les Fynes. En réalité, ce n’était pas du tout le cas.

220. Dans l’enquête de 2009, le projet de mener plusieurs entrevues « structurées » a été abandonné après que seulement trois témoins des faits aient été interrogés.Note de bas de page 4397 Les membres de la chaîne de commandement du régiment, et ceux qui avaient été impliqués dans la décision concernant le PPPP, n’ont pas été interrogés.Note de bas de page 4398 D’autres témoins que le Maj Dandurand avaient expressément mentionné comme étant sur la liste des personnes à interroger, comme le lcol King, le cpl Rohmer et le Capt Lubiniecki, n’ont pas non plus été interrogés.Note de bas de page 4399 Malgré les assurances du SNEFC qu’il ne compterait pas uniquement sur les documents et procéderait à de nouvelles entrevues avec des témoins de la CE, l’enquête s’est entièrement centrée sur un examen des documents une fois que le sgt Shannon a repris le dossier.Note de bas de page 4400 Aucun autre témoin des faits n’a été interrogé et la majorité des témoins de la CE qui possédaient des renseignements sur la question du choix du PPPP n’ont jamais été interrogés.Note de bas de page 4401 Contrairement à ce qui avait été dit aux Fynes, le SNEFC n’a jamais déterminé qui avait pris la décision concernant le PPPP et comment cette décision avait été prise.Note de bas de page 4402 Le rapport final ne contenait aucun renseignement à ce sujet.Note de bas de page 4403 Il ne renfermait également aucune information qui aurait pu servir à apporter des changements administratifs.Note de bas de page 4404 Le SNEFC a conclu, sur la base de l’examen du document du sgt Shannon et l’analyse des politiques, que la bonne décision avait été prise à l’égard du PPPP, et, par conséquent, il n’a pas poursuivi l’enquête selon les lignes discutées avec les Fynes.Note de bas de page 4405

221. Dans son témoignage, le cplc Mitchell a affirmé que ses propres plans pour l’enquête étaient généralement compatibles avec la plupart des déclarations faites aux Fynes, mais il prévoyait recourir à des « entrevues structurées » uniquement pour les suspects ou les personnes sous enquête.Note de bas de page 4406 Néanmoins, il avait l’intention de procéder à de nombreuses entrevues et de découvrir comment et pourquoi la décision concernant le PPPP avait été rendue.Note de bas de page 4407 En fin de compte, il n’a mené que trois entrevues avant la fin de sa participation au dossier.Note de bas de page 4408 En conséquence, il n’a pas été en mesure de déterminer la façon dont la décision concernant le PPPP avait été prise ni par qui.Note de bas de page 4409

222. Quand il a repris le dossier, le sgt Shannon n’a pas enquêté sur les faits entourant la décision prise par le régiment au sujet du PPPP.Note de bas de page 4410 Sa propre approche de l’enquête ne prévoyait aucune entrevue, « structurée » ou autre, avec les témoins des faits, puisqu’il préférait se fier au dossier documentaire.Note de bas de page 4411 Dans son témoignage, il a expliqué qu’il ne partageait pas les opinions exprimées par le Maj Dandurand lors des rencontres avec les Fynes sur l’importance de mener des entrevues avec des témoins et de ne pas compter uniquement sur la documentation.Note de bas de page 4412 Il ne s’est pas non plus senti obligé de mener l’enquête en conformité avec les déclarations faites aux Fynes par le Maj Dandurand.Note de bas de page 4413 Il n’a pas tenu compte de ces observations en faisant ses propres plans d’enquête.Note de bas de page 4414 Il n’a reçu aucune instruction du Maj Dandurand, ni n’a eu de discussion avec celui-ci sur ses hypothèses initiales ou sur ses plans d’enquête.Note de bas de page 4415

223. Le sgt Shannon croyait que tout engagement pris par le Maj Dandurand était [traduction] « entre lui et M. et Mme Fynes, » et n’avait pas été pris au nom du détachement, mais était plutôt lié à l’implication personnelle du Maj Dandurand en tant qu’enquêteur dans le dossier.Note de bas de page 4416 Il a déclaré lors de son témoignage :

[traduction]

M. Freiman : Le major Dandurand semble être sous l’impression qu’il est nécessaire d’interroger ces personnes dans le cadre de l’enquête.

sgt Shannon : Oui, s’il a fait ces déclarations, mais c’est au tout début de l’enquête. Ce sont ses premières réflexions sur la façon dont il va procéder. Lorsque, des mois plus tard, ce dossier m’a été transféré, il y avait tellement plus d’information complémentaire disponible [...]Note de bas de page 4417 [Caractères gras ajoutés]

224. L’enquête de 2010 ne s’est pas déroulée tel que l’avait indiqué le Maj Dandurand. En fait, la réalité aurait difficilement pu être plus différente des plans présentés. Au lieu d’une grande enquête impliquant de nombreuses entrevues et un réexamen de tous les documents, comme le Maj Dandurand l’avait décrit, il n’y eu qu’une évaluation aux fins d’enquête.Note de bas de page 4418 Aucune enquête n’a été menée pour étayer cette évaluation. Il n’y a pas eu d’entrevues avec des témoins et les documents n’ont pas été réexaminés.Note de bas de page 4419 Dans son témoignage, le cplc Mitchell a expliqué qu’il n’était pas nécessaire d’enquêter sur les faits ou de revoir les documents et les témoins à l’étape de l’évaluation.Note de bas de page 4420 Pour ce qui est des représentations antérieures que le Maj Dandurand avait faites aux Fynes sur la conduite de l’enquête, le cplc Mitchell a expliqué, [traduction] « essentiellement ce qui est décrit ici en regardant, à nouveau je ne veux pas parler pour lui, mais ce sont les étapes que nous aurions suivies à l’étape de l’enquête, pas à l’étape de l’évaluation ».Note de bas de page 4421

225. Le sgt Shannon, qui a été chargé de procéder à une analyse de [traduction] « validation de l’infraction » avant que le dossier ne soit conclu, a également reconnu qu’il n’était pas nécessaire de revenir sur les documents ou d’interroger des témoins, car le dossier [traduction] « n’a jamais dépassé l’analyse de l’infraction ».Note de bas de page 4422

226. En outre, contrairement aux représentations que le Maj Dandurand avait faites aux Fynes, le modèle de la GCG n’a jamais été appliqué.Note de bas de page 4423 Le cplc Mitchell ne se rappelait pas avoir été informé d’une décision spécifique de ne pas appliquer la GCG dans ce cas, bien qu’il se souvenait de discussions générales au sujet de la possibilité d’utiliser la GCG afin de traiter le volume de travail nécessaire pour enquêter sur l’ensemble des allégations des Fynes dans les deux cas.Note de bas de page 4424 Le sgt Shannon a déclaré lors de son témoignage qu’il n’avait jamais envisagé d’utiliser la GCG pour cette enquête.Note de bas de page 4425 Il ne pensait pas que le modèle aurait été utile ou même applicable dans ce cas.Note de bas de page 4426 En fait, il estimait que l’utiliser aurait constitué un « obstacle ».Note de bas de page 4427

227. Les assurances spécifiques données aux Fynes sur la façon dont le rapport de la CE serait utilisé à l’appui de l’enquête n’ont pas non plus été honorées. Au cours de la rencontre du 5 mai 2010, le Maj Dandurand avait insisté sur le fait que le rapport de la CE ne serait pas pris pour acquis, et avait indiqué que la preuve devant la CE serait examinée en détail et les témoins interrogés de nouveau.Note de bas de page 4428 Lors de son témoignage, il a expliqué le message qu’il avait l’intention de transmettre aux Fynes :

[traduction]

Il était très clair pour nous à l’époque que les Fynes avaient vécu une expérience avec les Forces canadiennes au cours du processus de la CE et par leurs interactions avec les Forces canadiennes dans leur ensemble, et qu’ils étaient devenus très sceptiques et peut-être méfiants.

Et ce que je voulais aborder spécifiquement par-là, c’est que si nous allions poursuivre quelque chose, nous allions le faire en fonction de nos méthodes, pas sur l’air de quelqu’un d’autre, nous allons le faire nous-mêmes et nous avons nos propres méthodes pour aller au fond des choses.Note de bas de page 4429 [Caractères gras ajoutés]

228. Néanmoins, le rapport de la CE a été inclus dans les documents examinés à l’appui de l’évaluation.Note de bas de page 4430 Pourtant, il n’y a pas eu d’examen de la preuve présentée à la CE, et aucune entrevue n’a été menée avec un quelconque témoin de la CE.Note de bas de page 4431

229. Au bout du compte, le Maj Dandurand a reconnu qu’il n’avait pas [traduction] « découvert la vérité sur ce qui s’était passé », comme il l’avait promis aux Fynes.Note de bas de page 4432 Il a expliqué :

[traduction]

À l’époque, avec la présentation des allégations et ma compréhension de cette rencontre [...] je pensais que l’on procéderait à une enquête criminelle dans ce cas et que j’avais peut-être situé le -- situé l’enquête comme si je ne m’attendais aucunement en consultant à l’externe qu’elle serait considérée comme non applicable.Note de bas de page 4433 [Caractères gras ajoutés]

230. Les enquêtes ont été ouvertes pendant plus d’un an, mais à aucun moment les Fynes ont-ils été avisés du changement dans l’approche adoptée pour les deux enquêtes.

231. Les quelques mises à jour que les Fynes ont reçues du cplc Mitchell sur le dossier de 2009 étaient généralement en accord avec les plans initiaux qui leur avaient été décrits, puisque le cplc Mitchell avait toujours l’intention de procéder à de nombreuses entrevues.Note de bas de page 4434 Lorsque le centre d’intérêt s’est déplacé vers un examen des documents après que le sgt Shannon ait repris le dossier, les Fynes n’ont pas été avisés.

232. Les Fynes ont reçu des renseignements limités sur les mesures prises dans l’enquête de 2010. Le Maj Dandurand a indiqué lors de son témoignage qu’il n’avait aucune raison de croire que les Fynes ne comprenaient pas en quoi consistaient les étapes.Note de bas de page 4435 Il pensait qu’il les avait peut-être même avisés au cours de l’entrevue du 5 mai de son intention de procéder à une évaluation et d’obtenir des avis juridiques avant d’entreprendre les étapes de l’enquête qu’il avait décrites.Note de bas de page 4436 Cependant, il ne pouvait se souvenir avec certitude si cela avait été discuté avec les Fynes ou quand la conversation aurait eu lieu.Note de bas de page 4437 Le cplc Mitchell ne se souvenait pas non plus si ce plan avait été discuté avec les Fynes lors de l’entrevue, mais il se souvenait d’une discussion avec le Maj Dandurand.Note de bas de page 4438 La transcription de l’entrevue du 5 mai montre que les Fynes n’ont ​​pas été informés lors de la rencontre de quelque plan que ce soit de procéder à une évaluation préliminaire ou de demander un avis juridique.Note de bas de page 4439 Lorsque les représentations initiales leurs ont été faites par le Maj Dandurand sur l’enquête approfondie qui devait avoir lieu, les Fynes n’ont reçu aucune indication que ces plans étaient conditionnels à une évaluation préliminaire.

233. Les mises à jour ultérieures fournies aux Fynes renfermaient des renseignements sur les avis juridiques demandés et les consultations qui se déroulaient avec les superviseurs.Note de bas de page 4440 Sur la base de ces renseignements, ils ont compris que le SNEFC [traduction] « évaluait encore » le cas, et qu’il n’y avait « aucune enquête effective à ce stade ».Note de bas de page 4441 Ils étaient également conscients que le rapport de la CE figurait parmi les documents en cours de révision dans le cadre de l’évaluation.Note de bas de page 4442 Cependant, comme l’a reconnu le Maj Dandurand lors de son témoignage, les Fynes n’ont jamais été avisés formellement qu’une décision avait été prise de ne procéder à aucune des étapes de l’enquête étendue qu’il avait décrites lors de l’entrevue initiale.Note de bas de page 4443

234. Le dossier documentaire suggère que la décision de fermer le dossier sans procéder à une enquête peut avoir été prise dès le 14 août 2010.Note de bas de page 4444 En date du 28 octobre 2010, le commandant adjoint du SNEFC a informé le GPFC que l’évaluation aux fins d’enquête était « complétée » et qu’il avait été déterminé que [traduction] « rien n’indique qu’une infraction au code de discipline militaire ou une infraction pénale telle que la négligence criminelle ait pu se produire ».Note de bas de page 4445 Dans son témoignage, le Maj Francis Bolduc a expliqué que le dossier avait été maintenu ouvert au cas où une preuve découverte dans l’enquête de 2009 modifierait cette évaluation.Note de bas de page 4446 La dernière mise à jour que les Fynes ont reçue sur cette enquête date du 17 août 2010.Note de bas de page 4447 Il n’existe aucune trace de son contenu, et les témoins n’en avaient pas de souvenirs précis.Note de bas de page 4448 Bien que le Maj Dandurand ait déclaré lors de son témoignage qu’il n’avait aucune raison de croire que les Fynes ne comprenaient ​pas la situation actuelle de l’enquête à l’époque puisqu’il était confiant que le cplc Mitchell [traduction] « aurait eu une conversation ouverte et franche avec eux », il a également reconnu que le cplc Mitchell n’aurait pas divulgué aux Fynes le contenu de tout avis juridique reçu.Note de bas de page 4449 En janvier 2011, les Fynes étaient sous l’impression que l’enquête était [traduction] « devenue inactive », puisqu’ils n’avaient reçu « aucune autre mise à jour ou réponse » à ce sujet.Note de bas de page 4450 Ils n’ont jamais été informés d’une quelconque décision préliminaire de ne pas poursuivre une enquête, que ce soit lorsque la décision a été prise ou à tout moment par la suite.Note de bas de page 4451 Même à la toute fin, les Fynes ont été informés du résultat final de l’évaluation – qu’aucune accusation n’était justifiée – mais ils n’ont pas été avisés qu’aucune enquête avait été menée ou que la détermination finale était fondée uniquement sur une évaluation aux fins d’enquête.Note de bas de page 4452

235. L’adj Blair Hart, l’un des superviseurs de l’enquête, a déclaré qu’à sa connaissance, la politique en vigueur ne comportait aucune exigence d’informer les plaignants d’un changement d’approche au cours d’une enquête dans les cas où des représentations initiales avaient eu lieu sur la façon de mener l’enquête.Note de bas de page 4453

236. L’adj Bonneteau, l’autre superviseur, a indiqué au cours de son témoignage qu’il n’était pas au courant des déclarations faites aux Fynes et, qu’en conséquence, il n’avait pas eu de discussions avec le Maj Dandurand sur la différence d’approche.Note de bas de page 4454 Cependant, il a déclaré qu’il croyait que le Maj Dandurand savait que le [traduction] « nouveau plan » concernant les enquêtes ne comprenait pas le genre d’entrevues plus étendues ou la méthode de la GCG dont il avait discuté avec les Fynes.Note de bas de page 4455

237. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu que les Fynes n’avaient jamais été informés du fait que les enquêtes ne se dérouleraient finalement pas comme il l’avait indiqué lors de leurs rencontres.Note de bas de page 4456 Il a expliqué qu’il avait l’intention de les informer de la nouvelle approche lors de la dernière séance d’information à la fin de l’enquête.Note de bas de page 4457 Il n’a fourni aucune explication ou raison pour laquelle les Fynes n’avaient pas été informés plus tôt par les mises à jour régulières promises.Note de bas de page 4458

238. Dans tous les cas, les mises à jour fournies aux plaignants devraient impliquer plus que de simples appels de courtoisie sans contenu valable. Compte tenu de la nécessité de protéger l’intégrité des enquêtes en cours, il y a des limites à la quantité de détails pouvant être partagés. Toutefois, si elles doivent servir à garder les plaignants informés, les mises à jour doivent être significatives. Des renseignements substantiels doivent être fournis pour permettre aux plaignants de comprendre la démarche et la direction de l’enquête. Il faudrait donner au moins un aperçu général des étapes nécessaires à une enquête. Chaque mise à jour devrait alors permettre aux plaignants d’acquérir une compréhension des progrès réalisés et du travail qui reste à faire.

239. Lorsque des représentations spécifiques sont faites aux plaignants sur la conduite de l’enquête, il y aura des obligations supplémentaires de fournir des renseignements. Il n’y aura pas d’obligation de mener l’enquête en conformité avec les plans décrits aux plaignants, car, pour des raisons évidentes, les décisions sur la façon de mener une enquête de police devraient être dictées uniquement par les besoins de l’enquête et par l’évaluation faite par les enquêteurs des mesures nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions de nature policière. Cependant, il y aura une obligation d’informer les plaignants lorsqu’une approche différente est adoptée. Sinon, ils pourraient être induits en erreur sur l’étendue du travail d’enquête en cours.

240. Dans ce cas, l’omission du SNEFC de fournir des renseignements substantiels sur les enquêtes a non seulement laissé les Fynes avec le sentiment qu’ils avaient été ignorés, mais aussi vraisemblablement avec l’impression que les mesures d’enquête promises avaient été prises. Quand ils ont éventuellement découvert que ce n’était pas le cas, leur relation déjà tendue avec le SNEFC ne pouvait qu’être plus difficile, et miner le peu de confiance que le SNEFC avait réussi à établir lors des rencontres antérieures.

Séance d’information finale

241. En février 2011, après des mois sans aucun contact, le SNEFC a finalement communiqué avec les Fynes pour planifier une séance d’information au sujet de la conclusion des deux enquêtes. Peu de temps après, le SNEFC a décidé au bout du compte de ne pas tenir cette séance d’information, parce que les Fynes avaient demandé que leur avocat y assiste. Les Fynes ont appris qu’ils recevraient à la place une note d’information écrite. Plusieurs semaines s’écoulèrent sans autre contact. Puis, au début de mai 2011, les Fynes ont reçu une lettre de trois pages décrivant les conclusions du SNEFC au sujet des deux enquêtes. La lettre ne contenait pratiquement aucune information significative, et cela est devenu un motif supplémentaire de préoccupations et de plaintes pour les Fynes.

La séance d’information verbale annulée

242. Le 20 février 2011, le sgt Shannon a contacté les Fynes pour les informer que les deux enquêtes étaient terminées et planifier une séance d’information officielle portant sur leurs résultats.Note de bas de page 4459 Dans son témoignage, Mme Fynes a indiqué qu’elle avait compris à ce moment que le SNEFC avait l’intention [traduction] « de nous donner une présentation PowerPoint dans une salle d’hôtel ».Note de bas de page 4460 Elle avait noté qu’ils ne voulaient pas une telle présentation, mais plutôt un « échange verbal » sur les conclusions des enquêtes.Note de bas de page 4461 En fin de compte, la séance d’information n’a pas eu lieu.

243. Les Fynes ont demandé que la séance d’information ait lieu au bureau de leur avocat, en sa présence.Note de bas de page 4462 En témoignage, ils ont expliqué qu’ils voulaient que la séance d’information soit tenue dans un endroit neutre pour éviter que des membres du SNEFC viennent chez eux ou qu’ils se rendent eux-mêmes à la base militaire.Note de bas de page 4463 Ils ont également expliqué qu’ils voulaient que leur avocat soit présent en tant qu’observateur ou [traduction] « comme témoin en notre nom ».Note de bas de page 4464 M. Fynes a dit lors de son témoignage qu’il avait été « clairement établi » que l’avocat ne poserait pas de questions « et n’allait intervenir » d’aucune façon au cours de la séance d’information.Note de bas de page 4465

244. Le sgt Shannon a transmis la demande des Fynes au Maj Dandurand.Note de bas de page 4466 Après consultation avec le QG du SNEFC, la décision a été prise d’annuler la séance d’information et d’aviser par écrit les Fynes du résultat des enquêtes.Note de bas de page 4467 Le 24 février 2010, le sgt Shannon a informé les Fynes de cette décision et a indiqué qu’ils recevraient de la correspondance écrite du SNEFC [traduction] « dans un avenir rapproché ».Note de bas de page 4468

245. Dans leurs allégations au sujet de l’omission du SNEFC de leur fournir des renseignements adéquats et actuels, les Fynes se sont expressément plaints de la décision du SNEFC d’annuler la séance d’information verbale parce qu’ils avaient demandé que leur avocat soit présent.Note de bas de page 4469

246. La séance d’information a été annulée en raison des préoccupations que suscitait la présence d’un avocat, qui aurait pu avoir un impact sur la séance d’information et sur les intérêts des enquêteurs participant à la séance d’information.Note de bas de page 4470 Sur la base des témoignages des membres du SNEFC, il semble que le SNEFC ait été réticent à s’engager dans un éventuel litige civil qu’il savait que les Fynes avaient l’intention de poursuivre.Note de bas de page 4471 Il ne voulait pas que la séance d’information se transforme en une joute entre avocats, et il ne voulait pas que l’enquête soit « décortiquée » ou examinée à des fins de litige civil.Note de bas de page 4472

247. Cette réticence à s’impliquer dans un processus externe était compréhensible. Ce n’est pas le rôle de la police de mener des enquêtes à l’appui de revendications dans un litige civil. La participation du SNEFC à ce processus pouvait imposer des contraintes supplémentaires sur ses ressources et conduire à un examen ou à une remise en cause de son processus d’enquête à partir d’un point de vue qui n’avait aucun rapport avec les besoins de ses enquêtes criminelles ou des poursuites en justice éventuelles. Le SNEFC pouvait aussi risquer d’être perçu comme démontrant un manque de neutralité en tant que service de police. En conséquence, il n’est pas surprenant que le SNEFC n’ait pas accepté que l’avocat représentant les plaignants aux fins d’un litige civil assiste à la séance d’information.

248. Néanmoins, l’aversion compréhensible du SNEFC envers toute situation de litige devait être mise en balance avec sa responsabilité de fournir des renseignements utiles aux plaignants. À la lumière des engagements pris à l’endroit des Fynes sur la façon dont les enquêtes seraient menées et sur les mises à jour qui devaient être fournies, et à la lumière de l’information terriblement inadéquate fournie au cours des enquêtes, plus d’attention aurait dû être accordée à l’intérêt des Fynes de recevoir finalement de l’information au sujet des enquêtes. Le SNEFC avait la responsabilité de fournir cette information, à la fois pour honorer ses propres engagements directs et pour remplir ses obligations en tant que force de police d’informer et de soutenir les plaignants.

249. La Commission est d’avis que donner la priorité au désir du SNEFC de rester en dehors de la procédure judiciaire civile plutôt qu’à l’intérêt des plaignants d’être informés n’était pas la décision appropriée. Cette décision n’aurait été acceptable si le SNEFC avait pu trouver un autre moyen valable de fournir aux Fynes des renseignements actuels, significatifs, exacts et complets. Bien entendu, l’annulation de la séance d’information verbale a tout simplement entraîné une nouvelle période de silence au cours de laquelle il n’y a eu aucune communication, laissant une fois de plus les Fynes dans l’ignorance quant aux mesures prises pour enquêter sur leurs plaintes ou des conclusions qui en sont ressorties. La note d’information écrite éventuellement fournie par le SNEFC ne pouvait possiblement pas transmettre l’information qui aurait été disponible dans un exposé verbal, et, en fait, ne contenait pas de renseignements adéquats ou suffisants.

250. Dans les circonstances, la décision d’annuler la séance d’information ne pouvait qu’aggraver encore les frustrations des Fynes et la perception d’être ignorés par le SNEFC. Étant donné que le comportement du SNEFC avait contribué à créer cette perception, le SNEFC n’aurait pas dû permettre que ses propres intérêts et sa volonté d’éviter d’être impliqué dans un contentieux civil ne l’emporte sur la nécessité d’assumer enfin ses responsabilités élémentaires envers les Fynes.

Retard dans la fourniture de la note d’information écrite

251. C’est le 24 février 2011 que les Fynes ont été avisés que la séance d’information verbale n’aurait pas lieu et qu’ils recevraient une note d’information écrite sous peu.Note de bas de page 4473 À partir de cette date, plus de deux moins se sont écoulés avant qu’ils entendent parler du SNEFC. La note d’information écrite a été signée le 27 avril 2011.Note de bas de page 4474 En raison d’une erreur d’adresse, elle a été renvoyée au SNEFC, puis transmise enfin aux Fynes le 6 mai 2011.Note de bas de page 4475 Dans leurs allégations déposées devant la Commission, les Fynes ont formulé une plainte spécifique sur le défaut de fournir la note d’information écrite dans un délai raisonnable après que la séance d’information verbale ait été annulée.Note de bas de page 4476

252. Le retard à transmettre la note d’information écrite aux Fynes reste largement inexpliqué. Après l’annulation de la séance d’information verbale, le sgt Shannon a rapidement préparé une ébauche de la note d’information écrite. Elle a été envoyée au Maj Dandurand pour approbation le 3 mars 2011.Note de bas de page 4477 En date du 8 mars 2011, le texte de la lettre avait été approuvé par le QG du SNEFC et il avait été décidé qu’elle serait envoyée sous la signature du Maj Dandurand.Note de bas de page 4478 Il n’y a eu aucune autre activité sur le dossier, ni modification à la lettre. Pourtant, il s’est écoulé près de deux mois avant que le Maj Dandurand n’appose enfin sa signature. Dans son témoignage, le Maj Dandurand ne se souvenait d’aucune raison pouvant justifier ce retard et il n’a fourni aucune explication à ce sujet.Note de bas de page 4479 Il a indiqué qu’il s’occupait d’urgences familiales au début de 2011 et qu’en conséquence, il n’avait pas été en mesure d’accorder toute son attention au dossier et qu’il avait été contraint de compter sur son second.Note de bas de page 4480

253. Le 11 avril 2011, le nouveau commandant du SNEFC, le lcol Robert Delaney, a écrit au Maj Dandurand pour lui demander si la note d’information écrite avait été envoyée.Note de bas de page 4481 Le Maj Dandurand a répondu qu’il avait l’intention de la signer et de l’envoyer [traduction] « quand je serai de retour ».Note de bas de page 4482 Il a ajouté que la lettre était prête à envoyer, mais en précisant : [traduction] « J’ai juste besoin de finaliser le dossier de sorte que lorsque je l’enverrai, le dossier [sera] prêt pour l’AIPRP ».Note de bas de page 4483 Dans son témoignage, il a expliqué qu’il faisait référence à la nécessité de [traduction] « clore le dossier pour qu’il soit formellement fermé dans le SISEPM ».Note de bas de page 4484 Il a déclaré que, jusqu’à ce que le dossier soit officiellement conclu, il ne serait pas accessible en vertu d’une demande d’accès à l’information, car il serait considéré comme actif.Note de bas de page 4485 Il a indiqué que même si ce n’était pas nécessaire, il voulait que le dossier soit clos et rendu accessible en même temps que la lettre était envoyée aux Fynes.Note de bas de page 4486 Les conclusions finales des enquêtes étaient datées du 3 et du 4 mars, 2011.Note de bas de page 4487 Les dossiers ont été marqués comme étant fermés dans le SISEPM par le Maj Dandurand le 2 mai 2011.Note de bas de page 4488

254. Le Maj Dandurand n’a fourni aucune explication à la Commission en ce qui concerne les raisons pour lesquelles le commandant adjoint du détachement ou d’autres superviseurs ou enquêteurs n’avaient pas pu fournir d’aide pour accélérer le processus de fermeture des dossiers et faire parvenir la note d’information écrite aux Fynes. Après une aussi longue période sans contact ou information et dans la foulée de la décision d’annuler la séance d’information verbale, le délai supplémentaire de deux mois avant que les Fynes reçoivent des renseignements sur les enquêtes a inutilement suscité de l’anxiété et de la frustration chez ces derniers. Les Fynes auraient dû recevoir des mises à jour et des renseignements en temps opportun au cours des enquêtes, et ils auraient dû être avisés sans délai des résultats une fois les enquêtes conclues.

Absence de renseignements substantiels dans la note d’information écrite

255. La principale plainte des Fynes au sujet de la note d’information écrite était qu’elle ne renfermait pas suffisamment de renseignements pour répondre à leurs questions.Note de bas de page 4489 M. Fynes a déclaré lors de son témoignage : [traduction] « Nous avons reçu une lettre qui était en quelque sorte un fourre-tout. Ça ne nous a pas vraiment appris quoi que ce soit, sauf qu’elles étaient toutes terminées, fermées et finies. [...] Et personne n’était accusé ou jugé responsable de quoi que ce soit ».Note de bas de page 4490

256. Mme Fynes a pour sa part déclaré : [traduction] « Nous avons compris, pour résumer cette lettre : Nous n’avons rien fait de mal avant et nous ne faisons rien de mal maintenant et nous ne ferons rien de mal dans l’avenir ».Note de bas de page 4491

257. Il ne fait aucun doute, et tous les témoins du SNEFC en ont convenu, que la note d’information écrite fournissait moins de renseignements que ne l’aurait fait la séance d’information verbale prévue initialement.Note de bas de page 4492 En comparant la note d’information écrite à la présentation PowerPoint que le sgt Shannon avait préparée en prévision de la séance d’information verbale, il a dit que [traduction] « les deux sont le jour et la nuit ».Note de bas de page 4493 Les diapositives PowerPoint incluaient une discussion d’au moins quelques-unes des conclusions individuelles du SNEFC sur les questions identifiées comme étant pertinentes, et une partie du raisonnement soutenant ces conclusions.Note de bas de page 4494 Ils auraient permis aux Fynes de comprendre, à tout le moins, quelques-unes des raisons pour lesquelles les membres du SNEFC en étaient venus à leurs conclusions. En outre, le Maj Dandurand a déclaré dans son témoignage qu’il s’attendait à ce que la séance d’information verbale donne lieu à un [traduction] « dialogue franc et ouvert, non seulement sur les sujets abordés par la diapositive, mais plutôt sur l’ensemble – la totalité des enquêtes ».Note de bas de page 4495 Le lcol Sansterre pensait également qu’une séance d’information verbale aurait entraîné des discussions et beaucoup plus d’échanges d’information.Note de bas de page 4496 Par comparaison, l’information contenue dans la note écrite était très limitée.

258. Dans son témoignage, le sgt Shannon a reconnu que la lettre se bornait à la présentation des conclusions et n’avait pas vraiment rien révélé du raisonnement soutenant ces conclusions, même s’il a indiqué qu’il croyait encore que la note d’information écrite avait répondu [traduction] « aux questions essentielles à la lumière des allégations en cause ».Note de bas de page 4497 Le lcol Sansterre considérait que la note d’information écrite [traduction] « traitait strictement de ce que l’enquête avait été et de ce qui en avait résulté ».Note de bas de page 4498 Il a maintenu que la lettre aux Fynes [traduction] « leur donnait la totalité des résultats de l’enquête du SNEFC ».Note de bas de page 4499 Toutefois, il a reconnu que la lettre comportait [traduction] « moins de détails » sur l’analyse à l’appui des conclusions.Note de bas de page 4500

259. Au total, la lettre comptait trois pages.Note de bas de page 4501 Elle renfermait très peu de renseignements sur le fondement des conclusions du SNEFC et aucun sur les mesures prises au cours des enquêtes.

260. La première page de la lettre donnait un aperçu des deux dossiers. Elle comprenait une description générale des allégations examinées dans chaque cas et indiquait qu’aucune accusation ne serait déposée. La seule information sur les enquêtes était une déclaration indiquant qu’elles avaient demandé un [traduction] « examen approfondi » de « toutes les questions relatives au cpl Langridge », ainsi que des lois et des politiques, et une déclaration à l’effet que seulement les lois, les politiques et les règlements fédéraux valides et en vigueur le 15 mars 2008 avaient été pris en considération.Note de bas de page 4502

261. La deuxième page de la lettre était consacrée à l’enquête de 2009 sur le PPPP. Elle énonçait les deux allégations examinées par le SNEFC et énumérait les infractions potentielles examinées au cours de l’enquête. Venaient ensuite quelques renseignements sur les conclusions tirées. Il y était précisé que l’enquêteur avait conclu que le cpl Langridge vivait en union de fait au moment de son décès et avait découvert que l’adjudant du régiment n’avait pas « nommé » son plus proche parent, mais plutôt confirmé l’existence de documents valides indiquant que le cpl Langridge vivait dans une union de fait. Elle émettait l’avis qu’aucune politique abrogée n’avait été citée à l’appui de la détermination du statut conjugal du cpl Langridge puisque la politique pertinente avait été en vigueur jusqu’en 2009. En conséquence, il était indiqué dans la lettre qu’aucune preuve n’avait été identifiée qui laissait supposer qu’un quelconque membre des FC avait manqué à son devoir et, en conclusion, que les « éléments de l’infraction » n’avaient pas été établis.Note de bas de page 4503

262. Cette information limitée renseignait les Fynes sur au moins quelques-unes des conclusions de l’enquête. En particulier, elle établissait clairement que le SNEFC avait conclu que le cpl Langridge vivait en union de fait au moment de son décès. Cependant, elle n’expliquait d’aucune façon pourquoi cela avait été considéré comme déterminant dans la question à l’étude, à savoir, qui aurait dû être le PPPP du cpl Langridge et qui aurait dû avoir l’autorité de planifier ses funérailles.Note de bas de page 4504

263. Au cours de cette audience, on a appris que l’enquêteur principal croyait que la conjointe de fait était toujours le bon PPPP.Note de bas de page 4505 Cette décision était fondée sur la compréhension qu’avait l’enquêteur des lois et des politiques applicables et des [traduction] « coutumes de la société ».Note de bas de page 4506 Cependant, rien dans la lettre remise aux Fynes n’aurait pu les alerter à ce sujet ou leur permettre de discerner comment ou pourquoi le SNEFC avait ainsi conclu l’enquête. Il n’est pas étonnant qu’ils se soient plaints du fait que la note d’information écrite n’ait pas répondu à leurs questions.Note de bas de page 4507 Ils se sont plaints du choix du PPPP autorisé à planifier les funérailles, et ils ont obtenu en réponse que la personne en question avait été correctement reconnue comme conjointe de fait du cpl Langridge. Dans son témoignage, M. Fynes a expliqué :

[traduction]

Mais [nous] avons posé la question à savoir pourquoi l’ex-petite amie de Stuart a été introduite comme premier plus proche parent afin d’organiser les funérailles; je pense qu’il était plus approprié, au moins techniquement, que la personne qui organise les funérailles soit l’exécuteur testamentaire.

Et nous -- ils ont répliqué qu’elle était encore considérée par l’armée, ou reconnue comme étant conjointe de fait.

Donc, la réponse n’est pas une réponse à la question que [nous] avons posée. Qui a introduit cette personne et pourquoi a-t-elle été introduite ici, parce qu’elle était la conjointe de fait. Oh, d’accord. Ce n’est pas le critère pour organiser des funérailles.Note de bas de page 4508

264. En effet, faute de plus amples renseignements, il n’était pas possible pour les Fynes de comprendre quel lien l’enquêteur du SNEFC avait fait entre le PPPP, la conjointe de fait et la responsabilité de la planification des funérailles. En somme, ils ne pouvaient pas comprendre et évaluer le fondement des conclusions tirées par le SNEFC.

265. En outre, l’exposé ne contenait aucune information sur les mesures d’enquête ou l’approche globale adoptées durant l’enquête de 2009. Sur la base de cette lettre, les Fynes ne pouvaient pas savoir que le plan visant à interroger toutes les personnes impliquées dans la décision relative au PPPP n’avait en fin de compte pas été réalisé.Note de bas de page 4509 Ils ne pouvaient pas savoir que les conclusions du sgt Shannon reposaient uniquement sur sa propre analyse du [traduction] « dossier documentaire » et des politiques qu’il considérait applicables, se fiant uniquement aux entrevues avec des témoins au niveau des politiques et aux trois entrevues menées antérieurement par le cplc Mitchell.Note de bas de page 4510 Ils ne pouvaient pas comprendre, sur la base de la note d’information écrite qu’ils avaient reçue, quelle activité d’enquête avait été effectuée pour étayer la conclusion tirée.

266. La troisième et dernière page de la lettre était consacrée à l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle.Note de bas de page 4511 Elle contenait encore moins d’information que ce qui a été fourni sur l’enquête de 2009. Après avoir exposé les articles du Code criminel invoqués par M. Fynes dans sa lettre de plainte initiale, l’exposé indiquait tout simplement que, après [traduction] « un examen complet de tous les renseignements et des éléments de preuve recueillis », il a été conclu que des [traduction] « motifs raisonnables et probables » de croire que les membres des FC avaient commis les infractions énumérées n’ont pas été établis, et que le fardeau de la preuve pour ces infractions n’a pas été étayé [traduction] « par des preuves ».Note de bas de page 4512 Il n’y avait aucune information précisant ce qui avait été examiné, si quelque mesure d’enquête avait été prise pour recueillir les « preuves » pertinentes, ou quel était le raisonnement qui avait amené à conclure qu’aucune accusation n’était justifiée. Sur la base des renseignements fournis dans la note d’information, il aurait été impossible pour les Fynes de mieux comprendre la façon dont l’enquête de 2010 avait été abordée par le SNEFC.

267. Tout cela était particulièrement problématique à la lumière des engagements antérieurs du Maj Dandurand. Au cours de l’entrevue du 5 mai, il avait explicitement dit aux Fynes qu’il leur [traduction] « promettait », s’il arrivait à la conclusion qu’une accusation n’était pas fondée, d’obtenir « la justification de cette déclaration ».Note de bas de page 4513 Pourtant, la note d’information a simplement établi la conclusion sans fournir aucune explication ou justification.Note de bas de page 4514 Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu qu’il n’avait jamais fourni aux Fynes la justification promise.Note de bas de page 4515 Il a expliqué :

[traduction]

Je ne leur ai pas donné cette justification. L’un des buts de la séance d’information avec la famille qui aurait eu lieu à la conclusion de cette enquête et de l’autre aurait été de discuter de cette question précise, et j’anticipais tout à fait que ce serait un point de discorde et que je devrais l’expliquer en détail.Note de bas de page 4516 [Caractères gras ajoutés]

268. Le Maj Dandurand a indiqué lors de son témoignage qu’il n’avait en fin de compte pas [traduction] « eu la chance » de fournir la justification attendue, parce que le SNEFC [traduction] « avait annulé la séance d’information avec la famille » lorsque les Fynes ont demandé qu’elle ait lieu au cabinet de leur avocat.Note de bas de page 4517 Il n’a pas expliqué pourquoi la justification n’aurait pas pu être présentée dans la lettre qui a remplacé la séance d’information verbale.Note de bas de page 4518 Il a seulement fait remarquer que [traduction] « la lettre n’était pas une séance d’information en soi ».Note de bas de page 4519 À l’époque, il n’a pas examiné la question de savoir si l’insistance des Fynes à procéder à la séance d’information verbale en présence de leur avocat le soulageait de son engagement à fournir une justification pour démontrer que les accusations n’étaient pas justifiées.Note de bas de page 4520 Il n’a fait aucun autre effort pour donner aux Fynes une explication concernant le fondement des conclusions du SNEFC dans le dossier de 2010.

269. En outre, la note d’information écrite ne fournissait aucun renseignement sur les mesures d’enquête prises dans le dossier de 2010. À la lumière de la lettre, les Fynes ne pouvaient pas savoir que seule une évaluation aux fins d’enquête avait été effectuée. Au contraire, certains termes dans la lettre auraient pu donner la fausse impression qu’une enquête avait été menée. La première page de la lettre faisait référence à la conduite de [traduction] « deux enquêtes détaillées et complètes ».Note de bas de page 4521 En outre, la partie de la lettre consacrée à l’enquête de 2010 faisait mention d’un [traduction] « examen complet de tous les renseignements et éléments de preuve recueillis sur la manière dont le cpl Langridge a reçu des soins médicaux et sur la manière dont il a reçu un soutien personnel de la part des membres des Forces canadiennes ».Note de bas de page 4522 Les mots [traduction] « tous les renseignements » semblaient laisser entendre, à tout le moins, que l’ensemble du matériel existant avait été examiné, ce qui n’a pas été le cas.Note de bas de page 4523 Plus important encore, la référence à un examen de [traduction] « tous les éléments de preuve recueillis » créait l’impression que la preuve avait effectivement été recueillie par le SNEFC et qu’une enquête avait été menée, notamment dans le contexte des premières représentations du Maj Dandurand sur les plans prévus pour cette enquête. Dans la lettre, rien n’indiquait que l’examen des [traduction] « renseignements et éléments de preuve » se limitait à une sélection de renseignements déjà en main, sans que de nouvelles preuves soient recueillies et qu’une enquête ait été menée. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu que la lettre, telle que rédigée, n’aurait pas permis aux Fynes de savoir que le SNEFC n’avait pas fait ce qu’il avait dit qu’il ferait lors de l’entrevue du 5 mai.Note de bas de page 4524 Il a dit dans son témoignage :

[traduction]

M. Freiman : Est-ce votre conviction que cette lettre aurait donné aux Fynes la capacité de comprendre qu’aucune enquête n’a été entreprise, ou qu’aucune enquête directe n’a été menée par rapport à l’enquête de 2010 ...?

Les Fynes auraient-ils pu savoir que vous n’avez pas fait ce que vous aviez dit avoir l’intention de faire le 5 mai?

Maj Dandurand : Non, ils n’auraient pas pu.

M. Freiman : Auraient-ils dû être au courant de ça?

Maj Dandurand : C’était mon intention d’en discuter à la séance d’information avec la famille.Note de bas de page 4525

270. Les membres du SNEFC n’ont pas fourni d’explication satisfaisante au sujet de l’omission d’inclure des renseignements substantiels dans la note d’information écrite. Le sgt Shannon, qui a rédigé l’ébauche de la lettre, a déclaré que l’absence d’explications détaillées est le résultat de sa compréhension des [traduction] « règles habituelles d’écriture » applicables à la correspondance.Note de bas de page 4526 Il a expliqué qu’il n’avait pas décomposé les éléments des infractions ni fourni d’explications individuelles sur les conclusions par souci de [traduction] « simplicité ».Note de bas de page 4527 Il a également indiqué que la préparation de ce type de séance d’information, dans un cas comme celui-ci, était inhabituel car normalement les plaignants étaient informés des résultats de l’enquête au cours d’un simple appel téléphonique.Note de bas de page 4528 Le Maj Dandurand a pour sa part expliqué que l’intention visée en préparant la lettre était de s’assurer que les Fynes reçoivent au moins des renseignements sur [traduction] « ce que nous examinions et ce que nous avions conclu ».Note de bas de page 4529 Il ne pouvait pas se rappeler pourquoi il avait été décidé d’inclure passablement moins de détails dans la note d’information écrite que ce qui avait été prévu pour la séance d’information verbale.Note de bas de page 4530 Il a seulement noté que : [traduction] « Nous ne rencontrons pas cela normalement et c’est la décision que nous avons prise à l’époque ».Note de bas de page 4531

271. Les séances d’information finales présentées aux plaignants à l’issue d’une enquête doivent être plus que de simples exercices de courtoisie. Elles doivent fournir des renseignements utiles. Une fois qu’une enquête est terminée, les préoccupations au sujet de la nécessité de protéger l’intégrité de l’enquête sont moins importantes. Ainsi, la séance d’information finale devrait inclure plus de renseignements que les mises à jour en cours d’enquête. Au minimum, elles doivent donner aux plaignants un aperçu des étapes suivies au cours de l’enquête et une explication du fondement des conclusions. Si de l’information valable n’est pas incluse, le seul fait de fournir aux plaignants une dernière séance d’information, au moyen d’un appel téléphonique, d’une rencontre, ou d’une lettre, ne sera pas suffisant pour que le SNEFC remplisse ses obligations ou ses engagements de tenir les plaignants informés au sujet de leurs enquêtes.

272. Dans ce cas, la décision de recourir à la communication écrite au lieu d’une séance d’information verbale, de par sa nature même, a eu pour effet que les Fynes ont reçu moins de renseignements. Toutefois, si le SNEFC avait inclus des renseignements adéquats dans sa lettre sur les mesures prises dans chacune des enquêtes et le raisonnement à l’appui de ses conclusions, la note écrite aurait pu fournir aux Fynes au moins une partie de l’information qu’ils étaient en droit de recevoir. Comme il s’est avéré, la lettre n’a fait ni l’un ni l’autre. En définitive, elle n’a répondu à aucune des questions des Fynes au-delà du résultat final de l’enquête et n’a fourni aucune information significative sur les enquêtes. Plus inquiétant, la note d’information écrite a laissé les Fynes dans l’ignorance totale de ce qui s’était fait au cours des enquêtes et de la mesure dans laquelle cela différait de ce qu’on leur avait dit. En particulier, les Fynes aurait dû être informés clairement de la décision de procéder uniquement à une évaluation aux fins d’enquête du dossier de 2010. La décision d’annuler l’exposé verbal ne dispensait pas les membres du SNEFC de leur obligation de fournir ces renseignements. Même après avoir reçu la « note d’information » finale sur les enquêtes, les Fynes n’avaient toujours aucun moyen de savoir que la vaste enquête promise par le Maj Dandurand n’avait jamais été effectuée. S’il n’y avait pas eu de recours devant cette Commission et si les Fynes n’avaient pas déposé de demande d’accès à l’information pour le dossier d’enquête, ils ignoreraient encore qu’il n’y a eu aucune enquête.

Exactitude de la note d’information écrite

273. En plus de leurs plaintes les plus fondamentales au sujet de l’absence de renseignements significatifs dans la note d’information écrite, les Fynes ont aussi formulé des allégations précises au sujet de renseignements inexacts qu’ils estiment avoir reçus dans la note d’information.Note de bas de page 4532

274. Les Fynes ont allégué que la note d’information représentait incorrectement l’enquête de 2009 comme ayant été ouverte à leur demande.Note de bas de page 4533 Au lieu de cela, ils croient que cette enquête était [traduction] « le résultat des contacts effectués par le Bureau de l’ombudsman militaire au SNE en vue d’ouvrir une enquête »Note de bas de page 4534 Dans son témoignage, M. Fynes a expliqué qu’il voulait [traduction] « remettre les pendules à l’heure » en faisant cette allégation, parce qu’il croyait qu’il n’avait pas été à l’origine de l’enquête de 2009, mais tout en notant qu’ils étaient en quelque sorte des [traduction] « parties prenantes ».Note de bas de page 4535

275. La preuve devant la Commission a révélé qu’il y avait un manque de clarté quant à l’identité du plaignant dans le dossier de l’enquête de 2009. Étant donné que le Bureau de l’ombudsman et les Fynes avaient exprimé des préoccupations similaires au SNEFC, certaines mentions dans le dossier semblent indiquer que les Fynes étaient les plaignants, tandis que d’autres semblent indiquer que l’enquête a été ouverte à la suite des allégations transmises par l’enquêteur de l’ombudsman.Note de bas de page 4536

276. Cependant, la preuve a également révélé que les membres du SNEFC qui ont participé à l’enquête considéraient généralement les Fynes comme étant les véritables plaignants et que l’enquêteur de l’ombudsman était un [traduction] « tiers plaignant » ou un intermédiaire dans la transmission de la plainte des Fynes.Note de bas de page 4537 Étant donné que les renseignements communiqués par l’enquêteur de l’ombudsman provenaient des Fynes et que les préoccupations qu’il avait communiquées aux SNEFC étaient le résultat de la plainte adressée par les Fynes au Bureau de l’ombudsman, ce point de vue n’était pas déraisonnable.Note de bas de page 4538 En fait, quand il a été informé par le Maj Dandurand des allégations formulées par l’enquêteur de l’ombudsman, M. Fynes a lui-même déclaré [traduction] « j’ai fait cette allégation, il y a longtemps, alors je ne vais pas me cacher derrière quelqu’un d’autre ».Note de bas de page 4539 Dans son témoignage, Mme Fynes a également reconnu qu’ils s’étaient plaints de la question du PPP « depuis le début » en indiquant qu’elle s’attendait à ce que l’enquêteur de l’ombudsman ait communiqué avec le SNEFC sur la base des renseignements qu’elle et M. Fynes lui avaient fournis.Note de bas de page 4540 Quant à son point de vue sur l’identité du « plaignant » dans le dossier de l’enquête de 2009, elle a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Q. Passons à l’enquête de 2009. Vous avez dit, et je sais que c’est l’une des allégations figurant dans votre plainte, que vous vous opposiez à toute référence à l’effet que vous et M. Fynes étiez les plaignants dans l’enquête de 2009.

R. Je ne dis pas que je m’oppose à ça. Ce que je veux dire, c’est que nous avons fait part de nos plaintes à l’ombudsman militaire et il m’a dit éventuellement qu’il avait parlé au SNE et qu’une enquête serait menée, puis lorsque nous avons rencontré le major Dandurand, nous lui avons exprimé nos plaintes.Note de bas de page 4541

277. Sur la base des éléments de preuve, la Commission ne peut conclure que les renseignements contenus dans la note d’information écrite remise aux Fynes étaient inexacts. Bien que le manque de clarté du dossier sur la question de l’identité du plaignant ait été déplorable pour d’autres raisons,Note de bas de page 4542 les affirmations contenues dans la dernière note d’information n’ont pas dénaturé la situation. En fait, à proprement parler, ces déclarations étaient exactes. La lettre ne visait pas à identifier les Fynes comme étant les seuls plaignants. Elle indiquait simplement qu’ils avaient fait des allégations verbales concernant la question du PPP et que l’enquête s’était concentrée sur ces allégations.Note de bas de page 4543 Cela représente la compréhension véritable et raisonnable des enquêteurs au sujet de la source des allégations examinées.

278. Les Fynes ont également allégué que l’affirmation dans la note d’information écrite indiquant que [traduction] « la LDN a préséance sur les lois provinciales, » était inexacte.Note de bas de page 4544 Dans son témoignage, M. Fynes a expliqué que, selon sa compréhension, la LDN [traduction] « n’a pas préséance ou ne remplace pas la législation provinciale dans les champs de compétence provinciale ».Note de bas de page 4545 Il a ajouté : « Alors, je ne sais pas si l’enquêteur ne comprend pas ça ou s’il en donne délibérément une impression incorrecte ».Note de bas de page 4546

279. La Commission a noté ailleurs dans le présent rapport que le rejet catégorique du sgt Shannon de la pertinence de la loi provinciale sur la base de sa compréhension que le LDN avait préséance en droit reposait sur une simplification exagérée et n’était pas la bonne approche pour aborder les questions soulevées dans cette enquête.Note de bas de page 4547 La primauté de la loi fédérale sur la loi provinciale dans des circonstances particulières dépend d’un certain nombre de facteurs qui n’ont pas été pris en considération par le sgt Shannon.Note de bas de page 4548 Dans ce dossier, la loi provinciale n’aurait pas dû être écartée du revers de la main, et elle pourrait bien avoir été pertinente pour répondre à certaines des questions qui étaient sous enquête.Note de bas de page 4549 En tant que telle, l’affirmation sans réserve incluse dans la dernière note d’information était en effet inexacte dans le cadre de cette enquête.

280. Toutefois, cette affirmation n’était pas délibérément fausse et ne visait pas à induire les Fynes en erreur. Elle représentait ce que l’enquêteur croyait sincèrement être la loi applicable. Alors que la Commission est d’avis que cette croyance était erronée, et qu’un avis juridique aurait dû être demandé avant d’en venir à ces conclusions,Note de bas de page 4550 il était approprié d’informer les Fynes dans la dernière note d’information de l’approche effectivement adoptée par l’enquêteur. Cela leur aurait permis de faire leur propre évaluation de l’enquête et de prendre tout recours disponible pour contester la démarche de l’enquêteur. L’affirmation incluse dans la note d’information rapportait fidèlement la théorie juridique adoptée au cours de l’enquête. Elle était inexacte en raison d’une lacune dans l’analyse juridique, et non en raison de l’omission de fournir de l’information aux plaignants.

281. Mis à part les points spécifiques dont se sont plaints les Fynes, ils avaient d’autres préoccupations à l’égard du contenu de la note d’information écrite. Non seulement très peu de renseignements significatifs avaient été fournis, mais la manière dont les allégations étaient décrites ne présentait pas une image complète des questions sur lesquelles les Fynes avaient demandé au SNEFC d’enquêter. Bien que les descriptions contenues dans la note d’information n’aient pas visé à induire en erreur les Fynes, parce qu’elles représentaient la compréhension de l’enquêteur, elles étaient néanmoins trop restreintes et, dans le cas des allégations de 2009, elles ont contribué à créer l’impression que les réponses fournies dans la note d’information étaient plus significatives qu’en réalité.

282. La principale allégation examinée dans le dossier d’enquête de 2009 a été décrite comme une allégation à l’effet que des membres des FC [traduction] « avaient mal interprété des documents et des politiques concernant la situation conjugale de votre fils », ainsi qu’une allégation à l’effet que Mme A « avait été désignée comme le plus proche parent – (conjointe de fait) [...] en l’absence de toute documentation démontrant que [Mme A] ait jamais été officiellement nommée comme telle par le cpl Langridge ».Note de bas de page 4551 Dans le dossier d’EG, cette allégation a toujours été présentée comme une allégation à l’effet que les membres des FC avaient fait preuve de négligence dans la nomination de Mme A comme PPP , mais non en la reconnaissant comme conjointe de fait.Note de bas de page 4552 Au cours des entrevues avec le SNEFC, les Fynes avait indiqué clairement que leur plainte était liée à la nomination de Mme A comme PPP aux fins de la prise de décisions pour les funérailles du cpl Langridge.Note de bas de page 4553 Le sgt Shannon a estimé que le conjoint de fait était le PPP approprié et, par conséquent, croyait que si Mme A avait été reconnue de manière appropriée comme conjointe de fait, il s’ensuivrait nécessairement qu’elle avait également été reconnue de manière appropriée comme PPP .Note de bas de page 4554 Dans la note d’information écrite, cette conclusion a été incorporée à la description de l’allégation sous enquête. Même si cela représentait une description exacte de l’opinion ultime de l’enquêteur chargé du dossier et de sa propre compréhension de la question soumise à l’enquête, cela ne représentait pas une description exacte des allégations formulées par les Fynes.

283. La question présentée au SNEFC pour enquête était de savoir si Mme A avait été reconnue comme PPP de manière appropriée, spécifiquement aux fins de la planification des funérailles. Les conclusions énoncées dans la lettre indiquant qu’elle avait été dûment reconnue comme la conjointe de faitNote de bas de page 4555 n’ont pas, à défaut d’autres explications, répondu à la question. Cependant, parce que la lettre a incorrectement formulé la question sur laquelle enquêter comme se rapportant uniquement au statut de conjointe de fait, les conclusions semblaient répondre à la question.

284. La description des allégations de négligence criminelle de 2010 n’a pas non plus capté toutes les plaintes des Fynes. Les allégations ont été décrites comme se rapportant à des [traduction] « membres non identifiés » des FC.Note de bas de page 4556 En fait, au cours de leur entrevue avec le SNEFC, les Fynes ont identifié spécifiquement au moins quelques personnes qu’ils croyaient être responsables.Note de bas de page 4557 À strictement parler, les renseignements contenus dans la note n’étaient pas inexacts, se référant uniquement à la plainte écrite des Fynes, et cette plainte ne précise pas quelles personnes auraient été impliquées.Note de bas de page 4558 Cependant, en utilisant cette description étroite des allégations, la note d’information ne présentait pas un tableau complet des questions en instance. Même si, en s’efforçant de compléter la validation de l’infraction, le sgt Shannon mettait l’accent sur la plainte écrite, il a reconnu dans son témoignage que les allégations verbales des Fynes étaient également pertinentes.Note de bas de page 4559

285. Le Maj Dandurand, qui a signé la lettre d’information, a affirmé dans son témoignage que la description des allégations incluses dans la lettre ne visait pas à indiquer que l’enquête se limiterait aux allégations formulées dans la plainte écrite des Fynes.Note de bas de page 4560 Il a déclaré que l’omission d’enregistrer l’identité des personnes visées par la plainte dans le dossier d’enquête et dans la lettre n’était pas intentionnelle.Note de bas de page 4561 Si, en effet, l’approche globale que le SNEFC semblait vouloir adopter était de prendre en compte les allégations verbales des Fynes, et pas seulement leur plainte écrite, cela ne se reflète pas dans la note d’information écrite.

Conclusion

286. Dans l’ensemble, la série d’omissions et d’erreurs de communication observée dans l’interaction du SNEFC avec les Fynes au cours des enquêtes de 2009 et de 2010 a constitué un malheureux exemple de la façon de ne pas agir avec des plaignants. Les Fynes n’ont pas été traités avec le respect et la considération qu’ils avaient le droit d’obtenir. Ils n’ont pas reçu d’information utile au cours des enquêtes ou après qu’elles aient été conclues. Leurs questions sont restées sans réponse, et plusieurs des promesses qu’on leur a faites n’ont jamais été remplies. Malheureusement, ces dérapages et manquements dans la communication sont une continuation des problèmes similaires observés depuis le début de l’enquête de 2008.Note de bas de page 4562

4.5.5. Le commentaire sur le « syndrome de Stockholm »

287. Les Fynes ont allégué devant la Commission que les membres du SNEFC avaient dit au cours d’une entrevue que la déclaration faite par leur OD à l’effet que les Fynes avaient été « dupés, induits en erreur et délibérément marginalisés dans leurs rapports avec le MDN et les FC »Note de bas de page 4563 était probablement le résultat du [traduction] « syndrome de Stockholm ». Ils font valoir que ce commentaire démontrait un parti pris contre les critiques à l’endroit des FC, et que ces opinions avaient eu pour effet d’empêcher les membres du SNEFC de mener des enquêtes indépendantes.Note de bas de page 4564 Dans son témoignage, Mme Fynes a laissé entendre que les enregistrements de cette entrevue avaient été modifiés.Note de bas de page 4565

288. La Commission conclut que ces allégations ne sont pas fondées. Les éléments de preuve disponibles indiquent qu’aucun membre du SNEFC n’a fait un tel commentaire aux Fynes lors de l’entrevue en question. Une expertise effectuée sur les bandes d’enregistrement de l’entrevue a établi de manière concluante qu’il n’y a eu aucune altération des enregistrements audio ou vidéo.

Contexte des allégations

289. Les circonstances donnant lieu à ces allégations commencent par un courriel du Maj Parkinson au Maj Glen Hamilton-Brown le 21 janvier 2009.Note de bas de page 4566 Le courriel aurait été envoyé après que les Fynes aient rencontré le Maj Parkinson à son unité de la réserve, en soirée. Mme Fynes a déclaré qu’ils étaient [traduction] « en colère » à ce moment-là, ayant l’impression d’être ignorés par les FC à l’approche de la CE, et qu’ils sont allés parler avec le Maj Parkinson pour voir s’il pouvait les aider.Note de bas de page 4567 Le Maj Parkinson a dit au cours de son témoignage qu’il avait envoyé le courriel au Maj Hamilton-Brown dans un effort [traduction] « pour s’assurer que les Fynes soient des participants à la commission d’enquête ».Note de bas de page 4568Le courriel affirme notamment :

[traduction]

Personnellement, je n’ai pas de problèmes, mais je crois qu’il est de mon devoir de vous informer que les Fynes ont assurément une multitude de questions dont la moindre n’est pas leur participation à la CE d’une manière significative. Vous comprendrez que si pendant dix mois ils ont été trompés, induits en erreur et délibérément marginalisés à divers moments, ils n’ont plus aucune confiance dans le système.Note de bas de page 4569

290. M. et Mme Fynes se sont plaints à la Commission et ont soutenu dans leurs témoignages que le Maj Dandurand avait dit que les déclarations du Maj Parkinson étaient probablement le résultat du « syndrome de Stockholm ». Ils croyaient que ce commentaire avait été fait au cours de la troisième rencontre entre les enquêteurs du SNEFC et les Fynes à la BFC Esquimalt, le 5 mai 2010.Note de bas de page 4570 M. Fynes a déclaré qu’il croyait que le commentaire avait été fait vers le milieu de l’entrevue.Note de bas de page 4571

291. Rien dans les enregistrements audio ou vidéoNote de bas de page 4572 ou dans la transcriptionNote de bas de page 4573 de l’entrevue ne montre que le Maj Dandurand a fait un tel commentaire. Devant ce fait, lors de son témoignage, Mme Fynes a reconnu qu’un tel commentaire ne se retrouvait pas dans les enregistrements, mais elle a allégué que des parties de l’entrevue avaient [traduction] « disparu » des enregistrements.Note de bas de page 4574 M. Fynes n’a pas fait une telle allégation, mais il a déclaré qu’il n’y avait aucune raison pour laquelle il accepterait que le commentaire n’ait pas été capté dans les enregistrements.Note de bas de page 4575

292. Les allégations des Fynes sont de nature très grave et sont préoccupantes pour un certain nombre de raisons. Si les enquêteurs avaient fait un commentaire de ce genre, cela évoquerait un parti pris contre les critiques adressées aux FC et remettrait en question leur impartialité dans la conduite de leurs enquêtes. Il ne serait pas professionnel pour des enquêteurs d’assimiler l’OD d’une famille à une victime d’enlèvement et, par ricochet, la famille à des preneurs d’otages. L’allégation à l’effet que certaines parties de l’entrevue [traduction] « manquaient » équivaut à alléguer que les enregistrements de l’entrevue ont été falsifiés pour en retirer la déclaration contestée. Modifier l’enregistrement de l’interrogatoire d’un témoin serait une grave faute professionnelle parce que le contenu de l’enregistrement ne représenterait plus les événements de façon complète et exacte. Cela risquerait de compromettre une enquête et la réputation et l’intégrité professionnelles des enquêteurs impliqués.

Les réponses des enquêteurs et la preuve

293. Pour leur part, aucun des enquêteurs ayant participé à l’entrevue ne se rappelait qu’un tel commentaire avait été fait. Le Maj Dandurand a indiqué au cours de son témoignage qu’il ne se souvenait pas avoir fait quelque commentaire que ce soit au sujet du « syndrome de Stockholm » comme le prétendaient les Fynes, et rien ne lui permettait de penser que les bandes d’enregistrement des entrevues avaient été altérées.Note de bas de page 4576 Le cplc Mitchell a dit lors de son témoignage qu’il ne pouvait se rappeler d’aucune discussion portant sur le « syndrome de Stockholm », ou que le Maj Parkinson aurait été stigmatisé pour les commentaires qu’il a faits.Note de bas de page 4577

294. Les enregistrements et la transcription de l’entrevue indiquent que ni le Maj Dandurand ni le cplc Mitchell n’ont fait de commentaires à propos du « syndrome de Stockholm » dont aurait souffert le Maj Parkinson. Il n’existe aucun enregistrement d’une discussion portant sur le courriel du Maj Parkinson ou sur toute répercussion qui aurait pu en découler. Le nom du Maj Parkinson est mentionné pendant l’entrevue, puisque le cplc Mitchell l’avait interviewé dans le cadre de l’enquête de 2009. Le cplc Mitchell a dit aux Fynes qu’il pensait que le Maj Parkinson était un [traduction] « homme très gentil ».Note de bas de page 4578 La seule autre mention du Maj Parkinson a été faite par les Fynes quand ils ont dit aux enquêteurs qu’il les avait informés, dans les jours suivant la mort du cpl Langridge, qu’ils n’étaient pas le PPPP.Note de bas de page 4579 C’est là toute la portée des discussions concernant le Maj Parkinson.

295. La Commission a commandé une analyse judiciaire des enregistrements audio et vidéo de l’entrevue du 5 mai 2010 auprès de la Section de l’analyse audio et vidéo de la GRC afin de déterminer s’ils avaient été modifiés d’une façon quelconque. Les analyses effectuées comprenaient une analyse vidéo image par image, une comparaison audio des enregistrements audio et vidéo distincts, ainsi que des analyses des propriétés des fichiers numériques.Note de bas de page 4580 Le rapport détaillé de ces analyses arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de [traduction] « preuve que des suppressions ou des modifications ont été effectuées dans l’un ou l’autre des enregistrements. Au contraire, la preuve démontre clairement qu’ils sont exactement ce qu’ils sont censés être ».Note de bas de page 4581 Ainsi, il n’existe aucune preuve appuyant l’allégation de Mme Fynes à l’effet que les enregistrements aient été modifiés.

4.5.6 Réponses du SNEFC aux questions du col Blais

296. Pendant la période de cinq mois où les Fynes n’ont ​​eu aucun contact avec le SNEFC, alors que les enquêtes de 2009 et de 2010 étaient toujours en cours, les Fynes ont adressé au col Gérard Blais des questions sur les enquêtes passées et en cours du SNEFC. Les Fynes avaient soulevé plusieurs de ces questions auparavant, mais n’avaient pas reçu de réponses satisfaisantes ou même aucune réponse dans certains cas.Note de bas de page 4582

297. Le SNEFC a préparé des réponses aux questions des Fynes et les a transmises par l’entremise du col Blais. Les Fynes n’étaient pas satisfaits de ces réponses.Note de bas de page 4583 Dans bien des cas, les réponses n’ont fait qu’accentuer leurs préoccupations générales et leurs plaintes concernant l’omission du SNEFC de les tenir informés.Note de bas de page 4584 Les réponses ont également conduit à la formulation de nouvelles plaintes alléguant que des justifications ou des renseignements inexacts avaient été fournis pour expliquer ou justifier les actions du SNEFC.Note de bas de page 4585

Compilation des informations du SNEFC

298. Le col Blais a été directeur de l’Unité de gestion du soutien aux blessés des FC.Note de bas de page 4586 Peu de temps après la conférence de presse de Mme Fynes en octobre 2010, il a été nommé comme personne contact pour répondre aux questions des Fynes au nom des FC.Note de bas de page 4587 Le col Blais a demandé aux Fynes de lui fournir la liste de leurs questions ou préoccupations et il a entrepris d’obtenir des réponses auprès des organismes pertinents des FC.Note de bas de page 4588

299. Le 4 janvier 2011, les Fynes ont envoyé un document au col Blais énumérant un certain nombre de questions pour lesquelles ils souhaitaient obtenir des réponses des FC, y compris six questions spécifiquement liées aux enquêtes du SNEFC.Note de bas de page 4589 Le col Blais a transmis les questions à des [traduction] « experts en la matière » au sein des FC afin d’obtenir les renseignements nécessaires.Note de bas de page 4590 Le 11 janvier 2011, le commandant du SNEFC, le lcol Sansterre, a reçu les questions, avec la demande du col Blais d’obtenir des réponses le plus tôt possible.Note de bas de page 4591 Le même jour, les questions ont été transmises au Maj Dandurand, le commandant du détachement de la RO, en lui demandant de fournir des réponses.Note de bas de page 4592

300. L’adjum Terry Eisenmenger, enquêteur principal au sein du détachement, a été chargé de compiler les renseignements pour répondre aux questions des Fynes.Note de bas de page 4593 Le 14 janvier 2011, il a envoyé au Maj Dandurand des ébauches de réponses à cinq des six questions du SNEFC.Note de bas de page 4594 Le 18 janvier, le Maj Francis Bolduc, commandant adjoint du SNEFC, a transmis au col Blais les réponses du SNEFC aux six questions.Note de bas de page 4595

301. On ne sait pas clairement qui a produit la version définitive des réponses envoyées par le Maj Bolduc. Le contenu était identique à celui des ébauches de réponses rédigées par l’adjum Eisenmenger.Note de bas de page 4596 La seule différence était que l’adjum Eisenmenger avait reproduit des sections entières de politiques de la PM qu’il jugeait pertinentes, alors que la version finale ne contenait que des références aux sections et une description plus générale de leur contenu.Note de bas de page 4597 Du texte avait également été ajouté à la réponse fournie par l’adjum Eisenmenger à la sixième question, portant sur l’omission de divulguer la note de suicide. En outre, une réponse a été ajoutée pour la cinquième question, concernant l’enquête relative au « plus proche parent », que l’adjum Eisenmenger avait laissée sans réponse.Note de bas de page 4598

302. Dans son témoignage, le Maj Bolduc a indiqué qu’il avait reçu les réponses directement du Maj Dandurand et les avait transmises au col Blais sans apporter de modifications.Note de bas de page 4599 Le Maj Dandurand, pour sa part, a expliqué qu’il avait dû s’occuper de certaines urgences familiales durant cette période.Note de bas de page 4600 Par conséquent, il n’avait pu accorder au dossier toute son attention et il avait dû s’en remettre à son adjoint.Note de bas de page 4601 Il ne pouvait pas se rappeler s’il avait apporté des modifications aux ébauches de réponses fournies par l’adjum Eisenmenger, ou s’il avait rédigé les réponses supplémentaires incluses dans la version finale.Note de bas de page 4602 Le Maj Dandurand a toutefois noté que les nouvelles réponses correspondaient à la compréhension qu’il avait lui-même à l’époque.Note de bas de page 4603 Il a aussi déclaré qu’il aurait été de pratique courante que l’adjum Eisenmenger lui transmettre les ébauches de réponse pour examen et commentaires.Note de bas de page 4604 À la lumière de cette preuve, il est probable que le Maj Dandurand ait contribué à la production de la version finale des réponses du SNEFC éventuellement transmise au col Blais.

Réponses fournies aux Fynes

303. Après que le Maj Bolduc ait envoyé les réponses du SNEFC au col Blais le 18 janvier, elles ont été intégrées à un plus gros document contenant les réponses des autres organismes des FC.Note de bas de page 4605 Le document a été examiné et révisé par les FC avant d’être envoyé aux Fynes.Note de bas de page 4606 Il y a eu quelques modifications mineures aux réponses du SNEFC mais, en substance, elles sont demeurées inchangées.Note de bas de page 4607 Les réponses ont été transmises aux Fynes par le col Blais le 31 janvier 2011.Note de bas de page 4608

Question 1 : [traduction] « Pourquoi n’a-t-on montré aucun respect envers Stuart et pourquoi a-t-on laissé son corps pendu pendant plusieurs heures? »

304. C’était une question que les Fynes avaient posée aux membres du SNEFC lors des deux premières rencontres du 28 novembre 2009 et du 3 mars 2010.Note de bas de page 4609 Le Maj Dandurand s’était expressément engagé à trouver la réponse, mais il n’a pas repris contact avec les Fynes pour leur communiquer l’information.Note de bas de page 4610 Au cours de ces rencontres, des renseignements de nature générale ont été fournis sur l’autorité légale de prendre des décisions pour déplacer ou enlever le corps, mais il n’y a pas eu de réponse spécifique sur ce qui s’était passé dans ce cas.Note de bas de page 4611 La réponse fournie par le truchement du col Blais n’était pas différente à cet égard.

305. Dans sa réponse à cette question, le col Blais commence par expliquer que toutes les enquêtes sur une mort subite sont traitées comme des enquêtes d’homicide lorsque la cause du décès est inconnue.Note de bas de page 4612 Il note que l’intention est de prévenir la perte d’éléments de preuve et d’assurer que la scène ne soit pas contaminée.Note de bas de page 4613 Il affirme ensuite : [traduction] « La dépouille ne peut être retirée tant que l’autorisation n’a pas été donnée par l’enquêteur principal, qui reçoit des instructions du coroner ».Note de bas de page 4614 Il poursuit en décrivant les événements du 15 mars 2008. Il affirme que le cpl Langridge a été découvert dans la [traduction] « pièce des contrevenants ».Note de bas de page 4615 Il indique qu’à la fois la PM et les services d’urgence ont tenté de lui sauver la vie dès leur arrivée sur les lieux, mais ont rapidement déterminé qu’il ne pouvait pas être réanimé.Note de bas de page 4616 Il note que la pièce a été officiellement déclarée scène de crime, en ajoutant [traduction] « à 17 h 25, le 15 mars 2008, l’enquêteur principal du SNEFC et le coroner sont arrivés et ont entrepris le traitement de la scène du crime en faisant un enregistrement vidéo et prenant des photos ».Note de bas de page 4617 La réponse indique que la dépouille du cpl Langridge a été retirée à 19 h 16, et elle se termine en indiquant que la méthodologie employée pour le traitement d’une scène d’homicide potentielle est [traduction] « extrêmement longue et laborieuse ».Note de bas de page 4618 Il y est précisé que les enquêteurs doivent faire preuve de prudence pour recueillir tous les éléments de preuve possibles car tout élément non recueilli risque d’être perdu aux fins de l’enquête ou irrecevable devant un tribunal. La réponse précise en outre que si le corps du cpl Langridge avait été enlevé tandis que la scène était en cours de traitement, « cela aurait contribué à contaminer davantage la scène du crime [...], ce qui pourrait avoir eu un impact significatif sur l’enquête criminelle ».Note de bas de page 4619

306. Cette réponse ne répond pas à la question des Fynes. Elle comporte plusieurs déclarations générales sur les politiques et les exigences en vigueur, mais peu de renseignements sur les événements réels de l’affaire. Elle jette peu de lumière sur qui a pris la décision de ne pas retirer la dépouille du cpl Langridge plus tôt et sur quoi reposait une telle décision. Certains des renseignements factuels fournis sont par ailleurs inexacts.

307. Bien que ce point n’ait pas été exprimé aussi clairement qu’il aurait pu l’être, la réponse indique bien que c’était le ML qui avait le pouvoir de donner instruction que le corps soit déplacé ou enlevé.Note de bas de page 4620 Cela est cohérent avec les déclarations faites par les membres du SNEFC au cours de rencontres antérieures avec les Fynes.Note de bas de page 4621 M. Fynes était en désaccord avec cette interprétation de la loi et a estimé que c’était le SNEFC, plutôt que le ML, qui avait le pouvoir de décider du moment où le corps pouvait être retiré.Note de bas de page 4622 Dans leurs allégations présentées à la Commission, les Fynes se sont plaints notamment du fait que les membres du SNEFC « ont à tort affirmé que l’omission de rapidement décrocher le corps du cpl Langridge engageait uniquement la responsabilité du médecin légiste de l’Alberta ».Note de bas de page 4623 Dans la mesure où elle repose sur la compréhension qu’avaient les Fynes de la responsabilité légale de prendre des décisions au sujet de l’enlèvement de la dépouille, cette allégation est mal fondée. Le ML avait l’autorité légale de prendre la décision et, en ce sens, la description du cadre juridique applicable incluse dans la réponse est factuellement exacte.Note de bas de page 4624

308. Cependant, telle que rédigée, la réponse ne fournit aucune précision concernant les rôles respectifs joués par le ML et les enquêteurs du SNEFC pour déterminer quand la dépouille du cpl Langridge pouvait être décroché dans ce cas précis. En mettant l’accent sur des renseignements ayant trait à la responsabilité légale de prendre la décision et en ne fournissant aucun détail sur les faits, la réponse semble impliquer que la décision a été prise par le ML. En réalité, même si les enquêteurs du SNEFC n’avaient pas le pouvoir de déterminer le moment où le corps du cpl Langridge pouvait être retiré, ils ont influencé le temps qu’il a fallu pour enlever le corps en demandant à l’enquêteur du ML d’attendre pendant qu’ils répertoriaient de manière exhaustive la pièce et son contenu à l’aide de photographies et de vidéos.Note de bas de page 4625

309. La Commission a trouvé que le temps pris par les enquêteurs pour traiter la scène dans cette affaire était dans les normes de ce qui pouvait être considéré comme raisonnable dans les circonstances.Note de bas de page 4626 Ainsi, les enquêteurs du SNEFC ne peuvent pas être blâmés pour le temps durant lequel le corps du cpl Langridge est demeuré pendu. Le fait demeure néanmoins que la principale raison pour laquelle le corps du cpl Langridge n’a pas été décroché plus tôt est que l’on a demandé à l’enquêteur du ML d’attendre que les enquêteurs aient complété les différentes étapes qu’ils souhaitaient entreprendre. La réponse donnée aux Fynes omet entièrement cette information. Dans la mesure où la réponse implique que le ML est effectivement responsable de la décision concernant le moment de l’enlèvement de la dépouille du cpl Langridge, elle n’est pas exacte.

310. La réponse fait également référence au risque de contamination de la scène si le corps avait été retiré plus tôt. Il n’est pas clair que les déclarations à cet effet soient corroborées par les faits. La description des procédures et de la méthodologie générale suivie à l’époque par le SNEFC dans un tel cas est précise. Il est aussi exact, dans l’abstrait, qu’une des raisons de recourir à ces procédures est d’éviter de contaminer la scène ou de perdre des éléments de preuve. Cependant, sur la base des faits de l’affaire, il n’est pas clair que ces déclarations aient eu une quelconque application particulière.

311. Bien que la Commission ait trouvé que le temps requis pour examiner la pièce en détail avant d’en retirer la dépouille n’était pas déraisonnable et était conforme à la méthodologie et aux procédures habituelles du SNEFC,Note de bas de page 4627 il n’y a aucun fondement pour supposer que le temps pris était requis. Dans la réponse fournie aux Fynes, on affirme que cela était nécessaire, en affirmant catégoriquement que la scène aurait été contaminée si l’on n’avait pas procédé ainsi. La preuve devant la Commission n’appuie pas cette déclaration. Il n’existe aucune preuve soutenant une conclusion à l’effet qu’une fois que l’enquêteur du ML a examiné le corps et que des photos et /ou une vidéo ont été prises pour montrer sa position dans la pièce, le fait d’enlever la dépouille avant d’effectuer un inventaire plus exhaustif de la chambre du cpl Langridge aurait nui au reste du travail des enquêteurs ou l’aurait affecté ou aurait [traduction] « contaminé » la scène.Note de bas de page 4628 Dans cette réponse, la combinaison d’une description des procédures générales et d’une description des faits de l’affaire a pu faire en sorte que des renseignements potentiellement trompeurs aient été communiqués aux Fynes.

312. La réponse contient également un certain nombre d’inexactitudes factuelles dans la description des événements du 15 mars 2008. Elle déclare que la PM et le personnel des services d’urgence ont tenté de sauver la vie du cpl Langridge lorsqu’ils sont arrivés sur la scène, mais il n’existe aucune preuve en ce sens. Au contraire, le personnel d’urgence a tout simplement confirmé qu’il n’y avait pas de signes vitaux.Note de bas de page 4629 Dans les circonstances, c’était la chose appropriée à faire, car il était évident que le cpl Langridge était déjà décédé.Note de bas de page 4630 Il n’y a eu à cet égard aucune faute ou comportement inapproprié de la part de la PM ou des membres des FC. Cependant, la réponse ne décrit pas avec exactitude les événements. La confusion semble encore une fois provenir d’une tentative de combiner une description des protocoles applicables et une description des événements tels qu’ils sont réellement survenus. Puisque les protocoles habituels impliquent généralement de tenter des mesures de réanimation,Note de bas de page 4631 il a apparemment été supposé que cela avait été fait dans ce cas.

313. La mention selon laquelle le cpl Langridge a été trouvé dans la [traduction] « pièce des contrevenants » est également inexacte.Note de bas de page 4632 Dans son témoignage, le Maj Dandurand a admis qu’il s’agissait d’une [traduction] « affirmation fausse ».Note de bas de page 4633 En effet, alors qu’il était tenu de résider dans la pièce des contrevenants, le cpl Langridge a été découvert dans sa chambre de caserne.Note de bas de page 4634 Il n’y a aucune indication que cette erreur était intentionnelle ou destinée à induire les Fynes en erreur. Cela résulte probablement d’une confusion ou d’un malentendu dans l’examen du dossier d’enquête. Cependant, l’erreur avait de l’importance pour les Fynes, parce qu’ils ont été impliqués dans une dispute avec le régiment du cpl Langridge sur l’adresse exacte de ce dernier au moment de son décès.Note de bas de page 4635 Quand ils ont reçu cette réponse du SNEFC, les Fynes ont noté spécifiquement l’inexactitude de l’information sur l’endroit où le cpl Langridge avait été trouvé.Note de bas de page 4636

314. Des erreurs et des inexactitudes de ce genre dans la description des faits essentiels entourant la découverte du corps de leur fils n’étaient pas susceptibles d’inspirer la confiance des Fynes dans les réponses fournies par le SNEFC. Il n’est pas surprenant que M. Fynes ait dit dans son témoignage qu’il n’avait pas accepté les explications données par le SNEFC et croyait que la réponse était [traduction] « incompatible avec ce qui s’était réellement passé sur les lieux ».Note de bas de page 4637 Même si cette perception provenait en partie de la propre méprise des Fynes au sujet de la responsabilité légale de la prise de décision concernant le retrait de la dépouille, il est vrai aussi que la réponse ne contenait pas une description exacte des événements ou un énoncé des raisons pour lesquelles le corps du cpl Langridge n’a pas été enlevé plus tôt.

Question 2 : [traduction] « Pourquoi le SNE avait-il besoin d’accéder aux ‘renseignements personnels’ de Stuart se trouvant dans ses dossiers médicaux et de santé? »

315. La brève réponse du SNEFC fournie aux Fynes énonce deux raisons pour lesquelles les dossiers médicaux du cpl Langridge ont été obtenus. Tout d’abord, elle affirme que les enquêteurs du SNEFC avaient reçu des renseignements indiquant que le cpl Langridge avait peut-être souffert d’un problème de toxicomanie et fréquenté un établissement médical afin d’être traité pour des troubles de santé mentale, y compris des [traduction] « tendances suicidaires ».Note de bas de page 4638 Deuxièmement, la réponse précise que des médicaments ont été trouvés à la résidence du cpl Langridge et [traduction] « qu’une confirmation était nécessaire afin d’établir ou de confirmer que les Forces canadiennes lui avaient fourni ces médicaments et de déterminer s’ils pouvaient avoir contribué d’une façon quelconque à sa mort ».Note de bas de page 4639

316. Bien qu’elle ne donne pas d’explication élaborée sur la façon dont les renseignements médicaux recherchés pouvaient servir à confirmer que le suicide était la cause la plus probable du décès, cette réponse est, dans l’ensemble, conforme aux faits. Les enquêteurs avaient reçu des renseignements indiquant que le cpl Langridge avait des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, et avaient été informés des tentatives de suicide antérieures.Note de bas de page 4640 Les enquêteurs avaient également trouvé des médicaments dans le casier de rangement et dans la Jeep du cpl Langridge, et ils cherchaient à déterminer quels médicaments il prenait, quels étaient leurs effets secondaires possibles, et si ses actions pouvaient avoir été influencées par les médicaments ou leurs effets secondaires.Note de bas de page 4641 Toutes ces raisons ont été explicitement mentionnées par les enquêteurs dans leur témoignage et étaient citées dans la demande d’accès aux dossiers médicaux.Note de bas de page 4642 Le seul aspect qui n’est pas spécifiquement mentionné est la nécessité de confirmer que les médicaments avaient été fournis par les FC.

Question 3 : [traduction] « Pourquoi le certificat du médecin légiste de l’Alberta mentionne-t-il de façon erronée que Stuart avait des problèmes de discipline? »

317. Les Fynes s’étaient plaints à ce sujet lors des rencontres précédentes avec le SNEFC, mais n’avaient pas pu obtenir de détails sur les déclarations faites au ML par les enquêteurs du SNEFC.Note de bas de page 4643 La réponse fournie par le col Blais renferme plus de renseignements. Il explique que l’enquêteur du ML avait demandé des précisions sur le sens du terme [traduction] « contrevenant » et qu’on lui avait dit qu’un contrevenant était un membre des FC qui démontrait une discipline médiocre ou inadéquate, mais qu’on ne lui avait jamais dit que le cpl Langridge était un contrevenant.Note de bas de page 4644 Il a ajouté qu’il avait cru que [traduction] « l’enquêteur du ML, de sa propre initiative et sans influence ou direction de la part de l’enquêteur principal, avait noté sur le certificat du ML que le cpl Langridge éprouvait des problèmes disciplinaires ».Note de bas de page 4645

318. Les Fynes n’étaient pas satisfaits de cette réponse.Note de bas de page 4646 Dans la plainte déposée auprès de la Commission, ils ont allégué notamment que le SNEFC avait fourni des explications erronées pour justifier ses actions en adoptant la position que « on ne pouvait les tenir responsables du fait que le ML avait entendu certaines choses lors de l’examen de la dépouille du cpl Langridge sur les lieux, ni du fait que le ML en avait tiré des conclusions et avait à tort parlé de problèmes de discipline dans son rapport ».Note de bas de page 4647

319. La preuve présentée à la Commission a révélé que les enquêteurs du SNEFC n’étaient pas, en fait, responsables du commentaire figurant sur le certificat du ML. Ils ont effectivement mentionné à l’enquêteur du ML qu’ils avaient reçu des renseignements indiquant que le cpl Langridge pouvait être considéré comme un contrevenant, mais en prenant soin de noter que l’information n’était pas confirmée, et ils ont fourni des précisions quand ils ont obtenu des renseignements supplémentaires.Note de bas de page 4648 Au cours de son témoignage, l’enquêteur du ML a reconnu que la mention des problèmes de discipline sur le certificat du ML découlait de l’interprétation faite par l’enquêteur du ML lui-même et non de déclarations provenant de membres du SNEFC.Note de bas de page 4649 La réponse fournie par l’intermédiaire du col Blais est exacte et les allégations des Fynes sur cette question ne sont pas bien fondées.

Question 4 : [traduction] « Pourquoi l’enquête du SNE sur la mort de Stuart se termina-t-elle après trois mois sans que les pièces saisies ne soient retournées? »

320. Les Fynes avaient soulevé cette question lors de rencontres antérieures avec les membres du SNEFC. Ils n’avaient pas reçu d’explication concernant le retard mis à retourner les pièces saisies au terme de l’enquête de 2008.Note de bas de page 4650 La réponse fournie par le col Blais n’a pas réussi non plus à offrir des éclaircissements sur les raisons réelles de ce retard. Elle mettait l’accent sur une description générale des politiques et des procédures, dont certaines ne s’appliquaient pas dans ce cas, et ne fournissait pas de renseignements sur les faits. Elle renfermait également des renseignements manifestement inexacts.

321. La réponse commence par affirmer que les articles saisis en preuve peuvent être conservés jusqu’à ce que toutes les activités d’enquête aient été menées, y compris une enquête supplémentaire éventuelle.Note de bas de page 4651 Elle précise que le propriétaire légal ou l’exécuteur testamentaire doit être identifié avant la remise des biens, le moment venu.Note de bas de page 4652 La réponse décrit ensuite les politiques de la PM sur la restitution des biens saisis. Il y est noté que les biens liés ou que l’on soupçonne d’être liés à une infraction peuvent être saisis en preuve jusqu’à ce qu’il ne soit plus nécessaire de les conserver comme éléments de preuve et/ou que l’instruction d’en disposer a été reçue.Note de bas de page 4653 Elle précise que les conseillers principaux de la PM, les gestionnaires de cas et les enquêteurs [traduction] « doivent mettre en place des procédures pour assurer un suivi des retours et des dates d’échéance des demandes de prolongation de la période de conservation des articles saisis ».Note de bas de page 4654 Elle explique que la disposition des éléments de la preuve débute lorsque le conseiller principal de la PM demande des instructions en ce sens à l’autorité concernée.Note de bas de page 4655 Elle note que cela survient lorsque [traduction] « le délai d’appel a expiré, ou lorsqu’aucune procédure judiciaire n’a été prise dans une affaire, et que le propriétaire ne peut être identifié, dans l’année suivant celle où l’enquête a été conclue ou suspendue ».Note de bas de page 4656 La réponse conclut alors en déclarant : [traduction] « En ce qui concerne ce cas particulier, l’attribution de la propriété des biens aux parents du caporal Langridge ou à sa conjointe de fait au moment du suicide n’avait pas été clairement déterminée ».Note de bas de page 4657

322. Les Fynes ont été particulièrement mécontents de cette réponse.Note de bas de page 4658 Dans leurs allégations sur les motifs inexacts mis de l’avant pour justifier les actions du SNEFC, ils se sont plaints que les « membres du SNE ont informé les plaignants que, en vertu des politiques [de la PM], ils étaient autorisés à conserver les pièces pendant un an au cas où il y aurait appel ».Note de bas de page 4659 Dans son témoignage, M. Fynes a expliqué :

[traduction]

Lorsque j’ai demandé pourquoi ils gardaient les biens de Stuart, la réponse que j’ai reçue d’Ottawa a consisté à me citer une politique de rétention des pièces dans l’éventualité d’un appel. Il n’y avait rien qui aurait pu faire l’objet d’un appel. Il n’y avait aucune infraction criminelle et il n’y avait pas d’accusation.Note de bas de page 4660 [Caractères gras ajoutés]

323.  Bien que la plupart des politiques décrites dans la réponse aient été en vigueur à l’époque,Note de bas de page 4661 elles ne s’appliquaient pas en particulier aux faits de cette affaire et, effectivement, elles n’ont pas joué un rôle dans le retard survenu dans la restitution des pièces. Dans son témoignage, le Maj Dandurand a reconnu que la mention de la politique concernant la période d’appel n’était aucunement pertinente pour expliquer ce qui s’était passé avec les pièces conservées en preuve.Note de bas de page 4662 Il a supposé qu’elle avait été incluse pour informer le Maj Bolduc, en prévoyant qu’elle serait retirée s’il n’était pas approprié de l’inclure dans la réponse donnée aux Fynes.Note de bas de page 4663 De façon générale, le Maj Dandurand avait l’impression que la description des politiques de la PM incluse dans la réponse [traduction] « semble être une tentative de répondre à la question sans lien spécifique avec le dossier lui-même, mais du point de vue de la pratique courante ».Note de bas de page 4664 Il a reconnu qu’il n’était [traduction] « pas idéal » de tenter de répondre à une question sur une situation précise en se référant à une pratique générale.Note de bas de page 4665

324. Mise à part la description des pratiques générales, la réponse ne répond pas à la question des Fynes. Après avoir examiné cette réponse au cours de son témoignage, le Maj Bolduc, commandant adjoint du SNEFC, était toujours incapable de répondre à la question, puisqu’il ne savait pas pourquoi l’étape finale, qui consistait à retourner les pièces, n’avait pas été achevée.Note de bas de page 4666 La preuve devant la Commission a révélé que la raison pour laquelle les pièces n’avaient pas été retournées immédiatement à la fin de l’enquête de 2008 était l’absence d’un processus adéquat au sein du détachement pour la restitution des pièces.Note de bas de page 4667 En conséquence, il n’était pas rare que des pièces demeurent dans la salle des éléments de preuve du détachement pendant des années, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour les retourner.Note de bas de page 4668 Dans le cas présent, des mesures ont été prises pour retourner les pièces seulement à la suite d’une demande du directeur des successions.Note de bas de page 4669 La réponse transmise par l’intermédiaire du col Blais ne contient aucun renseignement au sujet de ces faits. En faisant référence à l’ensemble des politiques liées à la remise des pièces, la réponse laissait sous-entendre que ces politiques étaient la raison pour laquelle les pièces n’avaient pas été retournées immédiatement après la conclusion de l’enquête. En fait, ce n’était pas le cas.

325. En plus de ne pas répondre à la question, la réponse contient également des renseignements inexacts. Elle affirme que les droits de propriété n’avaient pas été clairement départagés entre les Fynes et Mme A, et laisse entendre que cela avait contribué à expliquer le retard du retour des pièces.Note de bas de page 4670 Lorsqu’ils ont reçu la réponse, les Fynes ont noté que cela constituait un « mensonge ».Note de bas de page 4671 Ils ont déclaré qu’il n’avait jamais été question de Mme Fynes en tant que bénéficiaire de la succession, et souligné que l’exécuteur testamentaire avait été identifié avant la conclusion de l’enquête de 2008.Note de bas de page 4672 En effet, comme l’a reconnu le Maj Dandurand dans son témoignage, aucune question ne se posait au sujet de la propriété des biens du cpl Langridge lorsque l’enquête de 2008 a été conclue.Note de bas de page 4673 L’adjum Barry Watson, qui était impliqué à l’époque des événements, a affirmé expressément lors de son témoignage que la préoccupation au sujet de la propriété des biens du cpl Langridge n’était pas un facteur expliquant le retard à restituer les articles saisis.Note de bas de page 4674 On ne sait pas comment cette information inexacte s’est retrouvée dans la réponse. Cependant, sa présence était certainement de nature à renforcer les préoccupations des Fynes au sujet de l’inexactitude des motifs fournis pour justifier les actions du SNEFC.

Question 5 : [traduction] « Pourquoi une enquête ultérieure sur l’introduction d’un plus proche parent non désigné a-t-elle stagné durant quatorze mois, et pourquoi les rappels à notre famille ont-ils été interrompus? »

326. C’était la seule question qui n’était pas liée à l’enquête de 2008 et que les Fynes n’avaient pas posée antérieurement. La réponse a été ajoutée après que l’adjum Eisenmenger ait remis ses ébauches de réponses et elle avait probablement été rédigée par le Maj Dandurand lui-même.Note de bas de page 4675 Elle renferme des renseignements limités. Elle commence par affirmer que l’enquête de 2009 n’était pas au point mort, mais demeurait en cours.Note de bas de page 4676 Elle maintient que l’enquête approchait de sa conclusion à compter du 15 janvier 2011 et précise qu’une séance d’information finale sur le dossier avait été préparée pour informer la famille des résultats des enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 4677 Elle conclut en reconnaissant qu’un engagement avait été pris de contacter la famille toutes les deux semaines, mais explique :

[traduction]

À compter de l’automne 2010, il a été établi que l’enquête était presque terminée et que les appels n’étaient plus justifiés jusqu’à ce que le SNEFC soit prêt à annoncer à la famille qu’une séance d’information finale était offerte. Malheureusement, le laps de temps n’a pas été remarqué et plusieurs mois se sont écoulés depuis le dernier appel à la famille. Cela n’a pas été fait intentionnellement, il s’agit d’un oubli pour lequel le SNEFC s’excuse. Une séance d’information à la famille sera présentée dès que possible après la clôture de l’enquête.Note de bas de page 4678 [Caractères gras ajoutés]

327. Cette explication ne fournit pas une réponse complète à la question des Fynes et l’exactitude de certaines des affirmations qu’elle contient est discutable. Mise à part la déclaration générale à l’effet que l’enquête n’a pas été bloquée, aucune information n’est fournie afin d’expliquer pourquoi l’enquête a duré si longtemps, ou encore ce qui devait être fait pour la conclure. Il n’était pas techniquement inexact de dire que l’enquête était toujours « en cours » au 15 janvier 2011. En fait, les dernières entrevues ont été menées en novembre 2010, et l’enquêteur principal a reçu instruction de préparer une séance d’information pour l’équipe de commandement le 10 décembre 2010.Note de bas de page 4679 La seule activité qui demeurait « en cours » était de déterminer la disponibilité du commandant du détachement pour tenir la séance d’information.Note de bas de page 4680

328. En ce qui concerne le manque de contact, l’explication fournie est généralement conforme à celle présentée par le Maj Dandurand lors de son témoignage à l’audience.Note de bas de page 4681 Cependant, la référence à la détermination faite à l’automne de 2010 que l’enquête était en voie d’achèvement et que les appels n’étaient plus justifiés laisse perplexe. En effet, après que l’équipe de commandement ait été informée de l’évaluation préliminaire de la question effectuée par le sgt Shannon, elle lui a donné instruction de procéder à des entrevues avec des témoins au fait des politiques.Note de bas de page 4682 Ces entrevues ont eu lieu les 16 et 17 novembre 2010, et, en décembre 2010, le sgt Shannon a reçu instruction de préparer une séance d’information pour l’équipe de commandement portant sur ses conclusions.Note de bas de page 4683 La détermination que l’enquête était sur le point de se conclure n’aurait pas pu être faite avant la mi-novembre ou la fin novembre 2010.

329. Lorsqu’il a examiné cette réponse au cours de son témoignage, le Maj Dandurand a indiqué qu’elle [traduction] « coïncidait tout à fait avec ma vision à l’époque ».Note de bas de page 4684 Cependant, quand il a expliqué les raisons pour lesquelles les Fynes n’avaient pas été contactés au cours de l’enquête, il n’a fait mention d’aucune décision qui aurait été prise de ne pas communiquer avec eux parce que le dossier était presque terminé. Au lieu de cela, il a déclaré, après la conférence de presse de Mme Fynes à la fin d’octobre 2010, qu’il avait donné instruction aux enquêteurs de ne pas entrer en contact avec les Fynes parce qu’il estimait qu’il devait s’en charger personnellement.Note de bas de page 4685 Il a ensuite omis d’entrer en contact avec les Fynes parce qu’il a [traduction] « perdu la notion du temps ».Note de bas de page 4686 En conséquence, il n’est pas clair que la réponse fournie par l’intermédiaire du col Blais pour expliquer l’absence de contact était tout à fait exacte.

330. En outre, alors qu’il était approprié pour le SNEFC de s’excuser dans sa réponse pour son omission de communiquer avec les Fynes, il est étonnant que la réception de cette question n’ait pas incité les membres du SNEFC à prendre contact avec eux, maintenant que l’affaire avait été expressément portée à leur attention. Au lieu de cela, une nouvelle période de plus d’un mois s’est écoulée sans qu’aucun contact ne soit pris avec les Fynes après la réception de cette question.Note de bas de page 4687 Ce n’est que le 24 février 2011 que les Fynes ont finalement été contactés pour planifier une dernière séance d’information sur les enquêtes.Note de bas de page 4688

Question 6 : [traduction] « Pourquoi le SNE ne comprend-il toujours pas qu’il n’y avait pas de justification légitime à la suppression et à la rétention abusive de la note de suicide écrite par Stuart? »

331. Les Fynes avaient posé cette question et s’étaient plaints que la note de suicide du cpl Langridge ne leur avait pas été divulguée depuis le moment où ils avaient appris l’existence de cette note à la fin de mai 2009.Note de bas de page 4689 Ils n’avaient jamais reçu d’explication sur ce qui s’était passé dans cette affaire et sur les raisons de l’omission de la part du SNEFC de divulguer la note au moment des événements.Note de bas de page 4690 La réponse qui leur a été envoyée par le col Blais n’apporte toujours pas plus de précision sur la question. Certains des énoncés qu’elle renferme sont inexacts. De façon générale, il semble que le ton et le contenu de la réponse visaient à justifier au moins une partie des actions du SNEFC, et la réponse n’exprime aucune reconnaissance de la part du SNEFC de la gravité de ses manquements dans cette affaire et de l’impact significatif que cela a eu sur les Fynes.

332. La réponse initiale a été rédigée par l’adjum Eisenmenger.Note de bas de page 4691 D’autres éléments ont ensuite été ajoutés, probablement par le Maj Dandurand, avant que la réponse ne soit transmise aux Fynes.Note de bas de page 4692 La réponse débute en affirmant que bien que la note de suicide aurait dû être remise à l’exécuteur testamentaire à la conclusion de l’enquête, elle n’aurait été remise qu’après un examen de la preuve en main visant à établir qu’elle n’était plus requise pour écarter l’hypothèse d’un acte criminel.Note de bas de page 4693 La réponse se poursuit ainsi :

[traduction]

L’utilisation du mot « suppression » est incorrecte. La note de suicide trouvée près du caporal Langridge a été saisie dans le cadre de l’enquête criminelle sur la mort subite. À la conclusion de l’enquête, l’intention était de remettre la note de suicide aux parents du défunt. Cependant, cela n’a pas été fait aussi rapidement que cela aurait pu l’être.Note de bas de page 4694 [Caractères gras ajoutés]

333. La réponse indique enfin que la divulgation d’une note de suicide 14 mois après le fait [traduction] « ne correspond pas à la pratique normale ».Note de bas de page 4695 Elle précise que le SNEFC avait présenté des excuses officielles à la famille et que cet événement avait [traduction] « conduit à la révision et au ‘resserrement’ de l’instruction permanente d’opération traitant de ce sujet »Note de bas de page 4696 En conséquence, la réponse conclut que la probabilité qu’un événement similaire se reproduise est [traduction] « encore plus mince ».Note de bas de page 4697

334. Cette réponse est problématique à plusieurs égards.

335. Tout d’abord, une partie de l’information qu’elle renferme est manifestement inexacte. La description des faits de cette affaire laisse entendre que si la note n’a pas été remise à la famille, cela est dû à un simple manque de diligence et elle mentionne expressément l’intention de retourner la note. Cela n’est pas conforme à la preuve déposée devant la Commission. La preuve révèle que la note a été communiquée aux Fynes en 2009 par suite de l’intervention de la CE.Note de bas de page 4698 Il n’existe aucune preuve que les enquêteurs avaient l’intention de retourner la note à la fin de l’enquête. En fait, il n’y a aucune preuve indiquant qu’à ce moment-là, ils se souvenaient même de l’existence de la note.Note de bas de page 4699 La déclaration au sujet de l’IPO pertinente qui aurait été révisée et resserrée est également inexacte. Bien que des révisions aient été apportées à l’IPO pour les séances d’information avec la famille, rien concernant la divulgation des notes de suicide n’a été ajouté à quelque IPO avant juillet 2011, soit bien après que cette réponse ait été envoyée aux Fynes.Note de bas de page 4700 Comme il a été précisé ailleurs dans le présent rapport, des changements ont été apportés aux pratiques suivies.Note de bas de page 4701 Cependant, la réponse, telle que formulée, fait référence à une révision de l’IPO elle-même et, à cet égard, les informations fournies ne correspondent pas aux faits.

336. Plus important encore, la réponse, telle que rédigée, continue de soutenir que l’omission de divulguer l’existence de la note aux Fynes avant la conclusion de l’enquête était justifiée. La référence au moment où la note aurait dû être divulguée – c’est-à-dire [traduction] « à l’issue de l’enquête, après un examen de la preuve détenue » ou « lorsqu’il sera établi qu’elle n’a pas d’incidence sur l’enquête (en vue d’écarter l’hypothèse d’un acte criminel ou la pertinence de la note à cet égard) »Note de bas de page 4702 – concordait avec les vues de certains des membres du SNEFC.Note de bas de page 4703 Elle était certes conforme à l’avis du Maj Dandurand et constituait donc une explication véridique de son point de vue.Note de bas de page 4704 Toutefois, dans la mesure où elle laissait entendre qu’il était nécessaire de passer par un long processus, ou d’attendre la confirmation officielle de la cause du décès ou la conclusion de l’enquête, la réponse ne correspondait pas à l’approche appropriée pour déterminer le moment où le SNEFC doit divulguer l’existence d’une note de suicide.Note de bas de page 4705 Le fait que les membres de la chaîne de commandement du SNEFC aient maintenu ce point de vue aussi longtemps après les événements, et l’aient présenté aux Fynes comme la réponse officielle du SNEFC, semble refléter l’incapacité du SNEFC de tirer les leçons appropriées de cet incident. Cela reflète également l’omission subséquente de s’assurer qu’une interprétation commune et adéquate de la procédure à suivre pour la divulgation des notes de suicide soit élaborée et diffusée dans toute l’organisation.Note de bas de page 4706

337. Dans l’ensemble, la réponse transmise par le col Blais a continué à laisser les Fynes sans explication adéquate de l’un des manquements les plus sérieux du SNEFC dans cette affaire. Elle a aussi contribué à nourrir la perception des Fynes – souvent justifiée – que des raisons inexactes étaient invoquées pour expliquer ou justifier le comportement du SNEFC.Note de bas de page 4707 Les Fynes avaient posé une question clairement rhétorique en demandant [traduction] « Pourquoi le SNE ne comprend-il toujours pas qu’il n’y avait pas de justification légitime à la suppression et à la rétention abusive de la note de suicide écrite par Stuart? »Note de bas de page 4708 En répondant à la question comme ils l’ont fait, les membres du SNEFC semblent confirmer ne pas avoir compris qu’il n’y avait pas de justification légitime pour avoir omis de divulguer la note dans les jours suivant la mort du cpl Langridge.

L’omission continue de fournir des renseignements

338. Dans l’ensemble, la plupart des réponses du SNEFC fournies par l’entremise du col Blais étaient insuffisantes. Si quelques-unes étaient conformes à la preuve entendue au cours de la présente audience, un bon nombre renfermaient des renseignements manifestement inexacts. La plupart ne répondaient pas réellement aux questions des Fynes. De façon générale, les réponses étaient similaires à celles présentées au cours de la séance d’information de novembre 2009.Note de bas de page 4709 Elles portaient sur des renseignements généraux qui n’avaient pas nécessairement de liens avec les faits de la présente affaire et semblaient souvent destinées à justifier le traitement de cette affaire par le SNEFC plutôt qu’à fournir des renseignements factuels sur ce qui avait été fait.

339. Les inexactitudes et l’omission de fournir des renseignements ne semblent pas avoir été le résultat de quelque tentative intentionnelle de la part de membres du SNEFC d’induire les Fynes en erreur. Du même coup, la preuve montre aussi que les efforts déployés pour fournir des réponses précises ont été extrêmement limités. La personne chargée de la collecte des renseignements, l’adjum Eisenmenger, n’avait pas participé à l’enquête elle-même.Note de bas de page 4710 Il n’existe aucune preuve indiquant qu’il avait une connaissance préalable du dossier.Note de bas de page 4711 Il disposait d’environ trois jours pour préparer les ébauches de réponses.Note de bas de page 4712 Rien n’indique que l’un ou l’autre des membres du SNEFC impliqués à l’époque des événements ait été consulté ou même contacté lors de la rédaction des réponses.Note de bas de page 4713 La seule source d’information disponible pour l’adjum Eisenmenger aurait été le dossier d’enquête de 714 pages.Note de bas de page 4714 Dans les circonstances, il n’est pas surprenant que les réponses n’aient pas toujours été exactes ou complètes. Le Maj Dandurand et le Maj Bolduc, les seuls autres membres du SNEFC à avoir examiné les réponses et eu l’occasion d’y apporter leur contribution, n’avaient également aucune connaissance directe des faits pertinents à l’enquête de 2008, parce qu’ils n’avaient participé d’aucune façon à cette affaire à l’époque où les événements se sont déroulés.Note de bas de page 4715

340. Si l’omission de fournir des renseignements précis n’était pas intentionnelle, l’omission de faire les efforts appropriés pour recueillir des renseignements était inacceptable. Il ne peut y avoir de justification légitime pour avoir continué à donner les mêmes réponses non pertinentes et inexactes en janvier 2011 que celles offertes en novembre 2009. À ce moment, les membres du SNEFC étaient tout à fait conscients des questions des Fynes et, dans certains cas, ils s’étaient expressément engagés à leur fournir des réponses, mais ont omis de le faire.Note de bas de page 4716 À ce moment également, les Fynes avaient été ignorés depuis quatre mois entiers, le SNEFC n’ayant fait aucune mise à jour, ni fourni de renseignements, ni contacté les Fynes en dépit des engagements explicites à cet effet.Note de bas de page 4717 Dans les circonstances, le moins que les membres du SNEFC pouvaient faire était de déployer tous les efforts nécessaires pour répondre enfin d’une manière complète et exacte aux questions des Fynes. Les réponses fournies ne reflètent aucun effort en ce sens.

4.5.7 Conclusion

341. Depuis le début de l’enquête de 2008 jusqu’à la fin des enquêtes de 2009 et de 2010, soit un peu plus de trois ans après, le SNEFC n’a pas traité les Fynes de manière appropriée. Les Fynes n’ont pas été tenus informés, n’ont pas été contactés régulièrement et n’ont pas obtenu de renseignements adéquats. La note de suicide de leur fils leur a été dissimulée, et ils n’ont reçu aucune excuse ou explication immédiate lorsque ce fait a été dévoilé. Même par la suite, les Fynes n’ont jamais obtenu d’explication sur ce qui s’était passé. En outre, tout au long des interactions du SNEFC avec les Fynes, la pratique consistant à fournir uniquement des renseignements généraux non liés aux aspects spécifiques de l’affaire, et le défaut d’informer les Fynes lorsque les plans antérieurs étaient modifiés, ont souvent laissé les Fynes avec une perception erronée du travail d’enquête. Le SNEFC n’a rien fait pour corriger cette perception ou pour s’assurer que les Fynes soient informés de ce qui se passait. En conséquence, les Fynes ont estimé qu’ils avaient été induits en erreur, et ce n’était pas une impression déraisonnable dans les circonstances.

342. Considérant la façon dont le SNEFC les ont traités tout au long de l’enquête, il n’est pas étonnant que les Fynes aient fini par douter de tout ce que le SNEFC faisait et affirmait. M. Fynes a déclaré dans son témoignage : [traduction] « Le résultat de leur enquête et de tous nos contacts n’a été qu’une entreprise ou un échafaudage de tromperie délibérée, en ce qui me concerne. Nous avons été tenus à l’écart ».Note de bas de page 4718

343.  Bien que les membres du SNEFC en cause n’ont pas cherché intentionnellement à tromper les Fynes, leur conduite lors des interactions avec ces derniers ont rendu impossible l’établissement d’un rapport de confiance. Ils ne semblaient pas comprendre que fournir des renseignements et un soutien aux victimes et aux plaignants faisait partie intégrante de leur rôle et de leurs responsabilités en tant que policiers.

344. Il est probable que cette grave erreur de gestion des communications ait joué un rôle dans la décision finale des Fynes de porter leurs plaintes devant la Commission. Le SNEFC a certainement raté toutes les occasions de résoudre les problèmes et de répondre aux préoccupations des Fynes de manière appropriée. On ne peut que souhaiter que le SNEFC tire des leçons de l’ensemble des événements survenus dans cette affaire et qu’il prenne des mesures pour faire en sorte que de telles erreurs ne se répètent pas.

4.6 Indépendance et impartialité du SNEFC

Introduction

1. Le premier et le plus sérieux groupe d’allégations formulées dans la présente plainte remet en question la capacité du SNEFC de mener des enquêtes indépendantes et impartiales.Note de bas de page 4719 En substance, les Fynes allèguent que les membres du SNEFC qui ont participé aux enquêtes ne tentaient pas de découvrir la vérité de façon objective et indépendante – et n’étaient pas capables de le faire – parce qu’ils étaient influencés par le désir de protéger les intérêts et la réputation des FC en tant qu’institution. Les Fynes allèguent que c’était le résultat à la fois de l’influence réelle exercée par des membres des FC sur les membres du SNEFC au fil de diverses interactions ou activités coordonnées liées à l’affaire, et des partis pris ou du désir des membres du SNEFC de « protéger l’uniforme ».Note de bas de page 4720 Ils allèguent que les membres du SNEFC étaient incapables d’être objectifs du fait même qu’ils font partie des FC et de la police militaire, mais aussi parce que, dans le cas présent, l’acte répréhensible sur lequel on leur a demandé d’enquêter était lié aux mesures ou aux décisions prises ou approuvées par la chaîne de commandement (CdC) des FC, plutôt qu’un acte répréhensible isolé de la part d’un membre des FC.Note de bas de page 4721

2. Ces allégations sont extrêmement graves. Ce sont les allégations les plus sérieuses qui peuvent être faites au sujet de toute force policière ou d’un agent de police parce que la capacité d’enquêter pleinement sur des allégations sans ingérence extérieure ou partialité est essentielle à la capacité d’un corps de police de remplir son rôle fondamental et de conserver ses pouvoirs exceptionnels. Lorsque de telles allégations sont portées contre le SNEFC, elles soulèvent des préoccupations particulières. Le SNEFC est une force de police interne chargée d’enquêter sur les infractions graves et délicates au sein de l’armée.Note de bas de page 4722 Alléguer que le SNEFC est incapable de mener à bien ses enquêtes sans ingérence ou partialité en faveur des militaires équivaut à mettre en cause sa raison d’être et sa capacité même de s’acquitter de son mandat et de ses fonctions essentielles.

3. Dans le cas présent, la preuve entendue par la Commission ne fait ressortir aucun indice d’ingérence ou de tentative manifeste de la part de membres des FC de dicter ou d’influencer la conduite des trois enquêtes du SNEFC ou leurs conclusions finales. En outre, il n’y a pas de preuve d’un parti pris ou d’une volonté de protéger les intérêts des FC dans le déroulement des enquêtes ou les conclusions auxquelles elles ont abouti. En fait, plusieurs des allégations des Fynes sur ces questions n’étaient étayées par aucun élément de preuve. Il est clair que les Fynes n’étaient pas satisfaits du résultat de l’enquête. Il est également clair, comme il est indiqué ailleurs dans le présent rapport, que des lacunes et des erreurs ont été commises au cours des enquêtes.Note de bas de page 4723 Les plaignants semblent croire que toutes les erreurs commises ou conclusions insatisfaisantes à leurs yeux étaient le résultat d’un manque d’indépendance ou de partialité. Plusieurs de leurs allégations reposent sur l’hypothèse qu’étant donné que les résultats des enquêtes tendent à exonérer les militaires de toute culpabilité, cela prouve que ces résultats étaient souhaités par les enquêteurs dès le départ. En d’autres mots, ils confondent le résultat et l’intention. La preuve dans cette affaire démontre que cette hypothèse était erronée. La grande majorité des problèmes observés au cours des enquêtes ne semble pas liée à un manque d’indépendance ou de partialité.

4. Il y a eu, bien sûr, quelques cas soulevant des préoccupations au sujet du maintien de la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC. Dans l’ensemble, ces préoccupations sont liées aux problèmes fondamentaux qui peuvent se poser lorsqu’une organisation cherche à enquêter sur elle-même. En tant que force de police interne, le SNEFC fera toujours face à des défis supplémentaires pour démontrer son indépendance. Ces défis se trouvent accentués dans un cas comme celui-ci, où les allégations d’actes répréhensibles ne visent pas le comportement isolé d’une ou de quelques personnes, mais évoquent plus généralement des malversations qui auraient été commises ou avalisées par la CdC et les FC en tant qu’institution. Le cas échéant, un soupçon pourra inévitablement subsister : étant donné que la force de police interne fait partie de l’institution même sur laquelle elle doit enquêter, elle ne mènera pas l’enquête avec autant de rigueur ou ne sera pas aussi encline à découvrir des actes répréhensibles. Ce soupçon peut être présent indépendamment de l’intention ou des actions réelles du SNEFC. Par conséquent, le SNEFC porte le fardeau additionnel – et peut-être parfois injuste – de démontrer une probité absolue dans toutes les actions liées à la conduite de ces enquêtes. À moins que le SNEFC ne soit en mesure de démontrer qu’il mène ses enquêtes sur les allégations d’actes répréhensibles au niveau institutionnel de manière exceptionnellement scrupuleuse et transparente sur tous les plans, la confiance en son indépendance pourra être compromise. Dans cette affaire, il y a eu quelques cas où la conduite des membres du SNEFC n’a pas été à la hauteur de cette norme extrêmement élevée, et ceux-ci pourraient bien, à leur tour, nourrir un doute au sujet d’un manque d’indépendance.

5. Il n’y a aucune preuve d’un impact réel sur les conclusions tirées dans ces enquêtes. Cependant, dans certains cas, il y a eu des conséquences au niveau des interactions du SNEFC avec les plaignants ou avec le public et, dans cette optique, il y avait un risque d’engendrer des perceptions négatives.

6. En raison de l’importance de maintenir la confiance à l’égard de la police, les apparences importent quand il s’agit d’indépendance, en particulier dans le cas d’une force de police interne. Pour ce motif, la Commission a repéré quelques-uns des sujets de préoccupation soulevés dans le cas présent en vue d’aider le SNEFC à mieux prendre en compte ces questions dans l’avenir. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces préoccupations sont de nature fondamentalement différente de celles qui ressortent des allégations des plaignants. Ainsi, l’examen de ces préoccupations ne doit pas être interprété comme contredisant les conclusions de la Commission à l’effet que les allégations de manque d’indépendance et de partialité faites dans ce cas ne sont pas justifiées.

Allégations de partialité et de manque d’indépendance du SNEFC

7. Les Fynes ont allégué, en tant que plainte générale, que les trois enquêtes dans cette affaire n’ont pas été menées de manière indépendante, et ils ont fait valoir en outre que le SNEFC n’est pas constitué de manière à avoir l’indépendance nécessaire pour faire de telles enquêtes.Note de bas de page 4724

8. Ils ont également formulé des allégations plus spécifiques et soulevé des préoccupations dans leurs témoignages sur certains comportements ou interactions qui démontreraient un manque d’indépendance de la part du SNEFC. En particulier, ils ont soulevé des préoccupations au sujet de l’utilisation d’une CE (commission d’enquête) et d’une ES (enquête sommaire) des FC à l’appui des enquêtes du SNEFC, ainsi que du partage d’information avec ces organismes.Note de bas de page 4725 Ils font valoir que le SNEFC a « participé aux efforts plus généraux des FC pour fournir des explications et des justifications en réponse aux préoccupations des plaignants », y compris en faisant part des préoccupations des Fynes à la CdC des FC, en participant à la coordination des affaires publiques et en participant à un groupe de travail pan-FC constitué pour traiter de ce cas.Note de bas de page 4726 Ils affirment aussi que le SNEFC a participé aux efforts visant à ne pas leur divulguer certains renseignements, alléguant que les décisions du SNEFC de communiquer ou non avec eux, et à quel moment, et la quantité de renseignements à fournir, ont été dictées ou influencées par la CdC des FC, les conseillers juridiques ou de préoccupations relatives aux intérêts des FC dans un éventuel litige.Note de bas de page 4727

9. Les Fynes allèguent également que les membres du SNEFC ayant participé aux enquêtes avaient un parti pris en faveur de la CdC des FC ou du régiment. Ils allèguent que les enquêtes visaient à exonérer les FC de toute responsabilité plutôt que de découvrir la vérité objective.Note de bas de page 4728 Ils affirment que les membres du SNEFC ont retenu uniquement des renseignements favorables aux intérêts des FC et ont formulé des conclusions ou fait des déclarations qui visaient à exonérer la CdC des FC et à attaquer la réputation du cpl Stuart Langridge.Note de bas de page 4729

10. Prises ensemble, ces allégations indiquent que les Fynes croient que les membres du SNEFC, intentionnellement ou non, avaient des idées préconçues au sujet du cpl Langridge et de son régiment lorsque la première enquête a débuté. En conséquence, ils estiment que les membres du SNEFC se sont à tout le moins abstenus d’enquêter, ou pire, ont cherché à dissimuler certains éléments ou renseignements dans le but de protéger la réputation ou les intérêts des FC en tant qu’institution.Note de bas de page 4730

11. Les Fynes semblent croire que le SNEFC cherchera toujours à « protéger l’uniforme » en raison de l’identification organisationnelle avec les FC et qu’il fera naturellement preuve de scepticisme face à toute allégation d’acte répréhensible de la part de la CdC ou des FC en tant qu’institution.Note de bas de page 4731 M. Fynes a indiqué dans son témoignage qu’il croyait que les membres du SNEFC ont le [traduction] « réflexe automatique » de défendre les FC par suite de leur « formation militaire et de leur endoctrinement dans les façons de faire des Forces armées canadiennes ».Note de bas de page 4732 Il a également affirmé que les membres du SNEFC avaient un parti pris par défaut « parce qu’ils sont des militaires avant d’être des policiers ».Note de bas de page 4733

12. Les personnes visées par la plainte ont vigoureusement nié ces allégations.Note de bas de page 4734 Certaines ont été choquées ou déçues d’entendre de telles allégations.Note de bas de page 4735 D’autres ont indiqué, en termes non équivoques, qu’elles pensaient que ces allégations étaient « fausses » ou ne pouvaient se justifier, et ils ont affirmé avec insistance que les membres du SNEFC ne se comporteraient jamais de cette manière.Note de bas de page 4736 L’adj Ross Tourout [traduction] « était totalement en désaccord » avec la notion selon laquelle le SNEFC, en tant qu’organisation, « travaillait dans l’intérêt des FC », qualifiant l’allégation de « décourageante ».Note de bas de page 4737

13. Les membres du SNEFC se sont dits très fiers de leur indépendance et ils ont précisé qu’ils ne laisseraient jamais des sources extérieures influencer leurs enquêtes.Note de bas de page 4738 Le cplc David Mitchell a déclaré dans son témoignage que l’indépendance était :

[traduction]

[…] une chose que la police militaire en général et le SNE ont à cœur. Nous nous battrons jusqu’à la mort afin de garder cette indépendance intacte. Sans cela, il n’y a essentiellement aucune possibilité de justice.

Ainsi, en aucun temps, cette enquête n’a cherché à exonérer la chaîne de commandement ou les FC en général.Note de bas de page 4739 [Caractère gras ajouté]

14. Dans le même ordre d’idées, le M 2 Eric McLaughlin a affirmé :

[traduction]

Nous ne travaillons pas pour le commandant de la base [...] Je suis redevable à ma propre chaîne de commandement, le commandant du détachement relève du commandant du SNE et cela monte en ligne très droite jusqu’au VCEMD-CDS, tel que je le comprends.

[…] Je n’ai jamais été contraint de faire quoi que ce soit. Au bout du compte, et c’est une règle ... que l’on m’a expliquée le jour où j’ai rejoint le SNE et qui prévaut jusqu’à maintenant, l’enquête est notre priorité et elle le sera toujours.Note de bas de page 4740 [Caractère gras ajouté]

15. Le lcol Gilles Sansterre a affirmé dans son témoignage qu’il est [traduction] « un policier d’abord », notant que même si les membres du SNEFC sont « loyaux aux Forces canadiennes », cette loyauté « n’entre pas en conflit avec notre honnêteté et notre intégrité ».Note de bas de page 4741

Le point de vue conceptuel : Qu’est-ce que l’indépendance de la police et pourquoi est-elle importante?

16. La notion à la base de l’indépendance de la police est liée à la nécessité d’éviter de se retrouver dans un « état policier » où les acteurs politiques ou gouvernementaux peuvent donner instruction à la police d’enquêter sur leurs ennemis ou de s’abstenir de faire enquête sur leurs amis.Note de bas de page 4742 Parallèlement, on reconnaît que la police doit être tenue responsable.Note de bas de page 4743 Pour ce faire, il a été établi que les représentants démocratiquement élus doivent être en mesure de donner à la police des orientations générales en matière de politique ou de gestion et, à l’occasion, ils doivent répondre des actions de la police.Note de bas de page 4744 Sinon, un autre type « d’état policier » risquerait d’émerger, dans lequel la police pourrait tout simplement prendre des mesures arbitraires ou qui ne seraient soumises à aucun contrôle, sans avoir à rendre de comptes à personne.Note de bas de page 4745

17. Le professeur Kent Roach a présenté un document et a témoigné devant la Commission sur la notion de l’indépendance de la police. À son avis, l’indépendance de la police requiert un arbitrage entre des intérêts opposés.Note de bas de page 4746 Les policiers doivent être tenus responsables, mais ils doivent également pouvoir s’acquitter de leurs fonctions essentielles d’application de la loi, sans ingérence politique ou bureaucratique.Note de bas de page 4747 Les fonctions essentielles reconnues comme nécessitant l’absence d’ingérence arbitraire comprennent les décisions concernant la conduite des enquêtes et le dépôt d’accusations : sur qui faire enquête; la portée des enquêtes qui sont menées; quand commencer, poursuivre ou terminer une enquête; et l’opportunité de porter ou de recommander des accusations et à quel moment.Note de bas de page 4748 Dans l’exercice de ces fonctions, la police ne devrait être guidée que par la primauté du droit et ne devrait pas recevoir d’instructions ou partager de renseignements avec des représentants du gouvernement.Note de bas de page 4749

18. Dans le contexte militaire, il y a des défis additionnels du fait que la PM fait partie des FC.Note de bas de page 4750 D’une part, la nécessité pour les FC de pouvoir commander leurs membres, d’échanger des renseignements et de donner des orientations sur la politique et la gestion se trouve accentuée par le besoin de s’assurer que les opérations militaires ne soient pas compromises.Note de bas de page 4751 D’autre part, les risques d’influence ou d’ingérence indue de la part du commandement sont aussi accrus parce que la PM ne dispose pas d’une structure distincte ou d’une identité organisationnelle propre et qu’elle relève, en définitive, de la CdC des FC.Note de bas de page 4752 L’enquête sur la Somalie a servi une leçon qui fait réfléchir en montrant les dangers qui peuvent surgir lorsque l’indépendance est compromise.Note de bas de page 4753 Depuis ce temps, il y a eu une prise de conscience croissante de la nécessité de protéger l’indépendance de la PM.Note de bas de page 4754 La création du SNEFC, dont les membres se sont toujours rapportés directement au GPFC plutôt qu’aux commandants des FC, a été l’un des résultats de cette reconnaissance.Note de bas de page 4755

19. La nécessité de rendre visible l’indépendance de la police est également plus grande dans le contexte militaire.Note de bas de page 4756 Étant donné que la PM fait partie de l’organisation plus vaste des FC, il est essentiel, pour maintenir la confiance du public à l’égard de la police militaire,Note de bas de page 4757 que ses membres soient considérés comme ayant toute liberté de mener leurs propres enquêtes indépendantes et de tirer leurs propres conclusions en toute autonomie.Note de bas de page 4758

Allégations ou préoccupations particulières

L’enquête sommaire et l’enquête de 2009

20. Au début de leur enquête sur les allégations de négligence des Fynes dans la désignation du PPPP du cpl Langridge, le SNEFC a appris que la brigade des FC de qui relève le régiment du cpl Langridge avait l’intention de procéder à une enquête sommaire (ES) sur plusieurs des mêmes questions.Note de bas de page 4759 Malgré une première tentative de la part du SNEFC de faire interrompre l’ES parce qu’elle risquait de faire obstacle à l’enquête criminelle, l’ES a néanmoins été menée en premier.Note de bas de page 4760 Le SNEFC a ensuite examiné le rapport et les preuves de l’ES dans le cadre de sa propre enquête.Note de bas de page 4761

21. L’ES n’était pas neutre au niveau de son objectif ou de son intention. Son mandat précisait qu’elle était menée « en prévision d’un litige » afin de préparer la défense des FC dans une éventuelle poursuite intentée par les Fynes.Note de bas de page 4762 Le conseiller juridique de l’ES, le lcol King, avait participé à des discussions avec les Fynes et leur avocat au sujet d’un litige potentiel et de son règlement et, de ce fait, il aurait pu être perçu comme assumant un rôle d’adversaire des Fynes en représentant les intérêts des FC.Note de bas de page 4763 Le conseiller juridique de l’ES avait par ailleurs été identifié par le SNEFC comme un suspect potentiel dans le cadre de l’enquête, bien que cela ait probablement été dû à une mauvaise compréhension de son rôle et de sa participation dans la décision relative au PPPP.Note de bas de page 4764 Après la conclusion de l’ES, la CdC des FC a rédigé des commentaires très fermes à l’appui du bien-fondé de toutes les mesures prises par le régiment dans cette affaire.Note de bas de page 4765 Ces commentaires ont été examinés par les membres du SNEFC au cours de leur enquête.Note de bas de page 4766

22. Dans les circonstances, il est clair que le SNEFC ne pouvait pas s’appuyer sur l’ES pour tirer ses propres conclusions sans risquer de compromettre son indépendance.Note de bas de page 4767 L’ES était une enquête interne effectuée par les FC pour protéger ses propres intérêts dans un éventuel litige. Le SNEFC s’est fait demander d’enquêter sur des allégations d’actes répréhensibles de la part des FC en tant qu’institution en lien avec les mêmes faits. Si le SNEFC avait fini par adopter tout simplement les conclusions de l’enquête des FC, ou pire, les conclusions et les opinions de la CdC des FC, son enquête n’aurait pu être considérée comme indépendante.

23. Cette situation soulève également d’autres questions plus complexes. Même si le SNEFC n’a pas adopté les conclusions des FC, le fait de s’appuyer sur la preuve recueillie par les FC à ses propres fins pourrait-il nuire à son enquête? Le simple examen de ces documents pourrait-il jeter un doute sur l’indépendance du SNEFC? L’incapacité du SNEFC d’empêcher la tenue de l’ES au départ est-elle la conséquence d’un manque d’indépendance?

24. Les plaignants allèguent que l’examen de l’ES et l’incapacité de faire interrompre celle-ci sont la preuve d’un manque d’indépendance.Note de bas de page 4768

Le défaut d’interrompre l’ES

25. Lorsque le commandant du détachement du SNEFC RO, le Maj Daniel Dandurand, a appris que la brigade avait l’intention de procéder à une ES, il s’est inquiété de la possibilité que l’ES [traduction] « puisse contaminer notre enquête criminelle ».Note de bas de page 4769 Il a immédiatement demandé une rencontre avec le commandant de la brigade, le col K.A. Corbould, « [e]n vue de déterminer si l’ES avait besoin d’être interrompue » à la lumière du « chevauchement probable » avec l’enquête du SNEFC.Note de bas de page 4770 Le 25 novembre 2009, il a écrit à l’agent enquêteur chargé de mener l’ES, le Maj Derek Chenette :

[traduction]

J’ai pris connaissance de votre ES par hasard et je suis convaincu que les questions examinées par votre équipe chevaucheront celles de notre enquête criminelle.

Je dois rencontrer le commandant du 1 GBMC dans la matinée pour discuter de cette question et tout ce que je demande pour l’instant, c’est que vous ne procédiez à aucune activité en rapport avec cette ES jusqu’à ce que nous puissions déterminer si votre action pourrait entacher notre enquête criminelle. [...] Lorsque vous serez de retour à Edmonton, je pense que nous devrions nous rencontrer et discuter de la marche à suivre.Note de bas de page 4771 [Caractère gras ajouté]

26. Le Maj Chenette a répondu qu’il attendrait la réponse du commandant avant de poursuivre, mais a noté qu’il ne pouvait pas « se permettre de perdre trop de journées » s’il recevait des instructions pour aller de l’avant.Note de bas de page 4772

27. Le Maj Dandurand ne se rappelait pas de ce qui avait été discuté avec le commandant de la brigade ou ce qui avait été fait en réponse à ses préoccupations.Note de bas de page 4773 Il a expliqué que son intention était d’aller à la rencontre pour s’assurer que l’ES n’empièterait pas sur l’enquête du SNEFC.Note de bas de page 4774 Il ne se souvenait pas des garanties qu’il avait reçues du col Corbould, le cas échéant, mais il a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas d’autre préoccupation après la rencontre et qu’il avait atteint son but.Note de bas de page 4775 Il a expliqué, que s’il avait demandé que des mesures soient prises par un commandant des FC dans le but de protéger une enquête criminelle et que ces mesures n’avaient pas été prises, il aurait porté le problème à l’attention du commandant du SNEFC immédiatement.Note de bas de page 4776

28. À la lumière de son témoignage, il semble que le Maj Dandurand ait été soit satisfait que l’ES n’aurait pas lieu soit convaincu qu’elle allait procéder d’une manière qui n’aurait pas d’incidence sur l’enquête du SNEFC.Note de bas de page 4777

29. Comme il s’est avéré, l’ES a débuté le lendemain de la rencontre du Maj Dandurand avec le commandant de la brigade.Note de bas de page 4778 On ne sait pas si le Maj Dandurand était au courant à l’époque que l’ES procédait en dépit de ses préoccupations.Note de bas de page 4779 Il n’existe aucune preuve indiquant que le Maj Dandurand ait pris des mesures supplémentaires pour faire interrompre l’ES ou que quelque mesure ait été prise pour s’assurer que l’ES n’empièterait pas effectivement sur l’enquête du SNEFC. Les préoccupations du Maj Dandurand n’ont jamais été mises par écrit dans une correspondance officielle à la brigade des FC, et il n’y a eu aucun suivi à ce sujet.

30. Au bout du compte, l’ES s’est achevée avant que l’enquête du SNEFC ait même débuté et elle a été beaucoup plus étendue que l’enquête menée subséquemment par le SNEFC. De nombreuses entrevues ont été réalisées au cours de l’ES avec des témoins qui avaient des connaissances pertinentes à l’enquête du SNEFC, avant même que le SNEFC ait eu la chance de les interviewer.Note de bas de page 4780 Le premier témoin entendu par l’ES était l’une des principales personnes visées par la plainte des Fynes au SNEFC.Note de bas de page 4781

31. Cela posait un risque pour l’intégrité de l’enquête policière en empêchant le SNEFC d’être le premier à interviewer des témoins clés, comme le Maj Dandurand pensait que cela devrait se faire.Note de bas de page 4782 Cela signifiait que des témoins pouvaient être « contaminés » avant que le SNEFC ait eu l’occasion de leur parler.Note de bas de page 4783 Selon les sujets explorés, la nature des questions posées ou la manière dont elles étaient posées, il y avait un risque que les témoins se forment des croyances ou des interprétations conformes à la position des FC sur ces questions ou aux politiques ou conduites que les FC auraient adoptées dans cette situation. Cela pouvait subséquemment affecter les perceptions des témoins, leurs souvenirs ou même leur volonté de fournir des renseignements au SNEFC. L’incapacité du SNEFC de prendre des mesures suffisantes pour faire interrompre l’ES pourrait engendrer l’impression qu’il n’a pas pris ces risques au sérieux ou qu’il était réticent ou incapable de protéger son enquête.

32. Bien qu’il n’y ait aucune preuve indiquant que le défaut d’arrêter l’ES a résulté d’une ingérence de la part de membres des FC, cela a contribué à donner l’impression que l’enquête des FC était l’enquête la plus importante menée dans cette affaire. Étant donné que le SNEFC n’a mené par la suite qu’une enquête limitée, le résultat final pourrait engendrer la perception qu’il « entérinait » simplement l’enquête plus approfondie des FC. Cela n’avait rien pour inspirer la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

Examen des documents de l’ES

33. Au cours de leur enquête, les membres du SNEFC ont obtenu et examiné le rapport de l’ES, les annexes de l’ES, ainsi que des documents de politique recueillis au cours de l’ES.Note de bas de page 4784 Les annexes renfermaient 593 pages de preuve documentaire.Note de bas de page 4785 Elles comprenaient des documents où étaient consignées les réponses fournies par les 18 témoins interrogés durant l’ES.Note de bas de page 4786

34. Le sgt Scott Shannon a également examiné une copie des observations formulées au sujet de l’ES par les commandants de la brigade et de la région responsable du régiment du cpl Langridge.Note de bas de page 4787 Ces documents comprenaient des opinions fermes et catégoriques d’officiers hauts gradés de la CdC des FC au sujet de certaines questions sous enquête au SNEFC. Le col Corbould, commandant de la brigade, a indiqué qu’il était satisfait que les diverses « erreurs administratives possibles » n’étaient pas le fait d’une « négligence intentionnelle » de la part du personnel du régiment, et il concluait que l’affaire avait été « assez examinée » et qu’elle devait désormais être considérée comme « close ».Note de bas de page 4788 Le Bgén Michael Jorgensen, commandant du SOFT, affirmait qu’il n’était pas déraisonnable de traiter la conjointe de fait du cpl Langridge comme son PPP ,Note de bas de page 4789 et concluait en ces termes :

[traduction]

[...] tout observateur extérieur raisonnable et objectif arriverait à la conclusion que l’administration subséquente au décès du cpl Langridge a été exécutée de manière appropriée par les FC. Pour conclure, les FC ont agi correctement sur tous les aspects importants. [...] manifestement, les FC ne peuvent pas et ne doivent pas assumer la responsabilité pour tout ce qui, aux yeux des Fynes, aurait mal tourné.Note de bas de page 4790 [Caractère gras ajouté]

35. Tous les membres du SNEFC ayant participé à l’enquête ont nié qu’ils s’étaient appuyés sur les documents de l’ES pour tirer leurs propres conclusions au sujet de la plainte.Note de bas de page 4791 Le sgt Shannon a insisté sur le fait qu’il n’a pas été influencé par les commentaires du commandant de la brigade et du commandant de secteur.Note de bas de page 4792 Il n’existe aucune preuve indiquant qu’au contraire les conclusions des membres du SNEFC se sont fondées sur l’ES ou ont été influencées par l’ES, et il n’y a aucune raison de douter de leur témoignage sur ce point.

36. À la lumière de ce qui précède, la question qui se pose à la Commission est de savoir si le simple examen de ces documents est préoccupant au regard de l’indépendance du SNEFC. L’examen de l’enquête menée par les FC sur plusieurs des problèmes scrutés également par le SNEFCNote de bas de page 4793 pouvait-il susciter des doutes quant à l’indépendance de l’enquête du SNEFC? Cette question est pertinente au risque d’engendrer des perceptions négatives et aux mesures requises pour maintenir la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC. Elle est une source de préoccupation pour deux raisons.

37. Premièrement, si une décision avait été prise de porter des accusations, cet examen aurait pu influer sur la recevabilité de la preuve recueillie dans l’enquête du SNEFC. Le lcol Bruce MacGregor, un avocat militaire du JAG qui a occupé le poste de directeur des poursuites militaires pendant plusieurs années,Note de bas de page 4794 a expliqué que lorsque des témoins sont obligés de fournir des preuves dans le cadre d’une CE ou d’une ES, les preuves obtenues par la police en conséquence directe de ces déclarations seraient probablement déclarées irrecevables dans une procédure pénale ou disciplinaire.Note de bas de page 4795 Par conséquent, la meilleure approche est de s’assurer que les enquêteurs du SNEFC interrogent les témoins avant qu’ils ne fournissent des preuves à une CE ou à une ES.Note de bas de page 4796 Sinon, il y a risque de « vraiment vicier certains éléments de preuve ».Note de bas de page 4797 Au regard de la preuve, on ne peut dire si les membres du SNEFC impliqués dans cette affaire comprenaient ce risque.Note de bas de page 4798 Cependant, la perception qu’ils étaient prêts à prendre ce risque pourrait globalement avoir un impact sur la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

38. Deuxièmement, il n’est pas évident que l’enquête menée par le SNEFC dans cette affaire ait eu une envergure suffisante pour faire la démonstration tangible de son indépendance. Parce que cette affaire portait sur des allégations d’actes répréhensibles commis par les FC en tant qu’institution et que le SNEFC avait pris connaissance d’une enquête menée par les FC pour protéger ses propres intérêts, il était important que le SNEFC [traduction] « fasse tous les efforts, et soit perçu comme ayant fait tous les efforts, pour établir clairement qu’il était arrivé en toute indépendance à ses propres conclusions en matière d’application de la loi ».Note de bas de page 4799

39. Le Maj Dandurand avait expressément donné l’assurance aux Fynes que les renseignements de l’ES ne seraient pas acceptés d’emblée. Il leur avait dit que le SNEFC procéderait à ses propres interviews auprès des témoins de l’ES en utilisant ses propres méthodes.Note de bas de page 4800 Cela était important parce que la preuve recueillie au cours de l’ES aurait été façonnée par l’objectif de l’ES, qui était de défendre les intérêts des FC dans un éventuel litige. En effet, quelques-unes des questions posées lors de l’ES pourraient être interprétées comme offrant des « conseils » sur les réponses appropriées ou les enjeux dans l’optique des FC.Note de bas de page 4801 Par conséquent, il était particulièrement important pour les enquêteurs du SNEFC de mener leurs propres entrevues afin d’être en mesure de démontrer qu’ils avaient examiné la question de manière indépendante. C’est ce que le cplc Mitchell avait prévu de faire.Note de bas de page 4802

40. Toutefois, le SNEFC n’a interviewé en définitive que trois témoins des faits par rapport aux 18 qui avaient été interviewés au cours de l’ES.Note de bas de page 4803 Lorsque le sgt Shannon a pris la direction de l’enquête, il s’est appuyé sur le dossier documentaire pour tirer ses conclusions et n’a interviewé aucun témoin des faits.Note de bas de page 4804 Ainsi, aucun des membres de la CdC du régiment qui pourraient avoir été impliqués dans la décision concernant le PPPP et aucun des suspects potentiels dans l’enquête n’a été interrogé.Note de bas de page 4805

41. Étant donné que la plupart des témoins clés n’ont pas été interviewés séparément par le SNEFC, cela a pu donner l’impression que le SNEFC s’était appuyé sur l’enquête des FC pour tirer ses conclusions. Bien que le témoignage des personnes qui ont comparu à l’audience ait démontré que ça n’avait pas été le cas, l’enquête factuelle n’était pas suffisamment robuste pour susciter une pleine confiance en l’indépendance du SNEFC. Notamment à la lumière des assurances données aux Fynes et du fait qu’il avait pris connaissance d’une enquête menée par les FC pour protéger leurs propres intérêts, il aurait été préférable que le SNEFC procède à une enquête plus complète sur les faits et suffisamment étoffé pour lui permettre de démontrer que chaque aspect avait été étudié entièrement et de manière indépendante.

Conclusions sur l’utilisation de l’ES au cours de l’enquête de 2009

42. La Commission estime qu’il n’existe aucune preuve démontrant que l’ES ait influencé les conclusions finales du SNEFC. Par conséquent, on ne peut conclure que le SNEFC n’avait pas d’indépendance tout simplement parce qu’il a eu accès à cette enquête des FC et en a pris connaissance. Cependant, il y avait un risque que le SNEFC donne l’impression qu’il se subordonnait aux FC en leur permettant de procéder d’abord à une enquête beaucoup plus détaillée. En outre, compte tenu de la nécessité accrue de démontrer que les allégations d’actes répréhensibles au niveau de l’institution ont été examinées à fond, l’enquête limitée qu’a menée le SNEFC après que ses membres aient pris connaissance du dossier de l’ES pouvait soulever des préoccupations en termes de maintien de la confiance à l’égard de son indépendance.

Le rapport de la CE et l’enquête de 2010

43. Une CE sur les circonstances entourant le décès du cpl Langridge a été instituée par la brigade responsable du régiment du cpl Langridge. Au cours de l’enquête de 2010 sur la négligence criminelle, le SNEFC a examiné une ébauche du rapport de la CE.Note de bas de page 4806

44. La CE était une enquête interne des FC.Note de bas de page 4807 Son conseiller juridique était l’avocat militaire qui a participé aux discussions avec l’avocat des Fynes sur un éventuel litige et qui a par la suite été nommé conseiller juridique de l’ES.Note de bas de page 4808 Bon nombre des questions examinées par la CE étaient directement pertinentes aux questions « ultimes » que le SNEFC avait reçu instruction d’examiner dans l’enquête de 2010.Note de bas de page 4809

45. Contrairement à l’ES, la CE n’avait pas pour but de défendre les intérêts des FC dans un éventuel litige. Toutefois, les Fynes étaient fermement convaincus que l’ensemble du processus était biaisé et visait à protéger les intérêts des FC. Ils ont allégué que les réponses des témoins ont été manipulées et incitent à penser que la CE [traduction] « a débuté à partir d’une conclusion puis tout a été mis en place pour arriver à celle-ci ».Note de bas de page 4810 Ils ont clairement exprimé ces préoccupations au SNEFC et les ont soulevées à plusieurs reprises lors de leurs rencontres et dans leur correspondance avec les enquêteurs.Note de bas de page 4811

46. Les enquêteurs du SNEFC n’ont obtenu que l’ébauche du rapport et non la preuve sous-jacente recueillie au cours de la CE.Note de bas de page 4812 Ils n’ont examiné ni les transcriptions des témoignages devant la CE, ni la preuve documentaire déposée. En conséquence, ils n’étaient pas en mesure de faire leur propre appréciation de la preuve et de la profondeur de l’enquête en lien avec la CE. Ils ont eu accès uniquement à la description de la preuve de la CE jugée pertinente pour étayer ses conclusions.

47. Les plaignants allèguent que l’utilisation du rapport de la CE aux fins de l’enquête de 2010 est une preuve du manque d’indépendance du SNEFC.Note de bas de page 4813 Ils sont particulièrement préoccupés par l’interaction entre la CE et le SNEFC.Note de bas de page 4814 Selon eux, il y avait « contamination croisée » entre les deux organisations.Note de bas de page 4815 En substance, leurs préoccupations découlent de ce qu’ils perçoivent comme des renseignements « circulaires ».Note de bas de page 4816 Cette circularité consistait en l’obtention par la CE du rapport de l’enquête de 2008 du SNEFC (lequel, selon les Fynes, renfermait des conclusions biaisées et inexactes),Note de bas de page 4817 l’utilisation de ce rapport pour interroger des témoins et en tirer ses propres conclusions (que les Fynes jugeaient également biaisées et inexactes),Note de bas de page 4818 puis la remise du rapport au SNEFC pour qu’il serve dans l’enquête de 2010.Note de bas de page 4819 L’enquête de 2010 a été ouverte en réponse à la requête spécifique des Fynes qui souhaitaient une enquête distincte sur la négligence qui, selon eux, avait été commise par les FC en lien avec la mort de leur fils.Note de bas de page 4820 Cette circularité lui enlevait tout son sens en tant qu’enquête distincte.

48. La question qui se pose à la Commission est essentiellement similaire à celle de l’examen des documents de l’ES. Si le SNEFC a simplement adopté les conclusions des FC, son indépendance pourrait être compromise. Même si le SNEFC ne s’est pas appuyé sur les conclusions des FC, il reste à savoir si les mesures d’enquête nécessaires ont été prises pour démontrer l’indépendance de l’enquête du SNEFC après l’examen des conclusions des FC.

Le poids accordé au rapport de la CE

49. Dans le dossier de 2010, de graves allégations d’actes répréhensibles au niveau institutionnel de la part de la CdC d’un régiment des FC ont été présentées au SNEFC. Il est clair, que s’il était pour mener une enquête indépendante sur la question, le SNEFC ne pouvait tout simplement pas se retourner et adopter les conclusions des FC au sujet de l’absence de négligence de leur part, sans examen ou interrogation supplémentaire.

50. S’appuyer sur les conclusions de la CE aurait été particulièrement problématique dans ce cas parce que les Fynes avaient exprimé des préoccupations au sujet du processus et que le SNEFC avait promis de mener sa propre enquête.Note de bas de page 4821

51. Le rapport de la CE renfermait également plusieurs conclusions et observations controversées. L’autorité examinatrice et l’autorité approbatrice des FC ont toutes les deux contesté certaines des conclusions, en se demandant si elles étaient exactes ou étayées par des preuves suffisantes.Note de bas de page 4822

52. Une des raisons citées dans le rapport de la CE à l’appui de la conclusion que le régiment avait agi de manière appropriée en obligeant le cpl Langridge à demeurer à la base avant de recevoir un autre traitement pour ses problèmes de toxicomanie, est que, si cela n’avait pas été fait, le cpl Langridge aurait pu se suicider pendant qu’il était au centre de traitement.Note de bas de page 4823 Considérant que le cpl Langridge s’est suicidé précisément au cours de cette période, cette déclaration étonnante demandait à tout le moins de plus amples explications. La question était directement pertinente à l’enquête du SNEFC parce qu’on a demandé au SNEFC de déterminer si les décisions du régiment et des autorités médicales des FC à propos du traitement du cpl Langridge avaient été négligentes et ont contribué à causer sa mort.Note de bas de page 4824

53. La Commission n’a ni le mandat ni l’intention de se prononcer sur les conclusions de la CE. Cependant, le fait que le rapport renfermait plusieurs conclusions et observations controversées ou inexpliquées, dont l’exactitude était remise en question même au sein des FC, signifiait qu’il aurait dû être clair pour les membres du SNEFC qu’ils devaient faire leur propre évaluation de la preuve et mener leur propre enquête. Sans examen indépendant des éléments de preuve de la CE, ils ne pouvaient pas évaluer, utiliser ou se fonder sur les conclusions de la CE.

54. La preuve qui se trouve devant la Commission ne permet pas de dire clairement dans quelle mesure on s’est fondé sur le rapport de la CE dans la conduite de l’évaluation aux fins de l’enquête de 2010. Les deux enquêteurs concernés ont examiné le rapport de la CE, mais n’ont pas expliqué précisément s’il leur avait servi, et de quelle manière, à évaluer le dossier et à formuler leurs conclusions.Note de bas de page 4825 D’autres membres ayant participé à la supervision de l’enquête au niveau du détachement et du QG semblaient croire qu’on pouvait s’appuyer jusqu’à un certain point sur les conclusions de la CE ou, à tout le moins, sur le fait qu’elle n’avait pu susciter un soupçon d’activité criminelle.Note de bas de page 4826 Cependant, leur témoignage n’a pas permis de clarifier si les conclusions de la CE ont effectivement été prises en compte dans l’évaluation du dossier. Les avocats des personnes visées par la plainte ont fait valoir qu’il n’y avait pas de fondement permettant au SNEFC de conclure que la CE était inappropriée ou non fiable, mais ils n’ont pas fait de déclarations précises sur la mesure dans laquelle, le cas échéant, on s’est appuyé sur celle-ci dans cette affaire.Note de bas de page 4827

55. Pour compliquer davantage les choses, des conseils juridiques ont été obtenus pour étayer l’évaluation aux fins de l’enquête. Parce que la question du privilège du secret professionnel de l’avocat a surgi, il a été plus difficile pour la Commission d’obtenir des renseignements exacts sur la nature des documents qui ont été examinés et retenus.Note de bas de page 4828

56. Dans l’ensemble, la preuve ne permet pas de conclure que le SNEFC a compromis son indépendance en adoptant les conclusions de la CE. D’autres documents ont été examinés lors de l’évaluation de 2010, et les enquêteurs ont effectué leur propre analyse des éléments de l’infraction.Note de bas de page 4829 Compte tenu que le rapport de la CE figurait parmi les documents examinés, des questions se posent sur l’origine exacte de certains des faits sur lesquels les enquêteurs se sont appuyés pour faire leur évaluation.Note de bas de page 4830 Il n’y a cependant aucune preuve montrant qu’ils se soient fondés sur les faits constatés par la CE pour tirer leurs conclusions. Par conséquent, on ne peut conclure que les allégations relatives au manque d’indépendance résultant de l’utilisation du rapport de la CE sont bien fondées.

57. Toutefois, dans l’optique du maintien de la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC, il est préoccupant de constater que les membres du SNEFC n’ont pas tous paru comprendre clairement qu’il serait problématique de s’appuyer sur les conclusions et les observations des FC.

Démonstration de l’indépendance

58. L’examen du rapport de la CE au cours de l’évaluation de 2010 a engendré le risque que le SNEFC soit perçu comme ayant tout simplement adopté les conclusions des FC. Il n’est pas clair que l’activité limitée entreprise et la documentation restreinte examinée par le SNEFC dans cette affaire aient été suffisantes pour dissiper cette perception et faire la démonstration requise de l’indépendance du SNEFC.

59. Le lcol Sansterre a affirmé dans son témoignage que les enquêteurs du SNEFC pouvaient, sans que cela pose problème, examiner les renseignements recueillis lors d’une ES ou d’une CE, mais il a noté qu’ils auraient encore à [traduction] « tirer leurs propres conclusions », parce que le SNEFC « mène des enquêtes distinctes ».Note de bas de page 4831 Il s’est expliqué ainsi :

[traduction]

J’aurais un problème s’ils s’étaient appuyés uniquement sur les conclusions de la CE et n’avaient pas fait d’enquête pour confirmer s’ils ont quelque soupçon ou preuve à l’appui des allégations.Note de bas de page 4832 [Caractère gras ajouté]

60. À bien des égards, les membres du SNEFC impliqués dans l’enquête de 2010 ont fait exactement ce que le lcol Sansterre a dit qu’il fallait éviter de faire. Un rapport de CE renfermant des conclusions sur les mêmes questions que celles visées par leur enquête a été ajouté à la documentation examinée dans le cadre de leur évaluation, et ils n’ont procédé eux-mêmes à aucune enquête sur les faits apparents pour appuyer leurs conclusions.Note de bas de page 4833

61. Leur évaluation ne s’est pas limitée à l’examen du rapport de la CE, mais la documentation dont ils disposaient était restreinte. Essentiellement, il y avait les allégations des Fynes, le rapport d’enquête de 2008 et le rapport de la CE.Note de bas de page 4834 Afin de déterminer si les allégations nécessitaient une enquête, les membres du SNEFC devaient appliquer leur analyse à un scénario de faits. Certains des faits mentionnés dans la présentation finale du sgt Shannon sur l’affaire allaient à l’encontre des allégations des Fynes.Note de bas de page 4835 Cette interprétation des faits devait prendre sa source dans les documents examinés. Le rapport d’enquête de 2008 contenait une mine d’informations pertinentes. Cependant, dans le cas présent, de nombreuses questions en lien avec la négligence n’ont pas été étudiées de façon appropriée, voire pas du tout.Note de bas de page 4836 Ainsi, le travail limité effectué dans le dossier de 2010 et la documentation restreinte disponible ont ouvert la porte à la perception que le SNEFC s’était basé sur les observations factuelles de la CE pour étayer une partie de son analyse. La preuve n’a pas démontré formellement qu’il en a été ainsi. Cependant, le travail accompli par le SNEFC n’était pas non plus suffisant pour démontrer clairement que ce n’était pas le cas. Ainsi, la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC pourrait avoir diminué.

62. Après avoir exprimé leurs préoccupations au sujet du processus de la CE, les Fynes ont expressément reçu l’assurance qu’une enquête indépendante serait menée, et que les éléments de preuve et les témoignages de la CE seraient réexaminés.Note de bas de page 4837 Il n’est pas étonnant que leur confiance envers l’indépendance du SNEFC ait encore diminué quand ils ont appris que le SNEFC n’avait fait aucune enquête et qu’il avait inclus les observations de la CE – mais pas la preuve à l’appui de ces observations – dans les documents examinés pour évaluer leur plainte.

Conclusions au sujet de l’utilisation du rapport de la CE dans l’enquête de 2010

63. Bien que la preuve ne soit pas suffisante pour établir que les conclusions du SNEFC sont fondées sur celles de la CE, la Commission constate qu’une séparation plus claire entre les deux processus et un enregistrement plus précis d’une enquête factuelle pouvant supporter les conclusions du SNEFC auraient contribué à susciter une plus grande confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

Contacts entre le SNEFC et les FC

64. Les Fynes ont formulé un certain nombre de plaintes au sujet de contacts inopportuns ou inappropriés entre le SNEFC et d’autres composantes des FC. Ils allèguent que le SNEFC a discuté de certaines des préoccupations des Fynes avec des membres de la CdC des FC non pas dans le but de mener une enquête indépendante, mais afin de participer « aux efforts déployés par les FC pour expliquer et justifier leurs actions ».Note de bas de page 4838 Ils ont également exprimé une grande préoccupation au sujet de la participation présumée du SNEFC à un groupe de travail élargi au sein des FC pour gérer le dossier Langridge, ce qui démontre selon eux le manque d’indépendance du SNEFC.Note de bas de page 4839

65. Essentiellement, ces allégations soulèvent des questions sur la possibilité que le SNEFC ait fait l’objet d’une ingérence ou d’une influence indue de la part des FC. La communication entre le SNEFC et d’autres organisations des FC est tout à fait appropriée et attendue. L’échange général de renseignements et même les orientations fournies par les FC sur des questions organisationnelles plus vastes ne compromettent pas l’indépendance du SNEFC.Note de bas de page 4840 Des préoccupations au sujet de l’indépendance de la police se poseraient uniquement si les échanges étaient allés plus loin et avaient constitué une tentative pour orienter ou influencer la conduite des enquêtes du SNEFC ou les conclusions tirées de celles-ci.Note de bas de page 4841 Des préoccupations pourraient également surgir s’il y avait des preuves que le SNEFC a subi des pressions ou a été influencé en vue de changer sa perspective ou ses activités dans le but de servir les intérêts des FC. Aucune preuve en ce sens n’a été présentée dans cette affaire.

La rencontre avec le SOFT

66. Le 16 avril 2010, le Maj Dandurand et d’autres membres du détachement du SNEFC ont rencontré des membres de la CdC de la brigade (1 GBMC) et de la région (SOFT) responsable du régiment du cpl Langridge.Note de bas de page 4842

67. La réunion s’est tenue à la demande du SOFT. Le but premier était d’échanger des renseignements sur les responsabilités des différentes organisations des FC couvrant divers aspects de l’affaire.Note de bas de page 4843 À l’époque, l’ES était sous examen au SOFT, le projet de rapport de la CE avait été soumis au bureau du CEMD pour approbation, et l’enquête de 2009 du SNEFC était en cours.Note de bas de page 4844

68. Le SOFT souhaitait obtenir des renseignements sur l’enquête du SNEFC notamment pour évaluer son impact sur ses propres activités et, en particulier, sur le processus d’approbation de la CE au niveau du CEMD.Note de bas de page 4845 Le SOFT voulait offrir un dossier d’information complet au CEMD, qui considérerait l’ensemble des différentes enquêtes.Note de bas de page 4846 Avant la réunion, le Maj M.H. (Mike) Hertwig-Jaksch, membre de l’état-major du SOFT, a expliqué :

[traduction]

Le G1 SOFT m’a demandé d’organiser une réunion au cours de laquelle nous pourrions discuter et évaluer l’impact des résultats de l’enquête du SNEFC sur le cas du cpl Langridge dans son ensemble.

Comme vous le savez, la CE est actuellement en cours d’examen au QGDN. Nous savons que la famille du cpl Langridge est déjà en désaccord avec certaines conclusions de la CE. Bien que l’ES ultérieure et l’enquête du SNEFC soient distinctes de la CE, leur impact sera successivement ressenti par la famille du cpl Langridge.

Il serait donc important de gérer leurs attentes dans une approche holistique plutôt que fragmentée. En particulier, le G1 estime qu’il est important que le CEMD soit renseigné sur tous les aspects de l’affaire (y compris l’ES et l’enquête du SNEFC) lorsqu’il rédigera ses commentaires en tant qu’autorité approbatrice. De cette façon, il ne sera pas pris de court par des développements subséquents ou placé dans une situation où il aurait à se corriger vis-à-vis de la famille après le fait.Note de bas de page 4847 [Caractère gras ajouté]

69. Au cours de la réunion, le Maj Dandurand a fourni des renseignements généraux pour informer le SOFT sur l’enquête du SNEFC, mais il n’a pas discuté des détails de l’enquête.Note de bas de page 4848 Il a expliqué qu’il était tenu de « aire preuve de retenue » en raison des liens entre les officiers visés par l’enquête et ceux qu’il devait informer.Note de bas de page 4849 Il a avisé le SOFT que le SNEFC utiliserait les « voies normales » pour aviser la CdC des FC une fois l’enquête terminée.Note de bas de page 4850

70. Le Maj Dandurand a également saisi cette occasion pour aborder avec le SOFT un certain nombre de préoccupations que les Fynes lui avaient communiquées lors de rencontres antérieures. Celles-ci concernaient des questions administratives sans rapport avec l’enquête du SNEFC ou les fonctions d’application de la loi du SNEFC. Le Maj Dandurand a fourni des renseignements détaillés aux Fynes au cours d’une rencontre ultérieure sur les questions qu’il avait abordées avec le SOFT.Note de bas de page 4851 Elles comprenaient des questions ‘périphériques’ à l’enquête criminelle, comme l’état de la Jeep du cpl Langridge lorsque le véhicule a été expédié aux Fynes par le régiment, les éléments manquants de l’inventaire des effets du cpl Langridge établi par le régiment, les questions soulevées par les Fynes au sujet du processus de la CE et les questions entourant la remise de la croix commémorative aux Fynes.Note de bas de page 4852

71. Les discussions qui ont eu lieu pendant la rencontre avec le SOFT ne soulèvent pas de problèmes sur le plan de l’indépendance policière. L’information fournie par le SNEFC sur son enquête à la CdC des FC est un échange d’information légitime, décrit par le professeur Roach comme étant compatible avec l’indépendance policière.Note de bas de page 4853 Les échanges survenus ici sont compatibles avec les protocoles de breffage en place et n’outrepassent pas l’échange normal de renseignements auquel on peut s’attendre dans la police militaire.Note de bas de page 4854 Il n’existe aucune preuve indiquant que des pressions ont été exercées sur le SNEFC pour qu’il fournisse plus de renseignements qu’il le jugeait approprié ou pour arriver à certaines conclusions. Au contraire, le Maj Dandurand n’a donné que des informations générales. Aucun détail de l’enquête du SNEFC n’a été partagé, et son intégrité a ainsi été protégée.

72. Le message initial du SOFT faisait état de l’intention de « gérer les attentes [de la famille] » d’une manière holistique.Note de bas de page 4855 Si les membres du SNEFC ont été perçus comme participant à une approche globale des FC visant à gérer les communications avec les plaignants ou à présenter des positions unifiées pour l’ensemble des FC, des préoccupations concernant le maintien de la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC pourraient se poser.Note de bas de page 4856 Toutefois, la preuve indique que le SNEFC n’a pas participé à une telle initiative des FC.Note de bas de page 4857

73. Il n’y avait rien d’inapproprié à propos de l’intérêt du personnel du SOFT pour l’impact éventuel de l’enquête du SNEFC sur le processus d’approbation de la CE. Un des buts légitimes du partage de renseignements avec la police militaire est de permettre aux FC d’évaluer l’impact sur tous les aspects de leurs activités. Il était naturel, et certainement légitime, pour la CdC des FC de vouloir éviter que le CEMD soit pris de court et de vouloir s’assurer que toute déclaration publique de sa part à propos de l’affaire soit compatible avec les conclusions finales des diverses enquêtes.

74. Dans une correspondance ultérieure et lors de son témoignage, le Maj Dandurand a clairement indiqué qu’il partageait le souci de tenir le CEMD au courant de l’enquête du SNEFC avant de faire des déclarations publiques sur l’affaire.Note de bas de page 4858 Ces préoccupations visent à éviter de placer les FC et ses dirigeants dans l’embarras. Elles n’ont rien à voir avec les intérêts de l’enquête policière ou des activités d’application de la loi du SNEFC. Cependant, cela ne signifie pas forcément qu’elles étaient inappropriées ou sont la preuve d’un manque d’indépendance du SNEFC.

75. Il est inévitable pour les membres du SNEFC, qui font aussi partie de l’organisation des FC, de connaître et d’appuyer les intérêts globaux de l’organisation. Des préoccupations au sujet de l’indépendance du SNEFC se poseraient si celui-ci avait permis que ces intérêts influent sur la conduite de leurs enquêtes ou les conclusions auxquelles elles ont abouti. Il n’y a aucune preuve que cela s’est produit dans le cas présent. Au contraire, le Maj Dandurand voulait que le CEMD attende avant de faire des déclarations publiques, précisément parce qu’il croyait que les résultats de l’enquête de 2009 du SNEFC pourraient renfermer des constatations d’actes répréhensibles de la part des FC, contrairement à ce que les autres enquêtes des FC avaient trouvé. Le Maj Dandurand n’a aucunement laissé entendre qu’il avait l’intention de modifier les conclusions ou les activités d’enquête du SNEFC pour servir les intérêts des FC.

76. Il n’y avait rien d’inapproprié dans le fait que le Maj Dandurand discute des questions administratives soulevées par les Fynes avec la CdC des FC. Quand ils ont appris que le Maj Dandurand avait porté leurs préoccupations à l’attention de la CdC, les Fynes ont été reconnaissants et n’ont pas exprimé d’inquiétudes à propos de l’indépendance ou de contacts inappropriés.Note de bas de page 4859 Néanmoins, ils se sont plaints par la suite de cette même situation devant la Commission.Note de bas de page 4860 Dans son témoignage, M. Fynes a expliqué qu’une de ses préoccupations était liée au fait que le SNEFC n’avait pas enquêté sur la façon dont la Jeep du cpl Langridge avait été endommagée, mais qu’il avait tout de même trouvé le moyen de discuter de la question avec la CdC des FC.Note de bas de page 4861 Toutefois, la preuve indique qu’au moment des faits, les Fynes n’avaient pas porté la question des dommages causés au véhicule de leur fils à l’attention du SNEFC dans le but de demander une enquête policière.Note de bas de page 4862 En tout état de cause, il est incertain qu’une telle question ait relevé du mandat du SNEFC de mener des enquêtes de nature « grave et délicate ».Note de bas de page 4863

77. Le Maj Dandurand ne peut être blâmé pour avoir tenté d’aider les Fynes en informant la CdC de leurs préoccupations. L’une des questions qu’il a soulevées portait sur les frais engagés par les Fynes pour faire corriger l’enregistrement du décès du cpl Langridge et la responsabilité potentielle des FC d’assumer ces coûts.Note de bas de page 4864 Cela était plus étroitement lié aux questions sous enquête dans le dossier de 2009.Note de bas de page 4865 Toutefois, la preuve démontre que le Maj Dandurand a limité ses discussions avec le SOFT aux questions entourant les aspects administratifs et financiers et n’a pas discuté de questions de fond liées à l’enquête du SNEFC.Note de bas de page 4866 Il n’y a aucune preuve indiquant que les discussions à ce sujet aient comporté une tentative de la part de la CdC du SOFT d’influencer ou de s’ingérer dans l’enquête du SNEFC, et encore moins qu’elles aient abouti à un tel résultat. En fait, les autorités de la brigade et de la région des FC étaient déjà bien au courant des préoccupations des Fynes sur cette question parce qu’elles avaient été abordées dans l’ES.Note de bas de page 4867

Le groupe de travail des FC

78. En août 2010, le chef de cabinet du VCEMD a demandé qu’un groupe de travail soit créé au sein des FC afin de traiter d’une éventuelle action en justice des Fynes contre les FC.Note de bas de page 4868 L’objectif était de s’assurer que les FC adoptent une « approche cohérente » face au litige et au processus d’approbation du rapport de la CE, qui était en cours.Note de bas de page 4869 Le SOFT et le personnel du directeur des Affaires publiques de l’Armée devaient participer à ce groupe de travail ou, à tout le moins, être tenus informés de l’évolution du dossier.Note de bas de page 4870

79. Les Fynes croyaient que le SNEFC avait participé au groupe de travail des FC et ils en sont venus à considérer l’ensemble des actions antérieures et postérieures du SNEFC comme autant de tentatives pour promouvoir les intérêts ou les positions des FC en tant qu’organisation.Note de bas de page 4871 Ils doutaient que le SNEFC puisse enquêter sur leurs plaintes de façon indépendante et objective s’il était simultanément impliqué dans les efforts visant à protéger la réputation et les intérêts des FC dans cette affaire. Dans son témoignage, M. Fynes a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Et je sais, et j’en suis profondément troublé, qu’il y avait un groupe de travail en place impliquant des officiers des Affaires publiques, du SNE, etc. pour régler l’affaire Langridge [...]

[...]

Le SNE a été créé pour agir en toute indépendance de la chaîne de commandement; il devait être investi du pouvoir de mener ses enquêtes internes sans entrave et sans être gêné par quelque souci en lien avec le grade ou la structure organisationnelle ou toute influence indue ou inappropriée.

En les voyant s’associer étroitement à une autre entité ou à d’autres secteurs des Forces canadiennes dont l’intention est de protéger la marque et l’uniforme et de gérer une affaire en se protégeant contre un litige éventuel, ils ont absolument échoué dans leur mandat.Note de bas de page 4872 [Caractère gras ajouté]

80. Il est certain que si le SNEFC avait participé à un groupe de travail constitué pour promouvoir les intérêts des FC dans l’éventualité d’un litige ou pour présenter au public les positions des FC en tant qu’organisation, alors même qu’il était chargé d’enquêter sur des allégations d’actes répréhensibles de la part des FC au niveau institutionnel, cela serait incompatible avec les principes de l’indépendance policière. Il est très regrettable que les Fynes aient gardé l’impression que le SNEFC avait pris part à une telle initiative.

81. La preuve devant la Commission montre que le SNEFC n’a pas participé au groupe de travail.Note de bas de page 4873 En fait, lorsque le Maj Dandurand en a pris connaissance, il a expressément dit à son QG qu’il était préoccupé, et il a demandé l’autorisation d’informer le groupe de travail sur les enquêtes du SNEFC pour s’assurer [traduction] « qu’il n’y ait aucune possibilité que l’on marche par inadvertance dans nos plates-bandes ».Note de bas de page 4874 Il a ensuite informé les personnes engagées dans les communications au sujet du groupe de travail qu’il y avait des enquêtes du SNEFC en cours et que le SNEFC devrait être consulté avant que des déclarations soient faites ou que l’on réponde à des demandes de renseignements sur l’affaire.Note de bas de page 4875

82. Dans l’optique de l’indépendance de la police, il n’y a rien d’irrégulier dans la volonté du Maj Dandurand d’informer le groupe de travail sur les enquêtes du SNEFC et de s’assurer que le groupe de travail n’intervienne pas. La preuve semble indiquer que c’est le seul contact du SNEFC avec l’éventuel groupe de travail.Note de bas de page 4876

Pression pour conclure les enquêtes?

83. En février 2011, le directeur de l’Unité de soutien à la gestion des blessés des FC, le col Gérard Blais, a écrit au commandant adjoint du SNEFC, le Maj Francis Bolduc, pour lui transmettre des renseignements reçus des Fynes.Note de bas de page 4877 Dans ce message, il soulignait l’importance de [traduction] « conclure aussi rapidement que possible » les enquêtes du SNEFC afin d’informer la famille et d’éviter « des échanges circulaires avec la famille ».Note de bas de page 4878

84. Si les FC avaient tenté d’influencer le SNEFC quant au moment où il devait conclure ses enquêtes, des préoccupations au sujet de l’indépendance de la police pourraient se poser.Note de bas de page 4879 Par contre, il est tout à fait légitime que les FC veuillent connaître l’échéance prévue pour l’achèvement des enquêtes du SNEFC. On doit aussi s’attendre à ce que la CdC des FC, qui est intéressée par les conclusions des enquêtes du SNEFC, souhaite généralement les voir complétées le plus tôt possible. La plupart des plaignants sont susceptibles d’avoir des préoccupations semblables, et cela fait partie de la réalité quotidienne du travail des policiers. Dans le cas présent, les Fynes étaient certes préoccupés par l’échéance, et les demandes de renseignements du col Blais résultent des plaintes sur ce point transmises à son personnel.Note de bas de page 4880

85. Dans ce contexte, il est clair que les commentaires du col Blais n’étaient pas inappropriés. La preuve établit qu’ils ne visaient d’aucune façon à émettre une directive au SNEFC, à exercer des pressions ou à s’ingérer dans les enquêtes.Note de bas de page 4881 Ils n’ont pas non plus été interprétés ou perçus par les membres du SNEFC comme une pression visant à accélérer la conclusion des enquêtes.Note de bas de page 4882

Conclusions sur l’échange de renseignements entre les FC et le SNEFC

86. La Commission estime que les interactions entre les FC et le SNEFC ne soulèvent pas de préoccupations en lien avec l’indépendance de la police dans ce cas. La Commission n’a trouvé aucune preuve révélant que des discussions inappropriées avaient eu lieu.

Divulgation de renseignements et communication avec le public et les plaignants

87. Plusieurs des allégations des Fynes au sujet du manque d’indépendance ont trait aux communications du SNEFC avec eux ou avec les médias.Note de bas de page 4883 Essentiellement, les Fynes ont allégué que le SNEFC avait participé directement à une coordination avec les FC ou avait été influencé par les intérêts des FC en prenant des décisions au sujet des renseignements à communiquer au public ou aux plaignants.

88. Ces plaintes ne concernent pas des allégations d’ingérence dans les enquêtes du SNEFC ou d’autres fonctions essentielles d’application de la loi. Toutefois, cela ne signifie pas que des préoccupations au sujet de l’indépendance de la police ne peuvent se poser. Si le SNEFC est perçu comme ayant agi de concert avec les FC pour rédiger les messages destinés au public ou aux plaignants, ou pour décider quels renseignements seraient divulgués, la confiance dans sa capacité à mener des enquêtes indépendantes peut en souffrir. Afin de pouvoir effectuer ses enquêtes, le SNEFC doit obtenir la coopération des plaignants et des témoins potentiels qui peuvent avoir connaissance d’actes répréhensibles commis par les FC. Ces personnes doivent être en mesure de révéler leurs allégations en ayant pleinement confiance que le SNEFC agira en toute indépendance.

89. Pour ces raisons, le SNEFC doit pouvoir démontrer son indépendance en se dissociant des FC dans ses communications avec le public et, dans une plus large mesure, avec les plaignants qui ont porté des allégations à son attention.Note de bas de page 4884

Communications avec les plaignants

90. Les Fynes ont déposé un certain nombre de plaintes à propos de leurs contacts avec le SNEFC et de la nature des renseignements fournis par ce dernier. Ils allèguent que les décisions du SNEFC sur le choix, le moment et le format des renseignements à mettre à leur disposition ont été influencées directement ou indirectement par les membres de la CdC des FC ou les conseillers juridiques des FC, ou par des préoccupations concernant les intérêts des FC.Note de bas de page 4885 En particulier, ils affirment que cette influence a amené le SNEFC à leur dissimuler de l’information, à ne pas maintenir un contact régulier avec eux, à annuler la séance d’information verbale prévue en conséquence directe du litige anticipé entre eux et les FC et à fournir des renseignements insuffisants dans la note d’information écrite qui leur a plutôt été remise.Note de bas de page 4886

L’omission de fournir des mises à jour

91. Les Fynes allèguent que le défaut du SNEFC de maintenir un contact régulier avec eux faisait partie de sa participation aux efforts plus étendus des FC pour les empêcher de communiquer avec des membres des FC. Ils estiment que le manque de contact découle d’une requête de « non communication » adressée dans une lettre à leur avocate par les représentants des FC en prévision d’un éventuel litige.Note de bas de page 4887

92. La lettre a été envoyée le 21 septembre 2010 par le Capc Gordon Thomson, avocat pour le Cabinet du conseiller juridique MDN/FC du MJ. On peut y lire :

[traduction]

C’est sur cette base que je dois vous demander d’informer Mme Fynes immédiatement de ne plus avoir de contact direct avec les membres des Forces canadiennes, le ministère de la Défense nationale ou le ministère de la Justice à l’égard de toute question ayant trait aux revendications qu’elle avait présentées à la Couronne. Je note que Mme Fynes a été en contact avec plusieurs sections de ces bureaux, apparemment dans le but de demander une indemnisation pour les sommes réclamées dans la lettre du 16 mars 2009 émanant de votre cabinet. Tout autre contact avec la Couronne doit passer par vous ou votre cabinet à moi, sauf si vous vous êtes retirée officiellement et par écrit à titre d’avocate. Toutes les sections des organisations mentionnées ci-dessus ont été informées de ne plus avoir de contact direct avec Mme Fynes, mais de procéder au règlement de toute question par l’entremise de ce bureau.Note de bas de page 4888 [Caractère gras ajouté]

93. Lorsque cette lettre a été envoyée, deux enquêtes du SNEFC étaient toujours en cours. Le SNEFC n’a eu aucun contact avec les Fynes entre septembre 2010 et février 2011 malgré les promesses faites de les tenir régulièrement au courant de l’évolution des enquêtes.Note de bas de page 4889

94. Toutefois, la preuve recueillie par la Commission a révélé que cette abstention n’était pas liée à la lettre des FC.Note de bas de page 4890 Le SNEFC n’a pas participé à la décision d’envoyer cette lettre, il n’a pas été consulté à ce sujet et n’en était même pas informé.Note de bas de page 4891 S’ils avaient eu connaissance de cette lettre, il est clair que les membres du SNEFC affectés à l’enquête n’auraient pas considéré qu’elle les empêchait d’aucune manière de communiquer avec les Fynes.Note de bas de page 4892 On peut aussi douter que la correspondance des FC, telle que rédigée, pouvait être interprétée comme visant à limiter les contacts des Fynes avec le SNEFC, puisque de tels contacts ne seraient pas liés aux montants réclamés de la Couronne.Note de bas de page 4893

95. Bien que l’omission du SNEFC de maintenir un contact régulier avec les Fynes soit regrettable,Note de bas de page 4894 il n’y a aucune preuve que cela résultait de l’influence exercée par les FC ou d’une préoccupation au sujet des intérêts des FC.

La séance d’information annulée

96. En février 2011, le SNEFC a offert de fournir une séance d’information verbale aux Fynes sur les résultats des enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 4895 Lorsque les Fynes ont demandé que leur avocat soit présent à la séance d’information, le QG du SNEFC a décidé d’annuler la séance d’information et de la remplacer par une lettre.Note de bas de page 4896

97. Les Fynes ont été outrés par cette décision. Ils croyaient que cela était une conséquence directe de leur litige anticipé avec les FC, et ils considéraient que cela était un exemple patent du fait que le SNEFC était influencé par un désir de protéger les intérêts des FC.Note de bas de page 4897 M. Fynes a affirmé dans son témoignage :

[traduction]

J’ai été renversé parce que si une victime demande à la police d’enquêter sur une affaire potentiellement criminelle et qu’elle refuse tout simplement de lui dire quoi que ce soit à propos des résultats, de l’issue ou même de la progression de l’enquête, le plaignant ou la victime est laissé complètement dans le noir, puis de découvrir ce qu’ils font – cacher tout cela par crainte d’un éventuel litige – montre que l’on cherche à protéger les Forces canadiennes, à protéger l’image et la marque; cela ne ressemble pas au travail de la police qui, selon ma compréhension du travail de la police ou de l’indépendance du travail de la police, est de mener une enquête juste et impartiale.Note de bas de page 4898 [Caractère gras ajouté]

98. Il ressort de la preuve soumise à la Commission que la décision d’annuler la séance d’information a été prise parce que le SNEFC était réticent à s’impliquer dans une procédure de litige civil.Note de bas de page 4899 En soi, cela ne soulève pas de préoccupations à propos de l’indépendance de la police. Bien que la Commission ait conclu que la décision n’était pas appropriée pour ce qui est de respecter les engagements pris par le SNEFC et ses obligations envers les plaignants, cela est sans rapport avec la question de l’indépendance policière, et le SNEFC avait de bonnes raisons de ne pas vouloir être entraîné dans un litige civil.Note de bas de page 4900 Dans l’optique de l’indépendance de la police, la question qui se pose est de savoir si la réticence à s’impliquer dans une telle procédure était liée à la question du litige civil de manière générale, ou si elle était liée expressément au fait que le litige impliquait les FC. Si la décision a été directement influencée par des membres des FC ou par le désir de protéger les intérêts des FC dans un litige, des préoccupations se poseraient en regard du maintien de la confiance envers l’indépendance du SNEFC.

99. La preuve révèle qu’il n’y a pas eu d’influence ou d’ingérence directe de la part de membres ou de conseillers des FC. Les FC n’ont pas participé à la décision du SNEFC d’annuler la séance d’information et n’en étaient probablement même pas informées.Note de bas de page 4901

100. La preuve est moins claire au sujet des motifs à l’origine de la décision et s’ils peuvent être reliés à une volonté de protéger les intérêts des FC, par opposition à une aversion générale de la police d’être mêlée à une poursuite civile. La décision a été prise par le commandant adjoint du SNEFC, le Maj Bolduc, en consultation avec le lcol Sansterre et le Maj Dandurand.Note de bas de page 4902 Les explications fournies par le Maj Bolduc lors de son témoignage traitaient uniquement de l’impact de la présence d’un avocat sur le déroulement de la séance d’information et sur les membres du SNEFC y participant.Note de bas de page 4903 L’accent mis par le lcol Sansterre allait dans le même sens.Note de bas de page 4904 Il ne savait pas sur quoi le litige portait et n’a pas exprimé d’opinion sur le fait qu’une poursuite contre les FC pouvait être une raison suffisante pour annuler la séance d’information.Note de bas de page 4905 Le Maj Dandurand partageait les mêmes préoccupations,Note de bas de page 4906 mais il a aussi dit dans son témoignage qu’il était préoccupé par l’impact potentiel sur la position des FC dans un éventuel litige :

[traduction]

M. Freiman : [...] Pourquoi le SNE se soucie-t-il de savoir s’il y a une poursuite intentée par un individu contre les Forces canadiennes?

Maj Dandurand : Je ne m’en soucie pas.

M. Freiman : [...] Qu’est-ce qu’il y avait à propos d’un litige qui faisait obstacle à une séance d’information en présence d’un avocat?

Maj Dandurand : Parce que la question que je m’étais posée à l’époque, n’ayant jamais connu cela auparavant, était la suivante : Est-ce ma place en tant qu’officier des Forces canadiennes de peut-être compromettre la position des Forces canadiennes dans une éventuelle poursuite civile par le biais d’un processus de discussion qui, autrement, ne surviendrait qu’à l’étape d’une enquête préalable.

M. Freiman : D’accord. Donc, si je comprends bien, votre préoccupation était liée à votre rôle en tant qu’officier des Forces canadiennes, pas à votre rôle d’enquêteur du SNE?

Maj Dandurand : C’est exact.Note de bas de page 4907 [Caractère gras ajouté]

101. Cela illustre les difficultés rencontrées par les membres du SNEFC en cherchant à maintenir une stricte indépendance tout en faisant partie de l’organisation plus vaste des FC.Note de bas de page 4908 Dans ce cas, la double appartenance peut avoir été une source de confusion pour les membres du SNEFC quant à leur rôle. Cette confusion et le désir d’accomplir leurs devoirs plus étendus de membres des FC sont compréhensibles, mais dangereux. Ils peuvent compromettre la capacité du SNEFC de susciter la confiance à l’égard de son indépendance. Dans son témoignage, le professeur Roach a expliqué ce qui suit :

[traduction]

[...] C’est un défi pour les policiers militaires de s’assurer que lorsqu’ils se trouvent au cœur de l’indépendance de policière, c’est-à-dire dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire d’application de la loi, ils portent réellement leur chapeau de policier à l’exclusion de leur chapeau des Forces canadiennes.Note de bas de page 4909 [Caractère gras ajouté]

102. Dans leurs interactions avec des plaignants, les membres du SNEFC ne devraient pas se comporter comme des membres des FC.

103. L’ensemble de la preuve ne démontre pas que la décision d’annuler la séance d’information destinée aux Fynes a été motivée par le désir de protéger les intérêts des FC. Cependant, le témoignage du Maj Dandurand laisse entrevoir la possibilité que la nécessité de protéger les intérêts des FC ait été l’un des facteurs pris en compte dans la décision. Cette possibilité, et le fait que l’on peut penser que le SNEFC a changé de comportement dans son interaction avec les plaignants en raison des intérêts des FC peuvent affaiblir la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

La note d’information écrite

104. Les Fynes allèguent que la note d’information écrite qui leur a été remise en remplacement de la séance d’information annulée ne contient pas suffisamment de renseignements et ils affirment que cela résulte de l’influence exercée par les FC ou de la préoccupation du SNEFC au sujet des intérêts des FC.Note de bas de page 4910

105. Il n’y a aucune preuve permettant de soutenir une telle allégation. La note d’information écrite ne renfermait pas suffisamment de renseignements.Note de bas de page 4911 Cependant, elle ne découlait pas d’une tentative pour protéger les FC ou d’une influence provenant de membres des FC.

106. L’ébauche initiale de la note d’information a été rédigée par le sgt Shannon, un des membres du SNEFC ayant participé à l’enquête.Note de bas de page 4912 L’ébauche de la lettre a été examinée et approuvée par le QG du SNEFC, puis envoyée aux Fynes sous la signature du Maj Dandurand.Note de bas de page 4913 La preuve indique que personne à l’extérieur du SNEFC n’a examiné la note d’information avant qu’elle soit envoyée aux Fynes.Note de bas de page 4914 La preuve révèle également que la raison pour inclure si peu de détails dans la note d’information n’avait rien à voir avec un litige civil ou les intérêts des FC.Note de bas de page 4915 Elle s’explique simplement par le souci du sgt Shannon de garder la lettre simple et brève, conformément à son interprétation des « règles habituelles » de rédaction de la correspondance.Note de bas de page 4916

107. Bien que le fait de ne pas avoir fourni plus de renseignements dans la note d’information écrite soit regrettable pour d’autres raisons,Note de bas de page 4917 cela ne constitue pas une preuve du manque d’indépendance du SNEFC.

La séance d’information conjointe SNEFC/CE et les communications du col Blais

108. Les Fynes allèguent que le SNEFC a accepté de participer à une séance d’information commune sur ses enquêtes et la CE.Note de bas de page 4918

109. Pour des raisons évidentes, si une telle séance d’information avait été envisagée dans le cas présent, elle aurait eu un impact sur la capacité du SNEFC de maintenir la confiance à l’égard de son indépendance. Cependant, la Commission n’a trouvé aucune preuve indiquant qu’une séance d’information conjointe ait été planifiée ou offerte. Il n’y a également aucune indication que le SNEFC ait convenu ou ait eu l’intention de participer à un tel exposé. La seule séance d’information offerte aux plaignants par le SNEFC avait trait uniquement aux enquêtes du SNEFC.Note de bas de page 4919

110. L’impression qu’ont eue les Fynes qu’il existait un plan pour les informer de toutes les enquêtes majeures des FC lors d’une séance d’information conjointe pourrait provenir de leurs communications avec le col Blais, qui avait été nommé comme point de contact pour répondre à leurs questions au nom des FC.Note de bas de page 4920 Ces communications ont englobé plusieurs discussions au sujet de séances d’information ou de mises à jour à présenter au sujet de la CE, de l’ES et des enquêtes du SNEFC.Note de bas de page 4921 Puisque ces questions ont été discutées simultanément,Note de bas de page 4922 elles ont pu donner l’impression aux Fynes que les séances d’information seraient présentées conjointement. Heureusement, cette impression s’est avérée fausse. Toutefois, les communications avec le col Blais au sujet des questions pertinentes au SNEFC ont ouvert la porte à cette confusion au sujet du rôle et de la participation du SNEFC à d’autres processus des FC. En cela, ainsi qu’à d’autres égards, elles ont été problématiques en termes de maintien de la confiance envers l’indépendance du SNEFC.

111. Le col Blais a servi d’intermédiaire pour fournir de l’information aux Fynes.Note de bas de page 4923 Il a donné des réponses à plusieurs de leurs questions concernant la gestion de cette affaire par les FC dans un document unique.Note de bas de page 4924 Les réponses ont été obtenues auprès de diverses organisations des FC, dont le SNEFC.Note de bas de page 4925

112. Le résultat final du recours à un tel processus est que des renseignements sur les enquêtes en cours du SNEFC au sujet des allégations graves d’actes répréhensibles de la part des FC ont été fournis aux Fynes par le truchement des FC et figuraient aux côtés de réponses expliquant la position des FC sur les questions visées par l’enquête.Note de bas de page 4926 Ces réponses ont été fournies par les organisations des FC qui, au bout du compte, étaient responsables des militaires dont la conduite faisait l’objet d’une enquête.Note de bas de page 4927 Cela n’avait rien pour aider à renforcer la confiance envers l’indépendance du SNEFC.

113. En outre, les Fynes ont été informés par le col Blais que toutes les réponses, y compris celles du SNEFC, étaient vérifiées par les conseillers juridiques du MDN avant de leur être transmises.Note de bas de page 4928 En fait, seulement certaines modifications mineures ont été apportées aux réponses du SNEFC.Note de bas de page 4929 Ces modifications n’ont pas altéré le contenu de l’information.Note de bas de page 4930 Elles ont été faites sans la connaissance ou le consentement du SNEFC.Note de bas de page 4931

114. Le Maj Dandurand a témoigné que c’est avec une « certaine inquiétude » qu’il a appris que les réponses du SNEFC avaient été modifiées avant d’être transmises à la famille.Note de bas de page 4932 En effet, les FC ne devraient pas pouvoir modifier ou influencer de quelque façon, même mineure, les renseignements fournis par le SNEFC aux plaignants. Ce genre d’intervention a eu un impact sur la capacité du SNEFC de démontrer son indépendance.

115. Dans l’ensemble, il est clair que la nomination du col Blais comme point de contact visait uniquement à aider les Fynes en simplifiant leurs relations avec les FC. C’est également dans cet esprit que le SNEFC a accepté de participer à ce processus et fournir des réponses sur ses enquêtes par l’entremise du col Blais.Note de bas de page 4933 Il faut garder à l’esprit que les FC sont une vaste organisation. Les plaignants en étaient conscients de par leur propre expérience, et ils ont compris que le col Blais obtiendrait des réponses à leurs questions sur les enquêtes du SNEFC directement auprès du SNEFC.

116. Néanmoins, la réponse globale des FC reçue par les Fynes ne leur aurait pas clairement indiqué que les processus du SNEFC demeuraient séparés et que les renseignements sur ses enquêtes en cours n’étaient pas librement partagés avec les personnes visées par une enquête. L’impression a pu naître que le SNEFC a participé à la préparation et à la présentation d’une position commune des FC au sujet des questions sur lesquelles il était censé enquêter. Cela a été notamment le cas du fait que les Fynes ont été informés que les renseignements du SNEFC étaient vérifiés par les FC. À tout le moins, la réponse commune était de nature à envoyer un message erroné sur la séparation appropriée entre le SNEFC et les FC.

Conclusions au sujet des communications avec les plaignants

117. Il n’y a aucun élément de preuve à l’appui des allégations relatives au manque d’indépendance du SNEFC dans ses communications avec les Fynes. La décision d’annuler la séance d’information verbale et la décision de communiquer avec les Fynes par l’entremise du col Blais a cependant influé sur la capacité du SNEFC de démontrer son indépendance.

118. Pour éviter de telles situations à l’avenir, il serait souhaitable que le SNEFC maintienne des communications distinctes avec les plaignants, en particulier dans les cas où il y a une certaine tension ou un conflit entre les plaignants et les FC. En tant que service de police, le SNEFC doit être conscient de son statut spécial et prendre ses propres décisions sur l’opportunité, le moment et la façon de communiquer avec les plaignants, ainsi que sur les renseignements à fournir.Note de bas de page 4934 Les préoccupations concernant les intérêts des FC ne devraient pas influer, ni être perçues comme ayant une influence, sur les décisions du SNEFC touchant à ces questions.

La divulgation du dossier de l’enquête de 2008 et le processus d’AI

119. Les Fynes allèguent que le SNEFC a dissimulé des renseignements concernant l’enquête de 2008 sur la mort du cpl Langridge. Ils affirment qu’une copie excessivement expurgée du rapport d’enquête leur a été remise sans aucune explication précise ou satisfaisante concernant les expurgations.Note de bas de page 4935 Ils allèguent que celles-ci résultaient de l’influence des FC ou de préoccupations concernant les intérêts des FC.Note de bas de page 4936

120. La preuve qui se trouve devant la Commission a montré que la plupart des décisions concernant les expurgations faites dans les copies du rapport de l’enquête de 2008 remises aux Fynes n’avaient pas été prises par le SNEFC. Les expurgations ont été faites par une organisation distincte du MDN, le Directeur, Accès à l’information et protection des renseignements personnels (DAIPRP).Note de bas de page 4937 Ces expurgations ont été faites dans le cadre du processus en place pour répondre à toutes les demandes d’accès à l’information ou de documents qui se trouvent en la possession de toute organisation des FC, y compris la PM.Note de bas de page 4938 Ce processus s’applique encore aujourd’hui.Note de bas de page 4939

121. Il est clair qu’il n’y a aucune intention sinistre derrière ce processus. Il s’agit simplement d’une délégation de pouvoir au DAIPRP pour prendre des décisions concernant l’application de la législation sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels à toutes les demandes de divulgation de renseignements du MDN ou des FC.Note de bas de page 4940 Des processus similaires sont en place dans la plupart des autres ministères.Note de bas de page 4941 Toutefois, lorsqu’il est appliqué aux décisions qui concernent la divulgation de renseignements du SNEFC, ce processus soulève des préoccupations en regard de l’indépendance de la police.

122. La préoccupation la plus importante est que le processus en place ne permet pas au SNEFC de prendre les décisions finales sur les renseignements qui doivent être expurgés afin de protéger les enquêtes en cours ou les méthodes de la police. Le SNEFC peut identifier ces renseignements et recommander qu’ils ne soient pas divulgués, mais il n’a pas le pouvoir de prendre la décision finale.Note de bas de page 4942 Même si, en pratique, les recommandations du SNEFC ont été suivies par le DAIPRP et aucune question ne s’est posée,Note de bas de page 4943 le cadre en place ne donne pas au SNEFC l’autorité nécessaire pour prendre les décisions finales et protéger ses enquêtes et ses activités d’application de la loi. En ce sens, le processus engendre des risques sur le plan de l’indépendance du SNEFC, car il permet à une organisation distincte du MDN de prendre des décisions qui pourraient avoir une incidence sur la conduite de ses fonctions de nature policière essentielles.Note de bas de page 4944

123. Une autre préoccupation importante est l’incidence que cela peut avoir sur la capacité du SNEFC de démontrer son indépendance. Conformément à la procédure en place, le DAIPRP est libre de faire plus d’expurgations que celles recommandées par le SNEFC.Note de bas de page 4945 Dans un tel cas, aucune consultation n’a lieu et le SNEFC n’est généralement même pas au courant des expurgations définitives faites dans ses rapports avant qu’ils ne soient divulgués.Note de bas de page 4946

124. La présente affaire illustre bien cette préoccupation. Lorsque les Fynes se sont plaints au SNEFC des expurgations faites dans le rapport d’enquête, les membres du SNEFC ne pouvaient ni les expliquer ni les modifier. Ils pouvaient seulement dire aux Fynes que ces décisions n’avaient pas été prises par le SNEFC.Note de bas de page 4947 Le DAIPRP avait fait de nombreuses expurgations, dont plusieurs étaient difficiles à comprendre ou à justifier, sur la base de sa propre détermination des renseignements qui n’étaient pas nécessaires, ou qu’il n’était pas dans l’intérêt de la famille de recevoir.Note de bas de page 4948 Ces décisions ont été prises sans consultation du SNEFC ou de la famille.Note de bas de page 4949

125. Il est incongru, surtout dans une affaire portant sur des allégations d’actes répréhensibles commis par les FC en tant qu’institution, que la force policière chargée d’enquêter sur les allégations soit obligée de dire aux plaignants qu’il revient aux FC ou au MDN de prendre les décisions quant aux parties du rapport de police qui peuvent leur être divulguées. Cela peut créer l’impression que les institutions visées par l’enquête sont en mesure de cacher aux plaignants des renseignements sur les enquêtes. Les Fynes avaient certainement l’impression que des renseignements avaient délibérément été retenus.Note de bas de page 4950 Alors qu’il n’y a aucune preuve que les expurgations visaient, en fait, à dissimuler des renseignements ou à protéger les intérêts des FC, et la Commission a constaté que ça n’a pas été le cas,Note de bas de page 4951 le processus en place peut affaiblir la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

126. Les témoins de la PM et du SNEFC qui ont comparu devant la Commission ont exprimé des opinions différentes quant à l’effet de ce processus sur l’indépendance du SNEFC. Certains croyaient que cela ne soulevait aucune préoccupation,Note de bas de page 4952 tandis que d’autres ont perçu des problèmes potentiels, du moins en termes de maintien de la confiance envers l’indépendance du SNEFC, mais tout en estimant qu’en pratique, ces problèmes pouvaient tous se régler en amorçant des discussions au cas par cas avec le DAIPRP.Note de bas de page 4953

127. Il y a eu des discussions internes sur la possibilité d’autoriser la PM à avoir le contrôle sur la divulgation de ses propres renseignements, mais la question n’a jamais été abordée dans des discussions officielles entre la PM et les dirigeants des FC/MDN.Note de bas de page 4954 L’application de la législation sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels est complexe, et il y aurait des répercussions importantes au niveau des ressources ainsi que des problèmes de gestion des risques si la PM devait avoir le contrôle décisionnel sur la divulgation des renseignements qu’elle détient.Note de bas de page 4955 En conséquence, les dirigeants de la PM et du SNEFC ont décidé de « choisir [leurs] batailles » et n’ont pas poussé plus loin les efforts pour résoudre cette question en soumettant une proposition formelle à la direction des FC, car elle n’était pas considérée comme ayant causé de sérieux problèmes en pratique.Note de bas de page 4956 Cependant, l’expérience dans le présent cas a montré que ce type de questions pouvait effectivement se poser.

Conclusions sur la divulgation des renseignements du SNEFC

128. Le processus officiel actuellement en place permet à une organisation non policière d’avoir le dernier mot sur les expurgations recommandées par la PM pour protéger ses enquêtes en cours ou les méthodes de la police. Bien que cela ne semble pas être survenu en pratique, le processus lui-même n’est pas compatible avec les principes relatifs à l’indépendance de la police. Au minimum, la PM devrait avoir le pouvoir décisionnel final de refuser de divulguer de l’information lorsqu’elle croit qu’une telle divulgation pourrait compromettre ses fonctions essentielles d’application de la loi.

129. Afin de renforcer la confiance dans son indépendance, il serait aussi préférable que la PM ait le pouvoir de prendre dans tous les cas ses propres décisions au sujet de la divulgation des renseignements qu’elle détient.Note de bas de page 4957 Cela est particulièrement important lorsque la demande provient de plaignants ou de victimes qui ont des rapports directs avec la PM ou le SNEFC. La Commission reconnaît les difficultés que cela soulève à la fois pour la PM et le MDN/FC. En raison de la complexité de la question et de ses répercussions possibles sur les ressources, des discussions de haut niveau entre la direction de la PM et celle des FC/MDN seraient requises pour régler ces questions.

Affaires publiques

130. Dans le cadre de la plainte où ils allèguent que le SNEFC a « contribué aux efforts déployés de manière générale par les FC pour fournir des explications et des justifications en réponse aux préoccupations des plaignants », les Fynes s’objectent à la participation du SNEFC à la coordination des affaires publiques avec les FC.Note de bas de page 4958

131. La façon dont les messages au sujet des activités du SNEFC sont communiqués au public peut avoir un impact significatif sur la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC, ce qui peut à son tour influer sur la capacité du SNEFC de remplir ses fonctions de nature policière.

132. Si le SNEFC n’est pas perçu comme ayant le contrôle sur les renseignements et les messages qui sont divulgués au sujet de ses enquêtes, si l’on croit qu’il « parle d’une seule voix » avec les institutions militaires sur lesquelles il a le mandat d’enquêter, ou si l’on croit que l’armée contrôle l’information divulguée au public sur les enquêtes du SNEFC, la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC sera affaiblie.Note de bas de page 4959

Divulgation de renseignements du SNEFC au public : qui décide?

133. La preuve dans cette affaire a démontré qu’en pratique, c’était généralement le SNEFC qui décidait des renseignements qui seraient divulgués au sujet de ses enquêtes. Ces renseignements ont souvent été divulgués par le biais des réponses aux médias (RAM) propres au SNEFC, qui sont produites par l’officier des affaires publiques (OAP) du SNEFC et approuvées par le GPFC.Note de bas de page 4960 Lorsque des renseignements sur les enquêtes ou les activités du SNEFC ont été inclus dans les RAM des FC, l’OAP du SNEFC a été consulté.Note de bas de page 4961

134. La preuve a également démontré que le SNEFC a été consulté et a participé à la coordination de la réponse des affaires publiques des FC dans l’affaire Fynes, à la fois après que sa première enquête ait été conclue et pendant que ses deux enquêtes subséquentes se déroulaient.Note de bas de page 4962 En soi, cela ne soulèverait pas nécessairement de préoccupation au sujet de l’indépendance de la police. Partager de l’information sur la nature des renseignements que chaque organisation prévoit divulguer n’est pas inapproprié, et il n’y a aucune indication que le SNEFC ait même été obligé de fournir ces renseignements dans les cas où cela pouvait compromettre une enquête.

135. Le problème qui peut survenir avec la consultation et la coordination des relations publiques est que, selon la façon dont les consultations se déroulent, elles risquent de donner l’impression que les FC contrôlent le message de son corps de police.

136. Dans le cas présent, il y a eu beaucoup de consultations. Beaucoup de temps et de ressources ont été consacrés aux discussions sur les messages et l’approche.Note de bas de page 4963 Selon la preuve, cela n’était pas inhabituel.Note de bas de page 4964 Des efforts coordonnés impliquant les FC et le SNEFC se produisaient « très souvent » lors de la préparation des réponses aux médias.Note de bas de page 4965 L’un des buts visés était de s’assurer que les différentes sections des FC, y compris le SNEFC, ne se contredisaient pas lors de la divulgation de renseignements.Note de bas de page 4966

137. La coordination et les consultations dans le cas présent se sont déroulées entre les OAP des différentes organisations des FC concernées, y compris l’OAP du SNEFC.Note de bas de page 4967 Alors que les produits finals devaient être approuvés par la CdC du SNEFC et le GPFC, le processus reposait entièrement sur les OAP pour repérer et rapporter tout problème pouvant avoir une incidence sur l’indépendance du SNEFC. Selon les témoignages entendus, s’il y avait eu désaccord entre les OAP au sujet des renseignements ou des réponses ayant trait au SNEFC, le GPFC en aurait été informé et la question aurait pu être réglée à ce niveau et discuté avec le VCEMD au besoin.Note de bas de page 4968

138. Cependant, il n’y avait pas de cadre ou de politiques régissant les consultations. Bien que de nombreux témoins aient parlé d’une pratique générale obligeant les OAP des FC à consulter le SNEFC avant de divulguer toute information sur des enquêtes ou des activités du SNEFC,Note de bas de page 4969 personne ne pouvait citer de politique ou directive des FC formalisant cet arrangement.Note de bas de page 4970 De façon similaire à ce qui se faisait dans le processus de l’AIPRM, les problèmes qui surgissaient étaient réglés au cas par cas.Note de bas de page 4971 Cela signifie que même si, la plupart du temps, les autres organisations des FC avaient tendance à s’en remettre aux décisions du SNEFC sur la divulgation de ses renseignements,Note de bas de page 4972 elles n’avaient en réalité aucune obligation de le faire. Étant donné que cette exigence n’a pas été officialisée, la capacité du SNEFC de prendre des décisions au sujet de ses messages n’était pas protégée.

139. En définitive, le résultat de ce processus de coordination et de consultation informelle était qu’il risquait de donner l’impression que les FC exerçait un contrôle sur tous les messages et que le SNEFC participait à la diffusion d’un message unifié au service d’une stratégie de relations publiques visant à protéger les intérêts des FC. C’est précisément l’impression qu’ont acquise les Fynes dans le cas présent.Note de bas de page 4973 Bien que la preuve n’indique pas que c’est effectivement ce que le SNEFC a fait, la mise en place de politiques claires et transparentes permettrait d’atténuer le risque d’engendrer de telles perceptions, qui peuvent se révéler très préjudiciables à toute tentative pour renforcer la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

Qui devrait être le messager?

140. Un porte-parole des FC s’exprimant au nom du SNEFC peut aussi soulever des préoccupations quant à la capacité du SNEFC de démontrer son indépendance. Il est difficile de véhiculer le message approprié sur la séparation qui existe entre les FC et le SNEFC si l’on voit ces organisations parler chacune au nom de l’autre.

141. Dans cette affaire, la séparation appropriée n’était souvent pas préservée. Le SNEFC a généralement été consulté au sujet des renseignements à divulguer au sujet de ses enquêtes, mais il n’a pas toujours été le messager. Les messages du SNEFC ont souvent été intégrés aux RAM générales ou aux déclarations publiques des FC et, en définitive, présentés au public par les porte-paroles des FC.Note de bas de page 4974 Lorsque les FC ont pris conscience du potentiel de litige et que l’affaire a commencé à attirer davantage l’attention des médias, les OAP du côté juridique étaient « en charge », ce qui signifie qu’ils avaient la responsabilité de rassembler les renseignements provenant des différentes organisations des FC, y compris le SNEFC, en vue de répondre aux questions des médias.Note de bas de page 4975 Même les excuses publiques officielles du GPFC pour l’omission de divulguer la note de suicide n’ont pas été publiées directement, mais ont été incluses dans une déclaration du CEMD faite au nom de l’ensemble des FC.Note de bas de page 4976

142. L’ancien commandant du SNEFC, le lcol (à la retraite) William Garrick, a déclaré que ce n’était pas une pratique habituelle ou appropriée pour le SNEFC de participer conjointement avec les FC à des trousses d’information ou à des réponses aux médias, puisque le SNEFC prépare généralement ses propres réponses aux médias.Note de bas de page 4977 Le Maj Dandurand a indiqué que le SNEFC aurait généralement l’initiative sur les questions d’affaires publiques lorsqu’il y a des enquêtes en cours.Note de bas de page 4978 Toutefois, il a aussi précisé que la pertinence d’inclure des messages du SNEFC dans des séances d’information ou des RAM pour l’ensemble des FC serait encore déterminée au cas par cas.Note de bas de page 4979 Dans cette affaire, le SNEFC a participé à des réponses conjointes alors que des enquêtes étaient en cours, et il n’a pas toujours eu l’initiative dans la préparation de ces réponses.

143. À l’occasion, le SNEFC a également inclus dans ses propres réponses aux médias des messages liés uniquement à la protection des intérêts ou de la réputation des FC. Le « message clé » affirmant que [traduction] « [l]e ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes se soucient profondément des membres de leur personnel et de leurs familles et aspirent à traiter tous les membres de la famille des FC avec respect » a été inclus dans les RAM du SNEFC, y compris les ébauches de RAM rédigées après la conclusion des enquêtes de 2009 et de 2010.Note de bas de page 4980 Ce message n’avait pas de lien avec les enquêtes ou les activités du SNEFC.Note de bas de page 4981 Comme le Maj Dandurand l’a dit dans son témoignage, cela reflétait [traduction] « mon chapeau des Forces canadiennes plutôt que mon chapeau de la police militaire ».Note de bas de page 4982 C’est précisément ce qui peut susciter des préoccupations dans l’optique du maintien de la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC. Le fait que le SNEFC diffuse un message général sur la conduite des FC dans tous les cas risque de donner l’impression que le SNEFC a des idées préconçues sur les FC et sur toutes les allégations d’inconduite institutionnelle des FC sur lesquelles il est appelé à enquêter.

144. D’après la preuve, il est clair qu’il n’y avait aucune intention néfaste de la part de l’un ou l’autre des OAP ou des membres de la CdC des FC et du SNEFC. Des RAM et des déclarations communes ont été préparées dans le cours normal des choses, parce que l’affaire englobait de nombreuses questions pertinentes aux FC, et des efforts ont été faits en pratique pour s’assurer que le SNEFC garde le contrôle sur les messages concernant ses activités, même si les messages étaient diffusés par les FC. Cependant, pour ce qui est de favoriser la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC, cette façon de faire était problématique.Note de bas de page 4983 Elle risquait d’engendrer la perception que le SNEFC participait à un effort coordonné des FC pour véhiculer certains messages.Note de bas de page 4984 De plus, elle ouvrait la porte à ce que des messages exprimant la position des FC sur les questions visées par l’enquête soient inclus dans les réponses aux médias ou les déclarations publiques aux côtés de messages venant du SNEFC, ce qui posait un risque que le SNEFC soit perçu comme favorable aux positions des FC, alors même qu’il faisait toujours enquête sur ces questions.

Commentaires des FC au sujet de questions sous enquête

145. Une autre question qui se pose devant la Commission est de savoir si les messages ou les commentaires du haut commandement des FC au sujet de questions visées par les enquêtes du SNEFC peuvent avoir un impact sur la confiance à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

146. Dans le cas présent, alors que les enquêtes de 2009 et de 2010 du SNEFC étaient en cours, le CEMD a écrit une lettre à l’éditeur, publiée dans le Edmonton Journal, qui renfermait des commentaires sur certaines des questions sous enquêteNote de bas de page 4985. Il a écrit :

[traduction]

Le cas du cpl Stuart Langridge est une tragédie qui nous touche tous. Les membres du personnel des Forces canadiennes (FC) qui souffrent de troubles de santé mentale méritent les meilleurs soins possibles, en fait, les mêmes normes élevées de soutien que s’ils souffraient de blessures physiques. Le cpl Langridge a reçu des soins médicaux parmi les meilleurs que nos systèmes de santé provinciaux et militaires peuvent fournir. Malheureusement, malgré les efforts d’un grand nombre de professionnels de la santé, de ses amis proches et des dirigeants de son régiment, cela n’a pas suffi. La semaine dernière, je me suis excusé pour la mauvaise gestion des communications avec la famille du cpl Langridge. Je ne m’excusais pas pour les soins médicaux complets qu’il a reçus de certains des meilleurs praticiens civils et militaires que le pays a à offrir, ni pour les mesures prises par les FC afin de respecter et d’exécuter ses dernières volontés et désirs. Les FC ont un système médical attentif axé sur le soutien et la réhabilitation de ceux et celles qui servent si vaillamment leur pays, ainsi que des familles qui les appuient. Nous allons continuer à nous améliorer. Un décès est une perte pour nous tous, peu importe les circonstances. Il est de mon devoir de prendre soin des fils et des filles du Canada – un devoir que je prends très au sérieux.Note de bas de page 4986 [Caractère gras ajouté]

147. Le SNEFC n’a pas participé à la préparation ou à la diffusion de ces commentaires et la preuve montre clairement que les commentaires n’ont eu aucune incidence sur la conduite des enquêtes du SNEFC ou des conclusions auxquelles elles ont abouti.Note de bas de page 4987 Cependant, un problème de perception peut se poser parce que le SNEFC, en tant qu’organisation interne des FC, est soumise à l’autorité du CEMD. Ainsi, il y a un risque potentiel que les commentaires du CEMD puissent être perçus comme étant faits non seulement au nom de l’organisation des FC faisant l’objet d’une enquête, mais aussi au nom de la force de police interne qui est chargée d’enquêter. Il y a même un risque que ces commentaires soient perçus comme orientant ou influençant les membres du SNEFC qui mènent ces enquêtes.

148. Cela dit, les FC ont le droit d’exposer leurs positions au public au sujet des questions sous enquête.Note de bas de page 4988 Le SNEFC n’est pas responsable des commentaires publics que les FC choisissent de faire. Il n’a pas le pouvoir d’empêcher le haut commandement des FC de faire des commentaires publics. Il ne serait pas non plus raisonnable de s’attendre à ce que de tels commentaires soit interdits au nom de l’indépendance de la police,Note de bas de page 4989 surtout dans un cas comme celui-ci, où les Fynes ont eux-mêmes exprimé publiquement des commentaires et des allégations concernant la conduite des FC et de ses membres, et les FC avaient le droit d’y répondre publiquement.Note de bas de page 4990

149. En fait, si les garanties d’indépendance mises en place continuent de fonctionner de manière appropriée, il faut s’attendre à ce que le haut commandement des FC continue d’émettre périodiquement des commentaires publics sur des questions qui sont sous enquête, parce que le bureau du CEMD ne sera pas au courant de la portée exacte de chaque enquête menée par le SNEFC et pourrait ainsi commenter sur certaines questions sans savoir qu’elles font l’objet d’une enquête.

150. La meilleure façon pour le SNEFC d’atténuer au minimum le risque de faire naître des perceptions négatives lorsque de tels commentaires sont faits par les FC est de s’assurer que sa participation à la coordination des relations publiques avec les FC soit limitée de manière appropriée et que ses messages soient diffusés séparément de ceux des FC. En faisant cela systématiquement, il y aura un moindre risque que les commentaires des FC soient perçus comme étant faits au nom de la force policière, et moins de confusion au sujet du rôle et des perspectives des différentes organisations.

Conclusions sur la coordination des relations publiques

151. La preuve ne permet pas de conclure que le SNEFC a participé aux efforts visant à présenter le point de vue des FC au public. Rien n’indique non plus que les FC ont exercé un contrôle ou une influence sur les messages du SNEFC ou que le SNEFC a modifié ses messages au sujet de ses enquêtes pour servir les intérêts ou la stratégie de relations publiques des FC.

152. Cependant, la coordination qui a eu lieu, l’absence de processus formel pour encadrer les discussions et la façon dont les messages ont été livrés ont tous contribué à engendrer des perceptions préjudiciables au maintien de la confiance du public à l’égard de l’indépendance du SNEFC.

153. Tel que suggéré par le professeur Roach, il serait préférable que les consultations au sujet des relations publiques se déroulent à un niveau supérieur.Note de bas de page 4991 Cela permettrait de s’assurer qu’elles sont plus transparentes et menées par des responsables soumis à l’obligation de rendre compte qui ont une bonne compréhension des exigences liées à l’indépendance de la police.Note de bas de page 4992 Avoir des politiques claires pour encadrer ces questions, au lieu de s’en remettre à une pratique générale qui peut ou non être connue ou appliquée par tous les officiers des affaires publiques des FC, offrirait des garanties plus sûres.Note de bas de page 4993

154. Le SNEFC devrait émettre ses propres messages au public, indépendamment des FC.Note de bas de page 4994 Si le SNEFC prend soin de ne pas parler au nom des Forces canadiennes et veille à ce que les FC ne parlent pas en son nom, il donnera une démonstration claire de son indépendance.

Avis juridiques

155. Dans leur plainte déposée devant la Commission, les Fynes ont expressément fait mention du rôle des conseillers juridiques des FC en alléguant qu’ils avaient contribué à influencer les décisions du SNEFC, notamment au sujet de leurs contacts avec les plaignants.Note de bas de page 4995

156. La question fondamentale soulevée par cette allégation est de savoir si la consultation par le SNEFC de conseillers juridiques qui sont membres des FC et qui relèvent d’une CdC distincte de la police militaire, soulève des problèmes sur le plan de l’indépendance.

157. Comme l’a expliqué le professeur Roach, si des avis juridiques sont obtenus auprès de procureurs de la Couronne militaires ou civils, cela ne soulève aucune inquiétude puisque ces intervenants ont le devoir de soutenir la primauté du droit de façon similaire aux devoirs de la police.Note de bas de page 4996 Si des avis ont été obtenus auprès de conseillers juridiques militaires qui ne sont pas des procureurs de la Couronne ou auprès d’avocats du MJ qui représentent les intérêts du gouvernement, des questions d’indépendance pourraient surgir, selon le contenu de ces avis.Note de bas de page 4997

158. Il y a très peu d’éléments de preuve devant la Commission sur des avis juridiques précis obtenus par le SNEFC au sujet des questions soulevées dans la plainte des Fynes.Note de bas de page 4998 En raison du privilège du secret professionnel de l’avocat, on ne peut savoir quels avis ont été obtenus, et de qui.Note de bas de page 4999 Toutefois, la preuve a démontré que la pratique générale suivie par le SNEFC est d’obtenir des conseils juridiques auprès des procureurs militaires ou du conseiller juridique intégré au SNEFC, qui est aussi membre du bureau du Directeur des poursuites militaires au sein du JAG.Note de bas de page 5000 Rien n’indique qu’il y a eu dérogation à cette pratique dans le cas présent. D’après la preuve disponible, il ne semble pas qu’aucune préoccupation se pose en matière d’indépendance en lien avec les conseils juridiques demandés ou obtenus par le SNEFC.

159. Des questions ont été soulevées au cours de l’audience au sujet de la possibilité que des consultations juridiques inappropriées aient pu avoir lieu. Dans un affidavit déposé devant la Commission, l’enquêteur de l’Ombudsman de la Défense nationale et des forces canadiennes, M. Patrick Martel, a déclaré que des membres du SNEFC ayant participé à l’enquête de 2009 lui avaient dit qu’ils avaient reçu des conseils du lcol King sur certaines questions pertinentes à l’enquête.Note de bas de page 5001 Le lcol King n’est pas membre du service des poursuites.Note de bas de page 5002 Il a participé directement à la prestation de conseils aux FC sur cette affaire à titre de conseiller juridique auprès de la CE et de l’ES et il est intervenu directement pour représenter les FC dans les discussions au sujet d’un litige avec les avocats des Fynes.Note de bas de page 5003 Il avait également été identifié comme suspect potentiel dans l’enquête de 2009.Note de bas de page 5004 Si un avis de sa part avait été obtenu par le SNEFC au cours de l’enquête, cela aurait certainement pu soulever des préoccupations. Toutefois, la preuve établit clairement qu’un tel avis n’a, en fait, jamais été sollicité ou obtenu.Note de bas de page 5005 Il semble que la conviction de M. Martel que de tels contacts avaient eu lieu résulte tout simplement d’un malentendu.Note de bas de page 5006

Impartialité du SNEFC et allégations de partialité systémique

160. Les Fynes croient que les enquêtes du SNEFC étaient biaisées. Ils formulent plusieurs plaintes générales alléguant que les enquêtes visaient à exonérer les FC et à attaquer la réputation du cpl Langridge.Note de bas de page 5007 Ils allèguent aussi de manière plus spécifique que les conclusions de l’enquête de 2008 étaient inexactes et biaisées, et font valoir que les renseignements obtenus au cours de cette enquête n’ont pas été choisis de manière objective et impartiale.Note de bas de page 5008 Ils se plaignent que les membres du SNEFC ont permis que leur enquête initiale soit « entachée » par des rencontres avec des membres des FC avant même de se rendre sur la scène de la mort du cpl Langridge et qu’ils ont fourni des renseignements inexacts au ML sur le statut disciplinaire du cpl Langridge.Note de bas de page 5009 Ils allèguent en outre que des déclarations inexactes ont été faites sur le lieu de résidence du cpl Langridge dans le but d’exonérer la CdC du régiment.Note de bas de page 5010

161. Après avoir étudié un grand nombre de témoignages et de documents, la Commission est convaincue que l’ensemble de ces éléments de preuve ne soutient pas les allégations de partialité de la part des membres du SNEFC ayant participé aux enquêtes. Les lacunes dans les trois enquêtes menées sont décrites en détail ailleurs dans le présent rapport. Ces lacunes sont dues essentiellement à l’inexpérience, à des hypothèses erronées et à une supervision inadéquate.Note de bas de page 5011 Toutefois, la preuve a démontré que les membres du SNEFC ont tous cherché à accomplir leurs tâches au meilleur de leurs capacités. Bien qu’ils n’aient pas toujours réussi, il est clair qu’ils n’avaient aucune intention de dissimuler quoi que ce soit. La Commission n’a trouvé aucune indication à l’effet que l’un ou l’autre des membres du SNEFC ayant participé aux enquêtes ait agi de façon malhonnête ou pour des motifs inappropriés.

162. En outre, la preuve a révélé que plusieurs événements ne se sont pas déroulés comme les Fynes l’avaient cru.

163. Il est clair qu’il n’y a eu aucune rencontre avec des membres du régiment LdSH avant l’arrivée des membres du SNEFC sur les lieux du décès du cpl Langridge.Note de bas de page 5012 Ainsi, il n’y a pas eu d’occasion de contaminer l’enquête comme le prétendent les Fynes.Note de bas de page 5013 Contrairement à la croyance des Fynes, il n’existe aucune preuve que les membres du SNEFC présents sur la scène du décès avaient des idées préconçues au sujet du cpl Langridge, et ils n’ont pas été influencés subséquemment par le point de vue des FC selon lequel le cpl Langridge était un « contrevenant ».Note de bas de page 5014

164. L’information fournie au ML sur le statut possible de contrevenant du cpl Langridge n’était pas non plus une manifestation de partialité de la part des membres du SNEFC. Quand ils sont arrivés à la base après la mort du cpl Langridge, les enquêteurs ont obtenu des renseignements des membres de la PM locale indiquant que le cpl Langridge était peut-être contrevenant,Note de bas de page 5015 et ils ont ensuite discuté de cette information avec l’enquêteur du ML.Note de bas de page 5016 Ils ont indiqué clairement que l’information n’avait pas été confirmée.Note de bas de page 5017 Lorsque l’enquêteur du ML a posé des questions sur la signification du terme « contrevenant », les membres du SNEFC lui ont fourni des explications.Note de bas de page 5018 L’enquêteur du ML a dit dans son témoignage qu’il a interprété cela comme voulant dire que le cpl Langridge avait des problèmes disciplinaires et, par conséquent, il en a fait mention dans son rapport.Note de bas de page 5019 Cela a conduit à une mention dans le certificat du ML indiquant que le cpl Langridge [traduction] « avait des problèmes disciplinaires », ce qui a grandement offensé les Fynes.Note de bas de page 5020

165. Il est très clair, cependant, que cette mention n’était pas le résultat d’une action inappropriée du SNEFC ou de ses membres. Il était tout à fait approprié que les enquêteurs fournissent à l’enquêteur du ML tous les renseignements à leur disposition à ce moment-là. Ils n’ont jamais indiqué que le cpl Langridge avait des problèmes disciplinaires, et ont précisé que l’information à propos du statut de contrevenant du cpl Langridge n’avait pas été confirmée. L’enquêteur principal a ensuite fourni des précisions à l’enquêteur du ML, en indiquant que le cpl Langridge était « libre d’aller et venir » et n’était pas placé sous « garde officielle ».Note de bas de page 5021

166. De même, les membres du SNEFC n’ont pas fait de déclarations inexactes à propos du lieu de résidence du cpl Langridge dans le but d’exonérer la chaîne de commandement du régiment comme le prétendent les Fynes.Note de bas de page 5022 Au cours de sa deuxième rencontre avec les Fynes, le cplc Mitchell a effectivement indiqué, après un examen initial des documents de l’ES, qu’il croyait que le cpl Langridge ne devait résider au bureau de fonction que pour quelques jours après son retour de l’hôpital, jusqu’à ce qu’une chambre puisse être mise à sa disposition dans les casernes.Note de bas de page 5023 Cette information n’était pas exacte. Cependant, il est clair que les déclarations du cplc Mitchell découlent simplement d’un malentendu honnête et n’ont pas été faites avec une intention malveillante ou dans un esprit de partialité.Note de bas de page 5024 Le cplc Mitchell a précisé au cours de cette rencontre qu’il avait l’intention de vérifier les renseignements contenus dans les documents de l’ES et ne s’appuyait pas sur eux pour tirer des conclusions sur le lieu de résidence du cpl Langridge ou sur tout autre aspect.Note de bas de page 5025

167. Mme Fynes a dit dans son témoignage qu’elle croyait qu’il y avait plus de discussions sur la question du lieu de résidence de son fils que ce qu’on trouve dans les enregistrements de l’entrevue déposés en preuve devant la Commission.Note de bas de page 5026 Toutefois, la preuve a réfuté l’allégation à l’effet que les enregistrements de l’entretien avaient été falsifiés ou étaient incomplets.Note de bas de page 5027 Ainsi, la Commission a constaté que la transcription déposée en preuve contenait tous les échanges avec le cplc Mitchell au sujet du lieu de résidence du cpl Langridge. Ces échanges ne révèlent pas de parti pris de la part du cplc Mitchell, ni aucune intention de dénaturer ou de dissimuler des renseignements.

168. De même, l’utilisation d’une ancienne adresse du cpl Langridge dans la section « entités » du fichier d’EG de 2008 n’était pas le résultat d’une quelconque intention d’attaquer la réputation du cpl Langridge ou d’exonérer les FC.Note de bas de page 5028 La preuve a démontré que cette entrée provient de renseignements précédemment entrés dans le système utilisé par la PM.Note de bas de page 5029

169. Il appert que les Fynes avaient des doutes sur l’impartialité du SNEFC depuis le début.Note de bas de page 5030 Ils ne croyaient pas que des membres des FC pouvaient faire enquête objectivement sur d’autres membres des FC.Note de bas de page 5031 Dans certains cas, les approches adoptées par les membres du SNEFC au cours des enquêtes ont peut-être contribué à renforcer ces doutes.

170. Un exemple est la différence apparente dans le ton et l’approche qui ressort des entrevues avec des membres de haut rang du Régiment au cours de l’enquête 2008.Note de bas de page 5032 Pour les entrevues avec des membres de rang inférieur, les témoins été appelés par leur prénom et les entrevues se sont déroulées au détachement du SNEFC et étaient plus longues et plus détaillées.Note de bas de page 5033 En revanche, les entrevues avec le sergent-major régimentaire, l’adjuc Douglas Ross, et avec le médecin-chef par intérim, le Capt Richard Hannah, étaient plus brèves et moins détaillées, les témoins étaient appelés « Monsieur », et les entrevues se sont déroulées dans leur bureau.Note de bas de page 5034

171. Voici d’autres exemples : l’omission apparente des enquêteurs du SNEFC de remettre en question, par une recherche plus poussée, approfondie ou critique, les décisions prises ou les déclarations faites par la CdC du régiment ou, comme l’a dit M. Fynes, la volonté apparente du SNEFC d’accepter [traduction] « des explications superficielles [...] sans autre enquête », malgré des contradictions évidentes;Note de bas de page 5035 la difficulté apparente des membres du SNEFC à comprendre et à étudier la façon dont le régiment a pu faire preuve de négligence dans ce cas;Note de bas de page 5036 l’omission du SNEFC d’obtenir les dossiers médicaux et d’interroger le personnel médical des hôpitaux civils, restreignant ainsi les renseignements disponibles sur l’état du cpl Langridge et les traitements aux seuls dossiers médicaux militaires et opinions du personnel médical militaire;Note de bas de page 5037 la formulation par le SNEFC des conclusions finales de l’enquête de 2008, qui n’étaient pas étayées par la preuve et que les Fynes croyaient être biaisées et [traduction] « révélatrices d’un état d’esprit qui cherchait à soustraire l’armée à ses responsabilités et à faire porter le blâme à la victime »;Note de bas de page 5038 et la modification par les superviseurs du SNEFC du sommaire du dossier de l’enquête de 2008 afin d’en retirer la plupart des mentions ayant trait à l’enquête sur la question de la surveillance en vue de prévenir un suicide, ce qui, selon les allégations des Fynes, démontrait que le SNEFC avait participé à un effort de « dissimulation ».Note de bas de page 5039

172. Ces diverses circonstances pourraient avoir laissé les Fynes avec l’impression que les membres du SNEFC étaient soucieux de maintenir de bonnes relations avec la chaîne de commandement ou de « ne pas faire de vagues », confirmant ainsi la perception initiale des Fynes au sujet de la prédisposition du SNEFC. Cependant, même si ces lacunes dans les enquêtes du SNEFC sont malheureuses et ont été examinées en détail ailleurs dans le présent rapport,Note de bas de page 5040 il n’y a absolument aucune preuve indiquant qu’elles résultent d’un parti pris de la part des enquêteurs.

Conclusion

173. Les allégations de partialité et de manque d’indépendance présentées dans ce dossier ne sont pas étayées par la preuve. La Commission n’a observé aucune tentative de la part des FC ou de ses conseillers juridiques pour influencer la conduite des enquêtes du SNEFC. Le SNEFC était capable de mener des enquêtes indépendantes dans ce cas et il a procédé à de telles enquêtes. Les décisions prises par les membres du SNEFC au sujet de la conduite des enquêtes et les conclusions finales auxquelles ils sont parvenus n’ont pas été influencées par les FC ou les intérêts des FC. Les personnes visées par la plainte ont agi honnêtement et ont tenté de mener des enquêtes impartiales au mieux de leurs capacités. Il n’y a aucune preuve indiquant qu’ils aient jamais pris, ou omis de prendre, une mesure d’enquête dans le but d’exonérer les FC ou d’attaquer la réputation du cpl Langridge.

174. Toutefois, la preuve a également démontré que certains des évènements survenus dans cette affaire ont suscité des préoccupations quant à la capacité du SNEFC de démontrer son indépendance. En particulier, certaines politiques et pratiques en place laissent la porte ouverte à l’exercice d’une influence des FC, ou à des soupçons qu’il en a été ainsi. Afin de continuer à protéger leur indépendance et à favoriser la confiance du public envers la PM, les dirigeants du SNEFC et de la PM doivent trouver des solutions aux problèmes identifiés et s’assurer que les politiques et les pratiques en place leur permettent à la fois d’agir de manière indépendante et d’être perçue comme agissant en toute indépendance.

175. Cette affaire, et en particulier les allégations de partialité et de manque d’indépendance formulées par les Fynes, doivent être considérées comme une mise en garde pour le SNEFC. Étant une force de police interne, il y aura toujours un risque que le SNEFC soit perçu par des plaignants comme étant prédisposé à favoriser les intérêts des FC. Ce risque sera d’autant plus grand lorsque les plaignants présentent des allégations impliquant la CdC des FC ou contestant des positions prises par les FC en tant qu’institution. Le cas échéant, il est probable que les plaignants soient déjà très méfiants à l’égard des FC et de leurs membres, comme c’était le cas des Fynes. Par conséquent, dans le but de gagner la confiance des plaignants, il sera important que le SNEFC procède à des enquêtes rigoureuses pour dissiper tout soupçon de partialité ou de prédisposition en faveur des intérêts des FC.

176. À la lumière de la preuve, il semble que les membres du SNEFC reçoivent une formation et un endoctrinement rigoureux sur la nécessité de mener des enquêtes robustes sur la conduite individuelle de membres des FC, sans égard à leur rang.Note de bas de page 5041 Il ressort de leurs témoignages devant cette Commission et des exemples qu’ils ont fournis que cette éthique semble avoir été profondément inculquée aux membres du SNEFC.Note de bas de page 5042

177. Toutefois, il n’est pas aussi sûr que l’importance de mener une enquête particulièrement rigoureuse lorsque les allégations visent les décisions des FC en tant qu’institution soit aussi profondément inculquée. Afin de s’assurer que des plaignants puissent sans crainte formuler des allégations qui les mettent en opposition avec les FC en tant qu’institution, il importe que le SNEFC soit en mesure de démontrer que de telles allégations seront examinées à fond, et que les décisions officielles des FC feront l’objet d’une remise en question et d’un examen critiques par le SNEFC. À cet égard, on peut certainement dire que les enquêtes menées dans le cas présent auraient pu être plus complètes et rigoureuses.Note de bas de page 5043 Même si ce manquement ne résulte pas d’une partialité ou d’un manque d’indépendance, il a eu pour effet de nourrir encore davantage les soupçons, les inquiétudes et les craintes des Fynes.

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